Accueil > Union européenne > Commission des affaires européennes > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires européennes

mercredi 6 avril 2016

17 heures

Compte rendu n° 270

Présidence de Mme Danielle Auroi Présidente

I. Audition de M. Jean-Yves Le Gall, Président du Centre National d’Études Spatiales (CNES)

II. Communication de la présidente Danielle Auroi sur l’optimisation et la fraude fiscales

III. Examen de la proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole (n° 3574).

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 6 avril 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 17 heures

I. Audition de M. Jean-Yves Le Gall, Président du Centre National d’Études Spatiales (CNES)

La présidente Danielle Auroi. Monsieur le président Le Gall, je vous remercie d'avoir accepté cette audition devant la commission des affaires européennes de notre Assemblée.

Vous êtes en effet un interlocuteur précieux pour nous, puisque vous êtes le président du Centre national d'études spatiales – le CNES – chargé de proposer et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France, mais aussi, depuis l'année dernière, coprésident du conseil de l'Agence spatiale européenne, l'ESA. Votre parcours professionnel vous donne une très bonne connaissance des enjeux industriels puisque vous avez exercé des fonctions éminentes au sein de l'industrie spatiale, notamment en dirigeant Arianespace de 2007 à 2013.

L'Europe spatiale est multiforme. Elle met en jeu trois acteurs publics : l'ESA, qui est une agence intergouvernementale ; l'Union européenne, depuis le Traité de Lisbonne ; et les États membres, sachant que la liste des États membres de l’Union ne recoupe pas parfaitement celle de l’ESA. Les États membres forment la base de ce triangle, puisque ce sont eux qui décident à tous les niveaux des programmes et de leur financement, parallèlement à la conduite des politiques spatiales nationales.

Les règles qui régissent ces acteurs – auxquels il faut aussi ajouter les industriels – sont différentes, mais leurs intérêts sont convergents : faire en sorte que l'Europe demeure une puissance spatiale, dans un contexte marqué par l'arrivée en force d'investisseurs américains venus du secteur numérique et par l'émergence de nouveaux acteurs étatiques.

Vous pourrez nous exposer à cet égard en quoi l’année 2016 est cruciale, tant pour les programmes des lanceurs que le développement de la constellation des satellites Galileo.

Par ailleurs, la Commission doit présenter à l'automne sa stratégie spatiale et un plan d'action européen en matière de défense, ce dernier offrant l'occasion d'utiliser pleinement les capacités de synergie.

Il ne faut pas oublier un élément de contexte majeur : la préparation de la révision à mi-parcours du cadre financier 2014-2020, et l'éventuelle implication des crises auxquelles l'Union doit faire face sur les crédits destinés à l'espace.

Lors de leur communication le 4 novembre 2014, MM. Joaquim Pueyo et Bernard Deflesselles, nos deux rapporteurs sur la politique spatiale européenne, ont présenté les défis auxquels était confrontée l'Europe et la nécessité d'y répondre, en particulier par le développement de deux nouveaux lanceurs, Ariane 6 et Vega-C. Pourriez-vous faire un point d'étape sur la mise en œuvre des décisions prises en décembre 2014 à Luxembourg ?

Nos deux rapporteurs ont pu constater de visu, lors de leur déplacement en janvier dernier à Kourou, que la construction du pas de tir d'Ariane 6 était bien lancée. Qu'en est-il des autres aspects, notamment pour ce qui relève de la gouvernance, de la réorganisation industrielle – qui suscite l'inquiétude des personnels concernés – et des efforts institutionnels en faveur de la compétitivité industrielle ? Une forme de préférence européenne va-t-elle s'exprimer ?

Pour continuer à exister, l'Europe doit faire rêver – ce n’est pas facile en ce moment – comme le font très bien nos concurrents américains. À ce titre, pouvez-vous nous dire si, et comment, ExoMars peut prendre la relève de la sonde Rosetta et de son robot Philae ?

Mais l’Europe doit aussi être utile à nos concitoyens. Les efforts européens ont jusqu'à présent été concentrés sur l'offre ¬: les satellites ; et le développement des applications n'a guère mobilisé. C'est particulièrement vrai pour Galileo, dont j’ai l’impression d’avoir parlé tout au long de ma vie politique, sachant que j’étais députée européenne en 1999, ce qui commence à dater ! Et qu’en est-il de Copernicus, autre programme porté par la Commission européenne ?

La France s'est dotée d'outils : une coordination interministérielle, et un comité de concertation État-industrie sur l'espace, le « CoSpace ». Qu'en est-il au niveau européen ? Des projets pilotes sont promus dans un certain nombre de domaines. La présidence néerlandaise a retenu quatre thématiques : agriculture, qualité de l'air et changement climatique, gestion de l'eau douce, transports intelligents. Quel devrait être le rôle de la Commission et des différentes agences européennes (ESA, European GNSS Agency…) pour permettre une utilisation massive des outils spatiaux européens par nos concitoyens et nos entreprises, mais aussi par les politiques publiques ? En particulier, comment ces outils pourraient-ils aider à mieux comprendre, gérer et protéger la vie de nos concitoyens et notre environnement ? La France assumant la présidence de la COP21 jusqu’à la fin de l’année, j’ai tout particulièrement à l’esprit la question du changement climatique.

M. Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d’études spatiales. Madame la présidente, vous avez décrit les grandes lignes du panorama spatial actuel. Pour commencer à répondre à vos questions, je me propose de décrire brièvement les changements auxquels nous assistons depuis plusieurs années dans le domaine spatial.

Ces changements sont de trois ordres.

Tout d’abord, nous constatons un certain nombre de bouleversements parmi les grandes puissances spatiales traditionnelles que sont les États-Unis, l’Europe – au sein de laquelle la France joue un rôle très particulier –, la Chine, l’Inde, la Russie et le Japon.

Les États-Unis restent une hyperpuissance. J’étais avant-hier avec l’administrateur de la NASA, auquel je faisais remarquer que le budget de la NASA en 2016 était celui de 2015 auquel venait s’ajouter le budget du CNES, puisque le budget de la NASA passe de 17 à 19,3 milliards de dollars, et que le budget du CNES représente exactement cette différence. Cela vous donne une idée de la puissance américaine.

L’Europe est aujourd’hui toujours à la deuxième place dans le domaine spatial.

C’est derrière l’Europe que nous assistons à une recomposition, dans la mesure où la Chine et l’Inde, qui bénéficient d’économies en pleine expansion, mènent des politiques ambitieuses. Le budget de l’Inde augmente de façon significative, ainsi que celui de la Chine. En revanche, la Russie connaît une situation moins facile. Des restrictions budgétaires ont été annoncées récemment, et le Japon a également du mal à suivre une politique spatiale aussi dynamique que celle des puissances que je viens de citer.

Nous voyons donc qu’un nouvel ordre est en train de s’établir au sein des six grandes puissances spatiales.

De plus, de nouveaux venus apparaissent, notamment des pays émergents. De plus en plus de pays ont envie d’espace, et cela leur est rendu possible par la réduction sensible du ticket d’accès à l’espace : les satellites et les lancements coûtent moins cher. Nous voyons donc des pays émergents tels que le Chili, la Thaïlande et les Émirats Arabes Unis se lancer dans le spatial.

Il y a donc de plus en plus de puissances spatiales, avec lesquelles j’ai tenu à ce que nous ayons une relation privilégiée, afin qu’ils aient le « réflexe France » lorsqu’ils souhaiteront s’équiper. Parce que le CNES a signé des accords de coopération avec ses homologues dans ces pays, nous espérons qu’ils se tourneront prioritairement vers notre industrie lorsqu’ils souhaiteront s’équiper de satellites d’observation ou de télécommunication.

Le troisième type d’acteur est constitué des nouveaux venus du monde de la Silicon Valley aux États-Unis. Leurs budgets, leurs approches et leurs ambitions sont très différents de ceux des acteurs classiques. Il est d’usage de citer le cas de Google qui, décidant de développer une constellation de satellites, met un milliard de dollars sur la table. Leur ambition est de connecter la planète : il y a aujourd’hui 6 milliards d’habitants et seulement 500 millions sont connectés à l’internet rapide. Google souhaite donc connecter les 5,5 milliards restant, car les personnes connectées créent du chiffre d’affaires pour cette entreprise. Ces acteurs ont les méthodes des « startups » : ils essaient très vite. Nous le constatons dans le secteur des lanceurs, avec des lancements qui servent d’essais. Leurs ambitions sont très élevées, elles peuvent parfois nous sembler excessives, mais elles débouchent in fine sur des réalisations. Ces acteurs bouleversent donc le paysage auquel nous étions habitués.

L’Europe en a tiré les conséquences en 2014. Vous vous en souvenez, nous avions alors débattu de l’avenir des lanceurs. Lorsque je travaillais chez Arianespace, j’avais été parmi les premiers à prévoir l’arrivée de ces nouveaux acteurs, et j’avais recommandé le développement d’un nouveau lanceur, Ariane 6, parce que des lanceurs allaient apparaître aux États-Unis avec des coûts de mise en orbite plus bas que ceux d’Ariane 5. Aujourd’hui, Ariane 5 est le meilleur lanceur du monde, nous l’avons fiabilisée et ses lancements s’enchaînent aujourd’hui avec régularité, mais c’est le résultat du travail réalisé il y a quelques années, lorsque les lancements se passaient un peu moins bien.

Malgré cela, nous voyons bien que d’autres nouveaux acteurs proposent des coûts de lancement inférieurs, et c’est pourquoi j’ai milité afin de commencer le programme Ariane 6 sans attendre. Vous vous souvenez que cela a été débattu jusqu’à l’automne 2014, puis le Gouvernement a tranché et a convaincu nos partenaires européens. La solution que proposait le CNES a été retenue ; elle consiste à ne pas développer une version nouvelle d’Ariane 5 mais de passer directement à Ariane 6.

Aujourd’hui, force est de constater que nous avons fait le bon choix, puisque si nous nous étions contentés d’un premier lancement d’Ariane 6 en 2025 ou 2026, plutôt qu’en 2020, il est clair que nous serions dans une situation difficile.

Le programme Ariane 6 a donc été engagé en décembre 2014 et les travaux ont bien commencé. L’organisation industrielle se met en place, certains d’entre vous ont visité le pas de tir que le CNES construit en Guyane, et nous avons un rendez-vous en 2016, puisque l’Agence spatiale européenne organise des conférences au niveau ministériel tous les deux ans. Après la conférence ministérielle au Luxembourg il y a deux ans, la suivante est prévue en Suisse cette année, et elle offrira l’occasion d’examiner l’état du programme Ariane 6, les avancées effectuées, et de décider de passer à la phase ultérieure. L’année 2016 sera donc cruciale pour les lanceurs.

Pour les autres sujets que vous avez évoqués, et notamment Galileo, 2016 sera également cruciale. Il est vrai que le programme Galileo a commencé il y a de nombreuses années, mais nous sommes entrés dans le vif du sujet seulement assez récemment. Aujourd’hui, la fabrication et le lancement des satellites sont des sujets maîtrisés ; nous avons douze satellites en orbite, dont neuf fonctionnent parfaitement. Si tout va bien, nous en lancerons six de plus en 2016. La question va donc être l’utilisation de ces satellites. Nous devons être certains de disposer des early services, c’est-à-dire les premiers services de Galileo, pour la fin de l’année 2016 ou le début de 2017.

C’est un enjeu important : beaucoup d’argent a été investi dans Galileo ; mais c’est un enjeu difficile, car la plupart des utilisateurs de systèmes de géolocalisation par satellite ont l’habitude du GPS. Il faut donc leur offrir quelque chose de nouveau pour qu’ils passent au système Galileo. Comme vous le savez, je suis coordinateur interministériel sur les affaires Galileo, et c’est un sujet auquel nous sommes particulièrement attachés.

Ce travail sur les lanceurs et Galileo trouve toute sa place dans la stratégie européenne que la Commission va proposer à la fin de l'année 2016. Le CNES en est un élément moteur, et nous avons envoyé des propositions à la Commission il y a très peu. Nous aurons donc un dialogue au cours de l’année 2016. Une réflexion est menée en parallèle sur les questions spatiales liées à la défense, pour lesquelles le CNES fait figure de précurseur, puisque nos cinq domaines d’intervention sont les lanceurs, la science, l’observation, les télécommunications et un enjeu transversal : la défense. Nous sommes donc parfaitement qualifiés pour en parler. On ne le dit pas suffisamment, mais la France est une grande puissance spatiale militaire, puisque nous avons des satellites d’observation, d’écoute, et des satellites qui permettent des télécommunications sécurisées. La lutte contre Daech ou les opérations extérieures ne seraient pas possibles sans cet arsenal spatial.

Au niveau de la Commission, l’importance de l’année 2016 sera accentuée par la révision à mi-parcours du cadre financier. Il est prévu d’examiner le programme Galileo – d’où la nécessité d’obtenir des avancées – ainsi que le programme Copernicus. Ce dernier progresse également, et plusieurs lancements ont été effectués. Le prochain aura lieu depuis la Guyane ; nous allons lancer Sentinel-1B avec un Soyouz. Le programme Horizon 2020 se développe bien également.

L’année 2016 sera donc cruciale.

Pour répondre de manière plus spécifique aux questions que vous avez posées, notamment sur les lanceurs, les programmes Ariane 6 et Vega-C ont été décidées lors de la conférence ministérielle de Luxembourg. Aujourd’hui, le programme Ariane 6 avance. Un certain nombre de sujets liés à la gouvernance sont en cours d’examen. Le premier concerne la constitution de la société Airbus Safran Launchers (ASL), puisque l’essentiel des réductions de coûts que nous espérons d’Ariane 6 provient d’une organisation industrielle simplifiée, d’où l’intérêt de la fusion des activités lanceurs d’Airbus et de Safran.

Ces réductions de coûts proviendront aussi d’une cadence de lancement élevée, c’est un sujet qu’il va falloir traiter et qui implique l’engagement de la Commission européenne d’acheter cinq lancements d’Ariane par an. Ce résultat n’est pas acquis, car la Commission compte des libéraux en son sein et que les satellites ne sont pas forcément là. Mais c’est un objectif incontournable si nous voulons obtenir les réductions de coûts escomptées sur Ariane 6. Nous avançons, même si ce n’est peut-être pas aussi rapidement que nous l’aurions souhaité. Airbus Safran Launchers va se créer dans les jours ou les semaines qui viennent. Le transfert à cette société des parts du CNES dans le capital d’Arianespace fait l’objet d’une enquête approfondie de la Commission, mais ce sont les règles communautaires auxquelles il faut se plier. Nous répondons aux questions qui nous sont posées, mais je suis convaincu que nous pourrons disposer juste après l’été d’un dossier conséquent afin d’alimenter la réflexion des ministres lors de la conférence ministérielle de l’ESA prévue au mois de décembre. Tout ce que je dis pour Ariane 6 s’applique aussi à Vega-C.

Le programme avance, même s’il faut garder à l’esprit que c’est difficile, car l’objectif est de réduire le coût du kilogramme lancé par un facteur deux. Si cela était si simple, nous l’aurions déjà fait. Je peux vous assurer que tous les acteurs sont totalement mobilisés, en particulier le CNES.

Ce dernier joue en effet plusieurs rôles dans le programme Ariane 6. Tout d’abord, nous sommes le principal État membre financeur de ce programme. On lit parfois que le changement de gouvernance a eu pour conséquence de transférer le programme au secteur privé. C’est vrai et faux : nous avons donné plus de responsabilités à l’industrie que par le passé, mais l’effort financier que nous consentons pour le développement d’Ariane 6 est considérable. Sur un budget total du CNES d’un peu plus de 2,1 milliards en 2016, 961 millions d’euros sont consacrés aux lanceurs, soit 40 % de notre budget. Cela démontre à quel point les lanceurs sont importants pour les États, et à quel point les États sont importants pour les lanceurs.

En plus de ces questions de financement, la direction des lanceurs du CNES est devenue la direction technique lanceurs de l’Agence spatiale européenne. L’ESA s’appuie donc sur les compétences de la direction des lanceurs du CNES. Sur cette question aussi, il a été dit que les industriels se rapprochaient. C'est une très bonne chose que nous appelions de nos vœux. Mais nous avons devancé le mouvement, puisqu'il y a trois ans, nous avons regroupé l'ESA et le CNES en matière de lanceurs. Les deux directions des lanceurs sont localisées dans le douzième arrondissement de Paris, sur le site de Daumesnil. Nous travaillons donc main dans la main avec l'ESA, nous sommes maîtres d'œuvre de l'ensemble de lancement en Guyane, et je rappelle que le CNES a construit tous les ensembles de lancement en Guyane, avec une économie de coût et de moyens que tous ceux qui construisent des pas de tir dans le monde nous envient. Nos pas de tirs sont vraiment construits de façon optimale. Et au-delà des pas de tir, le centre spatial guyanais réalise des lancements à des coûts réduits au plus juste. Sur ce point également, le monde entier envie l'efficacité du centre spatial guyanais. Avec 1 600 personnes, nous faisons ce qui demande plusieurs milliers de personnes à Cap Canaveral, sans parler de la Chine ou de la Russie, où l'on ne parle plus de milliers, mais de dizaines de milliers de personnes.

Vous le voyez : sur Ariane 6, les choses avancent bien. Nous aurons encore quelques années à attendre avant que les lancements d'Ariane 6 nous fassent rêver comme ceux d'Ariane 5. Mais entre-temps, comme vous l'avez dit, ExoMars va prendre le relais. Son lancement a été un succès, et aujourd'hui la sonde est en route pour la planète Mars, qu'elle atteindra au mois d'octobre de cette année. Nous allons placer un satellite en orbite, et un atterrisseur nommé Schiaparelli va se poser à la surface de Mars. Ensuite, si tout va bien, nous lancerons une autre sonde en 2018 se poser sur Mars et y déposer un petit rover qui se déplacera avec, à son bord, une capacité de forage. C'est tout l'intérêt de la mission ExoMars : cette mission va faire de l'exobiologie, ce qui consiste à chercher des vestiges d'une vie passée.

La difficulté est que Mars, qui n'a plus d'atmosphère aujourd'hui, est soumise depuis des milliards d'années aux bombardements cosmiques, notamment neutroniques. La surface en a été totalement stérilisée, tout comme sont soumis à un bombardement neutronique certains instruments que l’on souhaite stériliser dans les hôpitaux. Par conséquent, s'il y avait eu des bactéries à la surface de Mars, elles ont été éradiquées par ce bombardement. En revanche, le bombardement n'a pas eu d'effets à deux mètres sous la surface, et s'il y a eu de la vie sur Mars, nous en trouverons les vestiges en forant à cette profondeur. ExoMars est donc une mission absolument extraordinaire, et si tout va bien, en octobre de cette année et à la fin de l'année 2018, nous devrions obtenir quelque chose. Je ne sais pas si cela sera aussi extraordinaire que la mission Rosetta et Philae, mais ce sera en tout cas remarquable, et constituera une fois de plus une grande réussite de l'Europe.

Vous m'avez interrogé sur Galileo et Copernicus. Nous passons à l'étape suivante : les satellites sont en orbite, il faut maintenant s'en servir. Ce sera plus facile pour Copernicus, car il existe déjà un écosystème prêt à intégrer les données qu'il fournira. Pour Galileo, il faut inventer les applications. À cette fin, nous allons nous appuyer sur la GSA, l'agence du GNSS européen (Global Navigation Satellite System), située à Prague. Notre ambition est de la renforcer dans les années qui viennent.

Pour compléter le panorama, je souhaite évoquer un sujet auquel nous sommes particulièrement attachés. La France a joué un rôle particulier dans la préparation de la COP21, et le CNES a pris une part importante à la préparation du volet spatial de cet événement : nous avons passé l'année 2015 à sensibiliser les politiques à l'apport des satellites à la compréhension du climat. Ce sont les satellites qui ont mis en évidence le réchauffement climatique et l'augmentation du niveau moyen des océans. À cet égard, le CNES est particulièrement fier d'avoir lancé TOPEX-Poséidon dès 1992, ce qui nous permet d'avoir des données continues depuis vingt-quatre ans, puisque Jason 1, Jason 2 et Jason 3 - que nous avons lancé le 18 janvier avec succès - ont pris la suite de TOPEX-Poséidon. Ce sont ces satellites océanographiques qui ont mis en évidence l'augmentation du niveau moyen des océans de 3,2 millimètres par an, ce qui est considérable à l'échelle de la planète.

Nous allons poursuivre, parce que nous avons expliqué au pouvoir politique que seuls les satellites pouvaient s'assurer que les décisions et les engagements pris lors de la COP21 seront respectés, notamment en ce qui concerne les émissions des gaz à effet de serre. Ces gaz, essentiellement le méthane et le gaz carbonique, sont la cause essentielle du réchauffement climatique. La France a décidé de lancer deux programmes de mesure des gaz à effet de serre : Merlin, que nous développons avec l'Allemagne, et MicroCarb, que nous développons seuls pour l'instant. Nous avons pris l'initiative de partager cette approche avec l'ensemble des agences spatiales de la planète : avoir des données est une bonne chose, mais l'effet est beaucoup plus fort lorsque l'on compare les données des uns et des autres. C'est pourquoi j'ai pris l'initiative d'organiser une réunion des chefs d'agence du monde entier dimanche dernier en Inde. L'administrateur de la NASA y était, ainsi que le président de l'Agence spatiale indienne, le directeur général de l'Agence spatiale européenne, les Chinois, les Japonais, et d'autres puissances spatiales.

Nous avons donc une feuille de route très claire, qui sera mise en œuvre dans les mois qui viennent. Notre objectif est de pouvoir poser les fondations d’un nouvel écosystème mondial du climat lors de la réunion du congrès de la Fédération internationale d'astronautique au Mexique au mois de septembre. C’est extrêmement important pour que les engagements de la COP21 soient tenus et que l'espace apporte toute sa contribution à la maîtrise du changement climatique, enjeu crucial pour les années qui viennent.

M. Joachim Pueyo. Monsieur le président, je tenais à vous remercier de l'accueil que vous nous avez réservé au mois de janvier lors du lancement d'Ariane 5. Vous nous avez bien expliqué les enjeux, notamment concernant le Centre spatial guyanais, port spatial de l’Europe, qui est un magnifique outil.

Depuis le traité de Lisbonne, l'Union européenne a une compétence dans le domaine spatial, partagée avec les États membres. L'Union a donc aujourd'hui vocation à s'intéresser à l'ensemble des sujets spatiaux.

À votre avis, que faut-il attendre de la stratégie qu'annoncera la Commission à l'automne prochain ? Je ne reviendrai pas sur Galileo et Copernicus, Bernard Deflesselles connaît particulièrement ces deux questions, mais l'Union doit aussi s'impliquer dans certaines activités spatiales stratégiques comme l’accès à l’espace, la surveillance depuis l'espace ou l'exploration spatiale.

Vous avez évoqué un problème de compétitivité, vous avez cité des pays émergents tels que l'Inde, la Russie et le Japon. Pour vous, peut-on être optimiste sur le devenir du Centre spatial guyanais, dont tout le monde reconnaît la qualité, qui tient notamment à son positionnement géographique ?

Ma deuxième question concerne la surveillance des objets qui gravitent autour de la Terre. Il a été décidé en 2014 de mettre sur pied un système européen de surveillance de l'espace et de suivi des objets en orbite, dit SST (Space Surveillance and Tracking). Pensez-vous que ce système de surveillance puisse contribuer à la défense et la sécurité de l'Union européenne ? Je ne pense pas qu'il ait été pensé à cette fin.

Enfin, peut-on encore faire rêver nos concitoyens ? J'ai été très frappé par la mission Philae, ce petit robot qui incarne l'exploration spatiale européenne, grâce à l’ESA. Comment peut-on mieux faire rêver nos concitoyens, et quelle part l'Union européenne peut-elle prendre à ce rêve ? D'autant que ce rêve aura également des répercussions sur la compétitivité de l'économie de l'Union européenne.

M. Bernard Deflesselles. Monsieur le président, j'ajouterai au portrait très flatteur que la présidente a dressé de vous que vous êtes né dans les Bouches-du-Rhône, ce qui fait que vous ne pouvez pas être tout à fait mauvais ! (Sourires).

Plus sérieusement, ma première remarque est en lien avec un rapport sur la question du réchauffement climatique, que je porte depuis plusieurs années. Vous venez de nous dire que l’espace se mettait à la portée des scientifiques qui étudient le climat, et surtout des forces politiques qui doivent prendre des décisions. Vous nous dites que c'est par les satellites et la technologie que nous pourrons mesurer si les engagements de la COP21 sont tenus. J’ajoute que c'est la volonté des hommes qui va compter dans cette affaire. Et les feuilles de route que nous avons rassemblées pour la COP21 seront tenues si les hommes et les gouvernements les mettent vraiment en œuvre. C'est une autre histoire, mais il est bien que la technique spatiale offre des outils intéressants en ce domaine.

Vous ne vous êtes pas étendu sur la concurrence spatiale en provenance des États-Unis, et en particulier sur SpaceX. Pouvez-vous nous faire part de votre point de vue dans ce domaine ? Comment percevez-vous cette concurrence ? La technique de la récupération, même si elle est controversée, constitue la nouvelle donne. Faut-il, au niveau européen, mener une double réflexion portant à la fois sur Ariane 6 - programme fondé qu'il ne faut surtout pas mettre en péril - et cette technique de récupération ? Ce pourrait devenir un vrai sujet dans les deux décennies à venir.

Par ailleurs, doit-on s'adapter à la technique émergente de la constellation de tous petits satellites ? C’est une nouvelle technique, nous changeons de dimension, comment l'industrie spatiale européenne peut-elle réagir ?

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le meccano industriel constitué par la création d’Airbus Safran Launchers et l'intégration d'Arianespace, sur laquelle la Commission se penche en ce moment ?

Enfin, l'Europe a bien porté l'offre et l'infrastructure dans le domaine de l'industrie spatiale, mais elle semble assez en retrait sur les services. Le programme Galileo compte douze satellites en constellation, bientôt seize puis dix-huit, il va fonctionner, mais quels sont les services offerts pour l'économie ? Nous sommes en concurrence avec le GPS américain, et nous tirons gloire de notre technologie et de notre technique car la précision de Galileo sera de l'ordre du mètre alors que celle du GPS est moindre. Mais au bout du compte, pour le consommateur final qui utilise le GPS dans sa voiture, comment faire pour développer de nombreuses applications qui viendront irriguer l'économie de l'innovation dans les années à venir ? Je suis inquiet sur ce point, je sais que vous avez des idées, mais nous sommes en retard à ce niveau, et la compétition économique est rude.

Nous faisons de bons lanceurs, nous savons mettre des satellites en orbite, mais sommes-nous capables de commercialiser des services qui vont aider à régler des problèmes, ou qui seront un vecteur d'innovation pour l'Europe dans la compétition technologique ?

M. Philip Cordery. Il est important que nous puissions échanger sur ces sujets au sein de la commission des affaires européennes, car s'il est une politique dans laquelle l'Europe fonctionne, c'est bien l'Europe spatiale, qui offre un exemple de la politique industrielle européenne que nous appelons de nos vœux. En termes d'innovation et de création d'emplois, c'est un moteur important de la politique économique européenne, et vos propos nous confirment que ses répercussions en matière de défense et de sécurité ou en matière environnementale sont réelles.

Le CNES y joue un rôle important, c'est l’une des fiertés de la France. Je voudrais souligner l'excellente coopération qui existe avec l'Agence spatiale européenne ; vous qui êtes au sein des deux institutions, vous en êtes certainement un acteur clé. J'étais la semaine dernière à l'ESTEC (European Space Research and Technology Centre) à La Haye, notamment pour y rencontrer les nombreux agents français qui constituent un cinquième de ses effectifs. J'ai trouvé des personnes enthousiastes, motivées par ce projet européen commun, ultra professionnelles, acteurs au quotidien de l'Europe.

Ma première question rejoint celle de M. Deflesselles : Galileo entre dans sa dernière phase opérationnelle. Où en sommes-nous en matière d'applications et de services ? La France se prépare-t-elle ? Est-elle bien positionnée dans les contacts industriels entre « startups », PME et sociétés qui développent ces services ? Serons-nous capables de montrer aux citoyens à quoi ont servi les importants investissements qui ont été réalisés dans ce domaine ? Pouvez-vous en mesurer les retombées en termes de croissance et d'emploi ?

Ma deuxième question porte sur la place de la France dans le marché des satellites et des partenaires du spatial. Nous avons vu que les Allemands étaient très présents dans la confection des satellites, des partenariats industriels européens se mettent-ils en place, et la France en fait-elle partie ?

Enfin, la prochaine conférence ministérielle aura lieu à la fin de l'année. Êtes-vous confiant, malgré la crise et les difficultés budgétaires de tous les États membres, dans le fait que l'investissement financier et humain des différents États membres de l'Agence spatiale européenne sera maintenu au niveau nécessaire pour qu’elle continue à se développer, innover et créer de l'emploi ?

M. Jean-Yves Le Gall. La première question qui m'a été posée portait sur l'avenir du Centre spatial guyanais (CSG). Je suis optimiste sur ce point, pour deux raisons. Tout d'abord, nous faisons des efforts pour développer des lanceurs qui connaîtront le succès commercial. C'est un fait : qu'il s'agisse d'Ariane 5, Soyouz ou Vega, les décisions que nous avons prises il y a quelques années portent aujourd'hui leurs fruits. Il y a une dizaine d'années, lorsque nous discutions de la pertinence de lancer Soyouz en Guyane, ou de démarrer le programme Vega, le débat était vif. Si ces décisions n'avaient pas été prises, au lieu de faire une douzaine de lancements par an comme c'est actuellement le cas, nous en ferions seulement six, puisqu'Ariane représente la moitié des lancements, l'autre moitié étant constituée par Soyouz et Vega.

Cela va donc continuer, d'autant qu'en termes d'efficacité économique, le CSG est le meilleur au monde. Et nous continuerons à nous améliorer chaque année : le CNES fait des efforts de compétitivité de 10 à 15 %. Le CSG est probablement le plus important actif de l'Europe spatiale, j'en veux pour meilleure preuve que les Russes nous ont demandé d'y installer un pas de tir de Soyouz.

Je n'ai donc pas d'inquiétude sur l'avenir du CSG. Bien sûr, il faut continuer à l'améliorer, mais nous le faisons au quotidien, et je suis toujours impressionné du soutien de la la population et des élus guyanais.

S'agissant du système SST, pour la surveillance des objets autour de la terre, la France a beaucoup œuvré à sa mise en place. Lors du dernier salon du Bourget, il y a six mois, un accord a été signé entre la France, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni pour son développement. Aujourd'hui, c'est un système de surveillance des objets, mais ce sont des systèmes duaux : il peut surveiller des objets, mais aussi les potentielles menaces pour l'Union européenne. Votre préoccupation est donc prise en compte.

Quant à notre capacité à faire rêver, des missions développées dans le cadre européen ou dans un cadre de coopérations bilatérales ou multilatérales sont extrêmement enthousiasmantes. Le 22 avril, nous allons lancer le satellite Microscope pour faire une expérience de physique fondamentale : établir la différence entre la masse pesante et la masse inerte. On enseigne dans les écoles que dans l’atmosphère, si on laisse tomber une bille de plomb et une plume, la plume tombe plus lentement que la bille de plomb par l’effet de l’atmosphère. Mais dans le vide, les deux tombent à la même vitesse. La question – c’est l’un des aspects de la théorie de la relativité – est de savoir s’il n’existe pas des différences infimes, car la masse inertielle est différente de la masse pesante. Cela pourrait conduire à revoir la théorie de la relativité, tout comme la découverte des ondes gravitationnelles a apporté un nouveau volet dans la connaissance de ces phénomènes.

Nous allons donc lancer ce satellite Microscope le 22 avril, et je suis persuadé que si nous arrivons à le faire fonctionner comme nous le souhaitons, nous pourrons obtenir dans les mois qui viennent des résultats absolument extraordinaires. C’est évidemment un domaine pointu, mais nous pouvons quand même l’expliquer au grand public. Et à côté de ce programme, nous avons des expériences beaucoup plus visibles, telles qu’ExoMars. Je suis convaincu que si nous arrivons à forer un trou de deux mètres de profondeur à la surface de Mars en 2018, et ainsi mettre en évidence qu’il a pu y avoir une vie par le passé à la surface de Mars, ce sera extraordinaire.

Pour en revenir à des enjeux plus terre à terre, tels que le réchauffement climatique, je reconnais que c’est la volonté des hommes qui permettra de prendre les actions nécessaires. Mais la volonté des hommes s’exprimera d’autant mieux qu’ils seront éclairés. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas mesurer les émissions de gaz à effet de serre. On sait, localement, que si une usine est arrêtée, moins de gaz carbonique sera émis que si elle fonctionne, mais nous n’avons pas de vision globale. Les satellites, notamment MicroCarb et Merlin, vont nous apporter cette vision globale et régionale. Je pense donc que ce que nous faisons peut alimenter et aider la volonté des hommes à faire face au réchauffement climatique.

Ce réchauffement devient un enjeu de plus en plus évident : j’étais en Inde lundi dernier, et la prise de conscience est toujours plus grande. New Delhi est la ville la plus polluée du monde. Vivre à New Delhi revient, du fait des particules fines, à fumer un paquet de cigarettes par jour. Du fait de l’allongement de l’espérance de vie et de l’amélioration du suivi médical, nous réalisons les conséquences sanitaires considérables que cela entraîne. Les Indiens perdent quinze à vingt années d’espérance de vie par les effets de cette pollution.

Cet enjeu climatique fait vraiment l’objet d’une prise de conscience au niveau mondial, et j’ai clairement senti que cela constituait la deuxième conséquence de la COP21, en plus des accords signés. Tout au long de l’année 2015, partout dans le monde, les gens se sont rendus compte que le changement climatique était une réalité, d’autant plus que le réchauffement et ses conséquences sont de plus en plus tangibles. Des phénomènes de plus en plus violents se produisent, et la conscience de la nécessité d’agir est partagée partout dans le monde.

Vous m’avez interrogé sur SpaceX et la question des lanceurs. Il est vrai que se développe aujourd’hui aux États-Unis une approche différente, fondée sur la réutilisation des étages. SpaceX a récupéré un étage de façon extrêmement impressionnante. J’ai déclaré dans une interview qu’il s’agissait d’un exploit technologique car je le pense. Faire décoller une fusée et la faire revenir en marche arrière trois minutes plus tard après avoir lancé un satellite en orbite est tout de même très impressionnant.

De son côté, Blue Origin a fait voler trois fois d’affilée le même lanceur. C’est pour cela que notre position est très claire : en 2014, nous avons décidé de lancer le programme Ariane 6 car c’était ce que nous savions faire de mieux avec les technologies qui existent aujourd’hui en Europe, mais j’ai souhaité que dans le même temps, nous lancions un programme de développement de moteurs et de lanceurs réutilisables. C’est le programme Prométhée, sur lequel nous travaillons.

Nous serons bien contents d’avoir lancé le développement de ce moteur et de cet embryon de lanceur réutilisable si d’ici deux ou trois ans, SpaceX fait ce qu’il dit. Mais ce n’est pas toujours le cas, car nos modes de communication sont totalement différents. En Europe, si l’on vise un objectif de dix, on préfère annoncer huit par crainte de ne pas pouvoir faire neuf ou dix. Aux États-Unis, quand on sait que l’on va faire dix, on annonce cinquante, et si ensuite on ne fait pas ce qui a été dit, cela n’a pas beaucoup d’importance. Au début de chaque année, SpaceX annonce qu’il va réaliser vingt lancements, et il en fait six ou sept. Nous en annonçons douze en début d’année, parfois au terme de débats passionnés pour savoir si pouvons annoncer douze alors que nous risquons de n’en faire que onze. Notre politique de communication est donc tout à fait différente.

Mais aujourd’hui, il est clair qu’il existe une tendance à la réutilisation des lanceurs. On donne parfois des descriptions un peu tendancieuses, mais il est évident que si l’on utilise le même lanceur dix fois d’affilée, cela reviendra moins cher in fine que d’en consommer un à chaque lancement.

Ma réponse sera un peu la même sur les constellations de satellites. Des annonces sont faites, mais les choses évoluent très vite. Au Salon du Bourget, ce qui faisait le « buzz », comme on le dit vulgairement, était l’annonce par Google du lancement d’une constellation de 4 000 satellites. Une telle annonce frappe évidemment les esprits, car les constellations de satellites comptent au maximum cinquante ou soixante éléments, les ordres de grandeur sont donc sans commune mesure. Mais six mois plus tard, Google n’en parle plus parce qu’ils sont passés à autre chose.

Là encore, il faut faire attention. Nos industriels avaient immédiatement réagi en disant qu’il fallait faire quelque chose. Pour ma part, j’ai veillé à ce que le programme d’aide que nous avons mis en place puisse servir à l’industrie de façon générique, et qu’il ne soit pas orienté uniquement sur les constellations. Nous avons eu raison de le faire, car aujourd’hui, il est beaucoup moins question des constellations telles que celle qu’annonçait Google.

En ce qui concerne le meccano industriel avec ASL et Arianespace, la question majeure est l’amélioration de la compétitivité industrielle, et donc la restructuration au niveau de l’industrie. L’affaire Arianespace est un peu marginale : ASL représente 8 000 personnes. Une organisation différente, notamment grâce aux simplifications d’interface entre Airbus et Safran, conduira à des réductions de coût. C’est ce que nous souhaitons pour qu’Ariane 6 tienne les objectifs extrêmement ambitieux de réduction des coûts.

Arianespace est toute petite à cette échelle, elle représente trois cents personnes. Il est vrai que la question du capital se pose, mais quoi qu’il advienne du capital d’Arianespace, ce n’est pas ce qui va générer des économies. Ce qui va générer des économies, c’est la constitution d’ASL. Il ne faut pas se tromper de combat : aujourd’hui la priorité est ASL. La Commission a posé ses questions sur Arianespace, il faut y répondre, nous allons effectuer le parcours dans le respect des règles.

La question des services constitue en effet le prochain enjeu. Nous avons fait des progrès, et nous avons à notre actif des succès incontestables. Le plus beau d’entre eux est Arianespace, puisque c’est l’Europe qui a inventé cette industrie du transport spatial. Cela a été fait avec la série des Ariane 1, 2, 3 et 4. J’ai eu pour ma part la chance et l’honneur d’imposer Ariane 5 sur le marché commercial, ce qui n’était pas facile, mais nous avons une expérience réussie que nous déclinons aujourd’hui sur CLS (Collecte Localisation Satellites), autre filiale du CNES qui va fêter demain son trentième anniversaire, ainsi que sur différentes autres applications.

Il est vrai que nous devons maintenant réussir Galileo. On disait que Galileo était le GPS européen, mon objectif est que dans quelques années, on dise que le GPS est le Galileo américain. Ce sera difficile, mais Galileo a de vraies spécificités et des avantages compétitifs, notamment la datation du signal, qui est très importante, et une meilleure précision. L’exemple que nous donnons est qu’avec le GPS, nous savons où se trouve le train sur la carte de France ; avec Galileo, nous savons sur quelle voie il est. Si nous voulons que le train se déplace grâce à un signal satellite, il est préférable de savoir sur quelle voie il se trouve. Cet exemple un peu didactique montre ce que fait Galileo, mais il faut faire en sorte que Galileo connaisse le succès. Cela se fera dans un cadre européen, en renforçant l’agence européenne GSA, mais il faut absolument avancer dans cette voie.

Votre dernière question portait sur la conférence ministérielle de la fin de l’année, notamment à l’aune des budgets. Il est vrai que nous avons des problèmes budgétaires en France, même si notre budget se maintient, ce qui est tout à fait remarquable dans le contexte d’efforts sécuritaires que nous connaissons. Il faut en remercier le Gouvernement, et en particulier notre ministre, M. Mandon. Des questions se posent en Allemagne, notamment avec la question des réfugiés. Depuis quelques mois, je suis frappé chaque fois que je vais en Allemagne par l’afflux des réfugiés : un million en 2015, 1,5 million de plus prévu en 2016. Au total, fin 2016, cela représentera 2,5 millions de réfugiés dont le coût moyen pour le budget fédéral est de 6 000 euros par an. Cela représente au total 15 milliards. Le budget allemand devant être équilibré, il faut rechercher des économies. L’espace est un bon candidat à cet égard, j’espère que nous verrons que le rapport coût / bénéfice de l’industrie spatiale est excellent, et qu’il faut maintenir une politique spatiale.

Mais je commence à avoir une certaine expérience de la préparation des conférences ministérielles, nous avons toujours des soucis budgétaires, et notre feuille de route d’ici à la fin de l’année est de parvenir à ce que l’Europe se retrouve autour d’un programme qui a un intérêt évident pour l’ensemble des citoyens européens.

M. Yves Fromion. Monsieur le président, vous avez évoqué le problème des débris spatiaux qui s'accumulent autour de la planète. À une époque, on s'interrogeait sur les moyens de détruire ou réduire ces débris, notamment avec des tentatives de tirs lasers pour changer le niveau d'énergie des débris et les faire tomber par eux-mêmes.

Y a-t-il des projets en ce sens ? L'accumulation de tous ces débris va finir par provoquer des problèmes.

M. Jean-Yves Le Gall. La meilleure façon de traiter le problème des débris est de ne pas en fabriquer. C'est même aujourd'hui la seule façon, car les techniques dont vous parlez sont un peu futuristes. Les débris qui existent ont été créés depuis le début de l'ère spatiale, car on ne prenait pas en compte ce sujet il y a dix ou quinze années. Depuis, deux événements ont eu lieu : une collision entre deux satellites a été organisée par les Chinois afin de démontrer au monde qu'ils savaient le faire, ce qui a donné lieu à des protestations internationales ; et un satellite russe a percuté au-dessus de la Sibérie un satellite de la constellation Iridium, ce qui a créé un nuage de débris.

Ces débris sont en orbite basse, ce qui signifie qu'ils finissent par rentrer dans l'atmosphère et faire des étoiles filantes. Les débris en orbite plus haute, au-delà de 1 000 kilomètres, sont là pour toujours, mais ce sont des orbites auxquelles nous allons assez peu, à l'exception de l'orbite géostationnaire.

La règle est que les lanceurs ne doivent plus laisser de débris en orbite, et la France a été pionnière à ce niveau avec la loi sur les opérations spatiales que le Parlement a voté il y a quelques années. Donc lors de la séparation des étages, s'il y a une sangle, elle sera piégée sur l'étage supérieur, et ensuite on désorbitera l'étage supérieur. Aujourd'hui, avec les lanceurs Soyouz que nous lançons depuis la Guyane, nous savons désorbiter l'étage supérieur. Avec Vega, on sait le faire selon les missions, nous ne savons pas le faire avec Ariane 5, mais nous le ferons avec Ariane 6 pour ne pas salir l'espace.

Quant aux débris qui ont été créés en orbite basse, ils ne sont plus dangereux parce qu'ils finissent par rentrer dans l'atmosphère. Je sais que les films de science-fiction imaginent parfois de grands filets ou d'autres inventions, mais malheureusement, cela n'existe pas.

La Présidente Danielle Auroi. Au nom de tous, je vous remercie de nous avoir donné beaucoup de réponses extrêmement précises et claires. Nous espérons avec vous que le budget des activités spatiales va rester un budget européen important. Je crois que la tenue des engagements de la COP21 en dépend, ce qui constitue un argument supplémentaire venant s'ajouter à la liste des utilisations des satellites.

II. Communication de la présidente Danielle Auroi sur l’optimisation et la fraude fiscales

La présidente Danielle Auroi. En matière de fraude et d’évasion fiscales, les scandales se suivent, se ressemblent, et malheureusement s’amplifient. Après l’affaire « Luxleaks » et l’affaire « Swissleaks », les révélations relatives aux Panama papers, ces 11,5 millions de fichiers provenant des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, agitent aujourd’hui l’actualité et sont une nouvelle illustration d’un dysfonctionnement majeur de notre système économique mondial, qui doit nous interpeller très directement.

L’ampleur du phénomène de fraude et d’évasion, comme celle – d’ailleurs rassurante – du mouvement d’indignation qui se manifeste depuis dimanche, soulignent à la fois le caractère non tenable de cette situation où l’opacité rend possible de telles pratiques, et l’injonction à agir, de manière urgente et concertée, à l’échelle européenne et internationale.

Il me semble en effet qu’il nous faut utiliser ces scandales pour faire montre de détermination et aller plus loin dans la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales : plus loin dans la coopération et le dialogue entre les États et leurs administrations fiscales et plus loin dans la règlementation et son contrôle efficace. Évidemment, une réelle convergence constitue, à terme, au moins pour l’Europe, l’objectif ultime et le seul rempart efficace contre ces pratiques préjudiciables.

La Commission européenne a commencé à se mobiliser sur ce sujet. Elle a présenté, fin janvier 2016, un paquet anti-évitement fiscal. Ce dernier s’inscrit dans la continuité des travaux menés par l’OCDE dans son programme d’action « anti-BEPS » (érosion de la base fiscale et transfert des bénéfices) et comporte des propositions ambitieuses pour renforcer la coopération entre administrations fiscales et lutter plus efficacement contre les pratiques d’évasion fiscale à proprement parler. Les banques, en particulier celles qui ont bénéficié de la manne européenne au moment de la crise, se doivent d’être transparentes et de mettre fin à ces pratiques.

En réaction à l’actualité de ces derniers jours, le commissaire Moscovici en a appelé à la responsabilité des États membres, qui sont décisionnaires en la matière, pour qu’ils fassent preuve de bonne volonté, de solidarité et pragmatisme dans le domaine aussi sensible que constitue la fiscalité. Il en va de la justice sociale comme de l’efficacité du système économique mondial. L’égoïsme des plus riches, qui refusent de contribuer aux biens communs, coûte très cher à chaque contribuable européen. Il faut maintenant que les propositions concrètes soient mises en œuvre.

Il faut également saluer l’implication du Parlement européen sur ces questions et, notamment les travaux engagés par la commission spéciale sur les rescrits fiscaux et autres mesures similaires par leur nature ou leur effet (dite « commission spéciale TAXE ») dont le mandat a été prolongé (commission spéciale TAXE II) et qui devrait présenter la conclusion de ses travaux d’ici l’été. Je souligne d’ailleurs que le groupe EELV demandera, une nouvelle fois, la transformation de cette commission spéciale en une commission d’enquête afin de lui donner les moyens de ses ambitions. Je crois que l’ampleur du scandale peut amener notre Commission à les soutenir dans cette proposition.

Par ailleurs, il faut également redoubler d’efforts en matière de lutte contre le blanchiment et trouver, notamment en révisant les directives actuellement en vigueur, des réponses juridiques efficaces, capables de tenir compte de ces pratiques scandaleuses et de l’ingéniosité qui caractérise certains montages financiers.

Il me semble que les lanceurs d’alerte méritent également que les institutions européennes agissent et réfléchissent à l’élaboration d’un statut protecteur au sein de l’Union. Je rappelle, à cet égard, que notre commission avait, dès juillet 2015, souligné, dans une résolution adoptée à l’unanimité par la commission des affaires économiques, la nécessité d’exclure les activités de journalisme du champ d’application de la directive relative au secret d’affaires afin de garantir la protection des sources comme la liberté d’expression et d’information.

Je voudrais également rappeler l’implication constante de notre commission sur ces problématiques et il faudrait remettre en cause la directive qui protège le secret des affaires.

Nos rapporteurs, Isabelle Bruneau et Marc Laffineur, ont déjà présenté un rapport sur ces sujets, en octobre dernier, assorti de conclusions, que notre commission avait adopté à l’unanimité, demandant un renforcement de la règlementation européenne pour lutter contre l’évasion fiscale.

Nos rapporteurs sont en train de travailler sur un nouveau rapport, sur ce paquet fiscal présenté par la Commission européenne. Le rapport, qu’il est prévu d’examiner en commission à la mi-mai, sera assorti, je crois, d’une proposition de résolution tout à fait bienvenue et que notre commission examinera avec la plus grande attention. Ce sera l’occasion d’aller de l’avant pour que l’encadrement règlementaire soit, enfin, à la hauteur des enjeux dans ce domaine – et suivi d’effet !

III. Examen de la proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole (n° 3574).

M. Yves Daniel, rapporteur. La proposition de résolution européenne que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui est l’occasion de faire un point sur la réglementation européenne du secteur vitivinicole et la nécessité de son maintien.

La filière vitivinicole européenne a en effet fait l’objet de nombreuses réformes récentes, qui ont abouti à l’actuelle Organisation Commune de Marché. Sans rappeler toutes les étapes qui ont abouti au système mis en place en France depuis le 1er janvier, et à la suite de la proposition de résolution européenne sur les droits de plantation de vigne portée par Mme Catherine Quéré en mai 2013, il faut se souvenir que le régime actuel des autorisations de plantation, qui a remplacé les droits de plantation, est le résultat d’un équilibre acquis de haute lutte après plusieurs années de négociation.

Cet équilibre est nécessaire pour protéger la qualité de nos produits viticoles. Si le principe est désormais renversé, et que les nouvelles plantations sont autorisées de droit, sauf restriction dûment justifiée, ces dernières ne peuvent s’étendre que sur une superficie équivalant à 1 % de la surface viticole nationale par an. Les restrictions en fonction des régions, mais aussi en vertu de règles propres aux vins d’appellation, permettent une augmentation raisonnée et attentive à la diversité des terroirs. Le sentiment selon lequel l’Europe doit jouer la carte de la qualité sur le marché mondial viticole, par le biais du maintien d’un encadrement communautaire des plantations de vigne, est désormais largement partagé.

Ce système, mis en place par le règlement de « réforme de la PAC » de 2013 permet de préserver et valoriser les vins d’appellation d’origine protégée (AOP) et d’indication géographique protégée (IGP). Ces produits ont à la fois une forte portée symbolique, en ce qu’ils reflètent l’excellence de nos savoir-faire et la diversité de nos terroirs, et une valeur économique fondamentale face à la concurrence mondiale qui s’exacerbe chaque jour un peu plus.

La délimitation stricte des zones d’où peuvent être issus les vins labellisés et l’inscription de celle-ci dans les procédures d’étiquetage bénéficient tant à la valorisation des vins qu’à la bonne information du consommateur. Les règlements de la Commission en la matière ont été très attentifs à ce que l’étiquetage ne puisse induire personne en erreur. Les indications harmonisées contiennent ainsi des informations qui garantissent la traçabilité et l’origine des vins d’appellation.

La Commission européenne s’est engagée dans un processus de simplification de la PAC qui doit permettre à nos agriculteurs d’éviter trop de contraintes inutiles. J’estime que cette louable intention ne doit pas entraîner la négation des spécificités de la filière vitivinicole.

En particulier, l’harmonisation des règles d’étiquetage dans un règlement unique consacré à divers produits agroalimentaires ne saurait prêter à confusion. Le risque de détournement de notoriété de certaines appellations prestigieuses doit être combattu à la fois dans les vignobles et sur les étiquettes. C’est pourquoi j’estime notamment que nulle mention susceptible d’être confondue avec une AOP ou une IGP ne devrait figurer sur les produits qui ne peuvent y prétendre. La possibilité qu’apparaisse en plus petit une mention géographique autre que celle de l’État membre, pour les vins sans origine géographique protégée, serait tout à fait néfaste.

Il y a là un risque réel, qu’il est d’autant plus paradoxal d’encourir alors que la Commission négocie au même moment la reconnaissance de nos appellations et indications géographiques dans le cadre du Partenariat Transatlantique.

Plutôt que prendre le parti pris de l’uniformisation, je pense au contraire qu’une stratégie offensive, notamment à l’exportation, passe par la mise en valeur, non seulement des appellations, mais aussi des savoir-faire traditionnels. Les « mentions traditionnelles », telles que « château », « clos » ou « bastide » sont représentatives de terroirs qui ne se réduisent pas à une zone géographique, mais associent une histoire et des facteurs humains indispensables à la qualité de nos vins. Or, ces termes sont réappropriés en Suisse, au Luxembourg, voire même aux États-Unis ou au Chili. Il est certes difficile d’en réduire l’usage, dès lors qu’il existe véritablement un château ou autre bâtiment de prestige qui puisse le justifier. Mais la Commission devrait user de tous les éléments qui contribuent au rayonnement des produits vitivinicoles en Europe et dans les pays tiers. Étiquetage, conservation des savoir-faire et ouverture progressive pour répondre à la demande mondiale sont à la fois indissociables et la réponse adéquate afin que la viticulture européenne soit en mesure de garder son rang.

Au moment où la suppression des quotas laitiers a entraîné une chute des prix et où de nombreux producteurs sont dans une situation dramatique, les organisations de producteurs de vin demeurent attentives à ce qu’un système vertueux, qui a permis de sortir de crises récentes, ne soit pas mis à mal. Il ne s’agit pas de s’opposer à toute forme d’harmonisation, mais il faut que celle-ci se fasse « par le haut » et qu’elle mette en valeur les filières de qualité. Certains pré-projets de la Commission, sous forme de « non papiers », qui pourraient aboutir à remettre en cause la réglementation actuelle, ont légitimement inquiété les professionnels.

Dès lors, partageant ces inquiétudes et celles du Sénat, qui a émis une résolution européenne relative au maintien de la règlementation viticole le 21 mars 2016, j’estime que le système actuel qui organise la filière vitivinicole mérite d’être préservé.

La proposition soumise à votre examen identifie ces problématiques et souligne la nécessité de maintenir en l’état la règlementation de ce secteur. Je souscris pleinement à cette initiative. Il m’est toutefois apparu que la proposition pouvait être encore améliorée. En premier lieu, il ne s’agit pas seulement de protéger une filière, mais également de faire savoir aux autorités européennes, ainsi qu’à toutes les parties prenantes, que nous sommes prêts à accompagner les mutations, à condition de s’appuyer sur ce qui fait la spécificité du secteur vitivinicole. Les amendements que je vous soumets sont donc de deux natures.

Ils visent à orienter la proposition de résolution dans un sens résolument qualitatif. Les liens qui président à une AOP ou une IGP, à savoir entre une zone géographique précise, une histoire parfois multiséculaire et le respect d’un cahier des charges exigeant, doivent être précisés.

Les « mentions traditionnelles » participent également à la démarche qui est au cœur de ce rapport : il ne faut pas détruire une segmentation de marché qui produit des résultats. Loin d’être un conservatisme, la différentiation des produits offre à la fois un choix plus grand aux consommateurs et permet aux producteurs une certaine souplesse, en plus du sentiment de reconnaissance inhérent aux appellations. Il convient également de réaffirmer avec force notre vigilance quant aux risques de détournement des appellations, qui constitue la principale menace qui pèse sur nos producteurs. Dans le dialogue qui s’engage avec la Commission, ces arguments méritent d’être entendus.

Les amendements sont également destinés à engager un dialogue avec les institutions européennes. Il est en effet dans notre intérêt de participer aux réflexions que les institutions européennes mènent en amont de leurs textes. Il en va non seulement de la protection d’une filière florissante mais aussi de l’influence que l’on peut exercer sur les futures règlementations du marché. En réagissant aussi en amont, notre commission prouve qu’elle peut influencer le plus tôt possible les processus européens, et ce d’autant plus qu’elle s’engage pleinement et respectueusement dans les débats en cours.

Dès lors, je vous propose d’adopter cette proposition de résolution, en y intégrant les amendements que je viens d’évoquer.

M. Yves Fromion. Je ne vais pas intervenir sur les amendements mais sur le fond du dossier. Je voudrais dire qu’il y a le fond et la forme dans cette proposition de résolution. Sur le fond, on ne peut être que totalement d’accord sur le texte et ses orientations. Je pense que les amendements présentés par le rapporteur méritent d’être pris en considération.

Maintenant, au nom d’un certain nombre de mes collègues, je voudrais intervenir sur la forme. Depuis des mois et des mois, nous savons que les problèmes vitivinicoles ont alimenté l’activité parlementaire de notre Assemblée. Nous nous sommes toujours efforcés d’avoir une action qui évitait les prises de position partisanes. Nous avons toujours considéré qu’il était important que ce soit l’ensemble des parlementaires de tout bord qui s’unissent pour défendre le mieux possible les intérêts de la filière vitivinicole. Des démarches ont été faites, allant dans le sens de cette résolution. M. Philippe Martin est allé rencontrer la Commission à Bruxelles pour évoquer cette question. Nous avons, à propos de la loi Macron, tous travaillé ensemble sur la loi Evin.

Là, je vois que le groupe socialiste s’est lancé dans une opération qui, sur le fond, est acceptable, mais que nous aurions pu mener ensemble, puisque ces questions ont été évoquées à l’ANEV, au groupe de travail sur la vigne. Pourquoi vouloir donner le sentiment que seul le Parti socialiste se lance dans cette proposition de résolution ?

Je trouve sincèrement que pour notre Assemblée, pour notre commission et pour la filière vitivinicole, ce n’est pas une bonne chose. On donne le sentiment d’une petite récupération politicienne, sur un sujet qui méritait mieux que ça. Je ne m’abstiendrai pas, je ne prendrai pas part au vote.

La Présidente Danielle Auroi. Merci de vos remarques.

Ce qui peut toutefois nous rassurer, c’est que la Commission des affaires européennes du Sénat a adopté à l’unanimité la même proposition de résolution. Par ailleurs, notre collègue Philippe Martin, qui, souffrant, n’a pu se joindre à nous aujourd’hui, m’a fait savoir qu’il soutenait la proposition de résolution.

Mme Marie-Hélène Fabre. Merci de m’accueillir dans votre commission. Je n’ai pas de réponse particulière à apporter à ce qui a été dit. Si ce texte vous convient, vous pouvez le voter. Je crois qu’il y a eu deux temps.

Il y a eu un temps au cours duquel la Commission avait engagé un travail sur la simplification, qui a été stoppé face à la montée de l’opposition des députés européens, notamment. La première partie de la proposition de résolution européenne, comme il n’a pas échappé à M. le rapporteur, est issue de ce premier temps. La décision de la Commission de tout arrêter pour repartir sur de bonnes bases est intervenue très peu longtemps après.

Ce texte permet de manifester le soutien que nous voulons apporter aux préoccupations de la viticulture, et au Parlement européen et au gouvernement français, en sachant que nous serons obligés de revenir avec une autre proposition de résolution, dès lors que nous n’avons pour le moment aucune feuille de route de la Commission européenne.

La Présidente Danielle Auroi. Je crois que c’eut été bien que ce soit cosigné par d’autres groupes. Ma collègue Brigitte Allain, viticultrice, aurait cosigné sans doute volontiers.

Mais l’intérêt collectif doit l’emporter dans cette matière, et je propose de mettre aux voix le texte et les amendements.

Après avoir adopté les quatre amendements du rapporteur, la Commission a adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution ci-après, les membres du groupe Les Républicains ne prenant pas part au vote. »

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 38 à 44,

Vu le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil,

Vu le règlement (CE) n° 607/2009 du 14 juillet 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil en ce qui concerne les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole,

Vu le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil du 29 avril 2008 portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et (CE) n° 1493/1999,

Considérant que les réformes de 2008 et de 2013 ont été adoptées dans une logique d’équilibre et de préservation des particularités du secteur vitivinicole ;

Considérant que la Commission européenne travaille à une modification des règles d’identification et de commercialisation des productions viticoles afin de les rendre compatibles avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Considérant la nécessité de maintenir la spécificité du secteur vitivinicole ;

Considérant la nécessité de protéger le secteur vitivinicole d’une libéralisation sans protection ;

Considérant la nécessité de protéger les appellations d'origine et les indications géographiques contre toute utilisation visant à profiter abusivement de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes ;

Considérant la nécessité de ne pas induire en erreur le consommateur,

1. Demande à ce que le processus de simplification ne disperse pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole dans divers textes européens ;

2. Appelle la Commission européenne à maintenir la réglementation visant à éviter les détournements de notoriété et notamment la distinction stricte entre des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée et des vins sans indication géographique, ainsi qu’à valoriser les mentions traditionnelles contribuant au rayonnement des produits viticoles de qualité ;

3. Demande à la Commission européenne de maintenir l’interdiction pour des vins sans indication géographique d’indiquer une origine géographique plus petite que celle de l’État membre. »

La séance est levée à 18 heures

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 6 avril 2016 à 17 heures

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Philip Cordery, M. Yves Daniel, M. Bernard Deflesselles, Mme Sandrine Doucet, M. Yves Fromion, M. Joaquim Pueyo

Excusés. - M. Pierre Lequiller, M. Philippe Armand Martin

Assistait également à la réunion. - Mme Marie-Hélène Fabre