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Commission des affaires européennes

mercredi 7 décembre 2016

16 h 30

Compte rendu n° 330

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente puis de M. Pierre Lequiller, Vice-président

Communication de M. Gilles Savary sur la consultation publique ouverte par la Commission européenne relative au renforcement de la législation sociale dans les transports routiers.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 7 décembre 2016

Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 30

Communication de M. Gilles Savary sur la consultation publique ouverte par la Commission européenne relative au renforcement de la législation sociale dans les transports routiers.

M. Gilles Savary. La communication d’aujourd’hui s’inscrit dans un cadre similaire à celui de notre réunion d’hier autour du socle des droits sociaux. À la mi-octobre, la Commission européenne a en effet lancé une consultation publique relative au renforcement de la législation sociale dans les transports routiers. Notre commission a décidé de répondre à cette consultation publique, qui prend fin le 11 décembre.

La France est en réalité à l’initiative de ce « chantier » du renforcement de la législation sociale dans les transports routiers, avec la conférence internationale organisée à Paris, en avril 2014, par le ministre en charge des Transports à l’époque, M. Frédéric Cuvillier, sur la question de la dérégulation routière et la concurrence non soutenable.

L’ouverture du marché du transport routier international de marchandises est réalisée depuis 1992, l’ouverture des marchés nationaux étant prévue dans un deuxième temps – ouverture à laquelle s’est opposée la France – , dans un contexte où prévalait l’idée que le chemin de fer prendrait une part croissante des échanges intérieurs, selon le modèle du « split modal » pour reprendre le titre d’une communication de la Commission dans les années 2000 sur le transfert modal, qui avait pour objectif d’encourager un report du transport de marchandises de la route vers le rail grâce à des incitations fiscales et normatives.

Or ce transfert n’a pas eu lieu, en dépit de tous les discours et de toutes les intentions sincères en vue d’un transfert des moyens de transport polluants vers des transports moins polluants : en 2002 en France la route prenait en charge 77% du transport de marchandises, c’est 82 % aujourd’hui. Les évolutions technologiques du transport routier lui ont permis d’abaisser ses émissions, évolution que n’a pas encore entrepris le chemin de fer.

La géographie du transport routier de marchandises (TRM) est simple aujourd’hui, elle oppose les pays du centre et de transit aux pays périphériques.

La France et l’Allemagne ont en effet subi le plus gros impact lié à la règle des trois cabotages dans un délai de sept jours lié au transport international – règle instaurée, je le rappelle, pour des raisons écologiques, afin d’éviter le retour à vide de camions – puisque en raison de leur situation centrale ce sont des pays de transit.

Ce phénomène géographique se conjugue à un autre, celui du dumping social lié aux taux de salaire très différents au sein même de l’Union. J’ai moi-même vu, lors d’un contrôle voilà deux ans, un chauffeur routier roumain international employé par Geodis payé 191,80 euros par mois, soit le salaire minimum de son pays d’envoi. Aucun transporteur routier français ne peut rivaliser sur ces trois chargements/déchargements réalisés sur notre territoire national dans ces conditions.

Le résultat est que le pavillon français s’est effondré à l’international et que le marché intérieur des pays de transit subit une concurrence déloyale.

Aiguillonnée par la France et l’Allemagne – ce sont les pays les plus cabotés – mais aussi par l’Italie et les Pays-Bas, la Commission Juncker a accepté de bouger, la première étape est cette consultation publique.

La France et l’Allemagne ont décidé d’avancer plus vite en agissant sur la question du salaire minimum, en choisissant d’appliquer les règles du détachement et donc leurs législations nationales dès le premier cabotage sur leur territoire. C’est une mesure portée en France par la loi Macron.

Il faut être clair : c’est contrôlable, mais ce n’est pas réprimable car ces chauffeurs routiers sont hypermobiles, et il n’est pas possible que leurs feuilles de paie retracent toutes ces heures de chargement/déchargement passées dans les différents pays.

Nos deux pays font à ce sujet l’objet d’une procédure d’infraction lancée par la Commission. Je reconnais que la réponse française est bancale, mais charge à la Commission de proposer un meilleur système. Pour ce faire, elle a lancé cette consultation, et ce qui vous est proposé dans ces conclusions c’est de d’indiquer les orientations et les mesures qui nous paraissent pertinentes.

C’est un sujet, vous l’avez compris, qui est parallèle à celui du détachement. La Commission européenne a choisi de les séparer car il concerne ici des travailleurs transfrontaliers hypermobiles. Le Gouvernement français tend à vouloir relier les deux, dans la directive détachement. Je ne pense pas que ce soit la meilleure stratégie : le risque en effet est d’agglomérer les oppositions, celle des pays périphériques (Suède, Irlande, Espagne) venant s’ajouter à celle des pays d’Europe centrale et orientale déjà virulents sur la question du détachement. L’Espagne a été très claire, elle s’y oppose. Ma première proposition est donc de bien séparer ces deux dossiers.

Le cadre européen en matière de transport de marchandises par route (TRM) a trouvé ses limites dans les différences considérables de niveaux de salaires et de législations du travail, et l’efficacité de la régulation du TRM en matière sociale est remise en cause non seulement par près de la moitié des États membres mais aussi par les travaux d’évaluation ex post engagés par la Commission européenne elle-même.

En créant des conditions de concurrence insoutenables, basées exclusivement sur le coût de la main d’œuvre, les dérives constatées du cadre réglementaire applicable au TRM sont finalement contraires au principe de concurrence libre et non faussée du marché intérieur. Vous trouverez dans la communication des éléments statistiques éclairants, cette question recouvre aussi des enjeux de dignité humaine.

Il est donc essentiel de soutenir la position exprimée par le Gouvernement français, qui s’oppose à toute nouvelle initiative législative européenne libéralisant le cabotage national sans un renforcement préalable de la législation sociale européenne dans ce secteur.

Nous parlons ici de travailleurs hypermobiles, donc c’est bien à l’échelle européenne que la question doit être réglée, l’article 5 du traité trouve ici pleinement à s’appliquer. Nous avons besoin d’un cadre spécifique applicable à ces travailleurs, notamment pour ce qui relève de la rémunération minimum, articulé avec la révision de la directive détachement.

Le point 8 des conclusions que je vous propose liste enfin un certain nombre de principes ou d’outils à mes yeux indispensables pour améliorer la législation sociale applicable à ce secteur.

En premier lieu, il faut clarifier et simplifier la règlementation en vigueur, notamment en matière de définition des temps de travail, de conduite et de repos, et en interdisant expressément la possibilité d’effectuer dans un véhicule le temps de repos hebdomadaire normal. Il s’agit là d’une avancée de la loi française, résultat de la proposition de loi que j’avais déposée pour lutter notamment contre un consensus implicite de cette profession sur le travail dissimulé le weekend, les chauffeurs prenant leur repos hebdomadaire normal dans leur camion et assurant par là-même gratuitement le gardiennage dudit camion et de sa marchandise. C’est indiscutable au plan juridique, cela permet de rééquilibrer le coût des chauffeurs étrangers. En outre, les Espagnols nous accusent de discrimination à leur encontre, puisqu’ils doivent passer par la France, il faut donc que cette règle soit fixée au niveau européen.

Deuxièmement, il est nécessaire de garantir l’application et l’exécution uniformes de la règlementation sociale dans les États membres en améliorant notamment l’efficacité des contrôles. Cela passe par la possibilité donnée aux autorités de contrôle des États membres d’accéder directement et en temps réel au registre électronique d’un autre État membre – ce qui n’est aujourd’hui pas possible –, au registre européen de transport et aux cotes de risque des États membres.

(M. Pierre Lequiller, vice-président, remplace la Présidente Danielle Auroi)

Autres outils, la mise en place de dossiers de conformité intégrés associant le véhicule, le chauffeur et le transporteur, sous forme électronique et obligatoirement communiqués aux registres électroniques nationaux et au registre européen des entreprises de transport, afin de pouvoir vérifier toutes les données, y compris les données sociales, et l’utilisation de tachygraphes numériques.

La régulation européenne passe aussi par des avancées juridiques : la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile – avec pour missions l’observation du phénomène et des infractions interétatiques, le suivi des législations nationales, la formulation de propositions d’amélioration de la réglementation européenne et l’amélioration du système d’information administratif entre États membres –, la définition claire des responsabilités de tous les acteurs de la chaîne du transport en cas d’infraction à la règlementation sociale, en impliquant la responsabilité du donneur d’ordre.

Enfin, il faut revoir les règles applicables au cabotage de retour dans une opération de transport international, en réduisant le nombre d’opérations autorisées, par exemple en limitant le nombre d’opérations à une par pays traversé, pour limiter l’impact sur le trafic intérieur.

M. Jacques Myard. « Je tiens l’auberge de la France au carrefour de l’Europe », cette phrase d’un ancien ministre des affaires étrangères me semble s’appliquer parfaitement au cas du transport routier !

J’approuve ces conclusions, même si une meilleure coordination sous l’égide de la DG Transports pourrait sans doute nous éviter de créer une agence européenne de plus.

Mais nous pouvons d’ores et déjà agir sur le plan national : par exemple – et j’avais déposé une proposition de loi à ce sujet – les salaires et les cotisations sociales sont d’ordre public en France, les travailleurs détachés doivent donc être payés comme les travailleurs français. Les conditions sociales sont une compétence nationale, il faut taper du poing sur la table ! Par ailleurs, nous pourrions aussi jouer sur les contrôles du nombre et des conditions des heures de repos, sur la base de la sécurité routière, également compétence nationale, et prendre des mesures coercitives avec ces transporteurs qui sont finalement des exploiteurs.

M. Gilles Savary. La difficulté majeure ici, c’est l’hypermobilité de ces travailleurs. Pour les travailleurs détachés classiques, imposer qu’ils acquittent toutes les charges sociales du pays où ils sont détachés est à mon sens une fausse bonne idée : premièrement, cela serait très attractif pour les travailleurs étrangers, compte tenu de la bonne couverture santé et retraite que nous offrons, et cela pèserait donc sur notre régime social ; deuxièmement, cela signifie aussi la fin du détachement de travailleurs français, puisqu’eux aussi seraient alors tenus d’être au régime social du pays d’accueil !

M. Jacques Myard. On peut imaginer un système où l’entreprise française prend en charge des cotisations complémentaires en France, en faisant attacher nos travailleurs détachés de manière complémentaire à une caisse française. C’était ma situation lorsque, diplomate, j’étais en poste à l’étranger, où j’étais rattaché non pas à la Sécurité sociale – qui a une base territoriale – mais à la Mutuelle des Affaires étrangères.

M. Gilles Savary. Imaginez la complexité pour la Sécurité française dans le cas où un ingénieur passe trois mois dans un pays, cinq mois dans un autre ! Le système aujourd’hui est robuste pour nos travailleurs ; si on en change, nous nous handicapons nous-même ! Interdire le détachement, c’est la fin des échanges scientifiques, culturels, etc... Bref Cuba ou la Corée du Nord ! Le détachement n’a pas été inventé par l’Europe, mais ce qu’elle a autorisé, à tort, c’est le détachement d’intérim, soit le commerce de main d’œuvre.

Cette « prestation de service international » échappe totalement au droit européen de la libre prestation de services, et notamment le droit d’établissement, qui impose de respecter les normes du pays d’accueil. J’ai appris, lors d’un récent déplacement à Cracovie, que les Chantiers de l’Atlantique recrutaient vingt-cinq soudeurs, à 4 000 euros par mois, pas vraiment low cost donc ! Pourquoi ? Car comme autrefois avec les Italiens, les Polonais, nous avons besoin des étrangers pour remplir des besoins auxquels notre marché du travail ne sait plus répondre, faute de formations adaptées.

M. Jacques Myard. Pourrait-on alors poursuivre ces sociétés d’intérim sur la base du délit de marchandage ?

M. Gilles Savary. On le pourrait sans doute, en effet.

Sur les questions de sécurité et de temps de repos, je pense que c’est un faux problème. Les normes européennes sont drastiques, précises et parfaitement contrôlables en croisant la lettre de voiture – la description de la mission – et le tachygraphe, qui contient toutes les données relative à la façon dont cette mission a été mise en œuvre. Lors des contrôles routiers auxquels j’ai participé, aucun des chauffeurs n’a été pris en défaut. Il est vrai que l’on peut parfois truquer les tachygraphes, mais cela n’est possible que sur les tachygraphes les plus anciens.

Comme on le voit aussi avec les compagnies aériennes, low cost ne veut pas dire sécurité à bas coût, tout simplement car leurs avions sont neufs, et qu’ils les vendent à la première maintenance. Leurs ratios sont ainsi meilleurs que ceux d’Air France !

Le vrai sujet, c’est cette concurrence déloyale qui, via le cabotage, affecte les marchés intérieurs. Interdire le cabotage poserait des problèmes écologiques – le camion rentrant alors à vide s’il n’a pas trouvé de chargement retour dans le pays de destination – mais limiter à un cabotage par pays traversé me parait de nature à rééquilibrer les choses.

L’autre axe majeur d’action, c’est la technologie, pour mettre en place un réseau quasi universel d’informations pour éviter les sociétés « boites à lettre » – que même les Français utilisent. Je pense bien sûr à la plus grande entreprise de TRM à l’international, Dentressangles, qui a été condamnée pour avoir mis en place une filiale fictive à Bratislava pour embaucher en Slovaquie des chauffeurs qui travaillaient ensuite dans l’Europe entière, aux conditions sociales slovaques.

M. Jacques Myard. Les contrôles sont-ils réellement effectifs, en nombre suffisant et faits au bon moment ? Je suis en effet surpris de voir le faible taux de contrevenants affiché.

M. Gilles Savary. Je n’ai pas le chiffre en tête, mais le pourcentage est assez élevé. Plusieurs corps de contrôle travaillent ensemble, les douanes, la gendarmerie, les inspecteurs du ministère des transports…et les contrôles sont significatifs – même si nous manquons encore de personnel, notamment les weekends – mais, il est vrai, avec des « nuances diplomatiques » : par exemple en Aquitaine, on contrôle peu les camions espagnols. L’Espagne est très attentive à ce sujet, c’est notre voisin immédiat, et nous avons beaucoup d’intérêts communs.

M. Pierre Lequiller, président. Qui sont les principaux opposants au renforcement de la législation sociale dans le secteur routier ?

M. Gilles Savary. Les pays de l’Est de l’Europe. Lors de ce déplacement à Cracovie, mes interlocuteurs polonais m’ont demandé pourquoi nous voyions d’un mauvais œil qu’ils valorisent leur atout en force de travail chez nous alors que nous valorisons dans le même temps notre atout en capital chez eux en investissant, parfois sans ménagement, dans la grande distribution par exemple. Ils appliquent ici la théorie des avantages coopératifs, et si on leur refuse, alors ils considèrent ne plus avoir intérêt à rester dans l’Europe.

M. Jacques Myard. Le problème majeur, c’est la disparité des pays qui composent l’Union européenne, sur le plan économique, social et culturel. Or un rattrapage des pays de l’Est exige que les travailleurs de ces pays soient beaucoup plus revendicatifs socialement qu’ils ne le sont aujourd’hui.

M. Gilles Savary. Le rattrapage est plus rapide qu’on ne le croit. L’hypothèse de convergence des niveaux de vie, on l’a vérifié avec les Espagnols. Il y a des tensions sur le marché du travail en Pologne, et les salaires augmentent. Il faut juste que nous soyons protégés le temps de cet ajustement et donc que l’Union prenne les mesures adéquates.

Le TRM concerne des travailleurs hypermobiles, et on retrouve finalement une problématique déjà vue dans le transport maritime, avec une mondialisation avec des équipages malais, philippins. La solution que nous avons retenue, c’est l’exonération de charges sociales des marins français.

Si les mesures liées aux conditions d’hygiène, de sécurité et de logement, et au respect du noyau dur que j’ai portées sont respectées, et que l’on y ajoute celles liées aux CICE et au Pacte de responsabilité, un travailleur détaché des pays de l’Est est plus cher qu’un travailleur français jusqu’à 1,6 SMIC.

On fait 1 500 contrôles par mois, contre pas même 800 par an en 2013. On a fermé vingt chantiers, infligé plus de sept millions d’euros d’amendes, on immobilise les véhicules.

L’effort de régulation est donc réel, mais il faut aussi garder à l’esprit que nous avons besoin des travailleurs étrangers en raison des faiblesses de notre offre d’emploi et de formation nationales : aujourd’hui il manque 13 000 personnes dans les métiers de l’aéronautique, il n’y a plus de chaudronnier aéronautique dans notre pays. Attention à ne pas déraper dans le débat public vers une xénophobie qui nous serait en fait néfaste.

M. Pierre Lequiller, président. Merci pour ce travail précis, très complémentaire des précédents travaux menés sur le détachement. Je mets donc aux voix les conclusions proposées.

La commission a adopté à l’unanimité des présents les conclusions suivantes :

« La commission des Affaires européennes

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le règlement (CE) no 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil,

Vu le règlement (CE) no 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route,

Vu le règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil,

Vu le règlement (UE) no 165/2014 du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers, abrogeant le règlement (CEE) no 3821/85 du Conseil concernant l’appareil de contrôle dans le domaine des transports par route et modifiant le règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route,

Vu la directive n° 2002/15/CE du 11 mars 2002 relative à l’aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier,

Vu la directive n° 2006/22/CE du 15 mars 2006 établissant les conditions minimales à respecter pour la mise en œuvre des règlements du Conseil (CEE) no 3820/85 et (CEE) no 3821/85 concernant la législation sociale relative aux activités de transport routier et abrogeant la directive n° 88/599/CEE du Conseil,

Vu la directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services,

Vu la directive n° 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à l’exécution de la directive n° 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur,

Vu la proposition de directive du 8 mars 2016 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive n° 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (COM[2016] 128 final),

Vu la consultation ouverte par la Commission européenne sur le renforcement de la législation sociale dans le domaine des transports par route,

1. Souligne que le cadre européen en matière de transport de marchandises par route (TRM) a trouvé ses limites dans les différences considérables de niveaux de salaires et de législations du travail qui perdurent au sein de l’Union européenne et permettent la mise en place d’un véritable marché européen du moins-disant social ;

2. Note que l’efficacité de la régulation du TRM en matière sociale est remise en cause non seulement par près de la moitié des États membres mais aussi par les travaux d’évaluation ex post engagés par la Commission européenne elle-même ;

3. Considère que les dérives constatées du cadre réglementaire applicable au TRM sont contraires au principe de concurrence libre et non faussée du marché intérieur européen ; en permettant de contourner le principe de subsidiarité des politiques salariales et sociales en proposant sur les marchés du travail nationaux une main-d’œuvre qui ne bénéficie ni des mêmes conditions d’emploi et de travail, ni de la même couverture sociale que les travailleurs nationaux, ces dérives créent des conditions de concurrence insoutenables, basées exclusivement sur le coût de la main d’œuvre, au détriment des vertus traditionnellement reconnues à la concurrence d’amélioration de la qualité des biens et services fournis ;

4. Réaffirme qu’en outre cette question recouvre aussi des enjeux de dignité humaine, mais également de sécurité routière et d’amélioration de l’attractivité des métiers du secteur ;

5. Soutient avec force la position exprimée par le Gouvernement français s’opposant à toute nouvelle initiative législative européenne libéralisant le cabotage routier national sans un renforcement préalable de la législation sociale européenne applicable au TRM ;

6. Estime, au vu des différends qui ont opposé certains États membres et au vu des législations unilatérales dont se dotent certains d’autre eux, comme la France, qu’il y a urgence à ce que l’Union européenne assume ses responsabilités en la matière, le principe de subsidiarité, consacré par l’article 5 du TFUE, trouvant ici matière à s’appliquer au profit d’un accroissement des règles et des compétences communautaires ;

7. Rappelle qu’une réforme de la législation sociale en matière de transport par route, et notamment la définition d’un statut des travailleurs hautement mobiles, est absolument complémentaire de la proposition de révision de la directive n° 96/71/CE pour permettre une pleine effectivité de la lutte contre le dévoiement du détachement de travailleurs ;

8. Juge en conséquence indispensable de :

- Clarifier et simplifier la règlementation en vigueur, notamment en matière de définition des temps de travail, de conduite et de repos, et en interdisant expressément la possibilité d’effectuer dans un véhicule le temps de repos hebdomadaire normal ;

- Régler la question de l’inadaptation et des divergences d’interprétation de la notion de détachement appliquée au transport routier de marchandises en définissant un cadre juridique spécifique applicable aux travailleurs hypermobiles, notamment pour ce qui relève de la rémunération minimum ;

- Garantir l’application et l’exécution uniformes de la règlementation sociale dans les États membres en améliorant notamment l’efficacité des contrôles grâce à

• la faculté donnée aux autorités de contrôle des États membres d’accéder en temps réel aux registres électroniques nationaux, au registre européen de transport et aux cotes de risque des États membres ;

• la mise en place de dossiers de conformité intégrés associant le véhicule, le chauffeur et le transporteur, sous forme électronique et obligatoirement communiqués aux registres électroniques nationaux et au registre européen des entreprises de transport ;

• la création d’une Agence européenne de contrôle du travail mobile – avec pour missions l’observation du phénomène et des infractions interétatiques, le suivi des législations nationales, la formulation de propositions d’amélioration de la réglementation européenne et l’amélioration du système d’information administratif entre États membres – ;

• la promotion de l’utilisation d’un tachygraphe numérique équipé d’un système GNSS ;

- Définir clairement les responsabilités de tous les acteurs de la chaîne du transport en cas d’infraction à la règlementation sociale, en impliquant la responsabilité du donneur d’ordre ;

- Revoir les règles applicables au cabotage de retour dans une opération de transport international, en réduisant le nombre d’opérations autorisées, par exemple en limitant le nombre d’opérations à une par pays traversé pour limiter l’impact sur le trafic intérieur. »

La séance est levée à 17 h 20

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Présents. - Mme Danielle Auroi, M. Pierre Lequiller, M. Jacques Myard, M. Arnaud Richard, M. Gilles Savary

Excusés. - M. Bernard Deflesselles, M. Jean-Claude Mignon