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PROJET DE LOI

relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

ETUDE D’IMPACT

23 AVRIL 2013

SOMMAIRE

I. les Atteintes à la probité : la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile (article 1er du projet de loi) 7

I.1.Etat du droit 7

I.2.Etude de droit comparé sur la condition de recevabilité d’une association 8

I.3.Définition de l’objectif poursuivi 9

I.4.Impact attendu 9

II. le renforcement de la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale 10

II.1. Extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au délit de blanchiment de fraude fiscale complexe (article 2 du projet de loi) 10

II.1.1. Etat du droit 10

II.1.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 11

II.1.3. Impact attendu 11

II.2. Renforcement de la répression et extension des techniques spéciales d’enquête aux fraudes fiscales complexes (article 3 du projet de loi) 13

II.3. Instauration d’une peine de confiscation générale du patrimoine en cas de condamnation d’une personne morale pour blanchiment (article 4 du projet de loi) 15

II.3.1. Etat du droit 15

II.3.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 16

II.3.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 16

II.4. Renforcement des effets de la confiscation définitive des contrats d’assurance-vie (article 5 du projet de loi) 17

II.4.1. Etat du droit 17

II.4.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 17

II.4.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 18

II.5. Extension de la confiscation en valeur aux biens dont l’auteur à la libre disposition (article 6 du projet de loi) 18

II.5.1. Etat du droit 18

II.5.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 19

II.5.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 19

II.6. Limiter les conditions d’accès au dossier pénal en cas de recours contre une mesure de saisie aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée (article 7 du projet de loi) 19

II.6.1. Etat du droit 20

II.6.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 20

II.6.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 20

II.7. Faciliter l’exécution des décisions de confiscation des immeubles en cas d’opposition de l’occupant à la libération des lieux et à la remise du bien (article 8 du projet de loi) 20

II.7.1. Etat du droit 21

II.7.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 21

II.7.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 21

II.8. Simplifier l’entraide pénale internationale en matière de saisie des avoirs criminels (article 9 du projet de loi) 21

II.8.1. Etat du droit 22

II.8.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi 22

II.8.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental) 23

III. dispositions relatives aux procedures fiscales 23

III.1. Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine (article 10) 23

III.1.1. Les fondements juridiques des informations collectées par l’administration fiscale 23

III.1.2. La sécurisation juridique des procédures d’enquêtes fondées sur des informations d’origine illicite 24

III.2. Possibilité pour l’administration de réaliser des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie (article 11) 25

III.2.1. Dans le cadre de son action contre la fraude fiscale, l’administration ne peut pas réaliser de saisies sur des sommes placées en assurance-vie 25

III.2.2. Objectifs poursuivis par la réforme 25

III.2.3. Le choix d’une procédure équilibrée 26

III.2.4. Les modifications du dispositif juridique à opérer 26

III.2.5. L’amélioration du recouvrement forcé sur les sommes placées en assurance-vie 26

IV. APPLICATION OUTRE- MER 28

IV.1.1. Collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution 28

IV.1.2. Collectivités relevant de l’article 74 et Nouvelle-Calédonie 28

V. Texte d’application 29

VI. Entrée en vigueur 29

VII. Consultations 29

Introduction

À la suite de l’intervention du Président de la République du 3 avril 2013, le Premier ministre, lors du conseil des ministres du 10 avril, a présenté une communication sur la transparence de la vie publique et le renforcement des moyens de lutte contre la grande délinquance économique et financière et les paradis fiscaux. Il a annoncé à cette occasion un projet de loi organique et un projet de loi visant, conformément à la demande du Président de la République, « à s’attaquer à la racine de la défiance de l’opinion, qui demande des garanties sur l’intégrité de ceux qui exercent des responsabilités politiques, et une plus grande efficacité dans la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale ».

Délibérés en conseil des ministres le 24 avril 2013, le présent projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale, d’une part, et le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique et le projet de loi de même intitulé qui l’accompagne, d’autre part, ont pour ambition de répondre à ce double objectif.

Le présent projet de loi, pour ce qui le concerne, prévoit des dispositions visant à renforcer la poursuite et la répression des infractions en matière de délinquance économique, financière et fiscale.

I. les Atteintes à la probité : la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile (article 1er du projet de loi)

I.1.Etat du droit

De nombreuses associations sont déjà expressément habilitées par le législateur à exercer les droits de la partie civile. Plusieurs catégories d’associations sont énumérées dans différents codes, notamment dans le code de procédure pénale aux articles 2-1 à 2-21, le code de la consommation à l’article L421-1 et le code rural à l’article L253-1.

L’habilitation d’associations à exercer les droits reconnus à la partie civile est généralement conditionnée :

- à une existence juridique d’au moins 5 ans à la date des faits objets de la procédure et/ou à un agrément ministériel ;

- et au champ des infractions portant atteinte aux intérêts dont la défense est assurée par les statuts de l’association.

De nombreuses catégories d’association sont visées par ces articles d’habilitation. A titre d’illustration, l’on peut noter les associations de lutte contre les violences intrafamiliales ou les discriminations, les associations de protection de l’environnement, des consommateurs, des animaux, les associations de lutte contre la toxicomanie.

L’habilitation des associations de lutte contre la corruption à exercer les droits de la partie civile constitue une demande récurrente des organisations non-gouvernementales (SHERPA, Transparency International, ANTICOR…), et figure également parmi les recommandations générales des conventions internationales de lutte contre la corruption (conventions de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques, du Groupe d’Etats contre la corruption au sein du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des Nations Unies), relayées par le Service central de prévention de la corruption dans son dernier rapport annuel.

Cette proposition s’inscrit également dans le prolongement naturel de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation prononcé le 9 novembre 2010 dans la procédure dite des biens mal acquis, qui a élargi des conditions de recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile d’une association de lutte contre la corruption.

Dans cet arrêt, la motivation de la Cour de cassation rejoint des décisions précédemment rendues tendant à admettre sur le fondement de l’article 2 du code de procédure pénale la recevabilité de constitutions de partie civile d’associations non habilitées au sens des articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale.

I.2.Etude de droit comparé sur la condition de recevabilité d’une association

Sur la possibilité pour une victime de mettre en mouvement l’action publique : peu de systèmes juridiques connaissent le juge d’instruction, donc a fortiori  la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction.

Il n’est donc pas réellement possible de comparer les conditions de recevabilité des plaintes avec constitution de partie civile dans les différents pays.

Toutefois, il ressort d’une étude réalisée en janvier 2009 par le Services des affaires européennes et internationales du Ministère de la Justice sur le droit des victimes d’infractions pénales les points suivants :

- En Belgique

La plainte de la victime auprès des services de police ou des services du parquet compétent déclenche l’enquête pénale. Les services de police ont l’obligation de mener des investigations et d’en faire systématiquement rapport au procureur du Roi. Ce dernier apprécie seul, au terme de l’enquête, de l’opportunité des poursuites.

L’appréciation de l’opportunité des poursuites relevant exclusivement du parquet, une constitution de partie civile au stade de l’enquête de police ne fait pas obstacle à un éventuel classement sans suite. Cependant, moyennant consignation, la victime peut se constituer partie civile devant le Juge d’instruction, qui a alors l’obligation d’instruire son dossier. Cette procédure n’est cependant pas applicable en cas de minorité de l’auteur présumé. La victime peut demander réparation de tous dommages qu’elle a subis directement et personnellement.

- En Espagne : 

La victime a la possibilité de déposer plainte auprès du ministère public, du juge d’instruction de permanence ou des services de police qui procéderont ou feront procéder immédiatement aux investigations nécessaires.

Le dépôt d’une plainte préalable n’est pas indispensable au déclenchement des poursuites puisque en vertu du principe de légalité qui prévaut en Espagne, les autorités policières ou judiciaires ont l’obligation d’ouvrir une enquête dès lors qu’un fait pénalement répréhensible est porté à leur connaissance par n’importe quel moyen.

Ainsi tout citoyen espagnol, qu’il soit ou non victime, peut déclencher une enquête pénale. En effet, selon la constitution, "les citoyens pourront exercer l’action populaire (...)", et le code de procédure pénale dispose que "l’action pénale est publique. Tous les citoyens espagnols pourront l’exercer conformément aux dispositions de la loi».  

- En Italie

Il n’y a plus de juge d’instruction.

L’article 112 de la constitution italienne prévoit que le ministère public a l’obligation d’exercer l’action pénale, ce qui s’analyse comme une obligation faite au ministère public d’ouvrir une enquête lorsqu’une infraction lui est rapportée.

- Au Maroc

Le système est comparable au système français, avec la possibilité pour la victime de déposer une plainte simple mais opportunité des poursuites pour le parquet ; si le procureur classe l’affaire, la victime a la possibilité de mettre en mouvement l’action publique en demandant l’ouverture d’une information.

I.3.Définition de l’objectif poursuivi

L’article 1er a pour objet d’insérer un nouvel article 2-22 au sein du code de procédure pénale permettant aux associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile.

Le champ d’intervention de ces associations est limité aux infractions en lien avec leur objet : concussion, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, délit de pantouflage, délit de favoritisme, détournement de fonds publics, obtention de suffrage ou d’abstention de vote à l’aide de don ou promesse, sollicitation ou agrément de don ou promesse pour influencer un vote, pression exercée par menace ou violence sur un électeur pour influencer son vote, don ou promesse à une collectivité en vue d’influencer le vote d’un collège électoral.

Afin d’éviter toute plainte avec constitution de partie civile qui pourrait se révéler abusive, la réforme pose des conditions impératives à la constitution de partie civile des associations :

- elles doivent être déclarées depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile ;

- elles doivent se proposer dans leurs statuts de lutte contre la corruption ;

- elles doivent être agréées.

Ces conditions sont similaires à celles prévues par les articles du code de procédure pénale habilitant certaines catégories d’associations à exercer les droits conférés à la partie civile (articles 2-1 à 2-22). Par exemple, l’article 2-21 du code de procédure pénale prévoit un agrément pour les associations ayant pour but l’étude et la protection du patrimoine archéologique.

I.4.Impact attendu

Cette réforme doit permettre de faciliter la constitution de partie civile des associations de lutte contre la corruption.

Au regard du contentieux judiciaire généré par les recours du parquet en matière de l’irrecevabilité de certaines associations qui s’étaient constituées parties civiles, qui se sont développés dans le cadre de dossiers pénaux, il apparaît que la réforme envisagée permettra de supprimer cette hypothèse de contentieux, d’initier ainsi plus rapidement les investigations et de réduire la durée des informations judiciaires suivies des chefs d’atteintes à la probité.

Si une association souhaitant se constituer partie civile, par voie d’action ou d’intervention, ne remplissait pas ces conditions, le parquet serait amené à prendre des réquisitions d’irrecevabilité en application des dispositions des articles 2 et 87 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, si une information judiciaire ouverte par la voie d’une telle plainte avec constitution de partie civile se clôturait par une ordonnance de non-lieu, la personne mise en examen, ainsi que toutes personnes visées dans la plainte, pourraient déclencher une action en dommages et intérêts en application de l’article 91 du code de procédure pénale, et sans préjudice d’une poursuite pour dénonciation calomnieuse.

Les dispositions de l’article 177-2 du code de procédure pénale, relative à l’amende civile, peuvent également trouver à s’appliquer en cas de constitution de partie civile abusive.

Dès lors, les dispositions législatives existantes relatives à la constitution de partie civile, ainsi que les conditions posées à la constitution de partie civile des associations de lutte contre la corruption par le présent projet, créent un encadrement suffisamment strict, à même d’éviter l’écueil de plaintes avec constitution de partie civile abusives.

II. le renforcement de la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale

2.1. Extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au délit de blanchiment de fraude fiscale complexe (article 2 du projet de loi)

2.1.1. Etat du droit

La procédure judiciaire fiscale a été créée dans le cadre de la loi 2009-1674 du 30/12/2009 de finances rectificative pour 2009, afin de répondre au développement de schémas complexes de fraudes fiscales (recours à des montages frauduleux, interposition de structures ou utilisation de comptes dans des États non coopératifs) face auxquels les moyens du contrôle fiscal sont insuffisants.

Cette procédure judiciaire d’enquête fiscale repose sur deux innovations principales :

• possibilité pour l’administration fiscale de saisir la commission des infractions fiscales selon une procédure accélérée et confidentielle et de déposer plainte en amont des procédures administratives de contrôle, sur la base de présomptions caractérisées de fraude et non plus uniquement après achèvement de la procédure de vérification fiscale ;

• la participation dans le cadre des enquêtes judiciaires d’agents des services fiscaux dotés de pouvoirs de police judiciaire, au sein d’un service spécialisé à compétence nationale, intégrant au sein d’un même service d’enquête des professionnels ayant des compétences et une culture complémentaires, mais qui sont tous des enquêteurs à part entière.

La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) ainsi créée a vu son champ de compétence progressivement étendu. A ce jour, les fraudes fiscales comprises dans le champ de la nouvelle procédure judiciaire d’enquête fiscale sont limitées aux cas prévus aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales (recours à des comptes, structures ou personnes interposées dans des Etats dits « non coopératifs », utilisation de faux documents, fausse identité ou autres falsifications, de domiciliation fictive ou artificielle à l’étranger, existence de manœuvres destinées à égarer l’administration fiscale).

2.1.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

La BNRDF a une compétence d’attribution et ne peut être saisie que sur la base de ces infractions de fraude fiscale complexe. Elle ne peut en conséquence appréhender les autres infractions économiques et financières que sous l’angle de la connexité avec le délit de fraude fiscale complexe dont elle est saisie à titre principal.

Si ce service n’a pas vocation à devenir un service économique et financier « généraliste », il est préjudiciable qu’il ne puisse être saisi directement sur la base d’un blanchiment de fraude fiscale complexe sans que la fraude fiscale elle-même soit initialement visée, compte tenu de la proximité de ces infractions et des montages sur lesquels elles reposent.

L’objectif est ainsi d’étendre sur le champ de compétence d’attribution de la BNRDF afin de permettre la saisine de ce service sur la base de la seule infraction de blanchiment de fraude fiscale. Cette extension permettra de préserver la spécificité de ce service et de son champ de compétence, seul le blanchiment des fraudes fiscales complexes, définies selon les critères de l’article L.228 livre des procédures fiscales, pour lesquelles il est déjà compétent, étant visé.

2.1.3. Impact attendu

Cette modification permettra une saisine plus souple du service, en évitant, le cas échéant, l’obligation d’une plainte préalable des services fiscaux et en offrant, de ce fait, une souplesse accrue et une meilleure réactivité lorsque des faits nouveaux apparaissent en cours d’investigations.

a)Données statistiques

En droit pénal français, la notion « d’évasion fiscale » ou « d’évasion de capitaux » n’est pas une infraction. Dès lors, les données chiffrées disponibles sur ce type de contentieux peuvent renvoyer à diverses situations, de fraude fiscale ou autre ; au plan statistique, elle peut figurer sous différentes qualifications : fraude fiscale, blanchiment, escroquerie, non justification des ressources, etc.

De la sorte, le constat qui peut être dressé est d’observer que, pour l’autorité judiciaire, il n’est pas possible de fournir notamment un chiffre comparatif entre les condamnations pour fraude fiscale « franco-française » et celles se rapportant à des faits d’évasion fiscale internationale.

L’absence d’outil statistique disponible permettant d’isoler les fraudes fiscales ayant un lien avec l’étranger est une première limite.

Le principal élément de connaissance dont le ministère de la justice dispose est constitué du nombre de plaintes pour fraude fiscale annuellement reçues de l’administration fiscale et du nombre de condamnations prononcées par les juridictions sous cette qualification.

A cet égard, les données chiffrées du traitement judiciaire de la fraude fiscale (au sens de la qualification pénale de l’infraction) sont principalement les suivantes :

Nombre de plaintes :

Poursuites pénales

2009

2010

2011

Propositions de poursuites à la Commission des infractions fiscales

1 005

1 043

1 046

Plaintes pour fraude fiscale

939

981

966

dont :

Défaut de déclaration et exercice d’activités occultes

275

330

285

 

Constatation de dissimulations

448

435

429

 

Réalisation d’opérations fictives

107

105

81

 

Autres procédés de fraude

109

111

171

Plaintes pour escroquerie

75

73

94

Procédure d’opposition à fonctions

45

50

71

Nombre de condamnations :

NATURE DES DÉCISIONS

2006

2007

2008

2009

2010

2011

             

Nombre de décisions de justice

1 101

1 144

1 160

1 102

1 067

965

Condamnations prononcées

1 252

1 333

1 355

1 267

1 207

1 110

dont : condamnations définitives

697

667

716

629

606

602

Peines de prison :

688

653

653

579

564

532

- avec sursis

615

588

594

513

496

495

- sans sursis

73

65

59

66

68

67

Peines d’amende :

250

269

277

226

211

193

- avec sursis

7

23

9

18

10

11

- sans sursis

243

246

268

208

201

182

Interdiction d’exercer une profession industrielle, commerciale ou libérale (1)

44

38

55

49

57

54

2.1. Renforcement de la répression et extension des techniques spéciales d’enquête aux fraudes fiscales complexes (article 3 du projet de loi)

2.1.1. Les limites du dispositif judiciaire face à la fraude fiscale sophistiquée

En application de l’article 1741 du code général des impôts (CGI), quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 euros et d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.

Les faits de fraude fiscale peuvent être réalisés soit par défaut déclaratif dans les délais prescrits, soit par dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt ou organisation d’insolvabilité ou tout autre agissement frauduleux.

L’administration fiscale dépose environ 1 000 plaintes pour fraude fiscale par an dans des affaires très frauduleuses pour lesquelles les sanctions administratives sont considérées comme insuffisantes.

Par ailleurs, l’administration dispose de la possibilité, depuis 2009, de déposer des plaintes, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, sur le seul fondement de présomptions caractérisées de fraude fiscale, en vue de faire rechercher avec les prérogatives de police judiciaire (écoutes, perquisitions, garde à vue, auditions, …) les éléments de nature à caractériser les fraudes les plus difficiles à appréhender.

A ce jour, les fraudes fiscales comprises dans le champ de cette procédure sont limitées notamment aux fraudes réalisées par l’intermédiaire d’Etats ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France, depuis au moins trois ans au moment des faits, une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale française, directement ou par recours à des interpositions d’entités.

Afin d’accroître le caractère répressif et dissuasif du dispositif pénal de lutte contre la fraude fiscale, les sanctions pénales encourues en cas de fraude fiscale, qui n’avaient pas été modifiées depuis 1977, ont fait l’objet d’un premier renforcement significatif en mars 2012.

Ainsi, actuellement, la fraude fiscale est passible de 5 années d’emprisonnement et d’une amende pénale de 500 000 euros qui est portée à 750 000 euros lorsque les faits sont réalisés ou facilités au moyen soit d’achats ou de ventes sans facture, soit de factures ne se rapportant pas à des opérations réelles, ou qu’ils ont eu pour objet d’obtenir de l’Etat des remboursements injustifiés.

Par ailleurs, la fraude fiscale internationale en lien avec les paradis fiscaux est passible d’une peine d’emprisonnement de 7 années et d’une amende d’1 M€.

Toutefois, la circonstance aggravante de bande organisée n’existe pas en matière de fraude fiscale, et les techniques spéciales d’enquête applicables à la criminalité organisée et à la grande délinquance économique et financière ne sont pas applicables en matière de fraude fiscale.

Les services d’enquête judiciaire ne peuvent pas, en l’état actuel du droit, recourir, en matière de fraude fiscale, aux techniques spéciales d’enquête prévues pour certains autres délits dont celui de corruption. Ces « techniques spéciales d’enquêtes » que sont la surveillance (article 706-80 du code de procédure pénale), l’infiltration (articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale), la garde à vue de quatre jours (706-88 du code de procédure pénale), les perquisitions de nuit (articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale), les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête (article 706-95 du code de procédure pénale), les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale), les captations des données informatiques (articles 706-102-1 à 706-102-9 du code de procédure pénale) et les saisies conservatoires (article 706-103 du code de procédure pénale) ont en effet été initialement conçues pour lutter contre la seule criminalité organisée de grande complexité.

Ce dispositif n’a été que sporadiquement et partiellement étendu à la délinquance économique et financière, à la faveur des lois du 29 octobre 2007 pour les contrefaçons commises en bande organisée (article 706-1-2 du code de procédure pénale, s’agissant de l’infiltration uniquement), du 13 novembre 2007 pour la corruption et le trafic d’influence (article 706-1-3 du code de procédure pénale, à l’exclusion néanmoins de la garde à vue de quatre jours et des perquisitions de nuit), et du 17 mai 2011 pour l’escroquerie en bande organisée (article 706-73-8° bis du code de procédure pénale).

Or, la France est confrontée à une fraude fiscale internationale qui se caractérise par des techniques de fraude de plus en plus sophistiquées qui tendent à se diffuser au sein de la population des contribuables, personnes physiques et entreprises, notamment par l’accroissement des montages de défiscalisation agressifs proposés par des professionnels peu scrupuleux.

La sophistication des moyens juridico-financiers utilisés (sociétés écran), la multiplication des protagonistes (émiettement des rôles, hommes de paille...) et l’utilisation de techniques complexes (utilisation de cartes de crédit adossées à une banque «off-shore», interposition de structures écran situées dans des Etats non coopératifs, serveurs de données informatiques à l’étranger, données dématérialisées et cryptées, utilisation de téléphone avec des cartes prépayées...), est une constante à laquelle la justice doit s’adapter.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la procédure judiciaire d’enquête fiscale est actuellement limitée aux fraudes fiscales résultant de l’utilisation de comptes bancaires ouverts ou de contrats souscrits dans des Etats non coopératifs alors que l’échange d’information n’est souvent pas effectif avec d’autres Etats qui ne sont pourtant pas considérés comme des paradis fiscaux.

2.1.2. La création de circonstances aggravantes nouvelles de fraude fiscale pour renforcer le caractère dissuasif et les techniques judiciaires de la répression de la fraude fiscale organisée

L’objectif recherché par cette mesure est de fournir aux services d’enquêtes des outils adaptés à la complexité des montages mis en œuvre, de sanctionner ce type d’organisation, mais aussi de dissuader les professionnels du droit de participer à la réalisation de ces montages.

En premier lieu, ce projet de loi vise à renforcer le caractère dissuasif du dispositif de répression de la fraude fiscale, en permettant de favoriser le prononcé de sanctions pénales dont le niveau de sévérité serait plus en conformité avec la gravité des agissements dénoncés et l’importance des patrimoines détenus par les contribuables poursuivis particulièrement récalcitrants.

À cette fin, des circonstances aggravantes nouvelles de fraude fiscale sont créées consistant à commettre les faits en bande organisée, ou en ayant recours à des comptes bancaires ou des entités détenus à l’étranger – et non plus seulement dans un Etat qui n’aurait pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative – ou au moyen de certaines manœuvres, telles la falsification, ou l’interposition d’entité fictive ou artificielle, ou encore les conditions prévues par l’article L.228 du livre des procédures fiscales.

La fraude fiscale aggravée sera passible de 7 années d’emprisonnement et d’une amende pénale de 2 millions d’euros. Le relèvement du montant de l’amende pénale associé à la création de nouvelles circonstances aggravantes permettrait de mieux réprimer les schémas frauduleux complexes et de mieux proportionner les sanctions encourues avec les enjeux financiers parfois très importants des affaires présentées au juge.

En second lieu, la création d’une infraction de fraude fiscale commise en bande organisée ou dans les conditions prévues par l’article L.228 du livre des procédures fiscales donnera juridiquement la possibilité aux services judiciaires d’enquête de mettre en œuvre des techniques spéciales d’enquête : la surveillance, l’infiltration, la garde à vue de quatre jours, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, les captations des données informatiques et les saisies conservatoires, à l’exclusion des perquisitions de nuit.

Dans ces conditions, la possibilité qu’offrent une sonorisation des locaux du fraudeur ou l’infiltration de son environnement et celui de ses complices, ou une observation de son système informatique comptable en temps réel, sont des alternatives adaptées et proportionnées à l’ingénierie et la sophistication mises en place par le fraudeur pour ne pas être démasqué.

Cette évolution des procédures judiciaires n’aura pas d’incidence sur le nombre de dossiers traités mais permettra d’appréhender plus efficacement les formes les plus complexes de la fraude fiscale, pour lesquelles les outils juridiques et procéduraux actuels apparaissent insuffisants.

2.2. Instauration d’une peine de confiscation générale du patrimoine en cas de condamnation d’une personne morale pour blanchiment (article 4 du projet de loi)

2.2.1. Etat du droit

La confiscation générale de tout ou partie du patrimoine de la personne condamnée est actuellement prévue à l’article 131-21 alinéa 6 du code pénal. Elle s’applique si le texte d’incrimination de l’infraction pour laquelle la personne est condamnée le prévoit expressément : la confiscation peut alors porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné, quelle que soit leur origine, licite ou illicite, même en l’absence de tout lien avec l’infraction, ainsi qu’à tous les biens dont il a la libre disposition, sous réserve des droits des tiers de bonne foi.

Cette peine est prévue pour les infractions suivantes : crimes contre l’humanité (art. 213-1, 213-3), eugénisme (art. 215-1, 215-3), trafic de stupéfiants (art. 222-49), traite des êtres humains et proxénétisme (art. 225-25), corruption de mineur et pédopornographie (art. 227-33), blanchiment (art. 324-7), actes de terrorisme (art. 422-6), fausse monnaie (art. 442-16), association de malfaiteurs (art. 450-5) et crimes et délits de guerre (art. 462-6).

Il convient de signaler à cet égard qu’un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré la confiscation générale du patrimoine comme conforme à la convention européenne des droits de l’homme et à la convention internationale des droits de l’enfant garantissant le respect de la propriété et le respect de la vie familiale, dans une espèce où l’ensemble des biens du condamné avait été confisqué, y compris le domicile familial (Cass. Crim. 03/11/2011 aff. 10-87811).

2.2.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

Les juridictions pénales sont confrontées à une lacune de la loi pénale concernant la peine de confiscation en matière de blanchiment lorsque les personnes condamnées sont des personnes morales.

Le blanchiment est l’une des infractions pour lesquelles est prévue la possibilité de prononcer la confiscation générale du patrimoine du condamné, c’est-à-dire la confiscation de l’ensemble des biens dont le condamné est propriétaire ainsi que ceux dont il a la libre disposition. Cette peine de confiscation générale, prévue par l’article 131-21 alinéa 6 du code pénal, est applicable lorsque le texte qui réprime l’infraction le prévoit expressément.

Or, la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine prévue en cas de blanchiment et de blanchiment aggravé par l’article 324-7 12° du code pénal 1 n’est applicable qu’aux personnes physiques.

S’agissant des peines complémentaires applicables aux personnes morales condamnées pour blanchiment, le renvoi effectué par l’article 324-9 du code pénal à l’article 131-39, renvoyant lui-même à l’article 131-21 de façon générale, ne permet pas d’affirmer avec certitude que la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine est encourue.

Dès lors, si une personne morale s’est interposée dans un schéma de blanchiment, situation extrêmement fréquente en pratique, la confiscation ne pourra pas porter sur la totalité de son patrimoine et il sera nécessaire de démontrer pour chacun des biens le composant qu’il constitue le produit direct ou indirect de l’infraction. Ainsi, les délinquants peuvent mettre à l’abri certains biens avec des montages simples.

Il est donc nécessaire que le législateur intervienne pour combler cette lacune et aligner les peines prévues pour les personnes morales sur celles applicables aux personnes physiques en prévoyant expressément la possibilité de condamner les personnes morales, en cas de blanchiment, à la peine complémentaire de la confiscation de leur entier patrimoine.

2.2.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Il est attendu de cette nouvelle disposition un renforcement de la lutte contre le blanchiment, notamment en matière fiscale, en particulier dans les montages frauduleux faisant appel à l’interposition de sociétés écrans ou de structure interposées.

2.3. Renforcement des effets de la confiscation définitive des contrats d’assurance-vie (article 5 du projet de loi)

2.3.1. Etat du droit

Le mécanisme du contrat d’assurance-vie repose sur un transfert définitif de la propriété des primes et cotisations versées par le souscripteur au bénéfice de l’organisme gestionnaire, en contrepartie de l’obligation pour ce dernier de verser la prestation prévue au contrat au moment de la réalisation de l’événement (vie ou décès du souscripteur selon le cas).

Conformément à une jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation (cf notamment l’arrêt rendu le 02/07/2002 dans l’affaire 99-14.819), « tant que le contrat n’est pas dénoué, le souscripteur est seulement investi, sauf acceptation du bénéficiaire désigné, du droit personnel de se faire racheter le contrat et de désigner ou de modifier le bénéficiaire de la prestation, de sorte qu’aucun créancier du souscripteur n’est en droit de se faire attribuer ce que ce dernier ne peut recevoir ».

Dès lors, la créance du souscripteur ne peut faire l’objet d’aucune mesure conservatoire civile jusqu’à la réalisation de l’événement prévu au contrat, car elle revêt jusqu’alors un caractère éventuel.

Pour pallier cette difficulté, la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à simplifier la saisie et la confiscation en matière pénale a instauré un régime de saisie pénale spécifique applicable aux créances résultant de contrats d’assurance-vie (deuxième alinéa de l’article 706-155 du code de procédure pénale). La chambre criminelle de la Cour de cassation a cependant fait une interprétation très stricte de ce texte dans un arrêt du 30 octobre 2012, estimant que cette procédure spéciale était exclusive de toute autre et interdisait l’appréhension directe des fonds investis entre les mains de l’organisme gestionnaire, même lorsqu’il pouvait être établi qu’ils constituaient le produit direct ou indirect de l’infraction.

La conséquence de cette jurisprudence est d’interdire l’appréhension immédiate des fonds au stade de la saisie.

2.3.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

Il est à craindre que l’interprétation restrictive retenue par la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière de saisie ne soit étendue, en matière d’exécution des peines de confiscation portant sur des contrats d’assurance-vie, et que l’Etat ne soit en conséquence contraint d’attendre le dénouement de ces contrats avant de pouvoir ramener la peine à exécution.

L’objectif de la disposition proposée est donc de sécuriser les effets juridiques de la décision définitive de confiscation des sommes investies ou de la créance résultant du contrat d’assurance-vie, tant pour l’Etat que pour l’organisme gestionnaire de ce contrat et des tiers.

Le projet de loi prévoit expressément que la condamnation définitive à la peine de confiscation d’un contrat d’assurance-vie entraîne sa résolution judiciaire et le transfert des fonds au profit de l’Etat. L’option retenue de la résolution judicaire du contrat – et non de la résiliation – permet en effet de remettre l’ensemble des acteurs dans la situation antérieure à la constitution d’un contrat dont l’origine est illicite, d’empêcher que les actifs en résultant et revêtant eux-mêmes un caractère illicite ne puissent entrer dans le patrimoine d’un tiers désigné au contrat qui ne subira aucun préjudice du fait de cette résolution, en l’absence de tout investissement de sa part, et de délier l’organisme gestionnaire de tout engagement découlant d’un tel contrat.

L’article 5 du projet de loi modifie ainsi les dispositions du code des assurances (article L. 160-9 nouveau de ce code) du code de la mutualité (article L. 223-29 nouveau de ce code) et du code de la sécurité sociale (article L. 932-23-2 nouveau de ce code) pour appliquer cette nouvelle mesure aux contrats d’assurance-vie proposés par les sociétés d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance.

2.3.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Il est attendu de cette disposition un renforcement de l’effectivité de la peine de confiscation des contrats d’assurance-vie, dont l’usage est répandu en matière de fraude fiscale complexe, et de la sécurité juridique pour les organismes gestionnaires de tels contrats.

2.4. Extension de la confiscation en valeur aux biens dont l’auteur à la libre disposition (article 6 du projet de loi)

2.4.1. Etat du droit

La loi 2012-409 du 27 mars 2012 a modifié le neuvième alinéa de l’article 131-21 du code pénal et l’article 706-141-1 du code de procédure pénale afin de généraliser la possibilité d’ordonner la saisie et la confiscation en valeur.

Il est ainsi possible de saisir et de confisquer les biens du condamné dont la valeur est équivalente au montant du produit direct ou indirect de l’infraction. Il s’agit donc d’une confiscation qui s’exerce sur des biens appartenant au condamné, qui n’ont pas de relation avec l’infraction, mais qui correspondent par leur valeur au montant du profit qui a été généré par cette infraction.

Une autre modification attendue a par ailleurs été opérée dans cette loi. Le concept de « libre disposition » a été introduit dans plusieurs dispositions : d’abord dans l’article 131-21, aux alinéas 5 et 6 (confiscation de biens d’origine injustifiée et confiscation générale du patrimoine) mais également dans de nombreux textes spéciaux prévoyant la peine complémentaire de confiscation.

Ces modifications permettent désormais que la confiscation puisse s’exercer à la fois sur des biens dont le condamné est propriétaire, mais également contre des biens « dont il a la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi », afin de limiter les parades qui consistent à mettre ses biens au nom d’un tiers pour éviter toute saisie ou confiscation (au nom de la famille, de mineurs, de prête-noms ou de personnes morales…).

2.4.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

Cependant, si le concept de libre disposition a été ajoutée aux alinéas 5 et 6 de l’article 131-21 du code pénal, il figurait déjà à l’alinéa 2 (biens ayant servi à la commission de l’infraction) et n’a jamais eu vocation à concerner l’alinéa 3 (biens objets ou produits de l’infraction) puisque le produit de l’infraction est toujours saisissable en quelques mains qu’il se trouve, comme l’a confirmé un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 septembre 2012.

Ce concept, cependant, ne figure pas dans l’alinéa 9 qui concerne la confiscation en valeur ; or la confiscation en valeur est particulièrement utilisée dans les dossiers de fraude ou d’escroquerie de grande ampleur, puisqu’un profit important a été généré dans ce type d’infractions et que le profil élaboré de l’auteur diminue les chances de pouvoir retrouver le produit de l’infraction. Si, dans le même temps, l’auteur est propriétaire de biens d’une valeur suffisante, ils pourront être confisqués en valeur. Mais si l’auteur a pris la précaution d’interposer des prête-noms ou des sociétés fictives entre lui et son patrimoine, la confiscation en valeur ne pourra pas s’exercer car elle ne peut pas porter sur des biens dont il a la libre disposition mais seulement sur des biens dont il est le propriétaire, cette notion ne figurant pas à l’alinéa 9 susvisé.

Si l’on compare ce texte à celui qui prévoit la confiscation générale du patrimoine (alinéa 6), qui touche également des biens qui n’ont pas de rapport avec l’infraction, il ne semble pas cohérent que le concept de libre disposition figure dans la confiscation générale et non dans la confiscation en valeur.

Enfin il est rappelé que dans tous les cas où il est fait application de la notion de libre disposition, c’est toujours sous la réserve des droits d’un propriétaire qui serait de bonne foi.

Dès lors le projet de loi modifie l’article 131-21 alinéa 9 en étendant la possibilité d’effectuer des saisies et confiscations en valeur sur les biens dont le condamné a la libre disposition, à l’instar de ce qui a été fait en matière de confiscation élargie à l’alinéa 6 de l’article 131-21 du code pénal, qui dispose que « la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ».

2.4.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Il est attendu de cette disposition un renforcement de l’effectivité de la peine de confiscation prononcée en valeur, pour répondre notamment aux situations dans lesquelles le condamné a tenté d’organiser son insolvabilité en France tout en y jouissant d’un train de vie important, notamment par le recours à des prête-noms.

Cette disposition vise notamment, mais pas exclusivement, les affaires de fraude fiscale complexe à caractère international.

2.5. Limiter les conditions d’accès au dossier pénal en cas de recours contre une mesure de saisie aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée (article 7 du projet de loi)

2.5.1. Etat du droit

Une procédure de saisie pénale a été instaurée aux articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale par la loi 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. L’instauration de cette procédure, qui vise à garantir l’exécution ultérieure de la peine de confiscation, reposait sur le constat de l’inadaptation des voies civiles d’exécution au cadre de l’enquête pénale et de la nécessité d’une procédure spécifique.

Dans le cadre de cette procédure de saisie pénale, la loi prévoit que la décision autorisant ou ordonnant la saisie puisse être déférée à la chambre de l’instruction par la voie de l’appel. Ce recours est ouvert à la personne à l’encontre de laquelle la saisie est ordonnée, ainsi qu’à toute personne ayant un droit sur le bien saisi, dans l’hypothèse notamment d’une propriété indivise, d’une saisie pratiquée entre les mains d’un tiers ou d’un créancier titulaire d’une sûreté réelle sur le bien saisi.

Afin de préserver le secret de l’enquête pénale, les textes applicables prévoient que « le propriétaire du bien et les tiers peuvent être entendus par la chambre de l’instruction. Les tiers ne peuvent toutefois pas prétendre à la mise à disposition de la procédure ».

2.5.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

La notion de tiers, pour les besoins de l’exercice des voies de recours, est cependant source de confusion dans la mesure où les textes ne précisent pas s’il s’agit du tiers à la procédure ou du tiers par rapport au propriétaire du bien, de sorte que certaines chambres de l’instruction ont pu donner accès à des pièces de procédure à des personnes n’y ayant en principe pas droit.

Le projet de loi clarifie le régime juridique de l’accès à la procédure dans le cadre de l’exercice des voies de recours, en prévoyant expressément que l’accès au dossier par le requérant, le propriétaire du bien et/ou les tiers ayant des droits sur celui-ci, dans le cadre du recours contre la décision de saisie, est strictement limité aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée et non à l’intégralité du dossier.

2.5.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Il est attendu de cette disposition une clarification de la loi et un renforcement de l’efficacité et de la préservation du secret de l’instruction, tout en garantissant les droits de toute personne intéressée à la procédure de saisie.

2.6. Faciliter l’exécution des décisions de confiscation des immeubles en cas d’opposition de l’occupant à la libération des lieux et à la remise du bien (article 8 du projet de loi)

2.6.1. Etat du droit

Dans le cadre des dispositions de la loi n°2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, a été prévue une procédure spéciale de saisie pénale immobilière.

La saisie pénale d’un bien immeuble constitue juridiquement une saisie sans dépossession, qui se caractérise par une inscription au fichier immobilier rendant ce bien indisponible jusqu’à la décision de mainlevée ou de confiscation prononcée par la juridiction de jugement. Cette saisie n’entraîne donc pas l’obligation de libérer les locaux et l’occupant du bien saisi peut continuer à en jouir normalement.

En revanche, la peine de confiscation d’un bien immeuble entraîne le transfert de sa propriété au profit de l’Etat et l’obligation pour l’occupant de libérer les lieux, afin de permettre sa vente par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), qui dispose d’un monopole pour l’exécution des confiscation immobilières.

En pratique, l’AGRASC se trouve confrontée à des difficultés d’exécution dans sa mission de vente des biens immeubles confisqués. L’occupation volontaire du bien par le condamné ou un membre de sa famille rend la prise en compte effective du bien assez difficile et ralentit considérablement la procédure confiée au notaire en ne permettant pas un accès à l’immeuble.

2.6.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

L’absence de collaboration du condamné, voire son opposition, fait échec à l’autorité de la justice pénale. Les moyens juridiques dont dispose l’AGRASC pour obtenir la libération des lieux et la remise effective du bien, permettant ainsi l’exécution de la peine, sont inadaptés à l’effectivité de ses missions.

Le projet de loi complète les deuxième et troisième alinéas de l’article 434-41 du code pénal qui répriment, des peines de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende, la violation par la personne condamnée de ses obligations ou interdictions résultant de certaines peines complémentaires, en élargissant le champ de la répression aux confiscations de tout bien, corporel ou incorporel, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales.

2.6.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Cette modification sera de nature à clarifier le dispositif sur lequel l’AGRASC doit pouvoir s’appuyer afin de mener à bien les difficiles missions d’exécution des peines que lui confie le ministère public, particulièrement lorsque des condamnés ou des tiers tentent de faire échec à l’application de la décision de justice.

2.7. Simplifier l’entraide pénale internationale en matière de saisie des avoirs criminels (article 9 du projet de loi)

2.7.1. Etat du droit

La loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale a codifié les dispositions des lois des 14 novembre 1990 et 13 mai 1996 sur l’exécution, en France, des décisions de saisies étrangères.

Ces dispositions se trouvent désormais aux articles 694-10 à 694-13 du code de procédure pénale, dans une section 3 intitulée  « De l’entraide aux fins de saisie des produits d’une infraction en vue de leur confiscation ultérieure » au sein du Titre X sur l’entraide judiciaire internationale.

Leur rédaction, qui n’a pas été actualisée de façon cohérente avec l’évolution du droit interne et du droit conventionnel, pose des difficultés aux praticiens devant exécuter des décisions de saisies étrangères.

Ces textes d’application courante concernent non seulement les demandes provenant de pays tiers à l’Union européenne mais également d’autorités judiciaires des Etats membres n’ayant pas transposé la décision-cadre du 22 juillet 2003.

Les principales difficultés se concentrent dans les articles 694-10 et 694-12 du code de procédure pénale.

2.7.2. Objectifs poursuivis par le projet de loi

L’article 694-10 du code de procédure pénale prévoit qu’« en l’absence de convention internationale en stipulant autrement, les articles 694-11 à 694-13 sont applicables aux demandes d’entraide émanant des autorités étrangères compétentes, tendant à la saisie, en vue de leur confiscation ultérieure, des biens meubles ou immeubles, quelle qu’en soit la nature, qui paraissent être le produit direct ou indirect de l’infraction ainsi que de tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction ».

Le texte limite donc l’exécution de saisies faites à la demande d’autorités étrangères aux saisies du produit de l’infraction et à la saisie en valeur, excluant ainsi à la fois la saisie de l’instrument ou de l’objet de l’infraction.

L’article 694-12 du code de procédure pénale présente trois difficultés. Il prévoit que : « L’exécution sur le territoire de la République de mesures conservatoires faisant l’objet d’une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère, en application d’une convention internationale, est ordonnée, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités du présent code, par le juge d’instruction sur requête du procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse. »

La première difficulté est d’ordre formel : le texte fait référence à l’exécution de « mesures conservatoires » alors qu’il devrait faire référence aux « saisies », conformément au titre même de la section 3 et aux termes utilisés dans les autres articles de cette section. En effet, les mesures conservatoires, en droit interne, ne sont pas des saisies pénales : elles sont prévues par les articles 706-103 et 706-166 du code de procédure pénale et ne visent plus, depuis la loi du 9 juillet 2010, à permettre des confiscations ultérieures. Or les articles 694-10 et suivants traitent bien des saisies pénales demandées par une autorité étrangère, et non des mesures conservatoires. Cette erreur de terminologie mérite d’être corrigée.

La deuxième difficulté concerne la nécessité pour le juge d’instruction qui ordonne l’exécution de la saisie de statuer « sur requête du procureur de la République », ce qui ne se justifie guère lorsque le juge d’instruction a été directement saisi de la demande étrangère. Il convient, en prenant exemple sur les textes de droit interne concernant les saisies, de prévoir que la saisie est ordonnée par le magistrat instructeur, sur requête ou après avis du ministère public.

La dernière difficulté résulte de l’ultime restriction posée par le texte : la saisie n’est possible que « si le propriétaire des biens ne pouvait en ignorer l’origine ou l’utilisation frauduleuse ». Cette limitation de la saisie ne se retrouve plus dans les textes internationaux, ni en droit interne pour la confiscation du produit (voir l’article 131-21 alinéa 3 du code pénal). Elle ne se justifie pas pour la saisie en valeur (la saisie en valeur est une saisie par équivalent : par hypothèse, le propriétaire est la personne poursuivie et le bien n’a pas d’origine frauduleuse). En l’état actuel du droit, cette limitation empêcherait, si on l’appliquait, d’exécuter la majorité des demandes étrangères. Ce n’est que si l’article 694-10 du code de procédure pénal était modifié pour élargir les types de saisies possibles que serait alors compréhensible, comme en droit interne, la protection des tiers de bonne foi.

2.7.3. Impact attendu (juridique, économique, financier, social, environnemental)

Il est attendu de cette disposition un renforcement de l’efficacité de la coopération judiciaire internationale en matière pénale, de la conformité de la loi française aux engagements internationaux de la France et de la sécurité juridique dans le cadre de ces procédures.

III. dispositions relatives aux procedures fiscales

3.1. Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine (article 10)

3.1.1.   Les fondements juridiques des informations collectées par l’administration fiscale

L’administration fiscale, dans le cadre de sa mission d’enquête et de contrôle, est fondée à procéder à la collecte d’informations auprès de tiers. Ces renseignements lui permettent soit d’établir des présomptions de fraude justifiant alors de l’engagement d’une procédure de droit de visite et de saisie (article L. 16 B du livre des procédures fiscales, LPF), soit d’asseoir des rectifications dans le cadre d’une procédure de contrôle sur pièces (article L. 10 du LPF) ou de contrôle fiscal externe, qu’il s’agisse alors d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle (article L. 12 du LPF) ou d’une vérification de comptabilité (article L. 13 du LPF). Ces informations sont naturellement opposées dans le respect des garanties inhérentes aux procédures précitées, et sont susceptibles de faire l’objet de divers recours contentieux.

Les informations sont collectées auprès de tiers par l’administration fiscale au moyen d’autres procédures régies par le livre des procédures fiscales (LPF), telles le droit de communication, réalisé notamment auprès de l’autorité judiciaire, et l’assistance administrative internationale.

Les procédures d’enquête et de contrôle codifiées au LPF font régulièrement l’objet de renforcement (cf. dernières lois de finances et lois de finances rectificatives). En dernier lieu, la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 a modifié plusieurs procédures régies par le titre II du LPF.

Par deux arrêts récents, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré, s’agissant d’une visite domiciliaire (article L. 16 B du LPF), que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant cette procédure ne pouvait valablement être fondée sur des éléments qui, bien que transmis régulièrement à l’administration fiscale par le ministère public, avaient une origine illicite (Cass. Com. 31 janvier 2012, n° 11-13098 et 21 février 2012, n° 11-15162). Ce faisant, la Cour de cassation a adopté une position inverse à celle exprimée par le Conseil d’Etat, qui estime en sa qualité de juge de l’impôt que le fait que certains des documents dont l’administration a obtenu communication auprès du juge d’instruction auraient auparavant été volés et recelés par les auteurs des dénonciations, lesquels ont été pénalement sanctionnés à raison de ces agissements, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition (cf notamment CE 3 décembre 1990 n° 103101, 8e et 9e s.-s., SA Antipolia : RJF 2/91 n° 200.).

La Cour de cassation, intervenant alors en sa qualité de juge de l’impôt (au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune par exemple), pourrait aligner sa position sur celle rendue en matière de visite domiciliaire et considérer comme irrégulières des rectifications assises sur des informations d’origine certes illicite mais régulièrement obtenues par l’exercice d’un droit de communication ou d’une assistance administrative internationale.

3.1.2. La sécurisation juridique des procédures d’enquêtes fondées sur des informations d’origine illicite

Le texte proposé vise à sécuriser les procédures d’enquête, de saisie, à l’exclusion des visites domiciliaires, de contrôle, d’imposition et de rectification mises en œuvre par l’administration fiscale afin que cette dernière ne puisse se voir opposer le caractère illicite d’informations collectées, alors que ces dernières ont été régulièrement transmises par l’autorité judiciaire d’une part et des autorités fiscales étrangères d’autre part, dans le cadre, respectivement, de la mise en œuvre d’un droit de communication ou d’une assistance administrative internationale.

La mesure concernerait les seules informations transmises à l’administration fiscale dans le cadre de ces procédures limitativement énumérées, principalement régies par le livre des procédures fiscales. Il s’agit d’une part du droit de communication exercé auprès de l’autorité judiciaire dans le cadre des articles L. 82 C et L. 101 du LPF et, d’autre part, de l’assistance administrative ultramarine et internationale régie par les articles L. 114 et L. 114 A du LPF. Sont également visées les informations collectées en matière fiscale auprès des autorités compétentes des Etats membres en application du règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le dispositif proposé s’inscrit en cohérence avec le principe de l’indépendance des procédures et concerne des informations portées à la connaissance de l’administration fiscale par des tiers institutionnels. Il n’aurait pas pour effet d’autoriser l’exploitation des dénonciations anonymes.

L’instauration d’un tel dispositif conduit à créer un article L. 10 bis dans le livre des procédures fiscales.

Il est par ailleurs compatible avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration.

3.2. Possibilité pour l’administration de réaliser des saisies simplifiées en vue du recouvrement des créances publiques sur les sommes rachetables d’un contrat d’assurance-vie (article 11)

3.2.1. Dans le cadre de son action contre la fraude fiscale, l’administration ne peut pas réaliser de saisies sur des sommes placées en assurance-vie

Suite à une décision de la Cour de Cassation du 2 juillet 2002 (1er ch. Civ, n°99-14.819, société Cardif-Société-Vie), l’administration ne peut plus réaliser de saisies sur des sommes placées en assurance-vie au motif que le débiteur-souscripteur n’a plus la disposition des sommes.

Elle ne peut donc réaliser aucun des actes de poursuite simplifiés suivants :

- L’avis à tiers détenteur (recouvrement des créances fiscales), régi par les dispositions des articles L 262 et L 263 du livre des procédures fiscales ;

- La saisie à tiers détenteur (recouvrement des produits divers), régie par l’article L 273 A du livre des procédures fiscales ;

- L’opposition administrative (recouvrement des amendes) régie par les dispositions de l’article 128 de la loi n°2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;

- L’opposition à tiers détenteur (recouvrement des produits locaux),régie par les dispositions de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

Indépendamment de ses caractéristiques juridiques, l’assurance-vie est aujourd’hui un des vecteurs principaux de l’épargne des particuliers. Ainsi, en 2010, 62 % des prestations payées au titre de contrats d’assurance-vie étaient constitués de rachats ce qui témoigne d’une banalisation de ce produit à des fins d’épargne. Par ailleurs, l’assurance-vie est particulièrement concentrée sur les ménages les plus aisés, puisque le dixième décile de patrimoine regroupe 64,8 % de l’encours d’assurance-vie. Dans ces circonstances, le fait qu’aucune saisie simplifiée ne puisse être réalisée sur des sommes placées en assurance-vie par les comptables publics est particulièrement inéquitable. Certains redevables reliquataires placent ainsi volontairement leur épargne en contrat d’assurance-vie afin d’éviter des saisies.

3.2.2. Objectifs poursuivis par la réforme

L’objectif de la mesure proposée est de permettre aux comptables publics d’utiliser les procédures simplifiées de saisie précitées dont ils disposent afin d’appréhender des fonds placés en assurance-vie.

3.2.3. Le choix d’une procédure équilibrée

Deux solutions sont possibles. La première option serait d’ouvrir une possibilité de saisie généralisée à l’ensemble des placements en assurance-vie. La seconde consisterait à ouvrir une possibilité limitée aux comptables publics et réservée à certains contrats.

La première option permettrait à tout créancier de procéder à une saisie au titre d’un contrat d’assurance-vie. Elle permettrait donc à l’ensemble des créanciers de bénéficier de nouvelles opportunités de poursuivre leurs créances. L’assurance-vie étant néanmoins un support important de financement de l’économie française, une telle généralisation pourrait à la fois soulever des difficultés de gestion pour les assureurs mais aussi déstabiliser l’économie de certains contrats.

La seconde option permettrait de limiter aux créanciers publics la remise en cause du principe d’insaisissabilité de l’assurance-vie.

La mesure proposée fait le choix de la seconde option, plus équilibrée que la première. Elle permettra aux créanciers publics de poursuivre le recouvrement de leurs créances dues par les redevables qui ont souscrit un contrat d’assurance-vie. La mesure est limitée à la part rachetable de ces contrats puisque cette part peut être assimilée à une épargne détenue par le souscripteur. Elle ne portera également que sur la part en euros des contrats. Cette part est en effet la part la plus liquide et elle est facilement mobilisable par les organismes proposant de tels produits.

3.2.4. Les modifications du dispositif juridique à opérer

La mise en place de cette procédure nécessitera, d’une part, de créer l’article L. 263 0-A du livre des procédures fiscales et, d’autre part, de modifier les dispositions suivantes :

- l’article L. 273 A du livre des procédures fiscales ;

- l’article 1617-5 du code général des collectivités territoriales ;

- l’article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;

- l’article L 132-14 du code des assurances ;

- l’article L 223-15 du code de la mutualité.

3.2.5. L’amélioration du recouvrement forcé sur les sommes placées en assurance-vie

La mesure proposée permettra d’améliorer le recouvrement forcé des créances publiques. S’agissant des produits fiscaux, le montant des restes à recouvrer des particuliers s’élève à 11 milliards d’euros. 4,7 millions d’ATD sont adressés chaque année et environ 1 million d’entre eux sont productifs. S'agissant des produits locaux, annuellement, le montant des restes à recouvrer s'élève à 2,3 Md € et 1,7 million d'OTD sont adressées dont environ 740 000 sont productives. En matière d’amendes, 3 millions d’oppositions administratives sont émises.

IV. APPLICATION OUTRE- MER

4.1.1. Collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution

En vertu du principe d’identité législative, le projet de loi s’appliquera de plein droit dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution :

- départements et régions d’outre-mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion) ;

- futures collectivités uniques de Guyane et Martinique à compter de 2015 ;

- Département de Mayotte.

4.1.2. Collectivités relevant de l’article 74 et Nouvelle-Calédonie

Les dispositions renforçant la poursuite et la répression des infractions en matière de délinquance économique, financière et fiscale (titre 1er)

Ces dispositions peuvent être rendues applicables dans la limite des compétences propres détenues par les collectivités d’outre-mer du Pacifique en la matière.

Les dispositions de droit pénal et de procédure pénale demeurent partout de la compétence de l’Etat. Par conséquent, les dispositions de droit commun du projet de loi sur ce point peuvent être étendues par mention expresse sur l’ensemble du territoire de la République. Il résulte ainsi de l’article 12 du projet de loi que les dispositions pénales du titre 1er sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République, à l’exception de l’article 5 s’agissant de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. En effet, dans la mesure où cet article 5 modifie le droit des assurances, il ne peut être étendu à ces deux collectivités. Les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre la circulation illicite et le blanchiment des capitaux (notamment article 2 du projet de loi modifiant l’article 28-2 du code de procédure pénale afférente au blanchiment) appartiennent, de par leur objet, aux lois de souveraineté. A ce titre, elles sont applicables de plein droit dans les collectivités de l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie même sans mention d’applicabilité.

Les dispositions relatives aux procédures fiscales (titre 2)

Ces dispositions sont inapplicables à Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, compte tenu de l’autonomie fiscale de l’ensemble de ces territoires.

V. Texte d’application

Article 1er

Décret en Conseil d’Etat fixant les conditions d’agrément des associations de lutte contre la corruption pour exercer les droits de la partie civile.

VI. Entrée en vigueur

Les dispositions du présent projet de loi entreront en vigueur le lendemain de la publication de la loi.

VII. Consultations

Aucune consultation n’était requise, du point de vue constitutionnel, sur les dispositions du présent projet de loi.

L’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été recueilli sur les articles 5 et 11 du projet de loi, en application de l’article L. 614-2 du code monétaire et financier.

1 « Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 324-1 et 324-2 [blanchiment et blanchiment aggravé] encourent également les peines complémentaires suivantes : (...) 12° La confiscation de tout ou partie des biens du condamné, quelle qu’en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ».


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