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ÉTUDE D’IMPACT

PROJET DE LOI

relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption
et à la modernisation de la vie économique

NOR : FCPM1605542L/Bleue-1

30 mars 2016

SOMMAIRE

Tableau synoptique des consultations 5

Tableau récapitulatif des mesures d’application 9

Introduction générale 13

Titre Ier : De la lutte contre les manquements À la probitÉ 15

Chapitre Ier : Du service chargÉ de la prÉvention et de l’aide À la dÉtection de la corruption 15

Chapitre II : Mesures relatives aux lanceurs d’alerte 15

Articles 1 à 6 : Création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption 15

Article 7 : Protection des lanceurs d’alerte dans le secteur financier 26

Chapitre III : Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements À la probitÉ 30

Article 8 : Manquement à l’obligation de prévention contre les risques de corruption 30

Article 9 : Création d’une peine de mise en conformité 34

Article 10 : Publicité des condamnations pénales 36

Article 11 : Incrimination du trafic d’influence d’agent public étranger 37

Article 12 : Assouplissement des conditions dans lesquelles les faits de corruption et de trafic d’influence commis à l’étranger par des Français, des entreprises françaises ou des personnes résidant habituellement en France peuvent être poursuivis en France 40

Titre II : De la transparence des rapports entre les reprÉsentants d’intÉrÊt et les pouvoirs publics 44

Article 13 : Création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts 44

Article 14 : Organismes dont les membres sont soumis aux obligations déclaratives de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique 52

Article 15 : Habilitation pour la réforme du droit domanial 55

Article 16 : Habilitation pour la création du code de la commande publique. 62

Titre III : Du renforcement de la rÉgulation financiÈre 69

Article 17 : Habilitation pour la transposition de la directive « MAD » et du règlement « MAR » 69

Article 18 : Extension du champ de la composition administrative de l’Autorité des marchés financiers 71

Article 19 : Mise en cohérence de la compétence de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers avec la réglementation applicable aux offres de titres 73

Article 20 : Transposition des dispositions répressives de divers textes européens en matière financière [ « MAR », « OPCVM 5 », « MIFID 2 », « PRIIPS » et « CSD » ] 76

Article 21 : Élargissement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d’assurance 80

Article 22 : Intégration des organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 84

Article 23 : Renforcement de la transparence et de la sécurité des opérations sur produits dérivés 86

Article 24 : Immunités d’exécution des États étrangers 91

Titre IV : De la protection et des droits des consommateurs en matiÈre financiÈre 96

Article 25 : Réduction de la validité des chèques de 12 à 6 mois 96

Article 26 : Habilitation pour la transposition de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base 98

Article 27 : Habilitation pour la transposition de la directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite « DSP2 ». 100

Article 28 : Interdiction de la publicité par voie électronique sur les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués 107

Article 29 : Création d’une option solidaire pour le livret de développement durable 110

Titre V : De l’amÉlioration de la situation financiÈre des entreprises agricoles et du financement des entreprises 112

Chapitre Ier : Mesures relatives À l’amÉlioration de la situation financiÈre des exploitations agricoles 112

Article 30 : Interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache 112

Article 31 : Renforcement des mesures en cas de non-dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires 118

Chapitre II : Mesures relatives À l’amÉlioration du financement des entreprises 120

Article 32 : Réforme du dispositif de plafonnement de l’intérêt servi par les coopératives à leur capital et encadrement de la commercialisation des parts sociales 120

Article 33 : Habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle 123

Article 34 : Habilitation pour la modernisation du financement par dette des entreprises 128

Article 35 : Habilitation pour la séparation des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille 137

Article 36 : Renforcement de la réglementation sur les délais de paiement 140

Titre VI : De l’amÉlioration du parcours de croissance pour les entreprises 144

Article 37 : Lissage des seuils de la micro-entreprise 144

Article 38 : Encadrement de l’obligation du stage préalable à l’installation des artisans 150

Article 39 : Suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs 153

Article 40 : Permettre à l’entrepreneur individuel (EI) qui passe sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) de retenir les valeurs comptables sans nouvelle évaluation et simplifier le régime de l’EIRL 155

Article 41 : Simplifier l’apport du fonds de commerce à une société unipersonnelle 160

Article 42 : Lever l’obligation de faire appel à un commissaire aux apports en cas de passage du statut d’entreprise individuelle au statut de société unipersonnelle 164

Article 43 : Réformer les obligations de qualification applicables à certaines activités artisanales 168

Article 44 : Habilitation pour la transposition de la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles 177

Article 45 : Habilitation pour la simplification des obligations de reporting 183

Article 46 : Habilitation pour la simplification de la prise de décision dans les entreprises et de la participation des actionnaires 186

Article 47 : Habilitation pour la simplification des opérations concourant à la croissance de l’entreprise 190

Article 48 : Encadrement de la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif 193

Titre VII : Dispositions de modernisation de la vie Économique et financiÈre 196

Article 49 : Habilitation pour la transposition de la directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence 196

Article 50 : Habilitation pour le recentrage du champ de la mission « défaillance » du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) 199

Article 51 : Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques 201

Article 52 : Intégration de l’institut d’émission des départements d’outre-mer au sein de la Banque de France 204

Article 53 : Modalités de changement des actifs des sociétés de crédit foncier 207

Article 54 : Droit de communication de Pôle emploi 209

Titre VIII : Dispositions relatives à l’outre-mer 213

Article 55 : Habilitation visant à moderniser la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer. 213

Articles 56 et 57 : Extension et adaptations de diverses mesures en outre-mer 215

Tableau synoptique des consultations

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Autres consultations

       

Titre I

De la lutte contre les manquements à la probité

Chap 1

Du service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

1

Création et statut du service

 

Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

OCDE ;

MEDEF et l’AFEP ;

ONG Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

Union Syndicale de la Magistrature et FO Magistrats ;

Conférence nationale des procureurs de la République.

2

Organisation du service

Conseil national d’évaluation des normes

3

Missions du service

 

4

Pouvoirs du service

 

5

Dispositions diverses relatives au service

 

Chap 2

Mesures relatives aux lanceurs d'alerte

6

Financement de la protection juridique des lanceurs d'alerte via l'AGRASC

 

7

Protection des lanceurs d'alerte dans le secteur financier

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

AMF ;

Associations représentatives des participants de marché (AMAFI, MEDEF, AFEP) ;

Avocats praticiens des procédures de composition administrative et de la Commission des sanctions de l’AMF.

Chap 3

Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements à la probité

8

Manquements à l'obligation de prévention contre les risques de corruption

 

Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

OCDE ;

MEDEF et l’AFEP ;

ONG Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

Union Syndicale de la Magistrature et FO Magistrats ;

Conférence nationale des procureurs de la République

9

Création d'une peine de mise en conformité

 

10

Publicité des condamnations pénales

 

11

Incrimination du trafic d'influence d'agent public étranger

 

12

Assouplissement des conditions dans lesquelles les faits de corruption et de trafic d'influence commis à l'étranger par des Français, des entreprises françaises ou des personnes résidant habituellement en France peuvent être poursuivis en France

 
       

Titre II

De la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics

13

Création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts

 

Professionnels du secteur
Haute autorité pour la transparence de la vie publique

14

Organismes dont les membres sont soumis aux obligations déclaratives de la loi du 11.10.2013 relative à la transparence de la vie publique

 

Haute autorité pour la transparence de la vie publique

15

Habilitation pour la réforme du droit domanial

   

16

Habilitation pour la création du code de la commande publique

   

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Autres consultations

       

Titre III

Du renforcement de la régulation financière

17

Habilitation pour la transposition de la directive et du règlement relatifs aux abus de marché

 

Envisagée : AMF

18

Extension du champ de la composition administrative de l'AMF

 

AMF ;
Associations représentatives des participants de marché (AMAFI, MEDEF, AFEP) ;
Avocats praticiens des procédures de composition administrative et de la Commission des sanctions de l’AMF.

19

Mise en cohérence de la compétence de la commission des sanctions de l'AMF avec la réglementation applicable aux offres de titres

   

20

Transposition des dispositions répressives de diverses directives financières (MAR, OPCVM 5, MIFID 2, PRIIPS et CSD)

 

AMF

21

Élargissement des pouvoirs de l'ACPR visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d'assurance

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières
Conseil supérieur de la Mutualité

ACPR

22

Intégration des organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l'ACPR

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

 

23

Renforcement de la transparence et de la sécurité des opérations sur produits dérivés

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

Conseil national d’évaluation des normes

AMF, ACPR, Banque de France
principales associations représentatives des acteurs de marché

24

Immunités d'exécution des États étrangers

   
       

Titre IV

De la protection et des droits des consommateurs en matière financière

25

Réduction de la validité des chèques
de 12 à 6 mois

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

Etablissements bancaires, entreprises, associations de consommateurs, Banque de France, organisations représentatives des commerçants, PME-TPE.

26

Habilitation pour la transposition de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base

 

Envisagées : Fédération bancaire française et établissements bancaires, Association des sociétés de financement, Associations de consommateurs, Entreprises industrielles, Banque de France, ACPR

27

Habilitation pour la transposition de la directive « DSP2»

 

Envisagées : Fédération bancaire française et établissements bancaires, Etablissements bancaires européens, Association française des établissements de paiement et de monnaie électronique, Prestataires tiers fournissant des services d’agrégation de compte ou de paiements, Systèmes de cartes nationaux (GIE Cartes bancaires) et internationaux (Visa, Mastercard, American Express), Entreprises industrielles et prestataires techniques intervenant dans le domaine des paiements, Opérateurs de télécommunications et les organisations professionnelles qui les représentent, Associations de consommateurs, Banque de France, ACPR

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Autres consultations

       

28

Interdiction de la publicité par voie électronique sur les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

AMF

29

Création d’une option solidaire pour le livret de développement durable

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

Conseil national d’évaluation des normes

Professionnels de l'économie sociale et solidaire

La Place de Paris

       

Titre V

De l'amélioration de la situation financière des entreprises agricoles et du financement des entreprises

Chap 1

Mesures relatives à l'amélioration de la situation financière des exploitations agricoles

30

Interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache

   

31

Renforcement des mesures en cas de non dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires

   

Chap 2

Mesures relatives à l'amélioration du financement des entreprises

32

Réforme du dispositif de plafonnement de l’intérêt servi par les coopératives à leur capital et encadrement de la commercialisation des parts sociales

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

 

33

Habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle

Envisagées :

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières
Conseil Supérieur de la Mutualité

Envisagée :
Professionnels du secteur de l'assurance

34

Habilitation pour la modernisation du financement par dette des entreprises

 

Envisagée :
Professionnels du secteur

35

Habilitation pour la séparation des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille

 

Envisagées :
AMF, ACPR, associations professionnelles des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion de portefeuille

36

Renforcement de la réglementation sur les délais de paiement

   
       

Titre VI

De l'amélioration du parcours de croissance pour les entreprises

37

Lissage des seuils du régime de la micro-entreprise

   

38

Encadrement de l'obligation du stage préalable à l'installation des artisans

Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles

 

39

Suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs

   

40

Permettre à l'EI qui passe en EIRL de retenir les valeurs comptables sans nouvelle évaluation et simplifier le régime de l'EIRL

   

41

Simplifier l'apport du fonds de commerce en société unipersonnelle

   

42

Lever l'obligation de faire appel à un commissaire aux apports en cas de changement de forme juridique (individuel vers société) sans revente

   

43

Réformer les obligations de qualification applicables à certaines activités artisanales

   

44

Habilitation pour la transposition de la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles

 

Envisagée :
Professionnels des différents secteurs impactés par la transposition de la directive

Article

Objet de l'article

Consultations obligatoires

Autres consultations

       

45

Habilitation pour la simplification des obligations de reporting

 

Envisagée :
Professionnels du secteur

46

Habilitation pour la simplification de la prise de décision des décisions dans les entreprises et de la participation des actionnaires

 

Envisagées :
Professionnels du secteur dont l’AFEP, le MEDEF et l’ANSA

47

Habilitation pour la simplification des opérations concourant à la croissance de l’entreprise

 

Envisagées :
Professionnels du secteur dont l’AFEP, le MEDEF et l’ANSA

48

Encadrement de la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs

   
       

Titre VII

Dispositions de modernisation de la vie économique et financière

49

Habilitation pour la transposition de la directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence

 

Envisagées :
Groupe de travail composé d'universitaires, de magistrats, de représentants d’avocats et d’association, Autorité de la concurrence

50

Habilitation pour le recentrage du champ de la mission « défaillance » du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)

 

Envisagées :
FGAO et organismes d'assurance

51

Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

Conseil national d’évaluation des normes

 

52

Intégration de l’institut d’émission des départements d’outre-mer au sein de la Banque de France

Collectivités d'outre-mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon)
Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

Banque centrale européenne

53

Modalités de changement des actifs des sociétés de crédit foncier

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

 

54

Droit de communication de Pôle emploi

Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles

 
       

Titre VIII

Dispositions relatives à l’outre-mer

55

Habilitation visant à moderniser la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer

Envisagées :
Collectivités d’outre-mer concernées

 

56 et 57

Extension et adaptations de diverses mesures en outre-mer

Comité de la Législation et de la Réglementation Financières

 

Tableau récapitulatif des mesures d’application

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

       

Titre I

De la lutte contre les manquements à la probité

Chap 1

Du service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption

1

Création et statut du service

Décret en CE

Justice / Finances

2

Organisation du service

3

Missions du service

4

Pouvoirs du service

5

Dispositions diverses relatives au service

Chap 2

Mesures relatives aux lanceurs d'alerte

6

Financement de la protection juridique des lanceurs d'alerte via l'AGRASC

7

Protection des lanceurs d'alerte dans le secteur financier

Arrêté

Finances

Chap 3

Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements à la probité

8

Manquements à l'obligation de prévention contre les risques de corruption

   

9

Création d'une peine de mise en conformité

   

10

Publicité des condamnations pénales

   

11

Incrimination du trafic d'influence d'agent public étranger

   

12

Assouplissement des conditions dans lesquelles les faits de corruption et de trafic d'influence commis à l'étranger par des Français, des entreprises françaises ou des personnes résidant habituellement en France peuvent être poursuivis en France

   
       

Titre II

De la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics

13

Création d'un répertoire numérique des représentants d'intérêts

Décret en CE

Finances

14

Organismes dont les membres sont soumis aux obligations déclaratives de la loi du 11.10.2013 relative à la transparence de la vie publique

   

15

Habilitation pour la réforme du droit domanial

Ordonnance

Finances

16

Habilitation pour la création du code de la commande publique

Ordonnance

Finances

       

Titre III

Du renforcement de la régulation financière

17

Habilitation pour la transposition de la directive et du règlement relatifs aux abus de marché

Ordonnance

Finances

18

Extension du champ de la composition administrative de l'AMF

   

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

       

19

Mise en cohérence de la compétence de la commission des sanctions de l'AMF avec la réglementation applicable aux offres de titres

   

20

Transposition des dispositions répressives de diverses directives financières (MAR, OPCVM5, MIFID2, PRIIPS et CSD)

Décret en CE

Finances

21

Elargissement des pouvoirs de l'ACPR visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d'assurance

Décret (dispositions)

Ordonnance (habilitation)

Finances

22

Intégration des organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l'ACPR

   

23

Renforcement de la transparence et de la sécurité des opérations sur produits dérivés

   

24

Immunités d'exécution des États étrangers

   
       

Titre IV

De la protection et des droits des consommateurs en matière financière

25

Réduction de la validité des chèques de 12 à 6 mois

   

26

Habilitation pour la transposition de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base

Ordonnance

Finances

27

Habilitation pour la transposition de la directive « DSP2»

Ordonnance

Finances

28

Interdiction de la publicité par voie électronique sur les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués

 

Notification à la Commission européenne à prévoir

29

Création d’une option solidaire pour le livret de développement durable

Décret

Finances

       

Titre V

De l'amélioration de la situation financière des entreprises agricoles et du financement des entreprises

Chap 1

Mesures relatives à l'amélioration de la situation financière des exploitations agricoles

30

Interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache

   

31

Renforcement des mesures en cas de non dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires

   

Chap 2

Mesures relatives à l'amélioration du financement des entreprises

32

Réforme du dispositif de plafonnement de l’intérêt servi par les coopératives à leur capital et encadrement de la commercialisation des parts sociales

   

33

Habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle

Ordonnance

Finances

34

Habilitation pour la modernisation du financement par dette des entreprises

Ordonnance

Finances

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

       

35

Habilitation pour la séparation des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille

Ordonnance

Finances

36

Renforcement de la réglementation sur les délais de paiement

   
       

Titre VI

De l'amélioration du parcours de croissance pour les entreprises

37

Lissage des seuils du régime de la microentreprise

   

38

Encadrement de l'obligation du stage préalable à l'installation des artisans

Décret CE préexistant à modifier

MEIN

39

Suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs

   

40

Permettre à l'EI qui passe en EIRL de retenir les valeurs comptables sans nouvelle évaluation et simplifier le régime de l'EIRL

Décret préexistant à modifier

MEIN

41

Simplifier l'apport du fonds de commerce en société unipersonnelle

Décret préexistant à modifier

MEIN

42

Lever l'obligation de faire appel à un commissaire aux apports en cas de changement de forme juridique (individuel vers société) sans revente

   

43

Réformer les obligations de qualification applicables à certaines activités artisanales

Décrets en CE

Arrêté

MEIN

44

Habilitation pour la transposition de la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles

Ordonnance

MEIN

45

Habilitation pour la simplification des obligations de reporting

Ordonnance

Finances

46

Habilitation pour la simplification de la prise de décision des décisions dans les entreprises et de la participation des actionnaires

Ordonnance

Finances

47

Habilitation pour la simplification des opérations concourant à la croissance de l’entreprise

Ordonnance

Finances

48

Encadrement de la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs

   
       

Titre VII

Dispositions de modernisation de la vie économique et financière

49

Habilitation pour la transposition de la directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence

Ordonnance

Justice

50

Habilitation pour le recentrage du champ de la mission « défaillance » du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)

Ordonnance

Finances

51

Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques

Décret en CE

Finances

52

Intégration de l’institut d’émission des départements d’outre-mer au sein de la Banque de France

Ajustements de dispositions réglementaires du CMF

Finances

53

Modalités de changement des actifs des sociétés de crédit foncier

   

54

Droit de communication de Pôle emploi

   

Article

Objet de l'article

Textes d'application

Administration compétente

       

Titre VIII

Dispositions relatives à l’outre-mer

55

Habilitation visant à moderniser la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer

   

56 et 57

Extension et adaptations de diverses mesures en outre-mer

   

Introduction générale

Les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ont marqué une avancée significative pour le respect de règles éthiques par les responsables publics. À travers des mécanismes de publicité et de contrôle nouveaux, ces textes ont visé à retisser les liens de confiance qui unissent citoyens, élus et administrations.

C’est dans ce même esprit que le présent projet de loi entend, plus de vingt ans après la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence et de modernisation de la vie des affaires et des relations entre acteurs économiques et décideurs publics.

Structuré autour de huit Titres, ce projet de loi vise à permettre de porter la législation française en la matière aux meilleurs standards européens et internationaux.

Les dispositions prévues aux Titres I et II, tout particulièrement la mise en place d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption et la création d’un répertoire des représentants d’intérêts, mais aussi le financement de la protection des lanceurs d’alerte, sont de nature à étayer la confiance des citoyens et de la société civile en l’action publique. Elles contribueront dans le même temps à un environnement favorable à l’activité économique, le coût de la corruption pénalisant aussi bien les entreprises que le budget de l’État.

En matière financière, le Titre III du présent projet de loi étend le champ de la composition administrative de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et met en cohérence la compétence de celle-ci avec la réglementation applicable aux offres de titres. Il prévoit par ailleurs la transposition de plusieurs directives et règlements européens (abus de marché, dispositions répressives de diverses directives financières) et élargit les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) au bénéfice du rétablissement financier des organismes d’assurance. Son champ de supervision est également étendu aux organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes.

Le Titre IV prévoit différentes mesures de protection des consommateurs en matière financière, concernant la durée de validité des chèques, les comptes de paiement (ce par transposition d’une directive européenne), la possibilité d’affecter une partie du livret de développement durable au bénéfice de l’économie sociale et solidaire (ESS), ou encore l’interdiction de la publicité pour les sites de trading sur devises.

Le Titre V instaure des dispositions en faveur du financement des entreprises, en réformant le plafonnement de l’intérêt servi par les coopératives à leur capital, en encadrant la commercialisation des parts sociales, en réformant et modernisant le régime prudentiel et certains dispositifs des retraites professionnelles supplémentaires, en renforçant la réglementation sur les délais de paiement et en modernisant le financement par dette des entreprises. Il vise également à apporter plusieurs solutions à la situation économique des exploitants agricoles via l’interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache et le renforcement des mesures en cas de non-dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires.

Le Titre VI vise à dynamiser le parcours de croissance des entreprises, s’agissant de l’encadrement du stage de formation préalable des artisans, du passage du statut d’entreprise individuelle (EI) à celui d’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) – reprise des valeurs comptables, insaisissabilité et simplification de la déclaration de patrimoine –, de la simplification de l’apport du fonds de commerce pour les sociétés unipersonnelles, de la fin de l’obligation de recourir à un commissaire aux comptes en cas de passage sans revente d’entreprise individuelle à société.

Le Titre VII comporte des dispositions de modernisation de la vie économique et financière, telles que :

- la transposition de deux directives européennes, l’une concernant les actions en dommages et intérêts en cas d’infraction au droit de la concurrence et l’autre les services de paiement dans le marché intérieur ;

- le recentrage du champ de la mission « défaillance » du Fonds de garantie des assurances obligatoires ;

- la modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques ;

- l’intégration de l’institut d’émission des départements d’outre-mer au sein de la Banque de France ;

- l’élargissement du droit de communication des agents agréées et assermentés de Pôle emploi.

Le Titre VIII propose de moderniser la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer et définit les modalités d’application du projet de loi sur le territoire.

Titre Ier : De la lutte contre les manquements À la probitÉ

Chapitre Ier : Du service chargÉ de la prÉvention et de l’aide À la dÉtection de la corruption

Chapitre II : Mesures relatives aux lanceurs d’alerte

Articles 1 à 6 : Création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

La problématique de la prévention et de la détection des atteintes à la probité a émergé dès les années 1990 dans le débat public et a donné lieu à la création de deux entités interministérielles spécifiques : la Mission interministérielle d’enquête sur les marchés (MIEM)1 et le Service central de prévention de la corruption (SCPC)2.

Toutefois, la faiblesse de ces dispositifs n’a jamais permis de leur voir reconnaître un rôle central dans la lutte contre les atteintes à la probité.

Concernant la MIEM, l’absence de pouvoir d’auto-saisine de cette instance s’est traduite dans les faits par une activité extrêmement réduite. Après avoir été mise en situation d’extinction de fait par le non-renouvellement de ses effectifs, elle a finalement été supprimée en 20123.

Concernant le SCPC, la censure par le Conseil constitutionnel de plusieurs dispositions de la loi emportant sa création4 l’a privé dès son origine des pouvoirs d’investigation nécessaires à l’exercice effectif de ses missions. De ce fait, ce service n'a pu être destinataire de l'ensemble des informations détenues par les services d'enquêtes ou par les administrations, ce qui ne lui a pas permis de centraliser réellement l'ensemble des éléments relatifs à la détection et à la prévention des faits de corruption.

Les lois du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique5 ont certes transformé la « Commission pour la transparence de la vie publique » en une nouvelle autorité administrative indépendante aux pouvoirs renforcés, la « Haute Autorité pour la transparence de la vie publique » (HATVP), mais son office ne porte pas sur la question spécifique des faits de corruption commis par les opérateurs économiques dans le cadre des transactions commerciales nationales ou internationales6.

La France ne dispose donc pas à ce jour de service spécifique en mesure de prévenir et d’aider à la détection des faits de corruption commis par des opérateurs économiques et susceptibles de survenir à l’occasion de transactions commerciales.

Dans son premier rapport sur la corruption, adopté le 3 février 20147, la Commission européenne a ainsi invité les États membres, dont la France, à créer d’urgence des dispositifs efficaces permettant notamment d’assurer :

- une évaluation systématique des risques de corruption dans les marchés publics ;

- la cohérence sur le plan de la surveillance, la formation et la sensibilisation des acteurs quant à la nécessité de prévenir et détecter les actes de corruption à tous les niveaux des marchés publics.

Le groupe anticorruption de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)8 invite quant à lui ces dernières années avec insistance ses membres, dont la France, à renforcer les moyens dévolus à la détection et à la lutte contre la corruption transnationale commise par des entreprises.

Dans le cadre de son rapport intitulé « Renouer la confiance publique », Jean-Louis NADAL avance plusieurs motifs pouvant expliquer les limites du système actuel de prévention et de détection et de répression des atteintes à la probité.

Ce rapport met plus particulièrement en lumière l’insuffisance de coordination et de centralisation de l’action des pouvoirs publics en faisant le constat de la déperdition d’informations liée au morcellement des structures compétentes pour détecter ce type d’infractions (SCPC, direction générale des finances publiques (DGFiP), direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Cour des comptes, chambres régionales des comptes, HATVP, Tracfin, services de police, services de gendarmerie, etc.).

Afin de remédier à cette difficulté, le rapport Nadal préconise la mise en œuvre d’un dispositif de coordination national à travers la création d’une instance interministérielle spécifique. Le rapport cite à cet égard l’exemple du Royaume-Uni où le Premier ministre, David Cameron, a annoncé en décembre 2014 le lancement d'un National Anti-corruption Action Plan dans le cadre duquel un coordinateur entre les différents services gouvernementaux a été nommé au sein du Cabinet Office9.

Parmi les priorités immédiates du plan national britannique, il peut y être relevé notamment l’établissement d’une meilleure cartographie de la menace de corruption et des zones de vulnérabilité du Royaume-Uni et le renforcement de l'intégrité dans les secteurs clefs et institutions.

Consciente des limites du système actuel, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a créé en son sein fin 2014 une mission d’étude et de prospective sur les moyens de moderniser le système français de détection, de prévention et de coordination en matière de lutte contre la corruption.

Les deux magistrats composant cette mission ont ainsi été amenés à rencontrer et à échanger avec nombre de leurs homologues dans des pays où ce sujet a donné lieu ces dernières années à des réformes substantielles ou bien où des bonnes pratiques particulièrement notables ont pu être développées avec succès (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas et Italie). Par ailleurs les membres de la mission ont pu mettre à contribution le réseau des magistrats de liaison à l’étranger ainsi que l’expertise du service des affaires européennes et internationales du ministère de la justice (SAEI).

Parmi les principaux enseignements tirés par cette mission, il ressort que chez nos voisins un dispositif moderne et efficace anticorruption passe notamment par la mise en place d’une structure dédiée en charge de la détection (cf. rôle du BIBOB et de l’Adviespunt Klokkenluiders aux Pays-Bas), de la prévention (cf. rôle de l’Autorita Nazionale Anti Corruzione en Italie) et de la coordination de la lutte anticorruption (cf. rôle du Cabinet Office au Royaume Uni).

2. Objectifs poursuivis

La création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption en remplacement de l’actuel « Service central de prévention de la corruption » doit permettre de remédier aux carences relevées ces dernières années en lien avec la problématique des marchés publics et des transactions commerciales internationales, en inscrivant les spécificités de l’action de cette nouvelle autorité administrative dans la complémentarité du dispositif judiciaire existant et en s’inspirant des bonnes pratiques étrangères.

2.1. Un engagement international de la France

La création de ce service doit permettre à la France de se doter d’un outil efficace de prévention et d’aide à la détection de la corruption conformément aux attentes exprimées par la Commission européenne et l’OCDE telles qu’évoquées précédemment.

Cette création s’inscrit par ailleurs pleinement dans le cadre des engagements pris par la France auprès de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l’existence dans chaque État d’un organe spécifique « chargé de prévenir la corruption » étant un engagement pris par les États parties à la « Convention des Nations Unies contre la corruption »10, le texte prévoyant plus particulièrement qu’un tel organe doit être chargé :

- de la mise en place et de la promotion de pratiques efficaces visant à prévenir la corruption ;

- de l’évaluation périodique des instruments juridiques et mesures administratives pertinents en vue de déterminer s’ils sont adéquats pour prévenir et combattre la corruption ;

- de l’accroissement et la diffusion des connaissances concernant la prévention de la corruption.

2.2. Un statut de service à compétence nationale placé sous l’autorité conjointe du ministre de la justice et du ministre des finances

Conférer à ce nouveau service le statut de service à compétence nationale permet de marquer l’importance de sa dimension interministérielle.

Le placement de cette entité sous l’autorité conjointe du ministre de la justice et du ministre des finances, et non plus du seul ministre de la justice, comme c’est actuellement le cas pour le SCPC, est de nature à lui conférer la visibilité et l’autorité nécessaire pour coordonner l’action des différents pouvoirs publics concernés par cette problématique.

L’indication selon laquelle le directeur du service est choisi parmi les magistrats de l’ordre judiciaire s’inscrit dans la lignée de l’article 1er de la loi du 29 janvier 1993 qui prévoyait déjà que le chef du SCPC est un magistrat de l’ordre judiciaire. Il s’agit d’un aspect essentiel du dispositif destiné à asseoir l’image d’impartialité et d’indépendance du service.

Au demeurant, le caractère éminemment technique des problématiques liées à la corruption et la nécessité d’articuler son action en amont et en aval d’éventuelles décisions de l’autorité judiciaire justifie que cette disposition soit inscrite dans la loi.

Afin d’asseoir son autorité, il est par ailleurs précisé que le directeur du service est nommé par décret du président de la République, à l’instar de ce qui est prévu à l’article 19 de la loi du 11 octobre 2013 concernant le président de la HATVP. Il est également précisé qu’il est nommé pour une durée de six années non renouvelable.

Enfin, conformément au souhait des organisations non gouvernementales (ONG) et syndicats de magistrat consultés, le texte apporte des garanties concernant l’impossibilité pour le directeur du service de recevoir ou de solliciter des instructions de l’autorité administrative dans l’exercice de ses missions de contrôle.

2.3. Des missions générales destinées à mieux appréhender un phénomène par nature occulte

2.3.1. La centralisation des informations et la diffusion des informations :

Cette mission de centralisation des informations doit permettre la réalisation à terme d’une véritable cartographie des risques concernant les marchés publics et les transactions commerciales internationales suspectes.

Afin de générer une véritable cartographie des risques (par secteur d’activité, par typologie d’entreprises, de collectivités ou d’administrations d’État, etc.), et pour orienter ses missions de contrôle sur pièce et sur place, le service pourra par exemple recueillir auprès des administrations et des juridictions les informations et documents suivants :

- des décisions de juridictions administratives concernant l'annulation de marchés publics en lien avec une collectivité ou une entreprise donnée ;

- des rapports d'observations des juridictions financières concernant la gestion d’une collectivité territoriale donnée ou de l’un de ses établissements publics (plus particulièrement concernant la régularité des actes de gestion, c’est-à-dire la conformité au droit des opérations de dépenses et de recettes) ;

- les témoignages reçus par le service et émanant de lanceurs d’alerte (salariés ou fonctionnaires) relatifs à des malversations survenues au sein ou pour le compte d’une collectivité ou d’une entreprise donnée ;

- des coupures de presse faisant état de suspicions concernant une collectivité ou une entreprise donnée (notamment via la « matrice » du groupe anticorruption de l’OCDE qui recense – par pays – l’intégralité des articles de presse mettant en cause des entreprises du chef de corruption internationale, informations dont les membres dudit groupe sont périodiquement amenés à confirmer ou infirmer la véracité lors de l’exercice dit du « tour de table ») ;

- des comptes rendus des missions de contrôle réalisés par le service concernant la qualité des dispositifs de prévention anticorruption mis en place dans une collectivité ou une entreprise donnée ;

- des décisions de juridictions pénales emportant condamnation de personnes physiques liées à une collectivité ou une entreprise donnée ou d’une entreprise en tant que personne morale, ou des décisions d’alternative aux poursuites décidées par des parquets.

L’ensemble de ces informations, analysées et recoupées par ce nouveau service, lui permettront d’apprécier l’opportunité de réaliser une mission de contrôle de la qualité et de l’efficacité des procédures mise en œuvre au sein des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte ou de l’entreprise en question. Leur diffusion permettra par ailleurs de sensibiliser l’ensemble des pouvoirs publics sur les secteurs et pratiques à risque.

2.3.2. La participation à la coordination administrative :

Ces dernières années, la question de la lutte contre la corruption est un sujet qui fait l’objet d’une attention croissante de la part de plusieurs organisations internationales qui, outre la signature de conventions internationales, mettent dorénavant en place des mécanismes dits de peer review (examen par les pairs) obligeant les États parties à rendre compte périodiquement des efforts menés pour se conformer à leurs engagements

Il en va ainsi plus particulièrement de l’OCDE, du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) et de l’ONUDC et, dans une certaine mesure, de la Commission européenne et du G20.

Or, en fonction des enceintes internationales, les ministères, et en leur sein les services chargés de mener la délégation française, peuvent varier.

Afin de remédier au risque d’éparpillement de l’expertise des services et de la position française selon les enceintes, le service sera chargé de participer à la coordination de l’action des diverses délégations françaises.

2.3.3. Le soutien aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale :

Dans des conditions qui seront précisées par décret, ce nouveau service sera appelé à apporter son soutien aux administrations de l’État, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale de différentes façons.

Il s’agira notamment pour ce service d’assurer des actions de formation et de sensibilisation sur la problématique de la lutte contre la corruption.

À titre d’exemple, le service devra prendre le relai du SCPC dans la gestion de la session annuelle de formation continue co-organisée avec l’École nationale de la magistrature et consacrée à
« La corruption : détection, prévention, répression » organisée à destination d’un public de magistrats judiciaires, administratifs et financiers, tant français qu’étrangers, de commissaires de police, d’officiers de douane judiciaire et d’officiers de gendarmerie.

À la demande des pouvoirs publics et des acteurs économiques, il pourra également intervenir pour réaliser des présentations sur cette problématique, tant dans ses aspects nationaux qu’internationaux au regard notamment du développement de l’approche extraterritoriale de la lutte anticorruption dans les pays anglo-saxons (FCPA, UKBA) susceptibles de concerner les multinationales d’implantation française.

Ce nouveau service sera par ailleurs appelé à apporter son soutien aux lanceurs d’alerte qui se tourneront vers lui.

Cette mission s’inspire de l’expérience d’une structure publique créée aux Pays-Bas par un décret conjoint du Ministère de l'intérieur et des relations au sein du Royaume et du Ministère du travail et des affaires sociales du 27 septembre 2011, connue sous le nom de Adviespunt Klokkenluiders (« Centre d’accueil et de conseil des lanceurs d’alerte ») qui est chargée de conseiller et d’orienter les lanceurs d’alertes qui s’adressent à elle.

À l’image de cette structure, il appartiendra au service, au titre de son appui aux personnes physiques prévu dans les présentes mesures, de renseigner les lanceurs d’alerte sur les dispositions organisant leur protection vis-à-vis de leur employeur ou supérieur hiérarchique (articles L.1132-3-3 et L.1132-4 du code du travail et 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) ainsi que sur le dispositif de réduction de peines ouvert aux repentis le cas échéant (cf. articles 432-11-1, 433-2-1, 434-9-2, 435-6-1 et 435-11-1 du code pénal).

À leur demande, il pourra ensuite les orienter vers l’autorité judiciaire compétente pour recevoir leur plainte ou leur témoignage.

Dans l’hypothèse où ces lanceurs d’alerte feraient l’objet de la part de leur supérieur ou de leur employeur de mesures de rétorsion, le service pourra prendre en charge financièrement les frais de procédure nécessaires à la défense de leurs droits devant les tribunaux. Ces frais pourront, sur le fondement des mesures proposées, être pris en charge grâce à une contribution financière versée au service par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

À l’heure actuelle, le SCPC reçoit en moyenne quelque dizaines de signalements, le plus souvent écrits, de personnes se déclarant lanceurs d’alerte. Ce service n’est toutefois pas doté des moyens matériels et humains lui permettant de recevoir et conseiller ces personnes dans des conditions satisfaisantes.

L’objectif ici poursuivi est d’inciter de plus en plus de lanceurs d’alerte potentiels à se manifester auprès du service où ils pourront recevoir toutes les informations et le soutien nécessaire afin de se prémunir devant les tribunaux de toute mesure de rétorsion de la part de leur employeur ou supérieur hiérarchique ou de bénéficier le cas échéant des réductions de peine offertes aux repentis qui collaborent activement avec la justice.

2.4. Des missions spécifiques vis-à-vis des acteurs publics 

2.4.1. L’élaboration de recommandations destinées à aider les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les sociétés d’économie mixte dans la mise en œuvre de procédures internes de prévention et de détection en leur sein d’atteintes à la probité

Il s’agira ici pour le service de rédiger, après concertation avec les différentes administrations et représentants des collectivités territoriales, des recommandations destinées à les guider dans la mise en place de dispositifs de contrôle internes efficaces permettant la prévention et la détection en leur sein d’atteintes à la probité.

Cette mission s’inspire de l’expérience italienne où l’Autorité Nationale Anti-Corruption (ANAC) est chargée d’établir des « Linea guidea », c’est-à-dire des lignes directrices destinées à guider les administrations dans l’élaboration de leurs plans d’action anticorruption (l’existence d’un plan d’action anticorruption étant obligatoire en Italie pour chaque administration depuis 201211).

La mise en place effective de ce type de dispositif dans les collectivités et les groupements les plus importants s’impose d’autant plus que les contrôles exercés par l’État ont eu tendance au cours des dix dernières années à considérablement s’affaiblir selon le SCPC.

Une enquête conduite par le SCPC12 auprès des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants a ainsi révélé, sur cette question, des situations très hétérogènes. Parmi les grandes et moyennes structures du secteur public local, le SCPC estime que trop nombreuses sont encore celles qui ne disposent d’aucun dispositif de contrôle interne, d’aucun service d’audit interne.

Les recommandations pourront ainsi par exemple inciter à la création pour les collectivités de grande taille d’une instance de contrôle et d’audit interne qui aurait pour objet d’appréhender l’ensemble des activités porteuses d’aléas en matière de probité, en interne comme en externe (associations gestionnaires, société d'économie mixte locale, sociétés publiques locales, organismes publics d’habitations à loyer modéré), à cartographier les zones et hiérarchiser les risques, à évaluer la probabilité de leur réalisation, à évaluer les politiques locales et à contribuer à l’amélioration et à la sécurisation des procédures.

Ces recommandations pourront également inciter à la mise en place au sein de chaque administration de l’État et des collectivités territoriales de protocoles de signalements de faits délictueux à l’attention de l’autorité judiciaire pour faciliter le recours aux signalements prévus à l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale. La nécessité d’inciter les acteurs publics à recourir plus largement aux dispositions de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale est en effet une préoccupation partagée tant par l’OCDE 13 que par le rapport NADAL14.

D’une manière générale, le contenu de ces recommandations devront tenir compte de la taille et donc des moyens dévolus aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En effet, comme le relevait le SCPC dans son rapport annuel de 2013, « sur 36 614 communes, 32 000 ont moins de 2 000 habitants ; 30 000 ont moins de 1 000 habitants, plus de 20 000 ont moins de 500 habitants avec ce que cela suppose en termes d’organisation et de capacité de gestion. Les 450 communes françaises de plus de 20 000 habitants (65 % des emplois municipaux) gèrent en moyenne chacune plus de 350 agents. Dans les communes de 3 000 habitants, l’effectif moyen est de l’ordre de 50 agents. 70 % des communes disposent de moins de 10 agents. Dans les communes de moins de 500 habitants, on compte en moyenne 3 agents, généralement à temps non-complet. Dans les plus petites communes, il n’est pas rare que le secrétaire de mairie se partage entre plusieurs communes. 52,7 % de l’ensemble constitué par les collectivités territoriales et les EPCI emploient moins de 5 agents ».

Afin de conférer une publicité à ces recommandations, il est prévu qu’elles seront publiées sous la forme d’un avis au Journal Officiel de la République française.

2.4.2. La réalisation de missions de contrôle et de conseil auprès des acteurs publics

Il s’agira ici pour le nouveau service, de sa propre initiative ou à la demande du Premier ministre, des représentants des entités publiques concernées ou du président de la HATVP, de réaliser un audit de la qualité et de l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein de ces entités pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Ces contrôles donneront lieu à l’établissement de rapports qui seront transmis aux autorités qui en sont à l’initiative ainsi qu’aux représentants de l’entité contrôlée. Ils contiendront les observations du service concernant la qualité du dispositif de prévention et de détection de la corruption mis en place dans les services contrôlés ainsi que des recommandations visant à l’amélioration des procédures existantes.

2.5. Des missions spécifiques vis-à-vis des acteurs économiques

2.5.1. L’élaboration de recommandations destinées à aider les sociétés dans l’élaboration de dispositifs permettant de se conformer aux nouvelles obligations : 

Afin de mettre en mesure les acteurs économiques de respecter l’obligation générale de prévention anticorruption, le service élaborera et actualisera périodiquement un ensemble de recommandations destinées à les aiguiller dans la mise en place de dispositifs internes efficaces et adaptés de prévention et de détection de la corruption.

Il est prévu que le contenu de ces recommandations soit proportionné à la taille des sociétés et à la nature des risques identifiés.

Afin de conférer une publicité à ces recommandations, il est prévu qu’elles seront publiées sous la forme d’un avis au Journal Officiel de la République française.

2.5.2. La réalisation de missions de contrôle au sein des entreprises :

Il s’agira ici pour le service, de sa propre initiative ou à la demande du ministre des finances ou du ministre de la justice, de réaliser un contrôle du respect de l’obligation pesant sur certaines entreprises15 de prendre les mesures destinées à détecter et à prévenir la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence.

En cas de manquements graves le directeur du service pourra alors soit adresser un simple avertissement, soit décider de saisir la commission des sanctions en recommandant que soit prononcée une sanction administrative prenant la forme d’une injonction ou d’une sanction pécuniaire assortie d’une publication de cette décision.

2.5.3. Le contrôle des peines de mise en conformité ordonnées par les tribunaux

À ce titre le service devra, sur décision d’un tribunal en cas de condamnation d’une entreprise du chef de corruption ou de trafic d’influence, s’assurer de la mise en place d’un programme de prévention et de détection efficace de ce type de faits au sein de ladite entreprise.

2.5.4. Le contrôle, au regard de la loi de blocage, de la mise en œuvre des mesures de mise en conformité ordonnées par des autorités étrangères

Depuis quelques années, des accords (Deferred prosecution agreement ou DPA) sont susceptibles d’être passés aux États-Unis afin de mettre un terme aux poursuites, moyennant le paiement d’une amende et l’engagement de se plier pendant une période déterminée à un suivi par un tiers (un moniteur indépendant, en général un cabinet d’avocat), de la mise en conformité avec la législation anticorruption américaine, des procédures internes (Process) au sein d’une entreprise (Corporate monitoring).

En France, le SCPC a été désigné à deux reprises par les services du Premier ministre comme autorité française compétente pour surveiller le déroulement de telles mesures au regard des obligations posées par la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 modifiée par la loi n° 80-538 du 14 juillet 1980, dite « loi de blocage », qui interdit la communication de documents ou de renseignements d’ordre économique sensibles à toute autorité étrangère.

L’accord de DPA conclu prévoit alors que le moniteur français indépendant chargé de ce contrôle de conformité ne rende pas compte directement aux autorités étrangères mais transmette ses rapports à une autorité française spécialement désignée à cette fin, en l’occurrence le SCPC, afin d’apprécier si les informations y figurant sont susceptibles d’être transmises au regard des dispositions de la loi précitée.

Ainsi, en pratique, le SCPC a supervisé l’action d’un cabinet d’avocat désigné par les autorités de poursuite américaines dans le cadre d’un DPA passé avec une société française.

Le SCPC a par ailleurs de nouveau été désigné en février 2014 par les services du Premier ministre pour effectuer cette mission dans un dossier impliquant une autre société française.

La présente loi prévoit de consacrer cette mission en l’inscrivant au bénéfice du nouveau service.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Une loi est nécessaire notamment car ce nouveau service devra prendre la place de l’actuel SCPC créé par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique (articles 1 à 6).

Par ailleurs les missions qui seront confiées à ce nouveau service (pouvoir de sanction administrative financière notamment ; prise en charge du suivi des peines de mise en conformité prononcées par les tribunaux correctionnels) justifient le recours à un vecteur de niveau législatif.

4. Impacts des dispositions envisagées

La détermination des moyens humains, matériels et budgétaires du futur service devra tenir compte de la réalité de son activité et du rythme de sa montée en puissance, mais, à titre d’hypothèse de travail, il est possible de fixer une fourchette en se référant pour la partie basse à l’actuel SCPC et pour la partie haute à l’ANAC italienne.

4.1. Impact sur les administrations

En termes d’effectifs

À l’heure actuelle, le SCPC présente aux fins d’exercice des missions qui lui sont confiées une composition interministérielle qui comprend un effectif théorique total de 16 personnes, dont 12 ETP relevant de la mission Justice (à la suite de plusieurs transferts d'emplois budgétaires successifs effectués en dernier lieu en loi de finances initiale pour 2013) et 4 agents mis à disposition par d'autres administrations :

- le chef du Service, qui est, de par la loi du 29 janvier 1993, un magistrat de l'ordre judiciaire ;

- les 12 autres membres du service (tous cadres A) sont nommés conformément au décret
n° 93-232 du 22 février 1993 par décret pour une période de quatre ans renouvelables. Les profils sont variés et adaptés aux besoins du service : il peut s’agir par exemple de magistrats judiciaires, d'administrateurs civils, d'attachés d'administration de l'État, d'inspecteurs des finances publiques ou d’agents des services du Premier ministre, de sous-préfets et d'officiers de police et de gendarmerie du ministère de l'intérieur ou bien encore de magistrats des juridictions financières (chambres régionales des comptes).

- le secrétariat est assuré par trois agents (1 secrétaire administratif, deux adjoints administratifs).

En guise de comparaison, l’ANAC italienne, qui dispose de prérogatives de même nature que le futur service, rassemble 350 collaborateurs réparties dans 25 bureaux (bureau des inspections, bureau des affaires juridiques, bureaux de contrôle et des surveillances, bureau anti-corruption, bureau transparence et marchés publics, bureau services et fournitures, bureau exécution des contrats, bureau de la règlementation, etc.) dont les profils recouvrent un large spectre de disciplines (juristes, ingénieurs, architectes, spécialistes de travaux publics, économistes, etc.).

Si le plafond d’emploi italien paraît difficilement atteignable dans un contexte budgétaire contraint, la situation en Italie n’étant au demeurant pas strictement comparable, une augmentation nette des effectifs du futur service au regard de ceux actuellement octroyés au SCPC apparaît toutefois souhaitable pour se conformer à l’impératif fixé par l’article 6§2 de la Convention des Nations Unies contre la corruption de disposer des «personnels spécialisés nécessaires, ainsi que la formation dont ces personnels peuvent avoir besoin pour exercer [ses] fonctions ».

Une telle augmentation se justifie au regard du nombre des missions confiées au service, de la nécessité pour ses membres de réaliser des contrôles approfondis sur l’ensemble du territoire, d’entreprises, d’administrations de l’État et des collectivités territoriales de taille diverse, et de la nécessité de disposer d’une équipe d’analystes étoffée pour analyser les informations nécessaires à la réalisation de la cartographie des risques et pour répondre aux sollicitations des pouvoirs publics, entreprises et lanceurs d’alerte.

Au regard de ces éléments, une hypothèse raisonnable conduit à estimer les besoins d’effectifs s’agissant de l’ensemble de ses missions, à 60 ou 70 personnes. Cet effectif global doit être ventilé en distinguant d’une part les missions de contrôle sur pièces et sur site et d’autre part les fonctions dites transverses (secrétaire général, informatique, secrétariat, etc.), d’analyse (cartographie des risques, analyses, recoupement) et de coordination interministérielle.

Les missions de contrôle devront être effectuées par des agents hautement qualifiés sur le plan technique, aptes à réaliser une expertise approfondie sur le plan juridique et financier du fonctionnement d’une administration d’État, d’une collectivité ou d’une entreprise. Une hypothèse raisonnable est d’envisager à cet égard la constitution de deux équipes, l’une chargée du contrôle des acteurs publics, l’autre des acteurs privés, d’un effectif total de 25 à 30 agents, présentant les profils suivants :

- magistrats judiciaire, administratif et financier ;

- agents publics issus d’un corps d’inspection ;

- fonctionnaires de police et gendarmes issus de services d’enquête spécialisés ;

- agents publics issus d’un service technique connaissant des problématiques économiques, financières, fiscales et internationales et le monde de l’entreprise et ses logiques (agents de la direction générale du Trésor, vérificateurs de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), vérificateurs de la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DVNSF), etc.).

Concernant les fonctions dites transverses, d’analyse et de coordination interministérielle, la cible pourrait être de 30 à 40 postes de fonctionnaires.

En termes d’immobilier 

Du point de vue logistique, le SCPC est actuellement hébergé par le ministère de la Justice sur le site de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et sur le site de la DACG. Dans le cadre du regroupement des services du ministère de la justice place Vendôme et porte de Bagnolet, ces locaux ne seront plus disponibles à compter de 2016.

Des locaux propres devront donc être alloués au futur service.

En termes de moyens budgétaires

Le budget de fonctionnement du service sera fonction essentiellement du coût induit par ses dépenses de personnel, des frais de déplacements liés à ses missions de contrôle et de ses frais de fonctionnement généraux (immobilier notamment).

Si le SCPC disposait à l’origine d’un budget autonome, il a toutefois été repris par l’administration centrale du ministère de la Justice pour être mutualisé avec celui de l’ensemble des directions.

À titre de comparaison, l’ANAC italienne dispose actuellement d’un budget de l’ordre de 55 M€16.

Toujours à titre de comparaison mais avec un autre service à compétence nationale français, l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (ANSSI) disposait en 2012 d’un budget de 75 M€ pour un effectif de 300 fonctionnaires17.

Au regard de ces éléments, compte tenu des besoins en terme de personnel évoqués plus haut, et indépendamment de la question immobilière, une hypothèse raisonnable pourrait conduire à estimer le budget annuel nécessaire dans un premier temps dans une fourchette comprise entre 10 et 15 M€.

4.2. Impacts pour les collectivités territoriales

Concernant l’élaboration des recommandations de prévention et détection de la corruption à l’attention des administrations et des collectivités territoriales, il s’agit ici pour le service de rédiger, après concertation avec les représentants des collectivités territoriales, des recommandations destinées à les guider dans la mise en place de dispositifs de contrôle internes efficaces permettant la prévention et la détection en leur sein d’atteintes à la probité.

Pour ce qui est de la réalisation de missions de contrôle et de conseil auprès des acteurs, il s’agit ici de la possibilité pour le service de réaliser un audit de la qualité et de l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein des collectivités pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Les observations et recommandations du service seront transmises à la collectivité concernée à l’issue du contrôle en vue d’améliorer éventuellement les procédures mises en œuvre.

5. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du SCPC ;

- de l’OCDE ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des ONG Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

De plus, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a été consulté.

6. Modalités d’application des dispositions envisagées

Des mesures de caractère réglementaire à prendre par voie de décret en Conseil d’État viendront préciser les modalités d’application des articles du projet de loi comme les conditions de fonctionnement de la commission des sanctions, les conditions d’application des missions du service ou les conditions d’habilitation des agents chargés des fonctions de contrôle et de conseil.

Article 7 : Protection des lanceurs d’alerte dans le secteur financier

1. État des lieux

En France, plusieurs dispositifs de protection des lanceurs d’alerte (« whistleblowers ») ont été mis en place au cours des dernières années.

La loi n° 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption a ainsi introduit une protection spécifique des personnes signalant, soit à leur employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont elles auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.

La loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte a introduit le même type de protection pour les personnes signalant des faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement.

La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière est venue généraliser la protection des lanceurs d’alerte à l’ensemble des salariés ou fonctionnaires relatant ou témoignant de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit.

Les employés du secteur financier bénéficient donc du régime général de protection des lanceurs d’alerte de la loi de 2013, lorsqu’ils signalent des crimes ou des délits, par exemple des délits d’abus de marché (opérations d’initiés, manipulation de marché, divulgation illicite d’informations privilégiées).

Cependant, ils ne peuvent aujourd’hui bénéficier de cette même protection lorsqu’ils signalent des faits constitutifs, non pas de délits, mais de manquements administratifs réprimés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), par exemple de manquements aux obligations professionnelles qui pèsent sur les établissements financiers.

Or, plusieurs textes européens intervenant en matière financière (comme par exemple le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, ou le règlement (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres) ont récemment imposé aux États membres de mettre en place des dispositifs spécifiques de protection des personnes signalant de bonne foi des violations aux obligations qu’ils fixent, violations relevant de l’ordre du manquement administratif.

Au-delà de dispositifs de protection des lanceurs d’alerte, ces textes prévoient également que les États membres imposent aux établissements assujettis (par exemple, s’agissant du règlement (UE) n° 909/2014, les dépositaires centraux de titres) et aux autorités de supervision de mettre en place des procédures permettant, voire encourageant, le lancement d’alerte.

Par ailleurs, le Gouvernement, qui a confié au Conseil d’État une mission de réflexion sur la mise en cohérence des dispositifs d’alerte éthique, souhaite poursuivre la mise en place de mesures relatives aux lanceurs d’alerte.

Il est donc nécessaire d’introduire en droit français, d’une part, un dispositif de protection des personnes signalant les manquements administratifs résultant de ces textes européens, qui sera complémentaire du régime de protection des lanceurs d’alerte déjà existant pour le signalement de crimes et délits, et, d’autre part d’imposer aux entreprises du secteur financier actives dans les domaines relevant de ces textes ainsi qu’aux autorités de supervision (AMF et ACPR) de mettre en place des procédures opérationnelles de lancement d’alerte.

2. Objectifs poursuivis

L’objectif de la mesure proposée est de mettre le droit français en conformité avec le droit de l’Union européenne rappelé ci-avant.

Il comporte trois volets distincts et complémentaires :

- d’une part, l’AMF et l’ACPR mettront en place des procédures par lesquelles les employés du secteur financier pourront leur signaler les manquements qu’ils détectent ou constatent ;

- d’autre part, les entreprises du secteur financier elles-mêmes devront mettre en place des procédures internes pour permettre le signalement, par leurs employés, des manquements qu’ils détectent ou constatent ;

- enfin, les lanceurs d’alerte feront l’objet d’une protection spécifique pour éviter toute mesure disciplinaire de représailles prise à leur encontre par leur employeur. Cette protection s’inspire largement de celle déjà prévue par les dispositifs nationaux similaires (cf. ci-avant), le principal élément de cette protection résidant dans l’interdiction faite aux employeurs de prendre une mesure de représailles (licenciement, sanction, discrimination en matière de rémunération, etc.) envers une personne au motif que celle-ci a signalé un manquement à l’ACPR ou à l’AMF. Les personnes elles-mêmes mises en cause dans le cadre d’un signalement adressé à l’une de ces deux autorités sont également protégées contre de telles représailles au seul motif qu’elles ont fait l’objet du signalement ;

Sont couverts par le régime proposé les manquements aux divers textes européens récents prévoyant explicitement la protection des lanceurs d’alerte, à savoir :

- le règlement (UE) n° 596/2014 précité sur les abus de marché ;

- le règlement (UE) n° 909/2014 précité concernant l’amélioration du règlement de titres dans l’Union européenne et les dépositaires centraux de titres ;

- le règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance ;

- le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 ;

- la directive 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions.

La directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers prévoit également une protection des lanceurs d’alerte. L’application du régime proposé aux manquements résultant de cette directive s’effectuera cependant dans le cadre de la transposition de cette directive, qui interviendra par voie d’ordonnance en application de l’article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Ce choix est motivé par la nécessité de procéder dans le même temps à l’introduction en droit français des obligations et manquements résultant de la directive, et à l’application à ces manquements du régime de lanceurs d’alerte ici proposé.

3. Options possibles pour légiférer

Comme indiqué ci-dessus, les dispositifs existants de protection des lanceurs d’alerte ne couvrent pas les signalements de manquements administratifs dans le secteur financier. L’application des textes européens impose donc d’adopter de nouvelles dispositions en droit français.

Ces nouvelles dispositions relèvent nécessairement du domaine législatif. En effet, les dispositifs déjà existants de protection des lanceurs d’alerte ont été introduits par voie législative. Par ailleurs, l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux du droit de travail, dont relève la protection des lanceurs d’alerte contre des mesures de licenciement ou de mesures discriminatoires, notamment en matière de rémunération.

Enfin, il a été fait le choix de ne pas utiliser la faculté ouverte aux États membres par l’article 32 du règlement (UE) n° 596/2014 de prévoir l’octroi d’incitations financières aux personnes qui signaleraient des manquements prévus par le règlement (essentiellement les manquements d’abus de marché). Une telle mesure n’est en effet pas prévue dans les dispositifs de protection des lanceurs d’alerte déjà existants en droit français, et sa pertinence réelle reste à démontrer. En tout état de cause, elle ne constitue qu’une option que le règlement (UE) n° 596/2014 laisse à la main des États membres, et ne pas l’utiliser ne constitue donc nullement une infraction aux obligations de transposition de la France.

4. Analyse des impacts

Les impacts bénéfiques des mesures proposées rejoignent ceux identifiés par la Commission européenne dans le cadre de la préparation du règlement n° 596/2014 et de la directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché18 :

- les mesures proposées devraient renforcer l’intégrité des marchés financiers :
à titre d’exemple, selon la Commission européenne, plus de 30 % des abus de marché ont pu être détectés au Royaume-Uni (dont la législation sur les lanceurs d’alerte est très développée) par l’intermédiaire des lanceurs d’alerte. La mise en place des mesures proposées devrait donc accroître le taux d’abus de marché, et plus généralement de manquements décelés par les autorités de supervision. Par ailleurs, ces mesures pourraient également réduire le nombre de ces abus ou de ces manquements, dans la mesure où les personnes souhaitant réaliser ces abus ou manquements sauront qu’elles pourront faire l’objet d’un lancement d’alerte ;

- les mesures proposées devraient également favoriser le développement de ces marchés :
en effet, en renforçant l’intégrité des marchés financiers, ces mesures viendront augmenter la confiance des investisseurs, notamment des investisseurs institutionnels comme les fonds de pension ou les compagnies d’assurance, dans ces marchés, et favoriser de la sorte le financement des entreprises par les marchés, objectif au cœur du projet d’union des marchés de capitaux porté par la Commission européenne et fortement soutenu par la France.

L’obligation faite aux établissements financiers exerçant des activités couvertes par les règlements européens mentionnés ci-avant de mettre en place des procédures internes permettant le lancement d’alerte représentera une charge pour ces établissements. Ces derniers auront toutefois des marges de manœuvre relativement importantes pour choisir quelles procédures ils souhaitent mettre en place, en fonction de leur mode d’organisation, de l’importance des activités qu’ils exercent dans le champ des textes européens couverts. Les procédures internes requises par le dispositif de protection proposé pourraient par exemple reposer sur la mise en place de canaux de communication dédiés, par lesquels les employés pourraient procéder aux signalements. Des procédures déjà existantes au sein des établissements pourraient également être utilisées aux fins de répondre aux dispositions proposées ici.

5. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- de l’AMF ;

- d’associations représentatives des participants de marché : Association des marchés financiers (AMAFI), Mouvement des entreprises de France (MEDEF), Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- d’avocats praticiens des procédures de composition administrative et de la Commission des sanctions de l’AMF.

De plus, le Comité de la législation et de la réglementation financières a été consulté.

6. Textes d’application

Le règlement général de l’AMF et un arrêté du ministre chargé de l’économie viendront préciser les modalités selon lesquelles l’AMF et l’ACPR viendront mettre en place des procédures permettant que leur soient transmis des lancements d’alerte.

Chapitre III : Autres mesures de lutte contre la corruption et divers manquements À la probitÉ

Article 8 : Manquement à l’obligation de prévention contre les risques de corruption

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

Consciente des limites du système actuel de prévention de la corruption tel que mis en exergue par les organisations internationales ces dernières années, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) a créé en son sein fin 2014 une mission d’étude et de prospective sur les moyens de moderniser le système français de détection, de prévention et de coordination en matière de lutte contre la corruption.

Les deux magistrats composant cette mission ont ainsi été amenés à rencontrer et à échanger avec nombre de leurs homologues dans des pays où ce sujet a donné lieu ces dernières années à des réformes substantielles ou bien où des bonnes pratiques particulièrement notables ont pu être développées avec succès (États-Unis, Royaume-Uni, Pays-Bas et Italie). Par ailleurs les membres de la mission ont pu mettre à contribution le réseau des magistrats de liaison à l’étranger ainsi que l’expertise du service des affaires européennes et internationales du ministère de la justice (SAEI).

Parmi les principaux enseignements tirés par cette mission, il ressort que chez nos voisins un dispositif moderne et efficace anticorruption passe notamment par l’incitation à la mise en place au sein des entreprises de dispositifs internes de prévention et de détection de la corruption, dont l’absence ou l’insuffisance peut être sanctionnée (cf. section 7 du UKBA de 2010 au Royaume Uni et article 102 du code pénal suisse).

La législation britannique dite du UKBA19 prévoit ainsi une infraction pénale dite de Failure of commercial organisations to prevent bribery selon laquelle il y a infraction en cas de défaut de prévention suffisante de faits de corruption de la part de n'importe quelle personne associée à une entreprise, si ces faits permettent à ladite entreprise d'obtenir un avantage.

Le « UKBA adequate procedures guidance » publié en 2011 par le ministère de la Justice britannique pose les lignes directrices d’application de cette obligation. Sont ainsi posés 6 principes que doivent respecter les entreprises dans le cadre de l’obligation de prévention anticorruption qui leur incombe (Proportionate Procedures, Top-level Commitment, Risk Assessment, Due Diligence, Communication & Training and Monitoring & Review).

La loi britannique prévoit qu’à défaut de justifier de l’existence de procédures mettant en œuvre ces principes, l’entreprise est alors susceptible d’engager sa responsabilité pénale, et ainsi de s’exposer à des amendes illimitées, si une personne qui lui est associée corrompt une autre personne.

À noter par ailleurs que, sur le plan administratif, la « Financial Conduct Authority » (ou FCA, équivalent de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en France) dispose du pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires administratives à l’encontre des sociétés n’ayant pas mis en place en leur sein des procédures efficaces de nature à prévenir les risques de fraude, plus particulièrement les risques de corruption. C’est ainsi par exemple que la FCA a infligé en 2013 à la société JLT Specialty Limited (JLTSL) une sanction pécuniaire de £ 1,8 million20 et en 2014 à la société Besso Limited une sanction pécuniaire de £ 315.00021 pour ne pas avoir établi en leur sein des dispositifs efficaces de prévention de la corruption.

De même, la législation suisse prévoit que la responsabilité pénale d’une entreprise peut être engagée en raison d’un manque d’organisation et de mesures de prévention de l’infraction de corruption.

Ainsi, en vertu de l'article 102 alinéa 2 du code pénal suisse, il est prévu que l'entreprise qui n'aura « pas pris toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pour empêcher » la corruption d'agents publics ou de particuliers pourra être poursuivie pénalement et punie d'une amende pouvant atteindre 5 MCHF (4,1 M€)22. Cette responsabilité existe indépendamment du fait qu'une personne physique puisse ou non être considérée comme responsable.

Ces obligations se traduisent par une responsabilité de plein droit de l’entreprise, sauf si elle démontre avoir pris toutes les mesures de nature à empêcher que le risque ne se réalise ou que l’infraction ne soit commise.

Le Service central de prévention de la corruption (SCPC), dans son rapport pour l’année 2012, préconisait également la consécration en droit interne d’une obligation générale de prévention de la corruption dont le défaut pourrait être sanctionné23. Par ailleurs, en mars 2015, le SCPC a publié des lignes directrices ayant pour objet de proposer aux organisations des recommandations, juridiquement non contraignantes (droit souple), dans l’élaboration de leurs programmes de conformité pour prévenir et détecter la corruption au niveau national comme transnational. Ces lignes directrices n’ont toutefois aucune valeur juridique contraignante, contrairement aux dispositifs suisse et britannique. Elles ne s’imposent donc pas aux opérateurs économiques français.

2. Objectifs poursuivis

La loi introduit en droit positif une obligation générale de prévention de la corruption pesant sur certaines sociétés24, obligation dont le défaut pourra être sanctionné sur la base de l’expertise du futur service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption.

Cette démarche s’inscrit dans un contexte international porteur puisque nos homologues britanniques et suisses ont déjà mis en œuvre des législations dans ce domaine qui trouvent d’ores et déjà à s’appliquer aux grandes entreprises françaises compte tenu de leur présence sur la scène mondiale et de l’extraterritorialité de la législation britannique.

L’objectif poursuivi est de faire en sorte que les plus grandes entreprises disposent systématiquement en leur sein d’un dispositif interne complet et efficace de nature à prévenir et à détecter les faits de corruption qui sont susceptibles de survenir à l’occasion de transactions commerciales nationales ou internationales comme lors de la passation de marchés publics.

La loi détaille les mesures et procédures devant être mise en œuvre de manière effective pour satisfaire à l’obligation générale de prévention contre les risques de corruption ou de trafic d’influence :

- un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire car susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence ;

- un dispositif d’alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d’employés relatifs à l’existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de l’entreprise ;

- une cartographie des risques prenant la forme d’une documentation régulièrement actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d’exposition de l’entreprise à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction notamment des secteurs d’activités et des zones géographiques dans lesquels l’entreprise déploie son activité commerciale ;

- des procédures de vérification de la situation des clients, des fournisseurs de premier rang, ainsi que des intermédiaires, au regard de la cartographie des  risques ;

- des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s’assurer que les livres, registres et comptes ne soient utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence. Ces contrôles peuvent être réalisés soit par les services de contrôle comptable et financier propres à la société soit en ayant recours à un auditeur externe à l’occasion de l’accomplissement des audits de certification de comptes prévus à l’article L.823-9 du code de commerce ;

- un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de trafic d’influence ;

- un régime de sanction disciplinaire permettant de sanctionner les membres de l’entreprise en cas de violation du code de conduite de l’entreprise.

Le texte prévoit que le constat par le service précité de manquements à l’obligation générale de prévention de la corruption ne sera pas sanctionné pénalement mais par une sanction administrative n’emportant donc pas inscription au casier judiciaire.

À l’issue des contrôles réalisés par ce service auprès des entreprises, et en cas de manquements constatés, il pourra ainsi tout d’abord être adressé à la société un simple avertissement émanant du directeur du service.

S’il l’estime nécessaire, le directeur du service pourra également saisir une « commission des sanctions » qui disposera d’un ensemble de sanctions administratives graduées allant de l’injonction de se mettre en conformité à la sanction pécuniaire assortie éventuellement d’une prise en charge financière de la publication de la décision du service.

Afin de revêtir le prononcé de cette sanction pécuniaire de tous les atours de l’impartialité, et bien que cela ne soit pas juridiquement indispensable25, il est néanmoins prévu que la sanction sera prononcée non par le directeur du service lui-même mais par une « commission des sanctions » indépendante composée de membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation.

3. Impacts des dispositions envisagées

Cette nouvelle obligation légale pour les entreprises constituera, non pas une contrainte supplémentaire, mais un outil au service de leur compétitivité et de leur développement, dans un contexte où le nouvel environnement juridique mondial inscrit l’éthique et la prévention de la corruption au cœur de ses dispositifs et où plusieurs organisations internationales entendent imposer à terme un « fair level playing field » pour tous les opérateurs économiques26. En effet, la pratique de la corruption place les entreprises respectueuses de la probité dans une situation commerciale désavantageuse par rapport à celles qui ne respectent pas les règles27.

L’introduction en droit interne d’un tel dispositif présentera ainsi l’avantage pour les entreprises de consacrer et de détailler les règles précises dont elles ont besoin pour encourager et développer leurs propres initiatives en matière de prévention et de détection contre la corruption. Elle les mettra sur un pied d’égalité avec les entreprises d’autres pays disposant de législation de ce type.

Par ailleurs, elle contribuera à faire clairement connaître au plan international l’engagement de la France en même temps que celui de ses entreprises dans la prévention active de la corruption.

Enfin, elle apportera une réponse aux préconisations réitérées des organisations internationales, et ce dans un contexte où la France est critiquée au sein de ces enceintes pour son absence de proactivité à mettre en œuvre un système efficace de prévention, de détection et de répression à l’égard de ses sociétés, alors même que de multiples procédures sont diligentées à l’étranger à l’encontre de plusieurs d’entre elles28.

4. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du SCPC ;

- de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des organisations non gouvernementales Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Article 9 : Création d’une peine de mise en conformité

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

Aux États Unis, l’obligation pour les opérateurs économiques d’adapter leurs procédures internes de prévention et de détection de la corruption s’est développée ces dernières années dans le cadre des mesures de « Deferred Prosecution Agreement » ou de « Plea Bargain ».

Ces accords négociés entre les procureurs américains et l’entreprise prévoient en général, outre le paiement par l’entreprise d’une certaine somme, la mise en œuvre en son sein d’obligations de conformité de leurs procédures de fonctionnement internes dans le cadre de programme appelés « corporate monitoring ».

Ce « corporate monitoring » est décidé dans l’accord sur les poursuites pour une durée allant généralement d’un à quatre ans et se traduit par le contrôle de la mise en place au sein de l’entreprise concernée d’un programme effectif de « compliance » (conformité) anticorruption.

Le programme de « compliance » en lui-même dépend du champ d’activité de l’entreprise. On retrouve souvent, par exemple :

- l’adoption de chartes éthiques sur les cadeaux offerts ou reçus avec des tiers ;

- la dispense de formations pour le personnel ;

- l’adoption de règles pour lutter contre la corruption (notamment l’obligation de mettre en œuvre un système interne facilitant l’action des lanceurs d’alerte).

La Banque mondiale, dans le cadre de ses procédures de sanction, a également développé ces dernières années un dispositif similaire tendant à imposer à un opérateur économique intervenu dans un marché financé par elle et convaincu de faits de corruption, de mettre en place un programme de mise en conformité anticorruption.

Le droit français ne connait pas de tel dispositif à l’heure actuelle.

2. Objectifs recherchés par rapport à cette situation

L’objectif recherché ici est de permettre aux tribunaux de contraindre les entreprises reconnues coupables de faits de corruption ou de trafic d’influence de mettre en place en interne des dispositifs destinés à prévenir la réitération de tels faits.

Ce type de dispositif est en effet jugé comme particulièrement efficace par les autorités américaines du DoJ et par le service Integrity de la Banque mondiale afin de prévenir la réitération de faits de corruption par un opérateur économique qui s’y est soumis.

Cette nouvelle peine, introduite à l’article 131-39-2 du code pénal, pourra être prononcée par le juge pénal à l’encontre d’une entreprise condamnée du chef de corruption ou de trafic d’influence, afin de s’assurer que cette dernière adapte ses procédures internes de prévention et de détection des faits de corruption et de trafic d’influence.

Le suivi de sa mise en œuvre sera confié au futur service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption créé par le présent projet de loi, sous le contrôle du procureur de la République.

Le non-respect de cette peine sera constitutif d’un nouveau délit pénal (nouvel article 434-43-1 du code pénal) passible pour les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement de 2 ans et d’une amende de 30.000 €, les personnes morales encourant par ailleurs l’amende et l’ensemble des peines prévues au titre du délit pour lequel elles auront été condamnées et qui aura donné lieu au prononcé de la peine de mise en conformité. Les personnes physiques et morales encourront également de ce chef la peine d’affichage ou de diffusion de la décision.

3. Impacts des dispositions envisagées

Compte tenu du faible nombre de procédures en cours du chef de corruption et trafic d’influence mettant en cause des personnes morales, l’impact en termes humains devrait être limité pour l’autorité judiciaire d’autant qu’il est prévu que la prise en charge du suivi de cette nouvelle peine sera assurée, sous le contrôle du procureur de la République, par les agents du nouveau service précité.

4. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

- de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des organisations non gouvernementales Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Article 10 : Publicité des condamnations pénales

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

Dans le cadre de son rapport intitulé « Renouer la confiance publique », le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) Jean-Louis Nadal regrette que la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision ne soit pas prévue pour l’ensemble des infractions d’atteinte à la probité.

En effet, à l’heure actuelle, si cette peine est encourue en cas de corruption ou de trafic d’influence29, tel n’est cependant pas le cas en cas de condamnation du chef de prise illégale d’intérêt, de pantouflage, de favoritisme, ou de détournement de fonds publics.

Le rapport estime à cet égard que l’amélioration du dispositif répressif actuel passe par l’extension de cette peine complémentaire à l’ensemble des manquements à la probité30.

2. Objectifs poursuivis

Il est attendu de cette disposition une plus grande transparence concernant les décisions de condamnation en matière d’atteintes à la probité dans un souci d’exemplarité publique.

3. Impact de la disposition envisagée

Les moyens par lesquels ces décisions devront être rendues publiques respecteront les modalités fixées à l’article 131-35 du code pénal, à savoir un affichage dans les lieux et pour la durée indiqués par la juridiction, celle-ci ne pouvant excéder deux mois. La décision est diffusée par le Journal officiel, par une ou plusieurs autres publications de presse et peut être rendue publique sur Internet.

4. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

- de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des organisations non gouvernementales Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Article 11 : Incrimination du trafic d’influence d’agent public étranger

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

Le trafic d’influence d’agent public étranger n’est pas incriminé en France contrairement aux législations de plusieurs pays étrangers qui incriminent ce type de faits directement ou indirectement et en dépit des recommandations formulées par plusieurs organisations internationales spécialisées dans l’évaluation de l’efficacité des dispositifs nationaux anticorruption.

1.1. État des lieux en France

Ces dernières années, le législateur a choisi de poursuivre de la même façon le trafic d’influence exercé en direction d’un de ses agents ou d’un agent international (juge d’une cour internationale, élu d’une assemblée internationale ou fonctionnaire international).

En revanche le législateur a choisi, à ce jour, de ne pas incriminer le trafic d’influence en direction d’un agent public étranger, alors que la corruption d’agent public étranger est quant à elle incriminée en droit interne.

1.2. Éléments de comparaison internationale

De plus en plus de pays incriminent ce type d’agissement, soit en consacrant dans leur droit interne l’infraction de « trafic d’influence d’agent public étranger » à proprement parler, soit en retenant une acception très large de la qualification juridique de « corruption d’agent public étranger » qui inclue en son sein les éléments constitutifs de l’infraction de trafic d’influence.

Sur la base notamment de l’exploitation des rapports de conformité présentés devant l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Groupe d'États contre la corruption (GRECO), il est possible de distinguer sur cette question quatre grandes catégories de pays :

États dont la loi prévoit l’incrimination de trafic d’influence d’agents publics étrangers

Roumanie

Brésil

Chili

Norvège

Hongrie

Grèce

Ukraine

Luxembourg

Islande

Bulgarie

États n’incriminant pas le trafic d’influence d’agents publics étrangers en tant que tel
mais
dans lesquels les éléments constitutifs de cette infraction peuvent se retrouver dans l’infraction générale de corruption d’agent public étranger

États-Unis

Corée

Irlande

Allemagne

États dont la loi prévoit l’incrimination de trafic d’influence concernant les seuls agents publics nationaux
et non
les agents publics étrangers

Egypte

Portugal

Colombie

Mexique

Italie

Cambodge

Guatemala

Costa Rica

Pologne

Nigéria

Russie

États dont le droit ne prévoit pas l’incrimination de trafic d’influence d’agent public national ou étranger

Suède

Pays bas

Finlande

Japon

Suisse

1.3. Recommandations formulées par plusieurs organisations internationales spécialisées dans l’évaluation de l’efficacité des dispositifs nationaux anticorruption

L’absence d’incrimination du trafic d’influence d’agent public étranger est reprochée aux autorités françaises de manière persistante et insistante par l’OCDE, le GRECO et l’ONUDC :

- OCDE : il s’agit d’une recommandation prise sur la base de l’article 1er de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales du 17 décembre 1997 qui figure dans un rapport d’octobre 201231 et reprise dans un rapport de décembre 201432 ;

- GRECO : il s’agit d’une recommandation prise sur la base de l’article 12 de la Convention pénale sur la corruption (STE 173) de 1999 qui figure dans le rapport du GRECO portant sur la France de février 200933 et régulièrement reprise dans les derniers rapports34  ;

- ONUDC : il s’agit d’une recommandation prise sur la base de l’article 18 de la Convention des Nations Unies contre la corruption de 2003 qui figure dans le rapport d’examen portant sur la France35.

2. Objectifs poursuivis

L’extension de l’incrimination de trafic d’influence aux agents publics étrangers permettra à la France de se conformer à ses engagements internationaux et de mettre un terme à une pratique existant chez certains acteurs économiques qui, pour emporter des marchés publics auprès de responsables publics étrangers, ont recours à ce type d’agissement sans que la loi française ne puisse les sanctionner.

3. Impact de la disposition envisagée

S’agissant d’un contentieux technique très spécialisé, le nombre de nouvelles procédures ouvertes de ce chef devrait être limité et donc avoir un impact sur les services judiciaires limités, étant précisé que ce type de contentieux aura avant tout vocation à être traité par des autorités judiciaires spécialisées et dotés de moyens spécifiques (parquet national financier et juridiction interrégionales spécialisées).

À titre de comparaison avec l’infraction voisine de « corruption d’agent public étranger », entre 2000 et 2015, les autorités judiciaires françaises ont diligenté en tout et pour tout 68 procédures (enquêtes préliminaires ou informations judiciaires) dont 44 sont toujours en cours actuellement.

4. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

- de l’OCDE ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des organisations non gouvernementales Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Article 12 : Assouplissement des conditions dans lesquelles les faits de corruption et de trafic d’influence commis à l’étranger par des Français, des entreprises françaises ou des personnes résidant habituellement en France peuvent être poursuivis en France

1. État du droit et diagnostic de la situation actuelle

Ces dernières années, la lutte contre la corruption s’est internationalisée avec l’adoption de plusieurs conventions internationales négociée dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), du Conseil de l’Europe, des Nations Unies ou de l’Union européenne traduisant une prise de conscience générale du caractère global et transnational de ce phénomène36.

Afin de mieux réprimer les versements de pots de vins survenant dans le cadre de transactions commerciales internationales, plusieurs législations étrangères se sont par ailleurs dotées d’une compétence extraterritoriale leur permettant de mieux poursuivre pénalement ce type d’agissements, y compris lorsque ces faits sont commis par des personnes physiques ou par des entreprises étrangères ayant un lien de rattachement, même ténu, avec leur territoire national.

1.1. Le développement d’une approche extraterritoriale de la lutte contre la corruption à l’étranger

Aux États Unis, en application du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA 1977) et du International Anti-Bribery Act (IABA 1998) il suffit ainsi qu’une société soit cotée à la bourse de New-York pour qu’elle tombe sous le coup de la législation anticorruption américaine. La législation anticorruption américaine trouve également à s’appliquer lorsqu’une entreprise a des intérêts commerciaux importants aux États-Unis ou lorsqu’elle a utilisé des moyens situés aux États-Unis, tels qu’un compte en banque ou tout paiement fait en dollars, même s’il n’a pas transité par le territoire américain (15 U.S.C. §§ 78dd-1 ; 15 U.S.C. §§ 78dd-3).

Au Royaume-Uni, la législation anticorruption relative à l’obligation de prévenir les faits de corruption au sein des sociétés commerciales (« Failure of commercial organisations to prevent bribery ») s’applique tant aux sociétés britanniques qu’aux entités commerciales étrangères ayant une filiale au Royaume Uni ou y entretenant des liens commerciaux (UKBA 2010, Section 12(5) & 7(5)). Concernant le versement de pots de vins par des personnes physiques, la législation anticorruption britannique permet de poursuivre les faits de corruption d’agents public étrangers commis en dehors du territoire de la couronne qu’ils soient le fait de ressortissants britanniques ou de ressortissants étrangers résidant habituellement au Royaume-Uni ("individual ordinarily resident") (UKBA 2010, Section 12(4)(g)).

En Australie, la loi permet aux autorités judiciaires australiennes de poursuivre tant les ressortissants australiens que les « personnes qui résident en Australie » ("a resident of Australia") pour des faits de corruption d’agent public étranger commis en dehors du territoire national (loi fédérale sur le code pénal, article 70.5).

En Suède, la législation permet de poursuivre les délits commis en dehors du territoire national par les ressortissants suédois mais aussi par les personnes étrangères domiciliées en Suède, les ressortissants nordiques (danois, finlandais, islandais et norvégiens) présents en Suède, et enfin, pour les délits punis de plus de 6 mois d'emprisonnement (ce qui inclut la corruption active d’agent public étranger), par toute personne étrangère présente en Suède (code pénal, première partie, chapitre 2, section 2).

En Chine, l’adoption en mai 2011 du 8ème amendement au code pénal de la République populaire de Chine (RPC) a permis d’étendre la compétence des juridictions chinoises aux faits de corruption d’agents publics étrangers commis en dehors de ses frontières impliquant non seulement des entreprises chinoises mais également les opérateurs économiques organisés en co-entreprise (joint-venture) avec des entreprises chinoises ainsi que les entreprises étrangères ayant une représentation sur le territoire chinois (art. 164 code pénal de RPC).

En Russie enfin, le gouvernement russe a soumis le 18 août 2015 à la Douma un projet de loi sur la reconnaissance de la responsabilité des personnes morales pour corruption qui prévoit que la responsabilité des personnes morales étrangères pourra être engagée pour faits de corruption commis hors de Russie à partir du moment où les faits portent atteinte aux « intérêts de la Russie ».

1.2. Les recommandations des organisations internationales

Dans le cadre des mécanismes d’évaluation mis en œuvre au sein de l’OCDE, du Groupe d'États contre la corruption (GRECO), de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et de la Commission européenne, plusieurs recommandations ont été adressées aux autorités françaises ces dernières années en vue d’inciter les pouvoirs publics à modifier les articles du code pénal (113-5, 113-6 et 113-8) qui font obstacle au plein déploiement des poursuites diligentées par les autorités françaises contre des justiciables français (personnes physiques ou morales) du chef de corruption d’agent public étranger lorsque les faits ont été intégralement commis à l’étranger :

- OCDE : dans le rapport d’octobre 2012 et de décembre 201437 ;

- GRECO : dans le rapport de février 2009 et de décembre 201438 ;

- ONUDC : dans le rapport d’évaluation de la France lors du cycle d’examen 2010-201539 ;

- Commission européenne : dans le rapport d’évaluation de la France de février 201440.

Tableau récapitulatif des recommandations émanant des organisations internationales :

 

Extension
de la compétence extraterritoriale
à un
auteur de nationalité étrangère

(Art. 113-6 CP)

Double incrimination

(Art. 113-6 CP)

Monopole
du Parquet

(Art. 113-8 CP)

Plainte préalable de la victime
ou dénonciation officielle des faits par l’État étranger

(Art. 113-8 CP)

Constatation de l’infraction principale par une décision définitive de la juridiction étrangère

(Art. 113-5 CP)

OCDE

néant

recommandation

recommandation

recommandation

néant

GRECO

néant

recommandation supprimée

néant

recommandation

recommandation

ONUDC

néant

néant

néant

recommandation

néant

Commission européenne

néant

recommandation

recommandation

recommandation

recommandation

2. Objectif poursuivi et option retenue

Le présent projet de loi tient compte des préconisations formulées par plusieurs organisations internationales.

La présente mesure modifie en conséquence le code pénal afin de supprimer :

- l’exigence de réciprocité d’incrimination (exigence que les faits soient « punis par la législation du pays où les actes ont été commis ») requise à l’article 113-6 du code pénal en ce qui concerne les faits de trafic d’influence et de corruption d’agents publics étrangers commis par des Français hors du territoire de la République41 ;

- le monopole du ministère public et l’exigence d’une plainte préalable d’une victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis, en ce qui concerne les faits de trafic d’influence et de corruption d’agents publics étrangers commis par des Français hors du territoire de la République, conditions posées à l’article
113-8 du code pénal
42 ;

- la condition de constatation définitive dans un jugement de la juridiction étrangère du délit principal commis à l’étranger, condition nécessaire à la poursuite en France du complice de trafic d’influence ou de corruption d’agents publics étrangers exigée à l’article 113-5 du code pénal.

La loi prévoit par ailleurs, à l’instar de ce que prévoient plusieurs de nos partenaires étrangers, d’étendre la compétence juridictionnelle française aux faits de corruption et de trafic d’influence mettant en cause un auteur de nationalité étrangère « résidant habituellement sur le territoire français43 ».

3. Impact de la disposition envisagée

Il est attendu de ce dispositif qu’il facilite la détection des faits de corruption transnationale en permettant notamment aux victimes et aux associations agréées au titre de l’article 2-23 du code de procédure pénale44 de se constituer partie civile dans des affaires de corruption transnationale survenues y compris dans des pays où ce type d’agissements n’est pas incriminé et de faciliter la poursuite de la société mère agissant en tant que complice par instruction données à sa filiale située à l’étranger.

4. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- du Service central de prévention de la corruption (SCPC) ;

- de l’OCDE ;

- du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et de l’Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- des organisations non gouvernementales Transparency International France, Sherpa et Anticor ;

- de l’Union Syndicale de la Magistrature et de FO Magistrats ;

- de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Titre II : De la transparence des rapports entre les reprÉsentants d’intÉrÊt et les pouvoirs publics

Article 13 : Création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts

1. Eléments de diagnostic et objectifs de la réforme envisagée

1.1. Situation actuelle

En l’état actuel du droit, aucune disposition législative ou règlementaire ne vient encadrer ou réguler les conditions d’intervention des représentants d’intérêts auprès du pouvoir exécutif et des autorités administratives ou publiques indépendantes, alors même que la transparence des processus de décisions publiques est directement corrélée à la confiance que les citoyens portent à leur Gouvernement.

Ce contexte est d’ailleurs marqué par une recherche de prévention des conflits d’intérêts qui a été fortement consolidée par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, à travers notamment l’énoncé d’une définition des conflits d’intérêts et l’obligation de transmission à la Haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP) de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale par les ministres et principaux responsables administratifs.

1.2. Description des dispositifs juridiques en vigueur

Un mouvement s’est dessiné depuis plusieurs décennies dans les pays développés vers des formes d’encadrement de l’activité de représentation d’intérêts. Or, le cadre juridique français apparaît à ce jour relativement en retrait des meilleurs standards observés.

1.2.1. Les formes d’encadrement de la représentation d’intérêt se sont développées dans différents États membres de l’OCDE et au sein des institutions européennes

i) Plusieurs États membres de l’OCDE ont mis en place un encadrement juridique de la représentation d’intérêts (ou « lobbying »).

Les premières initiatives en ce domaine ont été observées dans des pays très ouverts au lobbying, tels les États-Unis à travers le Federal Regulation of Lobbying Act dès 1946, qui obligeait les représentants d’intérêts présents au Congrès à s’enregistrer. Le champ d’application du dispositif avait été assez étroitement circonscrit par un arrêt United States vs. Harris de la Cour suprême des États-Unis qui, en 1964, a jugé que cet acte ne pouvait concerner que les groupes ou individus ayant un contact direct avec les parlementaires. De nouvelles obligations d’enregistrement auprès du Sénat et de la Chambre des représentants ont été fixées en 1995 par le Lobbying Disclosure Act.

Le Canada fait par exemple figure de modèle, avec un système particulièrement poussé mis en place par le Lobbying Act de 2008. A été institué un Commissariat au lobbyisme canadien, dirigé par une personnalité indépendante nommée par le Parlement pour une durée de sept ans et chargée d’administrer un registre des représentants d’intérêts. Les manquements observés par le Commissaire font l’objet d’un rapport, rendu public, adressé au Parlement45.

Dans la pratique nord-américaine, les sociétés de conseil doivent remplir autant de déclarations qu’elles ont de clients. Elles transmettent des rapports semestriels au Canada, voire trimestriels aux États-Unis.

Les pays scandinaves sont eux aussi parfois cités en référence en ce domaine pour avoir cherché des formules utiles de prévention des conflits d’intérêts. Ils ont cependant retenu des approches beaucoup plus souples.

Ainsi, en Suède, le code édité par l’association des professionnels de relations publiques définit les « professional communicators » comme « ceux qui conduisent de manière professionnelle des missions de communication et d’information, les lobbyists inclus ». Il énonce avec beaucoup de souplesse les principes d’honnêteté et d’ouverture. S’il n’existe pas de registre étatique, il prévoit une procédure interne à l’association pouvant aller jusqu’à l’exclusion de celle-ci. Le conseil de direction de l’association est habilité à connaître de plaintes ayant un caractère sérieux et à déterminer, le cas échéant, une violation du code. Si le comité exécutoire conclut au caractère effectif de cette violation, des sanctions allant de la réprimande à l’exclusion, pourront être prononcées.

ii) Il existe depuis plusieurs années désormais un registre de transparence commun entre la Commission et le Parlement européen, fondé sur un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen et la Commission européenne qui en fixe les règles et principes.

Conçu comme une démarche de nature facultative, le premier accord (signé en juin 2011) a fait l’objet d’une révision après deux ans. L’accord révisé a été adopté en avril 2014. La réflexion est engagée sur la conversion du dispositif en un régime à caractère plus obligatoire.

Faisant le lien entre un droit d’accès facilité aux locaux du Parlement européen et l’inscription dans un fichier, l’accord comporte en annexe un code de conduite, dont le respect est surveillé par le biais notamment d’un mécanisme de plainte ouvert à tous.

Ce registre est mis à la disposition du public en ligne – à l’exception de certains champs spécifiques tels que les noms, adresses électroniques, codes d'utilisateur et mots de passe des personnes de contact. Des informations peuvent être partagées uniquement avec les services concernés des autres institutions de l’UE. Le règlement (CE) 45/2001 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions de l’Union européenne s'applique. Le secrétariat gère la base de données (qui n’est pas publique) et la liste de diffusion.

L’enregistrement reste aujourd’hui volontaire. Les informations qu’il contient sont fournies par les organisations enregistrées elles-mêmes et relèvent de leur seule responsabilité. L'enregistrement d'une entité ne signifie pas que celle-ci bénéficie d'une quelconque forme de reconnaissance, d'approbation ou d'accréditation de la part des institutions de l'Union. Le secrétariat commun du registre de transparence (SCRT) se réserve le droit de supprimer du registre toute entité dont les valeurs, les objectifs et/ou les actions sont contraires aux valeurs fondamentales de l'Union européenne telles que définies à l'article 6, paragraphes 1 et 2, du traité sur l'Union européenne. Le secrétariat veille à la qualité du contenu du registre et se réserve le droit de contester l’enregistrement d’une entité si celle-ci n’a aucune raison d’y figurer. Il en va de même dans le cas où les déclarations sont formulées de telle façon qu’elles sont clairement destinées à promouvoir l’organisation concernée ou si elles comportent des affirmations gratuites qui ne sont pas étayées par des faits.

1.2.2. Par les soins des assemblées parlementaires notamment, des précautions nouvelles ont été prises dans la dernière période en France mais ne sont pas d’application générale

En France, chacune des deux assemblées s’est dotée de règles en matière déontologique et d’encadrement des relations avec les représentants d’intérêts.

i) L’Assemblée nationale

La mise en place d’un encadrement des relations entre les représentants d’intérêts et l’Assemblée nationale poursuivait initialement trois objectifs46 :

- l’obligation de transparence ;

- l’obligation de publicité ;

- la définition d’une charte des devoirs.

Les règles mises en place ont été adoptées par le Bureau de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2009. Elles prévoyaient que « tout représentant d’intérêts publics ou privés (…) figurant sur une liste fixée par le Bureau, peut bénéficier d’un badge ouvrant des droits d’accès au Palais Bourbon »47. Afin de figurer sur cette liste, les représentants d’intérêts doivent remplir un formulaire donnant des informations sur leurs activités et les intérêts qu’ils défendent. Cette liste et ces informations sont rendues publiques.

L’inscription à cette liste suppose de souscrire à un code de conduite adopté par le Bureau. Les principales dispositions de ce code :

- interdisent la transmission d’informations volontairement inexactes de nature à induire en erreur les députés ;

- obligent la communication de ces informations à l’ensemble des députés ;

- interdisent de divulguer ces informations à des fins commerciales ou publicitaires ;

- interdisent la cession, à titre onéreux, des documents provenant de l’Assemblée nationale ou d’utiliser du papier à en-tête ainsi que le logo de l’Assemblée nationale, et d’entreprendre des démarches publicitaires ou commerciales dans les locaux de l’Assemblée.

La réglementation de l’Assemblée nationale a évolué par des décisions du Bureau en date du 27 février et du 26 juin 2013. Cette nouvelle réglementation repose sur les principes suivants :

- renforcer les obligations déclaratives imposées aux représentants d’intérêts ;

- faire de l’inscription sur le répertoire une inscription de droit, dès lors que l’ensemble des rubriques est dûment renseigné ;

- rendre publiques les informations délivrées par les représentants d’intérêts lors de l’inscription ;

- revoir les conditions d’accès des représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale, en attribuant, sur présentation d’une carte spécifique, un badge d’accès pour une journée et un motif déterminé ;

- supprimer la possibilité pour les représentants d’intérêts d’accéder à la salle des quatre colonnes et la salle des pas perdus ;

- publier la liste des auditions et des personnes entendues par le député dans les rapports parlementaires, ainsi qu’une mention explicite lorsqu’aucune audition n’a été conduite ;

- distinguer, dans la liste des auditions, les représentants d’intérêts inscrits sur le registre et respectant en conséquence la charte de déontologie ;

- mettre en place des alertes pour les représentants d’intérêts inscrits sur le registre, dès lors qu’ils ont déclaré être intéressés par un secteur particulier ;

- rendre possible la mise en ligne de contributions pour les représentants d’intérêts inscrits sur le registre ;

- inscrire dans le code de conduite des représentants d’intérêts l’interdiction des colloques à l’Assemblée nationale assortissant le droit d’intervention à une participation financière ;

- restreindre les conditions d’octroi des badges des collaborateurs bénévoles.

Le non-respect du code de déontologie est sanctionné par une décision du Bureau de suspension ou de radiation du registre assortie, le cas échéant, par la publication de la décision sur le site Internet de l’Assemblée nationale.

ii) Le Sénat

Le Sénat a mis en place, en 201048 une réglementation similaire à celle adoptée par l’Assemblée nationale en juillet 2009.

L’article XXII bis de l’Instruction générale du Bureau relatif aux groupes d’intérêts dispose que « le droit d’accès au Sénat est accordé, dans les conditions déterminées par les questeurs, aux représentants des groupes d’intérêt inscrits sur un registre public et qui s’engagent à respecter un code de conduite défini par le Bureau ».

La procédure de sanction, telle que déterminée par l’article 4 de l’arrêté de questure du 1er décembre 2010 précité, se déroule en trois phases :

- une mise en demeure écrite est notifiée au contrevenant ;

- si le manquement se reproduit, la direction de l’accueil et de la sécurité peut procéder à la suspension, à titre temporaire, de la carte ;

- en cas de manquements graves ou de manquements répétés, la carte peut être retirée.

Il est également précisé que la carte d’accès aux locaux du Sénat peut être retirée à la demande du responsable de l’organisme auquel la personne appartient.

Toute décision de retrait est motivée.

Conformément à l’article 10 du code de conduite, une liste des déplacements, par année, est publiée sur le site Internet faisant apparaître le nom de l’organisme à l’initiative de l’invitation, l’objet de cette invitation ainsi que la qualité et le nombre de destinataires de l’invitation.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

Afin d’assurer la transparence des relations entre les représentants ou membres des autorités publiques ou des organes administratifs susmentionnés et les représentants d’intérêts, de garantir l’expression de la pluralité des intérêts présents dans la société et de favoriser la diffusion de bonnes pratiques, il est nécessaire de prévoir un cadre juridique permettant :

- d’identifier les personnes pouvant être regardées comme des représentants d’intérêts ;

- de réguler leurs conditions d’intervention ;

- de les soumettre à des obligations déontologiques déterminées par le législateur et de sanctionner leur méconnaissance ;

- de rendre le processus de décision publique plus transparent pour les citoyens.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Description des avantages/inconvénients des règlementations en place au plan national

i) Ces règlementations ont notamment permis de sécuriser à la fois le travail des parlementaires et le travail des représentants d’intérêts en encadrant leurs relations.

Comme le relève le rapport précité de M. SIRUGUE, les groupes d’intérêts « sont d’abord un moyen pour le législateur d’obtenir des informations sur la manière dont la loi est appliquée et sur les moyens de l’améliorer »49.

Par ailleurs, des progrès peuvent être notés dans les travaux parlementaires dont les annexes comportent de plus en plus régulièrement la liste des personnes auditionnées50.

ii) Toutefois, l’expérience conduite par les assemblées parlementaires permet de noter quelques limites à la réglementation en place.

En premier lieu, les fichiers de chacune des assemblées ne comportent que trop peu d’inscrits. Plusieurs motifs peuvent expliquer ce constat. M. SIRUGUE, dans son rapport, relate que le Bureau de l’Assemblée avait, en juillet 2012, procédé au retrait de six représentants d’intérêts au motif qu’ils étaient issus de secteurs reconnus comme sensibles en terme d’influence. Une telle décision a pu être perçue comme « présentant un risque pour la réputation des entreprises », la décision ayant été rendue publique.

En second lieu, chacune des deux chambres avait initialement mis en place une procédure d’instruction des demandes d’inscription au registre des assemblées. Cette procédure pouvait constituer un frein à l’enregistrement des représentants d’intérêts, 20 % des demandes ayant été rejetées par la Délégation compétente à l’Assemblée nationale51.

D’autres critiques ont été formulées par la section française de l’organisation non gouvernementale (ONG) Transparency international. Concernant le bilan des dispositifs de chacune des assemblées, l’ONG dresse les constats suivants : « inscrits différents d’un registre à l’autre, nombre d’inscrits très faible (seulement 176 à l’Assemblée nationale et 114 au Sénat à la fin 2013), inscription possible seulement pour une personne par organisation, typologie d’acteurs inadaptée, statistiques en ligne inexistantes – contrairement au Registre de transparence européen –, possibilité de rencontrer les parlementaires sans être inscrit, opacité concernant l’administration du registre, parlementaires n’en connaissant pas l’existence, contrôle et sanctions inexistants, etc. Selon un lobbyiste interrogé par Transparency France, le badge d’accès permet, en pratique, à leurs détenteurs de circuler librement partout »52. L’ONG déplore que la réglementation du lobbying soit réduite à un enjeu d’accès et de sécurité et non de transparence de la décision publique. Sur ce point, la réglementation a évolué en 2013 à l’Assemblée nationale.

Au total, le développement de l’activité de représentation d’intérêts, assurément souhaitable dans un univers démocratique où il apparaît essentiel de consulter la société civile avant toute évolution normative, en particulier dans le domaine économique, ne s’accompagne à ce jour d’un véritable encadrement déontologique que dans les limites posées par le droit pénal (trafic d’influences, corruption, prise illégale d’intérêts).

Des « zones grises » de la représentation d’intérêts ne sont pas efficacement régulées.

C’est ainsi qu’afin de pallier les carences et d’aller plus avant dans le processus, des pistes de réflexion sont proposées dans le rapport précité remis par le président de la HATVP53, M. Jean-Louis NADAL, pour étendre les dispositifs aux relations entre le Gouvernement et les représentants d’intérêts.

Ces propositions sont l’inscription obligatoire au registre des représentants d’intérêts, la définition précise de ce que recouvre l’expression « représentants d’intérêts », la détermination des obligations déontologiques pesant sur les représentants d’intérêts, et la création d’un mécanisme de contrôle et de sanctions confié à la HATVP.

Telles sont les grandes orientations que le Gouvernement entend aujourd’hui soumettre à l’approbation du Parlement.

3.2. Raisons ayant présidé au choix de l’option proposée

La création d’un tel répertoire par le législateur, ainsi que des obligations et sanctions afférentes, apparaît comme l’option pertinente :

- elle permet de donner une définition claire de la notion de « représentants d’intérêts » et de répondre à la critique tenant à l’existence de « zones grises » ;

- elle rend contraignante l’inscription, évitant les phénomènes d’abstention constatés s’agissant des registres parlementaires ;

- sa généralité permet de soumettre tous les représentants d’intérêts à des mêmes obligations déontologiques et l’existence de sanctions assure leur effectivité ;

- la publicité du répertoire permet aux décideurs publics comme aux citoyens d’identifier plus clairement la nature des interlocuteurs de l’État et des autorités administratives et publiques indépendantes.

3.3. Dispositif juridique

3.3.1. Définition de la notion de représentants d’intérêts

Une telle définition comporte des enjeux divers. Plusieurs options semblent possibles :

- une définition restreinte sur le modèle américain ou canadien, laquelle ne vise que les seuls consultants en affaires publiques et représentants en affaires publiques et institutionnelles au sein d’une organisation ou d’une entreprise54 ;

- une définition élargie sur le modèle européen : la notion de représentation d’intérêts se définit comme « toutes les activités qui visent à influer sur l’élaboration des politiques et les processus décisionnels des institutions européennes »55.

Toutefois, ces définitions peuvent apparaître insuffisantes dans la mesure où sont visés les seuls intérêts strictement économiques, ce qui exclut, comme le note le président NADAL dans son rapport, les autres acteurs telles que les associations ou les fondations.

Il est donc proposé de retenir une définition globale intégrant les cabinets de conseil en relations publiques, les ONG, les entreprises dotées d’un département de relations institutionnelles et les personnes morales à but non lucratif qui défendent des intérêts catégoriels.

Sont en revanche exclus de la notion de représentants d’intérêts, les élus dans l’exercice de leur mandat, les partis et groupements politiques, les organisations syndicales de salariés et organisations professionnelles d’employeurs en tant qu’acteurs du dialogue social et les associations à objet cultuel.

Ainsi, un élu représentant sa collectivité n’entrerait pas dans le champ du répertoire. À l’inverse, un élu, agissant comme tel, mais sur des thématiques étrangères à son mandat pourrait légitimement être regardé comme un représentant d’intérêts.

3.3.2. Création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts

Le principe même d’un fichier et certaines de ses modalités sont de niveau législatif.

Sur la forme, ce répertoire, tenu par la HATVP, pourrait notamment contenir :

- l’identité de la personne physique concernée ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités de représentation d’intérêts en son sein lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;

- le champ des activités de représentation d’intérêts ;

- et, lorsque le représentant d’intérêts exerce son activité pour le compte de tiers, il communique en outre à la HATVP l’identité des tiers pour le compte desquels il exerce des activités de représentation d’intérêts.

Partant, le répertoire contiendra des données à caractère personnel au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. En effet, constituent des données à caractère personnel au sens de cette loi « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres »56. Les personnes physiques ont le droit de s’opposer à ce que des données les concernant fassent l’objet d’un traitement. Toutefois, ce droit ne s’applique pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l’application de ce droit a été écartée par une disposition expresse de l’acte autorisant le traitement57.

Ainsi, dans la mesure où la création du répertoire procèdera d’une disposition législative, les personnes physiques ne doivent pas pouvoir s’opposer à ce que leurs données à caractère personnel y figurent.

L’hypothèse retenue étant une inscription obligatoire pour exercer toute activité de lobbying, les personnes physiques doivent donc être privées de leur droit d’opposition mentionné ci-dessus dans la mesure où ce droit fait échec à la logique même du répertoire qui est l’inscription en vue d’exercer pleinement l’activité de lobbyiste.

Il en va de même pour la rubrique relative aux « intérêts représentés ». Bien que les cabinets en relation publique défendent davantage les intérêts de personnes morales et non physiques, le risque ne peut être exclu que ces cabinets défendent des personnes physiques, notamment dans le domaine des arts et des lettres. D’ailleurs, le registre du Sénat, lequel contient une colonne intitulée « intérêts représentés », comporte de telles données à caractère personnel.

3.3.3. Détermination des principes déontologiques applicables aux représentants d’intérêts

L’inscription dans le répertoire numérique emporterait pour les représentants d’intérêts l’obligation de respecter diverses exigences déontologiques visant notamment :

- l’organisation des déplacements et des réunions publiques, les invitations et sollicitations des personnes décideurs publics ;

- le démarchage publicitaire ou commercial ;

- les échanges sous quelle que forme que ce soit.

3.3.4. Création d’un mécanisme de contrôle et de sanctions pour les représentants d’intérêts

Comme le préconisait le rapport du président NADAL, il conviendrait que le législateur détermine les modalités de contrôle et de sanction des manquements aux obligations incombant aux représentants d’intérêts et habilite le pouvoir réglementaire pour l’application de ces dispositions.

Dans la mesure où des sanctions sont envisagées et qu’elles revêtent la forme d’une amende, le législateur doit prévoir les règles les régissant. En effet, le respect de ces règles conditionne l’exercice des activités de certains représentants d’intérêts58.

Il pourrait ainsi être permis au président de la HATVP de mettre en demeure un représentant d’intérêts de respecter les obligations qui lui sont imposées par la loi. Si ce dernier manque de nouveau, dans un délai de cinq ans, à l’une de ses obligations légales, la Haute autorité pourrait rendre publique la mise en demeure et prononcer à son encontre une amende d’un montant maximal de 30.000 €.

Ce mécanisme de contrôle à l’égard des représentants d’intérêts se double d’une information effectuée par la HATVP à l’endroit des personnes visées par les démarches d’influence, ainsi que de la possibilité de leur adresser tout conseil pour assurer la mise en œuvre efficace et effective des obligations susmentionnées.

4. Impacts de la disposition envisagée

S’agissant des représentants d’intérêts, la disposition envisagée n’aura, a priori, aucun impact autre qu’une obligation d’inscription au répertoire et de respect des obligations déontologiques afférentes.

5. Consultations menées

Le travail de conception du dispositif a été réalisé après consultation des professionnels du secteur. La HATVP a également été tenue informée de l’élaboration du dispositif.

6. Mise en œuvre de la disposition

6.1. Modalités d’application dans le temps

Le présent dispositif entrera en vigueur à compter de la publication des dispositions règlementaires d’application excepté pour les dispositions des VII et VIII dont l’entrée en vigueur sera différée au 1er janvier 2017

6.2. Textes d’application

Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application des mesures proposées.

Article 14 : Organismes dont les membres sont soumis aux obligations déclaratives de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

1. État des lieux

En l’état actuel du droit, l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit, en son I, qu’« Adressent (…) au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts, établies dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du I et aux II et III de l'article 4, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions : / (…) / 6° Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ;/ (…) ».

Cette disposition a pour objet de soumettre à des obligations déclaratives les membres des autorités administratives et publiques indépendantes. En application des dispositions combinées des V des articles 4 et 11 de la loi, le président de la HATVP dispose, à leur égard, d’un pouvoir d’injonction en cas de non transmission des déclarations patrimoniales ou d'intérêts dans les délais impartis ou de déclarations incomplètes.

Toutefois, les notions d’autorité administrative indépendante (AAI) et d’autorité publique indépendante (API) ne trouvent pas de définition dans le droit positif et peuvent être regardées comme visant des « catégories de fait » pour reprendre un qualificatif employé à l’occasion d’un rapport sénatorial de l’Office parlementaire d'évaluation de la législation (rapport n° 404 (2005-2006) de M. Patrice GELARD, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, déposé le 15 juin 2006).

C’est la loi du 6 janvier 1978 qui, en créant la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), a introduit pour la première fois dans le droit positif la notion d’autorité administrative indépendante (AAI). Certaines autorités ont été qualifiées comme telles par le législateur ou ont pu l’être par le juge. D’autres, enfin, peuvent l’être en raison de caractéristiques propres et l’ont été notamment par le Conseil d’État dans son rapport public pour 2001 (Conseil d’État, Les autorités administratives indépendantes, Rapport public 2001, EDCE n° 52, la Documentation française, Paris, 2001).

Le site Légifrance référence ainsi, à l’automne 2015, quarante structures. Un récent rapport d’information de la commission des lois du Sénat recense vingt-deux autorités qualifiées d’AAI ou d’API par le législateur, quatre autorités qualifiées d’indépendantes par le législateur, deux autorités qualifiées d’AAI par le juge, et quatorze autorités considérées comme des AAI par l’étude du Conseil d’État de 2001 et les rapports parlementaires (Sénat, rapport d’information n° 616 (2013-2014) de M. Patrice GELARD, fait au nom de la commission des lois).

Toutefois, ces efforts de clarification n’ont pas épuisé les hésitations quant à la détermination précise du champ de ces AAI et API, pour celles n’ayant pas reçu de qualification législative ou jurisprudentielle.

De ce fait, en résultent des incertitudes pour la HATVP dans la mise en œuvre de la loi quant à la détermination des personnes soumises aux obligations déclaratives prévues, et une situation d’insécurité juridique pour ces mêmes personnes.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

Afin d’assurer la pleine effectivité des dispositifs déclaratoires prévus à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013, de répondre utilement aux impératifs de prévention des conflits d’intérêts et de transparence de la vie publique poursuivis par cette loi mais aussi de prémunir les membres d’autorités pouvant, le cas échéant au prix de fortes hésitations et incertitudes, être qualifiées d’AAI ou d’API, il est nécessaire de déterminer, par une liste exhaustive, les entités entrant dans le champ du 6° du I de cet article 11.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Description des avantages/inconvénients des règlementations en place au plan national

La difficulté à appréhender les notions d’AAI et d’API n’est pas nouvelle et tant le législateur que le pouvoir règlementaire y ont été confrontés. Néanmoins, aucune des réponses qui ont pu être apportées ne permettent de répondre à la présente hypothèse.

Diverses approches peuvent ainsi être constatées :

- soit le texte retient une acception stricte des notions d’AAI et d’API en visant que celles définies comme telles par le législateur à une date déterminée.

Tel est par exemple le cas de la récente ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes qui ne vise, comme l’indique le rapport au Président de la République, que « chacune des AAI et des API définies comme telles par le législateur à la date de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes » ;

- soit le texte recense in extenso les autorités devant entrer dans son champ d’application.

Tel est par exemple le cas du décret n° 2014-747 du 1er juillet 2014 relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique, qui énumère et donc définit, en son article 1er, les AAI et API visées ;

- soit le texte procède à des qualifications au cas par cas mais en retenant, le plus souvent, comme critère un rattachement ministériel.

Il en va ainsi de divers arrêtés dont celui du 17 juin 2014 fixant les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des agents des services centraux du Premier ministre et des personnes qui participent aux organismes consultatifs ou qui interviennent pour le compte des services centraux et des autorités administratives indépendantes relevant du Premier ministre.

Ainsi, les notions d’AAI et d’API sont appréhendées soit par secteurs d’activité, soit au regard d’un texte dont l’objet est bien déterminé, soit compte tenu de leur « rattachement ». Les définitions et énumérations sont donc opérées « au sens de » et ne présentent donc guère de pertinence dans l’élaboration d’un texte dont l’objet est fortement étranger.

3.2. Raisons ayant présidé au choix de l’option proposée

La mesure proposée recense ainsi de manière exhaustive les organismes dont les membres sont soumis aux obligations déclaratives de l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013.

La liste envisagée vise à assurer la conciliation entre, d’une part, le souci de donner leur pleine portée aux objectifs de prévention des conflits d’intérêts et de transparence de la vie publique poursuivis par le législateur en 2013 et, d’autre part, la nécessité de s’assurer que les obligations qu’elles imposent ne soient pas excessives au regard du rôle ou de la portée des décisions de l’organisme, ne soient pas en contradiction avec son positionnement réel ou encore ne soient pas telles qu’elles viendraient entraver le bon fonctionnement et la pérennité même de l’organisme.

La liste comprend l’ensemble des AAI et API qualifiées comme telles par le législateur et la jurisprudence à la date de transmission au Conseil d’État du projet de loi, à l’exception de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (code de la sécurité intérieure, art. L.831-1).

Elle vise également l’ensemble des organismes qualifiés d’AAI ou d’API qualifiées comme telles par l’étude du Conseil d’État de 2001 et les rapports parlementaires, à l’exception de ceux dont le positionnement à l’égard de l’exécutif n’est pas tel qu’il soit nécessaire de les soumettre aux mêmes contraintes que les autres et d’en soumettre les membres aux obligations de l’article 11, soit qu’ils présentent une forte proximité avec l’administration, soit que le principe même de leur indépendance puisse être discuté. Deux récents rapports sénatoriaux59 soulignent d’ailleurs les limites de telles qualifications.

Sont ainsi exclus de la liste la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (loi n° 2007-292, art. 1er), la commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l'élection du Président de la République (décret n° 2001-2013 du 8 mars 2001), le médiateur national de l’énergie (loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006, art. 7), la commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles (code général des impôts, art. 1652), le médiateur du cinéma (code du cinéma et de l’image animée, art. L.213-1 et L.213-2) ou encore la commission de la sécurité des consommateurs (code de la consommation, art. L.534-4 à 10).

Pour des motifs proches, doivent être exclues du champ de l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 la commission des infractions fiscales (livre des procédures fiscales, art. L.228), dont l’activité est fortement liée à celle de l’administration, et la commission des sondages (loi n° 77-808 du 19 juillet 1977, art. 5), qui a essentiellement une activité d’étude et de proposition de règles.

Sont également exclus certains organismes principalement composés de professionnels, agissant en tant que tels, ou fortement liés au secteur privé, pour lesquels les obligations déclaratives de cet article 11 apparaissent comme excessives et, par suite, de nature à nuire à la continuité de l’activité de ces institutions. Il en va ainsi du Conseil supérieur de l’agence France-Presse (loi n° 57-32 du 10 janvier 1957, art. 3), du Bureau central de tarification (loi n° 78-12 du 4 janvier 1978), et de la commission paritaire des publications et agences de presse (ordonnance n° 42-2646, art. 1er).

4. Impacts de la disposition envisagée

La disposition aura pour effet de clarifier le champ des membres des organismes soumis à des obligations de déclaration auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

5. Consultations menées

La HATVP a été consultée lors de l’élaboration du dispositif.

Article 15 : Habilitation pour la réforme du droit domanial

1. Difficultés à résoudre

L’adoption en 2006 de la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP, ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du CGPPP ratifiée par l’article 138 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009) a redonné au droit domanial une certaine cohérence et a modernisé en partie les règles applicables à la propriété des personnes publiques. Pour autant, cette réforme, opérée en grande partie à droit constant, n’est pas entièrement aboutie, en dépit de certaines innovations importantes.

Dix années après son entrée en vigueur, la mise en œuvre de ce cadre juridique se trouve confrontée à l’émergence de certains besoins légitimes exprimés par les personnes publiques. Ces constats sont d’ailleurs largement partagés par les acteurs du secteur : promoteurs, prêteurs et conseils impliqués dans des opérations immobilières. Les principales difficultés constatées tiennent notamment à :

1.1. Les insuffisances des dispositions applicables en matière d’occupation et sous-occupation du domaine public.

À la différence d’autres grands chapitres du droit des propriétés publiques, les règles gouvernant l’occupation du domaine public ont fait l’objet de réformes parcellaires et circonstancielles, qui ont conduit à brouiller l’état du droit applicable. À l’inverse, le législateur ne s’est pas encore saisi de certaines questions auxquelles les personnes publiques répondent par la pratique, au risque d’une insécurité juridique.

1.1.1. S’agissant des titres d’occupation du domaine public constitutifs de droits réels.

La réglementation en la matière est née en 1988 avec la création du bail emphytéotique administratif (BEA, loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, codifiée aux articles L.1311-2 et suivants du code général des collectivités territoriales), s’est poursuivie en 1994 par la création des autorisations d’occupation constitutives de droits réels (loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 complétant le code du domaine de l’État et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public), puis au cours des dernières années avec l’adoption de dispositions ayant des objectifs spécifiques tel que le bail emphytéotique administratif dit « de valorisation » créé par la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

Cet empilement législatif a complexifié la matière, sans vision d’ensemble, aboutissant à l’existence de titres disparates quant à la nature des droits octroyés, à leurs champs d’application respectifs, à leur durée, à leurs conditions de cession ou encore au sort des ouvrages édifiés par l’occupant.

Une telle disparité a induit des interrogations quant au choix du titre approprié à l’objectif recherché et la nature du projet, créant une insécurité juridique pour le gestionnaire du domaine et pour l’occupant compte tenu de la difficulté d’accès à ce pan du droit domanial, insécurité juridique de nature à nuire à l’objectif de valorisation des propriétés publiques aujourd’hui poursuivi par les acteurs.

L’intervention de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est venue apporter une première réponse à ces interrogations en modifiant et abrogeant, au 1er avril 2016, certaines dispositions parcellaires dès lors qu’elles avaient ou pouvaient avoir trait au droit de la commande publique.

Il reste néanmoins que les incohérences dues à la sédimentation des textes peuvent s’avérer l’origine de « zones grises » dans lesquelles les personnes publiques intéressées ne sont pas à même de répondre à l’ensemble des configurations et besoins se présentant à elles. Ainsi, de manière plus que simplifiée et sous réserve des exclusions introduites par l’article 101 de l’ordonnance n° 2015-899, un BEA peut être conclu sur le domaine des collectivités territoriales en vue de l’accomplissement d’une opération d’intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l’affectation à une association cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public (article L.1311-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dans sa rédaction en vigueur au 1er avril 2016), une autorisation d’occupation temporaire (AOT) constitutive de droit réels peut également être conclue sur ce même domaine dans le même but (article L.1311-5 du CGCT). En revanche, s’agissant du domaine public artificiel de l’État, celui-ci peut faire l’objet d’une telle AOT en vue de l’exercice aussi bien d’activités de service public que d’activités privées (article L.2122-6 du CGPPP) mais ne peut faire l’objet d’un BEA qu’en vue de la restauration du bien, de sa réparation ou de sa mise en valeur (article L.2341-1 du CGPPP)

1.1.2. S’agissant de la suppression, en 2006, de la théorie dite de la « domanialité publique virtuelle ».

Cette théorie permettait d’appliquer à un bien du domaine privé les principes de la domanialité publique dès lors que la personne publique propriétaire s’engageait à réaliser dans un futur proche un aménagement relevant du champ du domaine public. Une telle approche permettait une gestion simple de leur domaine par les personnes publiques qui ne recouraient alors qu’à un seul acte de gestion.

Cette théorie a été « privée d’effet » à l’occasion de l’édiction de la partie législative du CGPPP qui conditionne désormais l’application du régime de la domanialité publique à « la réalisation certaine et effective d’un aménagement indispensable pour concrétiser l’affectation d’un immeuble au service »60. Cette lecture est confirmée par la jurisprudence61.

En conséquence, une telle suppression devrait conduire, en toute orthodoxie, à trois options :

- soit les gestionnaires du domaine sont amenés à conclure deux actes : un acte « transitoire » de droit privé, puis à compter de l’incorporation au domaine public, un acte portant occupation de ce dernier ;

- soit la dépendance est intégrée au domaine public préalablement à l’attribution du titre envisagé in fine ;

- soit une disposition législative ad hoc est adoptée afin de déroger au code.

Or, aucune de ces options n’est satisfaisante, en pratique comme en droit, et cela conduit, de fait, les personnes publiques gestionnaires à effectuer d’emblée des actes de gestion propres au domaine public sur des dépendances relevant encore du domaine privé, au prix d’une certaine insécurité juridique.

S’il a pu être relevé, sur ce point, qu’à l’occasion de la décision d’assemblée du 21 décembre 2012 dite Commune de Douai (n° 342788), le Conseil d’État a semblé admettre la possibilité, pour la personne publique propriétaire, de consentir par anticipation des AOT du domaine public dans les conditions fixées aux articles L.2122-1 et suivants et L.2122-6 et suivants du CGPPP62, celle-ci n’a pas encore fait l’objet d’une consécration expresse.

1.1.3. S’agissant de l’absence de prise en compte, par la réglementation de l’occupation du domaine public, des exigences inhérentes à la concurrence et à l’égale concurrence.

Il existe deux catégories de biens publics : ceux qui sont d’ordre purement patrimonial qui excluent toute insertion dans une logique de marché et ceux qui participent à une activité économique, auxquels en principe le droit de la concurrence s’applique, moyennant une prise en compte de leurs éventuelles missions d’intérêt général.

À cet égard, le Conseil d’État juge qu’« il incombe à l'autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public, lorsque celles-ci sont le siège d'activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération, pour la gestion de ce domaine, non seulement l'intérêt du domaine et l'intérêt général, mais encore les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, dans le cadre desquelles s'exercent ces activités et il appartient au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que les actes de gestion du domaine public ont été pris en tenant compte de ces règles et en ont fait une application exacte »63. Il a récemment précisé que « la décision de délivrer ou non à une personne privée l'autorisation d'occuper une dépendance du domaine public pour y exercer une activité économique n’est pas, par elle-même, susceptible de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie » mais qu’« une personne publique ne peut légalement délivrer au profit d'une personne privée une autorisation d'occuper le domaine public aux fins d'y exercer une activité économique lorsque sa décision aurait pour effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement l'occupant en situation d'abuser d’une position dominante »64.

Ces exigences rejoignent celles du droit de l’Union européenne dans la mesure où la gestion du patrimoine public qualifiée d’économique est concernée par les notions d’entente et d’abus de position dominante et où les gestionnaires sont confrontés soit comme receveurs, soit comme dispensateurs, soit comme relais de concours publics directs ou indirects par les exigences du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en matière d’aides d’état (articles 107 et 108).

Afin de se prémunir de toute sanction ex post en cas de méconnaissance de ces exigences, les personnes publiques sont conduites en fonction de l’objet et la nature des activités exercées sur le domaine public à délivrer des autorisations d’occupation après publicité et mise en concurrence. S’il ne faut pas confondre la mise en œuvre d’une telle procédure avec le respect, par l’autorisation, des exigences du droit de la concurrence, une telle démarche peut s’avérer prophylactique en garantissant à chaque opérateur économique une chance d’accéder au domaine.

Le CGPPP est silencieux sur ce point, sans imposer d’obligation de recourir à une telle procédure65, ni même en prévoir les éléments essentiels, exposant ainsi les personnes publiques à deux difficultés tenant, d’une part, à la détermination du degré de publicité adéquat et, d’autre part, à la mise en œuvre de la procédure même de sélection (critères, utilisation etc).

L’inexistence d’un cadre juridique adéquat en fonction des activités exercées sur le domaine public nuit à l’efficacité et à la transparence de l’action administrative.

Enfin, il convient de souligner que l’institution d’une telle obligation en matière d’occupation du domaine impliquerait corrélativement de se pencher sur le silence de la loi qui exempte les collectivités territoriales et leurs établissements publics de toute procédure de publicité et mise en concurrence avant de procéder à la cession de leurs biens.

1.1.4. S’agissant de l’absence de gratuité des occupations du domaine public en cas de montages aller/retour ou d’occupation par les personnes publiques.

En matière d’occupation du domaine public, le principe est celui-de la non-gratuité sauf exceptions limitativement prévues à l’article L.2125-1 du CGPPP66.

Aux termes de l’article L.2125-3 du même code, la redevance pour occupation du domaine public doit tenir compte des « avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation ». Le juge administratif censure ainsi les redevances trop basses. Tel a ainsi le cas s’agissant de la redevance d’utilisation du stade Gerland à Lyon par l’Olympique lyonnais67.

Or, cette exigence peut s’avérer, dans certaines hypothèses, inutilement complexe, coûteuse et totalement injustifiée pour les gestionnaires du domaine public. Il en va ainsi notamment dans le cadre de contrats complexes ou de montages immobiliers dits « aller/retour ». En effet, elle conduit le titulaire du contrat à payer une redevance à la personne publique, ce dernier la lui refacturera à « l’euro l’euro » dans le loyer, en assujettissant cette refacturation à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Imposer une redevance aboutit ainsi à renchérir le coût global du montage, le coût de la redevance, augmenté de la TVA, étant répercuté sur le montant des loyers dus.

1.1.5. S’agissant des modalités de sous-occupation du domaine public.

Le juge administratif a été amené à se prononcer sur la question de la sous-occupation du domaine public, notamment à deux reprises soit en requalifiant une sous-occupation en cession du droit d’occupation68, soit en estimant qu’« il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public, en l’absence de dispositions contraires, de fixer les conditions de délivrance des permissions d’occupation et, à ce titre, de déterminer le tarif des redevances en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation du domaine public » et que « ces règles trouvent à s'appliquer, même en l'absence de toute réglementation particulière, au concessionnaire autorisé à délivrer des permissions d'occupation sur le domaine public dont l'exploitation lui est concédée »69.

En l’absence de jurisprudence fournie sur une question qui fait d’ailleurs l’objet d’un partage de compétence - dont la justification prête à critiques - réaffirmé par le juge récemment70, la question de la possibilité pour un occupant du domaine public de consentir une sous-occupation et des conditions dans lesquelles celle-ci pourrait s’opérer fait l’objet d’interprétations différentes par la doctrine et les praticiens.

Faute d’encadrement clair des conditions dans lesquelles de telles sous-occupations peuvent être octroyées, des modalités qui leur sont applicables et des droits pouvant être accordés au sous-occupant, les occupants comme les personnes publiques se retrouvent dans une situation d’insécurité juridique et exposés à un risque d’une requalification du contrat par le juge. 

1.2. L’insécurité juridique affectant les transferts de propriété opérés par les personnes publiques.

1.2.1. La nécessité de régulariser certains actes de disposition pris en l’absence de déclassement.

Les dispositions de l’article L.2141-1 du CGPPP prévoient que « un bien d’une personne publique mentionnée à l’article L.1, qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ».

Le principe d’inaliénabilité du domaine public emporte l’interdiction de vendre et de constituer des droits réels civils sans désaffectation et déclassement préalables. Les actes unilatéraux et contractuels pris en violation de ce principe sont entachés d’une cause de nullité et susceptibles de fonder des actions contentieuses imprescriptibles, auxquelles les personnes publiques ne peuvent donc en théorie renoncer.

Par ailleurs et ainsi que cela a été constaté récemment dans certaines configurations litigieuses, l’absence de déclassement peut être à l’origine de surcoûts lorsqu’il entend offrir son bien en garantie, les établissements bancaires se prévalant de l’insécurité juridique de la situation pour accroître les taux d’intérêts demandés.

Ces conséquences de l’inaliénabilité impliquent en outre que l’actuel propriétaire d’un bien dont l’origine de la propriété met en exergue une telle cause de nullité pourra très difficilement vendre son bien. Son titre n’est pas incommutable et, dans la mesure où le problème est identifié, son actif n’est pas liquide. De plus, la responsabilité des personnes publiques qui ont disposé ainsi de leur domaine public peut être mise en cause.

Une telle situation a récemment été mise en évidence dans le cas de la zone d'aménagement concerté du quartier central de Gerland (Lyon), dont les contrats de cession, de location, de bail ou de concession d’usage autorisés et passés par la Ville de Lyon et relatifs à des terrains compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté avaient tous été fragilisés par l’absence d’acte administratif constatant expressément que, après leur désaffectation, ces terrains avaient été déclassés du domaine public de la ville, ce qui a rendu nécessaire le recours à la loi (la loi n° 2014-878 du 4  août 2014 relative à la sécurisation des transactions relatives à la zone d'aménagement concerté du quartier central de Gerland).

1.2.2. La rigidité des conditions dans lesquelles une personne publique peut céder une dépendance de son domaine public.

La séquence stricte « désaffectation factuelle / déclassement / vente » posée par l’article L.2141-1 susmentionné ne correspond pas toujours à la réalité et aux besoins exprimés par les opérateurs en cas de projets d’aménagement et de construction nécessitant des acquisitions foncières.

Le CGPPP n’a que partiellement pris en compte les aspirations des opérateurs comme des personnes publiques.

D’une part, les collectivités territoriales sont exclues du champ de l’article L.2141-2 du CGPPP et ne peuvent, par suite, recourir à la procédure de déclassement par anticipation. Cette procédure permet à la personne publique, en lui donnant le temps nécessaire, d’organiser un déménagement d’un site vers un autre, d’assurer le financement de ce déménagement par le prix de la vente et d’inscrire la vente dans un temps de négociation préalable plus long. Elle permet, à l’inverse, de réduire les délais imposés par la libération de l’immeuble (constat de la désaffectation), soit plus ou moins deux mois, auxquels s’ajoutent un mois pour la prise de la délibération prononçant le déclassement et autorisant la signature de la vente et les quelques mois précédant la signature de la vente. Elle permet en outre un maintien dans les lieux jusqu’à la vente et d’éviter des situations de vacance, sources de risque et peu optimales en termes de gestion du domaine public.

Cette procédure dérogatoire de déclassement par anticipation est, d’ailleurs, limitée à deux titres : (i) la désaffectation effective doit intervenir dans un délai fixé par l’acte de déclassement mais ne pouvant excéder trois ans et (ii) cette procédure ne peut viser que les immeubles affectés à un service public.

D’autre part, les promesses de vente sous condition suspensive de désaffectation et de déclassement ne font pas l’objet d’une reconnaissance juridique.

Il est d’usage dans les projets que les opérateurs fassent précéder leurs acquisitions foncières de promesses de ventes assorties de conditions suspensives relatives à l’obtention de diverses autorisations administratives auxquelles la réalisation des opérations est subordonnée.

Lorsque de tels projets portent sur des dépendances du domaine public dont la désaffectation et le déclassement immédiat ne sont pas envisageables, cette technique est en pratique mise en œuvre par les personnes publiques : un accord sur la chose et le prix est arrêté avec l’opérateur dans une promesse de vente comprenant comme condition suspensive la désaffectation et le déclassement à venir du bien.

La légalité de telles promesses de vente sous condition suspensive de sa désaffectation et de son déclassement fait néanmoins l’objet de débats - un tel procédé n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance explicite par le juge et que la doctrine elle-même est partagée sur le recours à une telle technique - et est source d’insécurité juridique en raison de deux contraintes :

- la première provient du principe d’inaliénabilité qui implique qu’une promesse de vente portant sur un bien appartenant au domaine public vise un bien dans son état futur et ne vaut pas vente, la vente n’étant formée qu’une fois que le bien est déclassé et donc devenu aliénable ;

- la seconde tient à la légalité de l’engagement de déclasser pris par la personne publique aux termes de la promesse. Deux règles doivent être respectées : l’interdiction faite aux personnes publiques de contracter sur l’exercice de leur pouvoir de décision unilatérale et l’impossibilité de stipuler des conditions potestatives, sanctionnée par la nullité des obligations en cause.

2. Objectifs poursuivis

Il sera proposé de moderniser et de simplifier :

- les règles d’occupation et de sous-occupation du domaine public ;

- les règles régissant les transferts de propriété par les personnes publiques.

Il est par ailleurs envisagé de permettre la régularisation de certains actes de disposition pris par les personnes publiques, en l’absence de déclassement préalable.

2.1. La simplification et sécurisation des dispositions régissant les conditions d’occupation et de sous-occupation du domaine public

Il y aura lieu notamment de :

- redéfinir les modalités d’occupation du domaine public

Repenser les modes d’occupation du domaine public des personnes publiques, notamment ceux constitutifs de droits réels, en définissant un cadre plus souple et plus « modulable » permettrait une gestion plus dynamique et plus sûre juridiquement.

Il pourrait être envisagé de créer :

- soit un régime unique d’occupation privative du domaine public constitutif de droits réels ;

- soit un titre et un régime à « géométrie variable » permettant aux personnes publiques de déterminer librement si elles entendent assortir le titre d’occupation accordé de droits réels et de définir lesquels.

- créer, dans certaines conditions, une obligation de publicité et de mise en concurrence préalable à la délivrance du titre d’occupation

Afin de suivre les préconisations du Conseil d’État71 et de l’Autorité de la concurrence72 recommandant une telle initiative, afin de permettre une plus grande sécurité juridique et afin de valoriser l’exploitation du domaine, il paraît pertinent de prévoir une obligation législative de respecter de telles exigences, dans certaines circonstances.

Il serait envisagé de créer une procédure souple de publicité et de mise en concurrence préalable à la délivrance de titres d’occupation du domaine public, dans certaines hypothèses.

S’agissant de son champ d’application :

- de telles obligations devraient être réservées aux cas dans lesquels l’autorisation a pour objet de permettre l’exercice d’une activité économique sur le domaine public qui serait susceptible d’avoir une influence sur la situation du bénéficiaire sur le marché concurrentiel ;

- devraient être exclues les hypothèses dans lesquelles de telles formalités seront impossibles, manifestement inutiles, absurdes ou inopportunes ;

- devraient enfin être exclus du champ d’application de cette obligation les titres d’occupation qui ne seront que « l’accessoire » de contrats de la commande publique.

- enrichir des hypothèses de gratuité d’occupation du domaine public

Cela concernerait les cas de montage « aller/retour » et lorsque le jeu des dispositions de l’article L.2125-1 du CGPPP aboutit à faire payer la personne publique alors que l’occupation bénéficie, in fine, au gestionnaire du domaine.

- formaliser un régime juridique clair pour les sous-occupations

Il serait créé un bloc de compétence unique au profit du juge administratif en la matière en encadrant les modalités dans lesquelles une sous-occupation peut être accordée par un occupant (accord, avis préalable du propriétaire etc.).

2.2. L’enrichissement des modalités de transfert de propriété par les personnes publiques

Prévoir des modalités de régularisation de certains actes de disposition pris en l’absence de déclassement permettrait de garantir les personnes publiques contre la multiplication de lois de validation ainsi que le recours à une loi de validation générique dont la constitutionnalité serait incertaine.

Il conviendrait d’insérer dans le CGPPP une disposition autorisant l’autorité administrative à procéder à un déclassement rétroactif des biens qui, avant l’entrée en vigueur de la présente loi, ont fait l’objet d’un acte de disposition manifestant la volonté non équivoque de faire sortir les biens en cause du domaine public, et dans la mesure où cet acte, au moment où il a été adopté ou conclu, n’était pas de nature à porter atteinte à un droit ou une liberté protégé par les principes de la domanialité publique.

De plus, il pourrait être proposé d’assouplir les conditions dans lesquelles les personnes publiques pourraient, le cas échéant, procéder à des transferts de propriété.

D’une part, il serait proposé de modifier les dispositions de l’article L.2141-2 du CGPPP afin, notamment, de l’étendre aux biens affectés à l’usage direct du public et d’en étendre le bénéfice aux collectivités territoriales qui rencontreraient les mêmes difficultés que l’État et ses établissements publics dans la gestion de leur domaine public pour qu’une cession ne puisse plus être empêchée au prétexte que la désaffectation matérielle de l’immeuble n’est pas encore réalisée alors même qu’elle serait décidée et certaine. Une telle extension devrait néanmoins être assortie de réserves et encadrée afin de ne pas devenir, à terme, le droit commun en la matière.

D’autre part, consacrer la possibilité de conclure des promesses de vente sous conditions de déclassement présenterait de forts avantages en termes de sécurité juridique pour les acquéreurs ainsi que pour les personnes publiques. Ce nouvel outil permettrait également un politique immobilière plus efficace et plus dynamique, la stratégie de cession pouvant être initiée sans attendre que la désaffectation et le déclassement soient pleinement réalisés et arrêtés. Néanmoins, diverses exigences devront être prévues, tenant notamment à la nécessité de ne pas porter atteinte au principe de continuité du service public auquel les biens en cause peuvent être affectés.

Enfin, afin d’assurer une pleine cohérence avec l’institution de procédures de publicité et de mise en concurrence avant la délivrance de certains titres d’occupation, il conviendrait de prévoir, pour les personnes publiques qui n’y sont pas d’ores et déjà soumises, de telles procédures préalables à certaines opérations de cession de biens immobiliers.

Article 16 : Habilitation pour la création du code de la commande publique.

1. Difficultés à résoudre.

Aux fins de moderniser le cadre normatif européen de l’achat public, le Conseil de l’Union européenne a définitivement adopté, le 11 février 2014, trois nouvelles directives en matière de commande publique. Deux d’entre elles concernent les marchés publics73. La troisième encadre l’attribution des contrats de concession74.

Au-delà de la nécessaire mise en cohérence du cadre juridique applicable aux contrats de la commande publique, la transposition de ces directives s’inscrivait dans la perspective plus ambitieuse de simplification et de rationalisation du droit interne de la commande publique. En effet, la réforme la plus pérenne consistait à repenser l’architecture de la commande publique en collant au plus près des notions européennes. La remise en ordre de la typologie des contrats de la commande publique devait donc s’organiser autour des contraintes indépassables qui résultaient des nouvelles directives et de la distinction qu’elle consacrait entre les contrats de concession et les marchés publics, fondée sur le critère du transfert du risque d’exploitation.

La transposition, par ordonnances distinctes, des directives « Marchés » et « Concessions » a ainsi mis fin à l’émiettement du droit de la commande publique.

Pour autant, si l’architecture du droit de la commande publique a su se moderniser, à travers l’exercice de transposition, ce droit n’est toutefois pas codifié, en dépit d’habilitations déjà données au Gouvernement pour procéder, par ordonnance, à l’élaboration d’un code de la commande publique.

1.1. Un droit de la commande publique non codifié.

S’agissant des marchés publics, stricto sensu, l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 a :

- unifié le régime applicable à tous les pouvoirs adjudicateurs, y compris les personnes morales de droit privé, en mettant fin à la dichotomie entre les marchés publics soumis au code des marchés publics (CMP) et ceux régis par l’ordonnance du 6 juin 2005. Ces dispositions, de nature législative, demeurent à ce jour non codifiées. Sont également concernées, les dispositions législatives connexes qui, si elles ne figurent pas dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 précitée, s’avèrent toutefois nécessaires pour la passation et l’exécution des marchés publics. Tel est le cas notamment des lois n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance qui s’applique, pour partie, aux marchés publics ou n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée ( dite « loi MOP »).

- réunifié au sein d’un texte unique l’ensemble des contrats constituant des marchés publics au sens du droit de l’Union européenne. Les marchés de partenariat constituent ainsi des marchés publics bénéficiant d’un régime juridique particulier, dérogeant à la loi MOP par la globalité de la mission et la maîtrise d’ouvrage privé, ainsi qu’à l’interdiction de paiement différé. L’objectif de lisibilité du droit commandait de les intégrer dans l’ordonnance du 23 juillet 2015 plutôt que d’en faire une catégorie distincte à côté des marchés publics et des concessions. Ces dispositions ne sont toutefois pas codifiées.

Le régime des contrats de concession de travaux et de services est, en l’état du droit, régi, à titre principal, par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016. Les articles 1410-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) tels qu’issus de cette ordonnance comportent des dispositions propres aux contrats de concession et contrat de concessions délégant un service public passés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics locaux. Ces dispositions sont la conséquence des règles de gouvernance et de fonctionnement propres à ces collectivités.

À côté des contrats de concession « classiques » gravitent des contrats de concession dont le régime juridique figure dans différents corpus juridiques, alors même qu’ils s’analysent comme des contrats de concession au sens du droit de l’Union européenne. Ces contrats, à raison de leur particularité, sont régis par des règles spécifiques, complémentaires aux règles générales, issues de l’ordonnance du 29 janvier 2016 précitée. Tel est le cas par exemple de certaines concessions d’aménagements, des concessions autoroutières ou hydroélectriques. Les spécificités de ces concessions sectorielles sont actuellement codifiées dans divers corpus juridiques (code de l’urbanisme, code de la voierie routière, code de l’énergie,….).

1.2. La tentative d’une entreprise de codification.

Dès 1994, un groupe de travail de l’Assemblée nationale chargé de contribuer à une clarification des rapports de la politique et de l’argent avait invité le Gouvernement à solliciter du Parlement l’autorisation d’élaborer par ordonnance un code de la commande publique. Cette invitation a été reprise par le Conseil d’État dans son rapport public de 1995 sur « La transparence et le secret ».

En 1997, un projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée national mais n’a pu aboutir en raison de la dissolution de l’Assemblée par le Président de la République.

Ce n’est qu’à partir de 2004 que le Parlement a autorisé, à deux reprises, le Gouvernement, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, à procéder par ordonnance à l’adoption de la partie législative du code de la commande publique. Ces deux tentatives n’ont toutefois pas abouti.

Une tentative inachevée en 2004 :

L’article 84 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit habilitait le Gouvernement à élaborer un code de la commande publique dans un délai de 18 mois.

Article 84 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit

I. - Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance :

1°à l’adoption de la partie législative des codes suivants :

a) Code de l’administration ;

b) Code de la commande publique ;

c) Code général de la fonction publique ;

d) Code du sport ;

e) Code des transports ;

2° à la refonte du code de justice militaire ;

3° à l’adaptation des parties législatives des codes suivants, afin d’inclure les dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées et pour remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification :

a) Code de l’action sociale et des familles ;

b) Code de la santé publique ;

c) Code de la sécurité sociale ;

d) Code du travail.

II. - Les dispositions codifiées en vertu du I sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet.

En outre, le Gouvernement peut, le cas échéant, étendre l’application des dispositions codifiées à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires.

Cependant, dans des réponses ministérielles publiées le 21 février 2006, le ministère de l’économie et des finances a rendu public l’abandon de ce projet : « Le Gouvernement a décidé de reporter le projet de code de la commande publique qui, à terme, après un important travail de recensement et d'analyse, regroupera en les codifiant l'ensemble des textes relatifs à la commande publique. Le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a en effet indiqué, lors de son discours prononce le 14 novembre 2005 à l'occasion de l'installation de l'Observatoire économique de l'achat public, « qu'au terme de ces adaptations, rendues inévitables par le droit communautaire, une pause puisse être marquée dans les réformes. C'est la raison pour laquelle il a notamment décidé que le projet de « code de la commande publique », qui devait regrouper l'ensemble des dispositions légales et réglementaires dans ce domaine, sera différé ». Il ne « paraît pas souhaitable, ni pour les acheteurs, ni pour les entreprises d'apporter un nouveau bouleversement des règles existantes ». L'utilité d'un « code de la commande publique », dont la rédaction n'est pas remise en cause mais seulement repoussée, a cependant été soulignée »75.

La censure de l’initiative de 2009 :

Une nouvelle disposition d’habilitation a été insérée par un amendement adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 8 janvier 2009 dans le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (loi n° 2009-179 du 17 février 2009).

Article 33 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés

« Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, à l'adoption de la partie législative d'un code de la commande publique.

Ce code contiendra les dispositions de nature législative applicables aux contrats de toute nature, à l'exception de ceux régis actuellement par le code des marchés publics.

Une première partie contiendra les principes applicables à l'ensemble de la commande publique, notamment la transparence ou l'égalité d'accès des entreprises à la commande publique ainsi que les règles communes de procédure pour la passation des marchés. Les dispositions relatives à la publicité pour les marchés passés en dessous des seuils européens devront réduire au maximum les incertitudes juridiques pour les acheteurs publics tout en facilitant l'accès à l'information des entreprises candidates.

Une deuxième partie développera les règles spécifiques applicables aux contrats non régis par le code des marchés publics. Le Gouvernement veillera à réduire significativement le nombre de types de contrats afin d'éviter les problèmes de chevauchement et de frontières.

Une troisième partie traitera des autres règles de la commande publique. L'élaboration de ce code se fera dans le respect du droit européen, de l'intelligibilité de la norme pour tous les acteurs de la commande publique et avec le souci de faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique.

À cette fin, le Gouvernement pourra notamment modifier le code général des collectivités territoriales, le code de la construction et de l'habitation, le code de la santé publique, le code de l'urbanisme, le code de la voirie routière, le code général de la propriété des personnes publiques, la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché s et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire et la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance mentionnée au premier alinéa. »

Cet article a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2009-575 DC du 12 février 2009 comme n’ayant pas de lien direct avec l’objet de la loi.

2. Objectifs poursuivis

L’entreprise de codification est l’occasion de mettre un terme au dualisme juridique qui caractérise jusqu’à présent le régime juridique des marchés publics et des contrats de concession, en définissant un corpus unique, approprié et équilibré.

2.1. L’existence d’un consensus sur la nécessité d’élaborer un code de la commande publique.

L’intérêt de l’élaboration d’un code de la commande publique est régulièrement rappelé par la doctrine76. Elle figure également dans le rapport public de 2008 du Conseil d’État77, lequel « recommande au Gouvernement (…) pour introduire davantage de simplicité, de lisibilité et de sécurité, dans notre droit des contrats, de remettre en chantier l’élaboration d’un code de la commande publique ».

En 2011, la Commission supérieure de codification a plaidé pour une codification ambitieuse du droit de la commande publique : « L’apport de la création d’un tel code ne peut se limiter à la codification des règles applicables à chaque type de contrat public de l’État figurant, à l’heure actuelle, soit dans un texte spécifique (le code des marchés publics pour les marchés publics de l’État et des collectivités territoriales, la loi dite « Sapin » n° 93-122 du 21 janvier 1993 pour les délégations de service public et l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 pour les contrats de partenariat). Il devrait, sans se limiter à une pure juxtaposition des types de contrats comme tel est actuellement le cas, dans la première partie du code général des collectivités territoriales, pour tous les contrats publics (baux emphytéotiques administratifs, délégations de service public, contrats de partenariat) des collectivités territoriales, hors ceux figurant au code des marchés publics, en faire ressortir les principes organisateurs et fixer les délinéaments d’une théorie juridique des contrats publics »78

Le 12 mars 2014, en conclusion d’un colloque consacré à la transposition des nouvelles directives, le ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici, a estimé que l’ensemble des travaux de mise en cohérence et de simplification, rendu nécessaire par l’exercice de transposition, constituait une « première étape fondamentale dans l’élaboration d’un code de la commande publique », afin de garantir l’accessibilité et l’intelligibilité de ce cors de droit79.

Plus récemment encore, lors du colloque organisé, le 13 octobre 2015, par l’Institut français des sciences administratives relatif aux 25 ans de relance de la codification, son président, Jean-Marc Sauvé, a plaidé pour une codification du droit de la commande publique80.

2.2. Renforcer l’accessibilité et la lisibilité des règles applicables aux contrats de la commande publique.

Le rapport « Simplifions nos lois pour guérir un mal français » remis par le député Jean-Luc Warsmann, en janvier 2009, plaide en faveur de la codification car elle « constitue un facteur de plus grande lisibilité et d’accessibilité de notre droit ». En effet, le rapport Warsmann affirme qu’elle «  a fait ses preuves comme technique de rationalisation, d’organisation et de présentation de pans entiers du droit. Elle est un outil d’amélioration de l’accès et de la lisibilité de la règlementation car elle permet de regrouper des textes épars tout en les clarifiant, par l’actualisation de leur terminologie, et en les reclassant conformément à la hiérarchie des normes. Elle évalue la cohérence des textes entre eux et permet ainsi une harmonisation de l’état du droit ».

Aussi, le code de la commande publique pourrait regrouper et organiser les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s’analysent comme des marchés publics et des contrats de concession au sens du droit de l’Union européenne. Entreraient donc dans le champ de ce code non seulement les ordonnances du 23 juillet 2015 et du 29 janvier 2016 respectivement relatives aux marchés publics et contrats de concession mais aussi les dispositions législatives connexes applicables aux contrats de la commande publique et non codifiées à ce jour (loi MOP par exemple). C’est également en partant de l’existant que le code consacrerait certaines règles d’ores et déjà affirmées par la jurisprudence, leur conférant ainsi une véritable visibilité.

L’intégration des dispositions applicables aux contrats de la commande publique, en permettant une présentation ordonnée et cohérente au sein d’un code unique constituerait un moyen essentiel de renforcer l’accessibilité du droit : un code unique regrouperait l’ensemble des règles applicables à ces contrats.

Elle représente également un enjeu de simplification administrative important pour l’ensemble des parties prenantes de la commande publique (pouvoirs adjudicateurs, entités adjudicatrices et opérateurs économiques), qui pourraient appréhender une législation dans un code plus commodément qu’en présence de textes épars. La codification serait également un facteur significatif d’attractivité, dans la mesure où elle favoriserait la lisibilité du droit français, pour les entreprises comme pour les autres investisseurs.81.

2.3. Améliorer l’intelligibilité et la compréhension des règles du droit de la commande publique.

En sus de l’objectif de simplification et d’accessibilité du droit de la commande publique, la création d’un tel code modifiera la logique actuelle : l’entreprise ne se limitera pas à une pure juxtaposition des types de contrats existants en codifiant les règles applicables à chacun d’eux et figurant, à l’heure actuelle, dans des textes spécifiques. Il s’agirait plus fondamentalement, de faire ressortir les principes organisateurs de la commande publique et d’établir, de manière globale et cohérente, le régime de passation et d’exécution de ces contrats, en distinguant en fonction de leur objet, selon qu’ils présentent le caractère d’un marché public ou d’un contrat de concession.

En procédant de la sorte, la codification contribuerait à améliorer l’intelligibilité du droit. Les dispositions communes aux deux ordonnances seraient réunifiées au sein d’articles uniques. Cette réunification permettrait, en outre, d’éviter une redondance et l’inflation des normes, tout en garantissant leur lisibilité.

Par ailleurs, l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi justifie que des dispositions de nature purement explicatives soient adoptées, afin d’éclairer les usagers et les administrations dans la compréhension globale du code. De même, il pourra être renvoyé à des dispositions d’autres codes, en particulier pour les régimes juridiques s’appliquant aux concessions sectorielles, afin d’accompagner au mieux les utilisateurs du code dans le processus de passation de leurs contrats.

2.4. Accroitre la sécurité juridique des procédures et promouvoir l’efficacité de la commande publique.

Ce travail de codification serait de nature à renforcer substantiellement la sécurité juridique des procédures de passation et d’exécution des contrats de la commande publique. Réunir les différents régimes applicables aux marchés publics et aux contrats de concession au sein d’un corpus juridique et cohérent permettrait de mettre fin à une insécurité juridique lié à la fragmentation des régimes et la multiplicité des supports législatifs.

L’instauration du code devrait également permettre de supprimer à l’échelle européenne les entraves à la libre prestation des services et les distorsions dans l’accès des opérateurs économiques aux contrats de la commande publique.

3. Analyse des impacts des mesures envisagées

Le droit interne comportant déjà un corpus juridique stabilisé, depuis la transposition des trois nouvelles directives du 26 février 2014 en matière de commande publique, l’impact d’une codification à droit constant de ces règles sera neutre pour les acheteurs, autorités concédantes et opérateurs économiques. L’entreprise de codification ne fera pas peser davantage de charges, notamment financières, sur ces derniers.

Au contraire, le nouveau dispositif garantira une accessibilité et une connaissance accrue des contrats de la commande publique et améliorera, pour l’ensemble des parties prenantes, la perception ainsi que l’expertise de tels contrats. L’adjonction de dispositions règlementaires complétant les normes de niveau législatif devrait permettre d’en favoriser la compréhension par tous.

L’existence d’un code permettra également d’assurer un accès effectif à ces contrats et leurs modalités de passation pour tous les opérateurs économiques, favorisant ainsi les investissements publics et privés et les services stratégiques pour le citoyen.

4. L’option d’une codification par ordonnance des dispositions de nature législative.

4.1. L’élaboration du code de la commande publique implique l’adoption de normes de niveau législatif.

Les dispositions régissant actuellement les marchés publics et les contrats de concession figurent dans des corpus de niveau législatif : l’ordonnance n° 2015-889 du 23 juillet 2015, l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 ainsi que les diverses dispositions législatives applicables aux contrats de la commande publique (cf. lois précitées).

4.2. Le recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution est justifié.

4.2.1. Une pratique éprouvée.

La doctrine générale de la codification en France repose sur le principe d’une codification à droit constant, sollicitée du Parlement par le Gouvernement, sur la base de l’article 38 de la Constitution. Depuis 25 ans, une vingtaine de nouveaux codes ont été créés, parmi lesquels figurent le code général de la propriété des personnes publiques (2006), le code des transports (2010), le code de la sécurité intérieure (2012) ou encore le code des relations entre le public et l’administration (2016). En outre, neuf codes ont été entièrement refondus comme le code de l’urbanisme (2000-2015). Ainsi, environ 60 % des lois et 30 % des textes règlementaires se trouvent désormais codifiés.

Ces résultats n’auraient pu être obtenus sans le recours à la procédure de législation déléguée : après l’adoption du code général des collectivités territoriales (CGCT, 1996), dernier code adopté par la voie parlementaire, le recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution a, en effet, été utilisée depuis 200082.

Le recours à une ordonnance permet, en outre, de mener de façon concomitante et coordonnée les travaux de rédaction des dispositions législatives et règlementaires. Le recours à une ordonnance permet la présentation d’un texte à vocation législative clair et stable, accompagné de son texte d’application qui en est le reflet cohérent pour un travail de concertation productif et efficace.

4.2.2. La codification à droit constant confère très peu de marge de manœuvre au travail parlementaire.

Les ordonnances du 23 juillet 2015 et du 29 janvier 2016 contiennent des dispositions particulièrement précises, impératives et techniques, issues, dans leur majorité, de la transposition des directives européennes du 26 février 2014, qui laissent très peu de marge de manœuvre aux parlementaires. Son travail en serait pour une grande part réduit à la reproduction de dispositions déjà existante, sans possibilité de modifications. Aussi, la technicité du travail de codification du droit de la commande publique ne nécessite pas de monopoliser le législateur et se prête mal au débat parlementaire.

5. Justification du délai d’habilitation.

Le délai d’habilitation sollicité, de vingt-quatre mois, doit permettre d’élaborer, par ordonnance, la partie législative du code de la commande publique. L’ordonnance devra intégrer l’ensemble des dispositions législatives applicables aux marchés publics et aux contrats de concession figurant tant dans les ordonnances de transposition des directives du 26 février 2014 que dans des lois non codifiées à ce jour. La Commission supérieure de codification sera associée de manière étroite et régulière à chaque étape de l’élaboration du code.

Enfin, cette ordonnance devra être suivi d’un important travail concomitant de codification des dispositions règlementaires afin d’élaborer un code de la commande publique, complet et cohérent.

Titre III : Du renforcement de la rÉgulation financiÈre

Article 17 : Habilitation pour la transposition de la directive « MAD » et du règlement « MAR »

1. Difficultés à résoudre

La directive 2014/57/UE relative aux abus de marché (dite « MAD ») doit être transposée d’ici le 3 juillet 2016. Or, le CMF, bien que proche sur certains aspects de cette directive, doit être modifié pour satisfaire à cette obligation. Il est ainsi nécessaire de porter les peines maximales d’emprisonnement à plus de 2 ou 4 ans selon les cas, et d’ajuster la caractérisation des délits d’initiés.

De plus, le règlement (UE) n°596/2014 relatif aux abus de marché (dit « MAR »), bien que d’application directe, prévoit un certain nombre de mesures d’exécution que les États membres doivent adopter, notamment s’agissant des pouvoirs de sanction, et qui sont de niveau législatif. D’autre part, certaines dispositions du code monétaire et financier (CMF), telles que celles relatives aux listes d’initiés ou aux déclarations d’opérations suspectes, doivent être ajustées voire abrogées pour assurer la cohérence du droit français avec le règlement MAR.

Ces transpositions doivent s’effectuer en lien avec les mesures du présent projet de loi visant à mettre en œuvre un mécanisme d’articulation entre les sanctions administratives et pénales en matière de répression des abus de marché suite aux exigences posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015.

2. Objectifs poursuivis

C’est également l’objectif d’efficacité du système de répression des abus de marché qui guidera le Gouvernement dans la transposition du paquet européen sur les abus de marché.

Le règlement MAR harmonise la prévention et la répression des abus de marché au niveau européen. Il prévoit un certain nombre d’exigences visant à éviter que de tels abus ne soient commis (établissement de listes d’initiés, déclaration d’opérations suspectes), définit précisément les différents abus de marché et prévoit un dispositif de sanctions administratives.

Le CMF pourrait ainsi être adapté à ce règlement, en redéfinissant les abus de marché par renvoi à MAR, en alignant les articles relatifs aux listes d’initiés ou aux déclarations d’opérations suspectes sur le texte européen et en dotant l’Autorité des marchés financiers (AMF) de la capacité de conclure des accords de coopération avec les autorités de pays-tiers responsables de la surveillance des marchés de quotas carbone ou des marchés de matières premières. Il est précisé que le dispositif de sanctions administratives prévu par le règlement MAR est quant à lui transposé dans le présent projet de loi.

En complément du règlement MAR, la directive MAD prévoit que les États membres mettent en place des sanctions pénales pour les abus de marché, au moins dans les cas graves et intentionnels, avec des peines maximales d’emprisonnement d’au moins 2 ou 4 ans selon les cas.

Aussi, il pourrait être procédé à des ajustements de la caractérisation des délits d’abus de marché, pour rendre celle-ci conforme à la directive, envisagé de porter la peine maximale d’emprisonnement à cinq ans, et proposé d’aligner le plafond des amendes sur celui des sanctions pécuniaires de l’AMF, soit 100 M€.

3. Consultations envisagées

L’AMF sera associée à l’élaboration des dispositions de transposition des projets d’ordonnance.

4. Application en outre-mer

Il est prévu de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions issues de la transposition du paquet européen sur les abus de marché.

De même, la transposition du paquet européen sur les abus de marché pourra être adaptée en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Article 18 : Extension du champ de la composition administrative de l’Autorité des marchés financiers

1. État des lieux

La procédure de composition administrative a été introduite par l’article 7 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

Elle ne peut être engagée à ce stade qu’en cas de manquement commis par un professionnel régulé par l’Autorité des marchés financiers (AMF), à l’exclusion des infrastructures de marché (dépositaires centraux, gestionnaires de système de règlement et de livraison d'instruments financiers, entreprises de marché et chambres de compensation). De nombreux manquements ne peuvent donc donner lieu à une entrée en voie de composition administrative, tels que les manquements aux obligations d’information des émetteurs.

Plusieurs raisons militent cependant en faveur d'une extension du champ d’application de la composition administrative à l’ensemble des manquements relevant de la compétence de l’AMF, à l’exception des abus de marché :

- le succès de cette procédure depuis 2010 : l’expérience a montré que les propositions d’entrée en voie de composition administrative ont très généralement été acceptées, puis validées par le Collège de l’AMF et homologuées par la Commission des sanctions. La composition administrative est en effet intéressante d’une part, pour les personnes concernées, car si l’accord est public, il n’y a pas d’audience publique et les délais de la procédure sont plus courts que ceux de la Commission des sanctions ; d’autre part, parce qu’elle permet de « désengorger » la Commission des sanctions et la faire se prononcer en priorité sur les dossiers les plus complexes et les plus graves ;

- le raccourcissement des délais de traitement des dossiers : le délai moyen de traitement d’un dossier par la Commission des sanctions est de l’ordre d’un an, soit environ le double du délai de traitement d’un dossier de composition administrative. À cet égard, la composition administrative permet de réserver les procédures de sanction aux cas ne faisant pas l’objet de jurisprudence ou étant les plus complexes ;

- un rôle pédagogique via la prise d’engagements et leur rapide mise en œuvre, sous le contrôle des services de l’AMF : de surcroît, la composition administrative permet une meilleure indemnisation des victimes ; une composition administrative a d’ailleurs prévu cette indemnisation en imputant les sommes versées aux victimes des manquements sur le montant total de la transaction.

2. Objectifs poursuivis

L’extension du champ de la composition administrative permettra à l’AMF de réprimer, de manière plus efficace et plus rapide, les manquements les moins graves par le biais de cette procédure.

Le bilan de la transaction – mis en œuvre depuis près de 4 ans - est positif puisque la transaction est largement utilisée. Sur 17 procédures engagées et parvenues au terme de la procédure, 13 ont donné lieu à des accords homologués. Ceci est d’autant plus remarquable que les transactions sont rendues publiques et que les sommes payées au Trésor public sont définies par référence à l’estimation des sanctions qui auraient été prononcées (et donc sans « rabais »).

3. Options possibles et nécessité de légiférer

La procédure de composition administrative et son champ d’application ayant été définis par la loi, une disposition législative est nécessaire pour procéder à l’extension proposée.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1. Impacts pour les particuliers et les entreprises

Le nombre de procédures de composition administrative supplémentaires devrait être non négligeable. L’AMF l’estime à environ 5 dossiers par an. En valeur absolue, l’ordre de grandeur du nombre de compositions administratives annuelles passerait ainsi de 10 à 15 dossiers, soit une augmentation de 50 % en valeur relative.

4.2. Impacts pour les administrations

La réforme aurait un impact favorable sur les délais de traitement des dossiers par l’AMF. En effet, le délai moyen de traitement d’un dossier par la Commission des sanctions est de l’ordre d’un an, soit environ le double du délai de traitement d’un dossier de composition administrative (6 mois). À cet égard, la composition administrative permet de réserver les procédures de sanction aux cas ne faisant pas l’objet de jurisprudence ou étant les plus complexes.

La réforme conduirait aussi à promouvoir le rôle pédagogique de la composition administrative du fait de la prise d’engagements de remédiation par le professionnel concerné et leur rapide mise en œuvre, sous le contrôle des services de l’AMF. La composition administrative peut également permettre dans certains cas une indemnisation des victimes.

La relative simplicité du dossier en droit, eu égard notamment à l’existence d’une jurisprudence de la Commission des sanctions, est un critère de choix important en faveur de la composition administrative. À cet égard, une fois les manquements susceptibles de donner lieu à la composition administrative déterminés dans la loi, le Collège peut, en opportunité, proposer ou non la voie de la composition administrative. Cette approche au cas par cas mérite d’être maintenue après l’élargissement de la procédure.

5. Consultations menées

Des consultations ont été menées auprès :

- de l’AMF ;

- d’associations représentatives des participants de marché : Association des marchés financiers (AMAFI), Mouvement des entreprises de France (MEDEF), Association française des entreprises privées (AFEP) ;

- d’avocats praticiens des procédures de composition administrative et de la Commission des sanctions de l’AMF.

6. Conditions d’application outre-mer

Il est prévu l’extension, sans adaptation, des modifications opérées à l’article L.621-14-1 du CMF en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Article 19 : Mise en cohérence de la compétence de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers avec la réglementation applicable aux offres de titres

1. État des lieux

En l’état actuel des textes, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) est compétente pour sanctionner tout type de manquement commis dans le cadre d’offres d’instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ainsi que pour sanctionner la diffusion de fausse information lors d’une offre au public de titres non cotés.

La commission des sanctions de l’AMF n’est donc pas compétente pour sanctionner les manquements autres que la diffusion de fausse information commis à l’occasion d’une offre au public de titres financiers non cotés, ni les manquements commis à l’occasion d’une offre de financement participatif.

Dans le cas d’une…

Offre au public de titres financiers
(L.411-1 du code monétaire et financier- CMF),
i.e
. emporte l’obligation de prospectus soumis au visa préalable de l’AMF

Offre au public non constitutive d’une offre au public de titres financiers
(L. 411-2 du CMF),
i.e.
sans obligation de prospectus :

i. Placement privé (maximum 150 investisseurs)

ii. Offres inférieures à des seuils (inférieur à 100 k€, ou jusqu’à 5 M€ mais moins de 50 % du capital de l’émetteur, ou un montant minimal de souscription de 100 k€)

iii. Financement participatif (inférieur à 1 M€, offre proposée par l’intermédiaire d’un site internet d’un PSI ou d’un CIP et titres non cotés)

Compétence de la Commission des sanctions de l’AMF (en l’état du droit)

Tout type de manquements si les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché règlementé ou un système multilatéral de négociation

Uniquement la diffusion d’une information fausse pour les instruments non cotés

Tout type de manquements si les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché règlementé ou un système multilatéral de négociation

Aucune compétence pour les instruments non cotés

La réforme proposée

(Déjà compétente)

Extension de la compétence à l’ensemble des manquements

(Déjà compétente)

Extension de la compétence pour les offres proposées dans le cadre du financement participatif

La commission des sanctions de l’AMF n’est pas non plus compétente pour sanctionner les manquements commis à l’occasion des offres au public de parts sociales de banques mutualistes ou coopératives ou d’offres de certificats mutualistes. L’AMF n’est par ailleurs pas compétente pour enquêter sur les éventuels manquements à la réglementation susceptibles d’être commis lors de ces offres.

2. Description de l’objectif poursuivi

Les offres au public de titres non cotés peuvent comporter des risques plus élevés pour les épargnants que celles portant sur des titres cotés.

C’est précisément en raison des risques importants liés aux investissements dans des titres non cotés que la règlementation soumet ces offres, si elles sont constitutives d’offres au public de titres financiers, à l’établissement préalable d’un prospectus visé par l’AMF. Ce prospectus permet aux investisseurs de décider d’investir ou non en toute connaissance de cause. Étendre le champ de compétence de la commission des sanctions à tout type de manquement commis pour toutes les offres au public de titres financiers non cotés, indépendamment de la diffusion ou non d’une fausse information, constitue donc une simple mise en cohérence de la compétence de la Commission des sanctions de l’AMF avec le champ d’application de la règlementation applicable à l’offre au public de titres financiers. L’absence de compétence de la Commission des sanctions en la matière constitue une véritable faille dans l’arsenal répressif de l’AMF à laquelle il doit être remédié pour une bonne protection des investisseurs.

Il est donc souhaitable que la Commission des sanctions de l’AMF soit également compétente pour sanctionner tout type de manquement commis à l’occasion de ces offres, en particulier les offres au public de titres financiers non cotés qui seraient réalisées sans prospectus.

Par ailleurs, les offres de titres financiers non constitutives d’une offre au public de titres financiers, proposées dans le cadre du financement participatif doivent être faites dans des conditions juridiques sécurisées. Or, le Parlement avait posé comme exigence de « sécuriser » le dispositif à mettre en place dans le cadre du financement participatif. En effet, l’article 1er de la loi de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises publiée le 2 janvier 2014 dispose : « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin : (…) 3° De favoriser le développement du financement participatif dans des conditions sécurisées ». Cependant, l’ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif prise en application de cette loi d’habilitation n’a pas prévu de sanction à la charge des émetteurs recourant au financement participatif ignorant ainsi les dispositions qui leur sont applicables. Le texte proposé prévoit donc les sanctions nécessaires.

Pour les mêmes raisons, il apparaît opportun que la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers soit compétente pour les manquements commis lors d’offres au public de certificats mutualistes et de parts sociales de banques coopératives ou mutualistes.

3. Impact des mesures envisagées

3.1. Sur les émetteurs

Les nouvelles dispositions ne modifient pas les règles de fond que doivent respecter les émetteurs lorsqu’ils procèdent à des offres au public de titres financiers, de certificats mutualistes ou de parts sociales de banques mutualistes ou coopératives ou lorsqu’ils procèdent à des offres de financement participatif . Elle n’a donc pas d’impact sur les émetteurs qui se conformeraient à la réglementation.

3.2. Sur l’Autorité des marchés financiers

Au cours des cinq dernières années dans quatre enquêtes menées par les services de l’AMF, il a été clairement identifié des situations où l’absence d’un texte approprié a posé problème et a pu conduire à renoncer à toute poursuite devant la Commission des sanctions. Ces nouvelles dispositions devraient permettre d’impliquer plus d’acteurs, à savoir notamment les émetteurs des offres irrégulières.

Au cours des années 2014 et 2015 les services de l’AMF ont relevé huit opérations suspectées de constituer des offres au public irrégulières portant sur des titres financiers non cotés. Ils ont également observé que le nombre d’offres au public irrégulières portant sur des titres financiers non cotés augmente chaque année. Ces nouvelles dispositions permettront d’une part à l’AMF d’inciter plus vigoureusement les personnes impliquées dans ces opérations à se conformer à la règlementation applicable et d’autre part de les poursuivre devant la Commission des sanctions de l’AMF.

Ces nouvelles dispositions permettront de faire sanctionner les manquements à la nouvelle règlementation applicable au financement participatif. Afin de ne pas mettre en péril la crédibilité de cette nouvelle règlementation, entrée en vigueur le 1er octobre 2014, il y a lieu de s’assurer que les émetteurs de titres financiers qui procéderaient à une offre de financement participatif irrégulière puissent être sanctionnés devant la Commission des sanctions de l’AMF. L’irrégularité peut notamment consister à présenter une offre de financement participatif sans se conformer à l’instruction AMF qui encadre le contenu et la manière dont ces offres doivent être présentées aux investisseurs (articles 217-1, 314-106 et 325-38 du règlement général de l’AMF et Instruction AMF n°2014-12). Le nombre et le volume des offres de financement participatif étant en constante augmentation, il y a lieu de s’assurer que les règles qui les encadrent sont assorties de sanctions. Ces nouvelles dispositions permettront donc à l’AMF de faire appliquer plus efficacement la règlementation applicable au financement participatif et poursuivre devant la Commission des sanctions de l’AMF les émetteurs qui ne respecteraient pas la règlementation.

3.3. Sur les investisseurs

Ces nouvelles dispositions permettront de renforcer l’arsenal répressif lié au nom respect de la règlementation applicable aux offres au public de titres financiers non cotés qui s’adressent aux investisseurs particuliers. Ces nouvelles dispositions devraient donc avoir pour effet de limiter l’augmentation d’offres au public irrégulières portant sur des titres non cotés. Il est donc espéré que par l’effet de ces nouvelles dispositions, le public soit moins exposé à ce type d’offres particulièrement risquées et destinées, pour l’essentiel, à des particuliers.

Ces nouvelles dispositions devraient également avoir pour effet d’inciter plus efficacement les émetteurs à réaliser correctement un prospectus soumis au visa de l’AMF dès lors qu’ils réalisent une offre au public ou un document d’information règlementaire synthétique dès lors qu’ils réalisent une offre de financement participatif. Les investisseurs devraient donc être mieux protégés, grâce à la présentation d’une information de meilleure qualité leur permettant de décider d’investir en toute connaissance de cause.

4. Modalités de mise en œuvre

Il est prévu dans ce projet de loi l’extension, sans adaptation, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna des modifications opérées par le présent article aux articles L.621-9 et L.621-15 du CMF qui relèvent de la compétence de l’État.

Article 20 : Transposition des dispositions répressives de divers textes européens en matière financière [ « MAR », « OPCVM 5 », « MIFID 2 », « PRIIPS » et « CSD » ]

1. État des lieux

L’article L.621-15 du code monétaire et financier (CMF) fixe le cadre applicable aux sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il prévoit ainsi quelles personnes peuvent être sanctionnées, quels types de sanctions peuvent être infligés, et fixe les modalités de détermination ou de publication des sanctions.

Or, plusieurs textes européens récemment adoptés en matière financière – et relevant du champ de compétence de l’AMF – prévoient, en cas de manquement aux obligations qu’ils fixent, un dispositif de sanctions dont la transposition implique de compléter à certains égards les dispositions existantes de cet article L.621-15.

Ces textes sont les suivants : il s’agit de la directive 2014/65/UE concernant les marchés d’instruments financiers (dite « MiFID 2 »), de la directive 2014/91/UE relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (dite « OPCVM 5 »), du règlement (UE) n°1268/2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement (dit « PRIIPS »), du règlement (UE) n°909/2014 relatif aux dépositaires centraux de titres (dit « CSDR »), et enfin du règlement (UE) n°596/2014 relatif aux abus de marché (dit « MAR »).

2. Description des objectifs poursuivis

L’objectif poursuivi par le présent article est double :

- d’une part, effectuer la transposition des dispositions répressives des textes européens mentionnés au 1., lorsqu’il est nécessaire de compléter ou de modifier les pouvoirs et modalités de sanction de l’AMF déjà prévus par le code monétaire et financier (cf. ci-dessus) ;

- d’autre part, maintenir, dans la mesure du possible, la lisibilité et la cohérence de l’appareil répressif de l’AMF.

2.1. Transposition des dispositions répressives des textes européens

Les dispositions transposées sont principalement les suivantes :

- Extension du manquement d’entrave aux cas des contrôles : dans la situation actuelle, le fait de refuser de donner accès à un document ou de communiquer des informations aux contrôleurs de l’AMF ne constitue pas un manquement punissable par la Commission des sanctions. Certes, une telle entrave peut donner lieu à des condamnations pénales prévues par l’article L.642-2 du CMF. Cependant, afin de renforcer l’efficacité des contrôles diligentés par l’AMF, il paraît opportun d’ériger également l’entrave à ces contrôles en tant que manquement susceptible d’être sanctionné par la Commission des sanctions de l’AMF, comme c’est le cas pour les entraves aux enquêtes ;

- Introduction, pour les personnes morales, d’un plafond de sanction pécuniaire égal à 15 % du chiffre d’affaires de la société ou du groupe mis en cause : dans la situation actuelle, les sanctions pécuniaires prononcées par la Commission des sanctions de l’AMF à l’encontre d’une personne morale sont plafonnées à 100 M€ ou au décuple du montant des profits réalisés. Dans certains cas exceptionnels, ce double plafond pourrait cependant se révéler inadapté par exemple parce que d’une part, il ne serait pas possible d’estimer le montant des profits réalisés, que d’autre part, le manquement aurait été commis par une société ou un groupe disposant d’une très forte capacité financière et qu’enfin le manquement aurait une incidence particulièrement grave sur le bon fonctionnement et l’intégrité du marché. Par ailleurs, les textes européens mentionnés au 1 introduisent un nouveau plafond de sanction en pourcentage du chiffre d’affaires de la société ou du groupe mis en cause. L’introduction de ce nouveau plafond permettra à l’AMF de répondre avec efficacité à ces situations exceptionnelles, et mettra la France en conformité avec ses obligations de transposition du droit européen ;

- Alignement du plafond de sanction pécuniaire applicable aux personnes physiques travaillant pour le compte d’un professionnel régulé par l’AMF à 15 M€ : dans la situation actuelle, le plafond de sanction pécuniaire applicable à ces personnes dépend du manquement. Il est ainsi égal à 15 M€ ou à 300.000 € selon les cas. La fixation d’un plafond unique à 15 M€ renforcera la sévérité potentielle des sanctions de l’AMF infligées aux personnes physiques travaillant pour le compte d’un professionnel régulé par l’AMF ;

- Généralisation des critères de détermination de la sanction : l’ordonnance n° 2015-1576 du 3 décembre 2015 a introduit dans le code monétaire et financier une liste de critères à prendre en compte par la Commission des sanctions de l’AMF pour déterminer le montant de la sanction applicable : gravité du manquement, degré de coopération de la personne mise en cause, pertes subies par les tiers du fait du manquement, situation et capacité financière de la personne mise en cause, etc. Cependant, ces critères ne s’appliquent aujourd’hui qu’aux manquements relatifs aux obligations d’information des émetteurs. Il est donc proposé de les étendre à tous les manquements tombant dans le champ de compétence de l’AMF ;

- Précision des modalités de publication des sanctions : les différents textes européens mentionnés au 1 prévoient la publication des sanctions par les autorités compétentes, ainsi que les circonstances dans lesquelles la publication peut être annulée, différée ou réalisée sous une forme préservant l’anonymat des personnes mises en cause lorsque cela est justifié. Ces dispositions sont donc intégrées dans le CMF ;

- Extension de l’habilitation du Gouvernement à transposer la directive 2014/65/UE « MiFID2 » aux dispositions répressives de cette directive : l’article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 habilite le Gouvernement à transposer la directive MiFID2, à l’exception de ses dispositions en matière répressive. Cette transposition va introduire en droit français de nouveaux types d’entités financières (prestataires de services communication de données) et fixer de nouveaux types d’exigences (relatives par exemple au trading algorithmique ou aux limites de position). Les manquements liés à ces nouvelles entités financières ou nouvelles exigences doivent naturellement pouvoir être sanctionnés par l’AMF ; cependant, il ne sera possible de doter l’AMF de ce pouvoir de sanction qu’une fois que ces nouvelles entités ou exigences auront été créées. C’est la raison pour laquelle il paraît opportun de coupler les deux exercices et d’étendre ainsi l’habilitation dont dispose le Gouvernement aux dispositions répressives de MifID2.

2.2. Maintien de la lisibilité et de la cohérence de l’appareil répressif de l’AMF

Chaque texte européen mentionné au 1 prévoit son propre dispositif de sanctions, avec par exemple des quantums de sanctions pécuniaires variables d’un texte à l’autre. Le règlement MAR prévoit ainsi une sanction maximale d’au moins 15 M€ ou 15 % du chiffre d’affaires en cas d’opération d’initiés ou de manipulation de marché, tandis que le règlement CSDR prévoit une sanction maximale d’au moins 20 M€ ou 10 % du chiffre d’affaire.

Une transposition a minima de chacun des textes supposerait de fixer des quantums de sanction (en valeur absolue et en pourcentage du chiffre d’affaires) texte par texte, alors qu’à l’inverse la logique des pouvoirs et modalités de sanction de l’AMF existants dans l’article L.621-15 du CMF privilégie une approche la plus unifiée possible.

Cependant, l’application du plafond de sanction exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires à l’ensemble des manquements relevant de la compétence de l’AMF, y compris ceux ne résultant pas des textes européens imposant l’introduction de ce plafond et ne présentant pas forcément de lien avec le chiffre d’affaire des personnes mises en cause, pourrait soulever un risque de conformité à la Constitution ; dans sa décision 2013-679 du 4 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a ainsi censuré l’article 3 du projet de loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière qui introduisait un plafond à 10 % du chiffre d’affaires en considérant que « le législateur a[vait] retenu un critère de fixation du montant maximum de la peine encourue qui ne dépend pas du lien entre l’infraction à laquelle il s’applique et le chiffre d’affaires et [était] susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de l’infraction constatée ».

Il apparaît donc préférable de réserver l’application de ce nouveau plafond en pourcentage du chiffre d’affaires aux manquements résultant des textes européens mentionnés au 1. En revanche, les autres nouveautés introduites par ces textes, comme par exemple les critères explicites de détermination de la sanction ou les modalités détaillées de publication des décisions de l’AMF, seront généralisées à l’ensemble des manquements relevant de la compétence de celle-ci.

Enfin, cet article introduit la possibilité pour la Commission des sanctions de l’AMF de relever de leur sanction des personnes sanctionnées par une interdiction à titre définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou des services fournis, ou par le retrait définitif de la carte professionnelle, à l’expiration d’un délai d’au moins dix ans.

Cette mesure relève du pur droit national et ne résulte pas, en particulier, de la transposition des textes européens mentionnés au 1. Elle répond à une demande ancienne des présidents de la Commission des sanctions de l’AMF qui reçoivent des demandes de relèvement mais ne peuvent aujourd’hui y donner suite. Elle a été recommandée dans le rapport sur le prononcé, l’exécution de la sanction et le post-sentenciel établi en octobre 2013 par un groupe de travail de l’AMF présidé par Claude Nocquet, alors présidente de la Commission des sanctions de l’AMF, partant notamment du principe qu’un dispositif comparable existe depuis longtemps en droit pénal.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Les dispositions répressives des différents textes européens mentionnés au 1 doivent être transposées d’ici la date précisée dans le tableau ci-dessous :

Texte

Date limite de transposition des dispositions répressives

Directive 2014/65/UE (MiFID 2)

3 juillet 2016

Directive 2014/91/UE (OPCVM 5)

18 mars 2016

Règlement (UE) n°909/2014 (CSDR)

18 septembre 2016

Règlement (UE) n°1268/2014 (PRIIPS)

31 septembre 2016

Règlement (UE) n°596/2014 (MAR)

3 juillet 2016

Certaines de ces dispositions répressives existent déjà en droit français et ne nécessitent donc pas de transposition. En revanche, d’autres dispositions (cf. ci-dessus) doivent être transposées.

Les pouvoirs de sanction de l’AMF relevant du domaine de la loi, il est nécessaire de procéder à cette transposition par un article législatif.

4. Impacts des mesures

4.1. Impacts pour les particuliers et les entreprises

L’impact attendu des modifications proposées pour les participants de marché sera double :

- le rehaussement des plafonds de sanction pécuniaires de l’AMF pourra conduire à des sanctions plus élevées pour les responsables de manquements, s’agissant tant des personnes morales que des personnes physiques. Cependant, il convient de préciser que le plafond de 100 M€ pour les personnes morales n’a à ce jour jamais été atteint ; le recours au nouveau plafond égal à 15 % du chiffre d’affaires de la société ou du groupe mis en cause devrait donc être réservé à des cas tout à fait exceptionnels dans lesquels il est justifié de dépasser ce plafond en valeur absolue.

- ce même rehaussement contribuera cependant à maintenir la discipline sur les marchés, et bénéficiera donc à l’ensemble des participants aux marchés financiers : le fait de disposer de sanctions dissuasives incite les participants de marché à respecter les obligations qui leur sont fixées. Le rehaussement proposé des sanctions maximales de l’AMF devrait renforcer encore le caractère dissuasif du dispositif actuel, et ainsi contribuer à maintenir la discipline sur les marchés financiers français, déjà reconnue comme étant très satisfaisante.

4.2. Impacts pour les administrations

Les modifications proposées viennent renforcer l’arsenal répressif dont dispose l’AMF et aideront donc celle-ci à poursuivre sa mission de surveillance des marchés financiers et de protection de l’épargne.

5. Consultations menées

Les modifications proposées ont fait l’objet d’une consultation de l’AMF.

6. Mise en œuvre des dispositions

6.1. Modalités d’application dans l’espace

L’extension en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna des mesures proposées est renvoyée aux dispositions spécifiques à l’outre-mer du présent projet de loi.

6.2. Textes d’application

Un décret en Conseil d’État fixera les conditions et modalités de relèvement, après l’expiration d’un délai d’au moins dix ans, de la sanction d’interdiction d’exercice de tout ou partie des activités et services visée au VI de l’article L.621-14 du CMF.

Article 21 : Élargissement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution visant à faciliter le rétablissement de la situation financière et la résolution des organismes d’assurance

1. État des lieux

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ayant, aux termes du I de l’article L.612-1 du code monétaire financier (CMF), la mission de « veille[r] à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle » peut à cet effet prendre des mesures conservatoires s’imposant aux organismes soumis à son contrôle.

Les mesures conservatoires que l’ACPR est susceptible de prendre, « lorsque la solvabilité ou la liquidité d'une personne soumise au contrôle de l'Autorité ou lorsque les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires, sont compromis ou susceptibles de l'être », sont prévues à l’article L.612-33 du CMF.

Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel n° 2014-449 QPC du 6 février 2015, l’ACPR pouvait, en application du 8° du I de l’article L.612-33 précité « Prononcer le transfert d'office de tout ou partie du portefeuille des contrats d'assurance ou de règlements ou de bulletins d'adhésion à des contrats ou règlements des personnes mentionnées aux 1°, 3° et 5° du B du I de l'article L. 612-2 [du même code] »83.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionalité, le Conseil constitutionnel a cependant jugé à cette occasion que ces dispositions instituaient « une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 sans l'assortir des garanties légales ni respecter l'exigence d'une juste et préalable indemnité »

Le transfert de portefeuilles n’est par ailleurs qu’une des mesures de nature à prévenir la dégradation ou à faciliter le rétablissement de la situation financière d’un organisme d’assurance, en cas de difficultés de ce dernier, avant éventuellement de procéder à sa résolution ordonnée dans un cadre prévu par le droit.

Contrairement au secteur bancaire, il n’existe pas aujourd’hui, ni au niveau international ni au niveau français, de régime de résolution dans le secteur assurantiel. En effet, les travaux internationaux menés sous l’égide du Financial Stability Board (FSB) concernant à ce stade principalement les acteurs assurantiels qualifiés de systémiques, sont toujours en cours et ne se sont pas encore traduits par une réglementation. De son côté, l’Union Européenne, après avoir légiféré dans le domaine bancaire par la directive 2014/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (dite « BRRD »), n’a pas encore proposé d’initiative concrète pour un régime de résolution en assurance84.

Un tel régime de résolution permettrait à l’ACPR de prévenir la survenance de crises susceptibles d’affecter des organismes d’assurance et, le cas échéant, d’intervenir rapidement, au travers de pouvoirs spécifiques dédiés, sur ces acteurs afin d’éviter une faillite et ses éventuelles répercussions sur la stabilité financière, les deniers publics ou les droits des assurés.

2. Description de l’objectif poursuivi

La mesure conservatoire censurée par le Conseil constitutionnel constituait une mesure de police administrative de dernier ressort avant de procéder au retrait d’agrément et à la mise en liquidation de l’organisme d’assurance faisant face à des difficultés financières. Elle permettait de transférer un portefeuille de contrats à un autre organisme d’assurance offrant de meilleures garanties de solvabilité afin de préserver les intérêts des assurés de la gestion déficiente ou de la solvabilité dégradée d’un organisme, en cohérence avec la mission dévolue à l’ACPR aux termes de l’article L.612-1 du CMF.

Le Gouvernement propose donc de rétablir cette mesure conservatoire afin de redonner à l’ACPR cet outil prudentiel nécessaire à l’exercice de sa mission.

En outre, afin de renforcer la stabilité financière et de traiter préventivement les risques qui peuvent émerger dans le secteur de l’assurance, notamment dans le contexte de taux bas, le Gouvernement sollicite une habilitation à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires afin de poser les premiers jalons d’un régime national de résolution en assurance, sans attendre l’adoption d’un régime européen :

- en désignant l’ACPR comme autorité de résolution dans le secteur de l’assurance ;

- en permettant à cette autorité de demander préventivement (en amont de la phase de résolution) des plans de redressement aux organismes d’assurance assujettis à son contrôle ;

- en assignant à l’ACPR la mission de réaliser une analyse de la résolvabilité des organismes afin d’identifier les obstacles à la résolution et de prendre les mesures préventives qui s’impose pour les lever ;

- en définissant les conditions d’entrée en résolution.

Ces mesures sont à visée principalement préventive et ne couvrent pas, pour éviter tout risque de censure constitutionnelle, les mesures de mise en œuvre de la résolution proprement dite, susceptibles de porter atteinte aux droits des assurés ou des créanciers des organismes (tels que des pouvoir de bail-in), et qu’il est plus opportun de définir au niveau européen.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

La réintroduction proposée de la mesure de police administrative de transfert d’office de portefeuilles de contrat d’assurance est conçue de façon à répondre aux motifs d’inconstitutionnalité de la procédure précédemment censurée.

Ainsi, il est désormais proposé que, dans une première phase, l’organisme d’assurance puisse déposer de lui-même auprès de l’ACPR un projet de transfert de son portefeuille de contrats. Dans ce cadre, le prix de cession que l’organisme cédant est susceptible de négocier contractuellement avec l’organisme cessionnaire constituerait l’indemnisation du transfert imposé de son portefeuille. En cas d’échec de cette première phase, une deuxième phase s’ouvrirait dans laquelle l’ACPR lancerait elle-même un appel d’offres en vue du transfert d’office du portefeuille de contrats de l’organisme concerné, auquel il serait alors procédé sans que celui-ci puisse s’y opposer. Les offres de reprises qui seront déposées à l’ACPR pourraient comprendre une composante financière qui constituerait le cas échéant l’indemnisation de l’organisme qui se voit priver de son portefeuille85. In fine, si aucune offre satisfaisante de reprise n’était déposée à l’ACPR, l’organisme d’assurance concerné entrerait dans la procédure de résolution.

Concernant la résolution en assurance, eu égard à l’absence de perspectives concrètes pour une initiative internationale à court terme sur ce sujet, il a été fait le choix de prendre un texte au niveau national, afin de donner à l’ACPR les moyens nécessaires à sa mission de stabilité financière dans ce domaine.

Cette initiative nationale, dans l’attente de textes européens futurs, est similaire au choix qui avait été fait en matière bancaire avec la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, qui a permis d’anticiper la directive 2014/59/UE « BRRD ».

4. Impacts des mesures

Les mesures prévues concernent l’ensemble des organismes d’assurance (assureurs régis par le code des assurances, mutuelles régies par le code de la mutualité, institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale). Elles modifient le CMF, le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale.

Le renforcement des pouvoirs de l’ACPR en matière de prévention des difficultés des organismes d’assurance a d’abord pour but de concourir à la stabilité financière et d’éviter l’exposition des deniers publics ou de la garantie de l’État dans ce cas de figure. Il s’inscrit également dans le cadre d’un renforcement des mesures destinées à préserver les intérêts des assurés quand ceux-ci sont menacés par la solvabilité défaillante ou la gestion déficiente d’un organisme d’assurance. Le transfert de portefeuille, en particulier, permet d’assurer une continuité de la couverture d’assurance au profit de ces derniers.

Pour les organismes d’assurance susceptibles de faire l’objet d’une telle mesure conservatoire, l’impact potentiel reste excessivement limité étant donné la possibilité préalable laissée à l’organisme de procéder de lui-même au transfert de son portefeuille de contrats d’assurance. Quant aux autres mesures conservatoires visées par l’habilitation, elles sont susceptibles de s’imposer d’office à l’organisme, dans l’intérêt même de la continuité de son activité opérationnelle à moyen terme. Vu le champ de l’habilitation, ces mesures ne porteraient pas atteinte aux droits des assurés ou des créanciers de l’organisme.

5. Consultations menées

Les dispositions ont fait l’objet d’une consultation du Comité de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et du Conseil supérieur de la mutualité.

L’ACPR a également été consultée.

6. Modalités de mise en œuvre

6.1. Application dans l’espace

Conformément aux articles L.746-2, L.756-2 et L.766-2 du CMF, les dispositions relatives aux pouvoirs de police administrative de l’ACPR seront également applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna86. Une disposition expresse est prévue pour l’application des modifications proposées du CMF dans ces territoires (cf. article 6-2 et le 5° du I de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, l’article 7 et le 7° de l’article 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie Française et l’article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de TOM).

En revanche, les dispositions modifiant le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale ne seront pas applicables dans ces territoires : la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent d'une compétence propre en matière d'assurance en application de la loi n° 98-610 et la LO n°2004-192, et l’article L.71-1 du code des assurances précisant que les articles concernés du code des assurances ne s’appliquent pas dans les îles Wallis et Futuna.

6.2. Textes d’application

Les dispositions législatives qu’il est proposé d’introduire, s’agissant du transfert d’office de portefeuille, seront définies par décret, afin de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre du pouvoir de transfert d’office, en particulier la liste des documents que l’organisme doit mettre à disposition des éventuels futurs repreneurs dans le cadre de la procédure d’appel d’offres et les informations que devront contenir les offres qui seront déposées à l’ACPR.

Les dispositions relatives à la résolution en assurance nécessiteront la prise d’une ordonnance qui modifiera le chapitre II du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier, relatif à l’ACPR.

Article 22 : Intégration des organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes dans le champ de la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

1. État des lieux

Les organes centraux des groupes bancaires mutualistes et coopératifs mentionnés à l’article L.511-30 du code monétaire et financier (CMF) ne figurent pas dans la liste des entités qui relèvent de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel de résolution (ACPR) établie à l’article L.612-2 du même code.

La loi confère aux organes centraux des groupes bancaires coopératifs et mutualistes des prérogatives de puissance publique qu’ils peuvent exercer à l’égard des établissements qui leur sont affiliés. Les organes centraux participent en effet à la mise en œuvre de la mission de service public visant au maintien de la stabilité financière et à l’exercice du contrôle prudentiel, en exerçant un contrôle de premier rang sur leurs affiliés. L’article L.511-31 du CMF dispose ainsi que les organes centraux « veillent à la cohésion de leur réseau et de s'assurer du bon fonctionnement des établissements qui leur sont affiliés ». À cette fin, ils exercent un « contrôle technique, administratif et financier » sur les établissements affiliés et « peuvent prendre prennent toutes mesures nécessaires, notamment pour garantir la liquidité et la solvabilité de chacun de ces établissements comme de l'ensemble du réseau ». L’article L.511-32 du CMF dispose que « les organes centraux concourent, chacun pour ce qui le concerne, à l'application des dispositions législatives et réglementaires régissant les établissements de crédit ».

Les prérogatives de puissance publique sont le corollaire des spécificités de l’organisation des groupes bancaires coopératifs et mutualistes, dont l’organe central est détenu par les sociétaires, représentés au sein de structures locales et régionales. La forme de pyramide inversée de ces groupes nécessite d’assurer que la tête de groupe est en mesure d’exercer un contrôle sur les établissements de crédit qui constituent le groupe, alors même que ces derniers détiennent majoritairement son capital. Le contrôle exercé par les organes centraux sur les établissements qui leur sont affiliés est également le corollaire de la solidarité entre les établissements de crédit qui constituent le groupe.

2. Description des objectifs poursuivis

Du fait de l’importance des missions que leur confère la loi, il est nécessaire que les organes centraux soient soumis à la supervision de l’ACPR afin de permettre à l’autorité de supervision de contrôler spécifiquement les dispositions applicables aux organes centraux. Par exemple, l’ACPR sera compétente pour s’assurer que les organes exercent effectivement le contrôle technique, administratif et financier, prévu à l’article L.511-31 du CMF, sur les établissements qui leur sont affiliés.

3. Impacts des mesures proposées

L’ACPR est compétente, à compter de l’entrée en vigueur de la loi, pour contrôler le respect par les organes centraux de la législation et de la réglementation qui leur est applicable, qu’il s’agisse des dispositions applicables à l’ensemble des organes centraux (la sous-section 2 de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du Livre V de la partie législative du CMF) ou des dispositions spécifiques à chaque organe central. L’ACPR est en mesure d’exercer l’ensemble des pouvoirs de supervision qui lui sont conférés par le CMF, notamment ses pouvoirs de contrôle et de sanction.

4. Consultations menées

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été consulté.

Article 23 : Renforcement de la transparence et de la sécurité des opérations sur produits dérivés

1. État des lieux

Le renforcement de la sécurité et de la transparence des marchés de dérivés de gré à gré est un des principaux engagements pris par le G20 en réponse à la crise financière.

Lors du sommet de Pittsburgh en 2009, le G20 s’est ainsi engagé à imposer trois règles aux participants de ces marchés :

- déclaration de l’ensemble des dérivés de gré à gré à des référentiels centraux, bases de données gérées par des opérateurs privés auxquelles les superviseurs ont accès, afin de permettre aux superviseurs de suivre l’évolution, le développement et la localisation des risques sur les marchés de dérivés ;

- négociation sur plateforme et compensation par une chambre de compensation des dérivés de gré à gré standards et liquides, afin d’accroître la transparence et l’efficacité du marché (via la négociation sur plateforme) et de réduire le risque systémique (via l’effet de netting lié au passage par une chambre de compensation : pour chaque opération, la chambre de compensation s’interpose entre les deux parties ; il en résulte, pour chaque acteur de marché, une exposition globale « nette » sur la chambre, au lieu d’expositions multiples sur les autres acteurs) ;

- échange de garanties financières pour les autres dérivés de gré à gré, ce qui vient également limiter le risque systémique.

En 2012, l’Union européenne a adopté le règlement n° 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux (règlement EMIR) qui met en œuvre cet engagement du G20.

Le règlement EMIR entre en application progressivement : la déclaration des dérivés de gré à gré à des référentiels centraux est ainsi obligatoire depuis le 12 février 2014, mais la compensation obligatoire des dérivés de taux par une chambre de compensation entrera en vigueur en septembre 2016, tout comme l’obligation d’échanger des garanties financières pour les dérivés de gré à gré ne passant pas par une chambre de compensation.

Les autres juridictions ont également adopté leurs propres textes de mise en œuvre de l’engagement du G20 ; par exemple, les États-Unis ont adopté le Dodd-Franck-Act en 2010.

2. Description des objectifs poursuivis

Trois objectifs sont poursuivis : i) lever l’obstacle posé par le secret professionnel à la déclaration par les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’investissement de leurs dérivés à des référentiels centraux étrangers ; ii) mettre en place un dispositif de ségrégation juridique des garanties financières liées aux opérations de dérivés de gré à gré non compensées par une chambre de compensation ; iii) faciliter l’accès des participants de marché aux chambres de compensation.

i) Il s’agit tout d’abord de lever l’obstacle posé par le secret professionnel à la déclaration par les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’investissement de leurs dérivés à des référentiels centraux étrangers. Lorsqu’une de ces institutions conclut un dérivé avec un client, elle doit déclarer les détails de l’opération, et notamment l’identité du client, à un référentiel central du pays d’origine de celui-ci. Or, ceci n’est permis par les dispositions législatives relatives au secret professionnel que si le client a expressément donné son accord dans le cadre de l’opération en cause.

Cette restriction n’existe pas dans les autres grandes juridictions (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, etc.). Par ailleurs, pour les opérations régies par le règlement EMIR, elle est levée par l’article 9.4 du règlement. En revanche, pour les opérations régies par une règlementation étrangère (par exemple parce que le client de l’institution financière est un client étranger), l’institution financière n’a d’autre choix que de « masquer » l’identité de son client lorsqu’elle déclare l’opération au référentiel central étranger, si ce client ne donne pas son accord préalable.

Un tel masquage bénéficie d’une tolérance plus ou moins grande de la part des superviseurs étrangers.

En tout état de cause, cette pratique est contraire à l’objectif du G20, consistant précisément à permettre aux superviseurs de surveiller l’évolution du risque systémique à partir de données précises sur les principales caractéristiques de chaque opération sur dérivé, dont notamment l’identité des parties à l’opération. Un rapport du Financial Stability Board de fin 2015 recommande d’ailleurs justement aux juridictions membres du G20 de prendre les mesures législatives appropriées pour lever les obstacles à la déclaration des dérivés.

C’est la raison pour laquelle il est proposé d’aménager la loi afin de permettre aux établissements de crédit, chambres de compensation, sociétés de financement et entreprises d’investissement de déclarer leurs opérations de dérivés régies par des règlementations non européennes à des référentiels centraux, sans avoir l’obligation d’obtenir l’accord préalable de leurs clients.

ii) Il s’agit ensuite de mettre en place un dispositif de ségrégation juridique des garanties financières liées aux opérations de dérivés de gré à gré non compensées par une chambre de compensation. Conformément à l’engagement du G20, les acteurs de marché vont devoir échanger des garanties financières (marges initiales et marges de variation) pour couvrir le risque lié à leurs opérations sur dérivés de gré à gré ne passant pas par une chambre de compensation.

Certaines de ces garanties financières (les marges initiales) vont devoir être protégées contre le défaut du bénéficiaire des garanties. Cette règle a pour but d’éviter que l’échange de marges initiales, dont la vocation est de réduire le risque systémique, ne crée lui-même de nouvelles expositions.

Or, en droit français, un actif transféré en pleine propriété à un acteur de marché tombe naturellement dans le patrimoine de ce dernier et ne bénéficie d’aucune protection particulière en cas de défaut. Il apparaît donc nécessaire de créer un mécanisme de ségrégation juridique des marges initiales, isolant celles-ci du patrimoine propre de l’acteur de marché qui les reçoit en garantie. Ce mécanisme serait proche de celui déjà existant en droit français pour les dérivés compensés par une chambre de compensation, défini aux articles L.440-7 et L.440-8 du code monétaire et financier (CMF).

iii) Il s’agit enfin de faciliter l’accès des participants de marché aux chambres de compensation. Le règlement EMIR impose la compensation de certains types de produits dérivés par une chambre de compensation. Or, la plupart des participants de marché n’ont pas les capacités techniques et financières d’accéder directement aux chambres de compensation, et doivent le faire par l’intermédiaire d’adhérents compensateurs, qui sont le plus souvent des établissements de crédit.

Pour le bon fonctionnement de ce dispositif, indispensable afin de permettre à l’ensemble des participants de marché de se conformer à l’obligation fixée par le règlement EMIR, il convient de s’assurer que les mécanismes de résiliation-compensation, définis aux articles L.211-36 et suivants du CMF, puissent jouer pleinement. Ceci est le cas lorsque l’adhérent compensateur intervient dans le cadre du modèle dit principal to principal, dans lequel l’opération à compenser par la chambre se décompose en deux opérations symétriques, l’une entre la chambre et l’adhérent compensateur, l’autre entre l’adhérent compensateur et son client. En revanche, l’efficacité des mécanismes de résiliation-compensation est beaucoup moins avérée dans le cadre du modèle dit agency, dans lequel l’adhérent compensateur n’intervient qu’en tant que simple intermédiaire et ne devient pas lui-même partie à l’opération financière. Dans ce modèle, l’adhérent compensateur apporte cependant sa garantie à la chambre de compensation en cas de défaut du client ; il faut donc qu’il puisse compenser les sommes que peut lui devoir son client au titre de ce rôle d’intermédiaire et de garant avec les sommes que la chambre de compensation doit au client ; or, il n’est pas certain que les mécanismes actuels de résiliation-compensation puissent fonctionner dans cette relation trilatérale ; il est donc proposé d’expliciter dans la loi l’application de ces mécanismes aux obligations financières résultant des relations entre une ou plusieurs chambres de compensation, un adhérent compensateur et son client.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

i) Le secret professionnel peut être levé au cas par cas lorsque les personnes concernées ont expressément permis à l’entreprise d’investissement, l’établissement de crédit ou la société de financement de le faire. Cependant, à certains égards, cette restriction est contradictoire avec l’obligation faite à ces institutions de déclarer l’identité de leurs contreparties à un référentiel central, qui demeure même si ces contreparties ne donnent pas leur accord pour cette déclaration. Dans ce dernier cas, les institutions financières n’ont alors d’autre choix que de renoncer à conclure l’opération en question, ou à masquer l’identité de leur contrepartie, ce qui n’est pas satisfaisant. Il apparaît donc nécessaire de modifier la loi sur cet aspect.

ii) Les acteurs de marché peuvent échanger des garanties financières sous forme de transfert en pleine propriété ou de sûreté. Lorsqu’un acteur de marché remet des marges initiales à sa contrepartie sous forme de sûreté, ces marges ne deviennent pas la propriété de la contrepartie et sont donc protégées en cas de défaut de cette contrepartie. Un tel mécanisme est donc compatible avec l’obligation fixée par le règlement EMIR et ses textes d’application (cf. ci-dessus). Cependant, pour des raisons techniques, d’efficacité opérationnelle et de sécurité juridique, la plupart des acteurs de marché ont aujourd’hui recours au transfert en pleine propriété qui n’est, quant à lui, pas compatible avec une telle obligation. Afin de maintenir la compétitivité des acteurs de marché français, il apparaît donc indispensable de créer un régime spécifique de ségrégation juridique des marges initiales transférées en pleine propriété.

iii) L’obligation de faire compenser certaines opérations de dérivés par une chambre de compensation devrait accroître significativement le volume des opérations transitant par ces chambres. Comme indiqué ci-dessus, la plupart des acteurs de marché doivent en réalité passer par l’intermédiaire d’un adhérent compensateur pour faire compenser leurs opérations par une chambre. Il résulte de ceci que les adhérents compensateurs vont devoir intermédier un nombre croissant d’opérations. Dans ce contexte, le modèle agency (cf. ci-dessus) pourrait être amené à se développer ; or, l’application effective des mécanismes de résiliation-compensation dans le cadre de ce modèle est importante pour permettre ce développement. Il apparaît donc nécessaire de modifier la loi pour expliciter l’application de ces mécanismes aux obligations financières résultant des relations entre une chambre de compensation, un adhérent compensateur et son client.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

i) Les mesures proposées permettent tout d’abord aux établissements de crédit, aux chambres de compensation, aux sociétés de financement et aux entreprises d’investissement de communiquer à des référentiels centraux étrangers, en application de droits étrangers, des informations relatives à des opérations sur produits dérivés normalement couvertes par le secret professionnel.

impacts économiques et financiers

S’agissant de la mesure renforçant la transparence du marché des dérivés de gré à gré, elle permettra aux institutions assujetties au secret professionnel de déclarer des opérations de dérivés de gré à gré sans avoir, en l’absence d’accord de leur client, à masquer l’identité de ce client. De ce fait, les déclarations de ces institutions pourront être utilisées par les régulateurs financiers dans le cadre de leur mission de surveillance du marché des dérivés, conformément à l’engagement pris par le G20 en 2009. La mesure proposée contribue donc à renforcer la transparence de ce marché.

L’impact financier direct de ces mesures devrait être négligeable : en effet, les institutions financières visées par la mesure disposent déjà de mécanismes internes ou externes permettant la déclaration des opérations en cause, mais masquent simplement certaines informations (en particulier l’identité du client) de la déclaration compte tenu du secret professionnel. La fin de ce masquage ne devrait donc pas entraîner de coûts supplémentaires significatifs.

En revanche, l’impact financier indirect, pour les populations aujourd’hui assujetties au secret professionnel, pourrait être important à terme bien que difficilement quantifiable : en effet, en l’absence de réforme, les institutions en cause seraient à moyen terme dans l’impossibilité de se conformer à la fois aux exigences de déclaration en application de droits étrangers et aux exigences du secret professionnel sans divulguer l’identité de leur client, ce qui suppose l’accord préalable de ce dernier. Or, certains clients ne souhaitant pas donner un tel accord,  une telle situation priverait de fait ces institutions de la possibilité de contracter avec de tels clients.

ii) D’après l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), le montant notionnel de dérivés de gré-à-gré ne passant pas par une chambre de compensation, après entrée en vigueur des obligations de compensation, devrait s’élever à environ 75 trillions d’euros. Ce sont ces opérations qui seraient couvertes par l’obligation d’échanger des marges initiales, pour un montant total de marges initiales estimé entre 200 et 400 Md€ à l’échelle de l’UE par l’AEMF.  

impacts économiques et financiers

La protection des marges initiales contre le défaut du bénéficiaire introduite par le nouvel article L.211-38-1 portera sur une partie de ces 200 à 400 Md€, correspondant aux marges déposées chez des participants de marché français.

La collecte, par une partie à une opération de dérivés de gré-à-gré, de marge initiale permet de réduire le risque économique auquel elle est exposée ; cependant, en l’absence de protection de la marge initiale contre son propre défaut, cette collecte accroît le risque économique auquel sa contrepartie est exposée. Le mécanisme proposé, qui vient établir clairement une protection de la marge initiale collectée contre le défaut du bénéficiaire de cette marge, viendra donc assurer que la réduction du risque chez le bénéficiaire ne s’effectue pas au détriment d’un accroissement du risque chez le constituant de la marge.

S’agissant de la mesure de facilitation de l’échange de marges initiales, elle permettra d’effectuer un tel échange de marges initiales à travers un transfert en pleine propriété de cash ou de titres financiers, plutôt que via la constitution de sûretés (par ex. nantissement de compte-titre) dont le formalisme et la réalisation sont plus lourds. De ce fait, elle rendra plus facile l’échange de marges initiales en droit français, et accroîtra donc l’efficacité du marché des produits dérivés de gré-à-gré.

iii) La règlementation financière adoptée en réponse à la crise de 2008 prévoit le passage en chambre de compensation des opérations sur produits dérivés de gré-à-gré. Les produits les plus liquides et les plus standards font l’objet d’une obligation de passage en chambre de compensation. Les autres produits font l’objet d’une incitation de passage en chambre de compensation, qui prend la forme d’exigences de collatéral s’appliquant aux opérations ne passant pas par une telle chambre, ce qui augmente le coût relatif de ces opérations.

impacts économiques et financiers

Dans l’UE, l’obligation de compensation entre en vigueur à compter du 21 juin 2016 pour les swaps de taux (contrat d’échange de taux d’intérêt), et probablement à la mi-2017 pour les credit default swaps (contrats d’échange de crédit).

Les volumes en jeu sont considérables : ainsi, à mi-2015, le montant notionnel de dérivés de gré-à-gré sur les taux d’intérêt s’élève à 435 trillions d’euros, et le montant notionnel de dérivés de crédit de gré-à-gré s’élève à 15 trillions d’euros.

Or, le passage par une chambre de compensation s’effectue, dans la plupart des cas, au travers d’un adhérent compensateur (le plus souvent un établissement de crédit). En effet, l’adhésion directe à une chambre de compensation suppose de disposer de processus opérationnels et de gestion des risques très sophistiqués, ainsi que d’une robustesse financière importante. Or, le recours à un adhérent compensateur est consommateur de fonds propres chez celui-ci, dans la mesure où l’adhérent n’est, en règle générale, pas transparent et se porte garant de ses clients auprès de la chambre de compensation et porte ainsi un risque économique.

Aussi, la mesure de réduction de l’exposition en risque des adhérents compensateurs permettra de faire jouer le mécanisme de résiliation-compensation sur une base trilatérale, permettant ainsi à l’adhérent compensateur, en cas de défaut de son client, de compenser les sommes qu’il pourrait devoir à la chambre, ou aux chambres, auxquelles il fournit un accès à son client, avec les sommes que cette ou ces chambres doivent à son client. De ce fait, il réduit son exposition économique et donc, potentiellement, le coût en fonds propres du service qu’il fournit à son client. Pour les clients, la réduction de l’exposition en risque des adhérents compensateurs peut conduire à une réduction du coût en fonds propres.

Or, la rémunération des fonds propres engagés par l’adhérent compensateur est une des composantes des frais facturés aux clients souhaitant faire compenser leurs opérations par une chambre de compensation.

Par conséquent, la mesure proposée viendra réduire la base de coûts refacturés par l’adhérent compensateur à ses clients, ce qui peut se traduire par une réduction globale des coûts pour les clients.

5. Consultations menées

Ont été consultées :

- les régulateurs concernés (Autorité des marchés financiers - AMF, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - ACPR, Banque de France) ;

- les principales associations représentatives des acteurs de marché.

Ont également été consultés le Comité consultatif de la législation et de la règlementation financière (CCLRF) et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).

6. Modalités de mise en œuvre

L’application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna des mesures proposées est renvoyée aux dispositions spécifiques à l’outre-mer du présent projet de loi.

Article 24 : Immunités d’exécution des États étrangers

Le droit de l'exécution, qui permet à un créancier muni d'un titre exécutoire de prendre des mesures de contrainte à l'encontre des biens de son débiteur, est une composante du droit au procès équitable. Il connaît néanmoins des limites, notamment liées aux immunités de juridiction et d'exécution dont jouissent les États, et aux immunités diplomatiques. Le développement, ces dernières années, de stratégies de recouvrement mises en œuvre en France par certains créanciers à l'encontre de biens appartenant à des États étrangers, et le caractère fluctuant de la jurisprudence en matière d'immunités d'exécution, est susceptible d'occasionner des difficultés diplomatiques. Il est dès lors apparu nécessaire de se doter d'une législation permettant de clarifier la protection conférée aux biens des États lorsqu'elle est garantie par le droit international, tout en protégeant la possibilité d'obtenir l'exécution des décisions de justice lorsque les biens visés ne sont pas protégés par des immunités.

1. État des lieux

1.1. Diagnostic

Le droit de l'exécution français a été refondu par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991portant réforme des procédures civiles d'exécution, et codifié quasiment à droit constant par l'ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 : ces textes permettent au créancier muni d'un titre exécutoire (jugement définitif ou assorti de l'exécution provisoire, acte notarié, etc.) d'engager les procédures d'exécution appropriées, de son choix, contre les biens de son débiteur. Il peut s'agir de saisie-attribution de compte bancaire, de saisie-vente, de saisie immobilière, etc. Chacune de ces procédures d'exécution est réglementée dans le code des procédures civiles d'exécution, entré en vigueur le 1er juin 2012. Dans ces procédures, un rôle central est dévolu à l'huissier de justice mandaté par le créancier. Le juge de l'exécution n'intervient qu'a posteriori, pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui peuvent naître à l'occasion de l'exécution forcée (article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire), sauf lorsqu’il est saisi d’une demande de mesure conservatoire par la personne dont la créance paraît fondée en son principe qui justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

Le Conseil constitutionnel juge qu'il appartient au législateur de définir les modalités selon lesquelles, pour permettre l'exécution des décisions civiles et commerciales, les droits patrimoniaux des créanciers et des débiteurs doivent être conciliés, et que l'exécution forcée est au nombre des mesures qui tendent à assurer cette conciliation87.

La Cour européenne des droits de l'homme considère le droit à l'exécution comme une composante de l'État de droit : l'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, est considéré comme « faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6 »88. Par ailleurs, le droit à l'exécution des sentences arbitrales est protégé de la même façon que celui à l'exécution des décisions des juridictions étatiques : les créances, constatées dans une sentence ou un jugement définitif constituent un bien protégé en vertu de l'article 1er du protocole n° 189.

Outre les immunités d'exécution réelles liées au caractère insaisissable de certains biens90, il existe des immunités d'exécution personnelles, qui font obstacle à toute voie d'exécution à l'encontre des biens appartenant à certaines personnes. L'alinéa 3 de l'article L.111-1 du code des procédures civiles d'exécution (CPCE) prévoit expressément que « l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution ».

En droit interne, les personnes morales de droit public91 bénéficient d'une immunité d'exécution attachée à leur statut, en vertu d'un principe général du droit, qui est fondé sur le principe de continuité du service public. La jurisprudence a d'ailleurs étendu ce principe aux personnes publiques exerçant une activité industrielle et commerciale92.

En droit international, le principe de l'immunité d'exécution des États découle du respect mutuel de la souveraineté et de l'égalité des États. C'est un principe non écrit, qui n'est énoncé dans aucun code en France, mais auquel la jurisprudence judiciaire se réfère régulièrement. Ce droit coutumier a été codifié dans la convention de New York de 200493, ratifiée par la France, mais non encore entrée en vigueur dans l'ordre international.

L'article 18 de la convention prévoit qu'il ne peut y avoir de mesure de contrainte (saisie et saisie-arrêt) antérieurement au jugement contre les biens d'un État, sauf si :

a) l'État a expressément consenti à l'application de telles mesures dans les termes indiqués par un accord international, par une convention d'arbitrage ou un contrat écrit, ou par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite faite après la survenance d'un différend entre les parties

ou

b) l'État a réservé ou affecté une partie des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure

L'article 19 de la convention prévoit qu'il ne peut y avoir de mesure de contrainte (saisie, saisie-arrêt, saisie-exécution) postérieure au jugement, sauf si :

a) l'État a expressémen$t consenti à l'application de telles mesures dans les termes indiqués par un accord international, par une convention d'arbitrage ou un contrat écrit, ou par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite faite après la survenance d'un différend entre les parties

ou

b) l'État a réservé ou affecté une partie des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure

ou

c) il est établi que les biens sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et sont situés sur le territoire de l'État du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée.

Enfin, l'article 21de la convention liste les biens qui n'ont pas vocation à entrer dans le domaine d'application du c) de l'article 19. Y figurent notamment : les biens, y compris les comptes bancaires, destinés à être utilisés dans l'exercice des fonctions de la mission diplomatique de l'État ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, les biens de caractère militaire, les biens de la banque centrale ou d'une autre autorité monétaire de l'État, les biens faisant partie du patrimoine culturel de l'État ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente.

Actuellement, la Cour de cassation admet que l'immunité soit exceptionnellement écartée lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique et commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice94, ou encore « lorsque le bien concerné se rattache, non à l'exercice d'une activité de souveraineté, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice »95.

Par ailleurs, la convention de Vienne sur les immunités diplomatiques de 1961 (ratifiée par la France et entrée en vigueur dans l'ordre international) énonce les principes applicables en la matière : « les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transports de la mission ne peuvent faire l'objet d'aucune (…) saisie ou mesure d'exécution » (article 22), « l'État accréditaire accorde toutes facilités pour l'accomplissement des fonctions de la mission » (article 25), « la demeure privée de l'agent jouit de la même inviolabilité et de la même protection que les locaux de sa mission » (article 30).

En 2011, la Cour de cassation avait considéré « qu'en vertu du droit international coutumier, les missions diplomatiques des États étrangers bénéficient, pour le fonctionnement de l'État accréditaire et les besoins de sa mission de souveraineté, d'une immunité d'exécution autonome à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale ; que cette immunité s'étend, notamment, aux fonds déposés sur les comptes bancaires de l'ambassade ou de la mission diplomatique ». Cette jurisprudence, applicable aux immunités diplomatiques, a été généralisée en 2013 à l'immunité d'exécution de droit commun des États96.

1.2. Éléments de droit comparé

Plusieurs autres États se sont dotés d'une législation en la matière : le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Australie, l'Espagne, la Belgique.

En Allemagne, il n'existe aucune loi spécifique, c'est la jurisprudence de la cour constitutionnelle fédérale (BverG) qui énonce les conditions pour qu'un État renonce à son immunité d'exécution.

Selon les pays, les conditions de la renonciation d'un État étranger à son immunité d'exécution peuvent varier.

L'Australie, l'Allemagne et la Belgique exigent ainsi une renonciation expresse et spécifique (ou spéciale). La législation belge97 reprend les critères explicités à l'article 19 de la convention de New York de 2004, mais précise que la renonciation doit être expresse et spécifique. Conformément à l'avis du Conseil d'État98, la législation belge prévoit une procédure judiciaire préalable qui permet de s'assurer que les conditions d'une saisie des biens d'une puissance étrangère sont réunies.

D'autres pays n'exigent pas de conditions cumulatives.

La législation espagnole99 reprend également les termes de la convention de New York de 2004 pour les immunités des États étrangers, à savoir une renonciation expresse ou tacite, tout en définissant la renonciation tacite comme le fait d'avoir affecté des biens à la satisfaction de la demande en justice. Elle reprend également le principe conventionnel selon lequel la renonciation à l'immunité de juridiction n'emporte pas renonciation à l'immunité d'exécution. Elle prévoit que les tribunaux soulèvent d'office les questions relatives à l'immunité traitées par ladite loi, et qu'ils s'abstiennent de connaître des affaires relatives à des mesures d'exécution relatives à des personnes qui bénéficient d'immunités en vertu de ladite loi.

La législation canadienne prévoit également une renonciation expresse ou tacite à l'immunité d'exécution.

Aux États-Unis, il est prévu que la renonciation d'un État étranger à l'immunité d'exécution de ses missions diplomatiques peut être expresse ou implicite (la jurisprudence précise qu'elle doit alors être intentionnelle). Les conventions d'arbitrage représentent la majorité des cas de renonciation implicite.

Enfin, la législation du Royaume-Uni exige seulement que la renonciation de l'État à son immunité d'exécution soit écrite.

2. Objectifs poursuivis et nécessité de légiférer

La jurisprudence de la Cour de cassation a fait l’objet d’un revirement en mai 2015 : en effet, alors que jusqu'à présent la Haute juridiction exigeait que la renonciation à l'immunité autonome des biens diplomatiques soit expresse et spéciale100, dans l'affaire Commissimpex c. Congo, elle a énoncé que « le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution » 101.

Par ailleurs, la France apparaît relativement isolée au plan international sur la procédure en vigueur pour obtenir la mise en place de mesures de saisie, qu'elles soient faites antérieurement ou postérieurement à l'obtention d'un titre exécutoire : aucune autorisation judiciaire préalable n'est nécessaire (sauf s'agissant des mesures conservatoires sans titre), ce qui revient à faire courir un risque sérieux aux États étrangers, qui peuvent voir leurs biens saisis alors même que les conditions pour ce faire ne seraient pas réunies.

Bien que non exigée par les traités internationaux dont la France est signataire, une autorisation judiciaire préalable, qui serait instaurée à titre dérogatoire pour les mesures d'exécution portant sur les biens des États étrangers, se justifie donc par la complexité des vérifications à opérer pour s'assurer de la saisissabilité des biens soit en raison de leur nature, soit parce que l’État a renoncé à son immunité d’exécution.

3. Options

3.1. Option écartée

Une transcription dans la loi des engagements internationaux sur les immunités d’exécution, mais sans autorisation judiciaire préalable risquerait de laisser subsister un contentieux important et de ne pas assurer une protection efficace aux biens des États bénéficiant des immunités.

Une transcription dans la loi des engagements internationaux sur les immunités d’exécution, avec nécessité d’une autorisation judiciaire préalable dans le cadre d’une instance contradictoire engagée par assignation risquerait de mettre à néant l’effet de surprise conféré aux voies d’exécution et de porter une atteinte excessive aux intérêts du créancier poursuivant.

3.2. Option retenue

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire de procéder à une transposition des engagements internationaux de la France sur les immunités d’exécution, avec nécessité d’une autorisation judiciaire préalable, mais dans le cadre d’une procédure non contradictoire, engagée sur requête du créancier poursuivant : l’effet de surprise induit par cette procédure permettra d’assurer une protection plus efficace des biens bénéficiant d’une immunité, tout en ménageant à l’État poursuivi un recours juridictionnel dans le cadre d’un débat contradictoire.

4. Impacts des dispositions envisagées

4.1. Impacts juridiques

L'architecture générale du droit de l'exécution en France est impacté à la marge, la dérogation introduite à l'absence d'autorisation judiciaire préalable étant somme toute circonscrite.

S’agissant des juridictions, l’incidence de ces mesures est également limité car en la matière, les contestations sont quasiment systématiques et se poursuivent souvent jusqu’en cassation, et le mécanisme de l'autorisation préalable déjà connu des juges de l’exécution (mesures conservatoires sans titre).

4.2. Impact diplomatique

Ces mesures auront un impact positif sur les relations diplomatiques de la France dont la législation ainsi amendée permettra de garantir une sécurité aux missions diplomatiques et de consolider ainsi l'implantation en France de représentations diplomatiques et consulaires.

4.3. Impact sur l’économie

Ces mesures auront un effet vertueux face aux stratégies contentieuses de certains créanciers qui procèdent à des tentatives de voies d’exécution alors même que le bien est susceptible de revêtir un caractère immune en vertu du droit international.

Titre IV : De la protection et des droits des consommateurs en matiÈre financiÈre

Article 25 : Réduction de la validité des chèques de 12 à 6 mois

1. État des lieux

Suivant les dispositions de l’article L.131-59 du code monétaire et financier (CMF), le chèque a une durée de validité d’un an. L’article L.131-59 prévoit que l’action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit un an à partir de l’expiration du délai de présentation.

2. Description des objectifs poursuivis

Il est proposé de réduire la durée de validité du chèque de un an à six mois.

Cette mesure résulte des recommandations formulées dans le cadre de la consultation conduite en 2015 qui a permis de formaliser la stratégie nationale sur les moyens de paiement publiée le 15 octobre 2015. Elle vise à encourager l’utilisation de moyens de paiement alternatif (cartes, virements, prélèvements, etc.) et à diminuer l’incertitude liée au délai d’encaissement du chèque.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Même s’il se place en quatrième position après la carte, les prélèvements, et les virements, le chèque représente encore 14 % des paiements scripturaux, avec 2,6 milliards de chèques émis en 2013, pour un montant total de 1.320 Md€ (soit 5 % des paiements). À cet égard, la France occupe une position atypique au sein de l’Union européenne avec 71 % des chèques émis dans cette zone.

Après une baisse régulière mais modérée depuis 2000, le chèque a connu en 2013 un recul marqué de
- 7 % par rapport à 2012 qui s’explique principalement par l’obligation introduite par la loi du 28 mars 2011 d’assurer par virement les paiements au-dessus de 3.000 € effectués ou reçus par un notaire pour le compte de parties à un acte reçu en la forme authentique et donnant lieu à publicité foncière.

Selon une étude produite pour le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) en 2011, les chèques sont essentiellement utilisés par les familles (paiement des cantines scolaires, activités sportives et culturelle, etc.) et les très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) dans leurs relations avec leurs clients ou leurs fournisseurs. Même s’il est encore plébiscité par une fraction de la population, pour sa simplicité d’usage et sa gratuité, ainsi que la possibilité de paiements fractionnés, le chèque présente plusieurs inconvénients, notamment (i) un circuit d’encaissement peu fluide (risque de pertes du chèque par le bénéficiaire, incertitude sur la date d’encaissement du chèque, vérification de l’identité en caisse, etc.), (ii) le risque d’impayés pour les commerçants qui conduit nombre d’enseignes à les refuser, ou ( iii) les coûts de traitement pour les banques et les commerçants.

Parmi les options envisageables pour l’avenir du chèque, l’introduction de restrictions d’usage à court terme ou sa tarification n’ont pas été recommandées. En revanche, la réduction de sa durée de validité permettrait de diminuer l’incertitude sur la date d’encaissement du chèque. Cette durée étant de nature législative, une disposition législative est nécessaire pour la modifier.

4. Impacts des mesures

L’impact de la réduction de la durée de validité du chèque devra être apprécié en relation avec les autres mesures prévues par la stratégie nationale sur les moyens visant à accentuer l’utilisation de moyens de paiement électronique.

5. Consultations menées

Diverses concertations ont eu lieu auprès d’établissements bancaires, d’entreprises, d’associations de consommateurs, d’organisations représentatives des commerçants, de TPE-PME.

La Banque de France a également été consultée sur cette mesure.

Enfin, le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été consulté.

6. Modalités de mise en œuvre

Il est prévu dans ce projet de loi l’extension, sans adaptation, des modifications opérées par le présent article à l’article L.131-59 du CMF en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Article 26 : Habilitation pour la transposition de la directive sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base

1. Difficulté à résoudre

La directive 2014/92/UE du 23 juillet 2014 du Parlement européen et du Conseil sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestation de base (dite « PAD ») institue un encadrement harmonisé au niveau européen en matière d’accès et d’utilisation de comptes de paiement par les consommateurs.

Cette directive est pour partie d’ores et déjà transposée dans le droit français.

Ainsi, s’agissant du renforcement de la transparence des frais associés aux comptes de dépôt et de paiement (via l’établissement d’une liste des tarifs les plus représentatifs et d’un document d’information tarifaire normalisés au niveau de l’Union européenne - UE, ainsi que la fourniture gratuite de relevés de comptes annuels), le code monétaire et financier (CMF) comporte d’ores et déjà, dans sa partie législative, de nombreuses dispositions en matière d’information et de transparence tarifaires (par ex. art. L.3121-1 et L.314-7) permettant de satisfaire à l’essentiel des exigences de la directive. Les adaptations requises relèveront a priori uniquement de la partie réglementaire du code et ne pourront être envisagées qu’une fois les termes et formats de l’information tarifaire normalisés au niveau européen en application d’actes délégués qui seront adoptés à l’issue du délai de transposition de la directive.

De même, la mise en place au début de l’année 2016 d’un comparateur public, géré par le Comité consultatif du secteur financier et le Ministère de l’économie et des comptes publics, ainsi que l’insertion dans le code de la consommation, par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, d’un article L.111-5 du code de la consommation relatif aux sites comparateurs assureront la conformité de notre réglementation à l’encadrement des sites comparateurs de tarifs bancaires imposé par la directive.

S’agissant des dispositions relatives à la mobilité bancaire, celles-ci ont été inscrites dans la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dont les dernières mesures d’application ont été adoptées en début d’année.

Pour le reste des dispositions de la directive, leur transposition nécessite uniquement des adaptations, du CMF. Il s’agit de l’accès non discriminatoire à un compte de paiement, offrant des services bancaires de base à un coût raisonnable, garanti à tout consommateur résidant légalement sur le territoire de l’UE, la réglementation bancaire française comporte d’ores et déjà un droit au compte, réservé aux résidents sur le territoire national et aux ressortissants français en dehors du territoire national (L.312-1 du CMF). Il conviendra de l’étendre a minima à tout résident sur le territoire européen, sous réserve, ainsi qu’y autorise la directive, qu’il démontre un « intérêt effectif ».

2. Description des objectifs poursuivis

La directive « PAD » institue un encadrement harmonisé au niveau européen en matière d’accès et d’utilisation de comptes de paiement par les consommateurs.

Ce cadre couvre les domaines suivants : i) la transparence et la comparabilité des frais bancaires payés par les consommateurs pour leurs comptes de paiement dans l’Union européenne ; ii) les services de changement de compte de paiement fournis par les prestataires aux consommateurs ; iii) le droit des consommateurs résidant légalement dans l’Union européenne d’ouvrir et d’utiliser un compte de paiement assorti de prestations de base dans l’Union européenne, quels que soient leur nationalité et l’État membre de résidence. C’est essentiellement cette troisième partie qui est concernée par la présente demande d’habilitation

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

L’impact de la transposition des dispositions susmentionnées demeure, compte tenu de l’état de la réglementation française, relativement circonscrit pour les établissements qui auront à appliquer cette nouvelle réglementation : environ 400 établissements (établissements de crédit et établissement de paiement) qui devront notamment mener des adaptations éditiques et seront amener à offrir le service de base à un périmètre élargi de consommateurs.

Les consommateurs bénéficieront quant à eux d’une comparabilité accrue des tarifs bancaires au niveau européen.

4. Consultations envisagées

Des consultations ont été menées au cours des négociations européennes et des textes de transposition relatifs à la mobilité bancaire avec les acteurs les plus concernées notamment :

- la Fédération bancaire française (FBF) et des établissements bancaires

- l’Association des sociétés de financement (ASF)

- des associations de consommateurs

- des entreprises industrielles

De même, certains organismes publics ont été associés aux négociations :

- la Banque de France

- l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Une nouvelle concertation sera engagée dans le cadre de l’élaboration de l’ordonnance pour laquelle une habilitation est sollicitée auprès des représentants des professionnels (FBF, ASF, etc.), et des associations représentatives de consommateurs.

5. Modalités de mise en œuvre

Il est prévu de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les mesures de transposition envisagées et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires, le cas échéant, de ces mesures en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Article 27 : Habilitation pour la transposition de la directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite « DSP2 ».

1. Difficulté à résoudre

La directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur (dite « DSP2 »), modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n°1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE, révise la directive (UE) n°2007/64/CE adoptée le 13 novembre 2007 et transposée en droit interne par l’ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement et portant création des établissements de paiement.

Elle fixe les règles régissant l’accès à l’activité consistant à fournir des services de paiements, la supervision des prestataires de services de paiement, les modalités techniques applicables aux opérations paiements et les droits et obligations des parties à un service de paiement (PSP).

2. Description des objectifs poursuivis

Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de directive révisant la directive sur les services de paiement, il est observé que le cadre juridique établi par la directive 2007/64/CE sur les services de paiement (dite « DSP1 ») a permis de réaliser des progrès conséquents concernant l’intégration globale du marché européen des paiements de détail mais certains problèmes spécifiques persistent dans le domaine des paiements par carte, internet et téléphone mobile notamment :

- un manque de normalisation et d’interopérabilité entre les différentes solutions, en particulier au niveau transfrontalier ;

- l’absence de cadre juridique approprié à l’activité de nouveaux services apparus dans le secteur des paiements électroniques, notamment les services d’initiation des paiements bancaires en ligne offerts par des fournisseurs tiers ;

- des interprétations et applications très divergentes de cette législation dans les États membres. Les critères d’exemption sont trop généraux ou obsolètes au vu des évolutions du marché et sont interprétés de différentes façons par les États membres.

Deux objectifs généraux couvrent les problèmes identifiés.

Le premier est de créer des conditions de concurrence égales pour toutes les catégories de fournisseurs de services de paiement afin d’améliorer le choix, l’efficacité, la transparence et la sécurité des paiements de détail.

Le second est de faciliter l’offre de services transfrontaliers de paiement par carte, internet et téléphone mobile innovants en établissant un marché unique pour tous les paiements de détail.

Il en découle six objectifs spécifiques:

- combler les lacunes en termes de normalisation et d’interopérabilité pour les paiements par carte, internet et téléphone mobile ;

- supprimer les obstacles à la concurrence, en particulier pour les paiements par carte et par internet ;

- aligner les pratiques de tarification et d’orientation du choix des clients pour les services de paiement dans toute l’UE ;

- veiller à ce que les nouveaux types de services de paiement soient couverts par le cadre réglementaire ;

- garantir une application uniforme du cadre législatif dans tous les États membres ;

- protéger les intérêts des consommateurs en étendant la protection réglementaire aux nouveaux canaux de paiement et aux services de paiement innovants.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

Les changements les plus significatifs apportés par la nouvelle directive portent essentiellement sur son champ d’application, l’encadrement de nouveaux acteurs qui s’intercalent entre les banques et leurs clients soit pour réaliser des paiements soit pour consulter leurs comptes ou fournir des informations synthétiques, le renforcement de la supervision et l’élévation des standards de sécurité des établissements de paiement exerçant leur activité à travers l’Union européenne.

Le champ d'application de la directive (art. 2) serait modifié pour que les titres 3 et 4 puissent s'appliquer aux opérations en toutes devises lorsque les deux PSP impliqués dans l'opération de paiement, ou le seul PSP impliqué, sont situés dans l'UE et aux opérations en toutes devises lorsqu’un seul des PSP engagés dans la transaction est situé au sein de l’UE et pour la partie de la transaction qui se déroule dans l’UE (''one-leg transactions'').

Certaines exclusions du champ d'application de la directive (art. 3) seraient modifiées pour préciser les activités exclues afin de tenir compte des interprétations et applications divergentes entre les États membres et afin d'y intégrer de nouvelles activités. La DSP2 ajoute également des formalités pour les personnes fournissant des services de paiement dans le cadre de cette exclusion (art. 37). 

3.1. Le régime applicable aux établissements de paiement

Les conditions d'agrément (art. 5) des établissements de paiement pourraient être complétées par des descriptions de procédures en matière de sécurité (incidents et réclamations des clients), d'accès aux données de paiement sensibles, de continuité des activités, de collecte des données statistiques relatives aux performances, aux opérations et à la fraude, de politique de sécurité et de vérifications sur place ou sur pièces.

Un contrôle de l’actionnariat (art. 6) est également mis en place par la DSP2 qui aligne ainsi la réglementation des établissements de paiement sur celle des Etablissements de monnaie électronique. Ainsi, l'autorité compétente doit être informée avant la réalisation de toute opération d’acquisition ou de cession portant sur une participation qualifiée avec des seuils de 20, 30 et 50 % du capital ou des droits de vote. Elle peut s’opposer à l’opération envisagée ou prendre des mesures adaptées pour faire cesser la situation si elle estime que l’influence de l’acquéreur potentiel est susceptible de se faire au détriment d’une gestion saine et prudente de l’établissement de paiement. Ces mesures peuvent aller de l’injonction à des sanctions à l’encontre des dirigeants ou responsable de la gestion en passant par la suspension des droits de vote. Des mesures similaires peuvent être prises lorsque l’autorité n’est pas préalablement informée.

La protection des fonds des utilisateurs de services de paiement (art. 10) par un cantonnement des fonds collectés pour l'exécution d'opérations de paiement ou par une couverture de ces fonds par une police d'assurance ou une autre garantie comparable, devient obligatoire pour l’ensemble des établissement de paiement. Sous DSP1, il s’agissait d’une obligation uniquement pour les établissements de paiement hybrides et les États membres (EM) pouvaient opter pour l’application de cette obligation à l’ensemble de leurs établissements de paiement.

Les dispositions relatives au recours à des agents (art. 19) seraient amendées pour améliorer l'information des autorités compétentes et formaliser le délai d'instruction de ces déclarations. Ainsi, la notification à l’autorité compétente devrait mentionner les services de paiement pour lesquels l’agent a été mandaté et les établissements de paiement doivent informer sans délai les autorités compétentes de toute modification concernant les agents, y compris le recours à de nouveaux agents, ou les autres entités auprès desquelles des activités sont externalisées. La directive prévoit désormais que les autorités compétentes disposent d'un délai de 2 mois pour décider de l’inscription d’un agent dans le registre.

Enfin, l'agrément dérogatoire (art. 32) serait maintenu avec un plafond de volume de transactions à 3 M€ et ne pourrait porter sur la fourniture des services d'initiation de paiement et d'information sur les comptes. Les EM n’ont pas d’obligation de transposer cette option et peuvent abaisser le plafond de transactions. 

3.2. Les nouveaux services de paiement

La DSP2 crée en outre deux nouveaux services de paiement

- le service d'initiation de paiement (service mentionné au point 7 de l'annexe I de la DSP2) consistant à initier un ordre de paiement à la demande d'un utilisateur à partir d'un compte de paiement détenu auprès d'un autre prestataire de services de paiement ;

- le service d'information sur les comptes (service mentionné au point 8 de l'annexe I de la DSP2) consistant à fournir des informations consolidées concernant un ou plusieurs comptes de paiement détenus par l'utilisateur auprès d'un ou plusieurs autres prestataires de services de paiement.

Le législateur européen a considéré que la fourniture de ces services représentait un risque modéré en raison notamment de l'absence de détention de fonds pour le compte des utilisateurs. Il a donc décidé qu'il serait disproportionné d'imposer les mêmes exigences prudentielles aux établissements de paiement qui ne fournissent que ces services qu’aux autres établissements de paiement. Toutefois, les établissements de paiement qui fournissent ces services doivent être en mesure de faire face à leurs responsabilités. Ils sont donc notamment tenus fournir une assurance professionnelle ou une garantie équivalente couvrant les territoires sur lesquels ils offrent leurs services et susceptible de couvrir leur responsabilité au titre de la DSP2. Les risques couverts par ces assurances étant différents pour chacune de ces activités, la fourniture des deux services conduira à l'obligation de fournir deux assurances professionnelles distinctes ou garanties équivalentes.

Ces acteurs bénéficient de la reconnaissance mutuelle et peuvent exercer leur activité en libre prestation de service ou en libre établissement.

L'apparition des nouveaux services a conduit le législateur européen à créer un droit d'accès aux comptes de paiement tenus par un autre PSP.

3.3. La supervision des activités transfrontalières

En matière de supervision des activités transfrontalières, la DSP2 renforce considérablement les pouvoirs de l'État membre d'accueil.

3.3.1. En matière de procédure de passeport

La DSP2 met en place une véritable procédure de coopération entre les autorités compétentes dans le cadre des demandes d'exercice du droit d'établissement et de la liberté de prestation de services (art. 28), en prévoyant une navette entre les autorités compétentes d'origine et d'accueil avec des délais contraignants. Dans ce cadre, les autorités compétentes d'accueil doivent communiquer aux autorités compétentes d’origine toute information pertinente, notamment, tous motifs raisonnables d'inquiétude en matière de blanchiment. Les autorités compétentes d'origine doivent tenir compte de cette information ou justifier leur décision. L'ensemble de la procédure doit être réalisée dans un délai de trois mois.

Le début des activités des agents et succursales en passeport est désormais précisé. Ils peuvent commencer leur activité dans les EM concernés dès qu’ils figurent sur le registre de l'EM d'origine. En tout état de cause, les autorités compétentes d’origine doivent être informées du début des activités de l’agent ou de la succursale et en informer les autorités compétentes d’accueil.

Enfin, les informations communiquées dans le cadre de la procédure de passeport doivent être tenues à jour. À ce titre, les établissements de paiement doivent informer sans délai les autorités compétentes de l’EM d’origine de toute modification pertinente, y compris tout nouvel agent, succursale ou entité auprès de laquelle des activités sont externalisées dans un EM d'accueil.

Les modalités de la coopération et de l’échange d’informations entre les autorités compétentes d’accueil et d’origine dans le cadre de la procédure de passeport (étendue et traitement des informations, terminologie commune, modèles de notification) feront l'objet de normes techniques de réglementation développées par l'Autorité bancaire européenne (ABE).

3.3.2. En matière de surveillance des établissements de paiement faisant usage du passeport

La DSP2 précise les modalités de contrôle des établissements de paiement en passeport (art. 29). Tout comme dans la précédente directive, les autorités compétentes d’origine doivent coopérer avec les autorités compétentes d’accueil afin d’exercer les contrôles et prendre les mesures nécessaires prévues dans le titre 2 et dans les dispositions de droit national transposant les titres 3 et 4 concernant les agents et les succursales situés sur le territoire d’un autre EM.

Les autorités compétentes doivent également échanger, sur demande ou de leur propre initiative, toute information pertinente (infraction, présomption d'infraction ou « forum shopping » c’est à dire abus du droit d’établissement). Le cadre de la coopération et les modalités d’échange d’informations entre les autorités compétentes d’accueil et d’origine sera précisé dans des normes techniques de réglementation développées par l'ABE.

3.3.3. Les pouvoirs des EM d’accueil

Par ailleurs, les pouvoirs des EM d’accueil sont renforcés par deux dispositifs.

Les autorités compétentes d'accueil peuvent désormais exiger des établissements de paiement ayant recours à des agents ou une succursale sur leur territoire un rapport périodique à des fins d'information ou de statistiques relatif aux activités exercées sur leur territoire. Pour les activités exercées sous le régime de la liberté d’établissement, il permet également de vérifier le respect des dispositions nationales transposant les titres 3 et 4.

Les EM d'accueil peuvent également exiger des établissement de paiement ayant recours à des agents en LE la désignation d’un point de contact central afin d’assurer une communication adéquate, de veiller au respect des titres 3 et 4 et pour faciliter la supervision par les autorités compétentes d’origine et d’accueil (fourniture de documents et d’informations sur demande). Les conditions de nominations et les fonctions de ce point de contact central seront précisées dans des normes techniques de réglementation développées par l'ABE.

3.3.4. Les mesures conservatoires

En cas de non-respect du titre 2 de la directive ou des dispositions de droit national transposant les titres 3 et 4 de cette dernière, les autorités compétentes d’accueil informent sans délai les autorités compétentes d’origine. Il appartient à ces dernières de prendre sans délai toutes mesures appropriées pour mettre fin à ces manquements et d'en informer les autorités compétentes d’accueil et tous les EM concernés (art. 30).

La DSP2 va encore plus loin en permettant aux autorités compétentes d'accueil de prendre des mesures conservatoires en cas d'urgence, c’est-à-dire quand une action immédiate est nécessaire pour contrer une menace grave pour les intérêts collectifs des utilisateurs de services de paiement. Elles peuvent alors, parallèlement à la coopération et dans l'attente des mesures prises par l’EM d’origine, prendre des mesures conservatoires temporaires et proportionnées qui ne conduisent pas à favoriser les utilisateurs de l’EM qui les prend par rapport aux utilisateurs des autres EM. Les autorités compétentes d'accueil en informent les autorités compétentes d’origine et des autres EM concernés et l’ABE. Cette information doit précéder les mesures conservatoires lorsque c’est possible ou être réalisée dans les meilleurs délais.

3.3.5. La tenue du registre électronique central

L’ABE est chargée de mettre en place un registre européen des établissement de paiement qui aura pour vocation d’agréger les informations contenues dans les registres nationaux. Ce registre sera alimenté par les autorités compétentes qui seront responsables des informations transmises et de leur mise à jour. Sa consultation sera ouverte au public, gratuite et devra être facile d’usage.

L'ABE est chargée de rédiger des normes techniques et des orientations dans plusieurs domaines (coopération et l'échange d'informations entre les autorités compétentes dans le cadre des notifications de passeports, les conditions de désignation du point de contact central, la coopération et de l'échange d'informations entre les autorités compétentes concernant le respect des dispositions de droit national transposant les titres 3 et 4 et en matière d'authentification et de communication sécurisée, détail et structure des informations devant figurer dans le registre électronique central et des orientations relatives au montant minimum de la garantie demandée aux personnes souhaitant fournir le services d'initiation de paiement ou le service d'information sur les comptes, etc.).

3.4. Notification des incidents

L’autorité compétente d'origine est informée sans délai des incidents opérationnels de sécurité majeurs. Les utilisateurs sont également informés sans délai lorsque l'incident a ou est susceptible d'avoir des répercussions sur leurs intérêts financiers et ils sont informés des mesures à prendre pour atténuer le risque.

L’autorité compétente d'origine informe sans délai l'ABE et la BCE et, le cas échéant, les autres autorités compétentes concernées des notifications d'incidents reçues. L'ABE et la BCE peuvent aussi décider d'en informer les autres autorités compétentes en cas d'incidence au niveau national ou au niveau de l'UE. La BCE informe le Système européen des banques centrales (SEBC) des questions pertinentes pour le système de paiement.

Ces dispositions vont également faire l'objet d’orientations de l'ABE :

- à destination des prestataires de service de paiement, concernant la classification des incidents majeurs et les modalités de la notification de ces incidents ;

- et à destination des autorités compétentes, concernant les critères permettant d'évaluer la pertinence de l'incident et les éléments des notifications d'incident à communiquer à d'autres autorités nationales.

Par ailleurs, les PSP doivent fournir à leur autorité compétente, au moins chaque année, des données statistiques relatives à la fraude liée aux différents moyens de paiement. L'autorité compétente transmet ces données sous forme agrégée à l'ABE et à la BCE. 

3.5. Authentification

L'authentification forte du client devient obligatoire lorsque le payeur :

- accède à son compte de paiement en ligne ;

- initie une opération de paiement électronique. Dans ce cas, elle doit comprendre des éléments qui établissent un lien dynamique entre l'opération, un montant et un bénéficiaire donnés ;

- exécute une action, via un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse.

Les PSP doivent mettre en place des mesures de sécurité adéquates afin de protéger la confidentialité et l'intégrité des certificats de sécurité personnalisés des utilisateurs de services de paiement.

Les règles applicables à l'authentification forte du client (exigences, exemptions, mesures de sécurité, normes de communication entre les PSP) seront précisées dans des normes techniques de réglementation élaborées par l'ABE à l'intention des PSP.

3.6. Protection des utilisateurs 

3.6.1. Opérations de paiement dont le montant n'est pas connu à l'avance

La DSP2 introduit des règles concernant les opérations de paiement par carte et dont le montant exact n’est pas connu au moment où le payeur donne son consentement (art. 75). Le PSP du payeur ne peut bloquer de fonds que pour le montant exact autorisé par le payeur et ces fonds doivent être débloqués sans délai à la réception du montant exact de l’opération de paiement et, au plus tard, à la réception de l’ordre de paiement. Cette pratique, peu développée en France, est très utilisée dans d'autres EM par exemple dans les stations-service automatiques ou dans le cas de contrats de location de voiture ou de réservations d'hôtel.

3.6.2. Les procédures extra-judiciaires

L'obligation pour les EM de mettre en place des procédures de réclamation permettant aux utilisateurs de services de paiement et à toutes personnes intéressée de soumettre aux autorités compétentes des réclamations en cas de violation de la directive est maintenue et donnera lieu des orientations développées par l’ABE à l’intention des autorités compétentes (art. 99).

Par ailleurs, les PSP doivent mettre en place des procédures de règlement des réclamations des utilisateurs de services de paiement concernant les droits et obligations qui découlent des titres 3 et 4. Ils doivent répondre systématiquement aux réclamations des utilisateurs. Ces procédures doivent être disponibles dans une langue officielle de l’EM où sont fournis les services de paiement ou dans la langue convenue entre les parties.

La Commission produit une brochure électronique simple d'utilisation pour les utilisateurs, proposant une liste claire et facile à comprendre des droits des consommateurs issus de la DSP2. Elle informe les États membres, les associations européennes de prestataires de services de paiement et les associations européennes de consommateurs de sa publication. La Commission, l'ABE et les autorités compétentes doivent la publier sur leur site Internet. Les PSP doivent également la publier sur leur site Internet et la mettre gratuitement à disposition sous forme papier dans leurs succursales.

4. Consultations envisagées

Des consultations ont été menées au cours des négociations européennes avec les acteurs les plus concernées par la fourniture de services de paiement :

- Fédération bancaire française et établissements bancaires

- Établissements bancaires européens

- Association française des établissements de paiement et de monnaie électronique

- Prestataires tiers fournissant des services d’agrégation de compte ou de paiements

- Systèmes de cartes nationaux (GIE Cartes bancaires) et internationaux (Visa, Mastercard, American Express)

- Entreprises industrielles et prestataires techniques intervenant dans le domaine des paiements

- Opérateurs de télécommunications et les organisations professionnelles qui les représentent

- Associations de consommateurs

Certains organismes publics seront associés à l’établissement de la transposition :

- la Banque de France

- l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

5. Modalités de mise en œuvre

Il est prévu de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les mesures de transposition envisagées et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires, le cas échéant, de ces mesures en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Article 28 : Interdiction de la publicité par voie électronique sur les instruments financiers hautement spéculatifs et risqués

1. État des lieux

Depuis plusieurs années, l’Autorité des marchés financiers (AMF) constate une forte hausse des plaintes d’épargnants ayant investi sur des plateformes internet proposant des instruments financiers hautement spéculatifs et risqués : contrats de différences sur le marché des changes, options binaires sur de nombreux sous-jacents, etc.

C’est ainsi que depuis 2011, le nombre de réclamations liées à ces instruments financiers auprès du service épargne de l’Autorité des marchés financiers a été multiplié par 18 (à plus de 12 000) et le nombre de dossiers reçus par la médiation de l’AMF a été multiplié par 3 (à plus de 1 500).

Afin de mieux comprendre les risques associés à ces instruments financiers et les profils de pertes associés pour les investisseurs non-professionnels, l’AMF a conduit à l’automne 2014 une étude portant sur les quatre principales plateformes régulées proposant ces instruments hautement risqués en France. Les résultats de cette étude, largement communiqués par l’AMF, ont montré que plus de 9 clients sur 10 de ces plateformes étaient perdants, et surtout que l’espérance de gain des clients était négative, avec une perte moyenne de plus de 10.000 € par client sur quatre ans. En outre, aucun effet d’apprentissage dans le temps n’a pu être identifié, confirmant l’impression que ces produits étant trop complexes pour les investisseurs non-professionnels, ils ne peuvent progresser dans leurs investissements.

Au-delà des risques encourus par les clients sur ces quatre principales plateformes, les services de l’AMF ont aussi constaté la forte présence de plateformes d’envergure plus limitée, proposant ces mêmes instruments financiers risqués, agissant en France dans le cadre de la libre prestation de service sur le fondement d’un agrément reçu dans d’autres États membres de l’Union européenne, et pouvant agir à l’encontre de l’intérêt des clients, par exemple en refusant des retraits de fonds ou en recommandant des investissement inadéquats pour le client. De même, des plateformes qui ne sont pas régulées proposent aussi ces produits hautement spéculatifs et risqués à des investisseurs non-professionnels, comme le montre la liste établie par l’AMF des prestataires non régulés, qui dénombre plus 240 plateformes interdites.

Les services de l’AMF ont par ailleurs constaté une forte présence des communications à caractère promotionnel sur internet pour ces instruments financiers, et les plaintes des particuliers mettent souvent en avant le rôle de ces communications à caractère promotionnel dans leur premier contact avec les plateformes distribuant ces instruments financiers.

2. Description des objectifs poursuivis

La protection des épargnants, notamment des investisseurs non-professionnels, est l’objectif principal poursuivi par la mesure proposée. L’AMF, conformément à ses missions définies à l’article L.621-1 du code monétaire et financier (CMF), sera responsable de la mise en œuvre de la mesure.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Partant du constat que le cadre usuel d’encadrement de la commercialisation des instruments financiers (test d’adéquation au I de l’article L.533-13 du CMF et test du caractère approprié au II de ce même article) ne suffit pas à éviter des pertes répétées et importantes aux clients non-professionnels, il a été décidé de chercher une autre solution pour limiter l’exposition de ces clients à ces produits.

La directive européenne 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers encadre le contenu des informations à caractère promotionnel transmise par les prestataires de services d’investissement à leurs clients. Pour les investisseurs en libre prestation de services, le contenu est donc régi par l’autorité de l’État membre d’origine, une initiative française pour encadrer le contenu de ces informations aurait donc été d’un impact limité. En outre, le contenu lui-même est largement encadré au niveau européen, et il n’aurait pas été possible d’ajouter les précisions souhaitées en matière d’avertissement pour les investisseurs non-professionnels.

Pour autant, la directive 2014/65/UE, dans son article 24, paragraphe 12., autorise les États membres à prendre des mesures additionnelles de protection des investisseurs en cas de circonstances exceptionnelles faisant porter des risques sur les investisseurs. L’interdiction de toute information à caractère promotionnel peut être envisagée dans ce cadre, l’ampleur des plaintes enregistrées par l’AMF et leur forte progression justifiant l’adoption de mesures supplémentaires au niveau national. On peut d’ailleurs relever que la mesure envisagée est en cohérence avec le régime national du démarchage (articles L.341-1 et suivants du CMF) interdit tout démarchage sur des instruments financiers particulièrement risqués ou complexes à comprendre pour un investisseur non-professionnel (article L.341-10 1° et 4° du CMF). Si les communications à caractère promotionnel sont en règle générale sorties du champ des dispositions sur le démarchage (article L.341-2 du même code) il semble cohérent d’interdire ces communications pour le cas des instruments financiers hautement risqués, le démarchage étant interdit, et non pas simplement encadré, pour ces instruments.

C’est pour cela qu’il est envisagé de modifier la loi pour interdire toute forme de communication à caractère promotionnel par voie électronique envers les investisseurs non-professionnels portant sur les instruments financiers particulièrement difficiles à comprendre et potentiellement très risqués. Il convient de relever que la mesure envisagée est clairement du domaine de la loi. La mesure envisagée devra alors faire l’objet d’une notification auprès de la Commission européenne, conformément à l’article 24, paragraphe 12., de la directive 2014/65/UE.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1. Impacts pour les particuliers et les entreprises

La mesure permettra de limiter l’exposition des investisseurs particuliers à des instruments hautement risqués, elle contribuera donc à renforcer le cadre de protection des investisseurs. Les pertes cumulées à ce jour pour les investisseurs non-professionnels sur ces instruments sont évaluées à plus de 100 M€ par les services de l’AMF. La mesure envisagée pourrait donc permettre d’éviter un montant de pertes substantielles pour ces investisseurs.

La mesure pourra contribuer à réduire l’activité des plateformes proposant ces instruments financiers, ces revenus perdus pourront éventuellement être compensés par le développement d’une offre sur des instruments plus adaptés pour les investisseurs non-professionnels. Il n’a pas été possible de chiffrer l’éventuel manque à gagner pour les plateformes.

4.2. Impacts pour les administrations

La mesure permettra à la commission des sanctions de l’AMF de sanctionner les prestataires de services d’investissement adressant des communications à caractère promotionnel sur les instruments financiers hautement risqués à des clients non-professionnels. L’Autorité de régulation des professionnels de la publicité pourra contribuer au bon respect de la mise en œuvre de cette interdiction par les régies publicitaires.

5. Consultations menées

La préparation de la mesure a fait l’objet d’un dialogue étroit avec l’AMF.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été consulté.

6. Modalités de mise en œuvre

6.1. Application dans l’espace

Il est prévu dans ce projet de loi l’extension, sans adaptation, des modifications opérées par cet article au chapitre III du titre III du livre V du CMF qui relèvent de la compétence de l’État, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

6.2. Textes d’application

Le règlement général de l’AMF viendra préciser les catégories de contrats financiers concernées par l’interdiction des communications à caractère promotionnel à destination des investisseurs non-professionnels. Les catégories de contrats ciblées étant déjà connues, ce texte d’application pourra être pris rapidement après l’entrée en vigueur de la loi.

Cette mesure devra faire l’objet d’une notification à la Commission européenne au plus tard deux mois avant son entrée en vigueur.

Article 29 : Création d’une option solidaire pour le livret de développement durable

1. État des lieux

Le livret de développement durable (LDD) est actuellement soumis aux dispositions du règlement n° 86-13 du 14 mai 1986, du décret n° 2007-161 du 6 février 2007, et de l’arrêté du 6 février 2007, codifiés aux articles L.221-5, L.221-27, D.221-09, D.221-103, D.221-104 et D.221-107 du code monétaire et financier (CMF), ainsi qu’aux dispositions de l’article 157 du code général des impôts.

Les fonds collectés sur les LDD sont en partie centralisés au fonds d’épargne. Les établissements de crédit collecteurs conservent également à leur bilan une part de l’encours collecté sous réserve de financer la création et le développement des petites et moyennes entreprises (PME).

Le Président de la République a annoncé lors du bicentenaire de la Caisse des dépôts et consignations qu’une partie du LDD sera désormais affecté au financement d’une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS), au sens de l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 sur l’ESS. Cet article définit le périmètre de l’ESS, qui rassemble l’ensemble des associations exerçant une activité économique, les coopératives, les mutuelles, les fondations, ainsi qu’une nouvelle catégorie de sociétés commerciales recherchant une utilité sociale, au sens de l’article 2 de la loi. L’activité de ces nouvelles formes d’entrepreneuriat social définies dans la loi ESS doit être dirigée soit vers des publics vulnérables, soit vers la création ou le maintien de solidarités territoriales.

En fonction des choix qui seront effectués par les établissements de crédits mettant en œuvre le dispositif, ces financements pourront ainsi être dirigés vers différents types d’entreprises bénéficiaires : par exemple, entités de type associatif, à but non lucratif et d’intérêt général et ayant une activité d’utilité sociale, ou bien nouvelles formes d’entrepreneuriat social recherchant un impact social significatif, au sens de la loi ESS.

2. Description des objectifs poursuivis

La mesure proposée vise à intégrer au LDD un volet dédié à l’économie sociale et solidaire : sur proposition annuelle de l’établissement de crédit, les détenteurs d’un LDD pourront en affecter une partie au financement d’une personne morale relevant de l’article 1er de la loi ESS.

Il s’agit d’orienter davantage de ressources vers le financement de l’économie sociale et solidaire dans la mesure où les livrets existants orientés vers l’économie sociale et solidaire sont restés une exception et commercialisés seulement dans certaines banques. Cette disposition participe au changement d’échelle de l’ESS en augmentant son poids de son financement.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1. Impacts pour les particuliers

Il existe environ 25 millions de LDD pour un encours global collecté de l’ordre de 100 Md€. Les nouvelles dispositions ne modifient pas les règles de fond qui régissent le fonctionnement du LDD pour les épargnants. Le volet ESS constituera seulement une possibilité qui viendra s’ajouter au cadre existant. Il étendra cependant les possibilités de virement depuis le LDD dans le cadre de ce dispositif. Le don sera effectué sans frais.

3.2. Impacts pour les entreprises

S’agissant des entreprises de l’économie sociale et solidaire ciblées par ce nouveau dispositif, elles bénéficieront ainsi d’une source de financement plus importante et disposeront d’une meilleure visibilité auprès des épargnants solidaires. La mesure est délibérément conçue de manière large pour bénéficier à toutes les familles de l’ESS.

S’agissant des établissements de crédit, les réseaux distributeurs devront adapter leur système d’information et leur chaîne de traitement pour se conformer à ces nouvelles dispositions. L’essentiel des impacts devrait provenir des coûts informatiques liés à la mise en place des opérations nécessaires pour permettre l’exercice par le client du don. Ces coûts de développement devraient être limités, mais très hétérogènes entre établissements de crédit. Des circuits existent déjà parmi les financeurs solidaires et permettront de réduire ces coûts si une approche collaborative est retenue par les établissements de crédit pour procéder cette adaptation. En revanche, il n’est pas envisagé d’imposer des modifications dans la dénomination ou la documentation commerciale du LDD qui seraient susceptibles d’avoir des coûts beaucoup plus importants..

3.3. Impacts pour les collectivités territoriales

Au même titre que les établissements de crédit, les crédits municipaux distributeurs de LDD devront adapter leur système d’information et leur chaîne de traitement pour se conformer à ces nouvelles dispositions.

4. Consultations menées

La préparation de la mesure a fait l’objet d’un dialogue avec certains acteurs de l’ESS et une réunion de place a été organisée avec les principaux réseaux distributeurs de la Place.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) ont été consultés.

5. Modalités de mise en œuvre

Un décret précisera les modalités de l’affectation d’une partie du LDD à l’économie sociale et solidaire, notamment celles de la sélection des bénéficiaires par le client.

Titre V : De l’amÉlioration de la situation financiÈre des entreprises agricoles et du financement des entreprises

Chapitre Ier : Mesures relatives À l’amÉlioration de la situation financiÈre des exploitations agricoles

Article 30 : Interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente de lait de vache

1. État des lieux

1.1. La fin des quotas laitiers et le développement de la contractualisation écrite

La fin des quotas laitiers a été actée au niveau européen dans le cadre du « bilan de santé » de la Politique agricole commune (PAC) en 2008, et confirmée lors de la réforme de la PAC de 2013. Elle est effective depuis le 31 mars 2015.

La fin de 30 ans de gestion administrée de l'économie laitière constitue un bouleversement fondamental pour tous les acteurs de cette filière, au plan européen comme au plan national. Cette nouvelle donne devrait se traduire par une plus grande volatilité des prix sur le marché européen et une concurrence accrue entre les États membres de l’Union européenne et entre les opérateurs d'un même État membre. Ces effets sont d'ores et déjà observables à travers la situation de crise qui sévit actuellement sur le marché européen du lait et des produits laitiers.

Afin de permettre aux acteurs de la filière de se préparer à la fin des quotas laitiers en leur donnant de la visibilité, la contractualisation écrite obligatoire a été mise en place dès avril 2011 en France, et consolidée par le « Paquet Lait » en 2012 qui a introduit cette possibilité dans la réglementation au niveau européen.

Environ la moitié des 68 000 exploitations laitières françaises livrent leur lait à des entreprises non coopératives (« privées »). Environ 90 % de ces exploitations auraient effectivement signé un contrat écrit.

1.2. La cessibilité marchande des contrats est en fort développement

Dans le cadre de la sortie des quotas laitiers, les filières laitières des différents États membres ont développé des stratégies différentes. Les spécificités de la stratégie développée par la filière française sont :

- le maintien d’une certaine maîtrise de la production par des contrats écrits limitatifs dans la plupart des entreprises privées, l'objectif étant de donner de la visibilité aux producteurs et de lisser autant que possible la volatilité des prix. La plupart des entreprises françaises ont en effet une stratégie de croissance maîtrisée des volumes collectés, estimant qu’il ne peut y avoir de hausse de la production sans une progression des débouchés et des capacités de transformation ;

- la pratique d’un prix A (prix sur les marchés français et européens) et B (prix sur les marchés internationaux) et de prix de contrôle, dans le secteur coopératif.

Cette stratégie explique pourquoi on observe un développement de la cessibilité marchande des contrats. En effet, certains producteurs s’estiment limités dans leur développement et veulent s'exonérer des règles d'attributions préférentielles décidées par la laiterie, seule ou après concertation avec les partenaires (organisations de producteurs). Les volumes pouvant être réattribués en dehors de ces stratégies ont, de ce fait, acquis une valeur marchande.

C'est pourquoi la cession marchande des contrats laitiers est observée principalement dans la zone
nord-Loire (zone dont le potentiel de production important était limité pendant la période d'application des quotas) et chez les producteurs livrant à des entreprises menant une politique de limitation des volumes pour rester au plus près de leurs débouchés ou de leurs capacités de transformation.

En pratique, des producteurs de lait vendent une partie du volume de lait contractualisé avec une laiterie à un autre producteur de lait, livrant à la même ou à une autre laiterie, dont le contrat est alors augmenté de ce même volume. Les deux parties signeraient alors des avenants à leurs contrats pour que le transfert soit mis en place.

La possibilité d’une cession du contrat individuel en cas de transfert à l’identique est prévue dans certains contrats. En cas de modification considérée comme substantielle de l’exploitation (démembrement, changement du point de collecte, etc.), une codécision entreprise / producteur et/ou avec les organisations de producteurs (OP) doit intervenir. On observe au sein du même groupe laitier des situations variables selon les zones et les OP, selon la dynamique locale.

Ainsi, on observe le développement d’un phénomène d’offres de cession onéreuse sur les sites électroniques de vente (« leboncoin », « Agriaffaires », etc.). De plus, une OP du Grand-Ouest a conclu un accord avec son acheteur pour autoriser la cessibilité directe des contrats entre producteurs, à charge pour le cédant et le cessionnaire de s'entendre sur la transaction, selon la seule loi de l'offre et de la demande. Cet accord, entré en vigueur au 1er avril 2015 et prévoyant une clause de revoyure en mars 2016, a suscité de vives critiques des professionnels depuis le début du mois de septembre 2015.

Dans le cadre de ce marché (de gré à gré) qui se met ainsi en place sur le territoire national, le montant des transactions observées est compris entre 150 et 450 € pour 1 000 litres.

1.3. La filière laitière est actuellement fragilisée et soumise à une concurrence internationale exacerbée

1.3.1. Difficultés structurelles de la filière laitière française

Le secteur de la production du lait de vache, comme beaucoup de secteurs de l'élevage, souffre d'un manque d'attractivité qui se traduit par une baisse du nombre d'exploitations et une réduction des installations.

On observe en effet une réduction du nombre d'exploitations d'environ 3,5 % par an en moyenne sur la période 2010-2014, constatée sur l'ensemble du territoire.

Réduction du nombre d'exploitations

 

EFFECTIFS

 

2008/2009

2009/2010

2010/2011

2011/2012

2012/2013

2013/2014

2014/2015

Total exploitations laitières

88 545

83 355

78 362

74 829

71 965

69 393

67 885

Livreurs purs

82 883

77 747

72 955

69 365

66 648

64 263

63 113

Vendeurs directs purs

1 455

1 416

1 324

1 328

1 301

1 279

1 241

Mixtes

4 207

4 192

4 083

4 136

4 016

3 851

3 531

source: FAM - gestion des quotas laitiers

     

Le rythme de réduction est un peu moins élevé dans les zones plus laitières du Nord de la France. La baisse est en revanche plus marquée dans les zones de polyculture dans lesquelles la concurrence des productions végétales et en particulier des grandes cultures est plus importante.

L’installation en production laitière a été traditionnellement importante par rapport aux autres filières en raison de la relative stabilité du secteur (volumes et prix) avant la fin des quotas laitiers. Mais le nombre d’installations en production laitière tend à se réduire (- 27 %102 entre 2008 et 2013) du fait de perspectives moins favorables et moins certaines alors que les investissements à effectuer sont de plus en plus élevés.

Le revenu des exploitations laitières est plus faible que la moyenne des exploitations françaises (26.300  € par unité de travail annuel familiale en moyenne sur la période 2012-2014 contre 29.500  € en moyenne)103.

Résultat courant avant impôts moyen par actif non salarié en valeur 2014

Comme dans les autres secteurs agricoles, on observe un accroissement de la volatilité des prix du lait et des charges, en particulier des charges d'alimentation et d'énergie et une augmentation tendancielle des charges (augmentation de 11 points de l'indice des prix d'achat des moyens de production agricole – IPAMPA – lait de vache entre 2010 et 2015).

Indice des prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA) - lait de vache
entre 2010 et 2015

Enfin, la filière laitière subit une forte concurrence des productions végétales (astreintes fortes liées à l'activité laitière, investissements importants en exploitation, revenus plus bas, etc.).

1.3.2. Difficultés accentuées par la fin des quotas laitiers et la crise de l’été 2015

L’année 2015 illustre le contexte dans lequel va désormais évoluer la filière laitière. Elle a été marquée par la fin des quotas laitiers, qui a conduit à une forte augmentation de la production laitière dans certains pays européens et un ralentissement de la demande mondiale en produits laitiers. Cette situation a conduit à un déséquilibre offre-demande et une forte baisse des prix ayant des conséquences très importantes sur les exploitations.

Ainsi, à partir de l’échantillon des fermes des réseaux d’élevage, l’Institut de l’élevage estime que le revenu des exploitations laitières (revenu courant avant impôts et cotisations sociales) a diminué de 15.000 € par unité de main d’œuvre familiale (UMO) entre 2014 et 2015 (estimation août 2015). Ainsi, en 2015, le revenu des exploitations laitières atteindrait le niveau le plus bas enregistré lors de la crise de 2009. Un quart des éleveurs laitiers aurait dégagé, en 2015, un revenu avant impôt et cotisations sociales inférieur à 10.000 €.

De plus, dans un contexte de prix historiquement hauts en 2014, de nombreux éleveurs ont investi massivement afin de se préparer à la fin des quotas laitiers. Ces éleveurs très endettés sont les premiers fragilisés par le renversement de conjoncture de l’été 2015.

Après une année de prix record en 2014, on observe une baisse de prix du lait de 58 € / 1 000 litres en 2015 (- 15 %).

Le prix du lait est le premier facteur d’explication de la baisse des revenus observé en 2015. L’Institut de l’élevage estime qu’une baisse du prix du lait de 50 € / 1 000 litres génère une perte de produit de 16.000 € par UMO.

De nouvelles baisses de prix sont attendues en 2016 car le déséquilibre offre/demande devrait se poursuivre. Les éleveurs des pays du nord de l’UE continuent de produire beaucoup malgré les prix du lait bas pour amortir leurs charges fixes. Cette tendance ne devrait pas s’infléchir. La demande internationale ne permet pas d’absorber l’offre abondante. Compte tenu des stocks accumulés, le rééquilibrage des marchés devrait prendre encore plusieurs mois. Dans ce contexte, les prix du lait dans l’UE devraient rester bas au moins jusqu’à l’été 2016. Les prix du lait en France devraient baisser au premier trimestre 2016 par rapport au dernier trimestre 2015.

2. Objectifs poursuivis

Depuis la fin des quotas laitiers le 1er  avril 2015, les cessions de contrats laitiers, ou la cession d'une partie des volumes contractuels, se développent, souvent à titre onéreux.

La mission du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) relative à la contractualisation dans la filière laitière104 a notamment mis en exergue ce phénomène et les problèmes potentiels liés à son développement.

Face aux impacts de la cession marchande des contrats laitiers et dans un contexte de fortes difficultés pour la filière laitière, le Gouvernement souhaite interdire la cession marchande pour une durée limitée à 5 ans.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Alors même que la filière laitière est fragilisée par des difficultés structurelles et de moyen-terme depuis l'été 2015, on observe un développement de la cessibilité marchande des contrats laitiers. Ces pratiques viennent renforcer la crise que connaît la filière :

- en accélérant les restructurations à l'échelle des exploitations agricoles, tout en renchérissant le coût de l'installation des jeunes agriculteurs ;

- en modifiant rapidement la répartition territoriale de la production et de la transformation laitières, au détriment des territoires en déprise laitière ;

- en constituant un surcoût pesant sur la compétitivité des exploitations et de l'ensemble de la filière, à l'heure où nos concurrents européens s'affranchissent de contraintes similaires.

Dans ce contexte, l'interdiction de la cession marchande des contrats laitiers est jugée indispensable pour éviter une forte déstabilisation de la filière laitière et conforme à des objectifs d'intérêt général : équilibre des territoires, renouvellement des générations en agriculture, compétitivité de la filière laitière au regard de ses concurrents.

Par ailleurs, cette mesure est une réponse proportionnée aux enjeux identifiés, notamment dans la mesure où la cession non marchande resterait autorisée.

Enfin, l’interdiction de cession marchande serait limitée aux cinq prochaines années.

4. Impacts de la mesure

4.1. Répartition sur le territoire

Si les échanges de volumes à travers des cessions de contrats se développent entre bassins de production, le phénomène pourrait prendre plus d'ampleur avec les cessions marchandes et entraîner des « délocalisations » de la production (exemple transfert de contrat d'Auvergne en Bretagne). Dans les zones en déprise laitière, la multiplication des cessions incontrôlées viendrait accélérer la déprise, en complexifiant la collecte et augmentant le coût de celle-ci, venant ainsi porter préjudice au maintien des exploitations qui essaient de poursuivre leur activité dans ces zones difficiles. L'enjeu territorial est donc réel, avec notamment un risque accru de concentration de la production dans certaines zones, source de possibles difficultés sur le plan environnemental.

Si l'entreprise collectant sur plusieurs zones autorise la cession entre zones en déprise et zones intensives, la déprise sera fortement accentuée.

L'interdiction de la marchandisation des cessions permettra de limiter ce type de pratiques sans transparence de la part des entreprises. La cession non-marchande restera possible mais permettra une stratégie transparente de la part des entreprises.

4.2. Structuration de la production et renouvellement des générations

Les volumes transmis au travers de cessions marchandes devraient bénéficier principalement aux producteurs disposant de liquidité et en phase de développement et de spécialisation. La valorisation de cette référence (volume contractuel), indépendamment du foncier (modification de situation par rapport au régime "quotas") peut inciter certains exploitants en fin de parcours professionnel à céder contre rémunération leur référence à des producteurs plus dynamiques, susceptibles de constituer de grosses unités de production et donc conduire à une accélération de la restructuration. De plus, ces transactions de gré à gré sans stratégie collective pourraient aboutir à assécher des volumes qui auraient pu être dirigés vers des producteurs « prioritaires » : jeunes agriculteurs ou exploitations désirant se développer ou investir dans des zones en déprise.

L'interdiction de la cessibilité marchande permettra de limiter les cessions s'opérant au seul profit des exploitations disposant de trésorerie à un temps t, avec des conséquences néfastes en termes de restructuration accélérée des entreprises laitières, d'affaiblissement des stratégies collectives en faveur notamment de l'installation et des récents investisseurs et de déprise laitière d'une partie du territoire national.

4.3. Compétitivité et résultats économiques des exploitations laitières françaises

L’achat de contrats entraîne une augmentation des coûts de production et un frein à l'installation. Dans un contexte de prix du lait bas, cela pourrait mettre en péril des exploitations laitières et pénaliser le renouvellement des générations. En effet, les prix pratiqués entre 150 et 450 € / 1 000 litres représentent une charge supplémentaire de 90.000 € pour 300 000 litres.

De plus, au niveau européen, cette marchandisation observée uniquement en France conduira à une perte de compétitivité de la France par rapport à ses concurrents européens. Cette perte de compétitivité serait d'autant plus marquée que la France a historiquement refusé la mise en place d’une marchandisation des quotas laitiers, alors même qu'un tel phénomène a pu s'observer chez certains des principaux pays producteurs de lait en Europe. À l'heure où les principaux concurrents des producteurs français sont en mesure de s'affranchir de ces contraintes, et vont donc gagner en compétitivité, il serait contre-productif de laisser se mettre en place une cessibilité marchande des contrats qui viendrait dégrader la compétitivité de l'ensemble de la filière laitière nationale.

Article 31 : Renforcement des mesures en cas de non-dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires

1. État des lieux

Le secteur agricole se caractérise par un déséquilibre important des rapports de force contractuels entre l'amont (les producteurs) et l'aval (industries agroalimentaires et distribution). L'Autorité de la concurrence en a notamment fait le constat dans son avis n° 10-A-28 du 13 décembre 2010. Des conflits récurrents entre producteurs d’une part, fournisseurs et distributeurs d’autre part sont le reflet de cette situation. Au-delà de certaines productions très médiatisées (cf. par exemple, chaque année ou presque, les conflits entre producteurs de fruits d’été et la grande distribution ou, plus récemment, les conflits entre producteurs de porc et abatteurs), la problématique concerne une large partie de la production agricole.

C'est pourquoi un enjeu très particulier s'attache, dans le secteur agroalimentaire au sens large, à un certain degré de transparence sur les prix, les coûts et les marges, afin que les différents acteurs parviennent, dans le cadre et en marge des relations commerciales contractuelles, à un partage équitable de la valeur ajoutée au sein de la filière.

La reconnaissance de cette spécificité du secteur agroalimentaire a amené le législateur, en 2010, à adopter plusieurs mesures spécifiques à la commercialisation des produits agricoles et agroalimentaires, et à consacrer la création d’une structure spécialement chargée « d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires (...) l'observatoire étudie les coûts de production, les coûts de transformation et les coûts de distribution (...) » (L.692-1 du code rural et de la pêche maritime).

La consécration par le législateur de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires est venu reconnaître l’intérêt d’un travail spécifique sur les produits agricoles et agroalimentaires pour améliorer les relations commerciales en matière de transparence de la formation des prix alimentaires et des marges au sein de la filière dans un contexte de fluctuations importantes des prix.

Dans ce contexte, un double enjeu s’attache au dépôt des comptes par les industriels de l'agroalimentaire ou les distributeurs conformément à leur obligation légale : d’une part, l’accès aux comptes des grandes sociétés du secteur est nécessaire à l’observatoire pour remplir pleinement sa mission et, d’autre part, l’accès aux comptes est de nature à renforcer la pression « externe » que les organisations de producteurs et surtout les associations d’organisations de producteurs sont susceptibles de faire peser dans le sens d’un rééquilibrage des contrats conclus entre industriels et distributeurs, dans un sens plus favorable aux producteurs.

Or plusieurs entreprises du secteur de la transformation des produits agricoles et de la commercialisation de produits alimentaires, par ailleurs non cotées en bourse, ne déposent pas leurs comptes malgré l’obligation légale. Cette absence de dépôt est particulièrement dommageable pour l’observatoire qui se trouve dans l’impossibilité d’étudier les coûts de production au stade de la production agricole, les coûts de transformation et les coûts de distribution dans l'ensemble de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. Elle est également néfaste pour la conduite des relations commerciales que ces sociétés conduisent avec leurs fournisseurs, en particulier avec les exploitations agricoles dont les coûts de production moyens sont généralement bien connus. De ce fait, au déséquilibre de rapport de force dans la relation commerciale peut s’ajouter une dissymétrie d’information préjudiciable au fournisseur, d’autant plus forte qu’il se situe en situation de dépendance totale ou partielle vis-à-vis de son client.

2. Objectifs poursuivis

Le Gouvernement a pour objectif d’assurer un meilleur respect de l’obligation légale de dépôt de leurs comptes par les sociétés commerciales transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires en s’appuyant sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Le code de commerce comporte déjà un dispositif de portée générale tendant à assurer l'effectivité de l’obligation légale de dépôt des comptes, à travers le pouvoir d’injonction sous astreinte reconnu au président du tribunal de commerce, dans le cadre de la mission de surveillance qui lui est impartie. La finalité assignée à ce dispositif est la prévention des difficultés des sociétés. Le législateur vient, très récemment, de consacrer le rôle que peuvent utilement remplir les observatoires des prix, des marges et des revenues de l’outre-mer, eu égard à leur mission particulière de surveillance.

La mesure proposée permet à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires d’alerter le président du tribunal de commerce afin qu’il puisse enjoindre aux sociétés dont la non-publication des comptes nuit à l’exercice des missions de l’observatoire ainsi qu’à la transparence économique des filières, et aux opérateurs avec lesquelles ces sociétés opèrent, de déposer leurs comptes au greffe du tribunal sous astreinte qui ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société dans le cadre de son activité de transformation ou de commercialisation, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.

Chapitre II : Mesures relatives À l’amÉlioration du financement des entreprises

Article 32 : Réforme du dispositif de plafonnement de l’intérêt servi par les coopératives à leur capital et encadrement de la commercialisation des parts sociales

1. État des lieux

Le niveau d’intérêt servi à leur capital par les coopératives est encadré par l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération qui dispose qu’il est au plus égal au taux moyen des obligations du secteur privé publié par le ministre chargé de l’économie. Ce taux constitue ainsi le plafond de la rémunération du capital des coopératives, bancaires ou non bancaires, c’est-à-dire l’intérêt maximum servi aux détenteurs de parts sociales. Le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées est publié par le ministre chargé de l’économie chaque semestre au Journal officiel. La Banque de France réalise le calcul suivant la formule suivante : indice obligataire TEC10 + 0,25%.

Par ailleurs, la commercialisation des parts sociales n’est soumise à aucune réglementation particulière. Les parts sociales des banques mutualistes et coopératives sont, en application des dispositions du code monétaire et financier, des titres de capital. La commercialisation des parts sociales n’est donc pas soumise aux dispositions régissant la commercialisation des titres financiers. En revanche, les parts sociales sont soumises à un régime inspiré de celui des titres financiers en cas d’offre au public : le prospectus d’émission est soumis au visa de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et la documentation à caractère promotionnel doit être transmise à l’AMF en amont de l’émission.

Du fait de leur nature de titres de capital, l’acquéreur des parts sociales est exposé à plusieurs risques, par exemple en cas de procédure de liquidation ou de résolution d’un établissement en difficulté. Les détenteurs sont par ailleurs exposés également à un risque d’illiquidité, la cession de parts sociales étant encadrée par des dispositions de la loi de 1947 précitée et étant conditionnée à un accord du Conseil d’administration de l’établissement de crédit concerné. Il est donc indispensable que la commercialisation des parts sociales soit encadrée de façon adéquate, de façon à ce que les banques coopératives et mutualistes qui commercialisent les parts sociales précisent les caractéristiques de ces titres de capital et s’assurent de la bonne information des acquéreurs potentiels sur ces caractéristiques et de l’adéquation des parts sociales aux besoins du client.

2. Objectifs poursuivis

La réforme proposée vise d’une part à faire évoluer les conditions de plafonnement de l’intérêt servi au capital des coopératives en référence au taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées publié par le ministre chargé de l’économie.

Deux objectifs économiques sont poursuivis pour adapter le plafond de rémunération des parts sociales détenues par les sociétaires des coopératives.

En premier lieu, dans un contexte de baisse continue du niveau du taux moyen de rendement des obligations privées depuis 2008 (avec un taux de 4,50 % en 2008 à comparer à un taux de 1,08 % en 2015) et de volatilité accrue de cet indice, la fixation d’une période de référence de trois années civiles vise à permettre un lissage des évolutions du taux pour amortir les effets perturbateurs d’un environnement de taux bas et volatiles.

En second lieu, une majoration du plafond est introduite, fixée à 2 points. Outre le maintien de l’attractivité des parts sociales par rapport aux autres produits d’épargne, il s’agit de mieux tenir compte de leur nature de titre de capital et du risque associé à leur détention pour les sociétaires. De plus, en vertu des nouvelles règles en matière de résolution bancaire, les pertes dans le cadre du renflouement interne d’un établissement de crédit en difficulté (principe dit du bail-in) pourraient être imputées sur les parts sociales des groupes bancaires mutualistes. Cette majoration permet par ailleurs de tenir compte des périodes de taux exceptionnellement bas comme ce fut le cas en 2015.

Au total, la réforme vise à rendre plus cohérente les conditions d’encadrement de l’intérêt servi aux parts sociales avec leur nature de titre de capital, dans le respect des principes de la coopération.

Elle ne modifie pas la définition du taux de moyen de rendement des obligations des sociétés privées ni les conditions dans lesquelles cet indice est utilisé comme indice de référence dans d’autres dispositifs (notamment les accords de participation dans les conditions prévues par le code du travail).

La réforme proposée vise d’autre part à renforcer l’encadrement des modalités de commercialisation des parts sociales, en s’inspirant de la réglementation applicable pour la commercialisation des titres financiers dans le code monétaire et financier (CMF) ou aux certificats mutualistes dans le code des assurances, en clarifiant les obligations d’information et de conseil pour les banques coopératives et mutualistes.

Le développement du sociétariat, qui permet de renforcer la stabilité du capital de ces banques, doit s’accompagner de garanties pour s’assurer de la bonne information des acquéreurs potentiels de parts sociales. Il est proposé de préciser les obligations en matière d’information et de conseil reposant sur les établissements commercialisant les parts sociales. La mise en œuvre de ces obligations d’information et de conseil a vocation à être effectuée auprès de tous les souscripteurs potentiels, en précisant les caractéristiques spécifiques des parts sociales et les risques attachés, par exemple en cas de procédure de liquidation ou de résolution d’un établissement en difficulté, et pourra être proportionnée en fonction du montant de souscription envisagée et de la situation financière du souscripteur.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

En cohérence avec l’article 1er de la loi de 1947 précitée qui prévoit que « les excédent de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres », le plafonnement des intérêts versés à leur capital par les coopératives existe dès l’origine dans la loi de 1947. Une modification législative est donc nécessaire.

Les règles relatives à la commercialisation des parts sociales doivent être inscrites au niveau législatif et codifiées directement dans le code monétaire et financier.

4. Analyse des impacts

4.1. Impacts pour les entreprises

Les impacts sont mesurés pour les entreprises relevant du statut de la coopération des différents secteurs d’activité (coopératives bancaires, coopératives agricoles, coopératives agroalimentaires, coopératives de commerce, etc.). Les coopératives auront la faculté de rehausser le niveau d’intérêt servi à leur capital. La fixation d’une période de référence de 3 années civiles pour l’appréciation du taux moyen de rendements des obligations des sociétés privées permettra de lisser les variations de taux dans un environnement volatile. L’introduction d’une majoration du plafond de 2 points ouvrira la possibilité de verser une prime de risque additionnelle et confortera ainsi la stabilité du capital des coopératives. La réforme proposée porte sur les entreprises relevant du statut de la coopération (loi de 1947 précitée), sans préjudice de dispositions spéciales régissant certaines catégories de coopératives.

Par ailleurs, la disposition proposée relative à la commercialisation des parts sociales renforce les obligations d’information et de conseil pour les banques mutualistes et coopératives commercialisant des parts sociales dans les conditions prévues par le CMF. La mise en œuvre de ces obligations d’information et de conseil a vocation à être effectuée auprès de tous les souscripteurs potentiels, en précisant les caractéristiques spécifiques des parts sociales et les risques attachés, par exemple en cas de procédure de liquidation ou de résolution d’un établissement en difficulté, et pourra être proportionnée en fonction du montant de souscription envisagée et de la situation financière du souscripteur.

4.2. Impacts pour les particuliers

Les impacts sont appréciés pour les détenteurs de titres de capital des coopératives (personnes physiques ou morales). Ces titres correspondent aux parts sociales. Le rehaussement du plafond de l’intérêt versé par les coopératives (bancaires ou non bancaires) pourra conduire à une augmentation de la rémunération maximale des parts sociales. Le niveau de l’intérêt est toutefois fixé par les assemblées générales des coopératives jusqu’au niveau plafond précisé par l’article 14 de la loi
n° 47-1775.

Par ailleurs, la disposition proposée relative à la commercialisation des parts sociales vise à améliorer la qualité de l’information et du conseil dispensé aux personnes auprès desquelles les parts sociales sont proposées.

4.3. Impacts pour les administrations

Dans le cadre de leur mission de protection de la clientèle, l’AMF et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) disposeront d’un cadre juridique clarifié.

5. Consultations

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières a été consulté.

La consultation du Conseil supérieur de la coopération prévu par l’article 5-1 de la loi
n° 47-1775
modifiée par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 est facultative.

Article 33 : Habilitation pour la réforme du régime prudentiel des activités de retraite professionnelle supplémentaire et modernisation de certains dispositifs de retraite supplémentaire à adhésion individuelle

1. Difficultés à résoudre

1.1. Retraite professionnelle supplémentaire

En France, la retraite professionnelle supplémentaire105 correspond aux contrats de retraite assurantielle d’entreprise par capitalisation ayant pour objectif la constitution de rentes viagères (dispositifs dits articles 39 et 83 du code général des impôts (CGI) ainsi que les plans d’épargne retraite en entreprise, dits PERE) et aux contrats de retraite dits Madelin pour les travailleurs non-salariés et les agriculteurs. Par ailleurs, les plans dits d’épargne retraite collective (PERCO), qui ne comportent pas de garantie en capital à l’échéance du départ en retraite et permettent une sortie intégrale en capital, constituent également un dispositif permettant de préparer la retraite.

L’ensemble de ces dispositifs représente aujourd’hui un encours d’environ 150 Md€. À l’exception des PERCO gérés par des sociétés de gestion, les contrats de retraite professionnelle supplémentaire sont aujourd’hui portés par des entreprises relevant du code des assurances, des mutuelles du code de la mutualité et des institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale. La France a en effet choisi, lors de la transposition en 2006 de la directive 2003/41/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (IORP), d’utiliser exclusivement la faculté offerte par l’article 4 de cette directive, qui réserve la fourniture de contrats de retraite professionnelle supplémentaire aux organismes d’assurance. Ce choix fait de la France le seul État membre à ne pas disposer d’organismes dédiés à l’exercice de l’activité de retraite professionnelle supplémentaire106 (« fonds de pension ») pour les besoins de la gestion de ses produits de retraite supplémentaires par capitalisation.

Depuis le 1er janvier 2016, les organismes d’assurance sont soumis au régime prudentiel issu de la directive 2009/138/CE (dite « Solvabilité II ») qui, notamment en raison de sa structure fondée sur un horizon de risque à un an, s’accompagne d’un alourdissement de la charge en capital pour les activités de long terme comme les engagements de retraite professionnelle supplémentaire aujourd’hui gérés par des organismes d’assurance. Le durcissement des exigences prudentielles entraîne une limitation des capacités d’investissement de ces acteurs dans des actifs de diversification de long terme, pourtant plus adaptés au profil des activités de retraite. La possibilité ouverte par l’article 308 ter de la directive Solvabilité II de conserver les exigences de solvabilité du régime précédemment en vigueur pour les engagements de retraite professionnelle supplémentaire gérés par les organismes d’assurance n’est que transitoire (actuellement jusqu’à fin 2019) et n’apporte donc pas une réponse pérenne satisfaisante pour la gestion de ces activités de long terme.

Enfin, le projet actuel de refonte de la directive IORP actuellement en cours de discussion au niveau européen apparaît confirmer l’écart actuel entre les exigences prudentielles applicables aux organismes d’assurance (Solvabilité II) et celles applicables aux institutions de retraite professionnelle sous régime IORP. Cette différence aura rapidement pour effet d’inciter les entreprises souhaitant mettre en place un régime de retraite professionnelle supplémentaire au profit de leurs salariés à se tourner vers des fonds de pension étrangers qui, au regard de règles prudentielles moins contraignantes pour le profil long terme de cette activité, pourront investir plus largement dans des actifs générant, sur la durée, un rendement plus attractif pour les affiliés de ces régimes. Il apparaît ainsi nécessaire de parer au risque d’arbitrages réglementaires à cet égard.

S’agissant des PERCO, le Gouvernement souhaite dans ce cadre faciliter leur commercialisation sur le marché intérieur européen.

Paysage des produits d’épargne en vue de la retraite :

Commercialisation

Compagnies d’assurance / Mutuelles / Institutions de Prévoyance

Sociétés de Gestion

Régime professionnel

Produits individuels

Régime professionnel

Nom du dispositif

Article 83 du CGI/L.242-1 CSS

PERE (plan d’épargne retraite en entreprise)

Article 39 du CGI/L.137-11 CSS

(Retraites Chapeau)

Loi Madelin et Madelin agricole

PERP et produits similaires de type Préfon

PERCO

Date de création

Années 1950

Loi Fillon (2003)

Années 1950

1994

Loi Fillon pour le PERP (2003)

Loi Fillon (2003)

Principales caractéristiques

- cadre collectif

- obligatoire

- cotisation uniforme

- cadre collectif (forme particulière d’article 83)

- part facultative

- cadre collectif

- financement exclusif de l’employeur

- individuel

- facultatif

- obligation de versement régulier

- individuel

- facultatif

- cotisation libre

- cadre collectif (forme particulière de PEE)

- facultatif

- cotisation libre

Cotisations ou prestations définies

Cotisations définies à droits certains

Prestations définies à droits aléatoires

Cotisations définies, versement régulier

Cotisations définies

Cotisations définies

Public concerné

Juridiquement

Peut ne concerner qu’une partie du personnel dès lors qu’elle est définie objectivement

Travailleurs non-salariés
(TNS)

Produit d’épargne « à caractère universel », sur une base facultative et personnelle

Salariés des entreprises de plus de 50 salariés ayant mis en place un PERCO et chefs d’entreprise jusqu’à 250 salariés

Cœur de cible

Salariés, cadres supérieurs ou dirigeants

Salariés, mais cadres supérieurs et dirigeants le plus souvent

TNS et agriculteurs

Actifs imposables

Salariés des + de 50

Chefs d’entreprise < 250 salariés.

Durée

Blocage jusqu’à la retraite (sauf chômage de longue durée, invalidité)

Blocage jusqu'à la retraite (sauf chômage…) / droits acquis uniquement si achèvement de la carrière dans l’entreprise

Blocage jusqu'à la retraite (sauf liquidation de l’entreprise, invalidité)

Blocage jusqu'à la retraite (sauf chômage de longue durée, liquidation de l’entreprise, invalidité)

Blocage jusqu'à la retraite mais cas de déblocage anticipé plus large (chômage de longue durée, décès, invalidité + achat résidence principale, surendettement)

Dénouement

Sortie en rentes

Sortie en rentes sauf cas d’accession à la 1ère propriété à la liquidation pour PERP et au choix de l’assureur, si la rente servie est inférieure à 40€ par mois (A.160-2 Code Ass.)

Rente ou capital

Abondement de l’employeur

Obligatoire

Obligatoire sur la part « article 83 »

Oui, seul l’employeur finance le régime

Sans Objet

Oui

1.2. Régime de retraite supplémentaire par points

Les régimes de retraite supplémentaire par points, qui existent depuis 1964, permettent l’acquisition d’une rente viagère différée avec un certain nombre d’atouts (lisibilité et privilège en cas de défaut pour les épargnants, flexibilité à travers la modulation possible de la valeur des points, mutualisation entre cotisants et allocataires). Ils représentent aujourd’hui 25 Md€ s’agissant des entités régies par le code des assurances107 mais sont contraints par des règles nationales de couverture des engagements particulièrement sensibles à des variations des taux d’intérêt qui s’ajoutent aux règles prudentielles issues de Solvabilité II applicables au niveau de l’organisme. En effet, leurs actifs sont évalués au coût historique (ils n’intègrent pas les plus-values latentes), tandis que leurs passifs sont actualisés au taux moyen des emprunts d’État et deviennent donc de plus en plus lourds à mesure que les taux diminuent108, ce contexte difficile ayant conduit plusieurs régimes à décider d’abandonner un système par points ou de quasiment interrompre leur commercialisation.

Outre les problématiques liées au contexte de taux bas, la transparence de ces régimes doit également être renforcée, afin de permettre aux assurés de pleinement comprendre la nature des garanties souscrites (en particulier la possibilité ou non de voir, dans certaines conditions dégradées, la valeur de leurs droits baisser et selon quelles conditions) et d’être mieux à même d’apprécier la solidité financière du régime auquel ils ont adhéré en vue de la préparation de leur retraite.

Enfin il convient de noter que ces régimes, gérés par des entreprises d’assurance, des mutuelles du code de la mutualité et des institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale font aujourd’hui l’objet de règles non harmonisées entre les différents codes sans que cela apparaisse justifié.

1.3. Faculté de déblocage anticipé des plans d’épargne retraite populaire

Le Plan d’Epargne Retraite Populaire (PERP) est un dispositif assurantiel d’épargne retraite de long terme qui ne peut en principe être débloqué lors de la phase de constitution. En 2014, il y avait environ 2,3 millions de PERP représentant 12,3 Md€ de provisions mathématiques109. Ce produit d’assurance a été créé en 2003 afin d’assurer à son souscripteur des revenus complémentaires au moment du départ en retraite, ce qui justifie l’absence tant de la possibilité de sortie anticipée que de la faculté de racheter le contrat. Trois exceptions à ce principe sont admises : une sortie en capital est autorisée à hauteur de i) 20 % au moment du départ à la retraite ii) 100 % pour l’acquisition de la résidence principale après le départ à la retraite iii) 100 % à tout moment lorsque survient un ou plusieurs des évènements graves suivants que sont le décès du conjoint, l’invalidité, l’expiration des droits aux allocations chômage, la liquidation judiciaire et une situation de surendettement.

2. Objectifs poursuivis

La création d’un nouveau cadre pour l’exercice des activités de retraite professionnelle, bénéficiant d’un régime prudentiel ad hoc, viserait à offrir un cadre plus propice à la préservation du rendement de ces régimes pour les affiliés tout en maintenant la protection de ces derniers.

La réforme viserait des objectifs prudentiels et n’aurait donc pas pour objet de faire évoluer les règles applicables aux différents produits de retraite professionnelle supplémentaire actuellement distribués, ni les équilibres existants entre répartition et capitalisation. Elle permettrait une protection de l’épargnant au moins équivalente à celle qui existait dans le régime solvabilité I.

La réforme des régimes de retraite par points viserait pour sa part à moderniser ces produits, dans le contexte de l’environnement de taux bas et de l’entrée en vigueur de la directive Solvabilité II et à accroître la confiance des épargnants, au travers d’une transparence accrue.

Enfin, autoriser la sortie en capital de PERP peu abondés apporterait un supplément de pouvoir d’achat à des personnes en difficulté financière. La Direction générale du Trésor reçoit de très nombreuses demandes de déblocage de ces «mini-PERP» : environ 50 % des lettres de particuliers concernant des produits d’assurance sur la vie reçus par le bureau des marchés et produits d’assurance en 2014. De nombreux assurés souhaitent en effet récupérer les sommes versées dans leur PERP afin de faire face à des difficultés financières qui n’entrent pas dans les cas mentionnés à l’article L.132-23 du code des assurances. Il s’agit en général de personnes n’ayant pas (ou plus) d’épargne de précaution qui ont effectué de modestes versements lors de la souscription de leur PERP (entre 1.500 et 2.000 €), ensuite interrompus pendant plusieurs années. Certaines de ces personnes n’auraient pas dû souscrire un PERP au regard de leur situation personnelle et n’ont pas forcément mesuré les conditions de leur engagement110 ; elles ne satisfont cependant pas les critères permettant actuellement le rachat. Introduire cette nouvelle faculté de rachat aurait un effet positif sur le pouvoir d’achat des ménages concernés.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La création de nouveaux organismes exerçant des activités de retraite professionnelle auxquels les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance pourraient transférer leurs engagements correspondant à cette activité permettra de libérer les capacités d’investissement dans des actifs de diversification, pour les 130 Md€ d’engagements de retraite professionnelle supplémentaire aujourd’hui gérés par des assureurs.

L’investissement dans des actifs de diversification de long terme permettrait de préserver, dans la durée, le rendement offert aux affiliés de ces régimes, tout en conservant un niveau de protection de l’épargnant au moins équivalente à celle qui existait dans le régime solvabilité I (les exigences issues de Solvabilité II renforçant la gouvernance et la transparence envers le superviseur et auprès du public devraient, pour leur part, couvrir ces nouveaux organismes).

Ces nouveaux organismes permettraient de mieux répondre aux besoins de solutions de retraite professionnelle des entreprises et des indépendants, dans une situation de concurrence équilibrée par rapport aux organismes étrangers qui peuvent opérer en France en libre prestation des services et vers lesquelles les entreprises peuvent déjà choisir de se tourner.

La réforme des régimes de retraite supplémentaire en points devrait permettre de préserver l’avenir de ces régimes, dans le contexte de taux bas. Le renforcement de la transparence doit permettre d’accroitre la confiance des épargnants dans les régimes auxquels ils ont adhéré.

4. Consultations envisagées

Les conditions d’exercice des activités de retraite professionnelle supplémentaire ont fait l’objet d’une consultation publique de la direction générale du Trésor au cours du mois de novembre 2015.

Cette dernière a révélé l’intérêt général de l’ensemble des professionnels de l’assurance pour une initiative nationale qui permettrait d’opter pour un cadre prudentiel davantage adapté au profil de long terme de cette activité. Les discussions techniques qui permettront d’élaborer ce cadre dans l’ordonnance et les textes réglementaires d’application seront conduites par la direction générale du Trésor au travers de concertations larges associant les pouvoirs publics, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et les différentes fédérations professionnelles concernées. Des concertations sur le même modèle sont également en cours s’agissant de la réforme des régimes de retraite supplémentaire en points.

Les représentants des assureurs (AFA) ont été consultés informellement sur le principe du déblocage anticipé des PERP et sur les critères susceptibles d’être retenus pour que la mesure soit ciblée.

Le Comité de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et le Conseil supérieur de la mutualité, approchés, devront être consultés.

Article 34 : Habilitation pour la modernisation du financement par dette des entreprises

1. Difficultés à résoudre

Dans un contexte de limitation du financement bancaire, les entreprises françaises cherchent depuis plusieurs années et de manière accrue à diversifier leurs sources de financement par dette, notamment en se tournant vers les emprunts obligataires. Ceci est vrai des grandes sociétés commerciales et des grandes banques ; mais les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui se finançaient autrefois exclusivement auprès des banques accèdent désormais aussi à ces financements. 

Afin de faciliter le financement par dette des entreprises, il a fallu identifier plusieurs priorités. Tout d’abord, il convient de moderniser le droit des émissions obligataires, ainsi que le régime juridique de l’agent des sûretés, afin de renforcer l’attractivité du droit français.

Par ailleurs, les conditions dans lesquelles les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent céder des créances non échues méritent aussi d’être clarifiées, notamment pour éviter que le régime juridique français ne conduise à délocaliser ces opérations de cessions dans d’autres États membres de l’Union européenne.

1.1. Régime des émissions obligataires et de la protection des obligataires

Le système actuel de protection des obligataires, qui se trouve principalement dans le code de commerce aux articles L.228-46 et suivants, provient du décret-loi de 1935 qui est la conséquence de la crise de 1929. Il s’agissait à l’époque de protéger les particuliers détenteurs d’obligations. Ce système prévoit le regroupement des obligataires d’une même émission au sein d’une masse dotée de la personnalité morale, qui agit par l’intermédiaire de ses représentants et d’une assemblée générale. La masse ne correspond plus à la pratique du marché obligataire, qui est aujourd’hui un marché destiné à des investisseurs avertis (tels que des banques, banques centrales, compagnies d’assurance, fonds d’investissement).

À côté de ce qui est prévu pour les particuliers, il faudrait donc permettre aux émetteurs et à aux investisseurs institutionnels d’aménager librement leurs relations, comme c’est le cas sur les marchés obligataires internationaux.

La question de la représentation des porteurs d’obligations se pose aujourd’hui avec d’autant plus d’acuité que l’on note un recours accru au marché obligataire, tant en volume qu’en nombre d’intervenants, du fait notamment de la réduction du bilan des banques et de la mise en œuvre de Bâle III. Ce marché était autrefois l’apanage d’émetteurs tels que les grandes banques et les grandes sociétés commerciales cotées. Aujourd’hui, outre les grandes banques et grands entreprises, on note une grande variété d’émetteurs qui n’intervenaient pas sur les marchés obligataires il y a encore quelques années (entreprise de taille intermédiaire (ETI) dans le cadre des Euro Placements Privés, entreprises non « investment grade » émettant des obligations à haut rendement (high yield bonds), sociétés émettant des obligations dits « project bonds » pour financer des projets dans les domaines de l’énergie, des transports et des technologies de l’information).

L’intérêt d’avoir recours à des groupements d’obligataires s’inspirant des pratiques actuelles des marchés internationaux a été reconnu dans l’aménagement des rapports entre l’État et les détenteurs de ses titres (OAT). Il s’agit des clauses d’actions collectives instaurées par l’article 59 de la loi de finances pour 2013 et du décret et de l’arrêté du 29 décembre 2012, dont la présente proposition s’inspire. Ainsi (parmi beaucoup d’exemples qui pourraient être donnés), les clauses d’actions collectives permettent de consulter les porteurs d’OAT aussi bien par écrit qu’en assemblée. La consultation écrite des obligataires, laquelle est conforme aux pratiques du marché obligataire international, est aujourd’hui impossible lorsqu’une émission obligataire est soumise au droit français.

Les dispositions du code de commerce relatives à l’émission d’obligations et à la protection des obligataires ont été modifiées au fil des années. Cependant la dernière revue d’ensemble, encore que parcellaire, est celle de l’ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 sur les valeurs mobilières.

Par ailleurs d’autres textes non codifiés (comme la loi de 1934 relative à la compétence en matière de remboursement des titres et de paiement des coupons et encore le décret-loi de 1935 sur la protection des obligataires) s’appliquent aux émissions obligataires malgré leur archaïsme avéré.

La pratique des émissions obligataires a déjà relevé certaines imperfections du système existant. Les adaptations contractuelles (sans loi nouvelle) qui ont été faites sont souvent non satisfaisantes sur le plan juridique. Pour ne citer que quelques exemples :

- la délégation de pouvoirs du représentant de la masse à un agent des sûretés est classique, dans le cadre de financements sécurisés. Pourtant, il persiste un doute sur la capacité du représentant de la masse de déléguer une partie de ses pouvoirs ;

- la tenue d’assemblées générales d’obligataires votant par visioconférence peut légalement être mise en place si les statuts le permettent ; or, aucun émetteur n’utilise cette faculté, car ce sujet est omis lors des assemblées générales d’actionnaires qui ne se prononcent pas sur les émissions obligataires simples, fermant dès lors cette possibilité pourtant ouverte aux actionnaires ;

- la constitution des sûretés après l’émission, n’étant pas explicitement prévue comme pouvant être faite au bénéfice de la masse, est souvent constituée en faveur de chacun des obligataires personnellement, ce qui alourdit grandement la procédure mais également les cessions ultérieures de titres.

Cela amène les émetteurs à parfois considérer le recours à un droit étranger.

1.2. Régime de l’agent des sûretés

Afin de faciliter l’exercice des droits des créanciers d’une entreprise (membres d’un pool bancaire dans le cadre d’un crédit syndiqué, masse des obligataires dans le cadre d’émission d’obligations sécurisées) relatifs aux sûretés octroyées par l’entreprise, il est d’usage de désigner un agent des sûretés (dans le cadre des crédits syndiqués, il s’agit souvent d’un des établissements de crédit du pool) :

- l'agent des sûretés est l’interlocuteur des créanciers vis-à-vis de l’emprunteur sur tous les sujets touchant aux sûretés ;

- l’agent des sûretés administre les sûretés pour le compte des bénéficiaires, qui sont parfois très nombreux, et ne peuvent être facilement réunis ;

- l’agent des sûretés exerce toutes formalités et actions en son seul nom pour le compte des créanciers. Il les consulte sur certaines questions importantes selon des règles de majorité fixées au contrat. Il peut agir seul en cas d’urgence ;

- l’agent peut inscrire la sûreté, agir en justice dans les opérations directement liées à la prise, conservation et réalisation de la sûreté en son nom.

1.3. Financement des infrastructures par la dette, régime de l’octroi de prêts par les fonds et clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés

La réflexion sur l’opportunité d’une plus large ouverture aux fonds de la faculté d’octroyer directement des prêts aux entreprises, amorcée avec le règlement (UE) 2015/760 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 relatif aux fonds européens d’investissement à long terme (dit « ELTIF »), s’est poursuivie. Elle s’inscrit dans un contexte marqué par l’intérêt des professionnels pour les nouveaux modes de financement désintermédiés de l’économie, notamment :

- un contexte concurrentiel européen accru, avec notamment la réforme menée en Allemagne à la fin de l’année 2015 (ouverture de la possibilité d’octroi en direct de prêts par les fonds) ;

- le succès des fonds de dette non tranchés à destination des investisseurs institutionnels ciblant le financement des petites et moyennes entreprises (PME) et ETI (fonds de prêts à l’économie) ;

- les travaux du Haut Comité Juridique de Place sur le monopole du crédit et sur les conditions d’une ouverture aux organismes de placements collectifs de la faculté de consentir des prêts ;

- la consultation publique menée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) à la fin de l’année 2015, qui a donné lieu à de nombreuses réponses des acteurs de la Place, et dont les conclusions sur les suites à y apporter sont en cours d’élaboration.

La plupart des fonds d’investissements alternatifs (FIA) bénéficient déjà, en droit français, d’une exemption à l’application de l’article L.511-5 du code monétaire et financier (CMF). La portée de cette exemption en matière d’octroi de prêts par ces fonds fait aujourd’hui l’objet de débats, et ne s’applique pas aujourd’hui à l’ensemble des acteurs (notamment les fonds étrangers) visés par le règlement ELTIF. Il reste néanmoins que ces FIA peuvent aujourd’hui déjà acquérir des créances auprès d’autres entités (établissements de crédit).

L’entrée en application du règlement ELTIF, dédié aux fonds d’investissement à long terme (infrastructure, financement des PME/ETI) fin décembre 2015, a conduit à ouvrir la possibilité pour certains fonds d’investissement d’octroyer des prêts aux entreprises. Des réflexions sont par ailleurs en cours au niveau européen pour ouvrir plus largement cette faculté : certains États Membres (Irlande, Allemagne) disposent déjà de cadres réglementaires dédiés.

Par ailleurs, parmi les entités pouvant prétendre à un agrément ELTIF, le cas des organismes de titrisation soulève des interrogations. La catégorie des organismes de titrisation est en réalité une classe hétérogène qui regroupe des entités répondant, ou non, à la définition prudentielle européenne de la titrisation, des entités répondant, ou non, à la définition réglementaire (de la directive « AIFM » 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs) de titrisation, et plus généralement des entités ayant des finalités différentes (financement spécialisé par la dette ou titrisation classique). Cette complexité, inhérente à l’hétérogénéité des acteurs, est un facteur défavorable à la lisibilité de la gamme des fonds français, et à leur exportation. La qualification d’un organisme de titrisation comme ELTIF fait par ailleurs mécaniquement basculer le régime dépositaire applicable à ce dernier hors du régime de droit commun applicable aux organismes de titrisation, mettant en évidence le caractère singulier et les limites de ce dernier.

Enfin, dans le cas de certains fonds d’investissement dédiés au financement des infrastructures, l’état actuel du droit limite la possibilité d’utiliser des avances en compte courant d’associé, ce qui réduit la compétitivité des fonds de droit français, et peut conduire, en contraignant les modalités de structuration des fonds, à des surcoûts pouvant par exemple se répercuter in fine sur les pouvoirs publics dans le cadre de partenariats publics-privés.

1.4. Cessions de créances non échues

Le rachat de créances non échues est assimilé en droit à une opération de crédit. Cela couvre aussi bien l’affacturage que le refinancement par des investisseurs des crédits octroyés par des établissements de crédit ou des sociétés de financement. Cette assimilation du rachat de créances à une opération de crédit conduit à autoriser ces rachats uniquement aux catégories d’investisseurs suivantes : les établissements de crédit, les sociétés de financement, les fonds communs de titrisation et les fonds étrangers similaires.

Il existe ainsi une incertitude juridique pour les autres catégories d’investisseurs (investisseurs institutionnels) pouvant conduire à localiser hors de France un certain nombre d’opérations qui sont conduites par des opérateurs soumis à la règlementation française (syndications de crédit, refinancement auprès d’opérateurs étrangers d’établissements de crédit) ou à passer par des organismes de placements collectifs étrangers reconnus en droit français.

La clarification des règles de cession de créances non échues permettra de faciliter la diversification des sources de refinancement des établissements de crédit et des sociétés de financement, et aux opérateurs concernés d’intervenir en toute sécurité juridique, les violations des interdictions prévues par le code monétaire et financier relèvent d’incriminations pénales.

2. Objectif poursuivis

2.1. Régime des émissions obligataires et de la protection des obligataires

La modernisation du régime des émissions obligataires viserait notamment à accroître la liberté d’organisation de la représentation des obligataires lorsque les émissions ne sont pas offertes au public.

Le système actuel de protection des obligataires qui se trouve principalement dans le code de commerce aux articles L.228-46 et suivants, provient du décret-loi de 1935. Un autre enjeu de la réforme consisterait en la simplification du régime juridique, le renforcement de la lisibilité du texte et la mise en cohérence avec le droit européen.

L’objectif du Gouvernement est de pouvoir modifier un certain nombre de dispositions en matière d’émissions obligataires, afin d’harmoniser, moderniser et de simplifier les textes existants.

L’ordonnance pourrait ainsi comporter un certain nombre de dispositions législatives nécessitant des mesures d’application, notamment un décret en Conseil d’État pour définir le montant de la valeur nominale ou de la quotité minimale de négociation permettant de distinguer les offres destinées à des institutionnels de celles ouvertes au public. Le montant envisagé est, conformément à la réglementation européenne, de 100.000 €.

2.2. Régime de l’agent des sûretés

L’agent des sûretés a pour rôle de gérer les sûretés consenties par une entreprise à ses créanciers. Le régime français d’agent des sûretés est aujourd’hui peu adapté, si bien que de nombreux créanciers ont aujourd’hui recours à des mécanismes étrangers concurrents.

Une réforme de l’agent de sûretés permettrait de rendre ce dispositif efficace et compétitif. Avec la modernisation de la représentation de la masse, elle accompagnerait opportunément l’essor des financements obligataires (Project bonds, Euro-PP) et contribuerait plus généralement à l’objectif de modernisation des marchés de dette, reconnue comme une des deux priorités stratégiques du Comité Place de Paris 2020.

2.3. Financement des infrastructures par la dette, régime de l’octroi de prêts par les fonds et clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés

Au-delà des mesures introduites par la loi de finance rectificative pour 2015 pour les fonds ayant reçu le label « ELTIF » d’octroyer des prêts aux entreprises, il est nécessaire de prévoir la possibilité de revoir les modalités d’information des autorités de surveillance macro-prudentielle (Banque de France, notamment) par les entités qui procéderaient à un octroi de prêts en direct, ainsi que le champ d’application de l’article L.511-5 du CMF pour les fonds de droit étranger.

Une réflexion sur les modalités d’acquisition et de cession de créances, par exemple sur l’opportunité d’une extension de la cession dite Dailly aux fonds octroyant des prêts, pourrait également être envisagée.

Par ailleurs, la mise en œuvre du règlement ELTIF a mis en lumière la nécessité de clarifier la séparation en droit français des organismes de titrisation classiques (refinancement bancaire) des entités de financement spécialisé (infrastructures, fonds de prêts à l’économie, etc.) qui se refinancent en émettant des parts ou titres financiers mais qui ne relèvent pas de la définition européenne de la titrisation. Cette clarification permettrait le développement de fonds de financement dédiés (par exemple aux infrastructures vertes) et plus largement de l’offre de financement par dette.

Enfin, il est nécessaire de modifier les conditions, pour les fonds d’investissement dédiés aux infrastructures, d’utilisation des avances en compte courant d’associé.

2.4. Cessions de créances non échues

La clarification des règles de cession de créances non échues permettrait d’une part aux établissements de crédit et aux sociétés de financement d’améliorer la diversification de leurs sources de refinancement, et d’autre part aux opérateurs concernés d’intervenir en toute sécurité juridique, les violations des interdictions prévues par le CMF relevant d’incriminations pénales, tout en leur permettant de diversifier leurs stratégies d’investissement. Cette clarification ne serait pas faite au détriment de la protection des investisseurs, en encadrant les conditions dans lesquelles les investisseurs pourraient acquérir des créances non échues auprès d’établissements de crédit ou de sociétés de financement.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1 Régime des émissions obligataires et de la protection des obligataires

Le système actuel prévoit déjà la possibilité de déroger au régime général prévu au code de commerce dans des cas spécifiques énumérés à l’article L.228-90 de ce code (emprunts soumis à un régime légal spécial, emprunts garantis par l’État, les départements, les communes ou les établissements publics et emprunts émis à l’étranger).

L’exception la plus utilisée par les sociétés françaises est celle des « emprunts émis à l’étranger ». Juridiquement, grâce à l’article L.228-90 du code de commerce, une société française émettant des obligations « à l’étranger » peut organiser comme elle le souhaite ses rapports avec ses investisseurs obligataires. En pratique, à raison du flou entourant la notion « d’emprunt émis à l’étranger », les entreprises françaises plaçant leurs titres internationalement reprennent l’essentiel des dispositions du code de commerce relatives à la masse ; l’aménagement de la représentation des porteurs d’obligations reste marginal.

En l’absence de modification législative du système français de représentation des porteurs d’obligations une option possible pour les parties à une émission obligataire est le recours à un droit étranger. Force est de constater qu’un certain nombre d’émetteurs français fréquents ont ainsi recours à des droits étrangers pour leurs emprunts obligataires. Cependant le recours à un droit étranger n’est guère justifiable lorsque l’émetteur et l’ensemble des investisseurs obligataires sont français et il est regrettable que le droit français soit perçu comme étant moins compétitif que d’autres droits (notamment le droit anglais et le droit de l’État de New York – les droits les plus employés en la matière) sur ces aspects.

Il est donc nécessaire de mettre le droit français de la représentation des obligataires en harmonie avec les standards internationaux en la matière et ceci par une intervention législative.

Le législateur pourrait reprendre l’ensemble du système de représentation des porteurs d’obligations, afin de l’adapter aux pratiques actuelles du marché obligataire.

D’emblée, on peut dire qu’un système unique de représentation des obligataires serait difficilement capable de répondre aux besoins des différentes composantes du marché obligataire (émissions des grandes sociétés ou des grandes banques, Euro placement privés, obligations de projet (project bonds), obligations vertes (green bonds ou climate bonds), obligations dites hybrides). On pourrait aussi envisager un système de représentation avec autant de variantes que de types d’obligations, mais les marchés obligataires sont en constante évolution. Afin de pouvoir adapter la représentation des obligataires à des marchés évolutifs, le législateur pourrait laisser une liberté contractuelle totale aux parties au contrat d’émission, à l’instar des droits américain ou anglais.

Cependant, la tradition juridique française s’efforce de protéger l’épargne publique. Il n’est donc pas acceptable de laisser le contrat tout régir quelles que soient les circonstances.

C’est pourquoi il pourrait être proposé de conserver – sans modification – le système actuel généralement considéré comme satisfaisant pour les émissions destinées au public et d’accorder une grande liberté contractuelle pour les émissions s’adressant à des investisseurs avertis. Le critère de distinction s’appuierait sur l’exception aux offres au public la plus fréquemment utilisée à savoir les offres portant sur des titres dont la valeur nominale unitaire est supérieure ou égale à 100.000  €. Cependant à l’occasion de la réforme en cours de la directive prospectus, ce critère pourrait être supprimé. Ce seuil de 100.000 €, créé pour les besoins de la réglementation européenne applicable à l’information à fournir dans les documents d’offres, est considéré par l’AMF comme permettant d’exclure de fait les investisseurs de « détail ». Toutefois, la fixation de ce seuil repose également sur une analyse des pratiques de marché françaises, susceptibles d’évoluer en raison de modifications des comportements des investisseurs. Ainsi, ce seuil de 100.000 € était, il y a quelques années, fixé à 50.000 €. Il semblerait donc pertinent de conserver une certaine flexibilité à la hausse ou à la baisse en fonction des pratiques de marché constatées. Le renvoi à un décret en Conseil d’État pour la fixation de ce seuil permettrait une adaptation plus facile aux conditions de marché et à l’évolution de la réglementation européenne.

Les dispositions envisagées auraient un impact qualitatif en ce qu’elles permettent de rétablir une égalité de traitement entre les grands et les petits émetteurs d’obligations. On sait qu’en vertu du code de commerce, les sociétés qui placent internationalement leurs obligations (emprunts obligataires « émis à l’étranger » selon l’article L.228-90) peuvent aménager contractuellement les groupements de leurs obligataires – même si dans les faits ces aménagements restent marginaux. En revanche, les petites sociétés dont les obligations sont placées auprès d’un nombre limité d’investisseurs proches résidant en France ne bénéficient, elles, d’aucune marge contractuelle d’aménagement, quand bien même leurs emprunts sont destinés non au public mais à des investisseurs avertis – parce que leurs emprunts sont « émis en France ». Le dispositif légal à envisager devra mettre fin à l’inégalité d’accès au marché obligataire qui pénalise les petites sociétés par rapport au grandes. La réforme devrait donc favoriser le développement des Euro Placements Privés conformément aux vœux du gouvernement.

Les dispositions envisagées auraient aussi un impact qualitatif sur les émissions obligataires de droit français en les rendant plus concurrentielles. Elles pourraient être un élément de plus susceptible d’encourager les grandes banques et sociétés françaises, qui ont recours à des droits anglo-saxons, à revenir au droit français pour leurs émissions obligataires.

La réforme à effectuer devrait avoir un impact quantitatif en incitant les émetteurs français à utiliser leur propre droit pour leurs émissions obligataires. L’importance de l’utilisation des droits anglo-saxons par les émetteurs français peut être mesurée à l’aune de trois critères :

- le marché du haut rendement (high yield) d’émetteurs français, dont les émissions sont traditionnellement gouvernées par le droit de l’État de New York ou le droit anglais (alors que les émissions similaires d’entreprises allemandes sont soumises au droit allemand), a connu une augmentation importante ces dernières années, passant de 28 émissions en 2012, pour un volume de près de 8,6 Md€, à 37 émissions en 2015, avec un volume de près de 15 Md€. Sur cette période, le volume annuel d’émissions a pu monter jusqu’à 22,3 Md€ pour 40 émissions, en 2014 (source : données Dealogic) ;

- de manière plus significative encore, les émissions dites « investment grade », à l’exclusion des émissions du secteur public (État, collectivités et établissements publics), réalisées par des émetteurs français ont beaucoup progressé en montants émis, passant d’un volume total de plus de 123 Md€ (552 émissions) en 2012 à 160 Md€ (455 émissions) en 2014, avant de connaître un léger ralentissement en 2015, notamment dû à la crise grecque, avec un volume – toujours significatif – de 121 Md€ (394 émissions) (source : données Dealogic).

Or, les émetteurs français récurrents réalisent leurs émissions « investment grade » à partir de programmes dits EMTN. Pour l’essentiel ces programmes d’émetteur français sont enregistrés auprès de l’AMF et son homologue luxembourgeois, la CSSF. Sur les 110 programmes ainsi enregistrés, 95 sont régis par le droit français et 31 par le droit anglais (le total est supérieur au nombre de programmes car certains programmes permettent pour une émission obligataire en particulier de choisir entre le droit anglais et le droit français – ils comptent donc dans les deux catégories) ;

- enfin, le principe de liberté de l’aménagement de la représentation des obligataires devrait permettre le développement d’un marché français des project bonds conformément aux vœux des autorités françaises et européennes. Les besoins en projets d’infrastructures (dans les domaines des transports, de l’énergie et des technologies de l’information) sont considérables. Ces besoins sont estimés à 2.000 Md€ d’ici 2020 pour l’ensemble de l’Union Européenne (www.eib.org, L’initiative « obligations de projet » : un instrument innovant de financement des infrastructures). Sachant que la France représente aujourd’hui 15 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne, on a une idée approximative de ce que représente potentiellement le marché français des project bonds. En France, ce marché est naissant mais le droit anglais est dès aujourd’hui le droit le plus utilisé à travers l’Europe pour les project bonds.

Dans le marché français actuel qui est essentiellement tourné vers les investisseurs institutionnels, la modernisation du dispositif de représentation des obligataires pourrait donc concerner un nombre important de financements.

3.2 Régime de l’agent des sûretés

L’agent des sûretés a été introduit en droit français en 2007 (article L.2328-1 du code civil). Cependant, il présente plusieurs lacunes importantes à cause desquelles les praticiens ne l’utilisent pas et recourent plutôt à des dispositifs étrangers (trust, parallel debt) :

- l’agent ne peut aujourd’hui gérer que les sûretés réelles, pas les sûretés personnelles ;

- le recours à l’agent ne dispense pas de la nécessité de mentionner l'identité de chacun des créanciers bénéficiaires de la sûreté ;

- les formalités de désignation de l’agent sont contraignantes, et les conditions de son remplacement le cas échéant ne sont pas claires ;

- il n'est pas clair non plus qu'en cas de réalisation des sûretés, les actifs demeurent séparés du patrimoine propre de l'agent des sûretés ;

- enfin et surtout, l'agent des sûretés ne peut seul réaliser judiciairement les sûretés.

Dans un contexte de développement du marché obligataire pour financer tant les grands projets (Project bonds) que les entreprises, notamment les ETI (Euro-PP), et la tendance des investisseurs à se tourner vers des obligations sécurisées, il apparaît donc particulièrement opportun de se doter en droit français d’un dispositif d’agent des sûretés efficace, permettant de concurrencer les dispositifs existants dans les pays anglo-saxons. Il s’agirait principalement de pallier les défaillances indiquées ci-dessus ce qui aurait un impact bénéfique direct pour les professionnels concernés.

3.3 Financement des infrastructures par la dette, régime de l’octroi de prêts par les fonds et clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés

La mise en œuvre des dispositions portant sur l’octroi de prêts par les fonds et la clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés nécessite des modifications d’ordre législatif.

En l’état, l’article L.214-160 contraint le montant de dette d’actionnaire pouvant être utilisé par les fonds professionnels de capital-investissement, y compris lorsque ces derniers sont spécialisés dans les infrastructures. Il est nécessaire de revoir le plafond applicable à ces acteurs en matière de financement par la dette d’actionnaire. En outre, une revue des modalités de cession de créances (application de la cession Dailly) pour ces nouveaux acteurs relèverait de mesures législatives.

Le régime d’octroi de prêts par les fonds nécessite diverses dispositions d’ordre législatif, pour veiller à une bonne information des autorités de surveillance macro-prudentielle sur les encours de crédit, mettre en conformité les dispositions applicables en matière d’octroi de prêts avec le droit européen, et prendre les mesures de coordination nécessaires.

S’agissant de la clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés, une revue de la sous-section 5 de la section II du chapitre IV du titre 1er du livre II du CMF est nécessaire, pour distinguer les organismes de titrisation et de financement, et pour apporter des ajustements au régime des dépositaires.

L’impact de cette clarification devrait contribuer au développement de fonds de financement dédiés (par exemple aux infrastructures vertes)  et plus largement de l’offre de financement par dette.

3.4 Cessions de créances non échues

L’encadrement des opérations de crédit est du domaine de la loi, ce sont actuellement les articles L.511-5 et L.511-6 du CMF qui encadrent ces opérations. Les opérations de cessions de créances non échues étant assimilées à des opérations de crédit, seules des modifications de nature législative permettront d’apporter les clarifications requises.

Les règles en matière d’interdiction des opérations de crédit pourraient être modifiées pour compléter la liste des opérations admises par dérogation à l’article L.511-6 du CMF. Seraient également précisées les règles auxquelles seraient soumises ces cessions (identification des cessionnaires et cédants, nature des créances concernées, contraintes éventuelles de rétention pour le cédant, procédures en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme).

Ces modifications permettraient de clarifier les règles de cession de créances non échues et auraient un impact bénéfique direct sur les établissements de crédit et les sociétés de financement en ce qu’elles leur permettraient d’améliorer la diversification de leurs sources de refinancement. D’autre part, ces dispositions permettraient aux opérateurs concernés d’intervenir en toute sécurité juridique, les violations des interdictions prévues par le code monétaire et financier relevant d’incriminations pénales, tout en leur permettant de diversifier leurs stratégies d’investissement.

S’agissant de l’impact sur les investisseurs, cette clarification ne serait pas faite au détriment de leur protection grâce à l’encadrement des conditions dans lesquelles ces investisseurs pourront acquérir des créances non échues auprès d’établissements de crédit ou de sociétés de financement.

4 Consultations envisagées

4.1 Régime des émissions obligataires et de la protection des obligataires

Un comité a été créé au sein de Paris Europlace, une association dont l’objet est de promouvoir et développer la place financière de Paris, dans lequel sont représentés la Chancellerie, la Direction Générale du Trésor, l’AMF, des émetteurs, des banques (françaises et étrangères), des avocats spécialisés en marchés de capitaux et des associations de place (ANSA, AMAFI). Il participera à l’élaboration de la réforme législative.

4.2 Régime de l’agent des sûretés

La réforme de ce régime figurait parmi les propositions de modification législative transmises par Paris Europlace dans le cadre du Comité Place de Paris 2020 et son élaboration se fera dans les mêmes conditions que pour le régime des émissions obligataires et de la protection des obligataires.

4.3 Financement des infrastructures par la dette, régime de l’octroi de prêts par les fonds et clarification de la gamme des organismes de financement spécialisés

La mise en œuvre du règlement ELTIF a fait l’objet d’échanges avec les acteurs de la place. L’AMF a notamment mené une consultation auprès des professionnels sur l’opportunité d’ouvrir aux fonds d’investissement la faculté d’octroyer des prêts aux entreprises.

Le comité de Paris Europlace précité étudiera les évolutions législatives nécessaires en matière d’organismes de financement et de titrisation.

4.4 Cessions de créances non échues

Le haut comité juridique de la place de Paris, qui réunit des représentants de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de l’AMF, de la Banque de France et d’associations professionnelles ainsi que des professionnels du droit, travaille depuis le début de l’année 2015 sur une clarification du régime national de la cession de créances non échues.

Dans le cadre des travaux de ce haut comité, outre l’expertise propre des entités qui le constitue, des consultations seront menées auprès de divers professionnels pour mieux comprendre le besoin de clarification du régime national de la cession de créances non échues.

Les travaux du haut comité juridique de la place de Paris n’étant pas encore finalisés, il est proposé de procéder par voie d’ordonnance pour prendre en compte les conclusions de ces travaux dans les modifications de textes envisagées.

Article 35 : Habilitation pour la séparation des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille

1. Difficultés à résoudre

En droit interne, la définition des entreprises d’investissement comprend les personnes morales qui fournissent des services d’investissement à titre de profession habituelle (article L.531-4 du code monétaire et financier - CMF) ainsi que l’ensemble des sociétés de gestion de portefeuille (article L.532-9 du même code), qu’elles offrent le service d’investissement de gestion de portefeuille pour le compte de tiers ou qu’elles exercent une activité de gestion collective.

Cette définition est plus large qu’en droit européen, dans lequel seules les personnes fournissant des services d’investissement à titre de profession habituelle sont des entreprises d’investissement, puisqu’elle couvre également les sociétés de gestion de portefeuille ayant une activité de gestion collective, activité qui n’est pas un service d’investissement, ni en droit interne ni en droit européen.

La transposition en droit interne de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d’instruments financiers (dite « MiFID II ») impose de mettre en conformité le droit interne avec le droit européen concernant le périmètre des entreprises d’investissement pour éviter de soumettre les sociétés de gestions de portefeuille qui sont hors du champ d’application de MiFID II à des contraintes qui ne seraient pas justifiées. À défaut, ces entités seraient soumises à des règles d’organisation et de fonctionnement contraignantes, les plaçant ainsi dans une situation d’iniquité concurrentielle avec les sociétés situées dans d’autres États membres de l’Union européenne. Cette modification permettra par ailleurs d’améliorer la lisibilité du droit interne relatif aux sociétés de gestion, et de limiter les différences d’approche avec le droit de l’Union européenne.

Le Gouvernement a d’abord envisagé de conduire ces travaux de séparation des sociétés de gestion de portefeuille et des entreprises d’investissement dans le cadre de l’habilitation à procéder par voie d’ordonnance la transposition de la directive MiFID II (aux termes de l’article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014), cette directive définissant le périmètre en droit européen des entreprises d’investissement. Cependant, le Conseil d’État, dans son avis rendu le 2 juin 2015 a considéré que « une modification de la définition législative des catégories juridiques que constituent les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion de portefeuille en droit interne, qui aurait pour effet, dans un souci de clarification du droit applicable, de ne plus permettre aux sociétés de gestion de portefeuille de réaliser à la fois de la gestion individuelle et collective, excèderait, par sa portée au regard du régime du droit interne applicable, le champ de l’habilitation dont dispose le Gouvernement. »

Cet avis du Conseil d’État explique le besoin pour le Gouvernement d’obtenir une nouvelle habilitation à procéder par voie d’ordonnance la séparation envisagée, afin d’éviter toute sur-transposition des dispositions de la directive MiFID II, et de préciser les conditions dans lesquelles les sociétés de gestion de portefeuille dans leur nouveau périmètre pourront fournir des services d’investissement.

2. Objectifs poursuivis

L’absence de sur-transposition d’un texte européen central dans l’organisation du marché unique des services financiers et la mise en cohérence du droit interne avec le droit européen concernant le périmètre d’entités régulées (sociétés de gestion de portefeuille et entreprises d’investissement) sont les deux objectifs principaux poursuivis par le Gouvernement.

La définition des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille est du domaine de la loi. Eu égard à l’avis rendu par le Conseil d’État (cf. partie 1), il aurait pu être envisagé de chercher à éviter la sur-transposition de la directive MiFID II aux sociétés de gestion de portefeuille en précisant le champ d’application des dispositions de la directive, par l’intermédiaire de l’ordonnance prise pour transposer cette directive, sans chercher à modifier les définitions posées aux articles
L.531-4 et L.532-9 du CMF.

Pour autant, cette approche n’aurait pas permis de résoudre le problème posé par l’articulation actuelle du droit interne : seule une partie des sociétés de gestion de portefeuille sont des entreprises d’investissement au sens de MiFID II, sans que la frontière entre entités devant être soumises à MiFID II et entités ne devant pas y être soumises ne soit aisément délimitable en droit interne. Seule une nouvelle définition des sociétés de gestion de portefeuille, afin d’aligner la définition des entreprises d’investissement sur le droit européen, permettra de résoudre ce problème et assurera aux sociétés de gestion de portefeuilles qui ne doivent pas être soumises à MiFID II que cela sera bien le cas en droit interne.

Une fois le périmètre des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille redéfini, il conviendra d’en tirer toutes les conséquences au niveau législatif, notamment pour préciser les conditions dans lesquelles les sociétés de gestion de portefeuille pourront continuer à fournir des services d’investissement, dans le cadre des dérogations prévues au niveau européen.

S’agissant de l’application outre-mer, la mesure envisagée y serait pleinement applicable en raison des renvois opérés depuis le livre VII du CMF vers les articles L.531-4 et L.532-9 du même code, qui définissent les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion de portefeuille.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1. Impacts pour les particuliers et les entreprises

L’Autorité des marchés financiers (AMF) recensait 634 sociétés de gestion de portefeuille en France à la fin de l’année de 2015. Parmi ces 634 sociétés il convient de distinguer celles qui ne seront plus dans la catégorie des entreprises d’investissement une fois la séparation effectuée, de celles qui seront dans la catégorie des entreprises d’investissement, donc soumises à MiFID II.

Il est estimé par les services de l’AMF que seules 10 sociétés fournissent un service d’investissement de gestion pour compte de tiers sans gérer d’organismes de placements collectifs. Ces 10 entités seront toujours des entreprises d’investissement suite à la séparation des entreprises d’investissement, comme prévu par le droit européen, et seront soumises à l’ensemble des dispositions issues de MiFID II.

Par ailleurs, près de 60 sociétés gèreraient des organismes de placement collectifs hors du cadre des directives européennes sur la gestion (directive 2009/65/CE dite OPCVM IV et 2011/61/UE dite AIFM) tout en fournissant des services d’investissement. Pour que ces sociétés puissent continuer à fournir des services d’investissement une fois la séparation envisagée effectuée, elles seront conduites à demander un agrément au titre de la directive 2011/61/UE, dont les règles resteront moins lourdes que si MiFID II devait leur être appliqué.

Pour le reste des sociétés de gestion de portefeuille (environ 560 sociétés), la séparation envisagée n’aura pas d’incidence sur la conduite de leur activité, au contraire, elle leur évitera des contraintes règlementaires non justifiées par le droit européen.

S’agissant des particuliers, et notamment des investisseurs de détail, il convient de noter que les mesures nécessaires à la protection des investisseurs continueront d’être mises en œuvre avec le même niveau d’exigence qu’aujourd’hui pour les sociétés de gestion de portefeuille dans leur nouveau périmètre. En outre, dans le cadre de la fourniture des services d’investissements que les sociétés de gestion de portefeuille pourront continuer à fournir une fois la séparation effectuée, les nouvelles règles de bonne conduite issue de la directive MiFID II (notamment en matière de conseil en investissement financier) s’appliqueront de la même manière qu’aux entreprises d’investissement. La mesure envisagée permettra donc d’assurer un niveau élevé de protection des investisseurs particuliers.

3.2. Impacts pour les administrations

L’opération envisagée de séparation des sociétés de gestion de portefeuille et des entreprises d’investissement va conduire à modifier les champs de compétence, notamment au niveau de l’agrément, de l’AMF et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Si le dispositif restera formellement identique à celui qui existe aujourd’hui, à savoir que l’AMF agrée les sociétés de gestion de portefeuille et que l’ACPR agrée les entreprises d’investissement, les modifications envisagées dans le périmètre de ces entités vont conduire à un changement d’autorité d’agrément pour un nombre limité d’acteurs (les 10 sociétés de gestion de portefeuille mentionnées ci-dessus). La charge de travail supplémentaire que constitue ce changement a été jugée tout à fait supportable par l’ACPR.

4. Consultations envisagées

La préparation de la mesure fait l’objet d’un dialogue étroit avec l’AMF, autorité d’agrément des sociétés de gestion de portefeuille, et avec l’ACPR, autorité d’agrément des entreprises d’investissement.

Des échanges nourris ont aussi lieu avec les associations professionnelles des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille.

Article 36 : Renforcement de la réglementation sur les délais de paiement

1. État des lieux

1.1. Depuis le 1er janvier 2009, la loi plafonne strictement les délais de paiement contractuels interentreprises

Ces délais ne doivent pas dépasser 60 jours à compter de la date de la facture, ou 45 jours fin de mois.

L’entrée en vigueur de cet encadrement par la loi a entraîné une nette amélioration du délai de paiement moyen entre 2008 et 2011, puisque selon les chiffres de la Banque de France, le délai fournisseur est passé à cette période de 59,2 jours à 51,7 jours et le délai clients de 51,4 jours à 43,7 jours. Toutefois cette évolution favorable semble s’être arrêtée depuis l’année 2012.

Selon l’indicateur trimestriel sur les retards de paiement créé par la Médiation interentreprises et Altares (établi à fin 2015), le retard de paiement moyen sur l’ensemble des entreprises est de 13 jours, à un niveau qui reste élevé, même si on constate une légère réduction par rapport au niveau atteint à l’été 2015 (13,6) En revanche, pour 120 grands donneurs d’ordre, il est en augmentation, et s’établit à 13,7 jours fin décembre.

Les chiffres les plus récents de la Banque de France (portant sur l’année 2013) indiquent qu’un strict respect de la loi en matière de délais de paiement représenterait une ressource potentielle de près de 15 Md€ pour les petites et moyennes entreprises (PME) et de près de 4 Md€ pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Or, les retards de paiement sont gravement préjudiciables à la rentabilité des entreprises créancières parce qu’ils leur imposent d’obtenir des financements de court terme auprès de leur banque. Ces retards ont un impact négatif sur leur trésorerie et leur compétitivité. Pour les plus fragiles d’entre elles, ils peuvent entrainer des défaillances.

Ils sont d’autant plus nocifs qu’ils peuvent se propager d’entreprise en entreprise et finalement avoir des répercussions sur tous les maillons d’une chaîne d’approvisionnement.

1.2. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a modifié le régime de sanction pour garantir un meilleur respect des textes

Les sanctions civiles et pénales précédemment en vigueur ont été remplacées par des sanctions administratives, plus dissuasives. Les retards de paiement peuvent désormais être sanctionnés d’une amende pouvant aller jusqu’à 375.000 € pour une personne morale, ce montant pouvant être doublé en cas d’itération. Les sanctions peuvent en outre faire l’objet d’une publication.

Sur le fondement de ce nouveau dispositif, au cours de l’année 2015, 222 procédures d’amendes administratives ont été mises en œuvre, et ont donné lieu à la notification de 135 amendes, pour un montant global de 4,3 M€. Six décisions d’amendes administratives ont été publiées sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Par ailleurs, l’article 198 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a inséré dans la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne (dite DDADUE) un article 40-1 en vue d’étendre la compétence de contrôle de la DGCCRF aux entreprises publiques soumises à l’article 37 de cette même loi. Cet article a également créé une amende administrative d’un montant maximal de 375.000 €, prononcée selon les modalités prévues au code de commerce.

2. Description des objectifs poursuivis

L’objectif est de renforcer l’efficacité du dispositif de sanction, en le rendant plus dissuasif.

2.1. Rehaussement du niveau des sanctions

Il s’agit tout d’abord de rehausser le plafond des amendes, afin qu’il soit mieux proportionné aux profits pouvant être tiré des retards de paiement, pour le porter à 2 M€. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 mars 2014, ce plafond était applicable, en vertu de l’article L. 442-6 du code de commerce, aux manquements aux délais de paiement convenus. Au terme de la première année d’application des sanctions administratives, ce plafond paraît mieux adapté que celui de 375.000 € qui n’est pas suffisamment dissuasif au regard des dégâts que des retards de paiement répétés peuvent causer à la trésorerie et donc à l’équilibre financier des fournisseurs ou sous-traitants.

Il est également proposé de porter le plafond de l’amende encourue par les entreprises publiques prévue à l’article 40-1 de la loi DDADUE du 23 janvier 2013 à 2 M€. En effet, pour certaines d’entre elles, la question de l’adéquation du niveau des sanctions se posera également.

2.2. Publicité des sanctions

Il est ensuite proposé que la loi prévoie une publication systématique des sanctions, ce qui renforcera encore leur effet dissuasif, les entreprises étant particulièrement soucieuses de préserver leur image et de leur réputation.

2.3. Itération des sanctions

Enfin, il s’agit de permettre à l’administration de prononcer et de faire exécuter plusieurs amendes par les entreprises auteurs de multiples manquements. Actuellement, même si une entreprise est à l’origine de retards de paiement multiples et répétés, l’exécution des amendes est limitée au plafond de 375.000 €.

Au terme d’une année d’application de la loi, il apparaît que cet encadrement législatif n’était pas adapté au domaine des délais de paiement. En effet, dans ce domaine, les itérations voire réitérations sont nombreuses et il importe que la loi reste efficace et dissuasive lors des contrôles de suivi, comme elle l’est lors des contrôles initiaux.

Sur ce point, le constat effectué en matière d’amendes administratives prononcées dans le cadre du code de la consommation est strictement identique.

Le VII de l’article L.141-1-2 du code de la consommation a introduit un plafonnement au maximum légal encouru pour le cumul des amendes supérieures à 3.000 € pour les personnes physiques et à 15.000 € pour les personnes morales prononcées pour des manquements en concours.

Ce plafonnement n’est dans les faits pas plus adapté en matière de consommation qu’il ne l’est en matière de délais de paiement.

Il ressort de plus d’une année de pratique de ces dispositions qu’elles sont source de difficultés d’application en raison de la difficulté d’apprécier la notion de « manquements en concours » qui n’existe pas en droit administratif.

Par analogie avec le droit pénal, dont le dispositif inscrit dans le code de la consommation a été largement inspiré, on devrait donc considérer que les règles de plafond posées au VII de l’article L.141-1-2 doivent être respectées pour l’ensemble des manquements commis par un professionnel et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de sanction administrative définitive, même si ces manquements n’ont rien à voir les uns avec les autres et même s’ils sont relevés et sanctionnés par des administrations différentes.

En droit pénal, la notion d’infractions en concours est précisée à l’article 132-2 du code pénal et englobe toute infraction commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction, et ce même si les différentes infractions n’ont aucun lien les unes avec les autres.

Or, une telle approche limiterait sensiblement l’intérêt des sanctions administratives, voire empêcherait leur effectivité, alors que ces sanctions ont au contraire été mises en place pour permettre une répression plus efficace et plus rapide.

En effet, elle pourrait permettre aux professionnels qui contestent systématiquement les amendes dont ils font l’objet, d’échapper à toute sanction administrative dès que le plafond limitant leur cumul est atteint.

La contestation a pour effet de retarder (de plusieurs années) le moment où les sanctions seront définitives. En conséquence, les professionnels, et notamment les gros opérateurs qui disposent d’établissements sur l’ensemble du territoire, pourraient, une fois que le plafond de la sanction encourue la plus élevée aura été atteint, empêcher l’administration de prononcer à leur encontre toute nouvelle sanction administrative, et ce pendant plusieurs années (le temps en effet d’exercer un recours en premier ressort, en appel puis en cassation et d’obtenir, in fine, une décision définitive).

Au surplus, il semble matériellement très difficile – voire impossible – pour un service déconcentré donné d’avoir connaissance de l’ensemble des sanctions administratives non définitives dont un professionnel fait l’objet, surtout si ces sanctions administratives sont susceptibles d’émaner d’autres administrations.

Compte tenu de ces difficultés il est proposé de supprimer ces dispositions, ce qui permet de conserver également une cohérence avec le code de commerce pour lequel la suppression des dispositions similaires est proposée ci-avant.

Au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aucune obligation constitutionnelle n’empêche la suppression de cette règle du code de commerce et du code de la consommation.

Dans un souci de cohérence avec la suppression du plafond de cumul des amendes à l’article L.465-2 du code de commerce, et compte-tenu de ces difficultés, il est proposé de supprimer ces dispositions de cumul du code de la consommation.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Un respect généralisé des délais de paiement ne passe pas par la seule voie des amendes administratives

Le Gouvernement recourt ainsi à de nombreuses voies d’action pour lutter contre les retards de paiement.

Des outils de financement ont été proposés, notamment par Bpifrance pour permettre aux entreprises de se financer par le recours au crédit au lieu d’imposer des retards de paiement à leurs fournisseurs ou sous-traitants.

D’autres moyens d’incitation et de persuasion sont utilisés. Les lois du 17 mars 2014 relative à la consommation et du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ont prévu le renforcement des obligations de transparence requises des entreprises en ce qui concernent leurs délais de paiement clients et fournisseurs ; le décret n° 2015-1553 du 27 novembre 2015 précise le contenu de cette obligation.

La culture du paiement rapide ne se généralisera que par la volonté de chaque entreprise de respecter son partenaire commercial en payant ses dettes à l’échéance prévue contractuellement, conformément aux dispositions du code de commerce. Les entreprises sont également incitées à évoluer vers un véritable esprit de filière, ce qui permettra l’exécution des transactions commerciales dans l’intérêt commun des deux parties, et ainsi de l’ensemble de l’économie.

Enfin, une réflexion est en cours en vue du développement de la facturation électronique, qui réduira le temps de transmission et facilitera le traitement par le débiteur, lui permettant ainsi de mieux respecter le délai de paiement.

3.2. Toutefois, le renforcement du dispositif de sanction reste une voie d’action essentielle du dispositif de lutte contre les retards de paiement, grâce à l’impact non seulement répressif mais aussi dissuasif des sanctions renforcées

Un double effet de dissuasion est attendu de ces sanctions :

- d’une part, l’impact immédiat et concret du montant des amendes qui, une fois le plafond rehaussé, sera loin d’être symbolique, alors que sous l’empire des anciens textes de loi, les manquements étaient rarement sanctionnés et au mieux d’une amende modeste ;

- d’autre part, la publication des sanctions, qui permet de faire connaître à tous, et en particulier aux partenaires commerciaux potentiels de l’entreprise, ses mauvais comportements de paiement.

Un dispositif de sanction renforcé ne pourra qu’encourager les entreprises à adopter la culture du paiement rapide.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

4.1. Impacts pour les entreprises

Selon les estimations de la Banque de France, un strict respect de la loi sur les délais de paiement permettrait de restituer 14,9 Md€ aux PME et 3,8 Md€ aux ETI de trésorerie aux entreprises auxquelles ils sont dus. Les mesures proposées, en rendant la loi plus dissuasive, auront un impact positif pour la compétitivité et la trésorerie des entreprises.

4.2. Impacts pour les administrations

Les mesures auront un impact négligeable pour les services de la DGCCRF qui effectuent déjà un travail de contrôle et de sanction des retards de paiement. La suppression de la règle du cumul constituera une simplification pour les services, aussi bien dans l’application du code de commerce que dans celle du code de la consommation.

5. Modalités de mise en œuvre

S’agissant dispositions touchant le code de commerce, elles ne seront pas applicables en Nouvelle-Calédonie ni en Polynésie française. Elles seront applicables dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les îles Wallis et Futuna.

S’agissant des dispositions impactant le code de la consommation, une ordonnance prise sur le fondement du II de l’article 161 de la loi du 17 mars 2014 précitée précisera les modalités d’application du code de la consommation outre-mer.

Titre VI : De l’amÉlioration du parcours de croissance pour les entreprises

Article 37 : Lissage des seuils de la micro-entreprise

1. État des lieux

1.1. Situation actuelle

1.1.1. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

L’article 293 B du code général des impôts (CGI) dispose que pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la TVA, lorsqu'ils ont réalisé au titre de l’année précédente un chiffre d’affaires (CA) n’excédant pas 82.200 € pour leurs livraisons de biens ou 32.900 € pour leurs prestations de services, hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, l’année civile précédente.

L’année du dépassement du seuil (N), ils conservent le bénéfice de ce régime si le CA réalisé au titre de cette année n’excède pas, selon leur activité, 90.300 € ou 34.900 €.

Dans ce cas, l’année suivant le dépassement du seuil (N+1), ils conservent également le bénéfice de la franchise si le CA de l’année en cours n’excède pas 90.300 € ou 34.900 €.

En revanche, ils perdent le bénéfice de la franchise dès que leur CA excède 90.300 € ou 34.900 € en devenant redevables de la TVA pour les livraisons de biens ou les prestations de services effectuées à compter du 1er jour du mois au cours duquel ces limites sont dépassées.

1.1.2. En matière d’impôt sur le revenu (IR)

Les contribuables qui exercent une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC), dont les recettes ne dépassent pas les limites prévues pour la franchise de TVA et qui bénéficient de cette franchise de TVA sont imposés selon un régime semi forfaitaire d’imposition (régime des micro-entreprises et régime déclaratif spécial définis aux articles 50-0 et 102 ter du CGI). Ces contribuables peuvent néanmoins opter pour un régime réel d’imposition. Cette option est valable deux ans, et est tacitement reconduite par période de deux ans. Les contribuables peuvent y renoncer à l’expiration de chaque période biennale.

Les contribuables qui relèvent du régime micro en BIC ou BNC peuvent par ailleurs opter pour le régime du versement libératoire de l’IR défini à l’article 151-0 du CGI, si leur revenu fiscal de référence n’excède pas la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu au titre de l’avant-dernière année et s’ils bénéficient du régime micro-social, lui-même aligné sur le champ du régime micro à l’impôt sur le revenu.

Les contribuables qui exercent une activité relevant des bénéfices agricoles (BA) dont les recettes ne dépassent pas un montant 82.200 € en moyenne sur trois ans peuvent également bénéficier, à compter des revenus 2016, d’un régime semi-forfaitaire d’imposition dit régime micro-BA (article 64 bis du CGI). Ces contribuables peuvent également opter pour un régime réel d’imposition, l’option étant valable deux ans et reconduite tacitement par période de deux ans. Les contribuables peuvent renoncer à l’option à l’issue de chaque période biennale.

1.1.3. Nombre d’entreprises concernées

Précisions sur le nombre d'entreprises qui bénéficient du régime actuel ou le nombre d'entreprises en régime de franchise à la TVA qui optent pour le régime réel :

o sous l’empire du régime actuel, en matière d’IR, environ 508 000 entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas les limites pour bénéficier des régimes micro-BIC ou déclaratif spécial BNC auraient opté pour un régime réel d'imposition au titre des exercices clos en 2014 :

- en matière de BIC : 351 000 entreprises auraient opté pour le régime réel simplifié et 31 000 environ pour le régime réel normal ;

- en matière de BNC : 126 000 entreprises auraient opté pour le régime de la déclaration contrôlée.

o en matière de TVA :

- environ 650 000 entreprises relevant de la franchise en base de TVA auraient opté pour le régime réel en matière de TVA pour la période de revenus de 2013 ;

- environ 600 000 entreprises relevant de la franchise en base de TVA bénéficieraient de ce régime en 2013.

1.2. Description des dispositifs juridiques en vigueur et date de leur dernière modification

1.2.1. En matière de TVA

L'article 2 de la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a procédé à un rehaussement des seuils de la franchise en base ainsi qu’au maintien du régime de la franchise pendant deux ans.

L'article 3 de cette même loi prévoyait également une revalorisation annuelle des seuils de chiffre d'affaires actualisée dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.

Cette revalorisation est devenue par la suite triennale à compter du 1er janvier 2015 (article 20 de la loi n° 2013-1279 de finances rectificative pour 2013) toujours sur la base de la première tranche du barème de l'IR, la première revalorisation devant ainsi avoir lieu au 1er janvier 2017.

1.2.2. En matière d’IR

L’article 20 de la loi n° 2013-1279 a coordonné le champ d’application des régimes des micro-entreprises en matière de BIC (article 50-0 du CGI) et de BNC (article 102 ter du CGI) avec celui de la franchise en base de TVA. Le champ d’application du régime du prélèvement forfaitaire libératoire, prévu à l’article 151-0 du CGI, a été coordonné en conséquence.

L’article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a modifié les articles 50-0 et 102 ter du CGI afin qu’en cas de dépassement du seuil de 90.300 € (ventes) ou 34.900 € (services), le régime micro BIC et BNC puisse s’appliquer jusqu’à la fin de l’année de franchissement du seuil et ne soit plus perdu rétroactivement dès le premier jour de l’année de franchissement.

L’article 2 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a supprimé la première tranche du barème de l’IR et a, en conséquence, modifié à droit constant la rédaction de l’article 151-0 du CGI afin de substituer la deuxième à la troisième tranche du barème de l’IR (condition de revenu fiscal de référence du foyer).

Enfin, le régime micro-BA a été créé par l’article 33 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

1.2.3. En matière sociale

Conformément aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le dispositif simplifié de déclaration et de versement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévu à l’article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale constitue le mode de gestion de droit commun des entreprises qui relèvent du régime micro-fiscal (micro BIC et BNC) prévu aux articles 50-0 et l’article 102 ter du CGI.

Dans ces conditions, les entreprises qui dépassent les seuils de la micro-entreprise ou qui choisissent, sur option, de relever du régime réel notamment afin de pouvoir s’acquitter des cotisations minimales, ne bénéficient pas du dispositif micro-social.

1.3. Problème à résoudre, raisons pour lesquelles les moyens existants sont insuffisants et le cas échéant nécessité de procéder à une nouvelle modification des dispositifs existants

1.3.1. En matière de TVA

À l’heure actuelle, le bénéfice de la franchise en base de TVA est soumis à des plafonds de chiffre d’affaires de 82.200 € pour les activités de ventes et de 32.900 € pour les activités de prestations de services. En cas de franchissement du plafond, sans dépasser les limites respectives de 90.300 € et de 34.900 €, le bénéfice de ces régimes reste acquis jusqu’à la fin de l’année qui suit celle du franchissement. Toutefois, le franchissement des plafonds supérieurs précités au cours d’une année donnée entraîne la perte du bénéfice de la franchise en base de TVA dès le premier jour du mois suivant. L’entreprise qui les franchit dispose donc de très peu de temps pour se mettre en conformité avec les nouvelles obligations comptables liées à l’assujettissement à la TVA. Elle doit assumer une charge administrative importante sans même avoir la certitude que son activité restera durablement au-dessus du niveau des plafonds autorisés.

La suppression de la première tranche du barème de l’IR par la loi de finances pour 2014 est susceptible d'entraîner une évolution des seuils de la franchise particulièrement forte. Il convient de reconstruire une valeur d'évolution.

1.3.2. En matière d’IR

Pour les contribuables BIC et BNC, de la même manière que pour la franchise de TVA, en cas de dépassement du seuil de CA de droit commun (82.200 € ou 32.900 € selon l’activité) sans dépasser les limites de 90.300 € ou de 34.900 €, le régime des micro-entreprises ne peut s’appliquer que jusqu’à la fin de l’année qui suit celle du franchissement. Par ailleurs en cas de franchissement de la deuxième limite, le régime des micro-entreprises ne s’applique que jusqu’au 31 décembre de l’année de franchissement.

Un accroissement du CA suffisamment rapide au regard de ces seuils peut ainsi conduire à une sortie brusque du régime des micro-entreprises et à l’application du régime réel simplifié d’imposition, assorti d’obligations comptables et fiscales beaucoup plus lourdes.

En outre, pour les contribuables qui relèvent des BIC, des BNC ou des BA et qui bénéficient d’un régime micro, l’option pour un régime réel d’imposition est valable deux ans et les contribuables ne peuvent y renoncer qu’au terme d’une période de deux ans. Cette durée de deux ans s’avère trop rigide lorsque les conséquences d’une option pour le régime réel ont été mal anticipées par les contribuables.

Enfin, les régimes micro-entreprises et déclaratif spécial ne sont pas applicables aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont l'associé unique est une personne physique. Or, même s'il est vrai que ces sociétés ont, indépendamment des obligations fiscales, des obligations comptables (tenue d'une comptabilité régulière, présentation de livres comptables et établissement de comptes annuels), leur associé unique peut être intéressé par la simplicité du régime micro-fiscal.

1.3.3. En matière sociale

En matière sociale, l’article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale prévoit que le régime prévu au présent article cesse de s'appliquer à la date à laquelle les travailleurs indépendants cessent de bénéficier des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du CGI. Le dépassement des seuils de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro-fiscal emporte automatiquement les mêmes conséquences pour le bénéfice du dispositif micro-social. Par conséquent, dans le système actuel, une entreprise peut être conduite à passer d’un régime forfaitaire de prélèvement à un régime réel d’une année sur l’autre sans toujours disposer du temps nécessaire pour se préparer à ce changement ni disposer de visibilité sur sa situation pour l’avenir.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

La présente disposition a pour objectif de revaloriser les seuils hauts de la franchise en base de TVA et de permettre aux assujettis de bénéficier de la franchise de manière plus souple. Il vise à mieux lisser pour les entreprises en croissance le passage à un régime réel et à s’assurer de la pérennité du dépassement des seuils, notamment pour les entreprises dont les fluctuations d’activité ne sont pas régulières.

Le même effet serait attendu de la présente disposition pour l’application des régimes micro BIC et BNC mais aussi pour le bénéfice du micro-social. Cette mesure de lissage des effets de seuil s’accompagnera ainsi du maintien de la cohérence entre les régimes applicables en droit social et en droit fiscal, qui constitue pour ces entreprises une garantie importante de simplicité des obligations déclaratives.

Il est proposé d’éviter un élargissement corrélatif du champ du régime du versement libératoire de l’IR (régime fiscal de l’auto-entrepreneur). En effet, la revalorisation des seuils aboutira à ce que les régimes micro BIC et BNC s’appliquent à des revenus plus importants qu’actuellement. Or, le régime du versement libératoire de l’IR, fondé sur l’application de taux proportionnels aux revenus, constitue une dérogation au principe de progressivité de l’IR. Cette dérogation est certes déjà réservée à des revenus de faible montant puisque le revenu par part du foyer doit respecter un plafond, qui n’est pas modifié par la présente mesure. Par ailleurs, le régime actuel oblige le contribuable à reporter son CA sur sa déclaration d’IR (V de l’article 151-0 du CGI) de façon à ce que l’administration applique aux autres revenus du foyer un taux effectif d’imposition tenant compte de l’intégralité des revenus du foyer (article 197 C du CGI). Il n’en reste pas moins que la part des revenus du foyer correspondant aux revenus d’activité soumis au prélèvement forfaitaire est imposée à un taux proportionnel et non progressif.

Par ailleurs, les dispositions proposées permettent d'appliquer les régimes micro-entreprises et déclaratif spécial aux SARL dont l'associé unique est une personne physique dirigeant de cette société.

Enfin, la présente disposition vise à assouplir le délai dans lequel un contribuable ayant opté pour un régime réel d’imposition peut revenir dans le régime micro BIC, BNC ou BA, et à reconnaître ainsi un droit d’arbitrage plus souple.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

La mesure relève du domaine facultatif des lois de finances, conformément à l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) qui dispose que la loi de finances de l'année peut comporter « des dispositions relatives a l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire ».

En matière de TVA, il est proposé de modifier la rédaction du b du 1° du I de l’article 293 B du CGI et celle du b du 2° du I de ce même article.

En matière d’IR, il est proposé de modifier le 4 de l’article 50-0 du CGI (régime micro-BIC), le V de l’article 64 bis du CGI (régime micro-BA), le 5 de l’article 102 ter du CGI (régime déclaratif spécial BNC), l'article 103 du CGI (imposition selon le régime de la déclaration contrôlée des associés de sociétés visées à l'article 8 et 8 ter) et les I et IV de l’article 151-0 du CGI (versement libératoire des auto-entrepreneurs).

Les modifications envisagées en matière d’impôt sur le revenu sont compatibles avec le droit européen.

4. Impact de la disposition envisagée

4.1. Incidences économiques

La simplification des obligations comptables des petites entreprises représente un potentiel levier de croissance.

Par contre, l’incidence financière de cette mesure n’est pas évaluable au niveau de chaque entreprise concernée.

4.2. Incidences sociales

La mesure proposée, en favorisant le développement des entreprises, devrait être bénéfique pour l'emploi.

4.3. Incidences budgétaires

De même que pour les gains pour les entreprises, l’incidence budgétaire de ces dispositions n’est pas chiffrable.

5. Consultations menées

Aucune consultation particulière n’a été menée.

Par contre, la disposition telle qu’envisagée nécessite une dérogation à l'article 285 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA prise en application de l'article 395. En conséquence, elle nécessite l’obtention auprès du Conseil de l’Union Européenne, statuant à l’unanimité, d’une dérogation pour la France.

6. Mise en œuvre de la disposition

6.1. Application dans le temps

Les aménagements en matière d’IR et de TVA pourraient s’appliquer pour la première fois aux revenus de l’année 2017 si le Conseil de l’Union européenne admet en cours d’année 2016 le relèvement de seuil de la franchise de TVA.

L’information du contribuable sur la décision du Conseil de l’Union européenne sera effectuée sur le portail internet de l’administration fiscale et dans la doctrine publiée.

6.2. Application dans l’espace

Les dispositions envisagées sont applicable de plein droit en Guadeloupe, à la Martinique et La Réunion.

S’agissant de la Guyane et de Mayotte, les dispositions relatives à la TVA ne sont pas applicables alors que les dispositions relatives à l’impôt sur le revenu sont applicables de plein droit.

Ces dispositions ne sont par contre pas applicables à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, ni à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Article 38 : Encadrement de l’obligation du stage préalable à l’installation des artisans

1. État des lieux

La loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat constitue le socle législatif commun au stage de préparation à l’installation (SPI) des artisans et au stage d’initiation à la gestion (SIG) des commerçants. L’article 59 a instauré le principe de promotion de la qualification professionnelle des artisans et commerçants tant en matière de formation initiale que continue notamment dans le domaine de la gestion d’entreprise. Il prévoit l’organisation par les chambres de commerce et d’industrie (CCI) ou les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) de stages de courte durée d’initiation à la gestion à l’intention des professionnels artisan ou commerçant demandant pour la première fois l’immatriculation d’une entreprise artisanale ou commerciale, et la délivrance d’une attestation à l’issue de ce stage.

L’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans est venu préciser le contenu du SIG réservé aux artisans qui a été renommé SPI par l’’article 23 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat. Il rend en outre ce stage obligatoire préalablement à toute immatriculation au répertoire des métiers, tout en prévoyant les cas de dispense pour le chef d’entreprise : suivi antérieur d’une formation à la gestion d’un niveau au moins égal à celui du stage, exercice antérieur pendant au moins trois ans d’une activité professionnelle requérant un niveau de connaissance au moins équivalent à celui fourni par le stage, ou raison de force majeure empêchant le suivi du SPI préalable à l’immatriculation. Dans ce dernier cas, le chef d’entreprise doit s’acquitter de son obligation de suivi du stage dans un délai d’un an à compter de son immatriculation ou de son inscription. Le chef d’entreprise doit avoir obtenu du président de la CMA de région une dispense de suivi du SPI préalable à l’immatriculation conformément à l’article 6 du décret modifié n° 83-517 du 24 juin 1983 fixant les conditions d’application de la loi n° 82-1091, cette dispense étant considérée comme accordée à défaut de réponse dans un délai d’un mois suivant la réception de la demande par la chambre. L’article 28 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (TPE) a supprimé le cas de dispense du suivi du SPI préalable à l’immatriculation dont bénéficiaient les auto-entrepreneurs depuis la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificatives pour 2009, en vue d’aligner le régime de la micro-entreprise sur le droit commun applicable aux artisans.

Au final, le suivi du SPI est donc obligatoire pour tout entrepreneur, y compris depuis janvier 2015 pour les micro-entrepreneurs souhaitant exercer une activité artisanale, et constitue un préalable à l’immatriculation au répertoire des métiers de l’activité artisanale.

En se référant aux entreprises créées dans le champ de l’artisanat en 2012, cette obligation concerne environ 160 000 entreprises par an (dont 100 000 auto-entrepreneurs). Ce flux de 160 000 créations d’entreprises par an est actuellement freiné du fait des délais nécessaires pour l’organisation du SPI. En cas de délai d’attente important pour suivre ce stage, le projet de création de l’entreprise peut même être fragilisé. C’est pourquoi, il apparaît nécessaire de fluidifier le parcours du créateur d’entreprise artisanale.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

Le but recherché est de faciliter la création de l’entreprise artisanale en accélérant le processus d’immatriculation. Ce processus est en effet retardé du fait de l’attente imposée aux créateurs pour suivre le SPI en raison de l’afflux des demandes généré par l’obligation de suivre ce stage pour les auto-entrepreneurs depuis 2015.

Par ailleurs, il convient de tenir compte de la diversité croissante des profils et des parcours des créateurs d’entreprise artisanale en permettant aux futurs chefs d’entreprise artisanale de disposer d’un accompagnement sécurisant leur projet tout en étant mieux adapté au niveau de compétences acquis. L’objectif est ainsi d’éviter d’imposer aux créateurs d’entreprise artisanale de suivre un stage, d’une durée de 30 heures (durée minimale du stage fixée par le décret du 24 juin 1983 précité), dès lors qu’ils disposent des compétences correspondant à celles apportées par ce stage.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Liste des options possibles

Deux options étaient envisageables :

- soit la suppression de l’obligation pour les créateurs d’entreprise artisanale de suivre le stage de préparation à l’installation ;

- soit l’assouplissement des dispositions relatives à l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation pour les créateurs d’entreprise artisanale, en permettant aux chefs d’entreprise artisanale de suivre ce stage après son immatriculation.

3.2. Description des avantages / inconvénients des différentes options

L’option de suppression a pour avantages de laisser la liberté au créateur d’entreprise artisanale de choisir l’accompagnement qui convient le plus à ses besoins. De même, cela conduirait à une égalité de traitement entre les artisans et les commerçants pour lesquels le stage d’initiation à la gestion est facultatif.

Cependant, cette option rencontre une opposition forte de certains acteurs du secteur de l’artisanat et en particulier de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA).

Concernant l’adaptation des dispositions existantes, cela permettrait de faciliter la création d’entreprise sans faire disparaître l’obligation du stage puisque le créateur pourrait débuter son activité sans attendre d’avoir suivi ce stage. Néanmoins, cela ne permettrait pas un rapprochement de la législation entre artisans et commerçants.

3.3. Choix de l’option proposée

La mesure proposée maintient l’obligation de suivre le stage de préparation à l’installation pour les créateurs d’entreprise artisanale en assouplissant la période de déroulement de ce dernier, en permettant aux chefs d’entreprise artisanale de suivre ce stage dans un délai de 30 jours après leur immatriculation.

Par ailleurs, la mesure précise le champ de la dispense actuelle portant sur l’obligation de suivi du SPI en cas de suivi antérieur d’une formation de gestion d’un niveau égal à celui du SPI. en renvoyant à une liste de formations fixée par arrêté ministériel, et crée un nouveau motif de dispense du SPI dans le cas de créateurs d’activité artisanale ayant antérieurement bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise délivré par l’un des réseaux d’aide à la création d’entreprise dont la liste sera fixée par la ministre chargée de l’artisanat.

4. Impact de la disposition envisagée

Les dispositions envisagées devraient faciliter la création d’entreprise artisanale en évitant que des opportunités de création deviennent caduques du fait de l’attente d’inscription au SPI.

Par ailleurs, en élargissant les possibilités de dispenses (actuellement, taux de dispense estimé à 11 % des immatriculations), les dispositions envisagées constituent une mesure de simplification en prenant mieux en compte la diversité des profils des créateurs au regard de leurs compétences acquises préalablement à leur demande d’inscription au répertoire des métiers.

5. Consultations menées

Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) a été consulté.

6. Mise en œuvre de la disposition

Le décret n° 83-517 du 24 juin 1983 fixant les conditions d’application de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans devra être modifié.

Article 39 : Suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié pour les micro-entrepreneurs

1. État des lieux

1.1. Situation actuelle

La loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 (article 94) a instauré l’obligation pour les entrepreneurs relevant du régime social simplifié prévu à l’article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale (ci-après : « micro-entrepreneurs », ex-« auto-entrepreneurs ») de détenir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle.

Cette disposition résulte d’un amendement introduit en première lecture à l’Assemblée nationale par le rapporteur Gérard Bapt (n°879 2ème Rect) et se voulait un moyen de lutte contre la fraude et de meilleur contrôle des micro-entrepreneurs. L’exposé des motifs de l’amendement était ainsi libellé : « Il est (…) nécessaire de pouvoir distinguer la gestion de l’ensemble des transactions financières de la micro-entreprise sur un compte bancaire unique. Cette exclusivité permettrait ainsi une meilleure définition de la frontière avec les activités privées. Elle simplifierait la réalisation des contrôles, dans un contexte dans lequel la Cour des comptes a dénoncé le faible nombre de contrôles sur les activités professionnelles des indépendants, notamment ceux des régimes micro-sociaux ».

1.2. Description du dispositif juridique en vigueur

L’article L.133-6-8-4 du code de la sécurité sociale prévoit que le travailleur qui a opté pour le régime du micro-entrepreneur est tenu de dédier un compte bancaire en vue de l’exercice de l’ensemble des transactions financières liées à son activité professionnelle. Ce compte bancaire peut être professionnel ou non.

Il convient de noter que les autres entrepreneurs individuels relevant du régime réel de paiement des cotisations sociales ne sont pas soumis à une telle obligation, sauf lorsqu’ils ont opté pour le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, alors même que leur chiffre d’affaires est souvent bien supérieur à celui des micro-entrepreneurs.

Il convient enfin de souligner que s’il existe en France une procédure spécifique, le droit au compte (L.312-1 du code monétaire et financier) permettant à toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d’un compte de dépôt, de demander l’ouverture d’un compte dans le cadre d’une procédure gérée par la Banque de France, il n’existe pas en revanche de droit à un second compte bancaire.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

La suppression de l’obligation d’un compte bancaire dédié vise à mettre fin à une différence de traitement injustifiée entre les micro-entrepreneurs, soumis à cette obligation, et les autres travailleurs indépendants, qui n’y sont pas soumis. Il est en effet paradoxal que les plus petits entrepreneurs soient soumis à davantage d’obligations que les travailleurs indépendants dégageant un chiffre d’affaires plus élevé.

L’exigence d’un compte bancaire séparé impose, par ailleurs, des formalités disproportionnées et un coût excessif aux micro-entrepreneurs qui sont nombreux à exercer de très petites activités dégageant un faible chiffre d’affaires.

La suppression de cette obligation aurait pour effet d’alléger et de simplifier les obligations professionnelles pesant sur les entrepreneurs individuels dégageant un faible chiffre d’affaires, tout en rendant moins coûteuse la création d’une entreprise individuelle.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

L’obligation pour les micro-entrepreneurs de détenir un compte bancaire séparé étant prévue par la loi, une disposition législative est nécessaire pour supprimer cette obligation.

4. Impact de la disposition envisagée

4.1. Impact pour les entreprises

La mesure permettra aux micro-entrepreneurs, à l’instar des autres entrepreneurs individuels, de décider librement, en fonction de leur situation propre, de l’opportunité d’ouvrir un compte bancaire dédié à l’exercice de leur activité professionnelle.

Elle dispensera les entrepreneurs dégageant un faible chiffre d’affaires des coûts liés au fonctionnement d’un compte séparé (frais de tenue de compte, frais liés à la mise à disposition de moyens de paiements, etc.).

Pour un compte professionnel, le montant des frais bancaires est très variable selon les établissements et la nature des opérations effectuées – frais de tenue de compte, virements en France et à l'étranger, mise à disposition d’un terminal bancaire, accès à une plateforme internet, carte bancaire business, compte titres. En moyenne, son montant peut être estimé à environ 20 € par mois.

Ces frais bancaires revêtent souvent soit une nature forfaitaire (abonnement mensuel par exemple fonction du chiffre d’affaires), soit une nature fixe avec une part variable (par exemple liée au prélèvement de commissions de mouvements).

Lorsqu’il n’est pas professionnel, un compte bancaire génère en moyenne des frais d’un montant de l’ordre de 5 à 8 € par mois.

La mesure bénéficiera à l’ensemble des micro-entrepreneurs, soit environ 982 000 personnes fin 2014 d’après les données issues du réseau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), dont 58 % sont considérés comme économiquement actifs (c’est-à-dire déclarant un chiffre d’affaires). Le chiffre d’affaires trimestriel moyen des micro-entrepreneurs économiquement actifs s’élève, au dernier trimestre 2014, à 3.290 €.

4.2. Impact pour les administrations

L’existence d’un compte séparé ne paraît pas décisive en matière de contrôle, dès lors que le micro-entrepreneur est soumis à une obligation de tenue d’un livre-journal des recettes professionnelles. Cette obligation ne s’applique d’ailleurs pas pour les entrepreneurs individuels de droit commun (sauf en cas de recours à l’entreprise individuelle à responsabilité limitée - EIRL).

5. Mise en œuvre de la disposition

Cette disposition est applicable en Guyane, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. En revanche, elle n’est pas applicable à Mayotte.

En ce qui concerne les collectivités d’outre-mer, la mesure est directement applicable à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Elle n’est pas applicable à Saint Pierre et Miquelon, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

Article 40 : Permettre à l’entrepreneur individuel (EI) qui passe sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) de retenir les valeurs comptables sans nouvelle évaluation et simplifier le régime de l’EIRL

1. État des lieux

1.1. Situation actuelle

Le statut de l’entreprise individuelle, qui recouvre une population de plus de 1,8 millions d’entrepreneurs, doit son succès à la simplicité des formalités devant être accomplies lors de la création et au cours de la vie de l’entreprise (exemple: absence de statuts et dispense du dépôt annuel des comptes). C’est pourquoi les petits entrepreneurs, tout particulièrement les artisans, répugnent à créer des sociétés (société à responsabilité limitée – SARL - ou société par actions simplifiées - SAS) qui génèrent des frais et des contraintes supplémentaires.

Toutefois, si ce dispositif donne satisfaction quand l’entreprise se développe dans des conditions favorables, il n’en va pas de même lorsqu’elle connaît des difficultés. Dans ce dernier cas en effet, du fait de l’unicité du patrimoine, ces entrepreneurs individuels (EI) en nom propre doivent répondre de leurs dettes professionnelles sur la totalité de leur patrimoine, à l’exception de la résidence principale devenue insaisissable de plein droit depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. Cette vulnérabilité est ressentie comme une profonde injustice par les intéressés par rapport à l’exercice en société.

1.2. Description du dispositif juridique en vigueur

La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) a mis fin au principe d’unicité du patrimoine inscrit dans le code civil, en permettant aux entrepreneurs individuels, quel que soit leur domaine d’activité (commercial, artisanal, libéral ou agricole), de créer un patrimoine d’affectation professionnel séparé de leur patrimoine personnel. Les biens affectés au patrimoine professionnel sont le seul gage général des créanciers professionnels de l’EIRL dont la responsabilité est ainsi limitée au patrimoine affecté. Les créanciers personnels ont pour seul gage général le patrimoine non affecté de l’entrepreneur. Cette séparation du patrimoine constitue un facteur de sécurité et de limitation du risque entrepreneurial.

L’option pour le régime de l’EIRL se matérialise par le dépôt par l’entrepreneur d’une déclaration d’affectation contenant les éléments affectés au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur est tenu de s’immatriculer (registre du commerce et des sociétés ou répertoire des métiers) ou, pour les entrepreneurs non tenus de s’immatriculer, au registre spécial tenu par le tribunal de commerce du lieu d’établissement de l’entreprise. Les exploitants agricoles déposent leur déclaration auprès de la chambre d’agriculture compétente.

Certaines formalités doivent cependant être respectées :

- évaluation des biens affectés d’une valeur unitaire supérieure à un seuil déterminé par décret (30.000 €) obligatoirement réalisée par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire (pour les biens immobiliers uniquement) ;

- accord exprès du conjoint ou des co-indivisaires en cas d’affectation de biens communs ou indivis ;

- affectation d’un bien immobilier reçue obligatoirement par acte notarié et publiée à la conservation des hypothèques (le cas échéant, établissement d’un acte descriptif de division).

La loi prévoit une comptabilité autonome de l’activité professionnelle concernée et fixe les obligations de l’entrepreneur à cet égard (dépôt annuel du bilan de l’entreprise au lieu de dépôt de la déclaration d’affectation). Des obligations comptables simplifiées sont prévues pour les personnes relevant des régimes «micro» d’imposition (tels les micro-entrepreneurs) ou des bénéfices agricoles forfaitaires.

Une autre innovation très importante réside dans le dispositif fiscal qui prévoit la possibilité pour l’EIRL d’opter pour l’impôt sur les sociétés afin d’assurer un traitement égal entre les entrepreneurs décidant d’exercer leur activité en créant un patrimoine affecté et ceux l’exerçant sous forme sociétale : le régime fiscal de l’entreprise à patrimoine affecté est ainsi aligné en tous points sur celui de la SARL à associé unique pour les EIRL qui optent pour l’impôt sur les sociétés.

Des améliorations ont été apportées par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. Ainsi, le passage du statut d’EI vers l’EIRL a été facilité : l’état descriptif du patrimoine affecté peut reprendre l’actif du dernier bilan clos depuis moins de quatre mois (dernier alinéa du L.526-8 du code de commerce).

2. Objectifs poursuivis par la réforme

En dépit des efforts conjugués des pouvoirs publics, des organismes consulaires et des partenaires de l’entreprise (experts comptables, avocats, notaires, etc.) et des vastes efforts de communication déployés depuis la création de l’EIRL, le nouveau régime peine à décoller.

Il ressort des données communiquées par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qu’il existe 34 929 EIRL au 31 décembre 2015 réparties comme suit :

- 73 % de création d’entreprise ;

- 27 % d’entrepreneurs déjà en activité ayant opté pour le nouveau régime.

Près d’un tiers des EIRL sont des micro-entrepreneurs.

Le chiffre de 34 929 EIRL est à rapprocher des 1 828 000 entreprises individuelles existant en France au 1er janvier 2013 et des 353 000 créations d’entreprises individuelles en 2015.

Le principal frein actuel au développement des EIRL semble être la complexité du passage de l’EI vers l’EIRL, en particulier l’obligation de procéder à une évaluation à la valeur vénale des éléments affectés au patrimoine professionnel, qui entraîne également des coûts de recours à un tiers pour évaluer les biens affectés. Il existe pourtant un stock de plus de 1,8 millions d’EI susceptibles de bénéficier de la protection renforcée offerte par le régime de l’EIRL.

Si l’on examine les données chiffrées au 31 décembre 2015, seuls 9 526 EI déjà en activité ont opté pour l’EIRL, sur un total de 1,8 millions d’entrepreneurs individuels. Il est essentiel de permettre aux EI de bénéficier plus facilement du régime de protection offert par l’EIRL.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Liste des options possibles 

En dehors du régime de l’EIRL, il existe un dispositif permettant de limiter la responsabilité d’un EI : il s’agit de la constitution d’une SARL à associé unique (ci-après l’EURL).

Le recours à cette forme sociétale introduite par le législateur en 1985 reste limité, en dépit de récentes réformes législatives qui ont considérablement simplifié la création et le fonctionnement de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

Les simplifications de l’EURL restent limitées par les contraintes du droit européen. En outre, le passage en société ne se conçoit en principe qu’à un stade de croissance avancé, lorsque l’EI entend développer son activité et que la création d’une personne morale est nécessaire.

3.2. Option retenue

Seule l’option du patrimoine d’affectation permet de distinguer clairement patrimoine personnel et créancier personnel d’une part, et patrimoine professionnel et créancier professionnel d’autre part.

En outre, l’EIRL, en tant qu’EI, n’est pas exclu du bénéfice de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale instauré par la loi du 6 août 2015. Il cumule ainsi le bénéfice du patrimoine affecté et de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale.

Dès lors, il apparaît pertinent de faciliter le passage vers l’EIRL pour des entrepreneurs ne souhaitant pas encore se tourner vers l’EURL afin d’adapter les régimes et statuts juridiques en fonction du parcours de croissance de l’entreprise.

De plus, il est proposé de simplifier le passage d’EI vers l’EIRL en permettant à l’EIRL qui n’opte pas pour l’impôt sur les sociétés (IS) de retenir les valeur comptables figurant dans son dernier bilan, sans nouvelle évaluation, et en dispensant l’EIRL d’avoir recours à un tiers pour l’évaluation des biens affectés d’une valeur supérieure à 30.000 €.

Enfin, il est également proposé de supprimer la faculté de rendre opposable aux créanciers antérieurs la création du patrimoine affecté ainsi que la double procédure de publication du bilan applicable à certains EIRL.

3.3. Dispositif juridique

En premier lieu, le passage d’une EI vers le régime de l’EIRL est simplifié. L’article 34 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a prévu que le bilan de clôture de l’EI peut constituer le bilan d’ouverture de l’EIRL, lorsque les comptes sont clos depuis moins de quatre mois à la date de dépôt de la déclaration d’affectation.

La réforme tire les conséquences de cet allègement en termes de valorisation des éléments affectés au patrimoine professionnel : il est prévu que l’EI qui passe en EIRL et qui utilise son dernier bilan comme bilan d’ouverture de l’EIRL puisse retenir les valeurs comptables figurant dans celui-ci, sans lui imposer une évaluation à la valeur vénale des éléments affectés au patrimoine professionnel. L’EI déclare alors soit la valeur nette comptable des éléments constitutifs du patrimoine affecté telle qu’elle figure dans les comptes du dernier exercice clos à la date de constitution du patrimoine affecté s’il est tenu à une comptabilité commerciale soit la valeur d’origine de ces éléments telle qu’elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos diminuée des amortissements déjà pratiqués s’il n’est pas tenu à une telle comptabilité. Cette valorisation est cohérente car c’est la valeur comptable qui sera par la suite retenue pour l’établissement des comptes de l’EIRL (cf. article R.526-10-2 du code de commerce). La réforme s’applique à l’EI qui n’opte pas pour l’assimilation à une EURL ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) au sens de l’article 1655 sexies du code général des impôts (CGI), c’est-à-dire qui n’opte pas pour l’IS. En effet, le passage en EIRL est considéré comme un non-événement sur le plan fiscal, sauf lorsqu’il y a option pour l’IS. Dans ce dernier cas, le passage entraîne création d’une personne morale nouvelle du point de vue fiscal, avec cessation d’activité et taxation des plus-values (voir instruction fiscale- BOI-BIC-CHAMP-70-30-20120912).

Par ailleurs, la réforme dispense l’EI, quelle que soit l’option fiscale qu’il exerce, de l’obligation de recourir à un tiers chargé d’évaluer les biens affectés d’une valeur supérieure de 30.000 €.

En deuxième lieu, la réforme simplifie le régime et améliore sa lisibilité. La faculté (rarement mise en œuvre) de rendre rétroactive l’affectation du patrimoine aux créanciers antérieurs à la création de l’EIRL, en notifiant à chacun des créanciers concernés l’exercice de cette faculté et en ouvrant à ces derniers un droit d’opposition, est supprimée. Désormais, la déclaration d’affectation n’est opposable qu’aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

Enfin, la réforme simplifie la double publication du bilan de l’EIRL lorsque ce dernier a déposé sa déclaration d’affectation au répertoire des métiers ou lorsqu’il est soumis à une double immatriculation. Dans un souci d’allègement des formalités, le bilan est simplement déposé au registre de publicité légale dont dépend l’EIRL et non plus également au registre spécial des EIRL tenu par le greffe du tribunal de commerce ou au registre du commerce et des sociétés (RCS), pour y être annexés.

4. Impact de la disposition envisagée

4.1. S’agissant des consommateurs/particuliers

L’indication de la seule valeur comptable des éléments du bilan de l’EI affectés à l’EIRL est cohérente : cette valeur figurait dans les comptes du dernier exercice de l’EI et sera par la suite retenue pour l’établissement des comptes de l’EIRL (cf. article R.526-10-2 du code de commerce).

La suppression de la faculté de rendre rétroactive l’affectation de patrimoine protège les créanciers et unifie les règles en matière d’opposabilité de l’affectation.

Les allègements en matière de publication du bilan concilient simplicité et protection des tiers. Les obligations de publicité demeurent auprès du registre de publicité légale dont dépend l’EIRL et elles restent renforcées par rapport à celles de l’EI, qui n’est pas tenu de déposer ses documents comptables. 

4.2. S’agissant des entrepreneurs

Simplicité et lisibilité sont des conditions essentielles à l’extension du régime de l’EIRL auprès de la population des entrepreneurs individuels, qu’ils soient créateurs ou déjà en activité. C’est dans ce sens que les améliorations sont proposées :

a) La dispense d’évaluation des éléments du bilan de l’EI affectés à l’EIRL simplifie et supprime le coût principal du passage en EIRL, pour 1,8 millions d’EI susceptibles de passer en EIRL. Cette mesure permettra aux EI passant en EIRL d’économiser environ 500 € par bien affecté d’une valeur unitaire supérieure à 30 000 € (coût de l’évaluation par un commissaire aux comptes, un expert-comptable ou une association de gestion et de comptabilité111) et environ 117 € hors taxes (HT) en cas d’affectation d’un bien immobilier évalué par un notaire (émoluments fixes).

On peut ainsi estimer l’impact annuel de la mesure à :

500 € x 20 000 entreprises, soit 10 M€

Les hypothèses retenues sont les suivantes:

- coût de l’évaluation d’un bien immobilier (environ 117 €) non retenu dans l’estimation car les biens immobiliers restent marginaux dans la composition du patrimoine professionnel des EI,

- 20 000 EI sont susceptibles d’être intéressées chaque année par le passage en EIRL sous le nouveau régime simplifié (bilan de clôture valant déclaration d’affectation et absence de nécessité d’évaluer les éléments du bilan affectés). Le chiffre de 20 000 EI est établi à partir du stock actuel d’EIRL issus de transformation (9 526). Il est raisonnable de considérer que la simplification apportée permettra d’augmenter le flux annuel des transformations.

La mesure représente enfin un gain de temps pour les entreprises.

b) La suppression de la faculté de rendre rétroactive l’affectation de patrimoine simplifie la lisibilité du régime de l’EIRL pour les créateurs ou les EI souhaitant opter pour ce régime.

c) La suppression de la double publication des documents comptables ne devrait pas entraîner de réduction des coûts pour les entreprises, car les redevances pour le dépôt des comptes sont forfaitaires.

4.3. S’agissant des administrations et des réseaux consulaires

Les mesures proposées n’ont pas d’impact sauf celle concernant la suppression de la double publication du bilan au RCS ou registre des EIRL tenu par les greffes du tribunal de commerce. Cette mesure allège les formalités pour les chambres des métiers et de l’artisanat qui n’auront plus à transmettre les documents comptables au greffe compétent (registre spécial des EIRL tenu par le greffe du tribunal de commerce ou RCS).

5. Mise en œuvre de la disposition

5.1. Modalités d’application dans le temps et sur le territoire

Les dispositions envisagées sont applicables en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique et à La Réunion.

Pour Mayotte, l’ordonnance n° 2011-322 du 24 mars 2011 portant extension et adaptation de la législation relative à l’EIRL en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, a procédé :

- à l’extension de des dispositions législatives des articles L.526-9 et L.526-11 du code de commerce,

- à deux adaptations nécessaires concernant le bureau des hypothèques et le registre de l’agriculture s’agissant des autres dispositions législatives applicables de plein droit à Mayotte.

Depuis le passage à l’identité législative, l’ensemble des dispositions relatives à l’EIRL s’applique de plein droit à Mayotte.

Le régime de l’EIRL et les modifications envisagées sont également applicables de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, en vertu du principe de l’identité législative.

S’agissant de Wallis-et-Futuna, l’ordonnance du 24 mars 2011 a étendu le régime de l’EIRL à cette collectivité. Les présentes dispositions sont donc étendues à Wallis-et-Futuna.

Aucune extension n’est prévue pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où la matière relève de la compétence de ces collectivités.

5.2. Textes d’application

Un décret devra être pris pour mettre les dispositions réglementaires du code de commerce en conformité avec les mesures prévues.

Article 41 : Simplifier l’apport du fonds de commerce à une société unipersonnelle

1. État des lieux

1.1. Situation actuelle

Le statut de l’entreprise individuelle, qui recouvre une population de plus de 1,8 millions d’entrepreneurs, doit son succès à la simplicité des formalités devant être accomplies lors de la création et au cours de la vie de l’entreprise : citons à titre d’exemple, l’absence de statuts et la dispense du dépôt annuel des comptes.

Ce statut n’offre pas toutefois les mêmes opportunités de développement que la société. Il présente également des risques lorsque l’entreprise individuelle connaît des difficultés.

Pourtant, peu d’entreprises individuelles se transforment en société commerciale. On dénombrait 13 300 transformations en 2012 pour un stock de 1,8 millions d’enbtreprises. Cette absence de fluidité peut s’expliquer par le fait que des règles contraignantes et onéreuses sont prévues en cas d’apport d’un fonds de commerce à une société en constitution ou déjà existante. En effet, une partie des dispositions relatives à la vente du fonds de commerce s’applique en cas d’apport du fonds de commerce à une société en constitution ou déjà existante, y compris lorsque la société a pour seul associé l’apporteur.

1.2. Description du dispositif juridique en vigueur

Formalités d’apport destinées à protéger la société

L’ensemble des règles prévues à l’article L.141-1 du code de commerce sur la détermination et la consistance du fonds de commerce s’appliquent, alors même que la société a pour seul associé l’apporteur. L’acte d’apport doit donc mentionner :

- le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;

- l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

- le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu ;

- le chiffre d’affaires et les résultats d’exploitation réalisés au cours des trois derniers exercices comptables.

Formalités d’apport destinées à protéger les créanciers de l’apporteur

Le code de commerce impose également des règles contraignantes et onéreuses en matière de publicité (L.141-21), ouvrant la voie à une protection des créanciers (L.141-22) :

- l’acte d’apport doit être publié au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) ;

- dans les 10 jours de la publication, tout créancier de l’apporteur doit révéler au greffe du tribunal de commerce sa qualité de créancier et le montant de sa créance. La révélation de la créance n’équivaut pas à une demande en remboursement et ne rend pas la créance exigible. La révélation produit deux effets :

Ø elle permet de rendre la société solidairement responsable avec l’apporteur au paiement des créances ;

Ø elle peut ouvrir la voie à une action en nullité de l’apport.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

Il est proposé de supprimer, d’une part, les mentions obligatoires devant figurer dans l’acte d’apport, et, d’autre part, la procédure prévoyant une publicité de l’apport au BODACC pour permettre la révélation par les créanciers de l’apporteur de leurs créances.

Le maintien des formalités existantes contraignantes et coûteuses ne se justifie pas lorsque la société bénéficiaire de l’apport a pour seul associé l’apporteur :

- les mentions obligatoires figurant dans l’acte d’apport visant à protéger le tiers acquéreur sont inutiles lorsque l’associé unique est l’apporteur et qu’il a déjà connaissance des informations relatives au fonds qu’il apporte ;

- l’apport n’entraîne pas de changement de débiteur. L’apporteur reste tenu comme débiteur principal envers son créancier. L’apporteur n’est pas appauvri car il est rémunéré par des droits sociaux représentant la totalité du capital de la société. Dès lors, le créancier peut saisir les droits sociaux qui ont été attribués à l’apporteur et appréhender par ce biais le patrimoine de la société. Le créancier dispose en outre des recours de droit commun, notamment de la faculté d’exercer l’action paulienne lorsque l’apport a été effectué dans le but de frauder ses droits (article 1167 code civil).

À noter que l’apport d’un fonds artisanal à une société commerciale n’est pas soumis à l’ensemble des règles prévues pour l’apport d’un fonds de commerce.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Liste des options possibles 

Il existe deux principaux dispositifs permettant de sécuriser le parcours de croissance de l’entreprise individuelle (EI) :

- faciliter le passage en société unipersonnelle (société à responsabilité limitée unipersonnelle – SARL-U - ou société par actions simplifiée unipersonnelle - SAS) ;

- faciliter le passage vers le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

3.2. Description des avantages/inconvénients des options 

Ces deux mesures se complètent en réalité, bien que le passage en société puisse se concevoir à un stade de croissance plus avancé que le passage vers l’EIRL, lorsque le développement de l’activité nécessite la création d’une personne morale.

C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit de faciliter le passage de l’EI à la fois vers l’EIRL et vers la société unipersonnelle.

3.3. Raisons ayant présidé au choix de l’option proposée

Il importe de fluidifier le passage d’une forme d’exercice vers une autre et de favoriser le parcours de croissance de l’entrepreneur. La simplification du passage en société constitue une mesure s’inscrivant pleinement dans cette démarche.

Cette mesure a été annoncée dans le cadre du plan « Tout Pour l’Emploi » (mesure n° 15) qui a été présenté par le Premier ministre le 9 juin 2015.

3.4. Dispositif juridique

La réforme dispense l’entrepreneur individuel qui apporte son fonds de commerce à une société qu’il détient en totalité de l’accomplissement des formalités suivantes :

- suppression des mentions obligatoires dans l’acte d’apport (article L.141-1 du code de commerce) ;

- suppression de la procédure prévoyant une publicité au BODACC pour permettre la révélation par les créanciers de l’apporteur de leurs créances prévue à l’article L.141-21 (cette révélation n’équivaut pas à une demande de remboursement, comme dans la vente du fonds de commerce).

4. Impact de la disposition envisagée

4.1. S’agissant des consommateurs/particuliers

Les créanciers perdent la possibilité de rendre la société bénéficiaire de l’apport solidairement responsable avec l’apporteur à leur égard. Ce faisant, ils conservent leurs recours contre l’apporteur qui reste tenu comme débiteur principal envers ses créanciers et qui n’est pas appauvri puisque son apport est rémunéré par des droits sociaux représentant la totalité du capital de la société.

4.2. S’agissant des entrepreneurs

En 2012, 13 300 EI ont pris la forme d’une société commerciale, contre 2 400 qui ont fait le chemin inverse. Ces chiffres sont semblables en 2011 (12 300 et 2 500) et en 2010 (11 500 et 2 600). Ces changements concernent essentiellement des entreprises jeunes, environ 30 % des changements intervenant entre le 2ème et la 4ème année.

Plus finement, seraient concernées par la mesure proposée, si l’on se réfère aux chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee, base Sirène), pour les années 2010 et 2011 :

- un total de 3 500 entreprises individuelles (EI et EIRL) ayant choisi la forme sociale d’ EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée),

- un total de 143 entreprises individuelles (EI et EIRL) ayant choisi la SASU (SAS unipersonnelle).

La dispense de publication de l’avis d’apport au BODACC permettra aux entreprises d’économiser 143,40 € par apport.

Rapportée au nombre d’entreprises concernées, l’économie totale réalisée est de plus de 500.000 € (soit 143,40 x 3 643 EI).

La mesure représente par ailleurs un gain de temps pour les entreprises (rédaction de l’acte d’apport, suivi au greffe des éventuelles déclarations de créances).

Enfin, la mesure permet de sécuriser les opérations d’apport, l’omission des mentions obligatoires pouvant entraîner la nullité de l’acte d’apport.

4.3. S’agissant des administrations et des réseaux consulaires

L’économie pour les entreprises de 143,40 € par apport diminuera à due concurrence les recettes du BODACC.

5. Mise en œuvre de la mesure

5.1. Modalités d’application dans le temps et sur le territoire

Les dispositions envisagées sont applicables en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion et à Mayotte.

Elles s’appliquent également de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, en vertu du principe de l’identité législative.

Une extension de ces dernières à Wallis-et-Futuna est prévue.

Par contre, aucune extension n’est prévue pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où la matière relève de la compétence de ces collectivités.

5.2. Textes d’application

Un décret devra être pris pour mettre les dispositions réglementaires du code de commerce en conformité avec la mesure prévue.

Article 42 : Lever l’obligation de faire appel à un commissaire aux apports en cas de passage du statut d’entreprise individuelle au statut de société unipersonnelle

1. État des lieux

1.1. Situation actuelle

Les commissaires aux apports ont pour mission d’évaluer la valeur des apports en nature effectués lors de la constitution d’une société et, s’il y a lieu, d’apprécier les avantages particuliers accordés à certains associés. Ils sont choisis parmi les commissaires aux comptes ou parmi les experts inscrits sur l’une des listes établies par les cours et tribunaux (article R.223-6 du code de commerce).

Le commissaire aux apports dépose ensuite un rapport d’évaluation qui est déposé au registre du commerce et des sociétés (RCS). À la constitution, ce rapport est annexé aux statuts constitutifs.

Si les associés ne retiennent pas l’évaluation établie par le commissaire aux apports, lors de la constitution de la société ou de l’augmentation de capital, ils sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée auxdits apports.

Les honoraires du commissaire aux apports sont à la charge de la société.

1.2. Description du dispositif juridique en vigueur

L’obligation de désigner un commissaire aux apports s’applique dans les sociétés à responsabilité limitée (SARL), à associé unique ou pluri-personnelles, dans les sociétés anonymes (SA) ainsi que dans les sociétés par actions simplifiées (SAS).

Dans les SARL, cette obligation comporte toutefois plusieurs exceptions au stade de la constitution de la société (article L.223-9 du code de commerce) :

- les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d’aucun apport en nature n'excède un montant fixé par décret (en l’occurrence 30.000 € en application de l’article D.223-6-1 du code de commerce) et si la valeur totale de l'ensemble des apports en nature non soumis à l'évaluation d'un commissaire aux apports n'excède pas la moitié du capital ;

- lorsque la société est constituée par une seule personne, le recours à un commissaire aux apports n'est pas obligatoire si les conditions prévues au paragraphe précédent sont réunies.

Lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

2. Objectifs poursuivis par la réforme

Afin de faciliter le passage du statut d’entrepreneur individuel à une forme sociétale unipersonnelle et de simplifier la création de sociétés, il est prévu d’élargir le champ de la dispense de recours à un commissaire aux apports lors de la création d’une société unipersonnelle :

- d’une part, en instituant une dérogation en cas de constitution d’une SARL à associé unique par un entrepreneur individuel,

- d’autre part, en étendant aux SAS les cas de dispense applicables aux SARL.

Le recours à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), introduite par le législateur en 1985 et désormais qualifiée de SARL à associé unique, reste limité, en dépit de récentes réformes législatives qui ont considérablement simplifié la création et le fonctionnement de l’EURL. Les EURL ne représentent que 334 664 entreprises, soit environ 9 % du total des entreprises au 1er janvier 2013 alors que plus de la moitié des entreprises existantes sont toujours constituées sous forme d’entreprises individuelles et continuent de l’être.

À cette même date, le nombre de SAS unipersonnelle (SASU) s’élève à 47 231 entreprises.

En réalité, le passage en société ne se conçoit en principe qu’à un stade de croissance avancé, lorsque l’entrepreneur individuel (EI) entend développer son activité en s’associant à d’autres partenaires ou encore lorsque le développement de l’activité et ses implications fiscales et comptables nécessitent la création d’une personne morale.

Le coût du commissariat aux apports, qui peut être estimé entre 500 et 3.000 € HT, constitue un frein supplémentaire au passage au statut de société, alors même que le recours à un commissaire aux apports n’a pas de réelle plus-value du point vue de l’entrepreneur ou de ses créanciers lorsque l’entreprise dispose d’un bilan. En effet, lorsqu’un entrepreneur exerçant en nom propre, y compris sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), dispose d’un bilan comptable au sein duquel figurent les valeurs des biens faisant l’objet de l’apport en nature, le recours au commissaire aux apports constitue une formalité source de coûts et dépourvue d’utilité.

En outre, dans tous les cas, l’associé unique est responsable durant cinq ans à l’égard des tiers de la valeur attribuée aux apports.

Au regard de la responsabilité encourue par l’associé unique, le commissariat aux apports présente une utilité très marginale, alors qu’il constitue un frein au passage d’un statut à un autre.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

3.1. Options envisageables

Le droit européen ne régit pas le recours à un expert lors de la constitution d’une SARL ou d’une SAS. Il est donc possible de déroger à ce principe.

En revanche, en ce qui concerne les SA, les mécanismes optionnels de dérogation existants ne trouvent pas d’application au passage du statut d’un entrepreneur individuel à une forme sociétale.

Deux options sont possibles pour alléger la charge que représente le recours à un commissaire aux apports :

- l’option législative : elle consiste à instituer une nouvelle hypothèse de dérogation à l’obligation de recourir à un commissaire aux apports lors de la constitution d’une SARL à associé unique par un entrepreneur individuel et à étendre à la SASU les mécanismes ainsi créés pour les SARL à associé unique ;

- l’option réglementaire : elle consiste à imposer un allègement du coût du commissariat aux apports en permettant que les SA, SAS et SARL (pluripersonnelles et unipersonnelles) répondant à la définition des petites entreprises puissent avoir recours à d’autres professionnels que les commissaires aux comptes (tels les experts-comptables ou les centres de gestion agréés).

3.2. Avantages / inconvénients des différentes options

Les enjeux de ces deux mesures sont différents avec une mesure législative ayant un fort impact en termes de coûts et un champ d’application étendu aux SARL à associé unique et aux SASU, alors que la mesure réglementaire a un impact moindre sur les coûts et ne concerne que les petites entreprises.

3.3. Option retenue

Il a été fait le choix d’une réforme ayant un fort impact.

4. Impact de la disposition envisagée

S’agissant des entreprises bénéficiaires de la mesure, en 2012, 13 300 entreprises individuelles ont pris une forme de société commerciale, contre 2 400 qui ont fait le chemin inverse. Ces chiffres sont semblables en 2011 (12 300 et 2 500) et en 2010 (11 500 et 2 600). Ces changements concernent principalement des entreprises jeunes, environ 30 % des changements de catégorie juridique intervenant entre la 2ème et la 4ème année.

Plus finement, seraient concernées par la mesure proposée, si l’on se réfère aux chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee, base Sirène), pour les années 2010 et 2011 :

- un total de 3 500 entreprises individuelles (EI et EIRL) ayant choisi la forme sociale EURL,

- un total de 143 entreprises individuelles (EI et EIRL) ayant choisi la SASU.

L’économie réalisée par entreprise peut être estimée dans une fourchette allant de 537,81 à 3.037,81 € hors taxes (HT), détaillée comme suit :

- Coût de l’évaluation par le commissaire aux apports : de 500 à 3.000 €HT selon la complexité de la mission,

- Coût d’une requête aux fins de missionner un commissaire aux apports : 37,81 € (frais de port inclus) (source Tribunal de commerce de paris).

Rapportée au nombre d’entreprises concernées, l’économie totale réalisée est située entre 2 et 11 M€ (sur la base de 3 643 EI, soit entre 1.959.242 € (3 643 EI x 537,81) et 11.066.741,83 € (3 643 EI x 3.037,81))

Concernant les commissaires aux comptes (CAC), si la mesure présente une perte de marché pour eux, il convient de rappeler que les interventions des CAC ont été étendues au cours des dix dernières années à un nombre croissant d'organismes publics et d'administrations :

- la Sécurité sociale (depuis 2006) pour ce qui concerne la certification des comptes des régimes autres que le régime général dont le contrôle des comptes est confié à la Cour des comptes ;

- les universités qui souhaitent leur autonomie (depuis 2007) ;

- le secteur hospitalier depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009. L'article L.6145-16 du code de la santé publique prévoit que les comptes des établissements publics de santé sont certifiés par un commissaire aux comptes ou la Cour des comptes. L'obligation de certification s'applique au plus tard aux comptes de l'exercice 2014.

Ces nouvelles missions représentaient alors un intérêt majeur pour la profession.

Les interventions des CAC ont également été étendues au sein des sociétés commerciales dont ils certifient les comptes :

- le rapport sur les comptes annuels des CAC est enrichi, depuis la loi de modernisation de l'économie de 2008, d'observations sur la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations figurant dans le rapport de gestion sur les délais de paiement des fournisseurs et clients; lorsque la société concernée est une grande entreprise ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI), les CAC établissent par ailleurs un rapport adressé au ministre de l'économie s'ils relèvent, de façon répétée, des manquements significatifs (L.441-6-1, al 2 et D.823-7-1 du code de commerce) ;

- depuis la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, les sociétés cotées ou dépassant certains seuils (R.225-104 du code de commerce) doivent faire vérifier par un tiers indépendant les informations devant figurer dans leur rapport de gestion sur la manière dont les sociétés concernées prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité (informations de responsabilité sociétale des entreprises). La vérification donne lieu à la remise d'un rapport par le tiers indépendant contenant une attestation et un avis motivé. Il semble que ces travaux soient confiés au CAC de la société dans la majeure partie des cas. 

5. Mise en œuvre de la disposition

Les dispositions envisagées sont applicables en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, et à Mayotte.

Elles s’appliquent également de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, en vertu du principe de l’identité législative

Une extension de ces dernières à Wallis-et-Futuna est prévue.

Par contre, aucune extension n’est prévue pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où la matière relève de la compétence de ces collectivités.

Article 43 : Réformer les obligations de qualification applicables à certaines activités artisanales

1. État des lieux

1.1. L’obligation de qualification professionnelle applicable à un certain nombre d’activités de caractère artisanal, prévue par la loi du 5 juillet 1996

L’article 16 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat impose une obligation de qualification professionnelle pour les activités suivantes :

- l'entretien et la réparation des véhicules à moteur et des machines ;

- la construction, l'entretien et la réparation des bâtiments ;

- la mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l'alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;

- le ramonage ;

- les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ;

- la réalisation de prothèses dentaires ;

- la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ;

- l'activité de maréchal-ferrant.

Ces activités ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci.

Le décret n° 98-246 du 2 avril 1998 précise que les personnes qui souhaitent exercer l’une des activités mentionnées à l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 doivent être titulaire d’un certificat d'aptitude professionnelle (CAP), d’un brevet d'études professionnelles (BEP) ou d’un titre de niveau égal ou supérieur enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et délivré pour l’exercice de l’un des métiers figurant en annexe du décret, ou d’une expérience professionnelle de trois ans.

Les dispositions de l’article 16 ont été modifiées par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE), qui a prévu une qualification par métier, alors que la qualification s’appréciait jusqu’à présent au niveau du domaine d’activité, si bien qu’une personne détenant une qualification dans l’un des métiers figurant en annexe du décret pouvait exercer l’ensemble des métiers relevant de ce domaine d’activité. Toutefois, en raison des difficultés concrètes soulevées par cette disposition, le décret d’application n’a pas été publié et la qualification par métier n’est pas entrée en vigueur.

La rédaction de l’article 16 est très générale et imprécise. Il en résulte une grande incertitude sur le champ d’application de l’obligation de qualification professionnelle, qui suscite de nombreuses questions de la part des professionnels et des autorités de contrôle, ainsi que cela a été souligné par le rapport de Mme Catherine Barbaroux, « Lever les freins à l’entreprenariat individuel », remis en décembre 2015 au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

De plus, cette rédaction très large conduit à soumettre un grand nombre d’activités à l’obligation de qualification, y compris dans des cas où cela n’est pas justifié par des impératifs de protection de la sécurité des consommateurs, créant ainsi des barrières inutiles à la création d’entreprises.

À ce jour, on estime qu’un peu plus de 665 000 entreprises sont soumises à l’obligation de qualification, dont environ 594 000 sont immatriculées au répertoire des métiers. Les tableaux ci-après précisent la répartition de ces entreprises selon leur secteur d’activité et leur nombre de salariés.

 

Nombre d’entreprises

Activités avec leur code APE

Par rapport au nombre de salariés

Total

0 salarié

1 à 10 salariés

11 à 50 salariés

plus de 50 salariés

10.11Z Transformation et conservation de la viande de boucherie

517

339

321

126

1 303

10.12Z Transformation et conservation de la viande de volaille

122

121

84

83

410

10.13A Préparation industrielle à base de viande

299

299

275

119

992

10.13B Charcuterie

1 610

2 357

234

4

4 205

10.20Z Transformation et conservation de poisson, de crustacés et de mollusques

129

112

92

40

373

10.52Z Fabrication de glaces et de sorbets

226

148

28

15

417

10.71A Fabrication de pain et de pâtisserie fraîche

104

133

175

129

541

10.71B Cuisson de produits de boulangerie

1 936

1 550

128

5

3 619

10.71C Boulangerie et boulangerie-pâtisserie

6 970

21 981

2 391

32

31 374

10.71D Pâtisserie

1 704

2 102

303

14

4 123

32.50A Fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire

3 459

3 301

410

111

7 281

33.12Z Réparation de machines et équipements mécaniques

4 749

3 007

341

69

8 166

33.13Z Réparation de matériels électroniques et optiques

237

181

46

18

482

33.14Z Réparation d’équipements électriques

510

492

115

24

1 141

33.15Z Réparation et maintenance navale

1 651

680

70

8

2 409

33.16Z Réparation et maintenance d’aéronefs et d’engins spatiaux

178

103

32

25

338

33.17Z Réparation et maintenance d’autres équipements de transport

41

21

14

8

84

 

Nombre d’entreprises

Activités avec leur code APE

Par rapport au nombre de salariés

Total

0 salarié

1 à 10 salariés

11 à 50 salariés

plus de 50 salariés

41.20A Construction de maisons individuelles

14 290

8 057

935

52

23 334

41.20B Construction d’autres bâtiments

5 784

3 012

719

231

9 746

42.21Z Construction de réseaux pour fluides

235

232

334

128

929

42.22Z Construction de réseaux électriques et de télécommunications

182

162

207

135

686

43.21A Travaux d’installation électrique dans tous locaux

39 586

17 596

2 161

324

59 667

43.21B Travaux d’installation électrique sur la voie publique

86

50

44

19

199

43.22A Travaux d’installation d’eau et de gaz en tous locaux

25 005

12 088

1 081

53

38 227

43.22B Travaux d’installation d’équipements thermiques et de climatisation

11 090

7 736

1 408

192

20 426

43.29A travaux d’isolation

1 935

1 714

295

27

3 971

43.29B Autres travaux d’installation n.c.a

2 045

1 188

206

25

3 464

43.31Z Travaux de plâtrerie

14 557

7 134

717

37

22 445

43.32A Travaux de menuiserie bois et PVC

27 552

15 209

1 866

71

44 698

43.32B Travaux de menuiserie métallique et serrurerie

8 024

6 284

1 232

56

15 596

43.33Z Travaux de revêtement des sols et des murs

15 120

6 931

705

24

22 780

43.34Z Travaux de peinture et vitrerie

38 477

16 430

1 893

112

56 912

43.39Z Autres travaux de finition

11 605

2 695

227

9

14 536

43.91A Travaux de charpente

4 388

4 471

673

29

9 561

43.91B Travaux de couverture par éléments

7 278

7 399

916

34

15 627

43.99A Travaux d’étanchéification

1 573

1 495

308

19

3 395

43.99B Travaux de montage de structures métalliques

973

893

212

23

2 101

43.99C Travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment

48 907

33 332

3 761

293

86 293

43.99D Autres travaux spécialisés de construction

4 520

2 459

289

36

7 304

 

Nombre d’entreprises

Activités avec leur code APE

Par rapport au nombre de salariés

Total

0 salarié

1 à 10 salariés

11 à 50 salariés

plus de 50 salariés

45.20A Entretien et réparation de véhicules automobiles légers

21 605

22 015

1 258

22

44 900

45.20B Entretien et réparation d’autres véhicules automobiles

897

757

248

10

1 912

47.22Z Commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisé

5 751

8 671

410

29

14 861

47.23Z Commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques en magasin spécialisé

1 129

1 103

54

0

2 286

47.81Z Commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés

21 431

4 584

74

0

26 089

95.11Z Réparation d’ordinateurs et d’équipements périphériques

7 538

975

72

24

8 609

95.12Z Réparation d’équipements de communication

207

54

20

7

288

95.21Z Réparation de produits électroniques grand public

1 639

582

39

5

2 265

95.22Z réparation d’appareils électroménagers

1 788

697

50

4

2 539

96.02B Soins de beauté

25 466

6 935

149

2

32 552

Total

395 105

239 867

27 622

2 862

665 456

Données au 1er janvier 2013, source INSEE SIRENE, traitement DGE

1.2. L’obligation de qualification professionnelle des coiffeurs prévue par la loi du 23 mai 1946

La loi n° 46-1173 du 23 mai 1946 portant réglementation des conditions d'accès à la profession de coiffeur impose une obligation de qualification professionnelle pour l’exercice de l’activité de coiffure. Son article 3 distingue à cet égard l’activité exercée en salon et celle effectuée à domicile.

Le décret n° 97-558 du 29 mai 1997 relatif aux conditions d’accès à la profession de coiffeur impose la détention d’un brevet professionnel de coiffure pour l’exercice en salon et d’un certificat d’aptitude professionnelle pour l’exercice à domicile.

Une telle distinction ne semble pas justifiée.

1.3. La directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 relative aux qualifications professionnelles

La directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») modifie les règles applicables à la reconnaissance des qualifications professionnelles des personnes ayant acquis leur qualification professionnelle dans un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’espace économique européen (EEE), fixées par la directive 2005/36/CE.

S’agissant des qualifications artisanales, cette directive impose d’accorder l’accès partiel à un métier aux personnes qualifiées pour exercer une partie de ce métier dans un autre État membre de l’Union européenne. Or, cet accès partiel n’existe pas encore dans le droit positif français. Par ailleurs, la directive impose de réduire de deux ans à un an la durée d’expérience dans un autre État membre requise pour pouvoir exercer une activité en libre prestation de services, lorsque cette activité n’est pas réglementée dans l’État membre d’origine.

1.4. La qualification professionnelle au niveau européen

Dans la majorité des États membres, l’artisanat est peu ou pas réglementé, à l’exclusion de la profession de prothésiste dentaire qui est réglementée dans 27 pays, dont 23 États membres (cf. tableau ci-dessous). S’agissant des professions de poissonnier et de glacier, la France est la seule à réglementer ces activités. Certains États membres ont des réglementations similaires à la nôtre, même si le champ ne se recoupe pas sur toutes les activités, tel qu’en Allemagne, en Autriche et en Belgique. Les exigences ne sont également pas les mêmes.

En Allemagne par exemple, trois niveaux de qualification professionnelle existent selon les activités. Le code de l'artisanat allemand précise quelles sont les professions relevant du secteur de l’artisanat. Son annexe A reprend tous les métiers pour lesquels l'accès au statut d'indépendant est soumis à un brevet professionnel. Le législateur allemand exige un tel brevet pour les métiers entraînant certains risques particuliers et/ou impliquant certaines prestations d'apprentissage. Pour ces activités, le brevet professionnel est indispensable à l’exercice indépendant de l’activité concernée et à la création d’une entreprise et constitue en soi une exigence plus restrictive que celle imposée en France. L'annexe B1 de ce code regroupe tous les autres métiers artisanaux pour lesquels l'on peut passer un brevet professionnel sur une base volontaire. L'annexe B2 du code reprend pour sa part les "activités apparentées à l'artisanat" et qui sont donc rattachées à ce secteur mais dont l’accès ne nécessite pas la possession de qualifications professionnelles déterminées. La réforme de 2004 du code de l’artisanat en Allemagne a eu pour objectif de faciliter l’installation des artisans et a donc réduit la liste des activités figurant dans l’annexe A.

Activités listées à l’article 16 de la loi n° 96-603

Professions déclarées à la Commission européenne

États membres de l’UE ou parties à l’EEE dans lesquels la profession est réglementée

L'entretien et la réparation des véhicules et des machines

Réparateur d'automobiles

SK, SI, CZ (2 professions, réparateur de véhicules de route et autres véhicules), CY (9 professions avec spécialités selon partie du véhicule), BE (2 professions selon le poids du véhicules +/- 3,5 tonnes), RO, NO.

Carrossier

SK, AT ;

HR, LI et IS (2 professions : carrossier et peintre en carrosserie) ;

HU et CY (uniquement la profession de peintre en carrosserie) ;

BE (champ de la réserve d’activités plus large : vente de véhicules d’occasion, carrosserie et réparation) ;

DE (champ de la réserve d’activités plus large : carrossier et fabricant de véhicules)

Réparateur de cycles

BE, DE, LI

Réparateur de motocycles

CZ, CY, HU, SI, LI

Réparateur de matériels agricoles et forestiers

CZ (machines en général), SI, DK, HR, AT, DE, LI

Réparateur de matériels de travaux publics

CZ (machine en général) et LI

Activités listées à l’article 16 de la loi n° 96-603

Professions déclarées à la Commission européenne

États membres de l’UE ou parties à l’EEE dans lesquels la profession est réglementée

La construction, l'entretien et la réparation des bâtiments

Carreleur

AT, BE, HU, SK et LI

Constructeur/entrepreneur du bâtiment

BE, CY, CH, LI

Couvreur

DE, AT, HR, CZ, SI, SK, LI

Maçon

DE, BE, HR, HU, MT, CZ, SK, IS, LI

Menuisier-charpentier

DE, AT (2 PR), BE, HR, HU, PL, CZ, SK (2 PR), IS, LI

Peintre

DE, AT, BE, HR, HU, CZ, IS, LI

Plâtrier plaquiste

DE, AT, BE, HR, SI, LI

La mise en place, l'entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l'alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques

Plombier

DE, BE, HR, ES, EL, HU, CZ, SK, IS, LI

Chauffagiste

Profession réglementée dans 13 États membres

Electricien

Différentes catégories de professions réglementées dans l’UE :

- électricien dans 13 États membres,

- installateur, réparateur d’équipements électriques dans 7 États membres,

- ingénieur électrique dans 7 États membres,

- ingénieur électromécanique dans 3 États membres

Climaticien

Profession réglementée dans 13 États membres

Installateur de réseaux de gaz

DE, AT, HR, DK, ES, EL, HU, IE, PT, UK, SI

Le ramonage

Ramoneur

DE, HR, DK, EE, FI, HU, CZ, SK et CH, LI, NO

Les soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et les modelages esthétiques de confort sans finalité médicale.

Esthéticien

AT, BE, CY, HR, EL, HU, , LV , IT, CZ, SK, SI et CH, LI, IS

La réalisation de prothèses dentaires

Prothésiste dentaire

Profession réglementée dans 23 États membres et IS, LI, NO et CH

La préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales

Boulanger

DE, AT, BE, HR, CZ, SK, SI, IS, LI

Pâtissier

DE, AT, BE, HR, CZ, SK, SI, IS, LI

Boucher

DE, AT, BE (+ grossiste), HR, IT, CZ, SK, IS, LI

Charcutier

DE, AT, BE (+ grossiste), HR, IT, CZ, SK, IS, LI

Poissonnier

Profession non- réglementée

Glacier

Profession non-réglementée

L'activité de maréchal-ferrant

Maréchal-ferrant

AT, HR, LI, PL, CZ, UK, CH

Source: base de données des professions réglementées telle que renseignée par les États membres dans le cadre du recensement des professions réglementées – mars 2016

AT=Autriche ; BE=Belgique ; CH=Suisse ; CZ=République Tchèque ; CY=Chypre ; DE=Allemagne ; DK= Danemark ; EE=Estonie ; EL=Grèce ; ES=Espagne ; FI=Finlande ; HR=Croatie ; HU=Hongrie ; IE=Eire ; IS=Islande ; IT=Italie ; LI=Liechtenstein ; LT=Lituanie ; LV=Lettonie ; MT=Malte ; NO=Norvège ; PL=Pologne ; PT=Portugal ; RO= Roumanie ; SI=Slovénie ; SK=Slovaquie ; UK=Royaume Uni

2. Objectifs poursuivis par la réforme

La réforme poursuit les objectifs suivants :

- clarifier et sécuriser le régime juridique de la qualification professionnelle en déterminant avec précision les activités professionnelles concernées ;

- recentrer l’obligation de qualification professionnelle sur les seules activités présentant un risque pour la santé et la sécurité des personnes, ce qui permettra de faciliter l’accès aux activités professionnelles qui ne présentent pas de tels risques, et ainsi de favoriser la création d’entreprises et le développement de l’activité ;

- homogénéiser les dispositions applicables aux coiffeurs en salon et à domicile avec celles prévues pour les autres professions artisanales ;

- transposer la directive 2013/55/UE pour le volet relatif aux qualifications artisanales, en évitant la création de discriminations à rebours à l’encontre des personnes ayant acquis leur qualification en France.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Il n’y a pas d’autre option possible qu’une réforme législative, car la réforme des qualifications impose de modifier la loi du 5 juillet 1996 précitée. En effet, le champ d’application de l’obligation de qualification professionnelle étant défini par la loi, le pouvoir réglementaire ne peut pas, en l’état du droit, en limiter la portée.

Ainsi, les secteurs économiques soumis à obligation de qualification professionnelle sont modifiés pour renvoyer au décret le soin de fixer, au sein de ces secteurs économiques, la liste limitative des activités concernées par l’obligation de qualification au regard des risques que ces activités présentent pour la santé et la sécurité des personnes. Le recours à une liste d’activités limitant le champ d’application de la loi permet d’éliminer les incertitudes juridiques existantes et de recentrer le dispositif sur les activités qui présentent réellement un risque pour la santé et la sécurité des personnes.

En outre, dans un souci de cohérence, la coiffure est ajoutée à cette liste de secteurs économiques, ce qui permettra également d’harmoniser les niveaux de qualification exigés pour les activités de coiffure en salon et à domicile.

Enfin, la directive 2013/55/UE du 20 novembre 2013 fait l’objet d’une transposition en ce qui concerne l’introduction d’un mécanisme d’accès partiel à l’exercice des activités pour les personnes qui ne détiennent une qualification que pour une partie de ces activités. Afin d’éviter toute discrimination à rebours, ce mécanisme est ouvert non seulement aux personnes ayant acquis leur qualification dans un autre État membre de l’Union européenne, mais également sur le territoire français.

En raison de la brièveté des dispositions législatives de transposition, celles-ci sont intégrées directement dans le présent article. Il ne sera donc pas nécessaire de les insérer dans l’ordonnance prévue dans le présent projet de loi relative à la transposition de la directive relative aux qualifications professionnelles. Cela évitera ainsi de modifier à deux reprises dans un laps de temps très court la loi du 5 juillet 1996 et permettra une entrée en vigueur plus rapide des dispositions. Enfin, cela permettra un examen global des dispositions relatives à l’accès partiel (articles 16 et 17 de la directive), qui vont au-delà de la simple transposition de la directive.

4. Impact de la disposition envisagée

4.1. Impact pour les consommateurs / particuliers

La suppression de l’obligation de qualification professionnelle aura pour effet de faciliter la création d’entreprises pour les activités qui ne seront plus soumises à qualification, ce qui dynamisera l’offre de ces services et stimulera la concurrence. La réforme n’aura pas d’impact sur la santé et la sécurité des consommateurs dès lors que les activités présentant des risques dans ces domaines resteront soumises à qualification professionnelle.

S’agissant de la compétence des professionnels effectuant les prestations, les consommateurs pourront se référer, comme c’est le cas actuellement pour les activités non soumises à qualification obligatoire, aux titres existants (artisan, artisan d’art, maître artisan) dont seuls peuvent se prévaloir les professionnels qui détiennent un diplôme ou disposent d’une expérience professionnelle.

4.2. Impact pour les entreprises

En réduisant le champ des activités soumises à obligation de qualification professionnelle et en offrant la possibilité d’un accès partiel aux activités soumises à qualification, la réforme aura pour effet de réduire les barrières à la création d’entreprises, ce qui devrait avoir un effet positif sur la création d’entreprises et l’activité économique dans ces secteurs.

La fixation d’une liste précise des activités soumises à qualification professionnelle offrira par ailleurs aux entreprises un cadre juridique sécurisé, ce qui est favorable au développement de l’activité.

4.3. Impact pour les administrations

La mission de contrôle des qualifications de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, contrôle a posteriori) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA, contrôle a priori) sera allégée du fait de la réduction du champ d’application de l’obligation de qualification aux seules activités qui représentent un risque pour la santé et la sécurité des personnes. Leur mission en la matière sera par ailleurs optimisée par la sécurisation du cadre juridique applicable.

La réforme du dispositif devrait conduire à une augmentation du nombre d’entreprises artisanales ce qui entrainera une plus grande activité des chambres de métiers : immatriculation, accompagnement des entreprises artisanales, etc.

Enfin, il sera nécessaire d’adapter les formulaires pour l’immatriculation des entreprises artisanales au répertoire des métiers et pour la modification des inscriptions à ce répertoire.

4.4. Impact sur l’ordre juridique interne / communautaire

Le projet de loi transpose la directive 2013/55/UE du 23 novembre 2013 relative aux qualifications professionnelles pour le volet relatif aux qualifications artisanales, notamment en ce qui concerne l’accès partiel aux activités. Ainsi, une personne qualifiée pour une partie d’une activité soumise à qualification pourra exercer la partie d’activité qui correspond à sa qualification.

5. Consultations menées

Une consultation des professionnels sera menée lors de l’élaboration du décret d’application qui dressera la liste des activités soumises à qualification professionnelle. Une consultation avec les représentants de la profession de coiffeur sera organisée pour définir le niveau de qualification exigée pour l’exercice de l’activité de coiffeur en salon et à domicile.

6. Mise en œuvre de la disposition

6.1. Application dans le temps

La modification de la loi du 5 juillet 1996 entrera en vigueur à la date fixée par son décret d’application et au plus tard dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi.

6.2. Textes d’application

Il sera nécessaire de procéder à une modification :

- du décret n° 98-246 du 2 avril 1998 relatif à la qualification professionnelle exigée pour l'exercice des activités prévues à l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ;

- du décret n°97-558 du 29 mai 1997 relatif aux conditions d'accès à la profession de coiffeur ;

- de l’arrêté du 28 octobre 2009 pris en application des décrets n° 97-558 du 29 mai 1997 et n° 98-246 du 2 avril 1998 et relatif à la procédure de reconnaissance des qualifications professionnelles d'un professionnel ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen

Article 44 : Habilitation pour la transposition de la directive 2013/55/UE relative aux qualifications professionnelles

1. Difficultés à résoudre

La directive 2005/36/CE du Parlement et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles a constitué la première étape de la modernisation d’ensemble du système communautaire de reconnaissance des qualifications professionnelles depuis son introduction il y a plus de quarante ans. La directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 a modifié celle de 2005, ce qui constitue une nouvelle étape dans ce processus de modernisation de la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne et de l’espace économique européen (EEE).

Le champ d’application de la directive de 2005 révisée demeure très large, la seule exclusion expresse concernant les notaires112.

La France a achevé la transposition en droit national de la directive 2005/36/CE début 2010. La transposition des nouvelles dispositions introduites par la directive 2013/55/UE aurait dû être achevée au 18 janvier 2016.

À la différence de la directive 2005/36/CE qui a consolidé d’anciennes directives relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, la principale novation consistant en la mise en place d’un régime spécifique de libre prestation de services, la directive 2013/55/UE modernise en profondeur ce système de reconnaissance, en intégrant de nouveaux principes issus de la jurisprudence de la Cour de justice, en assouplissant les procédures existantes et en introduisant de nouveaux mécanismes de reconnaissance des qualifications professionnelles. La directive 2013/55/UE renforce également l’assistance aux citoyens.

Les modifications apportées par la directive 2013/55/UE visent à faciliter l’accès aux professions réglementées et à améliorer la mobilité des professionnels au sein du marché intérieur tout en garantissant un niveau adéquat de qualification. La directive vise également à exploiter un potentiel de mobilité de la main d’œuvre qualifié et à pallier les inadéquations de certains marchés du travail au sein de l’Union européenne.

La directive modernisée constitue l’un des douze leviers de croissance identifiés dans l’acte pour le Marché Unique et répond aux recommandations formulées en 2011 par le Conseil européen et le Parlement européen.

2. Objectifs poursuivis

Le projet de loi vise à transposer en droit national les nouvelles dispositions introduites dans la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles par la directive 2013/55/UE.

La France a l’obligation de transposer la directive 2006/35/CE révisée dont les dispositions, précises et inconditionnelles, n’offrent pas d’option pour les États à l’exception du format pour le dépôt de la demande de carte professionnelle européenne (CPE) qui peut être effectué par écrit ou par voie électronique (la procédure dématérialisée a été retenue).

Aussi, pour les professions dont les conditions d’accès pour les titulaires de qualifications professionnelles obtenues ou reconnues par un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’EEE, les modifications à opérer seraient de niveau législatif.

Cela concernerait les secteurs et les professions suivants :

- Secteur social : assistant de service social ;

- Secteur du tourisme : guide-interprète ;

- Enseignement et formation : formateur à la conduite des bateaux de plaisance à moteur en mer et en eaux intérieures, éducateur sportif, professeur de danse ;

- Secteur des transports : contrôleur technique de véhicules ;

- Secteur de la vente : opérateur de vente volontaire de meubles aux enchères publiques, responsable d’établissement d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que d’établissement destiné à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère ;

- Secteur du bâtiment : contrôleur technique de la construction, géomètre-expert ;

- Certaines professions libérales : agent sportif, psychologue, agent immobiliers et professionnels de l’expertise comptable.

Ces professions sont au nombre de 67, si l’on comptabilise chacune des 54 disciplines sportives réunies sous la dénomination générique d’« éducateur sportif », et concernent 7 ministères.

Les autres professions réglementées qui ne sont pas couvertes par le présent projet de texte disposent d’ores et déjà d’un vecteur législatif permettant d’assurer la transposition de la directive ou relèvent exclusivement du niveau réglementaire.

S’agissant des professions régies par des dispositions de nature législative, celles-ci ont été modifiées par plusieurs ordonnances (publiées ou en cours d’élaboration) :

- ordonnance « agriculture » n° 2015-1245 du 7 octobre 2015 en application de l’article 21 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui concerne 21 professions agricoles ;

- ordonnance « simplification » n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 en application de article 10 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, qui concerne 5 professions du domaine de l’enseignement à la sécurité routière, la profession d’expert en automobile et 7 professions du funéraire ;

- projet d’ordonnance en application de l'article 216 (2° du I) de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui concernera 75 professions du domaine de la santé (dont 42 spécialités médicales).

S’agissant des professions dans le champ de la transposition et régies par des dispositions de nature réglementaire, celles-ci sont au nombre de 24 et la moitié d’entre elles ont déjà fait l’objet de transposition qui a été notifiée à la Commission européenne.

S’agissant spécifiquement des professions artisanales, la transposition est assurée par des dispositions du projet d’article du présent projet de texte réformant l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1. Une modernisation du système de reconnaissance des qualifications professionnelles destinée à faciliter la mobilité des professionnels

Si le régime de reconnaissance automatique sur la base de l’expérience professionnelle, applicable aux activités commerciales, artisanales et industrielles listées en annexe de la directive de 2005, n’a fait l’objet d’aucune modification, en revanche, le régime général de reconnaissance des qualifications professionnelles (pour les cas ne relevant pas du mécanisme de reconnaissance automatique) a été revu en profondeur :

- abaissement à un an au lieu de deux de la durée de l’expérience professionnelle exigée lorsque le professionnel vient d’un État membre où la profession n’est pas réglementée, aussi bien en libre établissement qu’en libre prestation de services ;

- prise en compte des connaissances, aptitudes et compétences acquises lors d’un apprentissage tout au long de la vie pour apprécier les différences entre les qualifications professionnelles du prestataire et celles exigées dans l’État d’accueil ;

- révision des procédures : examen de toutes les demandes de reconnaissance par les autorités compétentes, quel que soit le niveau de formation du prestataire (actuellement, les autorités ne doivent examiner une demande que si le prestataire a un niveau de formation immédiatement inférieur à celui exigé dans l’État d’accueil), refus possible en cas de différences de niveau de qualification le plus extrême, suppression du critère de durée de formation pour exiger une mesure de compensation en cas de différences substantielles entre la formation reçue et la formation exigée dans l’État d’accueil, obligation pour les autorités compétentes de justifier le recours à une mesure de compensation, limitation de la possibilité laissée aux prestataires de choisir les mesures de compensation ;

- modification des conditions minimales de formation permettant d’obtenir une reconnaissance automatique des qualifications professionnelles : concerne les professions de médecin, infirmier, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, vétérinaire, architecte ;

- encadrement du contrôle des connaissances linguistiques, avec des adaptations pour les professions ayant des implications en matière de sécurité des patients.

Ces modifications ne devraient entraîner aucun coût supplémentaire pour les administrations et autorités compétentes, qui devraient pouvoir traiter les dossiers de demande sans délais ni contraintes supplémentaires.

3.2. L’introduction de nouveaux principes issus de la jurisprudence de la Cour de justice

3.2.1. Principe d’accès partiel

L’accès partiel consiste à octroyer l’accès à une activité professionnelle qui ne constitue dans l’État d’origine qu’une partie des activités exercées par une profession réglementée dans l’État d’accueil. L’appréciation se fera au cas par cas lors de la vérification de différences substantielles entre les qualifications professionnelles détenues par le demandeur et celles requises en France. Les conditions cumulatives suivantes devront être remplies :

- le professionnel est pleinement qualifié dans son État d’origine pour exercer l’activité professionnelle pour laquelle il demande un accès partiel,

- les différences entre l’activité professionnelle exercée dans l’État d’origine et la profession réglementée dans l’État d’accueil sont si importantes que l’application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre une formation complète pour avoir accès à la profession dans l’État d’accueil,

- l’activité peut objectivement être séparée d’autres activités relevant de la profession réglementée dans l’État d’accueil. Pour apprécier le respect de cette condition, l’État d’accueil doit tenir compte du fait que l’activité professionnelle peut ou ne peut pas être exercée de manière autonome dans l’État membre d’origine.

L’accès partiel pourra être refusé si ce refus est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général, s’il est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et s’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Afin de garantir l’information du consommateur, le professionnel devra porter le titre professionnel de son État d’origine. Ce nouveau mécanisme viendra compléter le système en place du régime général.

3.2.2. Reconnaissance des stages professionnels

Il serait ouvert la possibilité de reconnaître les stages professionnels effectués à l’étranger si l’accès à une profession réglementée y est subordonné dans l’État d’origine.

Il pourrait cependant y avoir une possibilité de limiter la durée du stage effectué à l’étranger.

La codification dans la directive de ces deux principes jurisprudentiels et la mise en place de procédures pour l’examen de telles demandes renforce la sécurité juridique des demandeurs et permet la mobilité des professionnels précédemment exclus de la directive.

Il est difficile d’évaluer, a priori, le flux de demandes supplémentaires qui pourra résulter de leur mise en œuvre. Le bilan qui devra être transmis à la Commission d’ici janvier 2018, comprendra les statistiques relatives à ces décisions et sera l’occasion d’en donner les premiers résultats.

3.3. Introduction de nouvelles procédures et de nouveaux mécanismes de reconnaissance

3.3.1. Création de la carte professionnelle européenne

La mise en place de la carte professionnelle européenne, profession par profession si certaines conditions préalables sont remplies (mobilité significative ou potentiel de mobilité importante dans la profession concernée, expression d'un intérêt suffisant par les parties prenantes, profession ou formation réglementée dans un nombre suffisant d'États membres) prendra la forme d’un certificat électronique qui permettra aux professionnels de prouver :

- soit qu'ils satisfont à toutes les conditions nécessaires pour fournir des services dans un État membre d'accueil de façon temporaire et occasionnelle. Elle remplacerait en cela la déclaration préalable d'activité,

- soit la reconnaissance des qualifications professionnelles pour l'établissement permanent dans un État membre d'accueil.

Ce nouveau dispositif viserait donc à rendre les procédures plus rapides et plus simples. Le professionnel déposerait sa demande de reconnaissance auprès de l'autorité compétente de son État d'origine qui se chargerait, via la plateforme de coopération entre États membres dite « système IMI », de la traiter avec l'autorité compétente de l'État d'accueil, avec possibilité d'une reconnaissance tacite et d’une délivrance automatique de la carte en l’absence de réponse de l'État d'accueil dans les délais. Le règlement d’exécution (UE) 2015/983 de la Commission du 24 juin 2015 sur la procédure de délivrance de la carte professionnelle européenne et l'application du mécanisme d'alerte conformément à la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil précise ce dispositif.

Le recours à la plateforme de coopération européenne IMI fera peser les coûts de développement sur la Commission européenne qui en assure la tutelle. La charge administrative de préparation des dossiers des titulaires de qualifications professionnelles françaises à destination des autres États membres sera moins importante que l’examen actuel de pièces émanant des différents systèmes juridiques européens.

Au plan opérationnel, ce dispositif ne concernerait que cinq professions réglementées ayant clairement manifesté leur intérêt (infirmier, masseur-kinésithérapeute, pharmacien, agent immobilier, guide de montagne). Son extension ultérieure dépendra du bilan qui sera tiré par la Commission européenne sur son fonctionnement et, concomitamment, de la volonté qu’auront manifestée d’autres professionnels de bénéficier de cette carte professionnelle.

3.3.2. Introduction d’un mécanisme d’alertes

Un mécanisme d’alerte serait mis en œuvre via le système IMI sur les interdictions d’exercer concernant les vétérinaires, les professions réglementées ayant des implications en matière de sécurité des patients ou ayant un lien avec l’éducation des mineurs. Les condamnations pour utilisation de faux diplômes dans le cadre d’une demande de reconnaissance devraient par ailleurs être notifiées pour toutes les professions réglementées. Le règlement d’exécution de la Commission précité apporte des précisions sur la nature des informations transmises.

Le recours à la plateforme de coopération européenne IMI fera peser les coûts de développement sur la Commission européenne qui en assure la tutelle. Les autorités compétentes devront néanmoins mettre en place une veille et une organisation qui permette le traitement de ces informations, entrantes et sortantes, dans les délais requis. S’agissant de la charge supplémentaire qui pourrait être induite par ces nouveaux mécanismes (carte professionnelle et mécanisme d’alertes en particulier) celle-ci pèserait avant tout sur les autorités compétentes nationales en charge d’appliquer les mécanismes de reconnaissance.

Elle doit néanmoins être relativisée à deux titres :

- d’une part, les nouveaux mécanismes utilisent des circuits et des supports qui existaient déjà et qui étaient utilisés par les interlocuteurs actuels dans le cadre de la coopération bilatérale (en cas de doutes sur les dossiers de demandes notamment) ;

- d’autre part, les professions concernées par le présent vecteur ne semblent pas être particulièrement sujettes à la mobilité transfrontalière.

3.4. Renforcement de l’assistance des citoyens

Ce renforcement serait rendu possible par une meilleure information des citoyens qui demanderaient la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles : accès facilité à l’information en ligne au moyen du guichet unique mis en place dans le cadre de la directive « Services »  et possibilité d’effectuer les procédures en ligne.

L’extension du champ d’application du « guichet unique », mis en place dans le cadre de la directive « Services », aux professionnels relevant de la directive « Qualifications professionnelles » permettrait d’inclure les demandeurs d’emploi et les professionnels de santé jusqu’ici exclus de ce mécanisme. Ce point d’entrée commun à l’ensemble des professions devrait donc mettre à disposition un certain nombre d’informations en ligne, parmi lesquelles, la liste des professions pour lesquelles une carte professionnelle européenne est disponible, les coordonnées des autorités compétentes, les exigences et procédures, etc.

L’accomplissement des procédures de reconnaissance serait également facilité par l’introduction de procédures électroniques, permettant de remplir les formalités relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Le développement de la structure issue de la transposition de la directive « Services » devrait permettre de maîtriser les coûts associés.

3.5 Mobilité européenne des professionnels

L’accroissement de la mobilité des professionnels par la transposition envisagée concernera essentiellement le secteur de l’éducation (éducateur sportif) au regard du champ des professions concernées par la transposition.

En effet, selon les chiffres donnés par les autorités compétentes des États européens en application de la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, seule la profession d’éducateur sportif figure parmi les 10 professions constatées comme étant les plus mobiles : 8 professions très mobiles relèvent du domaine de la santé et des services sociaux (masseur-kinésithérapeute, infirmier, aide-soignant, médecin, praticien de l’art dentaire, assistant de service social, orthophoniste, psychologue), une du secteur de l’agriculture (vétérinaire), la dernière étant celle d’éducateur sportif du secteur de l’éducation.

4. Consultations envisagées

Outre les consultations des représentants des professionnels des secteurs impactés par la transposition de la directive, le Groupe interministériel permanent de la sécurité routière et le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique seront consultés.

5. Justification du délai d’habilitation

Un délai d’habilitation de 4 mois apparaît adapté au caractère urgent de la transposition de la directive 2013/55/UE.

Article 45 : Habilitation pour la simplification des obligations de reporting

1. Difficultés à résoudre

Les sociétés sont soumises à des obligations de publications annuelles visant à informer sur leur situation et l’évolution de leur activité. Ces informations doivent être communiquées selon différentes modalités et sur différents supports (rapports, dépôt au greffe du tribunal de commerce, site internet).

Les informations relatives à l’activité et à la situation financière de la société sont réparties dans plusieurs documents. Le rapport de gestion contient la majeure partie des informations relatives à la situation de la société, comprenant un bilan de l’exercice écoulé, des données financières et les perspectives d’évolution, mentions obligatoires fixées par la loi pour toute société. Cependant, des informations telles que la composition des organes dirigeants, ou l’évaluation des risques auxquels les sociétés sont confrontées dépendent quant à elles de l’élaboration du rapport du président, devant être joint au rapport de gestion. D’autres informations relèvent à la fois du rapport de gestion et du rapport du président, créant une redondance dans la divulgation de données sur ces sujets. Ces différents rapports, ainsi que les comptes annuels et les rapports des commissaires aux comptes le cas échéant, sont présentés ensemble annuellement à l’assemblée des actionnaires.

De surcroît, le rapport de gestion peut être intégré au document de référence qu’ont la possibilité de publier les sociétés cotées : celles-ci sont alors soumises à une double exigence, devant d’une part déposer les différents rapports obligatoires individuellement au greffe du tribunal de commerce, et d’autre part publier un document de référence agrégeant ces données, certes facultatif mais en pratique recommandé et réalisé par la plupart d’entre elles. Ces dispositions entraînent une perte de temps certaine par la double publication des mêmes données.

Ces différents obligations pèsent fortement sur les sociétés, et imposent des efforts qui pourraient être rationalisés à l’heure où le traitement de ces obligations de reporting peut profiter de moyen dématérialisés. La multiplicité des supports, outre la charge administrative qu’elle représente pour les sociétés, freine la lisibilité des données publiées, au moment où les parties prenantes demandent plus de transparence.

L’amélioration de la lisibilité, et partant de la comparabilité des informations publiées par les sociétés s’inscrit en outre dans la volonté d’homogénéisation du cadre européen, qui a notamment établi, par la directive 2013/34/UE relative aux états financiers annuels, des seuils précis distinguant les petites des moyennes et grandes entreprises. L’article d’habilitation reprend des éléments de ce cadre puisqu’il prévoit également l’instauration d’un régime de reporting simplifié pour les petites entreprises, au sens de la directive.

Les dispositions proposées par cet article visent au renforcement de la transparence et de la lisibilité pour les parties prenantes, à l’optimisation des publications obligatoires des sociétés, jusqu’à un allègement de ces obligations pour les plus petites d’entre elles.

2. Description des objectifs poursuivis

Il s’agira de rationaliser les publications d’informations imposées aux sociétés, notamment en ce qui concerne le support des différents rapports.

Il pourrait être ainsi proposé de mieux agréger les informations présentées dans plusieurs supports de reporting existants, en supprimant certains éléments redondants entre le rapport de gestion et le rapport du président. Cette disposition permettrait une présentation plus claire des informations des sociétés et une simplification dans la mise en œuvre de leur reporting sur la nature et la gestion des risques auxquels elles sont exposées.

En deuxième lieu, une amélioration de la procédure de dépôts aux greffes des tribunaux de commerce pourrait être envisagée, pour un traitement plus efficace et moins contraignant pour les sociétés. Le deuxième axe d’habilitation vise à modifier le code de commerce afin d’offrir la possibilité aux sociétés cotées de ne déposer que le document de référence, lorsque celui-ci intègre les informations demandées dans les autres rapports obligatoires, notamment le rapport de gestion.

Le document de référence est en effet le principal document d’information pour les investisseurs, agrégeant en un document unique les informations des différents aspects de l’activité de la société. Il demeure en outre facile d’accès en étant le plus souvent publié sur le site de la société et reste le document le plus consulté par les parties prenantes, contrairement au rapport de gestion qui doit être acheté sur le site des greffes des tribunaux de commerce. Imposer aux sociétés de publier le rapport de gestion et les différents rapports afférents constitue une charge inutile lorsque ces données sont également présentes et publiées dans le document de référence, ce qui pourrait être simplifié par un unique dépôt au greffe de ce document.

De plus, le dépôt des comptes annuels pourrait également être amélioré. Il est notamment proposé d’offrir aux sociétés la possibilité, facultative, de déposer les comptes annuels et certains éléments de reporting obligatoires selon un format dématérialisé, qui serait directement exploitable par un traitement informatique. Ce processus profiterait du développement de systèmes informatiques permettant de traiter les données des sociétés sous un format harmonisé, garant d’une meilleure accessibilité et comparabilité.

Enfin, dans le même esprit de simplification des obligations de reporting à l’égard des sociétés, il pourait également être proposé de prendre des mesures en vue de la simplification du rapport de gestion pour les petites et micro-entreprises. Établir ces modalités de publications simplifiées pour les petites et micro-entreprises faciliterait significativement les formalités annuelles de ces entités, et rapprocherait le droit interne du cadre européen pour une meilleure comparabilité et une meilleure compétitivité des petites entreprises françaises.

Cet article d’habilitation aurait ainsi pour finalité de rationaliser les obligations de reporting annuelles incombant aux entreprises. Le cadre actuel présente des redondances, et les modifications législatives proposées permettraient un allègement significatif des différentes formalités annuelles et faciliterait leur mise en œuvre. Ces dispositions s’attachent à deux aspects du reporting : simplification du support d’un côté, en allégeant la multiplicité des rapports devant être fournis, et simplification du traitement du contenu de l’autre, par l’informatisation du dépôt des comptes financiers et le projet de simplification des obligations pour les petites entreprises.

Outre les allègements favorables aux entreprises, ces propositions s’inscrivent dans la volonté de favoriser une meilleure transparence du reporting des sociétés, en améliorant la lisibilité et la comparabilité de ces informations par les parties prenantes. Ces réformes œuvrent en faveur d’une modernisation du traitement de ces informations et de leur communication. Elles permettent également de se rapprocher du cadre européen par la prise en compte des seuils prévus par la directive 2013/34/UE, facilitant l’homogénéité des obligations des sociétés dans l’espace communautaire.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées pour les sociétés

Les réformes proposées œuvrent en faveur d’un allègement des contraintes redondantes de reporting touchant toutes les sociétés et d’une facilitation du traitement de leurs données devant être déposées au greffe. L’ensemble des mesures proposées permettront de diminuer les coûts des entreprises sans porter atteinte aux obligations de publication imposées par la loi, ni altérer la qualité des informations communiquées.

La rationalisation du rapport du président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance sur les risques permettra l’allègement global des documents exigés annuellement des entreprises et supprimera certains doublons figurant actuellement dans ces publications.

Pour les sociétés cotées, soumises à des obligations de transparence et de publication d’informations beaucoup plus strictes, ces propositions permettraient de rationaliser la divulgation d’informations dans le cadre d’un document qu’elles éditent en pratique déjà, et qui leur permettrait de ne pas préparer deux publications distinctes contenant les mêmes données, ce qui est facteur d’économie pour ces entreprises.

Le développement du reporting automatisé sera générateur à terme d’économies significatives pour les entreprises, qui ne devront plus constituer de documents spécifiques en vue de la transmission des informations prévues par la loi.

Les petites et microentreprises enfin bénéficieraient d’un cadre de reporting simplifié qui faciliterait significativement leur travail de publication annuel, cadre plus adapté à leur activité et à leurs moyens.

4. Consultations envisagées

Les entreprises concernées pourraient être consultées.

Article 46 : Habilitation pour la simplification de la prise de décision dans les entreprises et de la participation des actionnaires

1. Difficulté à résoudre

Aujourd’hui, les actionnaires peuvent, si les statuts le permettent, participer aux débats et voter en séance à distance en utilisant des moyens de visioconférence ou de télétransmission. Ces actionnaires seront réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité (art L.225-107, II du code de commerce). Il n’est en revanche pas expressément prévu qu’une assemblée puisse se tenir de manière exclusivement dématérialisée.

En ce qui concerne les opérations soumises à autorisation dans les sociétés anonymes dualistes, l’article L.225-68 al. 2 du code de commerce demande l'autorisation du conseil de surveillance pour les cessions d'immeubles par nature, c'est-à-dire les terrains et tout ce qui y est incorporé, notamment les bâtiments, les cessions de participations, et les constitutions de sûretés, sous quelque forme que ce soit (hypothèque, gage, nantissement, etc.), qui sont accordées en vue de garantir les engagements pris par la société elle-même.

Concernant le déplacement du siège social et la mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives et réglementaires d’une société anonyme, l’article L.225-36 du code de commerce limite aujourd’hui la procédure de décision simplifiée du conseil d’administration au même département ou dans un département limitrophe, contrairement à la règle s’appliquant aux sociétés à responsabilité limitée (SARL).

En ce qui concerne le régime actuel des conventions réglementées dans les sociétés anonymes (SA), selon les articles L.225-40 et L.225-88 du code de commerce, ces conventions doivent faire l'objet d'une autorisation préalable par le conseil d'administration ou de surveillance à la demande de l'intéressé, avant d'être soumises à l'assemblée générale pour approbation. Or, il peut arriver qu’une convention autorisée ne soit jamais conclue : dans cette hypothèse, la procédure ne présente aucun intérêt pour les actionnaires et a pour conséquence de noyer l’information pertinente au milieu d’informations inutiles.

En ce qui concerne le régime de contrôle des conventions réglementées dans les sociétés par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), selon l’article L.227-10 du code de commerce, seules les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et son dirigeant sont exemptées de l’établissement d’un rapport du commissaire aux comptes et sont simplement mentionnées au registre des décisions. Cette disposition n’a pas été adaptée aux dernières réformes intervenues pour les sociétés par actions simplifiée (SAS).

À ce jour, le régime juridique des SARL n’autorise pas l’inscription par un ou des associés de points à l'ordre du jour de l'assemblée, contrairement au régime prévu dans les SA.

Enfin, dans les SAS, s’applique aujourd’hui la règle de l’accord unanime des associés en cas d’adoption ou de modification d’une clause soumettant toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société (article L.227-19 du code de commerce). Les dispositions relatives à la SAS prévoient en effet que les clauses statutaires soumettant toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société ne peuvent être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des associés.

2. Description des objectifs poursuivis

Afin d’encourager le recours aux procédures dématérialisées dans la vie des entreprises, il serait proposé de faciliter la tenue d’assemblées générales dématérialisées dans les sociétés non cotées et de moderniser les procédures de vote, tout en reconnaissant la possibilité aux actionnaires de demander la convocation d’une assemblée physique dans certains cas.

Il serait proposé d’aligner les hypothèses d’autorisation préalable du conseil de surveillance sur celles qui sont prévues dans les sociétés anonymes à conseil d’administration en cas de cession d'immeubles, de participations ou de constitution de sûretés. L’article L.225-68 du code de commerce impose en effet aujourd’hui une autorisation du conseil de surveillance pour les cessions d’immeubles par nature, de participation ou de constitution de sûretés, alors que cette exigence n’est pas requise dans les sociétés anonymes à conseil d’administration. La proposition viserait à mettre en cohérence les deux régimes, tout en laissant la possibilité aux actionnaires de maintenir cette procédure d’autorisation dans les statuts.

Il pourrait être proposé de faciliter le déplacement en France du siège social des sociétés anonymes et la mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives et réglementaires. Dans ce dispositif, les dirigeants pourraient adopter ces décisions sous réserve de ratification par les actionnaires, de la même manière que dans le dispositif actuel, mais pourront déplacer le siège sur tout le territoire national. Le défaut de ratification entraînerait la caducité des décisions. Les entreprises conserveraient la faculté de prévoir un autre dispositif d’adoption dans leur statut. Cette faculté existe déjà pour les SARL, la procédure simplifiée de déplacement du siège social sur tout le territoire ayant été ouverte par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (art. L.223-18 du code de commerce). Un souci de cohérence entre les régimes plaiderait en faveur d’une harmonisation.

Il serait proposé de clarifier le régime des conventions réglementées dans les SA. Selon les articles L.225-40 et L.225-88 du code de commerce, ces conventions doivent faire l'objet d'une autorisation préalable par le conseil d'administration ou de surveillance à la demande de l'intéressé, avant d'être soumises à l'assemblée générale pour approbation. Ces dispositions concerneraient également les conventions qui auraient été autorisées mais n’auraient jamais été conclues.

Il pourrait être proposé de simplifier le régime des conventions réglementées dans le cas spécifique des SASU. La loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques a en effet étendu le champ d’application du régime des conventions réglementées des sociétés par actions simplifiées (art. L. 227-10), mais n’a pas modifié le régime dérogatoire propre à la SASU (art. L.227-10). Ainsi, pour les SASU, la lecture de la lettre de l’article actuel conduit à réserver aux seules conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et son dirigeant l’exemption de l’établissement d’un rapport du commissaire aux comptes et leur seule inscription au registre des décisions, tandis que les conventions intervenues entre l’associé unique, ou une société le contrôlant, et la société demeurent soumises à l’établissement d’un rapport du commissaire aux comptes en application du droit commun. La disposition envisagée viserait à confirmer que cette dernière formalité n’a pas lieu d’être.

Pour introduire de nouveaux droits aux associés, y compris minoritaires, il serait proposé dans les SARL de permettre aux associés détenant au moins 5 % du capital de déposer des projets de résolution ou des points à l'ordre du jour de l'assemblée. Le régime juridique des SARL ne permet pas l'inscription par un ou des associés de points à l'ordre du jour de l'assemblée, contrairement au régime prévu dans les SA. Ce point a pu être considéré comme pénalisant pour l’attractivité du territoire français pour les investisseurs et a notamment été souligné par le rapport Ease of Doing Business 2016 de la Banque mondiale.

Il pourrait enfin être proposé de supprimer la règle de l’accord unanime des associés de SAS en cas d’adoption ou de modification d’une clause soumettant toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société. Les dispositions relatives à la SAS (article L.227-19 du code de commerce) prévoient que les clauses statutaires soumettant toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société ne peuvent être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des associés. Il est proposé de supprimer la règle de l’accord unanime des associés et de renvoyer aux statuts le soin de prévoir les conditions dans lesquelles la clause d’agrément sera adoptée ou modifiée, afin de préserver la liberté statutaire de la SAS.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées pour les sociétés

La proposition d’autorisation, pour les sociétés dont les actions ne sont pas à admises à la négociation sur un marché réglementé, de prévoir la tenue des assemblées générales par recours exclusif aux moyens de visioconférence ou de télécommunication, représenterait une mesure d’encouragement des sociétés à dématérialiser leurs assemblées. Cette mesure serait susceptible de générer des économies de fonctionnement et de faciliter la convocation des assemblées générales. Aujourd’hui, cette faculté est offerte pour toutes les assemblées d’actionnaires (ordinaires, extraordinaires, ou spéciales), sauf texte l’interdisant expressément et pour les assemblées d’obligataires.

En outre, cette faculté demeurerait suffisamment encadrée par le cadre législatif actuel, qui ne serait pas modifié : elle ne pourrait être en effet mise en œuvre que si les statuts la prévoient, ce qui nécessiterait la réunion préalable d’une assemblée générale extraordinaire. De plus, seuls pourraient être utilisés des moyens de visioconférence ou de télécommunication qui transmettent au moins la voix des participants, et satisferaient à des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des délibérations. Les sociétés dont les statuts prévoient cette modalité de participation devraient aménager un site internet exclusivement consacré à ces fins (art. R .225-61) et auquel les actionnaires ne pourront accéder qu’après s’être identifié au moyen d’un code fourni préalablement à la séance (art. R.225-98). La proposition préserverait la faculté pour les actionnaires de demander, dans certaines conditions, la convocation d'une assemblée générale physique. Cette mesure ne génèrerait pas de coûts nouveaux pour les entreprises ou pour les administrations.

La proposition de suppression de l'exigence d'une autorisation préalable du conseil de surveillance en cas de cession d'immeubles ou de participations, ou en cas de constitution de sûretés représenterait une mesure d’harmonisation entre le régime des SA dualistes et monistes, et devrait avoir pour impact principal de rééquilibrer les modalités de choix entre ces deux structures. En effet, cette limitation des pouvoirs du directoire, qui n’a pas son équivalent dans les SA avec conseil d’administration, contribue à alimenter la désaffection constatée à l’égard des sociétés à directoire et conseil de surveillance. En outre, ces sociétés ne sont pas tenues d’obtenir une telle autorisation lorsqu’elles procèdent à une acquisition. La modification proposée laisserait la possibilité aux SA à directoire et conseil de surveillance de décider librement, via leurs statuts, des hypothèses dans lesquelles une autorisation du conseil serait requise.

Cette mesure ne génèrerait pas de coûts nouveaux pour les entreprises ou pour les administrations.

La proposition de faciliter le déplacement en France du siège social et la mise en conformité des statuts avec les dispositions législatives et réglementaires pour les sociétés anonymes faciliterait la réorganisation des entreprises, sans générer de coûts nouveaux pour elles. Les encadrements de ce dispositif seraient suffisants pour limiter les risques des actionnaires : le ou les dirigeants seraient autorisés à prendre cette décision, dans un premier temps, sous réserve de ratification par les associés. La loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014, qui a opéré un renvoi à l’article L.223-29, a permis cette ratification à la majorité des parts sociales. Ces dispositions ne sont pas d'ordre public, et les statuts pourraient donc valablement stipuler une clause prévoyant le contraire. Le défaut de ratification entraînerait la caducité des décisions.

La clarification du régime des conventions réglementées dans les sociétés anonymes, en précisant que ne sont soumises à l'assemblée générale que les conventions autorisées et conclues, et en excluant ainsi de la procédure d’approbation les conventions qui n'auraient jamais été conclues, quelle qu'en soit la cause, permettrait de rendre ce régime cohérent avec l'article R.225-30 du code de commerce, qui édicte que le président du conseil d'administration doit aviser les commissaires aux comptes dans le délai d'un mois à compter de la conclusion de ces conventions ou engagement. Cette mesure ne génèrerait pas de coûts nouveaux pour les entreprises ou pour les administrations.

La proposition s’attachant au régime dérogatoire propre à la SASU (art. L.227-10, al. 4) en matière de conventions réglementées viserait un objectif de clarification qui faciliterait l’application du droit existant pour les entreprises, sans générer de coûts nouveaux pour elles. Cette mesure contribuerait à la clarté, à la sécurité et à la cohérence du droit applicable en alignant le régime applicable aux SAS de celui applicable aux SASU.

La proposition d’introduction, dans les sociétés à responsabilité limitée, de la possibilité pour les associés détenant au moins 5 % du capital de déposer des projets de résolution ou des points à l'ordre du jour de l'assemblée permettrait d’accroître la participation des minoritaires dans la gouvernance des SARL. Le dispositif actuel applicable aux SARL ne permet pas aux associés, sauf clause contraire des statuts, d’exiger l’inscription de projets de résolution à l’ordre du jour des assemblées. À défaut d’entente avec les gérants, ceux-ci doivent solliciter du président du tribunal de commerce la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée et de fixer son ordre du jour. En rapprochant l’organisation statutaire des SARL de celle des SA, cette mesure concourrait à la lisibilité et la cohérence du droit commercial. Cette mesure ne génèrerait pas de coûts nouveaux pour les entreprises ou pour les administrations.

Afin d’éviter l’utilisation abusive de cette clause, il pourrait être envisagé d’aligner la procédure de dépôt des projets de résolution sur celle utilisée dans les SA, par des dispositions appropriées de niveau réglementaire (délai minimal et formalisme du dépôt de résolutions, motivation de la demande, etc.).

Enfin, la proposition de suppression de la règle de l’accord unanime des associés de sociétés par actions simplifiées (SAS) en cas d’adoption ou de modification d’une clause soumettant toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société constituerait une simplification facilitant les opérations des organes sociaux de l’entreprise. La SAS a en effet vu son utilisation largement évoluer depuis sa création. L’intuitu personae qui inspirait certains aspects de son régime n’est plus aussi présent dans les nouveaux rôles qu’a été amenée à jouer cette forme sociale très adaptable. La disposition envisagée renforcerait donc la cohérence du cadre juridique des SAS. Elle ne génèrerait pas de coûts nouveaux pour les entreprises ou pour les administrations.

4. Consultations envisagées

Les représentants des entreprises pourraient été associés, notamment l’Association française des entreprises privées (AFEP), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l’Association nationale des sociétés par actions (ANSA). Certaines des dispositions sont issues du rapport de modernisation et de simplification du droit des sociétés présenté en octobre 2015 par l’AFEP, le MEDEF et l’ANSA.

Article 47 : Habilitation pour la simplification des opérations concourant à la croissance de l’entreprise

1. Difficulté à résoudre

En ce qui concerne le régime des apports en nature lors d’augmentation de capital des sociétés à responsabilité limitée (SARL), le droit actuel n’est pas aligné avec celui prévu lors de la constitution de la SARL. Dans ce dernier, les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire pour les apports en nature, jusqu’à une certaine valeur de ces apports (article L.223-9 du code de commerce).

Quant à la possibilité de désigner le commissaire aux comptes de la société comme commissaire à la transformation en cas de transformation d’une société sans commissaire aux comptes en société par actions, la rédaction actuelle de l’article L.224-3 du code commerce peut être soumise à interprétation.

Il existe aujourd’hui la possibilité pour les souscripteurs au capital d’une SARL, de demander le retrait des fonds provenant de la libération des actions à l’hypothèse où la société n’est pas immatriculée dans un délai de six mois à compter du dépôt de fonds (art. L.223-8 du code de commerce). Cette possibilité n’existe pas pour les sociétés anonymes (SA).

La rédaction actuelle de l’article L.225-124 du code de commerce relative au bénéfice des droits de vote double en cas de fusion peut prêter à confusion, notamment dans le cas d’une société actionnaire, disposant d’un droit de vote double dans une autre société, venant à être absorbée par une société tierce.

Le dispositif actuel de solidarité de la location gérance prévoit que les créanciers du locataire-gérant bénéficient d’une garantie légale pendant un délai de six mois à compter de la publication du contrat de location-gérance (articles L.144-7 et L.144-8 du code de commerce).

2. Description des objectifs poursuivis

L’objectif serait de faciliter et de clarifier certaines des opérations de croissance des entreprises.

Il pourrait d’abord être proposé de permettre aux associés d’une SARL de déroger au principe de la désignation d’un commissaire aux apports dans l’hypothèse d’une augmentation de capital par apports en nature. Lors de la constitution de la SARL, les futurs associés pourraient décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne serait pas obligatoire pour les apports en nature, jusqu’à une certaine valeur de ces apports (article L 223-9 du code de commerce). Cette dérogation ne serait pas autorisée dans le cadre d’une augmentation de capital (article L.233-33 du code de commerce). Afin de permettre aux SARL de réaliser plus facilement des augmentations de capital par apport en nature, il pourrait être proposé de leur étendre cette dérogation. Cette proposition ne ferait qu’aligner le régime de l’apport en nature en cours de vie sociale dans les SARL avec celui de l’apport en nature lors de sa constitution.

Il s’agirait ensuite de clarifier, afin de lui donner son plein effet, la disposition prévoyant la possibilité de désigner le commissaire aux comptes de la société comme commissaire à la transformation en cas de transformation d’une société sans commissaire aux comptes en société par actions. Le régime d’incompatibilité applicable au commissaire à la transformation mentionné à l’article L.224-3 du code de commerce s’oppose dans les faits à cette faculté. Afin de permettre la nomination du commissaire aux comptes de la société comme commissaire à la transformation, il ne serait plus fait référence au régime d’incompatibilités mais aux principes fondamentaux de comportement du code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.

Il serait également proposé d’étendre la possibilité pour les souscripteurs au capital d’une SA de demander le retrait des fonds provenant de la libération des actions à l’hypothèse où la société n’est pas immatriculée dans un délai de six mois à compter du dépôt de fonds. Dans ce cas, un mandataire désigné par l’ensemble des apporteurs pourrait demander le retrait de fonds au dépositaire, sans qu’une autorisation judiciaire soit nécessaire. L’introduction de cette possibilité a déjà été retenue par l’ordonnance 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles en ce qui concerne les SARL (art. L.223-8 du code de commerce), un souci de cohérence du droit des sociétés plaiderait ainsi en faveur de son extension pour les SA.

Il serait proposé de clarifier les dispositions de l’article L.225-124 du code de commerce permettant à une société absorbante de conserver le bénéfice des droits de vote doubles détenus par une société absorbée ou lors de la scission d’une société fille, par dérogation au principe général prévu au même article selon lequel toute action convertie au porteur ou transférée en propriété perd le droit de vote double attribué. La rédaction actuelle de l’article L.225-124 du code de commerce peut en effet prêter à confusion, notamment dans le cas d’une société actionnaire, disposant d’un droit de vote double dans une autre société, venant à être absorbée par une société tierce. Il pourrait donc être prévu que les droits de vote double seraient maintenus en cas d’absorption de la société titulaire de ces droits.

Enfin, il pourrait être proposé de supprimer la solidarité du loueur à l’égard des créanciers du locataire-gérant afin de favoriser la transmission du fonds de commerce. Les créanciers du locataire-gérant bénéficient actuellement d’une garantie légale pendant un délai de six mois à compter de la publication du contrat de location-gérance : le loueur du fonds de commerce est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par le locataire-gérant à l’occasion de l’exploitation du fonds. La responsabilité solidaire du loueur ne se justifie pas, le locataire-gérant exploitant le fonds à ses risques et périls (L.144-1 du code de commerce), et les créanciers du locataire-gérant bénéficient du recours en responsabilité civile de droit commun contre le loueur si les conditions sont réunies. Ces règles sont dissuasives pour l’exploitant souhaitant mettre son fonds en location-gérance, notamment dans la perspective d’une transmission de l’entreprise.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées pour les sociétés

Les dispositions envisagées par l’article permettraient aux entreprises de réaliser plus facilement plusieurs opérations concourant à leur croissance.

Les associés des SARL pourraient ainsi prévoir des modalités facilitées d’augmentation de capital par apport en nature. Ces apports en nature feraient partie des modalités d’apport autorisées dans les SARL et présenteraient l’avantage de pouvoir correspondre aux besoins de l’activité de l’entreprise.

La dérogation envisagée prévoyant de ne pas rendre obligatoire l’évaluation de l’apport par un commissaire aux apports diminuerait les coûts associés à ces opérations pour les entreprises et en faciliterait ainsi les propositions.

Cette mesure ne porterait pas atteinte de manière disproportionnée à la sincérité des comptes et de l’évaluation des apports, vis-à-vis desquels la responsabilité de l’entreprise demeure. En effet, si les associés retiennent actuellement une évaluation supérieure de l’apport à celle du commissaire aux apports, ils sont solidairement responsables pendant cinq ans de cette valeur à l’égard des tiers (art. L.223-9 al.4). Les sanctions pénales prévues pour ceux qui auraient, frauduleusement, fait attribuer à un apport en nature une valeur supérieure à sa valeur réelle (cinq ans d’emprisonnement et 375.000 € d’amende selon l’article L.241-3) demeureraient les mêmes que celles prévues actuellement lors de la constitution de la société.

En outre, la dérogation proposée serait strictement encadrée et ne serait applicable que si l’apport en nature a une valeur inférieure à 30.000 € et si, en outre, la valeur totale de l’ensemble des apports en nature n’excède pas la moitié du capital social.

Enfin, la dérogation ne pourrait être prise qu’à l’unanimité des futurs associés, ce qui constituerait une sécurité suffisante au regard de la responsabilité solidaire à laquelle ils vont être tenus.

En ce qui concerne la transformation d’une société en société par action, la possibilité de nommer son commissaire aux comptes en tant que commissaire à la transformation serait clarifiée. Cette mesure constituerait une simplification réduisant les coûts s’imposant aux entreprises, sans réduire la qualité de l’audit externe qui est exercé à l’occasion de ces opérations.

Dans le cadre d’une souscription au capital d’une SA, la mesure envisagée permettant aux souscripteurs de demander le retrait des fonds si la société n’est pas immatriculée dans un délai de six mois sans passer par une autorisation judiciaire ne serait qu’une mesure de facilitation de cette procédure. Elle permettrait de faciliter cette demande et de simplifier la récupération par les souscripteurs du capital apporté, tout en contribuant au désengorgement des tribunaux. Cette mesure facilite ainsi l’entrepreneuriat, sans imposer de coûts supplémentaires pour les entreprises puisque dans le cas d’espèce, la société n’a pas été immatriculée. Un impact positif sera également celui de la cohérence du droit des sociétés, qui a déjà été retenue cette possibilité en ce qui concerne les SARL (art. L.223-8).

La clarification des dispositions permettant à une société absorbante de conserver le bénéfice des droits de vote doubles détenus par une société absorbée ou lors de la scission d’une société fille, permettrait de clarifier le régime existant. La rédaction actuelle de l’article L. 225-124 du code de commerce peut en effet prêter à confusion, notamment dans le cas d’une société actionnaire, disposant d’un droit de vote double dans une autre société, venant à être absorbée par une société tierce. Cette clarification apporterait une sécurité juridique accrue aux opérations de scission-absorption et facilitera ainsi l’exercice des droits de vote double.

Enfin, la disposition visant à supprimer la solidarité du loueur à l’égard des créanciers du locataire-gérant afin de favoriser la transmission du fonds de commerce aurait un impact favorable sur la reprise et la transmission d’entreprise, sans menacer les droits du créancier. En protégeant le locataire du fonds de commerce vis-à-vis d’éventuelles difficultés financières du locataire gérant, cette mesure faciliterait la transmission du fonds de commerce. Les créanciers du locataire-gérant pourraient prévoir le maintien de cette solidarité par voie contractuelle ou se munir de toute autre garantie qui pourrait être plus appropriée au cas d’espèce. En outre, cette mesure n’aurait pas d’effet rétroactif et ne s’appliquerait qu’aux contrats conclus postérieurement à l’entrée en vigueur des mesures, ce qui ne produirait pas d’effet déstabilisant sur les créanciers bénéficiant de la mesure.

4. Consultations menées

Les représentants des entreprises pourraient également été associés, notamment l’Association française des entreprises privées (AFEP), le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l’Association nationale des sociétés par actions (ANSA). Certaines des dispositions sont issues du rapport de modernisation et de simplification du droit des sociétés présenté en octobre 2015 par l’AFEP, le MEDEF et l’ANSA.

Article 48 : Encadrement de la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif

1. État des lieux

En application de l’article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une société fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de l’insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux ayant contribué à la faute de gestion.

L'article L. 651-2 du code de commerce prévoit que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'est applicable qu'en cas de liquidation judiciaire ("lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif […]"), conformément à la lettre de sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008. À cet égard, l'article R. 651-1 du code de commerce dispose que le "tribunal compétent pour statuer dans le cas prévu à l'article L. 651-2 est celui qui a ouvert ou prononcé la liquidation judiciaire de la personne morale".

Peuvent être poursuivis, qu'ils soient une personne physique ou morale :

- les gérants ;

- les présidents de conseil d'administration ;

- les administrateurs (bien qu’ils n’assument pas la direction générale de la société) ;

- les membres du directoire ;

- les liquidateurs amiables.

Peuvent aussi faire l'objet d'une sanction les personnes physiques représentants permanents des dirigeants personnes morales (C. com. art. L.651-1). Le fait que le dirigeant n'ait perçu aucune rémunération au titre de ses fonctions n'est pas de nature à lui permettre d'échapper à une condamnation à combler le passif social113.

Les dirigeants de fait peuvent aussi faire l’objet d’une sanction. Selon une jurisprudence constante, est dirigeant de fait toute personne qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance.

Les fautes de gestion retenues à l’encontre des dirigeants sont variables, allant de la simple négligence ou imprudence, à l’erreur d’appréciation ou aux manœuvres frauduleuses caractérisées.

Le législateur n’ayant pas défini la nature de la faute de gestion ni posé de principes généraux concernant le soin et la compétence que les dirigeants doivent apporter à la gestion sociale, ce sont les tribunaux qui, au cas par cas, ont défini les caractéristiques de la faute de gestion susceptible d’être sanctionnée par une contribution à l’insuffisance d’actif de la société. La notion de faute de gestion est donc extensive et soumise à l’appréciation souveraine du juge.

La négligence du dirigeant peut ainsi être retenue comme faute de gestion :

- pour un dirigeant s’agissant de son choix de collaborateurs incompétents (Cass. com. 24 octobre 1995 n° 1859 D : en l’espèce, le président du conseil d’administration qui résidait à Paris et dirigeait deux autres sociétés, ne se rendait au siège de la société que deux fois par mois et avait laissé à un collaborateur incompétent, qui avait été engagé malgré l'avis défavorable d'un cabinet de recrutement, le soin d'orienter la stratégie commerciale et technique de l'entreprise et de prendre des décisions contraires à l'intérêt de celle-ci ; il a laissé poursuivre une exploitation déficitaire tenant, notamment, à la vente de marchandises en-dessous du prix de revient) ;

- pour un cogérant par le fait d’avoir fait preuve de négligence dans la gestion et d’excès de confiance dans les autres responsables de la société (Cass. com. 8 octobre 2003 n° 1405 F-D : l'intéressé s'est désintéressé de la gestion administrative de la clinique malgré ses fonctions de gérant, il s'en est remis sans aucun contrôle à son cogérant, lui signant même des chèques en blanc qui ont permis à ce dernier de contourner la règle de la double signature et il a toléré une rémunération excessive du cogérant malgré la diminution très nette du chiffre d'affaires) ;

- pour un administrateur concernant sa négligence dans la surveillance de la comptabilité (Cass. Com. 8 janvier 2002 n° 52-FS, en l’espèce la faute de gestion est caractérisée par le manquement des administrateurs aux devoirs qui leur incombent : acquisition d'actifs sans utilité pour l'entreprise, retard à tirer les conséquences des difficultés rencontrées, lesquelles ont contribué à l'insuffisance d'actif).

La possibilité de condamner un dirigeant d’entreprise à combler l’insuffisance d’actif en cas de simple négligence apparaît disproportionnée. Un entrepreneur dont l’activité est utile à l’intérêt général (création de richesse, création d’emplois, etc.) qui prend un risque conséquent, pour son patrimoine notamment, se voit refuser tout droit à l’erreur en cas d’échec économique. Cette sévérité fait peser un risque excessif sur les entrepreneurs et n’incite pas à entreprendre.

De plus, elle est susceptible d’entraver la capacité de rebond du dirigeant jugé précédemment fautif. D’une part, la dette générée par la condamnation à contribuer à l’insuffisance d’actif empêchera le dirigeant de redémarrer une nouvelle activité sur des bases saines.

D’autre part, l’inexécution par un dirigeant insolvable de la condamnation à contribuer à l’insuffisance d’actif peut entraîner la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer du dirigeant. Ces sanctions sont applicables même si le dirigeant s’est acquitté partiellement de sa dette et si l’inexécution de la sanction n’est pas volontaire de sa part lorsqu’il est insolvable.

2. Objectifs poursuivis

Afin de favoriser l’esprit d’entreprise et le rebond du débiteur, la mesure proposée permet de mieux encadrer la faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, en excluant du champ d’application de l’article L. 651-2 le cas de négligence du dirigeant dans la gestion de la société.

Pour le surplus (imprudence, actes contraires à l’intérêt de la société, faute lourde, manœuvres frauduleuses), la faute de gestion au sens de ce texte demeurerait définie suivant le cadre élaboré par la jurisprudence.

L’encadrement de la faute de gestion fait partie des mesures « Tout Pour l’Emploi » (mesure n° 14) qui ont été présentées par le Premier ministre le 9 juin 2015.

3. Analyse des impacts

La mesure permettra de favoriser le développement de l’entreprenariat et de faciliter le rebond du dirigeant d'une société mise en liquidation judiciaire en évitant des condamnations patrimoniales pour simple négligence dans la gestion d’une société.

La mesure n’aura pas pour objet de déresponsabiliser le dirigeant de l’entreprise au détriment des créanciers et de la vie des affaires. Même si le nombre de condamnations devrait diminuer, l’action en contribution de l’insuffisance d’actif sera maintenue et permettra ainsi de poursuivre la condamnation d’un dirigeant en dehors du cas de simple négligence dans la gestion de la société.

4. Modalités de mise en œuvre des dispositions envisagées

4.1. Application dans le temps

Les dispositions entreront en vigueur le lendemain de la promulgation de la loi. En l’absence de disposition spécifique, le principe de non-rétroactivité de la loi inscrit à l’article 2 du code civil trouvera à s’appliquer : c’est donc la version de l’article L.651-2 du code de commerce en vigueur au moment de la commission de la faute de gestion, fait générateur du dommage, qui s’appliquera.

4.2. Application dans l’espace

L’État est compétent dans l’ensemble des collectivités ultra-marines en matière commerciale, à l’exception de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

Dans les collectivités régies par le principe de l’identité législative (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon), les dispositions du code de commerce sont applicables sans mention expresse sous réserve, le cas échéant, d’adaptations. Aucune mention spécifique n’est donc nécessaire.

Dans les collectivités régies par le principe de spécialité législative, le droit commercial relève de la compétence des collectivités en application des lois statutaires, sauf pour Wallis-et-Futuna :

- pour la Nouvelle-Calédonie : en application du 4° de l’article 21–III et de l’article 26 de la LO n° 99-209, l’État était compétent en matière de « (…) droit commercial (…) » jusqu'à son transfert intervenu au 1er juillet 2013 ;

- pour la Polynésie française : en application de l’article 13 de la LO n° 2004-192, la collectivité est compétente « (…) dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État par l’article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements (…) ». L’item droit commercial n’étant pas précisé au sein des dispositions de l’article 14, il s’en infère la compétence de la Polynésie française dans cette matière.

Pour les îles Wallis et Futuna, le droit commercial n’est pas identifié comme relevant de la compétence de la collectivité par l’article 40 du décret n° 57-811 du 22 juillet 1957. De plus, les dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce sont applicables à Wallis-et-Futuna en application de l’article 172 de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté. Une extension est donc à prévoir au sein du projet pour rendre applicable le présent article dans les îles Wallis et Futuna.

Enfin, pour les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), le droit commercial est identifié comme étant applicable de plein droit par l’article 1-1 7° de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955. Aucune mention expresse d’application n’est donc requise dans ces matières.

Titre VII : Dispositions de modernisation de la vie Économique et financiÈre

Article 49 : Habilitation pour la transposition de la directive relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence

1. Difficultés à résoudre

1.1. Objet de la directive

La directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne a pour finalité de favoriser l’introduction d’actions en dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles (définies par les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) et, en droit français, par les articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce).

Cette directive poursuit plus particulièrement deux objectifs :

- garantir la mise en œuvre effective des articles 101 et 102 du traité, sanctionnés par la Commission et les autorités nationales de concurrence en application du règlement n°1/2003, car les actions en dommages et intérêts contribuent substantiellement au maintien d’une concurrence effective dans l’Union ;

- renforcer la sécurité juridique en réduisant les différences entre les législations des États membres en matière d’actions en dommages et intérêts.

Elle instaure un certain équilibre entre le droit des victimes d’obtenir réparation intégrale de leur préjudice et l’efficacité des procédures devant les autorités nationales de concurrence, tout particulièrement les programmes de clémence.

La directive prévoit ainsi différentes mesures relatives à :

- l’obtention et la production des preuves aux fins de l’action en responsabilité civile, y compris lorsqu’il s’agit de preuves figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence ;

- à l’effet des décisions nationales d’une autorité nationale de concurrence ;

- aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts ;

- u régime de la responsabilité solidaire entre les entreprises ayant enfreint le droit de la concurrence ;

- à la répercussion du surcoût ;

- à la quantification du préjudice ;

- et à la prise en compte des procédures alternatives de règlement des différends, telle que les transactions.

1.2. Genèse de la directive

Dans un arrêt Courage contre Crehan du 20 septembre 2001114, la Cour de justice de l’Union européenne a affirmé le droit des victimes d’obtenir une juste et effective réparation du dommage causé par une infraction prévue par les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Cour de justice a jugé que « la pleine efficacité de l’article 85 du traité [désormais l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union] et, en particulier, l’effet utile de l’interdiction énoncée à son paragraphe 1er seraient mis en cause si toute personne ne pouvait demander réparation du dommage que lui aurait causé un contrat ou un comportement susceptible de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ». La Cour a précisé cependant qu’en l’absence d’harmonisation européenne en la matière, il appartenait à chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit européen, sous réserve cependant des principes d’équivalence et d’effectivité. La Cour de justice a affirmé de nouveau ces principes dans un arrêt Manfredi du 13 juillet 2006115.

Les livres vert du 19 décembre 2005116 et blanc du 2 avril 2008117 ont mis en lumière que les actions privées, dépendantes des droits nationaux, demeuraient peu fréquentes en Europe, notamment en raison d’importantes difficultés probatoires.

Un projet de directive a été publié le 21 juin 2013 par la Commission européenne.

Les négociations ont permis d’aboutir à un accord politique au Conseil Compétitivité des 2 et 3 décembre 2013.

Le 17 avril 2014, le Parlement européen a donné un avis sur le texte en première lecture en adoptant des amendements.

Le 10 novembre 2014, le Conseil a adopté la position du Parlement en première lecture.

Le président du Parlement et le président du Conseil ont signé le texte de la directive le 26 novembre 2014.

La directive a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 5 décembre 2014.

Les mesures législatives et réglementaires nécessaires à la transposition de la directive devront être prises avant le 27 décembre 2016.

1.3. Contenu de la directive

Après la définition de son objet et de champ d’application (article 1) et l’adoption de définitions des notions utiles (article 2), l’article 3 de la directive 2014/104/UE pose un principe de réparation intégrale des préjudices résultant d’infractions au droit de la concurrence, tandis que l’article 4 rappelle les principes d’effectivité et d’équivalence devant guider l’adoption et l’interprétation des règles permettant l’exercice du droit européen.

Les articles 5 à 8 sont relatifs à la production des preuves dans le procès en responsabilité ; sont notamment prévues, à l’article 6, les modalités de communication aux parties des pièces détenues par une autorité de concurrence.

L’article 9 allège la charge probatoire du demandeur en prévoyant un effet liant des décisions définitives d’une autorité nationale de la concurrence (ou des juridictions de recours) lorsqu’elle constate une infraction au droit de la concurrence, une distinction étant cependant faite selon que la décision a été rendue par une autorité ou une juridiction nationale (une présomption irréfragable est posée), ou par une autorité ou une juridiction d’un autre État membre (une présomption simple est posée).

L’article 10 a pour objet d’uniformiser la durée de la prescription de l’action en responsabilité (cinq ans) ainsi que le point de départ de ce délai ; il prévoit également que les actes d’une autorité de la concurrence visant à l’instruction ou à la poursuite d’une infraction ont un effet suspensif ou interruptif, un choix étant laissé sur ce point aux États membres.

L’article 11 pose un principe général de responsabilité solidaire des entreprises ayant enfreint le droit de la concurrence par un comportement conjoint. Deux dérogations sont cependant prévues : d’une part, en faveur des petites et moyennes entreprises au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, et, d’autre part, en faveur des entreprises qui ont bénéficié d’une immunité d’amende dans le cadre d’une procédure de clémence.

Les articles 12 à 16 sont relatifs à la preuve du préjudice subi par les acheteurs directs ou indirects de l’auteur d’une pratique anticoncurrentielle en raison d’une répercussion du surcoût. Ainsi, une présomption de préjudice est posée au bénéfice de l’acheteur indirect ; il est également prévu que la charge de la preuve d’une répercussion du surcoût par le demandeur à l’action repose sur le défendeur. Il est enfin demandé aux États membres d’éviter toute réparation excessive, ou toute absence de réparation d’un préjudice, lorsqu’un surcoût a été répercuté à différents niveaux d’une chaîne économique de distribution.

Une présomption de préjudice est posée au 2ème paragraphe de l’article 17 au bénéfice de toutes les victimes d’une entente. Concernant l’évaluation du dommage, l’article 17 précise que le juge doit procéder à une estimation du montant du préjudice s’il est établi que le demandeur a subi un préjudice, mais qu’il est pratiquement ou excessivement difficile de quantifier avec précision sur la base des éléments de preuve disponibles. Il est en outre prévu qu’une autorité nationale de concurrence doit pouvoir apporter une aide concernant la quantification du préjudice à la demande d’une juridiction.

Enfin, les articles 18 et 19 traitent des effets d’un règlement consensuel du litige sur la prescription, sur le déroulement d’une instance, et sur les actions ultérieures des victimes ou des auteurs d’infraction non parties à une transaction.

Les mesures législatives et réglementaires nécessaires à la transposition de la directive susvisée devront être prises avant le 27 décembre 2016.

2. Nécessité de légiférer et objectifs poursuivis

Les dispositions qui devront être prises en droit interne pour transposer la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relèvent pour partie du niveau législatif. En effet, il s’agit, d’une part, de modifier des dispositions législatives du code de commerce, et, d’autre part, de prévoir des règles substantielles spécifiques, adaptées au droit de la concurrence, en matière de responsabilité civile.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La directive 2014/104/UE nécessite l’adoption en droit national de règles spécifiques relatives à la mise en œuvre d’une action en responsabilité par une victime d’une infraction au droit interne et européen de la concurrence.

4. Consultations envisagées

La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice a institué un groupe de travail rassemblant des universitaires, magistrats, représentants d’avocats et d’association ainsi que l’Autorité de la concurrence et la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes qui s’est réuni à plusieurs reprises depuis l’automne 2015.

Article 50 : Habilitation pour le recentrage du champ de la mission « défaillance » du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)

1. Difficultés à résoudre

La mission défaillance du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) prend en charge l’indemnisation des personnes physiques qui sont couvertes en dehors de leurs activités professionnelles pour des risques faisant l’objet d’une obligation d’assurance et dont l’assureur fait défaillance. Cela concerne essentiellement l’assurance automobile et, pour une faible part, l’assurance construction et la responsabilité civile médicale.

Parmi les entreprises intervenant en libre prestation de service (LPS) ou en libre établissement, seules celles exerçant dans le secteur de l’assurance responsabilité civile automobile bénéficient de la couverture de la mission du FGAO en cas de défaillance et ce en raison de l’existence, dans ce secteur, d’un accord entre les fonds de garantie des États membres de l’Union européenne. Pour autant, les modalités d’intervention du fonds de garantie en cas défaillance d'une entreprise d'assurance responsabilité civile automobile opérant en libre établissement ou en libre prestation de services, telles que prévues l’accord entre les fonds de garantie, ne sont pas rappelées dans le code des assurance

Le code des assurances prévoit, par ailleurs, que la mission défaillance est financée par deux types de contribution des entreprises d’assurance : une contribution mensuelle, qui n’a été appelée qu’une seule fois en 2004, et une contribution extraordinaire appelée lorsque le résultat de la section défaillance devient inférieur à 250 M€ pendant une durée supérieure à six mois consécutifs.

Enfin, la Commission européenne estime que la différence de traitement entre les entreprises d’assurance en LPS ou en libre établissement, qui proposent des produits d’assurance autres que l’assurance responsabilité civile automobile, et les entreprises agréées en France est susceptible de constituer une pratique discriminatoire de nature à contrevenir au droit communautaire. Elle a adressé aux autorités françaises une mise en demeure en juillet 2014, confirmée par un avis motivé en date du 18 juin 2015 faisant état de la violation du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) par la mission défaillance du FGAO.

2. Objectif poursuivi

La limitation du champ de la mission défaillance du FGAO aux seules assurances obligatoires relevant de l’assurance automobile permettrait de mettre fin à une différence de traitement entre les entreprises agréées en France et les entreprises en LPS ou en libre établissement intervenant dans les autres secteurs des assurances obligatoires.

Cette mesure permettrait en outre de recentrer la mission défaillance du FGAO sur les assurances responsabilité civile automobile, cœur de métier du FGAO, en garantissant la bonne indemnisation des victimes d’accidents de la circulation et la protection des assurés en cas de défaillance de l’assureur du responsable.

La mesure envisagée permettrait également d’améliorer la lisibilité sur les modalités d’intervention du fonds de garantie en cas défaillance d'une entreprise d'assurance en libre établissement ou en libre prestation de services

Enfin, la suppression de la contribution mensuelle finançant la mission défaillance, viserait à mettre fin à une situation dans laquelle le fonds de garantie est amené à ne pas appeler une contribution, pourtant prévue par le code des assurances, puisque la section défaillance est suffisamment dotée par les dividendes de liquidation perçues parallèlement par le fonds.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La disposition envisagée aurait pour effet de réduire le champ des assurances obligatoires pour lesquelles le FGAO interviendrait en cas de défaillance de leur société d’assurance.

Au regard de l’activité de la mission défaillance, cet impact resterait relativement faible. Depuis 2004, le FGAO a réglé, au titre de la mission défaillance, un montant de 83,2 M€ dont seulement 4,6 M€ pour les secteurs hors assurance automobile. Ces derniers représentent donc environ 5,5 % des règlements.

Les consommateurs de ces assurances obligatoires hors automobile bénéficieraient ainsi d’une telle mesure qui, en facilitant l’installation de nouveaux entrants sur le marché, stimulerait la concurrence, ce qui aura pour effet probable de faire baisser les prix et améliorer la qualité de service.

Les consommateurs d’assurance automobile verraient le mécanisme de garantie qui intervient en cas de défaillance de l’assurance renforcé par le recentrage de la mission, assurant ainsi la pérennité financière de cette mission.

Enfin, la suppression de la contribution mensuelle au titre du financement de la mission défaillance n’aurait pas d’impact puisqu’elle n’est pas appelée par le Fonds de garantie.

4. Consultations envisagées

Le FGAO et les organismes d’assurance seront consultés pour l’élaboration des mesures.

Article 51 : Modification de la hiérarchie des créanciers en cas de liquidation ordonnée des banques

1. État des lieux

La directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014, dite « BRRD », a été transposée par l’ordonnance n° 2015-1024 du 20 août 2015 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière. Ces dispositions ont introduit un nouveau cadre juridique permettant la résolution ordonnée d’une banque défaillante en tant qu’alternative à sa mise en liquidation.

La directive renvoie explicitement au droit national le soin de définir les règles applicables en matière de liquidation. Le droit de la faillite n’a pas été harmonisé au niveau européen, y compris en matière bancaire. La directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit (transposée aux articles L.613-31-1 à L. 613-31-10 du code monétaire et financier - CMF) prévoit uniquement les conditions d’application des législations nationales en matière de faillite bancaire et le régime de reconnaissance intra-communautaire de ces législations ainsi que des décisions prises les autorités nationales chargées de les appliquer. En France, le droit de la faillite applicable aux établissements de crédit est celui prévu au livre VI du code de commerce, sous réserve des règles prévues par le code monétaire et financier.

La directive BRRD se borne à imposer aux États-membres la création de deux rangs de privilège au profit des déposants par rapport aux créanciers chirographaires. Ces dispositions (article 108 de la directive) ont été transposées à l’article L.613-30-2 du CMF. Cet article crée les deux rangs prévus par la directive, le premier au profit des déposants personnes physiques et petites et moyennes entreprises pour la part de leur dépôt qui excède 100.000 € et est éligible à la garantie d’un système de garantie des dépôts et le second, plus élevé, au profit de l’ensemble des déposants dont les dépôts sont garantis par un tel système (dépôts inférieurs à 100.000 €, dits dépôts couverts)118.

En application des dispositions combinées du code de commerce, du code civil et du CMF, les créanciers chirographaires119 sont désintéressés après les créanciers qui bénéficient d’une sûreté et après les dépôts mentionnés précédemment, et avant les titres de créance subordonnés.

2. Description des objectifs poursuivis

Tirant les enseignements de la crise financière, les chefs d’État et de gouvernement du G20 ont pris la décision de mieux protéger les déposants et de prévenir le recours aux finances publiques en assurant la mise à contribution prioritairement des actionnaires et des créanciers en cas de défaillance ou de risque de défaillance d’une banque.

Le projet de réforme modifie la hiérarchie des créanciers des établissements de crédit afin de faciliter la mise en œuvre du renflouement interne, c’est-à-dire de l’imputation des pertes aux actionnaires et aux créanciers d’un établissement de crédit par l’annulation de leurs titres de capital ou par la conversion de leurs créances en fonds propres. Il modifie les règles applicables en matière de liquidation des établissements de crédit, prévues à l’article L.613-30-3 du CMF, qui trouveront également à s’appliquer en cas de mise en résolution, afin de permettre d’identifier facilement les titres de dette disponibles pour l’absorption des pertes sans doute possible, selon les modalités suivantes :

- une préférence serait octroyée à l’ensemble des créanciers qui relèvent actuellement de la classe dite « chirographaire », y compris les propriétaires de titres de dette obligataire émis avant l’entrée en vigueur de la loi. Les établissements de crédit pourront continuer à émettre des titres de dette dans cette catégorie à compter de l’entrée en vigueur de la loi ;

- la loi permettrait aux établissements de crédit d’émettre des titres de dette obligataire dans une nouvelle catégorie, qui absorberait les pertes en liquidation après les instruments de dette subordonnée et avant la catégorie des instruments de passif préférés (mentionnée ci-dessus). Ces titres constitueraient la nouvelle tranche chirographaire. Seuls des titres financiers d’une maturité à la première émission supérieure à un an et qui ne sont pas structurés pourraient appartenir à cette catégorie. Les émissions dans cette nouvelle catégorie pourront débuter à compter de l’entrée en vigueur de la réforme.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

3.1. Impacts pour les particuliers et les entreprises

Impact pour les détenteurs d’instruments de passif qui constituent la tranche chirographaire actuelle :

Les détenteurs d’instruments de passif qui constituent la classe chirographaire actuelle seront préférés par rapport aux créanciers qui acquerront les instruments de passif de la nouvelle classe chirographaire. À compter de l’émission de nouveaux titres de créance dans la nouvelle tranche chirographaire, les créanciers des établissements de crédit détenteurs d’instruments de passif émis avant l’entrée en vigueur de la disposition législative seront protégés par cette nouvelle catégorie d’instruments de passif en cas de mise en résolution. Ainsi, les pertes leur seront imputées seulement après que les instruments de passif émis dans la nouvelle tranche chirographaire aient été intégralement convertis.

Impact pour les établissements de crédit :

La réforme assure la capacité des établissements de crédit à assurer leur financement au moyen d’un ensemble diversifié d’instruments de passif et de répondre aux exigences de capacité d’absorption de pertes. Les prix respectifs des différents instruments de passif émis reflèteront l’exposition au risque de leurs détenteurs. Dès lors, les intérêts servis aux détenteurs des titres de créance émis dans la nouvelle tranche chirographaire devraient s’établir entre ceux des instruments de dette subordonnée et ceux des instruments appartenant à la catégorie des instruments de dette préférée (relevant du 3° du I de l’article L.613-30-3 précité).

3.2. Impacts pour les collectivités territoriales

Les mesures envisagées impactent l’ensemble des établissements de crédit, auquel appartient les 18 caisses de crédit municipal, établissements publics communaux.

4. Consultations menées

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) et le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ont été consultés.

5. Textes d’application

Un décret en Conseil d’État déterminera les conditions dans lesquelles un titre de créance est considéré comme non-structuré au sens du présent article, et ainsi peut être émis dans la tranche senior mentionnée au 4° du I de l’article L.613-30-3 du CMF. Il pourra également modifier l’éligibilité des titres de créance à la tranche senior en fixant une maturité à l’émission supérieure à un an.

6. Modalités d’application

Il est prévu dans ce projet de loi l’extension, sans adaptation, des modifications opérées par cet article à l’article L.613-30-32 du CMF qui relèvent de la compétence de l’État, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Article 52 : Intégration de l’institut d’émission des départements d’outre-mer au sein de la Banque de France

1. État des lieux

L'institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) est un établissement public national créé en 1959. Ses statuts sont fixés dans le livre VII du code monétaire et financier (CMF) aux articles L.711-2 et suivants et R.711-1 et suivants.

L’IEDOM assure le rôle de banque centrale, au nom, pour le compte et sous l’autorité de la Banque de France dans les départements et collectivités d'outre-mer dans lesquelles l’Euro circule.

L’IEDOM exerce les missions de la Banque de France sur les territoires de la « zone euro de l’outre-mer »120, c’est-à-dire sur les collectivités de l’article 73 de la Constitution, soit les départements de Guadeloupe, de La Réunion, sur le Département de Mayotte, et sur les collectivités de Guyane, de Martinique, ainsi que sur trois des collectivités de l’article 74 de la Constitution, soit Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’ensemble du droit de l’Union européenne, primaire comme traité, est applicable dans les régions ultrapériphériques que sont la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, la Guyane, la Martinique ainsi que Saint-Martin. Au contraire, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon sont des pays et territoires d’outre-mer (PTOM). À Saint-Pierre-et-Miquelon, l’utilisation de l’euro est fondée sur la décision n° 1999/95/CE du Conseil du 31 décembre 1998 sur les arrangements monétaires relatifs aux collectivités territoriales françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. À Saint-Barthélemy, l’utilisation de l’euro a pour fondement l’accord monétaire entre l’Union européenne et la République française autorisée par décision n° 2011/433/UE du conseil du 11 juillet 2011.

Sur ces territoires, l’IEDOM exerce les mêmes missions que la Banque de France  : (i) des missions de banque centrale (mise en circulation et entretien des billets en euro, cotation des entreprises en vue des opérations de refinancement de l’Eurosystème, surveillance des systèmes et moyens de paiement), (ii) des missions de service public (mise en circulation des pièces de monnaie, observatoire des tarifs bancaires, surendettement) et (iii) des missions d’intérêt général (observatoire économique et financier, médiation du crédit aux entreprises).

Pour permettre l’introduction de l’euro dans les départements d’outre-mer (DOM) de l’époque et pour tenir compte du transfert des compétences monétaires nationales à la Banque centrale européenne depuis le 1er janvier 1999, des modifications des statuts de l’IEDOM ont été nécessaires. L’évolution des missions et de l’organisation de l’IEDOM, en vue d’un rapprochement avec la Banque de France après l’intégration de cette dernière dans le Système européen de banques centrales (SEBC), ont ainsi été précisées dans l’ordonnance n° 2000-347121 du 19 avril 2000 modifiant l'ordonnance n° 59-74 du 7 janvier 1959 portant réforme du régime de l'émission dans les départements de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion122. Dans son avis du 17 février 2000 (CON/99/20), la Banque centrale européenne (BCE) a accueilli favorablement l’évolution des statuts et du rôle de l’IEDOM tout en mentionnant que ce statut d’agent de la Banque de France ne pouvait constituer un précédent pour quelque cas futur que ce soit.

2. Description des objectifs poursuivis

La présente réforme va plus loin que la réforme de 2000 en transformant l’établissement public en une société par actions simplifiée (SAS) dont le capital est détenu par la Banque de France. L’IEDOM devient en conséquence une filiale de la Banque de France.

Cette transformation n’emporte ni création d’une personne morale nouvelle, ni cessation d’activité. Cette filialisation permet de rendre l’IEDOM totalement indépendant vis-à-vis de l’État conformément aux recommandations de la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre des règles propres à l’Eurosystème tout en conservant une approche adaptée à la spécificité des territoires ultra-marins. Outre des règles de fonctionnement et d’organisation souples, le choix de la SAS permet de prolonger le rôle d’agent de la Banque de France tout en préservant l’identité de l’IEDOM.

Ces dernières années se sont traduites par le déploiement et l’utilisation par l’IEDOM des outils et des applicatifs développés par la Banque de France principalement dans les domaines du fiduciaire, des entreprises et des particuliers. Le projet de réforme est l’aboutissement de ces différents chantiers par une intégration de l’IEDOM au sein de la Banque de France.

Tandis que la précédente réforme de l’IEDOM en 2000, au moment du passage à l’euro, avait entraîné de premiers changements de gouvernance en faveur de la Banque de France, comme la nomination du directeur général par le Gouverneur de la Banque de France ou l’absence de voix délibérative des deux membres du conseil de surveillance représentant les Ministres, la présente réforme va plus loin, notamment en supprimant l’actuel conseil de surveillance. La SAS IEDOM disposera d’une gouvernance simplifiée directement supervisée par le conseil général de la Banque de France.

Ainsi, la présente réforme s’inscrit dans une triple logique :

la logique de l’Eurosystème :

Le projet de transformation de l’ IEDOM en filiale de la Banque de France s’inscrit dans la logique de la construction institutionnelle de l’Eurosystème, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales des États membres de la zone euro qui doivent être en totale indépendance vis-à-vis des États.

Suite au transfert des compétences monétaires nationales à la BCE le 1er janvier 1999, le statut de l’IEDOM a déjà été modifié en 2000. Cet établissement public est alors devenu un agent accomplissant ses missions au nom, pour le compte et sous l’autorité de la Banque de France, seule habilitée à accomplir les missions au titre de l’Eurosystème. De manière exceptionnelle et conditionnée, la BCE a autorisé dans son avis du 17 février 2000 précité que les missions de l’Eurosystème soient accomplies par l’intermédiaire d’un établissement public national.

Le rapprochement de l’établissement public IEDOM de la Banque de France permettrait d’être en parfaite adéquation avec le Traité UE.

la logique de métiers :

L’IEDOM exerce au nom, pour le compte et sous l’autorité de la Banque de France des missions fondamentales : mise en circulation et entretien de la monnaie fiduciaire, cotation des entreprises, relais des autorités bancaires européennes et nationales et surveillance des systèmes et moyens de paiements scripturaux.

Ces dernières années se sont traduites par le déploiement et l’utilisation par l’IEDOM des outils et des applicatifs développés par la Banque de France principalement dans les domaines du fiduciaire, des entreprises et des particuliers.

La réforme permettra de renforcer la cohérence et la collaboration dans l’exercice de ces métiers.

la logique ultra-marine :

Le projet permet enfin de maintenir une autonomie de fonctionnement répondant à la réalité économique et sociale des géographies ultramarines, qui facilitera l’adaptation de certains dispositifs ou procédures aux contraintes liées à l’éloignement et qui continuera à préserver l’emploi local.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Le projet de réforme nécessite des mesures d’ordre législatif au regard de l’article 34 de la Constitution : suppression d’un établissement public et conséquences législatives du changement de statut de l’IEDOM. Ainsi, le projet de réforme prévoit le déclassement du domaine public des biens qui seraient qualifiés de tel avant leur transfert au sein de la SAS. En outre, dans la mesure où la SAS s’inscrit dans la continuité de l’établissement public national, le projet prévoit de prendre les dispositions comptables nécessaires au respect du principe d’intangibilité du bilan. Enfin, il est proposé de maintenir la possibilité que le directeur général de l’IEDOM puisse continuer à exercer les fonctions de directeur général de l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) comme c’est le cas depuis 2006.

Le projet de réforme retient l’option de la transformation de l’établissement public IEDOM en SAS. Une autre option aurait pu consister en l’intégration directe de l’IEDOM au sein de la Banque de France. Cette option n’a pas été retenue face aux avantages d’une transformation de l’établissement public en SAS, qui permet de maintenir une personnalité juridique distincte de la Banque de France et, plus généralement, une identité propre à l’institut eu égard à la spécificité des territoires relevant de sa compétence. La SAS présente un avantage en termes de souplesse des règles organisationnelles et de gouvernance associées à la structure de la SAS.

4. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La transformation de l’établissement public IEDOM en SAS détenue par la banque de France est sans impact pour les particuliers et les entreprises. Les missions exercées par l’IEDOM à destination des particuliers et des entreprises ne sont pas impactées par les modifications proposées qui constituent des ajustements rédactionnels en vue de l’actualisation des articles du code monétaire et financier.

La suppression de l’établissement public et de son conseil de surveillance a peu d’impacts pour les administrations. La gouvernance sera simplifiée par rapport à l’actuel conseil de surveillance. Le conseil général de la Banque de France aura à connaître des questions de gouvernance de la SAS. L’instauration d’un comité de liaison entre l’État et la SAS est envisagée. Ce comité où seraient représentés le ministère des outre-mer et le ministère des finances aurait notamment à connaître des questions financières relatives aux missions de service public exercées par la SAS et pourrait, le cas échéant, préparer des recommandations pour le représentant de l’État au sein du conseil général de la Banque de France.

L’ensemble des conventions et des contrats conclus par l’IEDOM sont repris et poursuivis dans le cadre de la réforme.

5. Consultations menées

Les collectivités d’outre-mer concernées (Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint Barthélemy) ont été consultées.

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été consulté.

Enfin, l’avis de la BCE a été sollicité.

6. Modalités d’application

6.1. Dans le temps

La réforme envisagée entre en vigueur le 1er janvier de l’année suivant la publication de la loi. À ce stade, cette réforme est envisagée pour être effective au 1er janvier 2017.

6.2. Textes d’application

Les modifications proposées nécessitent l’adoption de dispositions dans la partie réglementaire du CMF, principalement en vue de supprimer des dispositions qui ne sont plus utiles.

Article 53 : Modalités de changement des actifs des sociétés de crédit foncier

1. État des lieux

Les obligations émises par les Sociétés de Crédit Foncier, et les Sociétés de Financement de l’Habitat sont des instruments essentiels du financement de l’habitat en France et du crédit aux personnes publiques. Ce sont des établissements de crédit spécialisés dont l'objet exclusif est de consentir ou refinancer des créances par l´émission d´obligations dites sécurisées. Les principaux groupes bancaires français ont ainsi créé une société de crédit foncier, une société de financement de l´habitat ou les deux. Au 30 septembre 2015, l'encours de ces obligations sécurisées était de 150 Md€ pour l’ensemble des sociétés de crédit foncier (une dizaine d´établissements) et de 130 Md€ pour l’ensemble des sociétés de financement de l´habitat (8 établissements).

Les obligations émises par les sociétés de crédit foncier sont régies par les dispositions du code monétaire et financier (CMF) prévoyant notamment un recours privilégié des investisseurs sur un panier d’actifs de couverture apportés en garantie et des règles strictes quant à l’éligibilité de ces actifs. Ces règles sont précisées à l’article L.513-3 de ce code pour les prêts garantis par des biens immobiliers et à l’article L.513-4 du même code pour les expositions sur des personnes publiques (au 30 septembre 2015, les actifs refinancés par l´ensemble des sociétés de crédit foncier sont pour environ deux tiers des expositions sur le secteur public et, pour un tiers, des crédits à l´habitat). Sont également admises à l’actif des sociétés de crédit foncier les parts d’organismes de titrisation dont l’actif est composé à au moins 90 % d’expositions éligibles sur des personnes publiques ou de prêts garantis par des biens immobiliers éligibles. Cette possibilité de recours à la titrisation sera limitée à 10 % du montant des obligations foncières et autres ressources privilégiées à compter du 31 décembre 2017. Enfin les sociétés de crédit foncier peuvent avoir recours, dans la limite de 10 % de leur actif à des billets à ordre.

Les obligations émises par les sociétés de financement de l’habitat sont également régies par des dispositions prévoyant un recours privilégié des porteurs sur un panier d'actifs de couverture éligibles. Ces actifs sont les prêts garantis par un actif immobilier définis à l'article L.513-3 précité mais peuvent également être des billets à ordre sans limite de montant. Les sociétés de financement de l’habitat peuvent également consentir des prêts à des établissements de crédit, lorsqu’ils sont garantis par des actifs éligibles bénéficiant des dispositions des articles L.211-36 et suivants et L.313-23 et suivants du CMF.

2. Description des objectifs poursuivis

La possibilité offerte aux sociétés de financement de l’habitat de consentir des prêts à des établissements de crédit, lorsqu’ils sont garantis par des prêts éligibles à la clientèle, permet une gestion plus simple des actifs du panier de couverture. En effet la composition de celui-ci ne nécessite alors pas une cession des actifs éligibles à la société émettrice. En cas de besoin, la composition du panier d’actifs peut donc évoluer par simple modification d’un registre sans avoir à mettre en œuvre les dispositions associées à la cession ou la rétrocession d’une créance.

L’ouverture de cette possibilité aux sociétés de crédit foncier apporterait une simplification dans la gestion de celles-ci, sans risque du point de vue prudentiel. En effet, les prêts garantis sont aussi sûrs qu’une détention directe des prêts à la clientèle du fait du régime de protection du collatéral.

3. Options possibles et nécessité de légiférer

Les éléments d’actifs éligibles pour les sociétés de crédit foncier sont définis par la loi, une modification législatives est donc nécessaire.

4. Impacts des mesures

La disposition proposée facilite la gestion du panier d’actif de couverture pour les sociétés de crédit foncier. Cette facilité nouvelle devrait permettre aux émetteurs une gestion dynamique et peu coûteuse du panier d'actifs de couverture puisqu'elle permet de faire entrer ou sortir des actifs de ce panier sans cession ou rétrocession de créance. Cette gestion dynamique devrait permettre aux établissements d'offrir davantage de garanties aux investisseurs sur les actifs de couverture (par exemple l'absence de prêts douteux ou en défaut) et ainsi rendre les obligations sécurisés plus sûres.

Les impacts sur les volumes ou les coûts des prêts à l'habitat devraient rester limités puisque ces coûts de gestion du véhicule de refinancement ne représentent qu'une partie faible du coût total d'un prêt. Par ailleurs les principaux établissements disposent des deux types de véhicules et refinancent ces prêts en premier lieu par les sociétés de financement de l'habitat, qui bénéficient déjà de la facilité étendue par la mesure aux sociétés de crédit foncier.

En ce qui concerne les établissements dont l'actif est aujourd´hui composé de parts dans un organisme de titrisation, la mesure permettra de faciliter leur transition, obligatoire d’íci 2018, vers le modèle sûr et efficient qui est aujourd´hui celui que mettent en œuvre les sociétés de financement de l´habitat. La suppression de ce facteur de risque devrait bénéficier à l'ensemble des émetteurs et conforter, aux yeux des investisseurs, la robustesse du modèle des sociétés de crédit foncier.

Enfin ces mesures permettant de simplifier la gestion et de réduire les coûts de fonctionnement des sociétés de crédit foncier pourraient faciliter le recours par des nouveaux établissements à ce mode de financement.

5. Consultations menées

Le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF) a été consulté.

6. Modalités d’application

Il est prévu dans ce projet de loi l’extension, sans adaptation, des modifications opérées à l’article L.513-6 du CMF en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna en vertu du principe de spécialité législative et de la compétence « monnaie, crédit » de l’État sur ces territoires.

Article 54 : Droit de communication de Pôle emploi

1. État des lieux

La lutte contre la fraude sociale constitue une priorité : affermir la trajectoire de redressement des comptes sociaux est un enjeu crucial. C’est ce que rappelle d’ailleurs la Cour des comptes dans son rapport du 17 septembre 2014 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, pour partie consacré à la lutte contre les fraudes aux cotisations sociales. Le manque à gagner lié à la fraude proprement dite pourrait avoir atteint 18,5 Md€ à 22,9 Md€ en 2012 selon une étude de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Pour la même année, concernant la fraude aux prestations sociales servies par la branche famille, l’impact financier estimé par la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) est compris entre 840 M€ et 1,1 Md€ soit entre 1,3 % et 1,8 % des prestations versées annuellement.

En particulier, la lutte contre la fraude est un objectif qui doit être soutenu car elle participe à la viabilité financière du régime d’assurance chômage et permet en outre de maintenir une égalité de traitement entre demandeurs d’emploi.

Dans un contexte de forte mobilisation des services de Pôle emploi chargés de la prévention et de la lutte contre la fraude, les préjudices détectés ces trois dernières années ont augmenté sensiblement puisqu’ils s’élevaient à environ 76 M€ en 2012, à un peu plus de 100 M€ en 2013 et à plus de 122 M€ en 2014.

Les deux principales typologies de fraudes aux prestations chômage sont les reprises d’emploi non déclarées (53 %) et les emplois fictifs assortis de fausses attestations d’employeur (14 %).

Ainsi, la convention pluriannuelle conclue le 18 décembre 2014 entre l’État, Pôle emploi et l’union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic) pour les années 2015-2018, dont l’objectif majeur est d’accélérer et faciliter le retour à l’emploi durable, prévoit un plan de prévention et de lutte contre la fraude.

En effet, parmi les missions confiées à Pôle emploi figure la garantie que les allocations versées aux demandeurs d’emploi correspondent au bon montant et ont été attribuées à la bonne personne.

Afin de mener à bien cette mission, Pôle Emploi doit pouvoir notamment identifier les personnes ayant délibérément procédé à des fraudes dans le but de percevoir des prestations d’assurance chômage non dues, en disposant de moyens de lutte contre les agissements frauduleux.

Les agents des organismes de sécurité sociale bénéficient d’un droit de communication leur permettant d’obtenir auprès d’un certain nombre d’organismes ou d’entreprises comme les établissements bancaires ou les fournisseurs d’énergie, sans que s’y oppose le secret professionnel, notamment bancaire, les informations nécessaires pour contrôler l’authenticité des documents fournis et l’exactitude des déclarations faites en vue de l’attribution des prestations.

Or, contrairement aux organismes de sécurité sociale, Pôle emploi ne dispose pas d’un droit équivalent, alors même que les enjeux de lutte contre la fraude sont similaires. À cet égard, la Cour des comptes a recommandé, en 2010 et 2014, d’aligner les prérogatives de contrôle des auditeurs internes de Pôle emploi chargés de la lutte contre la fraude sur celles dont bénéficient les agents des organismes de sécurité sociale.

Ainsi, dans son rapport public de 2014123, la Cour note que lesdits auditeurs « ne disposent pas encore du droit d’obtenir communication de certaines informations auprès de tiers (notamment les établissements financiers), contrairement aux agents des organismes de sécurité sociale, ce qui limite les possibilités d’investigation dans certains cas de suspicion de fraude ».

L’octroi de ce droit aux agents de Pôle emploi requiert une modification du code du travail.

2. Objectif poursuivi

De façon générale, doter les acteurs de la lutte contre la fraude de moyens permettant de mieux détecter certains agissements frauduleux de nature à porter atteinte à une saine concurrence concourt à la transparence de la vie économique.

Certaines fraudes internationales au revenu de remplacement nourrissent des activités illicites, il convient de faciliter la mise à jour de telles pratiques. Le droit de communication s’inscrit dans cette logique. En effet, il permettra notamment d’identifier plus aisément les dissimulations d’activités professionnelles ou encore la non réalisation de prestations par les entreprises et d’en tirer les conséquences en termes de sanction ainsi que de répétition des indus.

3. Options possibles et mesure retenue

La mesure proposée vise à instituer au profit des auditeurs fraudes de Pôle emploi, agréés et assermentés, un droit de communication analogue à celui dont disposent les agents chargés des mêmes fonctions au sein des organismes de sécurité sociale.

Ce droit de communication permettra à Pôle emploi d’obtenir, auprès d’un certain nombre d’organismes ou d’entreprises et sans que puisse être opposé le secret professionnel, y compris bancaire, des documents et informations nécessaires pour contrôler la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites ou l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement d’allocations, de prestations et d’aides.

En premier lieu, le droit de communication a pour objet de permettre à Pôle emploi de vérifier auprès d’un tiers, dans le cadre de l’instruction d’un dossier, les informations déclarées par les personnes morales et physiques.

En deuxième lieu, il permettra de vérifier si des allocations, aides ou autres prestations ont été indûment versées, de le prouver et de faciliter leur récupération.

Les informations pouvant être vérifiées sont strictement définies par rapport au contenu des déclarations souscrites, soit dans le cadre d’un formulaire, soit dans le cadre des échanges de courriers/courriels avec Pôle emploi en vue d’obtenir des allocations, aides et autres prestations.

À l’instar des organismes de sécurité sociale, le droit de communication institué au profit de Pôle emploi s’inscrit dans la logique de l’alignement des pouvoirs des auditeurs fraudes, agréés et assermentés, sur ceux des agents des services fiscaux. L’article L.5312-13-2 du code du travail procède donc à un renvoi aux articles de la section 1 du chapitre II du titre II de la 1ère partie du livre des procédures fiscales (LPF).

Toutefois tous les articles du LPF n’ont pas été repris (certains renvois étant en effet inopportuns au regard des missions de Pôle emploi) et les données conservées, traitées par les opérateurs de communications électroniques et par certains prestataires exclues du dispositif (afin de se conformer à la jurisprudence du conseil constitutionnel sur les données de connexion).

Dans le cadre du droit de communication institué par l’article L.5312-13-2 précité, Pôle emploi pourra obtenir des éléments permettant de vérifier des éléments financiers (articles L.83, L.85 et L.87 du LPF) ainsi que des éléments d’identité et de domiciliation (articles L.82 A, L.82 B, L.83, L.85,
L.85-0 A, L.85-0 B, L.85 A, L.86, L.86 A, L.87, L.92, L.94 A, L.96 A, L.96 E et L.96 I du LPF).

À titre de première illustration, ce droit de communication permettra de demander aux établissements bancaires les éléments permettant de vérifier qu’un montant précis a été versé sur un compte déterminé à une date ou pendant une période donnée grâce aux coordonnées du détenteur : identité et adresse, c’est-à-dire des éléments factuels de nature à prouver le cas échéant une activité professionnelle non déclarée ou, a contrario, à s’assurer de la réalité d’une activité professionnelle passée. Pôle emploi ne peut aujourd’hui s’en tenir qu’aux pièces produites par le demandeur d’emploi.

Le droit de communication permettra en outre une pleine exploitation par Pôle emploi des signalements transmis par Tracfin. En l’absence de droit de communication, les informations émanant de Tracfin ne sont actuellement pas totalement exploitées par Pôle emploi.

Ce droit de communication pourra également être exercé vis-à-vis de divers prestataires pour vérifier une domiciliation dès lors qu’un individu déclarera simultanément des adresses différentes aux organismes de protection sociale. Pôle emploi pourra ainsi vérifier des domiciliations de nature à constituer des présomptions complémentaires (le fournisseur d’énergie qui délivre l’abonnement à une adresse précise, sur une période donnée, avec des consommations qui témoignent d’une occupation des lieux ; un abonnement payant à un service de télévision qui permettra de vérifier que, sous son nom, pendant une période précise, la personne se domicilie à une adresse déterminée). Ces informations sont autant d’éléments factuels pouvant contribuer à prouver la réalité d’un dispositif visant à obtenir le paiement indu d’allocations ou de prestations.

Enfin, ce droit de communication pourra subsidiairement être exercé vis-à-vis de personnes physiques ou morales qui versent des revenus ou rémunérations. Pôle Emploi pourrait ainsi obtenir la preuve du versement de sommes permettant de caractériser des cumuls non autorisés par les textes. Ces informations constituent en effet des éléments factuels pouvant contribuer à prouver des rémunérations cumulées à des allocations, en violation de la règlementation.

4. Impacts des mesures proposées

4.1. Impact financier global

Le droit de communication n’engendre aucune dépense supplémentaire ; il sera exercé par les agents agréés et assermentés de Pôle emploi chargés de prévenir et de lutter contre la fraude.

Il a vocation à permettre à Pôle emploi d’améliorer la détection des fraudes et de favoriser la récupération des sommes indûment perçues par les demandeurs d’emploi et les entreprises. Le gain financier pour Pôle emploi dépendra du nombre de personnes en situation d’irrégularité, ainsi que de l’efficacité des contrôles.

Le préjudice global (subi et évité) détecté par Pôle emploi a atteint un peu plus de 122 M€ en 2014. Ce montant global est en augmentation de + 22 % par rapport à 2013, en raison principalement d’une efficacité croissante des équipes et des outils dédiés à la lutte contre la fraude.

Aucune évaluation du montant global réel des fraudes à Pôle emploi n’est encore disponible à la date de la présente étude d’impact, mais la marge de progression est réelle. Des évaluations en matière de prestations de sécurité sociale (allocations familiales notamment) ont montré des montants de fraudes potentiellement six fois supérieurs à ceux détectés.

4.2. Impacts économiques

La lutte contre la fraude sociale constitue une priorité car elle participe à affermir la trajectoire de redressement des comptes sociaux qui est un enjeu crucial. En ce qui concerne les cotisations, le montant de cette fraude, largement sous-estimé, pourrait avoir atteint 18,5 Md€ à 22,9 Md€ en 2012 selon une étude de l’ACOSS.

Pour la même année, s’agissant de la fraude aux prestations sociales servies par la branche famille, l’impact financier estimé par la CNAF est compris entre 840 M€ et 1,1 Md€ soit entre 1,3 % et 1,8 % des prestations versées annuellement.

La fraude aux prestations d’assurance chômage pèse tout d’abord sur les comptes de l’Unédic dont le déficit s’est élevé à 3,7 Md€ en 2014 et devrait atteindre 4,6 Md€ en 2015. La situation financière de l’assurance chômage s’est fortement dégradée depuis 20 ans : la dette du régime d’assurance chômage a atteint 21,3 Md€ en 2014. Elle devrait s’élever à 35,1 Md€ fin 2018. Au regard de l’importance du déficit annuel et de la dette de régime d’assurance chômage et de leur prise en compte dans les critères de Maastricht, la question du rétablissement de la situation financière de l’Unédic devient un enjeu crucial.

La lutte contre la fraude aux allocations de solidarité versées par Pôle emploi pour le compte du fonds de solidarité et des employeurs publics sera également impactée par l’ouverture du droit de communication aux agents de Pôle emploi, même si les montants concernés sont moindres. La fraude relative à ces allocations a un impact direct sur le budget de l’État.

Enfin, Pôle emploi verse également pour son compte propre, aux demandeurs d’emploi et aux entreprises, des allocations, prestations et aides de toute nature, susceptibles d’être obtenues frauduleusement.

La lutte contre la fraude participe à la réduction du déficit public.

4.3. Impacts sociaux

Cette mesure permet d’améliorer la justice sociale.

La lutte contre la fraude aux allocations chômage et autres prestations et aides servies par Pôle emploi est un objectif important, qui contribue notamment à maintenir une égalité de traitement entre demandeurs d’emploi.

4.4. Impacts sur les administrations (Pôle emploi)

Cette mesure ne concerne que le réseau des auditeurs fraude de Pôle emploi n’aura pas d’impact sur les autres métiers comme sur le système d’information d’une façon globale.

5. Consultations menées

Le Conseil national, de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP) a été consulté.

Titre VIII : Dispositions relatives à l’outre-mer

Article 55 : Habilitation visant à moderniser la loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l'établissement, au financement et à l'exécution de plans d'équipement et de développement des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer.

1. Difficultés à résoudre

La loi n° 46-860 du 30 avril 1946 établissant des plans d'équipement et de développement des territoires d'outre-mer visait deux principaux objectifs : d'une part, satisfaire aux besoins des populations locales et généraliser les conditions les plus favorables à leur progrès social ; d'autre part, concourir à l'exécution des programmes de reconstruction et de développement de l'économie de l'Union française. Ceci devait passer par la transformation de l'équipement public et privé devant servir à la production, la transformation, la circulation et l'utilisation des richesses de toute nature des territoires d'outre-mer.

La rédaction de cette loi ancienne apparaît aujourd’hui obsolète à plusieurs égards. Ainsi, par exemple, la loi fait référence à la Caisse centrale de la France d’outre-mer, devenue depuis Caisse française de développement et qui est dénommée Agence française de développement (AFD) depuis un décret du 17 avril 1998.

Cette loi autorisait en particulier la Caisse centrale de la France d’outre-mer, devenue depuis AFD, à constituer directement la part revenant à la puissance publique dans le capital de sociétés d’économies mixtes instituées en vue d’atteindre les objectifs de la présente loi.

Plusieurs sociétés relèvent encore aujourd’hui de ce statut. Il s’agit entre autres des sociétés immobilières des départements d’outre-mer (SIDOM) : la société immobilière du département de La Réunion (SIDR), la société immobilière de Guadeloupe (SIG), la société immobilière de Martinique (SIMAR), la société immobilière de Guyane (SIGUY), la société immobilière de Kourou (SIMKO) et la société immobilière de Mayotte (SIM).

L’État et l’AFD mènent actuellement une réflexion visant à réorganiser la gouvernance de certaines sociétés de loi de 1946 au premier rang desquels, les SIDOM qui sont implantées dans les départements d’outre-mer (DOM). Cette réorganisation doit avoir pour fondement une simplification de l’actionnariat ainsi qu’une adéquation du capital des SIDOM avec les exigences de l’enjeu du logement social dans les outre-mer.

2. Description des objectifs poursuivis et nécessité de légiférer

La réforme envisagée de modernisation de l’actionnariat public des sociétés qui ont été instituées sur le fondement du 2° de l’article 2 de la loi du 30 avril 1946 précitée vise à répondre aux enjeux contemporains d’une politique du logement outre-mer nécessairement plus territorialisée, efficace et réactive, tournée vers l’atteinte d’objectifs ambitieux et réaffirmés, qui requièrent une gouvernance et un pilotage pleinement adaptés.

Cette réforme devrait notamment permettre la participation d’établissements publics de l’État ainsi que de leurs filiales.

Le recours à la loi est indispensable afin de permettre une mise à niveau adéquat de la loi de 1946, qui du fait de son ancienneté soulève des questions juridiques particulières. Aussi, le Gouvernement sollicite une habilitation en ce sens.

3. Analyse des impacts des dispositions envisagées

La présente habilitation vise à donner des marges de manœuvre à l’État en vue de moderniser l’actionnariat de ces sociétés, tout en permettant de conserver ce statut particulier de « SEM de la loi de 1946 ». L’État et l’AFD mènent actuellement des réflexions visant à réorganiser la gouvernance de certaines sociétés de loi de 1946 au premier rang desquels, les SIDOM qui sont implantées dans les DOM. Cette réorganisation doit avoir pour fondement une simplification de l’actionnariat ainsi qu’une adéquation du capital des SIDOM avec les exigences d’un accroissement de leurs capacités d’intervention, y compris à court terme.

Les modifications envisagées ne devraient pas présenter d’impact sur l’activité des sociétés elles-mêmes.

4. Justification du délai d’habilitation

Le délai proposé est de six mois. C’est un délai qui tient compte notamment des consultations interministérielles nécessaires à l’élaboration des nouvelles dispositions et des consultations des collectivités concernées.

5. Consultations envisagées

Les collectivités d’outre-mer concernées devront être consultées.

Articles 56 et 57 : Extension et adaptations de diverses mesures en outre-mer

Ces articles précisent les modalités d’application outre-mer des dispositions du présent projet de loi.

Ils étendent en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna certaines dispositions du code monétaire et financier modifiées ou créées par le présent projet de loi, pour ce qui concerne les compétences de l’État.

Ils procèdent également à la codification des mesures étendues dans le titre VII de ce code, dédié à l’outre-mer.

Ainsi, l’extension de ces mesures dans les collectivités du Pacifique et en Nouvelle-Calédonie, permet de les rendre applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

1 Loi n°91-3 du 3 janvier 1991 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique

2 Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques

3 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives

4 Décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993

5 Loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique

6 La HATVP est chargée de contrôler les déclarations patrimoniales et d’intérêts de certains élus, et de signaler le cas échéant à l’autorité judiciaire des situations potentiellement constitutives d’infraction pénale, dans l’hypothèse où elle ne disposerait pas d’explications sur des évolutions de patrimoine. Il est également prévu que la HATVP puisse être consultée par les élus sur les questions de déontologie et de conflit d’intérêt relatifs à l’exercice de leurs fonctions.

7 « Rapport de la Commission au conseil et au Parlement européen - rapport anticorruption de l'UE » (février 2014) – p.39 et 40 du rapport général et p.12 de l’annexe consacrée à la France

8 « Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption » (octobre 2012) et « France : rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations » (décembre 2014)

9 « Renouer la confiance publique - rapport au président de la République sur l’exemplarité des responsables publics » (janvier 2015) - p. 134/135

10 « Convention des nations unies contre la corruption » du 31 octobre 2003 dite « Convention de Mérida »

11 Legge 6 novembre 2012, n. 190 - Disposizioni per la prevenzione e la repressione della corruzione e dell'illegalita' nella pubblica amministrazione.

12 « Service central de prévention de la corruption : rapport pour l'année 2013 au Premier ministre et au Garde des Sceaux, Ministre de la justice - La prévention de la corruption en France : état des lieux, chiffres clés, perspectives, jurisprudence - Les déclarations de patrimoine - La prévention de la corruption dans les collectivités territoriales » (juin 2014) – p.272 / 273

13 Cf. recommandation (11b) adressée par l’OCDE à la France dans le rapport de 2012 précité : « le Groupe de travail recommande à la France de s’assurer que des mesures appropriées sont en place pour favoriser les signalements au titre de l’article 40 al. 2 du Code de procédure pénale, notamment par la signature de protocoles de signalement des infractions de corruption entre les secteurs de l’administration concernés et les autorités judiciaires, complétés par des formations continues pour les agents »

14 « Renouer la confiance publique - rapport au président de la République sur l’exemplarité des responsables publics » (janvier 2014) - p.128 à 131

15 Société employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 M€

16 A noter que l’ANAC s’autofinance en grande partie grâce à un prélèvement opéré sur tous les marchés publics, le surplus des recettes tirées de ce prélèvement lui permettant au surplus d’abonder le budget d’autres autorités comme « l’autorité de la protection de la vie privée ».

17 Question n°29424 de M. Julien Aubert sur les moyens publics alloués à la cyberdéfense. Assemblée nationale. Réponse publiée le 24/09/2013.

18 Référence : SEC (2011) 1217 final

19 Bribery Act 2010 (2010 c 23) – section 7

20 FCA Press release – “Firm fined £1.8million for "unacceptable" approach to bribery & corruption risks from overseas payments” - Published: 19/12/2013

21 FCA Press release – “Besso Limited fined for anti-bribery and corruption systems failings” – Published 19/03/2014

22 Le texte suisse précise que « le juge fixe l'amende en particulier d'après la gravité de l'infraction, du manque d'organisation et du dommage causé, et d'après la capacité économique de l'entreprise ». La condamnation d’une filiale suisse du groupe industriel français ALSTOM est à ce jour le seul exemple d’application de cette disposition dans une affaire de corruption transnationale. Dans ce dossier, le MPC (Ministère Public de la Confédération helvétique) a infligé une amende à ALSTOM NETWORK SCHWEIZ AG d’un montant de 2.5 MCHF (2 M€) – correspondant à la moitié de la peine maximale prévue par le texte légal -, après qu’il lui ait été reproché de ne pas avoir pris « toutes les mesures […] pour empêcher le versement de montants de corruption à des agents publics étrangers »

23 « Service central de prévention de la corruption - rapport pour l’année 2012 au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice - la prévention de la corruption en France : état des lieux, chiffres clés, perspectives, jurisprudence - les entreprises françaises face aux risques de la corruption - le recouvrement des avoirs de la corruption (biens mal-acquis) » - p.178 / 179

24 Société employant au moins 500 salariés ou appartenant à un groupe de sociétés dont l’effectif comprend au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros

25 Le conseil constitutionnel a en effet validé dans sa DC n°2014-690 du 13 mars 2014 la possibilité pour un service administratif – en l’occurrence la DGCCRF – de relever des manquements à des dispositions relatives à la protection des consommateurs puis de prononcer des sanctions administratives (considérant 69)

26 Ces dernières années les conventions multilatérales et les forums internationaux intéressant la prévention et la lutte contre la corruption, auxquels la France est partie se développent de manière exponentielle (OCDE, Conseil de l’Europe, ONUDC, G20, Banque mondiale). Par ailleurs, au niveau régional, d’autres initiatives en la matière émanant de l’OEA, de l’Union africaine ou de la CEDEAO par exemple sont susceptibles d’impacter les multinationales d’implantation française.

27 L'impact de la corruption pèse toujours sur le commerce international, avec 37% des entreprises françaises qui indiquent avoir perdu des contrats à cause de concurrents corrompus, selon la troisième étude annuelle de la société de conseil Control Risks Au niveau mondial, 30% des multinationales interrogées disent avoir perdu des contrats en raison de concurrents corrompus, explique l'étude, qui a interrogé les responsables juridiques de plus de 800 entreprises. Pour 54% des Français interrogés par l'étude, la corruption est même la première raison pour laquelle les entreprises françaises se retirent des négociations. Cette raison n'est citée que par 40% des Allemands, et 41% du total des personnes interrogées par le cabinet. Pour 38% des entreprises françaises, le risque de corruption les pousse à renoncer à des affaires dans certains pays, contre seulement 30% de la moyenne mondiale. Les entreprises font cependant état d'une amélioration du climat des affaires grâce aux nouvelles législations anti-corruption. Les entreprises françaises rechignent à se plaindre, avec seulement 20% d'entre elles qui sont prêtes à se retourner contre le donneur d'ordre, contre 27% en moyenne.

Source AFP PARIS, 29 oct 2015

28 Cf rapport de l’OCDE de 2012 concernant la France – pp. 24 et 25 – concernant plus particulièrement la société ALSTOM

29  corruption active d’agent public (article 433-22 3° du code pénal), corruption passive d’agent public (article 432-17 4° du code pénal), trafic d’influence actif d’agent public (article 433-22 3° du code pénal), trafic d’influence passif d’agent public (article 432-17 4° du code pénal), corruption active d’agent public étranger (article 435-14 3° du code pénal), corruption passive d’agent public étranger (article 435-14 3° du code pénal), corruption privée active et passive (article 445-3 du code pénal)

30 « Renouer la confiance publique - rapport au président de la République sur l’exemplarité des responsables publics » (janvier 2015) – p.123/124

31  « Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption » (octobre 2012)

32  « France : rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations » (décembre 2014) – p.4 et 7

33  « Troisième Cycle d’Evaluation - Rapport d’Evaluation de la France – Adopté par le GRECO lors de sa 41e Réunion Plénière » (février 2009) – p.30

34  « Troisième Cycle d’Evaluation - Deuxième Rapport de Conformité Intérimaire sur la France - Adopté par le GRECO lors de sa 66e Réunion Plénière » (décembre 2014) – p.7 à 10

35 « Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption - Rapport de l’examen de la France - Pays examinateurs: Danemark et Cap Vert - Cycle d’examen : 2010-2015 - Chapitres sous examen : Chapitre III - Incrimination, détection et répression et Chapitre IV – Coopération internationale » – p.7, 26 et 27

36 Des conventions similaires, non signées par la France, ont par ailleurs été adoptées dans le cadre de l’Organisation des États américains, de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest CEDEAO ou de l’Union africaine.

37 Sur l’article 113-6 du code pénal : il s’agit d’une recommandation explicitée aux pages 14, 19 et 20 du « Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption » d’octobre 2012 et en page 9 du rapport de décembre 2014 « France : rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations » ;

Sur l’article 113-8 du code pénal : il s’agit d’une recommandation explicité aux pages 36 et 75 du « Rapport de phase 3 sur la mise en œuvre par la France de la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption » d’octobre 2012 et en page 25 du rapport de décembre 2014 « France : rapport de suivi écrit de phase 3 et recommandations ».

38  A propos des articles 113-5, 113-6 et 113-8 du code pénal, il s’agit de recommandations explicitées notamment en page 29 du rapport « Troisième Cycle d’Evaluation - Rapport d’Evaluation de la France – Adopté par le GRECO lors de sa 41e Réunion Plénière » de février 2009 et en page 5 du rapport « Troisième Cycle d’Evaluation - Deuxième Rapport de Conformité Intérimaire sur la France - Adopté par le GRECO lors de sa 66e Réunion Plénière » de décembre 2014

39  Sur l’article 113-8 du code pénal, il s’agit d’une recommandation explicitée en page 9 du rapport d’évaluation de la France « Mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption - Rapport de l’examen de la France - Pays examinateurs: Danemark et Cap Vert - Cycle d’examen : 2010-2015 - Chapitres sous examen : Chapitre III - Incrimination, détection et répression et Chapitre IV – Coopération internationale »

40  Sur les articles 113-5, 113-6 et 113-8 du code pénal, il s’agit d’une recommandation générale par renvoi aux recommandations de l’OCDE, du GRECO et de l’ONUDC qui figure en page 12 du rapport d’évaluation de la France « Rapport de la Commission au conseil et au Parlement européen - rapport anticorruption de l'UE » de février 2014 – annexe consacrée à la France

41 La réciprocité d’incrimination connait déjà plusieurs exceptions, notamment pour les infractions de « recours à la prostitution d’un mineur à l’étranger », d’« agressions sexuelles contre un mineur », d’« actes de terrorisme », de « proxénétisme », de « participation à une activité de mercenaire », de « clonage d’être humain », etc.

42 Le monopole des poursuites bénéficiant au parquet a déjà été écarté pour les délits d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (art.113-10 CP) et pour les délits terroristes (art. 113-13 CP)

43  Formule que l’on retrouve déjà en France dans plusieurs textes de droit interne, notamment concernant les infractions de « recours à la prostitution d’un mineur à l’étranger », de « mariages forcés », d’« agressions sexuelles contre un mineur », d’« actes de terrorisme », de « proxénétisme », de « participation à une activité de mercenaire », de « clonage d’être humain »…

44  À ce jour ont été agréées par le ministère de la justice à ce titre les associations Transparency International France, Sherpa et Anticor

45 Jean-Louis Nadal, Renouer la confiance publique, Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, janvier 2015.

46 Identifiés par le groupe de travail créé en juillet 2008 à l’initiative du Président Bernard ACCOYER. Voir en ce sens le rapport présenté par M. Christophe SIRUGUE, président de la délégation chargée des représentants d’intérêts et des groupes d’études, fait au nom du groupe de travail sur les lobbies à l’Assemblée nationale, 27 février 2013.

47 Cf rapport de M. SIRUGUE précité, p. 7.

48 Cf notamment l’arrêté n° 2010-82 du Bureau du 31 mars 2010 et l’arrêté n° 2010-1258 de Questure du 1er décembre 2010 actuellement en vigueur.

49 Page 3.

50 Rapport de M. Jean-Louis NADAL, Renouer la confiance publique, remis au Président de la République le 7 janvier 2015, p. 67.

51 Rapport de M. SIRUGUE, op cit, p. 9.

52 Rapport Transparence et intégrité du lobbying, un enjeu de démocratie, État des lieux citoyen sur le lobbying en France, octobre 2014, p. 15.

53 Jean-Louis Nadal, Renouer la confiance publique, Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, janvier 2015.

54 Cf rapport du président NADAL, op cit., p. 72.

55 Accord entre le Parlement européen et la Commission européenne sur l’établissement d’un registre de transparence pour les organisations et les personnes agissant en qualité d’indépendants qui participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne, JOUE 22/07/2011, L 191/29, cité par le rapport du président NADAL, op cit., p. 72.

56 2ème alinéa de l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 précitée.

57 Article 38 de la loi du 6 janvier 1978 précitée.

58 CE 18 juillet 2008, Fédération de l’hospitalisation privée, n° 300304 : le Conseil d’État a précisé que : « Lorsque la définition des obligations auxquelles est soumis l'exercice d'une activité relève du législateur en application de l'article 34 de la Constitution, il n'appartient qu'à la loi de fixer, le cas échéant, les sanctions administratives dont la méconnaissance de ces obligations peut être assortie et, en particulier, de déterminer tant les sanctions encourues que les éléments constitutifs des infractions que ces sanctions ont pour objet de réprimer », cf Guide de Légistique, fiche n° 5.2.6

59 (Rapport d’information n° 616 (2013-2014) de M. Patrice GELARD, fait au nom de la commission des lois ; Rapport n° 126 (2015-2016) de M. Jacques MÉZARD, fait au nom de la CE Autorités administratives indépendantes, déposé le 28 octobre 2015)

60 (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2006-640 du 21 avril 2006, JO 22 avril 2006, p. 6017)

61 (CE 8 avril 2013, n° 363738, 8e et 3e s.-s., Association ATLALR)

62 Le statut des biens des délégations de service public - Après l'arrêt du Conseil d’État, 21 décembre 2012, Commune de Douai, n° 342788, FATOME Etienne ; TERNEYRE Philippe, professeurs - AJDA, n° 13, 15 avril 2013, p. 724-735

63 (CE, 26 mars 1999, n° 202260, section, Société EDA)

64 (CE 23 mai 2012, n° 348909, 7e et 2e s.-s., Régie autonome des transports parisiens)

65 CE 3 déc. 2010, n°s 338272 et 338527, section, Ville de Paris et Association Paris Jean Bouin

66 CE 7 mai 2012, Ordre des avocats du barreau de Versailles, n° 341110

67 TA Lyon, 10 mars 2005, M. Lavaurs, AJDA 2005, p. 1474 ; jugement confirmé par la CAA de Lyon, 12 juillet 2007, Ville de Lyon, AJDA 2007 p. 2053

68 CE 2 février 1979, n° 010881, 2e et 6e s.-s., Ville de Châlons-sur-Marne c. GIE « Publicitor »

69 CE 10 juin 2010, n° 305136, 8e et 3e s.-s., société des autoroutes Esterel-Côte d’Azur-Provence-Alpes

70 T. confl. 14 mai 2012, n° 3836, Mme Gilles c. sté d’exploitation Evènements et Ville de Paris

71 Rapport public pour 2002, Collectivités publiques et concurrence, EDCE 2002, p. 380

72 Avis n° 04-A-19 du 21 oct. 2004

73 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE – Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

74 Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession.

75 QE n° 80966 et n° 83080, JOAN 21/02/2006 p. 1868.

76 Ex. F. Llorens et P. Soler-Couteaux, « Pour un code de la commande publique », Contrats et marchés publics, 2006, repère 2 ; N. Symchowicz, « Pour un code des contrats de la commande publique », Contrats et marchés publics, 2007, étude 4 ; F. Tiberghien, « Il faut un code de la commande publique pour assurer sa sécurité juridique », AJDA 2008, p. 1228 ; M. Guyomar, « Les perspectives de la codification contemporaine », AJDA 2014, p. 400 ; L. RICHER, « Le code de 2016 », AJDA 2014, p. 705.

77 Rapport public 2008, Le contrat, mode d’action publique et de production de normes, EDCE, 2008, n°59, p. 254.

78 Rapport d’activité, pages 20-21.

79 Discours de Pierre MOSCOVICI, Ministre de l’Economie et des Finances, Clôture du colloque sur la transposition des directives européennes relatives aux marchés publics, 12 mars 2014.

80 « (…) si des projets d’envergure se profilent encore – il faut en particulier mentionner le code de la commande publique », Introduction par Jean-Marc Sauvé sur le colloque « Les 25 ans de la relance de la codification » de l’IFSA, 13 octobre 2015.

81 Voir en ce sens la circulaire du Premier Ministre du 27 mars 2013 (n°5643/SG).

82 Voir en ce sens le discours introductif de Jean-Marc Sauvé sur le colloque « Les 25 ans de la relance de la codification » de l’IFSA, 13 octobre 2015, page 5.

83 Ce pouvoir de transfert d’office de portefeuilles de contrats d’assurance qui existait depuis la création de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), par l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010, était une reprise des pouvoirs dont disposaient déjà les précédentes autorités ou commissions en charge du contrôle des organismes d’assurance (cf. ancien article L. 310-18 du code des assurances créé par la loi n° 89-1014 du 31 décembre 1989 et abrogé par l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010).

84 De premiers échanges avaient été organisés au premier 2015, sous l’égide de la Commission Européenne, mais n’ont pas été prolongés depuis lors, cette dernière considérant que cette question n’est pas prioritaire.

85 En pratique, il faut néanmoins s’attendre à ce que les compensations soient généralement nulles. Si l’organisme n’a pas pu, de lui-même procéder au transfert de son portefeuille, c’est généralement car la valeur de celui-ci est nulle (situation de passif net).

86 Pour les Terres Australes et Antarctiques Françaises (loi n°55-1052), les dispositions sont sans objet en raison de l'absence de population permanente.

87 Décision 2011-206 QPC du 16 décembre 2011

88 Arrêt Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, n°18357/91

89 Arrêt Regent Company c. Ukraine, 3 avril 2009, n°773/03

90 L'article L.112-2 CPCE énumère les biens qui ne peuvent être saisis, parmi lesquels les biens que la loi déclare insaisissables : il en va ainsi des biens culturels prêtés par un État étranger, dont l’insaisissabilité est régie par l'article 61 de la loi du n°94-679 du 8 août 1994.

91  État, collectivités territoriales de droit public, établissements publics administratifs (hôpitaux, universités), établissements publics à caractère industriel et commercial.

92  Cass. Civ. 1Ère, 21 décembre 1987, Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) c/ Sté Lloyd Continental

93  Convention des Nations Unies sur l'immunité juridictionnelle des États et de leurs biens, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 2 décembre 2004

94 Civ.1ère 14/03/1984 n°82-12.462, arrêt Eurodif c/Iran

95 Civ. 1ère 19/11/2008 n°07-10.570

96 Civ. 1Ère, 28 mars 2013, n°11-13.323, n°10-25/938, n°11-10.450.

97 Loi du 23 août 2015 insérant dans le code judiciaire un article 1412quinquies régissant la saisie de biens appartenant à une puissance étrangère ou à une organisation supranationale ou internationale de droit public (rapport sur la proposition de loi fait devant la chambre des représentants disponible à cette adresse : http://www.lachambre.be/FLWB/pdf/54/1241/54K1241005.pdf )

98 http://www.lachambre.be/FLWB/pdf/54/1241/54K1241003.pdf

99 Ley organica 16/2015, de 27 de octubre, sobre privilegios et inmunidades de los Estados extranjeros, las Organizaciones internacionales con sede u oficina en Espana y las Conferencias y Reuniones internacionales celebradas en Espana: https://www.boe.es/boe/dias/2015/10/28/pdfs/BOE-A-2015-11545.pdf

100 Civ.1ère 28/09/2011 n°09-72.057, arrêt cité supra page 3

101 1re Civ., 13 mai 2015, pourvoi n° 13-17.751, arrêt rendu sur avis contraire de l'avocat général

102 96 Source : estimation à partir du paiement des dotations jeunes agriculteurs

103 97 Source : Commission des comptes de l’agriculture de la Nation – session du 3 juillet 2015

104 98 Mise en œuvre de la contractualisation dans la filière laitière française [Enjeux de la filière lait de vache dans le contexte de la fin des quotas] Rapport n° 15053 -  http://agriculture.gouv.fr/telecharger/77836token=c52b015937c64338b2ee4b141a67357c

105 On entend par retraite professionnelle, dite de pilier 2, la part des activités de retraite par capitalisation qui est souscrite par l’employeur pour le compte de ses salariés. Au sein de la retraite par capitalisation, elle se distingue de la retraite « personnelle », indépendante de tout lien avec l’employeur. La retraite des travailleurs non-salariés (contrats Madelin par exemple) est assimilée à de la retraite professionnelle.

106 La Suède utilise également la faculté prévue à l’article 4 de la directive IORP mais possède en parallèle également des fonds de pension.

107 Les mutuelles et les institutions de prévoyance gèrent des régimes similaires pour un montant total de 15 Md€. Les principaux régimes comprennent la PREFON et le COREM.

108 A l’inverse, une augmentation des taux entraîne une amélioration nette du taux de couverture de ces régimes.

109 Les versements ont été de 1,8 Md€ en 2014 (+18 % par rapport à 2013, avec une augmentation annuelle de quasiment 20 % depuis trois ans, source : AFA). L’encours moyen des PERP en constitution était ainsi de 5.250 €, ce qui constitue un montant réduit mais en progression, traduisant la montée en charge du produit.

110 Une partie du problème des «mini PERP» trouve son origine dans le défaut de conseil envers des personnes en situation financière fragile (faible épargne de précaution), mais les voies de droit pour le déblocage sont limitées par la prescription biennale si les informations précontractuelles ont bien été données (article L.114-1 du Code des assurances).

111 Guide de l’EIRL édité par l’ordre des experts-comptables (édition juillet 2011).

112 en France, ce sont quelques 230 professions réglementées qui sont couvertes

113 Cass. com. 19 décembre 1977, Rolland c/ Rossi ès qual. : Bull. civ. IV n° 305 ; Cass. com. 1er avril 1981, Pawlowski c/ Belluard ès qual.

114 aff. C-453/99, Rec. CJCE I-6297

115 aff. C-95 à 298/04, Rec. CJCE I-6619

116 COM [2005] 672 final

117 (COM [2008] 165 final

118 Le système de garantie des dépôts en France est géré par le fonds de garantie des dépôts et de résolution (articles L312-4 et suivants du code monétaire et financier).

119 Cette catégorie comprend principalement les titres de créance simples ou structurés, les dépôts des grandes entreprises ou des sociétés financières, les dettes court terme négociées sur les marchés monétaires, les expositions nettes sur instruments dérivés et des passifs opérationnels.

120 Par opposition à la « zone Franc Pacifique », qui ressort de la compétence de l’Institut d’émission d’outre-mer.

121 Les dispositions de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er juillet 2000, à l'exception de celles qui concernent l'ouverture par la Banque de France de comptes aux établissements de crédit installés dans lesdits départements et collectivités et la tenue de ces comptes par l’IEDOM au nom et pour le compte de la Banque qui n'entraient en vigueur que le 1er janvier 2001.

122 Codifiée depuis aux articles L.711-2 et suivants du Code monétaire et financier.

123 cf. Cour des comptes - Rapport public annuel 2014, p.250-251 et p.256


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