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Commission des affaires européennes

mardi 8 décembre 2015

8 h 15

Compte rendu n° 243

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

Audition de M. Alain Vidalies, Secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, sur le Conseil des ministres Pêche de l’Union européenne des 14 et 15 décembre 2015

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 8 décembre 2015

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission,

La séance est ouverte à 8 h 15

Audition de M. Alain Vidalies, Secrétaire d’État chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche, sur le Conseil des ministres Pêche de l’Union européenne des 14 et 15 décembre 2015

La présidente Danielle Auroi. Nous avons adopté il y a un peu plus d’un an, avec l’accord du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale, une procédure d’auditions pré-Conseil qui permet à notre Commission d’être tenue informée des propositions de la France au Conseil et d’indiquer ses positions au ministre.

C’est le sujet de la pêche, la politique européenne la plus intégrée, qui nous rassemble aujourd’hui.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, vous poser trois questions. La proposition de la Commission européenne « totaux admissibles de capture (TAC) et quotas » est matière à débat en France. Pour les écologistes, il est essentiel de préserver la ressource halieutique, mais cela n’empêche pas de distinguer entre la très grosse pêche industrielle et la petite pêche artisanale : les écologistes sont tout à fait favorables à la pêche artisanale, pêche raisonnée, mais ont plus de réserves sur la pêche industrielle. Compte tenu de la situation catastrophique du stock de bars, on comprend que des mesures de gestion drastiques aient été prises. Cependant, des dispositions spécifiques pourraient-elles être étudiées concernant la très petite pêche, et notamment les ligneurs ? La spécificité des tout petits pêcheurs n’est pas prise en considération par les règles européennes.

Le règlement sur la pêche en eaux profondes est actuellement en trilogue. Il existe une large convergence de vues entre institutions sur la plupart des aspects clés de ce texte, et la volonté est de conclure rapidement les négociations, mais le Parlement européen et le Conseil ne sont pas d’accord sur la profondeur à retenir pour l’interdiction. Quelle est la position de la France sur ce point précis ?

Enfin, la Commission européenne a approuvé le 3 décembre le programme opérationnel du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). La validation de ce programme survient peu après le feu vert accordé à l’Espagne, à l’Italie, à la Grèce, au Portugal, à la Croatie, à la Roumanie et à la Bulgarie. Les crédits consacrés au développement durable de la pêche, de l’aquaculture et des zones côtières dépendant de ces activités sont en hausse de 70 %. Pouvez-vous nous préciser le contenu des actions proposées, notamment en vue du développement plus économe de l’utilisation des ressources avec de faibles émissions de carbone ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Comme j’ai eu l’occasion de l’exposer lors de ma précédente audition, en février, j’attache la plus grande importance à la dimension européenne des sujets qui relèvent de mes attributions. On dit parfois, fort justement, que tout se décide à Bruxelles ; la France doit donc être présente dans toutes les discussions européennes. Le principe même de la politique commune de la pêche est la mise en commun des espaces maritimes des différents États membres. Cette réalité impose une démarche constructive avec la Commission européenne, les autres États et le Parlement européen.

Je me suis attaché à nouer des relations de travail et un dialogue approfondis avec la Commission et en particulier le commissaire européen en charge des affaires maritimes et de la pêche, M. Karmenu Vella, que j’ai accompagné pour sa première visite en France, à Brest, le mois dernier. Nous avons à cette occasion rencontré les représentants des pêcheurs et les ONG, pour des discussions de travail sur les principaux enjeux.

Je suis également attentif aux relations avec le Parlement européen. Je salue le travail réalisé par sa Commission « pêche », et notamment nos deux représentants titulaires, M. Alain Cadec et Mme Isabelle Thomas.

Comme chaque année à cette époque, l’actualité dans le secteur des pêches maritimes est occupée par le Conseil des ministres en charge de la pêche, qui aura pour mission d’adopter les quotas de pêche pour 2016 à partir des propositions de la Commission européenne. Ce rendez-vous aura lieu les lundi 14 et mardi 15 décembre à Bruxelles.

Les propositions de la Commission européenne sont connues et difficiles pour un nombre important de stocks : moins 37 % pour la sole du golfe de Gascogne, moins 32 % pour la sole de Manche orientale, des baisses de précaution quasi généralisées de moins 20 % pour la plupart des stocks. Pour la protection du bar, la Commission européenne propose une fermeture à la pêche de six mois, du 1er janvier au 30 juin, puis une limitation à une tonne par mois.

Face à ces propositions, je souhaite soumettre à mes homologues du Conseil une démarche en vue de défendre les intérêts de la pêche française tout en garantissant l’exploitation durable et responsable des ressources. Il faut partir de deux constats tirés par la Commission européenne elle-même. Le nombre de stocks exploités au rendement maximum durable (RMD) est en constante progression. Alors que 2 % des stocks étaient au RMD en 2003, 18 % l’étaient en 2005, et 61 % en 2008. L’état des stocks dans les eaux européennes de l’Atlantique s’améliore donc, il faut le souligner, même si des efforts restent nécessaires pour parvenir au RMD sur l’ensemble des espèces d’ici à 2020. Le nombre de stocks pour lesquels les données scientifiques permettent d’évaluer le RMD est également de plus en plus important.

Dès lors, pour les stocks dont on connaît le RMD, nous devons examiner les situations au cas par cas. La France est attachée au principe de gestion au RMD. Toutefois, conformément à ce qui a été adopté, la France souhaite l’atteinte du RMD en 2016 là où c’est possible et, au plus tard, en 2020. Les propositions de la Commission européenne, qui visent à l’atteinte du RMD en 2016, doivent donc être modulées, et c’est bien ce qui est prévu quand les propositions mettent en péril la viabilité sociale et économique des pêcheries concernées. La France est d’accord avec l’objectif : c’est le rythme pour y parvenir qui sera débattu au Conseil.

S’agissant des stocks pour lesquels les données sont incomplètes, la France s’opposera aux baisses de précaution de 20 % prévues par la Commission européenne. L’absence d’un avis scientifique complet ne peut justifier des diminutions permanentes de TAC. C’est la position que j’ai tenue l’an dernier et qui a permis une stabilité globale des TAC ; il faudra donc de nouveau convaincre la Commission européenne du caractère raisonnable de cette approche.

Je souhaite mettre en avant les efforts réalisés par nos professionnels en matière de gestion et de sélectivité pour préserver nos possibilités de pêche. Nous devons valoriser les efforts de nos comités des pêches et de nos organisations de producteurs, qui me permettront une fois de plus d’aborder les discussions avec des mesures de gestion complémentaires à proposer au commissaire européen. Les discussions ont été difficiles sur les quais pour faire accepter ces propositions. L’esprit de la politique commune de la pêche, c’est le dialogue et la concertation afin d’élaborer des mesures de gestion efficaces et partagées. Il faut également rappeler que l’amélioration de la sélectivité peut être accompagnée par le FEAMP.

La pêche du bar, à la fois professionnelle et récréative, est très majoritairement française. L’avis scientifique pour le stock nord, au parallèle de la pointe de Penmarch dans le Finistère, est inquiétant, et sa reconstitution est devenue un enjeu majeur. Nous devons prendre des mesures de gestion difficiles, sans mettre en péril l’avenir de nos pêcheries artisanales, dont certaines – je pense, comme vous, madame la présidente, à nos ligneurs – sont très dépendantes et n’ont pas de possibilité de report sur d’autres pêches. Je plaide donc pour une approche globale, raisonnable et proportionnée, sur le bar, en intégrant l’ensemble des métiers de la pêche professionnelle ainsi que la pêche récréative. Vous pouvez compter sur ma détermination à défendre les intérêts de nos pêcheries tout en tenant compte de la nécessité de faire évoluer les pratiques vers une durabilité environnementale renforcée.

La politique commune de la pêche a été réformée en 2013 dans toutes ses composantes : règlement de base, organisation commune des marchés, FEAMP. Nous devons désormais mettre cette réforme en œuvre et la réussir. Après la mise en place de l’obligation de débarquement au 1er janvier dernier pour les espèces pélagiques, les espèces démersales ¬ – cabillaud, merlan, merlu – seront concernées au 1er janvier 2016 dans les eaux occidentales. Des plans rejets ont été établis pour mettre en place et encadrer les flexibilités obtenues.

Conformément aux engagements tenus ici-même en février, le programme opérationnel du FEAMP de la France a été validé formellement par la Commission européenne le 3 décembre. C’est une étape très importante qui vient d’être franchie. Ce programme permettra d’accompagner la nouvelle politique commune de la pêche avec des moyens financiers renforcés : les crédits pour le développement durable de la pêche, de l’aquaculture et des zones côtières augmentent de 70 %. Sa mise en œuvre opérationnelle est désormais l’enjeu des prochaines semaines, en étroite collaboration avec les régions, qui seront gestionnaires d’une partie des crédits européens et responsables de certaines mesures. C’était une revendication des régions, à laquelle nous avons consenti.

S’agissant de la pêche profonde, nous sommes proches d’un accord dans le trilogue en cours. Le Conseil a adopté à l’unanimité un compromis ambitieux qui valide une interdiction du chalutage profond en deçà de 800 mètres, tout en préservant les intérêts de la pêche artisanale, notamment bretonne, ce qui était une priorité de la France. J’espère que ce compromis sera repris par le Parlement européen. La profondeur de 800 mètres, madame la présidente, est bien dans le compromis.

Au moment où se tient la COP, je tiens à souligner les évolutions majeures qu’a connues ce secteur. La pêche française et européenne est encadrée, contrôlée, et vise la conciliation des enjeux économiques, alimentaires et environnementaux. Les pêcheurs comme les aquaculteurs sont des témoins du changement climatique, ils le subissent aussi ; leur implication dans les démarches de durabilité doit être saluée.

M. Yves Daniel. Le chalutage en eaux profondes est un secteur qui ne concerne qu’une douzaine de chalutiers en France ; il a un impact très fort sur la biodiversité marine et la survie d’espèces menacées. En octobre 2014, Ségolène Royal se prononçait, via un tweet, pour une interdiction de cette pêche, mais vous venez de rappeler que vous défendiez son encadrement et non son interdiction. Compte tenu de ces différents points de vue, quelle sera véritablement la position française ?

M. Arnaud Leroy. J’ai une question sur la réalité des paiements du FEAMP. Pour beaucoup de programmes européens, on a du mal à voir la couleur des aides programmées. Certains exécutifs régionaux ont fait des avances. Où en est le déblocage des fonds ?

En ce qui concerne le bar, les ligneurs, vous l’avez souligné, ne peuvent se retourner vers d’autres espèces de poissons. Que leur sera-t-il proposé pour éviter les faillites d’ores et déjà annoncées dans la presse spécialisée ?

Mme Annick Le Loch. Je vous fais confiance, monsieur le secrétaire d’État, pour négocier dans les meilleures conditions possibles les TAC et quotas, comme les années précédentes. Le moratoire et la réduction drastique de la pêche au bar suscitent des inquiétudes pour les petits métiers. J’ai eu l’occasion de rencontrer l’association des ligneurs de la pointe de Bretagne, ainsi que la plateforme de la pêche côtière. Ainsi que cela a été exprimé dans la position du comité national des pêches, ils souhaitent que vous défendiez un moratoire de deux mois. Les ligneurs de la pointe de Bretagne ne pêchent pas au moment de la reproduction, et ce depuis quinze ans ; deux mois, cela ne ferait donc qu’un mois supplémentaire. La pêche au bar représente plus de 80 % de leur activité, et ils ne peuvent se retourner vers d’autres pêches. La position française est minoritaire en Europe. Les Anglais, notamment, sont pour une interdiction de six mois. Est-il envisageable d’obtenir un moratoire de deux mois ? De même, peut-on envisager une dérogation pour cette catégorie qui agit de façon durable depuis des années ?

Enfin, pourquoi cette barrière au 48e au niveau de la pointe de Bretagne ? Pourquoi couper en deux l’océan Atlantique, avec au sud, dans le golfe de Gascogne, une absence de contraintes ? N’est-il pas temps de prendre des mesures un peu plus contraignantes, pour que l’on n’ait pas demain à adopter des décisions trop drastiques pour les pêcheurs ?

M. Daniel Fasquelle. Vous avez eu raison de distinguer les problèmes de méthode et de fond. Sur la méthode, je déplore que les informations soient parvenues de manière tardive et incomplète. Il est par ailleurs regrettable que l’on ne puisse avoir sur ces sujets une vision pluriannuelle ; ce couperet de fin d’année est insupportable pour les professionnels. Comment peuvent-ils bâtir des plans prévisionnels pour leurs exploitations avec en arrière-plan ces négociations de fin d’année qui peuvent à tout moment remettre en cause leur activité, sans possibilité d’anticiper ? Il faudra résoudre ce problème de méthode un jour ou l’autre.

De même, la réduction de 20 % sur les stocks pour lesquels les données scientifiques sont incomplètes est une manière incroyable de renverser la charge de la preuve. Il faudrait à l’inverse maintenir les niveaux tant que la Commission européenne n’a pas démontré que les stocks sont en danger ; ce serait un aiguillon pour l’obliger à mettre l’accent sur la recherche scientifique.

S’agissant du RMD, 2016 est en effet beaucoup trop brutal, et nous soutiendrons votre demande d’un calendrier plus adapté pour certaines espèces. La mesure prise sur le bar est également trop brutale.

Il faut trouver une solution concernant les rejets. Dans le Pas-de-Calais, nous avons une pêche multi-espèces. En jetant des filets devant nos côtes, il est très difficile de cibler une espèce en particulier, sauf à certaines périodes ou certains endroits. La question des rejets est donc très préoccupante. On annonce des TAC supplémentaires ; quelle en sera l’ampleur ?

Enfin, le FEAMP ne permet malheureusement pas de soutenir la construction de nouveaux navires, alors que notre flotte ne cesse de vieillir. Il est grand temps de s’occuper du problème.

M. Gilles Savary. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le partage des prérogatives entre l’État et les régions dans la gestion du FEAMP ? S’agit-il d’un basculement intégral de la gestion, comme pour le FEDER ?

Le FEAMP comprend-t-il par ailleurs un volet sanitaire, qui permette en particulier d’intervenir sur les bassins ostréicoles ? L’état sanitaire des bassins à Arcachon et Marennes-Oléron est très préoccupant. Quel outil peut être mobilisé pour accroître l’accompagnement des scientifiques et trouver des solutions écologiques ?

M. Hervé Pellois. Je ne reviens pas sur la situation du bar, qui suscite l’inquiétude chez nos petits pêcheurs. La période de reproduction du bar est bien moins longue que six mois, et nous pourrions sans doute limiter le moratoire.

Au précédent Conseil des ministres « Pêche », vous et vos homologues européens avez obtenu d’être informés des consultations annuelles entre l’Union européenne et la Norvège. L’échange de possibilités de pêche dans les eaux de l’Union européenne et les eaux norvégiennes a-t-il depuis lors été renforcé ?

Mme Chantal Guittet. Vous avez indiqué, au sujet de la pêche au bar, qu’il fallait une politique « proportionnée ». Qu’entendez-vous par là ?

Je m’étonne que l’Europe ne soit pas capable de fournir des résultats scientifiques en temps et en heure, et qu’elle soit obligée de prendre des mesures préventives faute de données complètes. Avez-vous une explication de ce phénomène ?

Disposez-vous d’une évaluation de la politique de non-rejet, et de ses résultats ? De nombreux pêcheurs affirmaient qu’il leur serait impossible de l’appliquer.

La présidente Danielle Auroi. Vous voyez, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons tous des inquiétudes au sujet des ligneurs.

M. le secrétaire d’État. Sur la pêche profonde, monsieur Daniel, il n’y a pas deux positions de la France. Je ne sais pas pourquoi certains, dans les milieux associatifs, continuent de chercher une différence de position entre Ségolène Royal et ce que j’ai exposé par la suite. Cela n’a pas de sens, il n’y a qu’une position de la France, celle que notre pays a votée au Conseil européen. C’est une position équilibrée prévoyant une limitation à 800 mètres tout en mariant cette démarche avec celle de l’empreinte retenue par le Parlement européen, qui exprime une forme de confiance envers les pêcheurs. Ce texte a été accepté par les pêcheurs et correspond aux objectifs soutenus par la ministre. Il faut défendre cette solution qui préserve à la fois les intérêts environnementaux et économiques.

En ce qui concerne le bar, nous sommes confrontés à une difficulté objective, à savoir l’état du stock. L’an dernier, la Commission européenne a pour la première fois pris des mesures d’urgence de manière unilatérale, pour stopper la pêche, tant l’état du stock était préoccupant, et ce parce que les États n’avaient pu parvenir à des positions communes au Conseil.

Je ne suis pas en mesure de remettre en cause la répartition entre le nord et le sud de la pointe de Penmarch. L’appréciation scientifique a été différente sur l’état du stock au-delà et en-deçà de cette limite : l’avis est très préoccupant au nord, un peu moins au sud.

Le dossier est pour l’essentiel franco-français. La pêche professionnelle du bar est interdite depuis longtemps dans les autres pays qui la pratiquaient ; il ne s’agit plus, dans ces pays, que d’une pêche récréative. Les deux types de pêche existent encore en France. La limitation de trois bars par jour et par pêcheur, pour la pêche récréative, pourrait être amenée à évoluer ; j’ai en tout cas l’intention d’en parler.

Comme M. Fasquelle, je m’interroge sur cette procédure singulière de rendez-vous annuel, qui ne permet pas de vision pluriannuelle pour les pêcheurs. C’est une rencontre diplomatique dans laquelle il faut prendre en compte les intérêts des uns et des autres. Sur le bar, le compte des forces en présence est vite fait : nous sommes tout seuls. Ma priorité sera de parvenir à une mesure qui protège les ligneurs, et pour cela de demander d’abaisser la durée de l’interdiction et de revoir le tonnage. Il faut également que la pêche récréative participe à l’effort. En tout état de cause, l’avis scientifique sur le bar a été renouvelé, et il faut accompagner la Commission européenne dans la démarche, autrement la question du bar risque de ne plus se poser du tout.

J’ai indiqué, s’agissant du FEAMP, que les régions joueraient un rôle important. Le cadre réglementaire ne permet pas la désignation des régions comme autorités de gestion autonomes à l’instar des autres fonds. Les régions se verront donc déléguer la mise en œuvre de la gestion de certaines mesures uniquement. Cette délégation était une demande de leur part. Le fonds avait normalement vocation à être géré exclusivement par l’État. Au moment de l’élaboration du règlement, l’Association des régions de France et les présidents des régions concernées par la pêche ont été très pressants auprès du Gouvernement. Nous sommes parvenus à un accord, qu’il nous faut à présent mettre en œuvre.

En matière sanitaire, monsieur Savary, le FEAMP permet de soutenir des projets d’innovation, d’entretien du domaine public et de mise en place d’outils de mutualisation contre les aléas climatiques.

Je partage l’avis de M. Fasquelle au sujet de la réduction de 20 % sur les stocks pour lesquels les données scientifiques sont incomplètes. Une protection par anticipation ou de manière aléatoire n’a aucun sens. Nous avons déjà eu la discussion l’an dernier ; j’espère qu’elle aboutira cette année à remettre en cause la démarche, à laquelle je ne souscris pas du tout.

Les avis scientifiques sont à la base de la politique commune de la pêche, à laquelle les pêcheurs ont souscrit. Les pêcheurs se sont inscrits dans la démarche de construction de la nouvelle politique commune, dont le socle est le RMD, un prélèvement sur la ressource qui n’entame pas la ressource. Nous sommes aujourd’hui dans la phase de mise en œuvre, et j’ai rappelé les chiffres : il y a vingt-cinq ans, 2 % des stocks étaient au RMD, contre plus de 65 % aujourd’hui. La question posée est celle du rythme. Je pense que l’on peut parvenir au RMD pour tous les stocks en 2020, comme le texte le prévoit lorsque le passage immédiat aurait des conséquences sociales et économiques trop fortes.

Le RMD repose sur un avis scientifique. Cela ne peut être laissé à l’appréciation de chacun. Les analyses scientifiques ne sont pas à remettre en cause ; ne laissons pas penser que le débat soit ouvert sur ce point.

Chaque année, l’Europe et la Norvège renégocient des accords très importants pour nos pêcheurs. Ce sont des discussions difficiles, notamment sur la question du cabillaud, principal objet de ces échanges. Les négociations sont en cours.

Pour la première fois depuis longtemps, quelques bateaux sont aujourd’hui en construction. Nous avons engagé un travail avec les professionnels et les experts pour voir comment les pouvoirs publics pouvaient accompagner, dans le respect des règles européennes, cette filière, en demandant aux pêcheurs eux-mêmes de réfléchir à ce qui serait le plus efficace, notamment le choix du segment : quels types de bateaux seront nécessaires dans la pêche de demain. Nous travaillons aussi avec le système bancaire, qui a perdu toute compétence en matière d’accompagnement du secteur maritime ; la BPI est impliquée pour reconstituer des équipes spécialisées.

M. Arnaud Leroy. Au-delà des critères techniques, je vous ai interrogé sur les réalités des versements, car il y a des inquiétudes dans certaines régions sur les avances qui ont été faites. Comment peut-on éviter l’année blanche ?

M. Daniel Fasquelle. La Commission européenne propose une réduction de 100 % de la pêche sur la sole en mer d’Irlande. Quels sont vos objectifs sur ce point dans les négociations ?

M. le secrétaire d’État. La sole est en effet le sujet majeur de la discussion, en termes de professionnels concernés dans la filière de la pêche française. Au nord, la question est aggravée par l’état du stock. Je tiens à saluer les pêcheurs, qui ont fait des propositions pour rationaliser leur démarche.

Pour la mise en œuvre du FEAMP, il reste deux étapes majeures. Il va tout d’abord nous falloir finaliser pour chaque mesure le cadre méthodologique, qui devrait être validé par le comité national de suivi du FEAMP en février.

Les régions ayant demandé à être gestionnaires délégués, il faudra ensuite organiser les tuyaux administratifs, notamment avec les nouveaux exécutifs. La démarche n’allait pas de soi. Nous y étions plutôt réticents, au départ, car il nous semblait que, si ce fonds n’était pas organisé comme les autres, c’était parce que son volume était moins important. Nous avons cependant été convaincus que le sens de l’histoire allait vers davantage de pouvoir au terrain et aux régions, mais cela a ajouté de la complexité. Il ne faudra pas que ce choix entraîne un retard dans la mise en œuvre, dont les professionnels pâtiraient.

M. Gilles Savary. Avant la délégation aux régions de la gestion des fonds structurels, il existait trois régimes : la gestion au niveau national, la gestion par les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) – une forme de décentralisation intéressante –, et l’enveloppe globale, c’est-à-dire des sommes fléchées, aux départements en particulier, pour le FSE. Je plaide pour que le nouveau système ne représente pas une dégradation administrative. Il faut que les choses soient plus simples et que l’engagement puisse être rapide.

M. le secrétaire d’État. Je suis d’accord avec vous. Il peut y avoir, dans cette affaire, plusieurs lieux de ralentissement, dans les administrations d’État, par rapport aux régions, et, dans l’autre sens, une volonté des régions de s’accaparer ce qui n’est pas de leur compétence. Je ne laisserai faire ni les uns ni les autres. L’objet est de prendre la décision au plus près du terrain et non d’organiser un nouveau couloir de procédure.

La présidente Danielle Auroi. Merci et bon Conseil, monsieur le secrétaire d’État.

La séance est levée à 9 h 15

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 8 décembre 2015 à 8 h 16

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Yves Daniel, M. William Dumas, Mme Chantal Guittet, M. Arnaud Leroy, Mme Sophie Rohfritsch, M. Gilles Savary

Excusé. - M. Yves Fromion

Assistaient également à la réunion. - M. Daniel Fasquelle, Mme Annick Le Loch, M. Hervé Pellois