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Commission des affaires européennes

mardi 7 avril 2015

17 h 30

Compte rendu n° 199

Présidence de M. Christophe Caresche, Vice-président,

I. Examen du rapport d’information sur le plan d’investissement en Europe (« Plan Juncker ») de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

III. Nomination de rapporteurs

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 7 avril 2015

Présidence de M. Christophe Caresche, Vice-président de la commission

La séance est ouverte à 17 h 32

I. Examen du rapport d’information sur le plan d’investissement en Europe (« Plan Juncker ») de MM. Razzy Hammadi et Arnaud Richard

M. Arnaud Richard. « Nous partîmes 8 mais par un prompt renfort nous arrivâmes 315 au port. »

Paraphrasant le Cid nous pourrions ainsi évoquer l’acte phare de la nouvelle Commission européenne : le plan Juncker qui ambitionne, avec un très faible apport de fonds publics (16 milliards d’euros), de dynamiser la croissance européenne par la mobilisation de 315 milliards d’euros d’investissements pour créer à nouveau des anticipations positives des acteurs économiques, conduisant ainsi à une relance de l’investissement, pilier de la croissance.

Nous pouvons dire qu’il était temps. Depuis sept ans l’Union européenne traverse la crise économique la plus grave et la plus longue que le monde ait connue depuis 1929. Les résultats économiques de la zone euro, en termes de croissance, ont été ces trois dernières années les plus mauvais des grands ensembles économiques. L’OCDE comme le FMI qui ont appelé la zone euro et l’Union européenne à engager une politique de relance, se sont heurtés à une opposition forte de la précédente Commission européenne et surtout aux profondes divergences de point de vue entre les États.

Il nous faut regretter que la Commission européenne, comme la Banque centrale européenne (BCE), aient mis autant de temps à réagir et que nos partenaires européens n’aient soutenu les demandes formulées par la France, en particulier pour le premier plan de relance de 2012 – intéressant mais insuffisant en volume – que sous la menace d’un refus de ratification du Traité sur la stabilité et la gouvernance en Europe. De même que la politique de « quantitative easing » de la BCE, mise en place aujourd’hui, aurait dû l’être au plus fort de la crise, ce qui aurait évité bien des difficultés. L’investissement, qu’il soit public ou privé, a été l’une des premières victimes de la crise : à l’échelle de l’Union européenne, il est inférieur de près de 15 % à son niveau d’avant-crise.

Ce phénomène touche les États membres de l’Union dans des proportions très différentes. Dans les États les plus touchés par la crise et le phénomène de fragmentation financière, la situation est particulièrement grave et pose une hypothèque sur le potentiel de croissance à moyen-terme. D’autres États connaissent un déficit d’investissement depuis de longues années. À cela s’ajoute une tendance très longue à la baisse de l’investissement public dans l’Union européenne, dans un contexte d’infrastructures vieillissantes dans certains États membres.

Le recul de l’investissement privé s’explique par le coût élevé du financement bancaire dans certains États (lié au phénomène de « fragmentation financière »), l’incertitude chronique qui a caractérisé ces cinq dernières années et le niveau élevé d’endettement expliquent que l’investissement ait reculé. Ainsi que l’a récemment rappelé le FMI, les reprises économiques sans reprises du crédit, et donc de l’investissement privé, sont un phénomène extrêmement rare. Le raffermissement de l’investissement privé est donc la condition du retour à une croissance forte et durable.

Du côté de l’investissement public, l’accent qui a été mis par la précédente Commission sur la consolidation budgétaire ces dernières années et les réductions des dépenses ont porté de manière disproportionnée sur les dépenses d’investissement.

L’investissement public fait également face à plusieurs nécessités : entretenir et préserver le stock et la qualité du capital productif existant et, dans certains États membres, ramener l’investissement à des niveaux comparables à ceux d’avant-crise ou comparable aux moyennes européennes ; et enfin compenser les investissements publics non-réalisés en raison de la crise exceptionnellement longue que l’Union européenne, et en particulier les pays périphériques, viennent de traverser.

Eurostat souligne le net recul des dépenses d'investissement dans l'Union européenne (UE-28), passées de 2 927,5 milliards d'euros à 2 609, 6 milliards d'euros entre 2008 et 2013, soit une diminution de 10,9 % en valeur .

Il nous semble que l’Histoire jugera sévèrement ce manque de réactivité européenne et pour cela, avec Razzy Hammadi, nous nous référons à notre rapport sur le « Pacte pour la croissance et l’emploi » arrêté par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, du 4 décembre 2012, dans lequel nous soulignions que : « La mise en perspective du Pacte avec les données économiques générales est indispensable : une croissance dynamique en Europe implique de lutter contre la surévaluation de l’euro, de promouvoir l’allongement du calendrier de retour à l’équilibre budgétaire… ».

Les points 4 à 9 des conclusions adoptées alors par notre Commission nous semblent toujours d’actualité avec néanmoins un point nouveau : la BCE n’a pas attendu que les autorités européennes le lui demandent pour engager une politique qui a conduit à une forte baisse de l’euro par rapport au dollar.

Il ne nous paraît pas excessif d’estimer que l’accent mis sur la rigueur par la Commission européenne, avec l’appui de l’Allemagne et des pays nordique a été somme toute une erreur. Comme l’illustre la baisse de l’investissement public. Ainsi, aux côtés de pays où la formation brute de capital fixe des administrations publiques est restée relativement stable tout au long de la période 2008-2013, comme l'Allemagne et la France, d'autres ont vu leur investissement public reculer fortement, à l'instar de l'Italie, de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce.

L’action de la nouvelle Commission européenne, malgré quelques ambiguïtés, a fait naître des espoirs.

Dans sa nouvelle publication sur les perspectives économiques mondiales, l’OCDE insiste sur l’impérieuse nécessité d’alléger le poids de la rigueur en zone euro. A l’appui de sa recommandation, l’organisation internationale évoque le risque que fait peser sur la croissance mondiale une zone euro qui pâtit d’une croissance anémique (le PIB ne devrait croître que de 0,8 % en 2014 et de 1,1 % en 2015), d’un chômage élevé et d’une inflation très basse. Relevant que la zone euro représente un quart de la croissance mondiale, les experts de l’OCDE craignent qu’une stagnation prolongée dans cette partie du monde freine la croissance globale et ait des effets de contagion sur les autres économies avec lesquelles elle est liée sur les plans commerciaux et financiers.

Mais, surtout l’organisation du Château de la Muette estime, que les raisons des mauvaises performances économiques de la zone euro sont essentiellement dues à la faiblesse de la demande, et en particulier de la consommation et de l’investissement. L’OCDE plaide pour une réaction vigoureuse des décideurs publics européens pour stimuler la demande et favoriser une croissance plus forte. Selon elle, cela passe par la mise en œuvre simultanée de politiques budgétaires moins restrictives, d’une politique monétaire de la BCE plus accommodante qu’elle n’est actuellement, avec le lancement d’un véritable programme d’achat massifs d’actifs financiers, et des réformes structurelles plus poussées. Concernant la situation des finances publiques de la France et l’Italie, l’OCDE estime que la faiblesse de la croissance de leurs économies justifierait un report des efforts budgétaires demandés à ces deux pays. Cette prise de position de l’OCDE est intervenue au mois de novembre 2014, au moment où la Commission européenne, sous l’influence de l’Allemagne, exigeait des efforts supplémentaires d’austérité budgétaire de la part de la France et de l’Italie, susceptibles de casser l’amorce de reprise économique dans ces deux pays et, au final d’être contreproductive.

Nous nous félicitons évidemment que la BCE ait engagé une politique qui aide à la relance et nous souhaitons que la Commission européenne considère que la situation de la zone euro est suffisamment fragile, sur le double plan de l’économie et de la politique, avec la montée de l’euroscepticisme, pour s’engager ouvertement dans une politique de relance, car en appuyant simultanément sur l’accélérateur avec le plan Juncker et le frein, avec l’exigence de rigueur budgétaire, nous risquons une forme d’embardée politique.

Mais, malgré les réserves que nous venons d’évoquer nous devons nous féliciter du plan Juncker qui permet à l’Union européenne d’afficher de nouvelles ambitions économiques.

M. Razzi Hammadi. En préambule, je pense que vous allez disposer du document le plus complet sur le « plan Juncker », son contenu et ses limites. Indépendamment du contenu que nous avions déjà examiné avec le pacte de croissance, qui malgré le scepticisme ambiant a généré 180 milliards d’euros d’investissements et non 120 comme initialement prévus.

J’engage également les parlementaires à veiller à la mise à niveau de nos outils juridiques de financement désintermédiés, pour que notre pays puisse pleinement profiter de ce plan de grande ampleur. Mais, le diable si nichant dans les détails et la technocratie bruxelloise s’en mêlant, les procédures deviennent plus complexes…

Le FEIS établit principalement une garantie de l’Union européenne à partir de son budget. Les projets éligibles sont ceux qui, bien qu’ayant une certaine rentabilité, ne trouvent pas de financement à long terme. Le fonds sera progressivement doté par un apport dès 2015 du budget de l’Union européenne qui doit être modifié en ce sens.

Il financera des projets présentant un profil de risque plus élevé, maximisant ainsi l’impact des dépenses publiques et libérant l’investissement privé. Le Fonds sera établi au sein de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui travaillera en partenariat avec Commission.

Le Fonds de garantie de l’Union fournira une réserve de liquidités au budget de l’Union face aux pertes potentielles supportées par le FEIS dans le cadre de son soutien aux projets. Le Fonds sera progressivement doté d’un montant de 8 milliards d’euros d’ici à 2020, grâce à des versements provenant du budget de l’Union. Il est dès lors nécessaire de modifier le budget 2015 de l’Union en créant les nouvelles lignes budgétaires nécessaires et en transférant 1,36 milliard d’euros en crédits d’engagement et 10 millions d’euros en crédits de paiement vers ces nouvelles lignes. L’impact global sur le budget 2015 de l’Union est neutre. Les 10 millions d’euros en crédits de paiement aideront à couvrir les frais administratifs liés à la plateforme européenne de conseil en investissement.

La transposition de la directive concession est une nécessité car beaucoup de crédits seront liés à la mise en œuvre de Partenariat Public-Privé dans un pays où on marche sur la tête – des collèges de Seine-Saint-Denis étant financés en PPP alors que l’arc express, rentable sur 25 ans ne l’est pas.

Je voudrais également revenir sur la gouvernance conçue pour écarter les Etat de la gestion de ce programme. Le projet de règlement soumis au Parlement et au Conseil prévoit actuellement une gouvernance du FEIS à deux niveaux. D’un côté, un Comité directeur (« Steering Board »), auquel appartiendraient la BEI et la Commission et tout autre contributeur au FEIS, qui serait chargé d’établir la politique d’investissement et le profil de risque moyen ; le projet de règlement dispose que le Comité directeur prend ses décisions « par consensus ». De l’autre, un Comité d’investissement (« Investment Committee ») dirigé par un Directeur et son adjoint et constitué de 6 experts « indépendants », sélectionnerait les projets d’investissements ; la décision du Comité sera prise par projet, à la majorité simple.

Lorsque d’autres contributeurs rejoindront le Fonds, le nombre de membres et de votes restera proportionné aux contributions et les décisions seront prises à la majorité simple si aucun consensus ne peut être atteint. Aucune décision ne pourra être adoptée si la Commission ou la BEI s’y opposent.

Un comité d’investissement sera également institué. Celui-ci rendra compte au comité de pilotage. Il examinera séparément chaque projet et décidera lesquels bénéficieront d’une aide au titre du FEIS, sans aucun quota géographique ni sectoriel. Le comité comprendra six experts indépendants et un directeur exécutif, qui sera chargé de la gestion courante du FEIS. Le directeur exécutif et son adjoint seront nommés par le comité de pilotage sur proposition conjointe de la Commission et de la BEI.

Rien n’empêche une grande région ou une agglomération ou une entreprise privée de candidater au Plan Juncker.

Sur ce plan, nous avons noté un souci de gouvernance car si les Etats pilotent la liste des projets candidats, ils ne définissent pas la liste des projets retenus.

Il nous semble qu’il faut clarifier les échéances et les objectifs recherchés. Quelle est la part du plan Juncker consacré à des actions à court ou à moyen terme ? L’objectif n’est pas de se retrouver ici dans cinq ans pour se demander comment recycler les garanties du plan Juncker.

Vous noterez également notre scepticisme sur l’efficacité des garanties pour stimuler la demande de crédits. Une limite que nous voyons également se dresser devant le plan Juncker est l’absence de coordination entre le semestre européen et un tel plan.

Il n’y a ni droit de tirage à la hauteur de la contribution des Etats, ni coordination avec ces derniers et rien ne permet d’assurer que nous aurons une réponse des marchés à hauteur de 240 milliards d’euros. Il y a un mois nous avions d’ailleurs évoqué l’étude d’un grand cabinet qui relevait des effets de levier sensiblement différents selon les pays.

Le nouveau fonds recevra 5 milliards d'euros de la Banque européenne d'investissement (BEI) la garantie d'une contribution de 8 milliards d'euros de fonds européens existants, contribution susceptible d'être élargie jusqu'à 16 milliards, soit un total de 21 milliards d’euros.

La garantie de 8 milliards d'euros sera injectée sur trois ans et proviendra du mécanisme pour l'interconnexion en Europe (3,3 milliards). Rien ne garantit que ces crédits resterons fléchés vers les infrastructures. Par ailleurs la réduction de l’enveloppe du programme –cadre pour la recherche et l’innovation pour financer ce programme de 2,7 milliards nous inquiète, et en particulier les 250 millions de dotation enlevée à ITER.

Quelques questions techniques demeurent :

• Quels types d’experts seront nommés pour choisir les investissements et qui, de la Commission ou de la Banque, présidera ce Comité ? La BEI a déjà une expérience de sélection et de suivi de projets avec des experts indépendants issus du secteur bancaire sur certains programmes d’investissement, y compris au niveau de son Conseil d’administration. Ce profil est peut être préférable à certaines figures publiques pour assurer une compréhension des montages financiers et les disponibilités du marché. Par ailleurs, il parait souhaitable que la BEI soit à la tête de ce Comité compte tenu de sa connaissance des montages.

• Quels seront les liens entre le Comité d’investissement et le Conseil d’administration de la BEI ? Le Comité « ad hoc » du Plan Juncker se reposera très vraisemblablement sur les services de la BEI et sur son propre Comité de direction. Il faut entre les deux établir un lien net, en particulier sur les critères économiques, techniques et environnementaux d’instruction et d’évaluation des projets qui, selon la proposition de règlement, devraient être ceux applicables par la BEI dans ses activités classiques et, en tant que praticien, j’ai pu constater que la BEI pouvait être plus frileuse qu’une banque privée. L’efficacité du Plan Juncker dépendra de la rapidité de réaction de la BEI et donc d’une gouvernance permettant de prendre une position rapide sur chaque proposition d’investissement.

• Quelles seront les procédures associées au choix et au suivi des projets ? Il n’y a aucun contradictoire ou recours. Une meilleure coopération entre la BEI et la Commission telle que celle qui est favorisée par le recours accru aux instruments financiers ne devrait pas être obérée par l’imposition aux promoteurs de projets de lourdes procédures et mesures de contrôle, telles qu’elles existent actuellement, par exemple, pour les instruments financiers de la Commission gérés par la BEI. La Commission européenne devrait, à cet égard, se montrer conciliante.

Le règlement prévoit également la contribution des États et/ou des BPN au FEIS afin d’accroitre son potentiel. La Commission a proposé d’exonérer toute contribution publique des calculs de déficits réalisés par Eurostat. Cette proposition montre une volonté d’ouverture de la Commission et constitue une vraie conquête politique majeure qu’il nous faut mettre en valeur.

Mais également, la Commission européenne doit privilégier la croissance économique sur le retour rapide à l’équilibre budgétaire, impossible à atteindre si certains pays demeurent en récession. Aussi, nous nous félicitons que Pierre Moscovici ait proposé des flexibilités cumulables sur l’interprétation du Pacte de stabilité et de croissance : toute contribution des États au FEIS serait soustraite au calcul de déficit ; toute dépense engagée conjointement avec l’Union dans la construction d’une infrastructure le serait aussi pour les pays dont le déficit est en dessous du seuil de 3 %.

La proposition de conclusions reprend notre présentation.

M. Marc Laffineur. Malgré ce brillant rapport, je suis plein d’inquiétude car les financements nationaux ne s’adressent qu’aux actions conduites dans les Etats et les problèmes de gouvernance sont considérable.

Je suis inquiet également pour le programme ITER et je suis dubitatif sur l’effet du Plan Juncker d’autant que les taux d’intérêts sont faibles.

Mme Estelle Grelier. Merci pour ce rapport. Il faut reconnaître l’évolution des institutions européennes qui reconnaissent que l’investissement est nécessaire. Mais ce plan est la résultante de la négociation politique ayant conduit au choix du Président de la Commission européenne.

Deuxième point, la garantie par le budget de l’Union revient à emprunter pour le budget communautaire. Le coefficient multiplicateur est discuté et il existe un sous-financement de ce plan. Je ne suis pas pour principe très favorable aux PPP. Le vrai sujet proposé par des financements nationaux est celui de l’absence de vision européenne.

Je pense que le Plan Juncker est un bel objet de communication politique et votre rapport renforce ce sentiment.

La liste proposée me paraît manquer de souffle comme cela est souligné dans ce rapport, bien rédigé sur le plan littéraire.

M. Gilles Savary. Je m’associe à ce concert de louanges sur un sujet qui marque un tournant dans la communication de la Commission européenne. Il y a un message très volontariste de Jean-Claude Juncker, même si le message relève de la parabole biblique de la multiplication des pains.

Nous démarrons de très peu d’argent et nous en investissons beaucoup, cela demandera a être évalué en fin de parcours. Il repose au niveau macroéconomique sur les mêmes mécanismes que les « project bonds » au niveau microéconomique or, ces derniers n’ont pas fait de miracles.

Ils consistent à accorder une garantie publique (BEI et Union européenne) à des investissements privés. Je sors de la Commission qui s’est penchée sur les contrats autoroutiers, qu’il me semble très aventureux de vouloir résilier, cela me fait drôle de retrouver ici les mêmes problématiques.

Si cela peut doper d’investissement, tant mieux. Je suis d’accord avec vous pour refuser le principe des vases communicants, en particulier le risque d’assécher les fonds destinés à l’interconnexion pour aller abonder un maigre budget car on retrancherait de l’investissement à l’investissement, cela va ramener de 12,3 milliards à 8 milliards pour la période septennale des crédits déjà insuffisants au moment où la France souhaite bénéficier des montants représentants 50 % de cette enveloppe pour les projets Lyon-Turin et Canal Seine-Nord, il y aura donc des désillusions.

Je suis réservé sur l’opacité ayant présidé à l’élaboration des projets et je serais d’accord pour qu’il y ait une évaluation du premier train français. Cela nous permettrait de tester l’outil, les « projects bonds » ont très mal fonctionné.

Il me semble que nous devrions émettre le vœu de pouvoir assurer le suivi de ces projets à défaut d’y avoir été associés.

Cela m’intéresse de savoir comment on pourra par ces outils financer des infrastructures massives.

M. Christophe Caresche. On peut disserter à l’infini sur les insuffisances de l’investissement en Europe qui, à l’exception de l’an dernier, s’est maintenu en France. La faiblesse se constate surtout en Allemagne et le Plan Juncker a le mérite de rappeler chacun à ses obligations dans une zone où la coordination économique demeure un défi. S’agissant de la France, je trouve que Gilles Savary a raison et qu’il nous faut assurer le suivi des projets et peut-être pourrions-nous vous donner mission de suivre les projets français.

M. Arnaud Richard. Nous étions ennuyés de parler d’ambiguïté sur ce rapport mais nous sommes rassurés par vos réactions. Dominique Riquier au Parlement européen a également relevé cette inquiétude. La première liste adressée par le Gouvernement français, en plus, a été taclée sur la forme comme sur le fond. Il y a un vrai déficit démocratique. L’évaluation des projets serait une bonne chose. J’entends les propos de Gilles Savary sur les embardées financières et pour compléter les propos de Razzy Hammadi, nous aurons à nous pencher sur la transcription de la directive concessions.

M. Razzi Hammadi. Il est important de relever les deux mérites du Plan Juncker : exister et affirmer des options nouvelles. Je propose d’appeler la Commission européenne pour connaître la liste des dossiers retenus. Nous savons que pour la France, la majeure partie des projets n’auraient pas été retenus.

M. Gilles Savary. Il faut exprimer le souhait d’être associés au suivi et à l’évaluation de ces projets, travail peut-être de longue haleine. Le mode de décision est curieux car d’habitude l’Union européenne est transparente. La procédure est inhabituelle.

Mme Estelle Grelier. Je suis d’accord pour assurer un suivi et peut-être faudrait-il auditionner le SGAE.

M. Christophe Caresche. En conséquence, je propose que la commission des Affaires européennes adopte les conclusions proposées par les rapporteurs.

La commission a ensuite adopté à l’unanimité les conclusions suivantes :

La commission des Affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des Régions et à la Banque européenne d'investissement, du 26 novembre 2014, intitulée « Un plan d'investissement pour l'Europe » (COM (2014) 903 final),

Vu les conclusions du Conseil européen du 18 décembre 2014, en particulier les paragraphes 1 et 2,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 13 janvier 2015, sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 (COM (2015) 10 final),

Vu le projet de budget rectificatif no 1 au budget général 2015, du 13 janvier 2015, accompagnant la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques et modifiant les règlements (UE) no 1291/2013 et (UE) no 1316/2013 (COM (2015) 11 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des Régions et à la Banque européenne d'investissement, du 13 janvier 2015, intitulée « Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance » (COM (2015) 12 final),

1. Se félicite que la stratégie de croissance proposée par la Commission européenne propose de renforcer l’investissement en Europe par la mobilisation de ressources publiques et privées susceptibles d’atteindre un montant de 315 milliards d’euros sur trois ans.

2. Partage les sentiments exprimés par la Commission européenne aux termes desquels les investissements doivent être économiquement viables, suffisamment avancés pour pouvoir être évalués, apporter une valeur ajoutée et être conformes aux priorités de l’Union, en particulier en matière d’environnement.

3. Relève qu’au regard de la subsidiarité, ce texte n’appelle pas de réserves particulières.

4. Émet des réserves sur l’affirmation de la Commission européenne selon laquelle ce fonds aura un effet multiplicateur et un impact sur le terrain plus grand qu’une campagne d’investissements conduite par des États isolément. Cette dernière n’est pas étayée par une analyse économique suffisamment solide et semble traduire une volonté de substitution de l’action de l’Union européenne à celle des États membres alors que l’efficacité implique solidarité et coopération entre l’Union européenne et les États membres.

5. S’interroge sur la portée du considérant 15 de la proposition de règlement qui indique que le recours au FEIS est prévu par défaut, c’est-à-dire lorsqu’il est impossible d’obtenir un « financement par le marché à des conditions raisonnables » et craint que cette affirmation ne donne à penser que le FEIS ne soit réservé qu’à des investissements intrinsèquement risqués, rendant ainsi plus difficile les partenariats avec le secteur privé.

6. Souhaite que l’affirmation du considérant 22 de la proposition de règlement, selon laquelle les projets doivent respecter les règles en matière d’aides d’État, soit précisée, car la garantie de la puissance publique est considérée par la jurisprudence de la Cour de Justice comme une aide d’État. Cette affirmation pourrait être de nature à exclure de fait le secteur privé du bénéfice de ce plan, ce qui n’est à l’évidence pas le but recherché. Aussi conviendrait-il de préciser ce point et l’articulation entre l’octroi des garanties du FEIS et la législation relative aux aides d’État.

7. Préconise qu’une priorité forte soit donnée, dans les projets d’investissement soutenus par le plan Juncker, aux investissements participant à la transition énergétique.

8. Souligne que la croissance en Europe dépend également de son environnement et que l’Afrique, avec un taux de croissance moyen de 5 %, et le bassin méditerranéen peuvent être des relais de croissance et suggère d’élargir le champ d’action de la plateforme de conseil à l’extérieur de l’Union européenne. Il serait utile que la plateforme européenne de conseil en investissement, ayant vocation à être un guichet unique pour les questions relatives à l’assistance technique aux investissements, puisse en particulier aider à l’électrification de l’Afrique.

9. N’est pas favorable à la réduction de l’enveloppe du programme –cadre pour la recherche et l’innovation faute de garanties sur le maintien au niveau actuel des fonds affectés à la recherche et à l’innovation (considérant 29 de la proposition de règlement).

10. Souhaite que le droit de veto de la Commission et de la BEI au sein du Comité de pilotage prévu à l’article 3§3 de la proposition de règlement qui est de nature à dissuader la souscription de partenaires aussi, soit encadré et réservé à quelques situations très précises.

11. Préconise que, dès lors que les États sont invités à souscrire à ce fonds, les rapports de la BEI ne soient pas adressés exclusivement à la Commission mais également au Conseil, au Parlement européen et aux gouvernements et aux parlements des États ayant souscrit au FEIS.

12. Souhaite qu’au paragraphe 4 de l’article 11 de la proposition de règlement, soit insérée une disposition indiquant que la Commission peut, sur leur demande, faire rapport aux gouvernements nationaux ayant contribué au FEIS et que le directeur exécutif puisse être auditionné par les parlements nationaux des États ayant souscrit au FEIS. Il est logique que les parlements nationaux puissent contrôler l’usage des fonds qu’ils auront accepté de verser au FEIS.

13. Est défavorable à l’abondement du FEIS par des crédits provenant de fonds destinés à financer des travaux d’interconnexion et d’infrastructures en Europe, ou de la recherche, en particulier le programme ITER.

14. Prend acte que les difficultés d’accès au FEIS proviennent, pour la France, de l’absence de transposition rapide des directives relatives aux concessions. Il appartient aux Pouvoirs publics français de régler rapidement cette question.

15. Décide un suivi parlementaire de l’exécution en France du « plan Juncker ».

II. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø SECURITE ALIMENTAIRE

- Règlement de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d’azoxystrobine, de chlorantraniliprole, de cyantraniliprole, de dicamba, de difénoconazole, de fenpyroximate, de fludioxonil, de glufosinate-ammonium, d’imazapic, d’imazapyr, d’indoxacarbe, d’isoxaflutole, de mandipropamide, de penthiopyrade, de propiconazole, de pyriméthanil, de spirotétramate et de trinéxapac présents dans ou sur certains produits (D036785/02 – E 10150).

Ø TRANSPORTS

- Règlement de la Commission modifiant le règlement (UE) no 965/2012 en ce qui concerne l'exploitation par les transporteurs aériens de l’Union d'aéronefs immatriculés dans un pays tiers (D034513/02 – E 10155).

Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d’ajustement à la mondialisation), celle-ci a pris acte tacitement des documents suivants :

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Projet de décision des représentants des gouvernements des États membres portant nomination de juges et d'avocats généraux à la Cour de justice (7062/15 – E 10134).

III. Nomination de rapporteurs

Sur proposition du Président Christophe Caresche, la commission a nommé rapporteur :

– MM. Joaquim Pueyo et Hervé Gaymard, sur l’évaluation des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne.

La séance est levée à 18 h 30

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 7 avril 2015 à 17 h 32

Présents. - Mme Isabelle Bruneau, M. Christophe Caresche, Mme Sandrine Doucet, M. William Dumas, Mme Estelle Grelier, M. Razzy Hammadi, M. Marc Laffineur, M. Arnaud Richard, M. Gilles Savary

Excusés. - Mme Danielle Auroi, M. Bernard Deflesselles, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin