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Commission des affaires européennes

mardi 9 juin 2015

17 heures

Compte rendu n° 215

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente, et de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la Commission des affaires économiques

I. Audition de Mme Axelle Lemaire, Secrétaire d'État chargée du Numérique, sur le Conseil des ministres « Télécommunications » du 12 juin 2015, conjointe avec la commission des Affaires économiques

II. Communication de Mme Audrey Linkenheld sur la proposition de directive relative au secret d’affaires (COM(2013) 813 final – E 8922)

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 9 juin 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission des affaires européennes, et de Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la Commission des affaires économiques

La séance est ouverte à 17 heures

I. Audition de Mme Axelle Lemaire, Secrétaire d'État chargée du Numérique, sur le Conseil des ministres « Télécommunications » du 12 juin 2015, conjointe avec la commission des Affaires économiques

La Présidente Danielle Auroi. Nous accueillons Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, pour une audition sur la stratégie numérique pour l’Europe, qui s’affirme comme l’une des grandes priorités de la mandature de la Commission Juncker.

L’ordre du jour du Conseil des ministres « Télécommunications » du 12 juin 2015 consacré à ce sujet est très riche, tout comme l’actualité.

Je voudrais revenir sur la poursuite de l’examen de la proposition de règlement pour un marché unique européen des télécommunications. Où en sommes-nous sur ce point ? Les trilogues successifs ont rencontré des difficultés et le Parlement européen ne semble toujours pas réconcilié avec le Conseil : le débat a-t-il avancé ?

Quels sont les points restant en discussion, sachant que les fournisseurs d’accès ont la possibilité d’offrir des débits différenciés en vertu d’une offre de services spécialisés appelée services d’exception ? Une définition de la neutralité du net plus proche de celle défendue par le Parlement européen ou les associations nous paraît intéressante. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant de la disparition des frais d’itinérance, pourriez-vous revenir sur la distinction entre le marché de gros, qui concerne les opérateurs, et le marché de détail, qui touche plus spécifiquement les usagers ?

Par ailleurs, le Conseil du 12 juin sera l’occasion d’une présentation par la Commission européenne de sa nouvelle stratégie pour le marché unique numérique en Europe. Nous savons à quel point, madame la ministre, vous êtes engagée sur ce point. Cette stratégie comporte treize piliers et seize initiatives, qui couvrent des mesures dans des domaines aussi variés que la livraison, le droit d’auteur européen, le cadre réglementaire des télécommunications, le renforcement de la confiance et de la sécurité et la prévention du géoblocage. Quel calendrier peut-on espérer pour l’adoption de cette stratégie par les États membres et pour les initiatives proposées ? Ce texte vous semble-t-il aller assez loin pour promouvoir l’innovation numérique en Europe, que vous défendez avec ferveur ?

Mme Frédérique Massat, présidente. Le numérique nous préoccupe au plus haut point au sein de la Commission des affaires économiques. Il est au cœur de l’actualité.

Au-delà des questions qui viennent d’être posées, qu’en est-il de la régulation des plateformes et des emplois que ces nouvelles stratégies pourraient créer sur le territoire ? Qu’en est-il aussi de l’itinérance, sur laquelle nos concitoyens sont très mobilisés ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Merci de votre accueil. Je crois que ce travail commun de vos deux commissions est très important. Nous attendons beaucoup de l’Europe, pour que notre continent soit en mesure de créer de la croissance et de l’emploi dans ce secteur très prometteur.

Au sujet du Conseil du 12 juin, je rappelle qu’il y a un an, le paquet « Télécommunications » proposé par la Commission européenne couvrait quatre sujets : l’itinérance mobile, la neutralité du net, l’harmonisation européenne des fréquences et les droits des consommateurs.

Or j’ai constaté que nous étions peu susceptibles de parvenir à un accord sur l’ensemble de ces sujets, tant les positions des États membres comme du Parlement européen et de la Commission étaient divergentes, et que l’Europe a été trop longtemps la « belle endormie » dans ce domaine. Si elle ouvre un œil en ce moment, j’aimerais qu’elle se réveille définitivement.

Pour cela, il faut sans doute sortir du seul sujet de la régulation du secteur des télécommunications et conclure rapidement des accords sur ce point pour s’interroger sur le véritable enjeu du numérique en Europe, qui est l’industrie, source de créations d’emplois dans les territoires.

J’ai donc demandé que l’on concentre les questions sur deux thèmes où des accords étaient possibles – l’itinérance mobile et la neutralité du net – et que la position du Gouvernement ne soit plus de blocage. Le fait de s’opposer aux propositions de la Commission ou d’autres États membres conduisait à ne rien décider en occupant la Commission à des travaux sans fin. Nous sommes devenus un véritable intermédiaire, afin de trouver une position consensuelle entre les différents partenaires de la négociation.

Depuis une rencontre des représentants des gouvernements avec le commissaire Oettinger en janvier dernier à Bruxelles, la Présidence lettonne a eu la charge de continuer à travailler sur ces deux sujets en vue de parvenir à un accord à la fin de son mandat.

Mais je doute que le Conseil du 12 juin soit décisionnel et permette d’acter une position commune des États membres. Les Lettons, comme la Présidence italienne avant eux, ont mis en place un trilogue qui a permis d’avancer, mais l’accord n’est pas encore abouti. Il l’est davantage sur l’itinérance mobile – ou « roaming » –, où on est près du but, que sur la neutralité du net.

Sur l’itinérance mobile, la proposition du Conseil doit permettre d’aboutir à court terme à une baisse très forte des tarifs de consommation lorsqu’on se trouve en dehors de son État national, au sein de l’Union européenne, puisque le coût d’une heure d’appel devrait être divisé par quatre, passant d’environ 15 euros à 3,5 ou 4 euros, sur une période transitoire qui reste à définir, entre juin 2016 et juin 2018. Alors que le Parlement européen demande à ce que la fin de cette itinérance arrive le plus rapidement possible, les États membres essaient de reculer cette date pour s’assurer que la négociation sur les tarifs de gros, qui doit intervenir en même temps que la baisse des tarifs de détail, puisse se faire de façon progressive. Le Conseil réclame une échéance entre juin et décembre 2018, la France étant plutôt sur cette ligne, sachant qu’on pourra réviser le calendrier si c’est nécessaire pour trouver un accord avec le Parlement européen.

La gratuité sera accordée pour les cinquante premières minutes, ce nombre pouvant augmenter. Mais, dans l’état actuel du texte, cela concerne 80 % des usages des voyageurs occasionnels, lesquels représentent 15 à 20 % de la population européenne.

Les 20 % restants, composés d’hommes et femmes d’affaires, seront couverts après la période transitoire par l’accord en cours de négociation, permettant d’être en itinérance mobile entre un et deux mois par an, soit au-delà de la moyenne des consommations actuelles. Cela devrait satisfaire 100 % des besoins et signifie qu’on pourra utiliser son téléphone portable à l’étranger de la même façon qu’à la maison.

La question en suspens est de savoir comment définir la consommation de l’utilisateur. Sera-ce de façon individuelle, selon les factures mensuelles, ce qui implique un travail des opérateurs, générateur de frais et de lourdeur importante de gestion ? Ou la Commission pourrait-elle établir des moyennes ? Dans les deux cas, il y a un risque d’usine à gaz : il faut donc affiner la solution. L’adoption d’un accord, que nous souhaitons fortement, permettra de clore ce chapitre, qui a beaucoup duré, la politique numérique de l’Union européenne ne pouvant se limiter à ce sujet.

S’agissant de la neutralité du net, se pose la question de savoir s’il faut distinguer ce sujet de l’itinérance. Cela permettrait de clore le débat sur celle-ci et de demander à la Commission européenne de refaire une proposition législative sur cette neutralité, qui exigerait en fait de repartir de zéro. Mais cette stratégie risque de prolonger éternellement les débats sur ce dernier sujet.

Je rappelle qu’on n’a toujours pas la position du Parlement européen à cet égard ; il est très divisé, sachant que les divisions existent au sein même de chacun des groupes politiques. L’affirmation de ce principe de neutralité par l’Europe me paraît nécessaire, dans la mesure surtout où les États-Unis y ont souscrit, dans des conditions bien plus libérales que ne le décrivent certains américanophiles. Le régulateur américain, la FCC, s’est contenté d’exprimer qu’il fallait un internet ouvert et qu’il avait compétence pour s’intéresser à la question – ce qui est le cas depuis vingt ans en France. En réalité, la décision de la FCC ne se prononce aucunement sur la régulation des services spécialisés par exemple. Il faut donc arrêter de citer l’exemple américain pour expliquer que l’Europe ne fait rien au sujet de cette neutralité. On n’a pas attendu cette décision pour faire quelque chose et l’état actuel de la réglementation en France comme en Europe est beaucoup plus avancé.

Reste qu’il est important politiquement que l’Europe affirme sa position sur ce sujet. D’abord, du point de vue des libertés publiques, pour permettre un égal accès au contenu de l’information, qui ne saurait être privatisée. D’autre part, pour s’assurer d’une grande offre de choix, qui permet de garder des prix bas, de préserver le droit des consommateurs ainsi qu’une concurrence transparente, libre et ouverte.

On attend de notre pays qu’il trouve un compromis entre les États qui voudraient définir précisément cette neutralité – comme la Slovénie, les Pays-Bas et la Pologne, l’Allemagne n’étant plus sur cette ligne – et ceux qui s’y refusent – le Royaume-Uni, la Suède, la Grèce, Chypre et la Croatie –, sachant que, pour les autres, ce ne sera pas un cheval de bataille. Le Gouvernement demande qu’on avance vite. Le texte proposé par la Commission parle d’un internet ouvert, ce qui revient au même que de parler de neutralité. Si, pour rassurer, il faut employer ce terme, faisons-le, mais je doute que nous parvenions à un accord sur ce point, qu’il faudra continuer à négocier. En tout cas, à ce stade, le principe de l’accès à un internet ouvert est acquis. Il en est de même des possibilités de gestion de trafics limités à quelques cas précis, notamment la congestion imminente et la sécurité, ou de l’existence de services spécialisés, qui est strictement encadrée. Ceux-ci, qui permettent des innovations extraordinaires, qu’il est important de ne pas freiner, ne doivent pas dégrader la qualité d’internet, ni discriminer les contenus ou faire l’objet d’abus de la part des opérateurs de télécommunications.

Dans la manière dont le droit français appliquera le règlement européen, on peut penser que le pouvoir de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) serait renforcé, notamment en matière de sanctions, pour s’assurer que ces opérateurs respectent bien leurs obligations.

Cela étant, il faut vite tourner la page car la Commission européenne a publié sa stratégie numérique le 6 mai dernier. C’est la première fois qu’une telle ambition est placée au niveau européen. Le Gouvernement se satisfait de ce document, qui a intégré beaucoup de ses demandes, souvent défendues avec nos amis allemands – tout en estimant qu’il ne va pas assez loin.

Cette stratégie tourne autour de trois sujets : le marché unique du numérique – le « digital single market » (DSM) – ; la régulation ; l’innovation, les écosystèmes de start-ups et la transition numérique de toute l’industrie et du tissu économique. On aurait préféré que cet ordre soit inversé, sachant que cela fait quinze ans qu’on parle du marché unique et que l’harmonisation est un travail de longue haleine, présentant au surplus le risque d’un nivellement par le bas, notamment en droit de la consommation et des contrats. Nous sommes d’accord avec cette idée phare de la Commission de créer un contrat de vente européen harmonisé à condition que cela ne se traduise pas par un abaissement des niveaux de protection actuels des consommateurs.

Nous sommes en revanche très favorables à la simplification du régime de TVA. L’Europe a agi ainsi pour les biens immatériels et va le faire pour les biens matériels. Cela veut dire que tout ce qui sera acheté en ligne sera imposé, pour la TVA, sur le lieu de l’acheteur, ce qui devrait largement simplifier le commerce électronique en Europe. Mais cela aurait pu être défini il y a quinze ans : quand on parle de services postaux, du géoblocage ou du droit des contrats, on a l’impression qu’on n’a pas avancé assez vite.

Concernant l’environnement réglementaire, la protection des données personnelles est un sujet essentiel. Lundi prochain, aura lieu le Conseil Justice et affaires intérieures (JAI), qui devrait acter un accord sur le projet de règlement sur ce sujet. Il est essentiel d’avoir une protection harmonisée en la matière. La France a été très active sur ce sujet. Dans les dernières négociations, elle a tenu compte de certaines demandes et réclamé par exemple que nos concitoyens aient un droit d’opposition lorsque sont utilisées des données sous pseudonyme, un droit à l’oubli pour les mineurs, ou le fait que des règles nationales puissent régir les données des personnes décédées. Mais il faut encore convaincre sur le droit à l’autodétermination informationnelle – le droit des plateformes – ou sur la question des recours collectifs en cas de violation de la législation sur les données personnelles. Nous souhaiterions aussi que ce règlement soit considéré comme une loi de police car, s’il entre dans le domaine de l’ordre public, il sera applicable à toutes les entreprises, y compris les entreprises extracommunautaires : il s’agit d’un enjeu fondamental pour que la vision européenne, qui est plus protectrice des données personnelles que partout ailleurs dans le monde, prévale.

S’agissant de l’industrie, l’enjeu de transformation numérique est présent dans la stratégie numérique, même si c’est de façon insuffisante. On voudrait que l’accent soit mis sur l’innovation, l’émergence de filières stratégiques dans le big data – ou mégadonnées –, la cybersécurité ou le cloud computing. On prêche donc pour une relance de la croissance par l’investissement dans ce secteur. Le plan Juncker constitue un début de réponse à cet égard, qui permet de mettre en valeur des projets, sachant que plus de 40 % des projets proposés par la France ont une dimension numérique. Nous allons continuer à faire beaucoup de pédagogie à l’égard de nos partenaires pour réussir à convaincre.

Mme Isabelle Bruneau. Merci de votre présentation.

M. Juncker a érigé en effet en juillet 2014 comme priorité un nouvel élan pour l’Europe et la constitution d’un marché unique numérique connecté. Mais ce marché va s’accompagner d’une modification substantielle des réglementations des États et d’une harmonisation fiscale, voire des législations protégeant la confidentialité des données personnelles. Le Conseil des ministres du 12 juin devrait apporter à cet égard des réponses.

Quelle est la position de la France concernant les disparités des régimes de TVA entre États vis-à-vis des entreprises réalisant du commerce électronique transfrontalier ? Peut-on envisager à moyen terme que les recettes de la TVA reviennent in fine à l’État membre du consommateur ?

Par ailleurs, ce marché unique remettra-t-il en question notre législation protectrice – je pense notamment aux données personnelles dans le domaine médical et à la protection des patients atteints de maladies orphelines ?

Enfin, dans la communication de la Commission du 6 mai relative à la stratégie pour un marché unique numérique, il est question d’un réexamen en 2016 de la directive vie privée et communications électroniques ainsi que de la mise en place d’un partenariat public-privé (PPP) contractuel sur la cybersécurité à la même échéance. Avez-vous des informations sur ce sujet ? La nécessité de l’un entraîne-t-elle la justification de l’autre ?

M. Lionel Tardy. Quel est le rôle des intermédiaires en ligne sur les œuvres protégées par le droit d’auteur ? Quelles sont les pistes envisagées sur ce point et la position de la France ?

Qu’en est-il de la révision de la réglementation européenne sur les télécommunications et des critères communs qu’il est prévu d’instaurer pour assigner les fréquences du spectre radioélectrique ? Quels critères peuvent entrer en jeu, sachant qu’en France, l’attribution se fait à la discrétion du Gouvernement ?

S’agissant des plateformes en ligne, si leur rôle est débattu par la Commission européenne, les rapporteurs du projet de loi Macron ont déposé un amendement à cet égard. Le Gouvernement disait pourtant qu’une réflexion était en cours en vue d’une inclusion éventuelle dans le projet de loi sur le numérique. Quelle est votre position à ce sujet et comment allez-vous concilier les calendriers ?

M. Thierry Benoit. Je salue et partage votre volontarisme, madame la ministre.

Mais je m’étonne qu’il n’y ait pas une volonté beaucoup plus affirmée envers le monde économique et les entreprises.

En France, la transposition des directives européennes se traduit par un accès au numérique, notamment au très haut débit, de façon très disparate dans les territoires. Les opérateurs ont pu répondre aux appels à manifestation d’intentions d’investissement, selon que l’on se situe dans un secteur dense, où la concurrence joue pleinement, dans un secteur moyennement dense, ayant fait l’objet d’appels à manifestations d’intentions d’investissement, ou dans un secteur peu dense, où il appartient à la sphère publique d’intervenir. Les entreprises doivent donc faire face à des coûts de raccordement très différents selon les cas. Il en résulte que leur numérisation varie fortement selon la zone où elles sont implantées. Quelle est votre stratégie pour que l’ARCEP puisse fixer un cadre souple, permettant l’accès au très haut débit dans les meilleures conditions, y compris dans les territoires périphériques et ruraux ?

Enfin, vous allez labelliser 50 fabriques du numérique. Quels sont les critères d’éligibilité et le calendrier retenus ?

Mme Jeanine Dubié. Merci, madame la ministre, pour votre exposé.

L’accès à internet est un enjeu primordial, autant pour les entreprises que pour les services publics et les citoyens. Mais il existe des obstacles pour ces derniers, notamment ceux des territoires ruraux et de montagne, qui restent souvent isolés et privés des moyens de communication numérique Quelle stratégie allez-vous mettre en œuvre pour garantir le développement de l’économie numérique dans ces territoires, notamment s’agissant du financement d’infrastructures de très haut débit ?

De plus, les données de la Commission européenne de 2014 montrent que si les utilisateurs de l’internet sont de plus en plus nombreux, la moitié de la population ne possède pas de compétence numérique suffisante. Que prévoit le plan d’action européen pour garantir l’apprentissage d’un savoir numérique à tous les citoyens ?

La Commission européenne indique en outre que le marché du numérique pourrait générer jusqu’à 340 milliards d’euros de croissance supplémentaire et créer des centaines de milliers d’emplois. De quels types d’emplois s’agit-il ? Ces créations toucheront-elles l’ensemble du territoire ? Comment comptez-vous en assurer la répartition ?

Par ailleurs, le processus d’uniformisation remettra-t-il en cause les droits de propriété intellectuelle des PME et des TPE ? Quelles garanties prévoyez-vous pour protéger les entreprises ?

Enfin, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) prévoit de mettre en place un grand marché unique entre l’Europe et les États-Unis : comment le plan d’action européen s’articulera-t-il avec les négociations en cours à ce sujet et quelles sont les frontières précises de cet accord en matière de numérique ?

M. Hervé Pellois. Vous avez déclaré que le futur projet de loi sur le numérique comportera des dispositions tendant à encadrer les services de partage, qui reposent sur des relations entre particuliers, encore faiblement protégées par le code de la consommation. Mais, compte tenu de l’essor de ces services en Europe, ne serait-il pas judicieux d’intégrer l’économie de partage dans la stratégie pour un marché unique du numérique ? La France, reconnue pour son vivier d’acteurs dynamiques dans ce secteur, ne pourrait-elle pas contribuer à la mise en place d’une protection européenne en la matière ?

Lors du sommet de Riga sur le marché unique numérique multilingue qui s’est tenu le mois dernier, plusieurs personnalités se sont inquiétées de l’apparition éventuelle d’un blocage linguistique. La France, qui s’est enfin engagée à ratifier la charte européenne des langues régionales, entend-elle prendre position en faveur de la défense de l’héritage linguistique européen dans ce contexte du marché unique du numérique ?

Mme Sophie Rohfritsch. Avant de concrétiser les ambitions affichées, il faut que chaque pays membre puisse adosser son discours sur un réel accès aux réseaux pour les usagers, d’autant qu’on peut véritablement parler d’une fracture numérique en France. M. Juncker avait proposé, dans son plan de relance l’an dernier, d’inscrire des projets nationaux au titre des investissements : alors que les 32 projets français ont été rejetés, avez-vous l’intention d’en proposer de nouveaux ? Pourrons-nous bénéficier des outils mis à disposition par l’Europe pour nous permettre de contribuer à ce marché unique à notre juste niveau ?

Mme Marie-Lou Marcel. Où en est-on des propositions en termes d’accessibilité des sites internet du secteur public pour les personnes handicapées ? Y a-t-il des avancées dans ce domaine ?

M. Michel Piron. L’argument invoqué pour ne pas séparer l’itinérance et la neutralité du net n’est-il pas réversible, le premier sujet pouvant être réglé immédiatement si on mettait à part le second ?

Quels sont les principaux arguments des pays pour et des pays contre une définition précise de la neutralité du net ?

En outre, s’agissant d’un internet ouvert, jusqu’où irait cette ouverture ?

Enfin, faire passer l’industrialisation avant les règles ne risque-t-il pas de créer un certain désordre qui peut ensuite avoir du mal à être régulé ?

Mme Audrey Linkenheld. L’Usine nouvelle titrait il y a quelques jours que la transformation numérique des entreprises était enfin engagée. Elle indiquait aussi que 72 % des entreprises ne se sentaient pas menacées par les nouveaux acteurs issus du numérique, ce qui laisse penser que leur transformation n’est pas totalement engagée ou que certaines n’ont pas encore pris la mesure de la menace pesant sur elles. Quelles précisions pouvez-vous apporter sur le plan conjoint d’Emmanuel Macron et Sigmar Gabriel sur l’industrie du futur à cet égard ? Comment inscrit-on le marché du numérique dans nos territoires et une industrie porteuse de richesse et d’emplois en Europe ?

M. Philip Cordery. S’agissant de l’accord sur l’itinérance mobile, quelles dispositions peuvent être prises au sujet des près de 300 000 Français travaillant à l’étranger et habitant dans les zones frontalières – et, au-delà, concernant les millions d’Européens vivant près de la frontière et allant tous les jours faire des courses ou voir de la famille à l’étranger –, qui sont les premiers à souffrir de tarifs élevés ? Ne peut-il y avoir un accord entre les opérateurs pour étendre leur portabilité à 30 ou 40 kilomètres de la frontière ?

Lors du Conseil du 12 juin, allez-vous discuter aussi du contenu du plan Juncker et des projets qui seront financés dans ce cadre ?

M. Jean-Pierre Le Roch. Des ministres de l’Union européenne proposent d’interdire les pratiques de certains géants des télécommunications visant à décider souverainement du contenu que les consommateurs peuvent voir en ligne en fonction de leur emplacement géographique – pratique connue sous le nom de géoblocage. La Commission a ainsi annoncé qu’elle élaborait un ensemble de règles autour de la visualisation du contenu numérique, l’idée étant de faire en sorte que les services en ligne soient disponibles avec un même contenu à travers l’Europe. Cette proposition remettra-t-elle en cause le principe de territorialité des droits d’auteur ?

Mme la secrétaire d’État. Merci pour toutes ces questions pertinentes, qui montrent que la transformation numérique est ancrée dans la conscience des élus et qu’on est sorti du seul volet de l’accès au numérique, qui est fondamental mais ne constitue pas le seul enjeu.

Le projet de proposition législative de la Commission sur une TVA dans le commerce électronique tend à faire appliquer la loi du pays du consommateur, comme pour les biens immatériels, ce qui induit un renversement de la manière d’appréhender la question. On voit bien que dans le numérique, ce sont les usagers qui créent la valeur : il est donc logique d’appliquer le droit du pays du domicile.

Sur les données personnelles, il faut de fait veiller à conserver un niveau élevé de protection. Il ne faudrait pas que la renégociation de la directive sur la confidentialité des communications soit un prétexte pour revenir sur l’accord qui sera trouvé dans le cadre du règlement sur la protection des données. Le Gouvernement y veillera. L’objectif de cette directive est d’harmoniser les conditions entre les opérateurs des télécommunications et les services en ligne. Il faudra naturellement être vigilant à l’égard des données sensibles, comme les données de santé, de sécurité ou relatives aux enfants scolarisés.

Monsieur Tardy, il n’y a pas de remise en cause du régime de l’hébergeur.

De même, sur les fréquences, nous souhaitons avancer très prudemment, dans la mesure où chaque État suit un calendrier d’attribution de ses bandes de fréquences distinct. L’Allemagne travaille par exemple sur celle de la bande de fréquences 700 mégahertz, la France fera de même un an plus tard. On tend bien vers l’harmonisation, mais nous ne pensons pas qu’il faut en faire une obligation calendaire, car il y a d’autres sujets plus urgents.

S’agissant des plateformes, j’ai toujours considéré qu’il ne fallait pas agir dans l’urgence. Non seulement elles ont un rôle dominant mais elles sont aussi capables d’imposer des flux de données pouvant avoir un impact sur la liberté d’information. Elles sont si importantes que ce n’est pas au détour d’un amendement qu’on peut traiter de la totalité du sujet, qui mérite un débat parlementaire approfondi. Le Gouvernement a décidé d’endosser cette vision que je défends depuis le début, laquelle est conforme à notre méthode de discussion, y compris avec les acteurs industriels concernés. Si nous avons lancé une concertation nationale en ligne qui a duré pendant des mois pour recueillir plus de 4 000 contributions en vue d’élaborer une stratégie nationale qui sera publiée et annoncée par le Premier ministre le 18 juin prochain – dont certains éléments doivent être traduits dans un projet de loi sur le numérique –, ce n’est pas pour court-circuiter ce travail de long terme élaboré avec l’ensemble des parties prenantes.

On peut en effet regretter que, dans la stratégie numérique publiée par la Commission européenne, il soit peu fait mention de l’importance du volet éducatif, même s’il y a certains renvois à la formation professionnelle et à l’utilité de former aux nouveaux métiers du numérique. Cela s’explique par le fonctionnement de cette instance : sont chargés du numérique essentiellement le vice-président Ansip, qui traite principalement du marché unique et a créé un groupe de travail sur le sujet, composé de onze commissaires, et le commissaire Oettinger, en charge du numérique. Mais cela n’a pas empêché le Gouvernement d’avancer : le Président de la République a fait des annonces très importantes il y a quelques semaines en présentant le plan du numérique pour l’école, qui est un facteur d’égalité et d’émancipation pour les enseignants comme pour les élèves. Ce plan est axé sur la formation des enseignants, la diffusion des outils pédagogiques innovants par le numérique, ainsi que sur l’équipement, en laissant sur ce point le choix aux collectivités locales et aux établissements scolaires.

Quant aux emplois créés dans ce secteur, ils concernent les développeurs et les scientifiques de la donnée – sans parler de tous ceux que l’on ne connaît pas encore. Reste que notre offre de formation doit être en mesure d’évoluer plus rapidement. Le processus de certification des diplômes est à cet égard trop long et complexe, ce qui tend à faire émerger une offre privée pouvant exclure une certaine catégorie d’apprenants au détriment du secteur public, qui doit s’affirmer. D’excellentes initiatives existent, mais doivent être plus largement généralisées, notamment pour que les universités soient plus présentes dans la formation professionnelle – sujet sur lequel travaille la ministre chargée de l’éducation.

Au sujet du droit de propriété intellectuelle des PME, le projet de loi sur le numérique contiendra, en tout cas pour les start-ups, des dispositions relatives aux missions de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), pour les élargir à l’accompagnement des entreprises innovantes et permettre de proposer des outils de dépôt de brevet plus simples, accessibles et rapides.

Vous avez raison : le numérique pourrait être très présent dans le TTIP. Mais le Gouvernement demande que la question des données personnelles en soit exclue et que le règlement européen en cours de négociation sur ce sujet soit le cadre applicable. Nous souhaitons d’ailleurs que l’adoption de ce règlement soit conditionnée à la renégociation de l’accord de Safe Harbour – ou « Sphère de sécurité » –, qui introduit potentiellement un moins-disant dans le niveau de protection des données personnelles pour les consommateurs des entreprises européennes aux États-Unis.

Par ailleurs, face à un domaine évoluant en permanence et où il n’y a pas de traité international ou de jurisprudence établie, je trouve délicat de confier à des arbitres le pouvoir de juger de contentieux pouvant diviser des États et des investisseurs privés. Le Gouvernement demande une transparence sur les négociations concernant les tribunaux arbitraux et a fait des propositions fortes, contre l’avis de la majorité des États membres, pour que soit créée une cour permanente d’arbitrage, permettant de définir une jurisprudence stable.

Monsieur Pellois, le Gouvernement a demandé à ce que l’économie collaborative figure dans la stratégie numérique de l’Union européenne. La régulation doit encadrer des pratiques potentiellement abusives lorsque le droit des consommateurs ou le droit social ne sont pas respectés. C’est le cas de celles d’UberPop, qui continue à développer ses services dans les villes de France en violation de la loi. Si cette entreprise est bienvenue en France, cela ne doit pas se faire au détriment de ces droits.

Par ailleurs, l’harmonisation ne doit pas faire fi de la diversité culturelle. Cela continue à être un grand combat du Gouvernement : nous avons réussi à faire exclure ce sujet des négociations sur le TTIP. Il est hors de question de prôner l’harmonisation par le commerce électronique dans le cadre d’un marché unique au détriment de la promotion de la langue française.

Madame Rohfritsch, le Gouvernement a mis en place le plan France très haut débit. Notre pays est aujourd’hui dans la moyenne. Reste que le niveau d’insatisfaction de nos concitoyens est élevé et qu’il y a urgence à agir pour répondre à leurs attentes en matière de couverture mobile comme de réseaux fixes. Le niveau d’investissement public et privé en cours donnera à la France cinq à dix ans d’avance d’ici 2022. Nous pourrons continuer à recourir au Fonds européen de développement économique et régional (FEDER) pour développer le numérique dans les territoires – notamment dans les zones de réseaux d’initiative publique (RIP) – grâce aux collectivités locales. Le Gouvernement l’a en effet demandé il y a un an. Nous utilisons aussi la Banque européenne d’investissement (BEI) pour cofinancer des projets de déploiement du numérique dans les territoires, comme le projet du Nord, qui est le plus ambitieux du pays budgétairement – on parle de 800 millions d’euros d’investissement.

S’agissant de l’accessibilité des sites web, il y a malheureusement un écart entre le droit et la pratique. Si le droit rend obligatoire cette accessibilité pour les sites internet des administrations publiques en France et en Europe, seuls 5 % d’entre eux sont accessibles à des personnes handicapées – malentendantes ou malvoyantes notamment. Face à cela, le Gouvernement agit plus qu’aucun autre auparavant. Nous allons publier ce mois-ci le nouveau référentiel à destination des administrations publiques, élaboré avec leurs informaticiens, mais aussi avec des associations, pour répondre à la demande de ces personnes. Il faut savoir manier la carotte et le bâton, la première pour accompagner la transition des administrations, qui induit des coûts importants, le second, pour les technologies les plus récentes – le site des impôts vient par exemple de développer une application pour smartphones –, en recourant à des sanctions financières lorsque certaines obligations ne sont pas remplies. C’est en tout cas la position que je défends au sein du Gouvernement, qui demande d’avancer sur ce sujet au niveau européen, en réclamant notamment que la question des applications mobiles soit inscrite dans la directive européenne sur l’accessibilité.

Monsieur Cordery, le but est de parvenir rapidement à la fin de l’itinérance mobile pour tous les citoyens européens et de stimuler la concurrence pour qu’il y ait des offres applicables aux frontaliers. Pourquoi ne pas demander aux opérateurs de trouver des accords commerciaux pour permettre des utilisations plus réciproques des forfaits téléphoniques ? En tout cas, les deux mois d’itinérance partagée prévus constituent une avancée substantielle. Au-delà, le Gouvernement pourrait, avec les élus des Français de l’étranger et des zones frontalières, travailler avec des opérateurs étrangers pour obtenir des accords répondant à des besoins plus spécifiques.

Madame Linkenheld, la transformation numérique de l’industrie est en fait l’enjeu principal. Si les PME ou les TPE ne créent pas suffisamment d’emplois, c’est parce que l’appareil productif n’est pas assez moderne. Le numérique doit être l’occasion d’investissements productifs qui améliorent la compétitivité qualitative de l’offre de produits et de services français. Outre que c’est une urgence et une nécessité, je pense que c’est la carte que l’Europe a à jouer dans la concurrence internationale, alors que l’Asie s’est positionnée sur le secteur des équipements et les États-Unis sur le marché du « B to C » – Business to Consumer – ou l’offre de produits et de services à destination de la grande consommation par la grande distribution. L’avantage comparatif de l’Europe est en effet dans la force de frappe de son industrie, qui doit se numériser. D’où l’intérêt du plan sur l’industrie du futur, qui a le mérite de réunir plusieurs des objectifs prioritaires du Gouvernement et de mobiliser les instruments financiers dans le cadre notamment du plan d’investissement d’avenir. C’est dans le même esprit que nous avons créé le suramortissement pour l’investissement productif dans les entreprises – afin de créer ce déclic permettant d’investir pour à terme créer de l’emploi – et que se poursuit au ministère de l’économie le programme de transition numérique des PME, en liaison avec les régions. On a en effet conféré à celles-ci un rôle plus important, dans la mesure où elles sont capables, avec les chambres de commerce et d’autres partenaires industriels, d’offrir des programmes de formation à des chefs d’entreprise ou des responsables de secteurs industriels.

Monsieur Piron, on peut dire globalement que les pays dits les plus libéraux voudraient n’introduire aucune contrainte réglementaire dans la façon dont les opérateurs de télécommunications peuvent utiliser leur propre réseau pour offrir des services à leurs clients, considérant que la concurrence et le marché doivent être les seuls décideurs. Quant aux tenants d’une neutralité du net très affirmée, ils défendent l’idée d’un égal accès à tous les consommateurs, quels que soient les contenus ou services proposés, parfois de manière un peu absolutiste, considérant qu’il ne devrait même pas y avoir de gestion prioritaire de trafic et qu’on ne devrait pas être en mesure de différencier le traitement de services spécialisés selon les offres.

En tout cas, le Gouvernement veut protéger le principe de l’accès de tous à tous les contenus. On parle d’internet ouvert car le web est considéré dans beaucoup de pays comme un seul service, même si, selon une étude récente, 30 % des Indonésiens considèrent qu’il se résume à Facebook. Certaines positions absolutistes risquent de mener à des blocages, qui ne protégeront personne. Il faut donc faire preuve à la fois de loyauté face à ses convictions et de réalisme face au potentiel d’innovation des services spécialisés. J’ajoute que la neutralité du net est souvent brandie par ceux qui sont en mesure d’offrir beaucoup de contenu, mais n’investissent pas du tout dans les tuyaux. Nous sommes en effet face à une situation aberrante de dichotomie entre ceux qui construisent les réseaux, et donc investissent, et ceux qui les utilisent et en tirent les bénéfices commerciaux sans assurer une contrepartie à ce bien commun qu’est internet – lequel ne doit en aucune façon être privatisé, ni par des entreprises, ni par des États.

Sur les fabriques du numérique, nous avons des annonces imminentes à faire. Le rapport prévu a été finalisé et la mise en place doit se faire en octobre. Sur ce sujet, comme sur les autres, je n’ai qu’un impératif : il faut aller vite !

Enfin, monsieur Le Roch, la révision de la directive relative aux droits d’auteur figure dans le programme de la Commission européenne, qui souhaite faire des propositions législatives à partir de l’année prochaine, considérant qu’il faut distinguer la question des droits d’auteur de celle de leur territorialité. Le but du Gouvernement est de protéger les créateurs, de préserver le modèle de rétribution de ceux-ci – ce qui a permis de conserver la diversité culturelle qui fait la richesse de l’Europe –, tout en modernisant le droit d’auteur. Or la territorialité est au cœur du modèle économique de la création telle que la France l’a historiquement défini. Si, dans un contexte d’économie internationalisée et de stratégies de plateformes pouvant diffuser les contenus culturels en faisant fi de ces modèles de rétribution, il faut faire évoluer les moyens de rémunération, il n’est pas question de revenir sur un modèle qui fait la force de la création européenne. L’enjeu, au-delà, est la défense d’un universalisme culturel.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous remercie.

II. Communication de Mme Audrey Linkenheld sur la proposition de directive relative au secret d’affaires (COM(2013) 813 final – E 8922)

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. L’objet de ma communication ce soir est d’examiner la proposition de directive sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ».

Je souhaite préciser d’emblée que la présente communication n’a pas pour objectif de raviver le débat sur le secret d’affaires qui a eu lieu au moment de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet relatif à la croissance et à l’activité, mais bien d’examiner avec rigueur et objectivité, comme en a l’habitude la Commission des Affaires européennes, la proposition de directive relative au secret d’affaires.

J’ai entendu, en un mois et demi, dans un temps imparti court pour un sujet aussi transversal, une vingtaine d’intervenants : des avocats, des journalistes, des syndicats nationaux et européens, des représentants de la Commission européenne, des administrations et ministères français, des parlementaires européens et des experts, tant à Paris qu’à Bruxelles.

Pour mémoire, il n’existe pas de définition légale du secret d’affaires en France. Par ailleurs, les pays européens qui en donnent une définition le font de manière différente et dans des textes épars. Seule la définition des « renseignements non divulgués » figurant dans l’accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) , annexé aux accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), offre à ce stade une base de définition commune, puisque les Etats membres et l’Union européenne en sont déjà signataires, même si celle-ci n’est pas formellement appliquée, n’ayant pas été intégrée dans le droit communautaire.

Chacun s’accorde ainsi à considérer que, contrairement aux droits de propriété intellectuelle classiques, le secret d’affaires n’ouvre pas de droits exclusifs à leur détenteur. Toute pratique conforme aux usages commerciaux honnêtes est licite, sans qu’il soit nécessaire d’acquitter une redevance au titulaire du secret d’affaires. Ses concurrents ou d’autres tiers peuvent découvrir le même secret de façon indépendante, le développer et l’utiliser librement. En revanche, son appropriation illicite pose problème et c’est sur ce point que porte la proposition de directive.

A l’heure actuelle, le secret d’affaires est en effet invoqué dans de nombreux contentieux, notamment lorsque des fournisseurs, partenaires commerciaux ou employés divulguent des informations confidentielles, telles qu’un savoir-faire particulier ou une liste de clients, à une entreprise concurrente.

La proposition de directive sur le secret d’affaires est l’aboutissement d’un processus commencé en 2010 et balisé par diverses études effectuées à la demande de la Direction générale du Marché intérieur et des Services de la Commission européenne.

Une consultation publique a été ouverte entre le 11 décembre 2012 et le 8 mars 2013. Elle est toutefois sujette à controverse, compte tenu du faible niveau de participation (386 réponses reçues à l’échelle de l’Union européenne), de la surreprésentation des grandes entreprises industrielles et des nombreux contacts préalables que celles-ci semblent avoir eus avec la Commission . On peut en outre regretter l’absence de dialogue social européen avec les représentants des syndicats nationaux et européens et de concertation formelle avec les organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que les journalistes, qui sont pourtant directement impactés par le texte.

La proposition de directive a été adoptée le 28 novembre 2013 et transmise au Parlement européen ainsi qu’au Conseil.

Les premières discussions au sein du Conseil se sont conclues par l’adoption d’une orientation générale lors du Conseil compétitivité du 26 mai 2014.

Plusieurs modifications significatives ont été proposées par le Conseil par rapport au texte initial. La France a obtenu plusieurs avancées sur lesquelles je reviendrai plus tard.

Au sein du Parlement européen, l’examen de la proposition de directive a été attribué à la Commission des Affaires juridiques. Le texte y fait l’objet d’un très vif débat, en marge duquel plus de trois cents amendements ont été déposés.

Lors de mon déplacement à Bruxelles, le 7 mai dernier, la Rapporteure de la Commission JURI, Mme Constance Le Grip, s’attelait à la difficile rédaction d’« amendements de compromis ». Les changements proposés par Mme Le Grip tendent pour l’essentiel à renforcer, au nom de la démocratie et du pluralisme, la protection des lanceurs d’alerte et des journalistes. Plusieurs considérants de la proposition de directive devraient être modifiés en ce sens.

Le vote en Commission JURI est prévu pour le 16 juin prochain. En fonction du résultat, la Rapporteure obtiendra ou non un mandat pour mener le trilogue avec le Conseil et la Commission européenne. En tout état de cause, le Parlement français, par la voix de la Commission des Affaires européennes, est fondé à se prononcer, au regard des questions soulevées dans le débat public national et européen, sur l’opportunité même de cette proposition de directive et au-delà de l’opportunité, sur son contenu même.

On peut partager les objectifs économiques de la proposition de directive, qui, pour favoriser l’innovation, vise à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et à remédier à la disparité des droits nationaux en cas d’appropriation illicite d’une information considérée comme confidentielle.

D’ailleurs, le considérant 7 de la proposition de directive reprend ainsi sans surprise le principe fondateur du marché intérieur. Je le cite : « Vu les différences de protection juridique des secrets d’affaires entre États membres, ces secrets ne bénéficient pas d’un niveau de protection uniforme dans toute l’Union, ce qui entraîne une fragmentation du marché intérieur dans ce domaine et affaiblit l’effet dissuasif global de la règlementation. Le marché intérieur est concerné dans la mesure où ces différences réduisent les incitations pour les entreprises à entreprendre des activités économiques transfrontalières liées à l’innovation, notamment la coopération en matière de recherche ou de fabrication avec des partenaires ».

Dans cette perspective, la proposition de directive vise à harmoniser les législations nationales en matière de secret d’affaires. Elle propose ainsi de créer une définition commune du secret d’affaires et d’harmoniser les moyens permettant à la fois de prévenir et de sanctionner la divulgation, l’obtention et l’utilisation illicites d’informations commerciales confidentielles. Elle s’emploie également à faciliter le traitement, par les juridictions, des cas de violation du secret d’affaires, en vue notamment du retrait du marché des produits concernés par une atteinte et du versement de dommages et intérêts à la partie lésée.

Il faut rappeler que les États-Unis se sont dotés il y a longtemps déjà d’un dispositif législatif complet pour faire face aux violations du secret d’affaires et aux risques d’espionnage économique. L’Economic Espionage Act de 1996 prévoit ainsi au niveau fédéral des sanctions pénales pour la « misappropriation » de secrets d’affaires, y compris à des fins économiques.

Comme je l’ai dit, au sein de l’Union européenne en revanche, les législations nationales en matière de secret d’affaires varient grandement entre les différents Etats membres. Il y est fait référence de manière fragmentée dans différents codes ou textes juridiques.

Ainsi, les droits nationaux font appel à des instruments législatifs très divers, tels que le droit de la concurrence, le droit des contrats, principalement celui des contrats de travail, ou encore le droit pénal. Il en est de même pour la France.

Cette multiplicité des dispositions présentent des lacunes exploitables par les contrevenants : la définition du vol ne prend guère en considération les biens immatériels, le délit d’intrusion dans un système informatisé de données n’est efficace qu’en cas d’intrusion avérée et ne punit pas la captation de ces données, celui de révélation d’un secret de fabrique ne concerne que les salariés de l’entreprise, le secret professionnel ne s’applique lui aussi qu’à un nombre restreint de personnes. Bref, nombreux sont les dossiers judiciaires qui n’ont pu aboutir en raison d’un problème d’incrimination.

Surtout, la place laissée au juge dans l’interprétation de ces dispositions ne crée évidemment pas les conditions d’une réelle sécurité juridique, d’une uniformité d’application et d’une prévisibilité de la loi.

Sur le principe, je comprends l’objectif d’une telle proposition de directive, dans la mesure où l’harmonisation poursuivie peut effectivement combler certaines lacunes des droits nationaux et favoriser la coopération en matière de recherche et développement (R&D), ainsi qu’en matière d’innovation, alors que les échanges se mondialisent toujours davantage. Ces facteurs économiques s’inscrivent dans un cadre plus général d’évolution du contexte social et de changement des comportements : facilité accrue du transfert d’informations à l’ère numérique (emails, cloud computing), mobilité croissante des salariés qui les amène à travailler successivement dans différentes entreprises concurrentes…

Pourtant, il faut rappeler que l’harmonisation prévue par la proposition de directive est minimale, c'est-à-dire que les Etats membres ont certes la possibilité d’appliquer des dispositions en vigueur plus protectrices des secrets d’affaires mais aussi de ne rien changer en considérant que leur droit national est d’ores et déjà conforme aux nouvelles obligations européennes. Ensuite, l’intérêt même de l’harmonisation se trouve réduit, compte-tenu des inquiétudes majeures dont la proposition de directive est porteuse. Elle soulève en effet dans la pratique plusieurs difficultés d’application, notamment au regard de certains droits fondamentaux.

Je souhaite attirer l’attention de la Commission sur quatre points en particulier. Le premier porte sur la définition du secret d’affaires qui est source potentielle d’insécurité juridique

La proposition de directive a pour objectif d’instaurer une définition commune du secret d’affaires. Comme le reconnaissaient les représentants de la Direction générale du Marché intérieur et des Services, rencontrés à Bruxelles le 7 mai 2015, « identifier ce qu’est un secret d’affaires est en soi une tâche difficile ».

À la différence du système juridique américain, la Commission européenne n’a pas souhaité pour autant, dans sa proposition de directive, fixer les cas précis qui pourraient relever du secret d’affaires et a privilégié un cadre large, similaire à celui de l’accord sur les ADPIC.

Ainsi, la définition du secret d’affaires figurant à l’article 2 de la proposition de directive reproduit les termes de l’article 39 paragraphe 2 de l’accord sur les ADPIC . Le seul changement se résume au fait que le texte de la Commission se réfère à des « informations » secrètes et non à des « renseignements non divulgués ».

Aux termes de l’article 2 de la proposition de directive, les secrets d’affaires sont définis comme des informations qui répondent aux trois critères cumulatifs suivants :

- Premier critère : « ces informations sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration de l’assemblage exact de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ».

Le secret doit donc s’apprécier au regard des informations que l’« homme de métier » – spécialiste du domaine d’activité concerné – est réputé connaître. Ne pourront dès lors être protégées par le secret que les informations dont même les spécialistes n’auraient pas connaissance, et non des informations générales accessibles à tous. Dans le cas contraire, si le caractère secret devait être vérifié par rapport aux connaissances d’un individu lambda, le nombre d’informations protégées par le secret d’affaires serait extrêmement large

- Deuxième critère : « Elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes » ;

- Troisième critère : « elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

Dans le cadre des discussions préliminaires sur la proposition de directive au sein du Conseil, la France a souhaité préciser la définition du secret d’affaires. En s’inspirant de l’avis no 384.892 rendu le 31 mars 2011 par le Conseil d’État sur la proposition de loi dite « Carayon » , elle a ainsi proposé l’ajout d’un élément objectif pour préciser la notion de « valeur commerciale » et circonscrire le texte aux informations qui sont, en elles-mêmes, dignes de protection.

Désormais, le considérant 8 du texte d’orientation générale issu du Conseil du 26 mai 2014 ( 2013/0402) précise que des « informations ou savoir-faire ont une valeur commerciale, effective ou potentielle et que ces informations ont une valeur commerciale, en particulier dans la mesure où leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter préjudice aux intérêts de la personne qui en a licitement le contrôle en ce qu’elle nuit à son potentiel scientifique et technique, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité à faire face à la concurrence ». Une telle précision était indispensable pour préserver la liberté d’information et d’expression ainsi que pour circonscrire le secret aux seuls intérêts économiques privés sans qu’ils puissent heurter l’intérêt général ou public.

Pour que la proposition de directive puisse produire tous ses effets, et pour rassurer la société civile, je pense préférable que la modification ajoutée dans le considérant 8 du texte du Conseil soit directement intégrée à la définition du secret d’affaires dans l’article 2 de la proposition de directive.

J’estime que la définition du secret d’affaires doit être la plus précise possible afin de limiter la marge d’interprétation dont disposera la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cela est d’autant plus important que le secret d’affaires a vocation à s’appliquer dans les vingt-huit Etats membres et que certains pays sont dans les faits moins protecteurs des libertés que d’autres.

Le deuxième point porte sur le régime des exonérations.

La proposition de directive présente plusieurs exonérations, cas dans lesquels l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires sont en toute situation considérées comme licites. Aucune mesure, procédure ou réparation ne peut alors être entreprise sur le fondement de la directive.

L’article 4, paragraphe 1, indique les cas dans lesquels l’obtention d’un secret d’affaires est considérée comme licite :

a) d’une découverte ou d’une création indépendante ;

b)  de l’observation, de l’étude, du démontage ou du test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est licitement en possession de la personne qui obtient l’information ;

c)  de l’exercice du droit des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation, conformément aux législations et pratiques nationales et à celles de l’Union ;

d)  de toute autre pratique qui, eu égard aux circonstances, est conforme aux usages commerciaux honnêtes.

Dans le texte du Conseil, une nouvelle exception a été introduite à la demande de la France. Ce paragraphe 1 bis stipule que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise par le droit national ou le droit de l’Union ».

La rapporteure approuve ces dispositions qui ont pour but de permettre aux administrations nationales (services fiscaux, sanitaires, douaniers, autorités de régulation …) de ne pas se voir opposer le secret d’affaires dans le cadre de leurs activités.

Par ailleurs, l’article 4 paragraphe 2 de la proposition de directive consacre l’exercice de certains droits fondamentaux : « Les États membres veillent à ce qu'il n'y ait pas de droit à l'application des mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation présumée du secret d'affaires s'est produite dans l'une des circonstances suivantes :

a) usage légitime du droit à la liberté d'expression et d'information ;

b)  révélation d'une faute, d'une malversation ou d'une activité illégale du requérant, à condition que l'obtention, l'utilisation ou la divulgation présumée du secret d'affaires ait été nécessaire à cette révélation et que le défendeur ait agi dans l'intérêt public ;

c)  divulgation du secret d'affaires par des travailleurs à leurs représentants dans le cadre de l'exercice légitime de leur fonction de représentation ;

d) respect d'une obligation non contractuelle ;

e) protection d’un intérêt légitime ».

Je me félicite de la volonté exprimée par la Commission européenne de faciliter l’articulation entre les différents droits définis dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne visés au considérant 23 de la proposition de directive, tant économiques comme le « droit d’entreprise » ou le « droit de propriété » que sociétaux ou sociaux comme la « liberté d’expression et d’information » ou la « liberté professionnelle et le droit de travailler ». Cette idée se retrouve dans l’étude d’impact, qui prend soin de préciser que la directive n’aura pas d’incidence négative en matière de droits fondamentaux, et ajoute qu’elle « promouvra le droit de propriété et la liberté d’entreprise » tout en garantissant la liberté d’expression et d’information.

Je me félicite également qu’un principe d’harmonisation maximale ait été retenu pour les cas d’exclusion ou d’exonération de responsabilité (journalistes, travailleurs, lanceurs d’alerte), afin d’assurer une protection maximale des droits fondamentaux dans l’ensemble de l’Union européenne. Cela garantit en effet que tout régime complémentaire de sanctions éventuellement prévu par les Etats membres, notamment au plan pénal, ne puisse pas aller à l’encontre de ces exclusions.

Voilà ce que je souhaitais dire pour les points positifs.

Il n’en reste pas moins que, malgré l’affichage de cette volonté, la proposition de directive reste largement perfectible du point de vue du respect des droits fondamentaux. À ce stade, elle ne protège en effet explicitement que les travailleurs et leurs représentants et reste imprécise quant aux journalistes et aux lanceurs d’alertes. Or, au regard des scandales récents – UBS, HSBC et LuxLeaks pour ne citer qu’eux – il semble bien que le texte devrait être plus détaillé sur ces sujets.

Alors que le cas des États-Unis offre un exemple de protection du secret d’affaires très développé, il est primordial d’insister en parallèle sur l’existence du Premier amendement de la Constitution, qui protège de manière absolue et sans aucune restriction possible la liberté d’expression. Premier amendement dont l’Union européenne n’est pas doté.

Si selon l’article 4 paragraphe 2 de la proposition de directive, « un usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information » peut prévaloir sur une demande de mesure de protection du secret d’affaires, on peut s’interroger sur la signification réelle de cette expression.

Aucun des interlocuteurs entendus – ni la Commission européenne, ni la Chancellerie française – n’a su apporter une réponse satisfaisante sur l’origine de l’adjectif « légitime ». Les ONG et les journalistes entendus ont quant à eux tenu à dénoncer cette rédaction vague et équivoque.

Or, les libertés d’informer et d’être informé sont des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’UE ainsi que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés publiques (CEDH). À une époque où, malgré l’encadrement légal de qualité qui existe dans les pays européens, ces droits sont encore soumis à rude épreuve, la protection des journalistes doit être effective.

Compte tenu des préoccupations exprimées par les représentants de la société civile, le Parlement européen a engagé un travail de réflexion visant à préciser le paragraphe 2 de l’article 4 définissant les causes d’exemption. Des amendements en ce sens ont notamment été déposés par la Rapporteure de la Commission JURI, Mme Constance Le Grip.

Tout en approuvant cette démarche, je considère qu’il faut aller plus loin en proposant d’amender le corps même de la directive. Il est en effet indispensable d’exclure explicitement les journalistes du champ d’application de la proposition de directive. C’est d’autant plus important dans un contexte de révolution numérique, où la législation en matière de protection des sources est largement obsolète. Les auditions que j’ai menées ont d’ailleurs montré que tant la Commission européenne que les avocats d’affaires semblent favorables à cette exclusion des journalistes du champ d’application de la proposition de directive. Aussi, je ne vois pas pourquoi nous nous priverions.

Par ailleurs, pour asseoir davantage encore les intentions démocratiques, il pourrait être précisé dans un considérant que la directive n’affecte pas les traditions constitutionnelles, les législations et les pratiques des États membres en matière de liberté d’expression, de protection des sources des journalistes et des lanceurs d’alerte, ni la faculté des États membres à les mettre en œuvre dans le cadre de l’application de la présente directive.

Toujours en matière de droits fondamentaux, un autre point qui pose question est les droits des représentants des salariés.

Un grand nombre de situations de travail ne semble pas couvert par les exemptions prévues à l’article 4.

Là aussi, comment interpréter pour les représentants des salariés « l’exercice légitime de leur fonction de représentation »  ?

La réponse à cette question est d’autant plus difficile que les syndicats n’ont pas été consultés dans le processus de rédaction de cette directive alors qu’il est évident qu’elle les concerne. Il est regrettable que « le dialogue social consolidé » qui caractérise les directives dites « sociales » et prévoit une consultation large et systématique des syndicats n’ait pas pu être mis en œuvre en l’espèce. Dans la mesure où la directive traite directement des droits des salariés, cette absence de concertation avec les syndicats n’est pas acceptable.

Les syndicats européens ont fait part, lors des auditions, de l’ampleur de leurs craintes relatives à leur capacité actuelle de divulguer aux salariés ou à la presse par exemple, les projets de cession ou de reprise d’entreprise, de délocalisation, des activités dans les filiales et autres choix stratégiques gardés secrets.

Afin d’éviter tout abus, et de donner plein sens aux dispositions, encore floues, de l’article 4, l’exercice de la représentation des travailleurs doit être suffisamment garanti. Pour cela, je propose de faire référence, dans l’article 4 paragraphe 2 (alinéa c), aux critères jurisprudentiels de la CJUE déterminant cet exercice.

Plus largement, la proposition de directive ne résout pas l’articulation entre le secret d’affaires invoqué par l’employeur, et les savoir-faire des travailleurs, dans le cadre de mobilités professionnelles. Cette proposition de directive ne doit pas se montrer plus défavorable pour les salariés que l’actuel équilibre des clauses de non concurrence et des clauses de confidentialité.

L’article 3 paragraphe 3 alinéas b) et c) de la proposition de directive prévoit, s’agissant des salariés, que ces derniers n’engageront leur responsabilité du fait de la divulgation ou de l’utilisation d’un secret d’affaires que dans l’hypothèse où ils agissent en violation d’une obligation contractuelle ou légale.

Il faut veiller à maintenir cet équilibre existant et à ne pas modifier le rapport de forces au détriment des salariés. Le secret d’affaires ne devrait pas permettre de protéger plus d’informations que ne le font les clauses de concurrence.

Pour ce faire, j’estime que la définition du secret d’affaires doit être modifiée de façon à intégrer dans le corps de la proposition de directive les recommandations du considérant 8 .

Dès lors, le secret d’affaires ne saurait concerner les connaissances et compétences obtenues par des travailleurs dans l'exercice normal de leurs fonctions.

De plus, afin de protéger les droits des travailleurs, j’insiste sur le fait que le délai de prescription pour ouvrir un recours contre la divulgation ou l’utilisation d’un secret d’affaires ne doit pas être supérieur à deux ans. Au-delà il se révèlerait être un véritable frein à la mobilité des travailleurs.

S’agissant enfin des lanceurs d’alerte, je pense que la protection des personnes agissant à titre individuel dans une démarche citoyenne doit être spécifiée dans le cadre de l’article 4 de la proposition de directive, pour leur permettre de bénéficier d’un régime d’exonération. Sur ce point, on peut d’ailleurs déplorer qu’aucune disposition réellement protectrice du secret des sources n’ait été mise en place jusqu’ici, notamment au niveau français.

Troisième point sur lequel je souhaite attirer votre attention : les sanctions et procédures judiciaires

Le régime de sanctions prévu par la proposition de directive ne porte que sur le volet civil de la protection du secret d’affaires.

À ce jour, pour la majorité des États membres de l’Union Européenne, la protection du secret d’affaires s’inscrit dans le droit commun de la responsabilité civile, comme l’a montré l’étude de droit comparé réalisée pour la Commission européenne.

Le principe de l’harmonisation minimale laisse aux Etats membres, une fois la directive transposée, le soin de mettre en place ou non un arsenal complémentaire au niveau national. La France pourrait ainsi, en matière de sanctions, ne pas avoir à créer un régime de responsabilité ad hoc et conserver la possibilité d’imposer des amendes civiles aux auteurs de recours abusifs.

A l’inverse, la France pourrait décider de mettre en place des sanctions pénales pour certaines situations. Néanmoins l’harmonisation maximale prévue par la proposition de directive et qui sera renforcée, je l’espère, pour les journalistes, les travailleurs et syndicats et les lanceurs d’alerte, garantit qu’aucune protection ou sanction, qu’elle soit civile ou pénale, ne puisse menacer les droits fondamentaux de liberté d’expression et d’information.

S’agissant de la procédure judiciaire, l’article 8 prévoit des dérogations au droit commun de la procédure civile et des mesures procédurales destinées à protéger les secrets d’affaires au cours des procédures judiciaires. Il s’agit de l’apport essentiel de la directive en la matière.

Il convient ici de rappeler que les orientations adoptées par le Conseil le 26 mai 2014 ont permis, grâce notamment aux propositions françaises, un meilleur équilibre, lors des procédures judiciaires, entre la confidentialité et le respect du principe du contradictoire, d’une part, en ne restreignant l’accès aux informations qu’aux tiers et non aux parties, et, d’autre part, en imposant aux Etats de veiller à ce que les parties, leurs avocats, les agents de la juridiction, les témoins et les experts, ne soient pas autorisés à utiliser ou à divulguer un secret d’affaires dont ils ont eu connaissance en cours d’instance. Selon moi, il s’agit d’une avancée importante qu’il faut souligner.

Le dernier point est la question des droits de propriété intellectuelle.

Je fais le constat, comme d’autres, que la proposition de directive consacre la protection du secret d’affaires comme un quasi-droit de propriété intellectuelle. À cet égard, des précisions, notamment juridiques, sur l’inévitable articulation entre le secret d’affaires et les droits de propriété intellectuelle auraient pu utilement être apportées.

Il est nécessaire de clarifier cette articulation entre le secret d’affaires et les DPI, à la fois lorsque le premier précède le DPI, lorsqu’ils se cumulent et lorsqu’ils sont exclusifs l’un de l’autre.

À cet égard, en ce moment même, la France résiste au projet européen de réforme du droit d’auteur et à l’uniformisation des cultures au nom du tout économique.

La question du secret d’affaires renvoie, dans ces principes, à un conflit de même nature au sein de l’Union européenne, celui de la lutte entre deux types d’intérêts : les intérêts économiques – qu’exprime le secret d’affaires – et les droits fondamentaux autres qu’économiques, la création artistique ou littéraire mais aussi droits des salariés ou la liberté d’information.

La France doit en toute circonstance être extrêmement vigilante à ce que la réforme d’une législation relative aux quasi-droits et droits intellectuels telle qu’envisagée par la Commission européenne, ne puisse pas porter atteinte, au nom du marché intérieur, aux droits fondamentaux sociaux et sociétaux.

En conclusion, vous l’aurez compris, la proposition de directive relative au secret d’affaires est, selon moi, un texte qui demeure perfectible. Il ne saurait, malgré les apports bénéfiques attendus du point de vue de l’innovation et de la coopération économique, être adopté en l’état par le Parlement européen alors qu’il soulève des problèmes juridiques majeurs comme je me suis efforcée de le démontrer dans cette communication.

Il convient de s’assurer, au-delà des avancées déjà obtenues par la France, et par la mise en place de garde-fous supplémentaires, que la définition et la déclinaison du secret d’affaires ne puissent fragiliser le respect, dans tous les Etats membres, des droits fondamentaux à l’expression et à l’information, les droits des travailleurs, ainsi que les droits de propriété intellectuelle.

C’est pourquoi il est utile et nécessaire que le Parlement français puisse affirmer une position claire dans la perspective du vote au Parlement européen et des négociations à venir.

Pour ces raisons, je soumets à la commission des Affaires européennes une proposition de résolution qui reprend les principaux points évoqués dans cette communication.

La Présidente Danielle Auroi. Je remercie et félicite la rapporteure pour ce rapport très complet sur un sujet très complexe. Pour ma part, j’aurais souhaité que la Commission européenne retire cette proposition de directive relative au « secret d’affaires » eu égard au réel poids des lobbys dans l’élaboration de celle-ci.

Votre proposition de résolution est très précise et aborde tous les sujets dans un souci d’exhaustivité. Il est donc essentiel que la commission compétente au fond, soit la commission des Affaires économiques, s’en saisisse afin que les collègues se rendent compte de tous les risques encourus, dans le domaine des DPI, de la liberté d’information. J’approuve tout à fait cette proposition de résolution qui a pour principe premier la protection des droits fondamentaux, et notamment la défense des journalistes et des lanceurs d’alerte.

C’est un sujet extrêmement sensible et il faut faire le lien entre cette proposition de directive et le TTIP (accord sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. À force de trop vouloir faire plaisir aux États-Unis, on risque de mettre en danger la culture européenne dans sa spécificité.

Mme Audrey Linkenheld, co-rapporteure. Je vous remercie pour vos encouragements. J’ai eu à cœur de traiter ce sujet, ardu et sensible dans tous les détails, par-delà les grands principes.

Je défendrai bien sûr cette proposition de résolution en commission des Affaires économiques dont je suis membre par ailleurs. Je ne pense pas cependant que j’en serai rapporteure car il n’est pas dans les coutumes de la commission des Affaires économiques d’être rapporteur « à double titre ».

La Présidente Danielle Auroi. Sous ces réserves, il est proposé à la commission des Affaires européennes d’approuver la proposition de directive relative au secret d’affaires, en l’état des informations dont elle dispose.

La Présidente Danielle Auroi. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne.

La commission a adopté la proposition de résolution ci-après :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 114 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secret d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (COM(2013) 813 final),

Constate les divergences nationales existant en matière de secret d'affaires dans l’Union européenne et prend acte de la volonté d'harmonisation de la législation, avec notamment la mise en place d’une définition commune, afin de mieux dissuader et sanctionner l’appropriation illicite d’un secret d’affaires et faciliter le développement de l'innovation dans le cadre du marché intérieur ;

Rappelle que contrairement aux droits de propriété intellectuelle, le secret d’affaires n’ouvre pas de droits exclusifs à leur détenteur, que ses concurrents ou d’autres tiers peuvent découvrir de façon indépendante un même secret, que toute pratique conforme aux usages commerciaux honnêtes est acceptée, et que la proposition de directive porte donc uniquement sur l’appropriation illicite du secret ;

Insiste sur l’indispensable articulation entre les différents droits définis dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne visés au considérant 23 de la proposition de directive, tant économiques comme le « droit d’entreprise » ou le « droit de propriété » que sociétaux ou sociaux, comme la « liberté d’expression et d’information » ou la « liberté professionnelle et le droit de travailler » ;

Insiste également sur l’articulation entre, d’une part, les intérêts économiques privés liés à une information commerciale, technologique ou un savoir-faire et, d’autre part, l’intérêt public éventuellement lié à ces mêmes informations ;

Fait part des inquiétudes persistantes de la société civile européenne quant aux atteintes que pourrait porter la proposition de directive à l’équilibre entre les différents droits fondamentaux cités à l’alinéa précédent ;

Regrette de ce point de vue que la concertation autour de cette directive se soit limitée à une simple consultation publique ouverte menée par la Commission européenne, dont le résultat est par ailleurs sujet à controverse, compte tenu de la faible participation (386 réponses reçues), de la surreprésentation des grandes entreprises industrielles et des contacts préalables de celles-ci avec la Commission ;

Regrette en particulier l’absence de dialogue social européen formel lors du processus d’élaboration de la proposition de directive par la Commission européenne alors que le texte impacte directement les organisations représentatives des salariés, et les travailleurs eux-mêmes ;

Regrette également l’absence de consultation et de dialogue formel avec d’autres membres de la société civile, tels que les ONG ou les journalistes ;

Constate que les inquiétudes exprimées sont renforcées par l’emploi non motivé du conditionnel dans les considérants 8 et 12 de la proposition de directive, censés venir apaiser les craintes d’une utilisation abusive de la protection du secret d’affaires à l’encontre des journalistes, des travailleurs et des lanceurs d’alerte ;

Constate que dans le corps de la proposition de directive, à l’article 2 relatif aux définitions, la rédaction exacte de l’article 39§2 de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a été conservée sans autre précision.

Se félicite toutefois que la France ait obtenu l’introduction d’un considérant dans le texte issu du Conseil du 26 mai 2014 qui indique que ces informations ou savoir-faire doivent avoir « une valeur commerciale, effective ou potentielle […] en particulier dans la mesure où leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter préjudice aux intérêts de la personne qui en a licitement le contrôle en ce qu’elle nuit à son potentiel scientifique et technique, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité à faire face à la concurrence » ;

Appelle par une modification à l’article 4-2 à exclure les activités des journalistes du champ d’application de la proposition de directive, afin de répondre aux inquiétudes formulées notamment dans un contexte de révolution numérique où la législation n’est plus actualisée en matière de protection des sources ;

Suggère d’expliquer en complément dans un nouveau considérant que seule cette exclusion des journalistes du champ d’application de la proposition de directive est à même de préserver la liberté d’expression et d’information ;

Suggère de rappeler dans le même nouveau considérant que la proposition de directive n'affecte pas les traditions constitutionnelles, les législations et les pratiques des Etats membres en matière de liberté d’expression, de protection des sources des journalistes, et d’alerte éthique et, la faculté des Etats membres de les mettre en œuvre dans le cadre de l’application de la présente directive ;

Se félicite à cet égard des avancées obtenues par la France au Conseil ;

Se félicite également de la précision apportée à l’article 4-1 par le texte d’orientation du Conseil, sur proposition de la France, prévoyant que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est requise par le droit national ou le droit de l’Union », ce qui permet de clarifier la possibilité pour les administrations nationales (services fiscaux, sanitaires, douaniers, autorités de régulation…) de ne pas se voir opposer le secret d’affaires dans le cadre de leurs activités ;

Juge qu’étant donné l’impact de la proposition de directive sur les droits des salariés, les articles 3 et 4 doivent être remaniés dans le sens d’une protection encore accrue des représentants des salariés ;

Propose ainsi d’intégrer à la proposition de la directive les critères issus de la jurisprudence européenne en matière d’information des représentants du personnel, et liés à l’exercice de leur travail, profession ou fonctions ;

Souligne que l’objectif de protection du secret d’affaires ne doit pas restreindre la mobilité des travailleurs, et que l’équilibre actuel entre l’utilisation des clauses de non-concurrence et des clauses de confidentialité d’une part et la protection du secret d’affaires d’autre part, doit être préservé ;

Accueille favorablement l’exclusion dans le considérant 8 relatif à la définition du secret d’affaires, des connaissances et compétences obtenues par les travailleurs dans l'exercice normal de leurs fonctions et celles généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui traitent habituellement le type d'informations en question ou leur sont aisément accessibles ;

Insiste également sur le fait que les délais de prescription doivent être maintenus à deux ans maximum ;

Juge que la protection des lanceurs d’alerte agissant à titre individuel dans une démarche citoyenne doit être spécifiée dans le cadre de l’article 4 de la proposition de directive, en leur permettant de bénéficier également d’une forme d’exemption ;

Prend acte de la clause d’harmonisation minimale voulue par le Conseil, permettant par exemple à la France de ne pas créer de régime de responsabilité ad hoc et de conserver la possibilité d’imposer des amendes civiles aux auteurs de recours abusifs ;

Se félicite qu’un principe d’harmonisation maximale soit entériné pour les cas d’exclusion ou d’exonération de responsabilité (journalistes, travailleurs, lanceurs d’alerte), afin d’assurer une protection maximale des droits fondamentaux dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, garantissant que tout régime éventuel de sanctions pénales prévu par les Etats membres ne puisse pas aller à l’encontre des exclusions ;

Soutient les dispositions sur lesquelles les négociations de la France au Conseil ont abouti pour permettre un meilleur équilibre lors des procédures judiciaires entre la confidentialité et le respect du principe du contradictoire, en ne restreignant l’accès aux informations qu’aux tiers et non aux parties et en imposant aux Etats de veiller à ce que les parties, leurs avocats, les agents de la juridiction, les témoins et les experts ne soient pas autorisés à utiliser ou divulguer un secret d’affaires dont ils ont eu connaissance en cours d’instance ;

Fait état de sa préoccupation concernant l’incidence éventuelle de cette proposition de directive sur l’application de toute autre législation pertinente telle que celle sur les droits de propriété intellectuelle, et regrette que le considérant 28 évoque seul et succinctement le risque de chevauchement entre le champ d’application de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et le champ d’application de la directive, cette dernière prévalant en tant que lex specialis ;

Juge nécessaire une clarification dans la proposition de directive quant à l’articulation entre le secret d’affaires et les droits de propriété intellectuelle, à la fois lorsque le premier précède le second, lorsqu’ils se cumulent et lorsqu’ils sont exclusifs l’un de l’autre ;

Accueille favorablement toutes propositions d'amendements du Parlement européen allant dans le sens d’un meilleur équilibre entre tous les droits fondamentaux précités, au regard en particulier des divergences d’application par les Etats membres ;

Juge nécessaire que le Parlement français puisse affirmer une position claire alliant soutien à l’innovation et respect des droits fondamentaux par le biais de la présente proposition de résolution et ainsi faire entendre sa voix dans les négociations en cours au Parlement européen et celles à venir au Conseil de l’Union européenne. »

La commission autorise la levée de la réserve parlementaire, en tenant compte des observations contenues dans la proposition de résolution européenne adoptée.

III. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Communication écrite

La Commission a approuvé les textes suivants :

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

- Proposition de Décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne et de ses États membres, du protocole à l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Mongolie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne (COM(2015) 224 final - E 10315).

- Proposition de Décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord-cadre de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Mongolie, d'autre part (COM(2015) 226 final - E 10317).

- Proposition conjointe de Décision du Conseil relative à la signature, au nom de l’Union européenne, et à l’application provisoire de l’accord de partenariat et de coopération renforcé entre l’Union européenne et la République du Kazakhstan (JOIN(2015) 24 final - E 10323).

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø COMMERCE EXTERIEUR

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo, d'autre part (COM(2015) 181 final - E 10263).

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Kosovo, d'autre part (COM(2015) 183 final - E 10265).

- Proposition de DÉCISION DU CONSEIL relative à la position à adopter au nom de l'Union européenne au sein du Comité mixte de l'EEE en ce qui concerne une modification de l'annexe II (Réglementations techniques, normes, essais et certification) de l'accord EEE (piles et accumulateurs) (COM(2015) 186 final - E 10266).

- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à adopter par l'Union au sein du sous-comité du commerce et du développement durable institué par l'accord d'association entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique et leurs États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part (COM(2015) 197 final - E 10280).

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1387/2013 portant suspension des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits agricoles et industriels (COM(2015) 201 final - E 10295).

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) no 1388/2013 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l'Union pour certains produits agricoles et industriels (COM(2015) 202 final - E 10296).

Ø ENVIRONNEMENT

- Directive (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III de la directive 98/83/CE du Conseil relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (D038826/02 - E 10302).

Ø FISCALITE ENERGIE

- Proposition de Décision d’exécution du Conseil autorisant le Danemark à appliquer, conformément à l'article 19 de la directive 2003/96/CE, un taux réduit de taxation à l'électricité directement fournie aux navires se trouvant à quai dans un port (COM(2015) 203 final - E 10297).

Ø POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) nº 284/2013 en ce qui concerne les mesures transitoires s'appliquant aux procédures relatives aux produits phytopharmaceutiques (D038716/02 - E 10285).

Ø POLITIQUE INDUSTRIELLE

- Règlement de la Commission établissant, pour 2015, la « liste Prodcom » des produits industriels prévue par le règlement (CEE) no 3924/91 du Conseil (D038926/01 - E 10275).

Ø POLITIQUE SPATIALE

- Proposition de Décision du Conseil relative à la position à adopter, au nom de l'Union européenne, au sein du Comité mixte de l'EEE, sur une modification du protocole 31 de l'accord EEE concernant la coopération dans des secteurs particuliers en dehors des quatre libertés (Copernicus) (COM(2015) 171 final - E 10243).

Ø SECURITE ALIMENTAIRE

- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus d'amidosulfuron, de fenhexamide, de krésoxim-méthyl, de thiaclopride et de trifloxystrobine présents dans ou sur certains produits (D038149/02 - E 10274).

Ø SECURITE SANITAIRE

- Règlement (UE) de la Commission concernant l'utilisation d'eau chaude recyclée pour éliminer la contamination microbiologique de surface des carcasses (D037356/08 - E 10273).

Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d’ajustement à la mondialisation), celle-ci a pris acte tacitement des documents suivants :

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Projet de Décision des représentants des gouvernements des États membres portant nomination d'un avocat général à la Cour de justice (8809/15 - E 10306).

- Comité consultatif pour la libre circulation des travailleurs - Nomination de Mme Rita ŽEMAITYTĖ-TACK, membre pour la Lituanie, en remplacement de Mme Agnė PECIUKEVIČIENĖ, démissionnaire (8918/15 - E 10307).

Ø POLITIQUE ECONOMIQUE, BUDGETAIRE ET MONETAIRE

- Virement de crédits no DEC 18/2015 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2015 (DEC 18/2015 - E 10322).

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d’adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø POLITIQUE ETRANGERE ET DE SECURITE COMMUNE (PESC)

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (9210/15 - E 10324).

- Règlement d’exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (9212/15 - E 10325).

Ø TRANSPORTS FLUVIAUX

- Proposition de décision du Conseil autorisant l'Autriche, la Belgique et la Pologne à ratifier la convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure (CMNI), ou à y adhérer (COM(2014) 721 final - E 9937).

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 9 juin 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Jean-Luc Bleunven, Mme Isabelle Bruneau, M. Philip Cordery, M. William Dumas, Mme Chantal Guittet, M. Marc Laffineur, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, Mme Audrey Linkenheld, M. Michel Piron, Mme Sophie Rohfritsch

Excusés. - Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Armand Martin

Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Thierry Benoit, M. Dino Cinieri, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Philippe Kemel, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Fin de la réunion : 19 h 16