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N°
 2743

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 mai 2015.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LES ARTICLES 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 21 bis et 22 DE LA PROPOSITION DE LOI (n° 2652 rect.), ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, relative à la protection de l’enfant,

PAR Mme Marie-Anne CHAPDELAINE

Députée

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2744.

Sénat : 799 (2013-2014), 139, 146, 147 et T.A. 76 (2014-2015).

SOMMAIRE

___

Pages

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LA COMMISSION 5

INTRODUCTION 7

I. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI INITIALE DONT VOTRE COMMISSION S’EST SAISIE POUR AVIS 9

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À CES DISPOSITIONS PAR LE SÉNAT 10

III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION 11

A. LES SUPPRESSIONS MAINTENUES 11

B. LES PROPOSITIONS DE RÉTABLISSEMENT D’ARTICLES 11

C. LA SUPPRESSION DE CERTAINES DES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT 12

D. DES DISPOSITIONS COMPLÉTÉES 12

DISCUSSION GÉNÉRALE 14

EXAMEN DES ARTICLES 19

TITRE II – SÉCURISER LE PARCOURS DE L’ENFANT PLACÉ 19

Article 11 (art. L. 227-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles) : Encadrement de la durée des mesures de placement d’un enfant 19

TITRE III – ADAPTER LE STATUT DE L’ENFANT PLACÉ SUR LE LONG TERME 27

Article 12 : Réforme des règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté 27

Article 14 (supprimé) : Permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants, précédemment adoptés, admis en qualité de pupilles de l’État 30

Article 15 (art. 353 du code civil) : Audition de l’enfant doué de discernement dans le cadre d’une procédure d’adoption 33

Avant l’article 17 38

Article 17 : Obligation de nommer un administrateur ad hoc dans les instances d’assistance éducative 39

Après l’article 17 40

Article additionnel après l’article 17 (art. 377 du code civil) : Délégation de l’autorité parentale sur saisine du ministère public 44

Article 18 (art. 347, 350, 381-1 [nouveau] et 381-2 [nouveau] du code civil et art. L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles) : Déclaration judiciaire d’abandon 45

Article additionnel après l’article 18 (art. L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles) : Admission en qualité de pupilles de l’État des enfants dont les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale 51

Après l’article 18 52

Article 20 (supprimé) : Automaticité du retrait d’autorité parentale pour les parents auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit sur la personne de leur enfant ou de l’autre parent 56

Article additionnel après l’article 20 (art. 378-1 du code civil) : Titulaires de l’action en retrait total ou partiel de l’autorité parentale au service de l’aide sociale 59

Article 21 (supprimé) : Extension de l’indignité successorale aux parents auteurs et complices d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant 59

Article 21 bis (nouveau) (art. 21-12 du code civil) : Réduction à deux ans des délais à compter desquels l’enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou l’enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut acquérir la nationalité française par déclaration 61

Article 22  : Rétablissement d’une surqualification pénale d’inceste 64

TABLEAU COMPARATIF 73

LES PRINCIPALES MODIFICATIONS PROPOSÉES
PAR LA COMMISSION

— Sur la proposition de la rapporteure, la Commission a proposé de rétablir l’article 12 relatif à la réforme des règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, qui prévoit que cette révocation ne pourra être demandée que par le ministère public, et non plus par la famille d’origine et, si le mineur a plus de quinze ans, par l’adoptant ;

— Sur la proposition de la rapporteure, la Commission a proposé de compléter l’article 15 relatif à l’audition systématique de l’enfant dans le cadre des procédures d’adoption, afin d’apporter les précisions nécessaires au dispositif prévu, par exemple en cas de refus de l’intéressé d’être entendu ;

— Sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a proposé de rétablir l’article 17 relatif à la désignation d’un administrateur ad hoc indépendant du service d’aide sociale à l’enfance dans les instances d’assistance éducative ;

— La Commission, suivant en cela sa rapporteure, a proposé d’adopter un article additionnel après l’article 17 permettant au ministère public de saisir le juge aux affaires familiales en vue d’une délégation de l’autorité parentale au particulier, à l’établissement ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à un membre de la famille, le cas échéant sur transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou sur avis du juge des enfants ;

— Sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a proposé de supprimer le mot « volontairement » à l’article 18 relatif à la procédure de déclaration judiciaire d’abandon, en assortissant toutefois cette suppression de la création d’une exception liée aux situations d’incapacité des parents ;

— Sur l’initiative de la rapporteure, la Commission a proposé d’adopter un article additionnel après l’article 18 afin de permettre l’admission en qualité de pupilles de l’État des enfants dont les parents ont été privés de l’exercice de l’autorité parentale en application de l’article 373 du code civil, parce qu’ils sont hors d’état de manifester leur volonté ;

— La Commission, à l’initiative de la rapporteure, a proposé d’adopter un article additionnel après l’article 20 qui ajoute le service de l’aide sociale à l’enfance et l’administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant à la liste des titulaires de l’action en retrait total de l’autorité parentale prévue par l’article 378-1 du code civil ;

— Sur les initiatives conjointes de MM. Sébastien Denaja et Bernard Roman et de M. Guy Geoffroy et Mme Marie-Louise Fort, la Commission a proposé de rétablir, à l’article 22, dans le code pénal la qualification d’inceste pour certaines infractions sexuelles commises sur des mineurs par des membres de leur famille.

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des Lois s’est saisie pour avis de la présente proposition de loi relative à la protection de l’enfant, qui a été renvoyée au fond à la commission des Affaires sociales (1).

L’examen de ce texte, issu d’une initiative sénatoriale, intervient dans un contexte marqué par de nombreux drames, au cours desquels plusieurs enfants ont été victimes de mauvais traitements. Si ces tragédies soulignent l’urgence et la nécessité des réformes proposées, elles ne doivent pas occulter que ce texte est issu d’un travail de fond mené depuis plusieurs années. Il est en effet la traduction législative du rapport de la mission d’information de la commission des Affaires sociales du Sénat sur la protection de l’enfance, présenté en juin 2014 par Mme Michelle Meunier et Muguette Dini (2), dont votre rapporteure tient à souligner la qualité.

Il prend également en compte les réflexions du rapport du groupe de travail sur la protection de l’enfance et l’adoption présidé par la professeure Adeline Gouttenoire, remis en février 2014 (3), ainsi que le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur le délaissement parental de 2009 (4) et les travaux du Conseil supérieur de l’adoption.

La protection de l’enfance est une politique publique essentielle, qui concerne près de 300 000 jeunes par an, pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), et à laquelle les départements consacrent chaque année environ 7 milliards d’euros, soit plus de 20 % de leurs dépenses d’action sociale.

La dernière grande réforme de cette politique a été opérée par la loi du 5 mars 2007. L’objet de la proposition de loi n’est pas de « remettre à plat » la réforme de 2007, mais de tirer les conséquences des imperfections ou des dysfonctionnements qui ont pu être constatés dans son application, grâce aux nombreux travaux d’évaluation précités et aux observations des praticiens de la protection de l’enfance.

Son ambition est d’améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance, de contribuer à la sécurisation du parcours de l’enfant protégé et d’adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme. Son but est de donner tout son sens à l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1990, que la France a été l’un des premiers pays à signer, qui pose le principe fondamental selon lequel toute décision concernant l’enfant doit être guidée par l’intérêt de ce dernier, ses besoins et le respect de ses droits.

Parmi les vingt-six articles (en incluant les trois articles additionnels ajoutés par le Sénat) de la proposition de loi, dix relèvent de la compétence de la commission des Lois, qui s’en est donc saisie, car ils modifient le code civil et, pour l’un d’eux, le code pénal.

Le Sénat avait supprimé, en première lecture, six de ces dix articles. Votre Commission a proposé d’en rétablir trois, afin de rétablir le niveau d’ambition initial du texte.

I. LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI INITIALE DONT VOTRE COMMISSION S’EST SAISIE POUR AVIS

La proposition de loi relative à la protection de l’enfant déposée par Mmes Michelle Meunier et Muguette Dini comportait initialement 23 articles, répartis en trois titres : « Améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance », « Sécuriser le parcours de l’enfant placé » et « Adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme ».

La Commission s’est saisie pour avis des dix articles relevant directement de sa compétence parce qu’ils modifient soit le code civil soit, pour l’un d’entre eux, le code pénal. Il s’agit des articles 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 21 bis et 22. À l’exception de l’article 11, toutes ces dispositions se situent au sein du titre III.

L’article 11 avait pour objet initial d’abord de consacrer le droit pour l’enfant d’entretenir des relations avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui ou a noué avec lui des liens affectifs, ensuite, de permettre au juge des enfants de fixer, dans le cadre de l’assistance éducative, les modalités des relations de l’enfant avec un tiers, lorsque l’enfant a noué avec lui des liens affectifs et, enfin, de fixer, par décret, une durée maximale pour le renouvellement des mesures de placement.

L’article 12 vise à réformer les règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, afin de réserver l’initiative de cette révocation au seul ministère public.

L’article 14 avait initialement pour objet de permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants déjà adoptés sous la forme plénière, si ceux-ci ont été admis en qualité de pupilles de l’État. Il supprimait en conséquence la possibilité, s’il est justifié de motifs graves, d’une adoption simple d’un enfant ayant déjà fait l’objet d’une adoption plénière.

L’article 15 prévoyait initialement la nomination systématique d’un administrateur ad hoc pour représenter les intérêts de l’enfant dont l’adoption est demandée ainsi que l’audition systématique de l’enfant doué de discernement dont l’adoption est demandée.

L’article 17 prévoit l’obligation pour le juge des enfants, dans toute procédure d’assistance éducative, de désigner un administrateur ad hoc indépendant du service de l’aide sociale à l’enfance pour représenter les intérêts du mineur, lorsque ceux-ci sont en opposition avec ceux des titulaires de l’autorité parentale.

L’article 18 réforme la procédure de la déclaration judiciaire d’abandon. Il remplace notamment le terme d’« abandon » par celui de « délaissement », supprime l’exigence que ce délaissement soit volontaire de la part des parents et déplace les dispositions relatives à cette procédure au sein du titre du code civil relatif à l’autorité parentale. Sur le plan procédural, il introduit la possibilité pour le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants, de demander la déclaration judiciaire de délaissement et impose au tribunal de se prononcer sur le délaissement dans un délai de six mois à compter du dépôt de la demande.

L’article 20 visait initialement à rendre automatique le retrait d’autorité parentale par le juge pénal pour les parents qui ont été condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou un délit sur la personne de leur enfant ou sur celle de l’autre parent.

L’article 21 visait initialement à étendre l’indignité successorale aux parents qui auraient commis un crime ou un délit sur la personne de leur enfant.

L’article 22 vise à rétablir dans le code pénal la qualification d’inceste pour certaines infractions sexuelles commises sur des mineurs par des membres de leur famille.

À ces neuf articles de la proposition initiale relatifs au code civil ou au code pénal, le Sénat a ajouté l’article 21 bis, dont l’objet est de réduire de cinq ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française peut acquérir la nationalité et de trois ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut faire une telle déclaration.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À CES DISPOSITIONS PAR LE SÉNAT

Six de ces dix articles ont été supprimés par le Sénat, à l’initiative de sa commission des Lois. Le Sénat a ainsi supprimé les articles 12, 14, 17, 20, 21 et 22, ainsi que les I et II de l’article 11 et les I et III de l’article 15.

Il a également substantiellement réécrit plusieurs des articles qu’il a maintenus. S’agissant de l’article 18, le Sénat a réintroduit le terme d’abandon ainsi que la condition selon laquelle celui-ci doit être volontaire. Il a également supprimé le délai de six mois au terme duquel le tribunal de grande instance devait se prononcer.

Ces suppressions et modifications sont, dans certains cas, bienvenues et ont amélioré le texte. Dans d’autres, elles ont diminué considérablement le niveau d’ambition de la proposition de loi, car les dispositions en cause étaient essentielles.

Le Sénat a également complété la proposition de loi par un article 21 bis. Ce nouvel article, issu d’un amendement de M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues, a pour objet de réduire de cinq ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française peut acquérir la nationalité et de trois ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut faire une telle déclaration.

III. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

La Commission a proposé :

– de maintenir les suppressions qui lui ont paru justifiées ;

– de rétablir les articles qui lui ont semblé améliorer l’état du droit ;

– de revenir sur certaines des modifications d’articles adoptées par le Sénat ;

– de compléter la proposition de loi par de nouvelles dispositions de nature à renforcer la protection de l’enfance.

A. LES SUPPRESSIONS MAINTENUES

La Commission a proposé de maintenir les suppressions qui lui ont paru justifiées. Tel est le cas :

– de celle de l’article 14, qui visait à permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants précédemment adoptés, admis en qualité de pupille de l’État. Cet article aurait en effet conduit à remettre en cause le principe d’irrévocabilité de l’adoption plénière, qui est l’un des critères essentiels de distinction de cette dernière d’avec l’adoption simple ;

– de la suppression de l’article 20, qui prévoyait de rendre automatique le retrait d’autorité parentale pour les parents auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit sur la personne de leur enfant ou de l’autre parent. Cette automaticité soulèverait en effet des difficultés d’ordre constitutionnel et de compatibilité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ;

– de celle de l’article 21, qui prévoyait l’extension de l’indignité successorale aux parents auteurs et complice d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant, qui instituait lui aussi une sanction automatique et encourrait les mêmes critiques.

B. LES PROPOSITIONS DE RÉTABLISSEMENT D’ARTICLES

À l’inverse, la Commission est revenue sur certaines des suppressions opérées par le Sénat, afin de restaurer l’ambition initiale du texte, en améliorant simplement parfois sa rédaction initiale.

Elle a donc proposé de rétablir :

– l’article 12 relatif à la réforme des règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, qui prévoit que cette révocation ne pourra être demandée que par le ministère public, et non plus par la famille d’origine et, si le mineur a plus de quinze ans, par l’adoptant. De nombreux rapports ont préconisé cette réforme, qui permettrait d’encourager le recours à l’adoption simple dans le cadre de la protection de l’enfance ;

– l’article 17 relatif à la désignation d’un administrateur ad hoc indépendant du service d’aide sociale à l’enfance (ASE) dans les instances d’assistance éducative. Il lui a, en effet, paru important d’assurer cette indépendance à l’égard de l’ASE.

– l’article 22 relatif à l’inceste, sur l’initiative de MM. Sébastien Denaja et Bernard Roman, car il lui a paru indispensable de réinscrire l’inceste dans le code pénal, afin de reconnaître sa spécificité et le traumatisme qu’il représente pour les victimes.

C. LA SUPPRESSION DE CERTAINES DES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT

La Commission a proposé de revenir sur l’une des modifications apportées par le Sénat à l’article 18, qui réforme la procédure de déclaration judiciaire d’abandon. Le texte initial prévoyait d’« objectiver » la notion d’abandon – qu’il rebaptisait « délaissement manifeste » – c’est-à-dire de ne plus tenir compte du caractère volontaire ou non de l’abandon par les parents. La recherche de l’intention des parents rend en effet très difficile cette procédure et constitue un obstacle important, qui décourage les intervenants de la protection de l’enfance d’y avoir recours. Le Sénat a réintroduit ce caractère volontaire, ce qui ne paraît pas devoir être approuvé.

D. DES DISPOSITIONS COMPLÉTÉES

La Commission a proposé de compléter l’article 15, qui prévoit une audition systématique de l’enfant doué de discernement dans le cadre d’une procédure d’adoption, afin d’y apporter des précisions indispensables, sur la conduite à tenir en cas de refus de l’enfant d’être entendu ou sur les modalités de cette audition, par exemple.

Elle a aussi adopté de nouvelles dispositions, qui complètent la proposition de loi.

En premier lieu, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure ayant pour objet d’insérer un article additionnel après l’article 17, qui modifie l’article 377 du code civil pour permettre au ministère public de saisir le juge aux affaires familiales en vue d’une délégation de l’autorité parentale au particulier, à l’établissement ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à un membre de la famille, le cas échéant sur transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou sur avis du juge des enfants.

En deuxième lieu, la Commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteure, un amendement portant article additionnel après l’article 18. Il s’agit d’un amendement de conséquence de celui ayant supprimé, à l’article 18, le caractère volontaire de l’abandon et introduit une exception liée à l’incapacité des parents. Dès lors que les enfants dont les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale parce qu’ils sont hors d’état de manifester leur volonté en raison de leur incapacité, comme le prévoit l’article 373 du code civil, ne pourront plus faire l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon, il devient en effet nécessaire de pouvoir les admettre en qualité de pupilles de l’État, notamment pour permettre leur adoption. L’amendement proposé par conséquent l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles afin d’ajouter aux enfants dont les parents ont été privés de l’exercice de l’autorité parentale en application de l’article 373 du code civil à la liste des enfants pouvant être admis en tant que pupilles de l’État.

En troisième lieu, la Commission a adopté un amendement de la rapporteure portant article additionnel après l’article 20. Ce nouvel article vise à ajouter le service de l’aide sociale à l’enfance et l’administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant à la liste des titulaires de l’action en retrait total de l’autorité parentale prévue par l’article 378-1 du code civil.

Sous réserve de ces modifications et de l’adoption de ses amendements, votre Commission a donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mardi 5 mai, la Commission des Lois a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Marie-Anne Chapdelaine, les articles 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 21 bis et 22 de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant (n° 2652).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’est engagée.

M. Olivier Marleix. Je commencerai par souligner que la protection de l’enfance a fait de gros progrès depuis la décentralisation, grâce aux conseils généraux qui y ont consacré des moyens importants, permettant des prises en charge de grande qualité, et aux personnels de l’ASE, d’un grand professionnalisme, qui accomplissent leur mission avec beaucoup de cœur et d’intelligence.

Cela dit, j’estime que notre droit est perfectible en la matière, et qu’il conviendrait d’améliorer les relations entre le juge des enfants, le service de l’ASE et les familles. À cet effet, j’ai déposé plusieurs amendements visant à éviter les placements pouvant être qualifiés d’abusifs. La situation actuelle ne me paraît pas satisfaisante, car le juge des enfants, à qui il appartient de rendre une décision, a affaire à deux parties occupant des situations très inégales : d’un côté, les services de l’ASE, avec lesquels il entretient une véritable collaboration ; de l’autre, la famille à qui il est reproché des défaillances, ce qui lui vaut souvent d’être placée dans la situation d’accusée.

Ce déséquilibre se retrouve jusque dans le code civil, qui entretient la confusion entre le rôle du président du conseil départemental, décrit par l’article 375 comme ayant vocation à proposer au juge des mesures d’assistance éducative, et le rôle de l’ASE qui, aux termes de l’article 375-2, est un service prestataire à la disposition du juge. En d’autres termes, le conseil départemental est à la fois celui qui instruit pour le compte du juge, qui éclaire sa décision en établissant des rapports, et celui qui peut se voir confier l’enfant. Bref, il est en quelque sorte juge et partie, et à tout le moins un très proche collaborateur du juge face à une famille qui, elle, se trouve dans une situation peu flatteuse – ce qui doit nous conduire à nous demander si cela permet de rendre un jugement dans des conditions équitables.

Concrètement, la justesse de la décision du juge – éminemment délicate lorsqu’il s’agit de se prononcer sur un éventuel placement – repose exclusivement sur le travail contradictoire effectué au sein des services de l’ASE et, dans une moindre mesure, sur la capacité de distanciation du juge par rapport à ce que lui proposent ces services. Dans ces conditions, il suffit d’une défaillance au sein des services de l’ASE d’un département pour qu’une mesure de placement soit proposée de manière hâtive, pour ne pas dire abusive, au juge des enfants.

Je propose de remédier à cela en reconnaissant le rôle d’associations agissant aux côtés des familles, susceptibles de conforter leurs démarches auprès du juge et de mieux encadrer la procédure de placement – dont il convient de rappeler qu’elle coûte excessivement cher aux conseils départementaux et qui, aux termes du code civil, doit rester la solution d’ultime recours. Plusieurs de mes amendements auront pour objet de modifier la situation en ce sens.

M. Dominique Bussereau. J’approuve ce que vient de dire Olivier Marleix et suis frappé de constater la montée en puissance des placements, dans mon département comme dans d’autres. Alors que cette mesure était autrefois réservée à des situations de grande détresse sociale ou de pauvreté mentale mettant véritablement en cause le développement de l’enfant, elle répond souvent, de nos jours, à des difficultés plus ordinaires résultant de l’augmentation du nombre de divorces ou de la précarisation de familles touchées par le chômage, ce qui fait que sa mise en œuvre augmente de façon exponentielle – accroissant dans les mêmes proportions, comme vient de le dire notre collègue, le risque que soient prononcées des décisions de placement non justifiées. En tout état de cause, une telle situation fait peser sur les travailleurs sociaux un pouvoir d’appréciation qui se révèle extrêmement lourd, excédant parfois leurs capacités de discernement. J’approuverai donc les amendements que défendra Olivier Marleix.

M. Bernard Roman. Si ce texte ne fait pas les gros titres de la presse, il n’en est pas moins important, en ce qu’il vise à mettre l’intérêt de l’enfant au centre des préoccupations de la société française. Je me rallie aux deux députés de l’opposition qui se sont exprimés avant moi pour considérer qu’il est dans notre pays certaines réalités en matière de situation de l’enfance auxquelles nous devons faire face en toute objectivité – et, à cet égard, le texte qui nous est soumis me paraît contenir des éléments très positifs.

Comme la rapporteure, je suis particulièrement attaché à deux articles concernant directement la commission des Lois, ayant tous deux fait l’objet de prises de position transpartisanes, mais aussi d’un avis du Gouvernement qui me demeure incompréhensible. Le premier, l’article 21 bis, concerne les enfants recueillis par kefala judiciaire dans les pays du Maghreb où l’adoption n’existe pas – des enfants qui ne sont pas adoptables en France tant qu’ils ne sont pas français. Un sénateur de droite, dont je salue le courage et l’obstination, a proposé que le délai permettant d’acquérir la nationalité française soit ramené de cinq ans à deux ans, ce qui me paraît nécessaire, tant il est inconcevable, pour les progressistes que nous sommes, qu’un enfant ne soit rien aux yeux de la société française et de l’état civil pendant cinq ans.

Le deuxième article qui m’importe spécialement – et sur lequel nous pourrions, me semble-t-il, nous accorder de façon unanime, si je me réfère au travail accompli récemment par nos collègues Sébastien Denaja et Guy Geoffroy, ainsi que par d’autres, parfois depuis des dizaines d’années – est l’article 22, qui crée une qualification pénale de l’inceste valant circonstance aggravante d’infractions à caractère sexuel. Précédemment, deux décisions du Conseil constitutionnel de 2011 et 2012 étaient venues censurer la définition de l’inceste figurant dans le code pénal, ce qui avait eu pour effet de faire disparaître les articles de loi correspondants. Il est aujourd’hui proposé de réintroduire dans le code pénal le crime et le délit d’inceste, en une définition sur laquelle nous travaillerons en collaboration avec les services de la Chancellerie, afin de prendre toutes les précautions nécessaires et de rendre cette définition aussi précise que possible.

Enfin, je défendrai également un amendement déposé par Erwann Binet sur les conditions d’adoption par les couples non mariés. Actuellement, seuls les couples mariés et les personnes seules peuvent adopter : les personnes vivant ensemble sans être mariées – notamment les personnes en concubinage notoire depuis deux ans – ne disposent pas de cette faculté, et doivent donc se résoudre à faire semblant d’être célibataires le temps de la procédure d’adoption. L’amendement de notre collègue a pour objet de mettre fin à cette anomalie.

Mme Colette Capdevielle. Je voudrais d’abord féliciter notre rapporteure qui, en un temps record et dans des circonstances parfois difficiles, a effectué un remarquable travail de synthèse.

Cela dit, je regrette que des questions touchant au statut juridique et à la protection civile et pénale des mineurs, ainsi qu’à l’exercice de l’autorité parentale et à l’adoption, soient examinées dans le cadre de textes épars, ce qui nuit à l’efficacité d’une politique publique ambitieuse, moderne et transversale, et à la lisibilité de cette politique en faveur des mineurs : de telles questions auraient, à mon sens, mérité d’être abordées dans le cadre d’un texte leur étant intégralement consacré.

L’éparpillement dans plusieurs textes de dispositions touchant aux enfants – des dispositions fondamentales, car ce qui concerne les mineurs a forcément une incidence sur ce que sera demain notre pays – risque d’aboutir à des dispositions contradictoires entre elles, mais aussi, et c’est plus grave, à ce que les enfants se trouvent différenciés en fonction de leur statut : d’un côté ceux qui peuvent bénéficier d’une protection et d’une assistance éducative, ou d’un juge pour certaines questions ayant trait à l’autorité parentale ; de l’autre les enfants vivant au sein de leur famille – biologique ou non – et relevant d’un autre magistrat. Or tous les enfants sont égaux en droits et l’intérêt de l’enfant doit rester au cœur de nos préoccupations.

La problématique de la protection de l’enfant est vaste : en France, elle concerne aujourd’hui un million et demi d’enfants, trois millions de parents biologiques et un million et demi de beaux-parents. L’enfant dispose d’un droit fondamental qui doit lui être garanti, celui de vivre en famille, quelle que soit cette famille, biologique ou non. Au sein de sa famille, il a également droit à une sécurité affective, ce qui signifie que l’on doit privilégier le lien parent-enfant dans nos politiques publiques.

Pour ce qui est de l’inceste, le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité, et le principe de légalité des délits et des peines nous oblige à être très précis sur la qualification de l’inceste, notamment en ce qui concerne la définition des personnes concernées – la simple référence au lien familial n’est pas suffisante –, afin d’éviter que ne soient rendues ultérieurement des décisions judiciaires qui pourraient être catastrophiques. Je rappelle en effet que nous parlons ici de mineurs victimes de faits de nature criminelle, touchant à leur intégrité corporelle et sexuelle.

M. Patrick Mennucci. Comme l’a fait Bernard Roman avant moi, je veux saluer l’avancée que constitue l’article 21 bis, qui prévoit que l’enfant recueilli par kefala pourra acquérir la nationalité française au bout de deux ans, au lieu de cinq. Cette procédure particulière, assez fréquente dans ma circonscription de Marseille, pose en effet le problème de l’hétérogénéité de nationalités au sein d’une même famille, qui peut se traduire par des situations très complexes lorsque les personnes concernées parviennent à l’âge adulte.

Mme la rapporteure pour avis. Vous soulevez une question très préoccupante, monsieur Marleix, et avez raison de souligner que certains placements se font de manière un peu hâtive – tandis que certains enfants qui, eux, devraient être placés, ne le sont pas. Cela dit, je ne pense pas que la présente proposition de loi ait vocation à résoudre tous les problèmes relatifs au placement des enfants, qui constitue un enjeu considérable, et je suggère que vos amendements soient retirés pour faire l’objet d’un travail plus approfondi, effectué en concertation avec le ministère de la Famille, les travailleurs sociaux et l’Assemblée des départements de France. Je partage vos inquiétudes, mais il ne faut pas perdre de vue que le placement, éventuellement temporaire, est parfois aussi une bonne chose.

En ce qui concerne l’inceste, je rends hommage au travail effectué par Guy Geoffroy et Sébastien Denaja, mais je considère qu’il doit être poursuivi et sécurisé sur le plan juridique : pour cela, nous disposons encore d’un peu de temps avant l’examen du texte en séance publique.

Enfin, Mme Capdevielle a raison de dire que l’éparpillement des mesures relatives à la protection de l’enfance a pour conséquence une perte de cohérence en la matière. En tout état de cause, si notre tâche consiste aujourd’hui essentiellement à améliorer le texte qui nous est soumis, cela ne nous empêchera pas de nous interroger de manière plus large au sujet des mineurs, ce qui induit la question de la révision de l’ordonnance de 1945.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II
SÉCURISER LE PARCOURS DE L’ENFANT PLACÉ

Article 11
(art. L. 227-2-1 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles)

Encadrement de la durée des mesures de placement d’un enfant

Cet article avait originellement un triple objet :

– consacrer le droit pour l’enfant d’entretenir des relations avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui ou a noué avec lui des liens affectifs (I de l’article) ;

– permettre au juge des enfants de fixer, dans le cadre de l’assistance éducative, les modalités des relations de l’enfant avec un tiers, lorsque l’enfant a noué avec lui des liens affectifs (II) ;

– fixer, par décret, une durée maximale pour le renouvellement des mesures de placement (III).

Lors de la première lecture, le Sénat a supprimé les I et II du présent article et a entièrement réécrit le III, qui ne prévoit plus la fixation par le pouvoir réglementaire d’une durée maximale pour le renouvellement des mesures d’assistance éducative, mais un examen de l’opportunité de mesures alternatives lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret selon l’âge de l’enfant.

La Commission a proposé de maintenir la suppression des I et II du présent article et n’a pas proposé de modifier son III. Elle a émis un avis favorable sur cet article ainsi rédigé.

I. LE DROIT DE L’ENFANT DE MAINTENIR LES LIENS QU’IL A NOUÉS AVEC UN TIERS

Le I du présent article, supprimé par le Sénat, visait à consacrer le droit de l’enfant à entretenir des relations personnelles avec un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui ou a noué avec lui des liens affectifs. Il modifiait, à cette fin, le second alinéa de l’article 371-4 du code civil.

A.  L’ÉTAT DU DROIT

En l’état du droit, le premier alinéa de l’article 371-4 du code civil garantit le droit de l’enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, seul son intérêt pouvant y faire obstacle. Cette disposition reconnaît ainsi une place privilégiée, en particulier, aux grands-parents et aux arrière-grands-parents de l’enfant.

Le second alinéa de ce même article prévoit pour sa part que, si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixes les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non. La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a complété cet alinéa afin de préciser que tel est le cas « en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».

Selon la circulaire de la garde des Sceaux du 29 mai 2013 de présentation de la loi du 17 mai 2013, « sous cette expression, le législateur désigne le « beau-parent » qui a partagé pendant un temps certain la vie de l’enfant ». L’intention du législateur, telle qu’elle ressort des travaux préparatoires de la loi du 17 mai 2013, était, plus largement, de permettre le maintien des relations personnelles de l’enfant avec son parent « social » ou « non statutaire » en cas de séparation du couple (5).

En application de cette disposition, un tiers peut saisir le juge afin de se voir reconnaître, même si les parents s’y opposent, un droit de visite et d’hébergement du mineur, si tel est l’intérêt de l’enfant.

B.  LA PROPOSITION DE LOI INITIALE

Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, le I du présent article réécrivait le second alinéa de l’article 371-4 du code civil afin d’en renforcer la portée. Il y apportait deux modifications principales.

En premier lieu, le régime applicable au tiers serait rapproché de celui applicable aux ascendants. Un droit de l’enfant à entretenir des relations personnelles avec les tiers, parents ou non, serait consacré. Toutefois, alors qu’il est précisé, pour les ascendants, que seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit, pour le tiers serait maintenue la règle actuelle selon laquelle le juge peut fixer les modalités de ses relations avec l’enfant, si tel est l’intérêt de ce dernier.

En second lieu, la définition du tiers visé en particulier par cette disposition depuis la loi précitée du 17 mai 2013 serait simplifiée : il s’agirait du tiers qui « a résidé de manière stable avec [l’enfant] ou [qui] a noué avec lui des liens affectifs ». La définition proposée est plus ouverte et plus large que celle en vigueur, qui exige le cumul de plusieurs critères :

– avoir résidé de manière stable avec l’enfant et l’un de ses parents ;

– avoir pourvu à son éducation, son entretien ou son installation ;

– avoir noué avec l’enfant des liens affectifs durables.

Les changements proposés sont les suivants :

– la référence au fait d’avoir pourvu à l’éducation, à l’entretien ou à l’installation de l’enfant serait supprimée ;

– la condition liée à la résidence serait simplifiée, car il ne serait plus exigé d’avoir résidé avec l’un des parents de l’enfant, seule la résidence avec l’enfant étant déterminante ;

– s’agissant de la condition liée à l’existence de liens affectifs, l’adjectif « durables » est supprimé ;

– les conditions de résidence avec l’enfant et de liens affectifs avec lui deviennent alternatives, au lieu d’être cumulatives.

La rédaction proposée reprenait, pour partie, la proposition n° 24 du groupe de travail « Protection de l’enfance et adoption » présidé par Mme Adeline Gouttenoire (6).

C.  LA SUPPRESSION DE CETTE DISPOSITION PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, suivant l’avis de la commission des Lois de cette assemblée, a adopté deux amendements de suppression de cette disposition, l’un de la rapporteure au fond, Mme Michelle Meunier, et l’autre du rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, M. François Pillet. Aux termes de l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Meunier, la modification du second alinéa de l’article 371-4 du code civil, moins de deux ans après la loi du 17 mai 2013 l’ayant déjà modifié, ne serait pas opportune.

La commission des Lois du Sénat avait proposé cette suppression pour ce motif. Elle avait aussi fait valoir que cette disposition ne concernerait pas l’enfance en danger, mais plutôt les règles générales de l’autorité parentale et le statut du tiers vis-à-vis de l’enfant et que son opportunité devrait être débattue dans le cadre de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant (7), adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 27 juin 2014.

Sur le fond, la commission des Lois a également émis des réserves sur la rédaction proposée, qui mettrait les tiers sur le même plan que les grands-parents s’agissant des relations qu’ils peuvent nouer avec l’enfant et qui élargirait excessivement la définition du tiers, par rapport à celle adoptée en 2013.

D.  LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a proposé de maintenir la suppression du I du présent article. Il n’apparaît en effet opportun de modifier à nouveau l’article 371-4 du code civil, qui a été complété récemment par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

II. COMPÉTENCE DU JUGE DES ENFANTS EN MATIÈRE DE DROIT DE VISITE ET D’HÉBERGEMENT D’UN TIERS DANS LE CADRE DE L’ASSISTANCE ÉDUCATIVE

Dans la proposition de loi initiale, le II du présent article, supprimé par le Sénat, visait à permettre au juge des enfants de fixer, dans le cadre de l’assistance éducative, les modalités des relations de l’enfant avec un tiers, lorsque l’enfant a noué avec lui des liens affectifs. Il créait à cette fin un nouvel article 375-4-1 au sein du code civil.

A.  L’ÉTAT DU DROIT

La répartition des compétences entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales en matière d’exercice du droit de visite et d’hébergement d’un enfant faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative obéit à des règles complexes.

1.  Les textes applicables

C’est, en principe, en application de l’article 371-4 du code civil, le juge aux affaires familiales qui est compétent pour fixer, dans l’intérêt de l’enfant, les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non.

Toutefois, en matière d’assistance éducative, le premier alinéa de l’article 375-1 du même code indique que « le juge des enfants est compétent, à charge d’appel, pour tout ce qui concerne l’assistance éducative ».

En outre, en application de l’article 375-7, premier alinéa, du code civil « les père et mère de l’enfant bénéficiant d’une mesure d’assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ». Le quatrième alinéa précise que s’il a été nécessaire de confier l’enfant à une personne ou un établissement, ses parents conservent un droit de correspondance ainsi qu’un droit de visite et d’hébergement, dont les modalités sont fixées par le juge des enfants.

Le juge compétent pour se prononcer sur les modalités d’exercice du droit de visite et d’hébergement par un tiers d’un enfant bénéficiant d’une mesure d’assistance d’éducative n’apparaît pas de manière évidente à la simple lecture de ces textes.

Plusieurs arguments pourraient être invoqués en faveur de la compétence du juge aux affaires familiales :

– les relations entre l’enfant et un tiers n’apparaissent qu’à l’article 371-4, qui confie la détermination de leurs modalités au juge aux affaires familiales ;

– la compétence du juge des enfants en matière d’exercice du droit de visite et d’hébergement n’est mentionnée qu’à l’article 375-7 et uniquement pour les relations de l’enfant placé avec ses propres parents.

À l’inverse, l’article 375-4 semble confier au juge des enfants l’ensemble de la compétence en matière d’assistance éducative, ce qui pourrait inclure le droit de visite et d’hébergement d’un tiers.

2.  La jurisprudence de la Cour de cassation

Dans un arrêt rendu le 9 juin 2010, la Cour de cassation (8) a privilégié les termes du premier alinéa de l’article 375-1 du code civil et a jugé que « si le juge aux affaires familiales est en principe compétent pour fixer, dans l’intérêt de l’enfant, les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non, le juge des enfants est seul compétent, en cas de placement, pour statuer sur ces modalités ».

La compétence du juge des enfants s’agissant d’un enfant faisant l’objet d’un placement est donc clairement établie. L’assistance éducative ne se limite cependant pas au placement. Elle inclut aussi, en particulier, les mesures d’assistance éducative en milieu ouvert, c’est-à-dire en cas de maintien de l’enfant dans son milieu familial, avec un suivi effectué par un éducateur spécialisé par exemple.

B.  LA PROPOSITION DE LOI INITIALE

Dans sa rédaction initiale, le II du présent article prévoyait de consacrer, d’une manière générale, la compétence du juge des enfants pour fixer, dans le cadre de l’assistance éducative et si tel est l’intérêt de l’enfant, les modalités des relations du tiers avec tiers, parent ou non, lorsque l’enfant a noué avec lui des liens affectifs. La définition du tiers était identique à celle proposée par le I.

Un nouvel article 375-4-1 aurait été inséré à cette fin dans le code civil. Son premier alinéa aurait également précisé que le juge des enfants aurait pu être saisi par les parents ou par l’un d’eux, par le tiers ou par le mineur lui-même.

Le deuxième alinéa de cette disposition nouvelle aurait précisé que le juge informe l’enfant de ces modalités.

Ce nouvel article aurait ainsi consacré la jurisprudence de la Cour de cassation du 9 juin 2010, en allant cependant au-delà puisque la compétence du juge des enfants pour fixer les modalités des relations de l’enfant avec un tiers ne se serait pas limitée à l’enfant faisant l’objet d’un placement, mais aurait inclus plus largement tout enfant faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative.

C.  LA SUPPRESSION DE CETTE DISPOSITION PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat a supprimé cette disposition sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois, M. François Pillet, au motif que l’objet du II du présent article est déjà satisfait par le droit en vigueur, puisque la Cour de cassation a jugé, dans l’arrêt précité du 9 juin 2010, que « le juge des enfants est seul compétent, en cas de placement, pour statuer sur les modalités [des relations de l’enfant avec un tiers] ».

M. Pillet a également fait valoir que la rédaction proposée poserait problème, puisqu’elle étendrait cette compétence aux cas où l’enfant est maintenu au côté de ses parents. Or, dans une telle situation, les parents, qui disposent alors de toutes leurs prérogatives d’autorité parentale, décident seuls de qui fréquente l’enfant.

D.  LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a proposé de maintenir la suppression du II, dans la mesure où il est déjà satisfait par la jurisprudence de la Cour de cassation du 9 juin 2010, s’agissant de l’enfant ayant fait l’objet d’un placement. L’extension de la compétence du juge des enfants pour fixer les relations avec un tiers de tout enfant faisant l’objet d’une mesure d’assistance éducative (sans se limiter au seul placement) apparaît par ailleurs discutable.

III. LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION STABLE POUR L’ENFANT PLACÉ

Le III du présent article a été inséré par le Sénat lors de l’examen en première lecture. Il est en réalité issu des alinéas 6 et 7 du II, qui prévoyaient que, en principe, les mesures de placement ne pouvaient être renouvelées que pour une durée maximale définie par décret selon l’âge de l’enfant. Le Sénat a réécrit cette disposition, qui impose désormais seulement au service de l’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant a été confié d’examiner, à l’expiration d’une durée fixée par décret selon l’âge de l’enfant, l’opportunité d’autres mesures susceptibles de garantir la stabilité des conditions de vie de l’enfant.

A.  L’ÉTAT DU DROIT

L’article 375, alinéa 3, du code civil prévoit que la durée d’une mesure éducative exercée par un service ou une institution ne peut en principe excéder deux ans et qu’elle peut être renouvelée par décision motivée. Cet encadrement de la durée ne s’applique pas lorsque la mesure n’est pas exercée par un service ou une institution, par exemple lorsque l’enfant a été confié à des particuliers (9).

L’alinéa 4 de l’article 375 prévoit que « lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l’état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d’accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l’enfant de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir ».

Dans tous les cas, un rapport concernant la situation de l’enfant doit être transmis annuellement au juge des enfants.

B.  LA RÉDACTION INITIALE DE LA PROPOSITION DE LOI

Les alinéas 6 et 7 du II, qui faisaient partie du nouvel article 375-4-1 du code civil, prévoyaient que, dans les cas mentionnés aux 3°, 4° et 5° de l’article 375-3 du même code (c’est-à-dire lorsque le juge des enfants a décidé de confier l’enfant à un service départemental d’aide sociale à l’enfance, à un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ou à un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé), la mesure de placement ne peut être renouvelée que pour une durée maximale définie par décret selon l’âge de l’enfant.

À l’expiration de cette durée, le juge aurait dû rendre une ordonnance garantissant « la stabilité des conditions de vie de l’enfant afin de lui permettre de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective, éducative et géographique dans un lieu de vie adapté à ses besoins ».

Une exception était prévue, afin de permettre au juge de déroger à cette durée maximale à raison de circonstances particulières définies par décret.

Ce dispositif s’inspirait d’une disposition de la législation québécoise de protection de l’enfance. Son but était d’éviter à l’enfant un parcours chaotique, jalonné de placements renouvelés jusqu’à sa majorité, sans qu’une situation stable ne lui ait jamais été proposée.

C.  LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, sur la proposition de sa rapporteure, Mme Michelle Meunier, et du rapporteur pour avis de la commission des Lois, M. François Pillet, a réécrit cette disposition.

Le III du présent article a ainsi pour objet l’insertion d’un nouvel article L. 227-2-1 au sein du code de l’action sociale et des familles. Ce nouvel article ne prévoit plus une durée maximale de placement s’imposant au juge des enfants, mais une obligation pour le service de l’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant a été confié d’examiner, lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret selon l’âge de l’enfant, l’opportunité d’autres mesures susceptibles de garantir une continuité de ses conditions de vie. Il appartiendra à ce service d’en informer le juge des enfants qui suit le placement et de lui présenter les raisons qui l’amènent à retenir ou à exclure les mesures envisageables.

D.  LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a émis un avis favorable à l’adoption du III tel qu’il a été modifié par le Sénat (sous réserve de l’adoption d’un amendement de rectification d’une erreur de référence). La recherche d’une solution pérenne pour l’enfant paraît en effet davantage relever de la mission du service de l’aide sociale à l’enfance que du juge des enfants.

*

* *

La Commission adopte l’amendement de rectification d’une erreur de référence CL9 de la rapporteure pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

TITRE III
ADAPTER LE STATUT DE L’ENFANT PLACÉ SUR LE LONG TERME

Article 12
Réforme des règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté

Cet article, qui avait été supprimé en première lecture par le Sénat et que la Commission a proposé de rétablir, vise à réformer les règles applicables à la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, afin de réserver l’initiative de cette révocation au seul ministère public.

Rappelons qu’il existe deux formes d’adoption : l’adoption plénière et l’adoption simple. La première entraîne une rupture du lien de parenté d’origine (y compris les droits héréditaires), l’adopté acquérant une nouvelle filiation qui remplace celle d’origine, et est irrévocable. La seconde, à l’inverse, n’a pas pour conséquence de rompre les liens de l’enfant avec sa famille d’origine et peut être révoquée pour des motifs graves.

Selon la dernière étude statistique disponible (10), en 2007 sur 9 412 adoptions simples prononcées (contre 3 964 adoptions plénières) :

– 87 % concernaient des personnes majeures (l’âge médian des adoptés était de 32,9 ans) ;

– 95 % des adoptions simples étaient prononcées dans un cadre intrafamilial, avec l’adoption de l’enfant du conjoint dans la plupart des cas (79,5 %).

Selon plusieurs rapports récents, l’adoption simple est insuffisamment utilisée au profit d’enfants placés et mériterait d’être davantage utilisée comme mesure de protection de l’enfance (11). Cette faible utilisation résulterait principalement de sa révocabilité et du maintien des liens de l’adopté avec la famille biologique.

I. L’ÉTAT DU DROIT

La révocation de l’adoption simple est régie par l’article 370 du code civil.

A.  L’INITIATIVE DE LA DEMANDE DE RÉVOCATION

Aux termes de l’article 370, l’initiative de la demande de révocation est réservée, lorsque l’adopté est majeur, à l’adoptant et à l’adopté.

Durant la minorité de l’adopté, cette initiative est réservée au ministère public, à la famille d’origine (père et mère par le sang ou, à leur défaut, un membre de la famille d’origine jusqu’au degré de cousin germain inclus) et, si le mineur a plus de quinze ans, à l’adoptant. La rédaction de l’article 370 laisse également supposer que l’adopté mineur émancipé peut introduire une demande de révocation de son adoption.

B.  LES MOTIFS DE LA RÉVOCATION

La révocation ne peut être prononcée par le tribunal de grande instance que si la demande s’appuie sur des motifs graves. Ceux-ci sont appréciés souverainement par les juges du fond (12). La jurisprudence témoigne d’une certaine rigueur dans l’appréciation de ces motifs. Ont ainsi été rejetées des demandes de révocation fondées sur l’action de l’adopté tendant au versement d’une pension alimentaire pour parfaire ses études, la mésentente résultant du comportement de la nouvelle compagne de l’adoptant, la cessation des relations durant plusieurs années entre l’adopté et l’adoptant ou encore la découverte que l’adopté n’est pas l’enfant biologique de l’adoptant alors que cette croyance avait fondé l’adoption.

En 2010, 56 demandes de révocation ont été déposées et 17 décisions de révocation prononcées. Ce sont souvent des motifs relatifs au comportement de l’adopté (refus d’autorité, violence, actes de délinquance, etc.) qui ont été retenus.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

L’article 12 qui figurait dans la proposition initiale a pour objet de rendre plus difficile la révocation de l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, afin d’encourager le recours à cette forme d’adoption dans le cadre de la protection de l’enfance. À cette fin, il modifie l’article 370 du code civil pour réserver, durant la minorité de l’adopté, l’initiative d’une demande de révocation au seul ministère public.

Le 1° vise à rendre irrecevable la demande de révocation faite par l’adoptant durant la minorité de l’adopté, alors que le droit actuel prévoit que cette demande est recevable dès lors que l’adopté est âgé de plus de 15 ans.

Le 2° supprime pour sa part le troisième alinéa de l’article 370, qui prévoit qu’une demande de révocation peut être déposée par la famille d’origine de l’adopté (père et mère par le sang ou, à leur défaut, un membre de la famille d’origine jusqu’au degré de cousin germain inclus) durant sa minorité.

Cette disposition reprend la rédaction de l’article 5 de la proposition de loi sur l’enfance délaissée et l’adoption déposée le 21 septembre 2011 à l’Assemblée nationale par Mme Michèle Tabarot (13). Ce texte avait été adopté en première lecture à l’Assemblée le 1er mars 2012, mais son article 5 avait été supprimé en séance publique à la demande du Gouvernement.

Elle reprend également l’une des propositions du rapport d’information de Mme Muguette Dini et Michelle Meunier (14) et une recommandation du rapport du groupe de travail « Protection de l’enfance et adoption » (15).

III. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, sur la proposition du rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois, a supprimé cet article.

À l’appui de son amendement de suppression, son auteur a fait valoir, en premier lieu, que l’adoption simple se caractérisant par le maintien des liens de l’enfant avec la famille d’origine, il serait opportun, dans l’intérêt de l’enfant, de maintenir la possibilité pour celle-ci de saisir le juge d’une demande de révocation en cas d’échec de l’adoption simple.

S’agissant de la suppression de la possibilité pour l’adoptant de demander la révocation lorsque l’adopté est un mineur de plus de quinze ans, il a soutenu, en deuxième lieu, qu’il ne serait pas sûr qu’il soit de l’intérêt de l’enfant de lui imposer le maintien d’un lien de filiation adoptive avec une personne qui souhaite rompre ce lien et qui, de ce fait, ne lui porte vraisemblablement plus l’intérêt et l’affection dont il a besoin.

Enfin, à l’inverse de l’objectif poursuivi, la quasi-irrévocabilité de l’adoption simple risquerait selon lui d’avoir un effet dissuasif sur les adoptants potentiels puisqu’ils ne pourront plus la révoquer si cela se passe mal, ainsi que sur la famille d’origine qui risquerait d’hésiter à consentir à l’adoption.

Un amendement de rétablissement de cet article, présenté à titre personnel par la rapporteure de la commission des Affaires sociales, Mme Michelle Meunier, lors de l’examen du texte en séance publique le 28 janvier 2015, a été rejeté, malgré l’avis favorable du Gouvernement.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION

Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement de rétablissement de cet article. Celui-ci opère une réforme bienvenue et utile de la révocation de l’adoption simple afin de favoriser le développement de cette dernière en tant qu’instrument de protection de l’enfance. En réservant la possibilité d’en demander la révocation au seul ministère public durant la minorité de l’adopté, cette réforme fait disparaître l’un des freins juridiques à l’utilisation de l’adoption simple.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL10 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir l’article 12, supprimé par le Sénat lors de la première lecture de la présente proposition de loi.

Certaines familles étant réticentes à s’engager dans la procédure d’adoption simple – qui, je le rappelle, ne nie pas la filiation d’origine – en raison de sa révocabilité, il vous est proposé de réserver la possibilité de demander sa révocation, lorsque l’adopté est mineur, au seul ministère public, alors qu’en l’état du droit cette révocation peut aussi être demandée par la famille d’origine de l’adopté. Nous espérons que cette procédure pourra ainsi bénéficier à un plus grand nombre d’enfants.

La Commission adopte l’amendement.

Elle exprime ce faisant un avis favorable au rétablissement de l’article 12 ainsi rédigé.

Article 14 (supprimé)
Permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants, précédemment adoptés, admis en qualité de pupilles de l’État

Cet article, supprimé par le Sénat en première lecture, avait pour objet de permettre une nouvelle adoption plénière d’enfants déjà adoptés sous la forme plénière, si ceux-ci ont été admis en qualité de pupilles de l’État. Il supprimait en conséquence la possibilité, s’il est justifié de motifs graves, d’une adoption simple d’un enfant ayant déjà fait l’objet d’une adoption plénière.

La Commission a proposé de maintenir sa suppression.

I. L’ÉTAT DU DROIT

L’adoption plénière, régie par le chapitre Ier du titre VIII du livre Ier du code civil, entraîne la rupture complète et définitive des liens de filiation avec sa famille d’origine. En application de l’article 356 du code civil, l’enfant adopté sous cette forme se voit conférer une filiation qui se substitue à sa famille d’origine : il cesse d’appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des prohibitions à mariage prévues par les articles 161 à 164 du code civil. Seule l’adoption de l’enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d’origine à l’égard de ce conjoint et de sa famille.

Par voie de conséquence, l’adoption plénière est en principe irrévocable (article 359 du code civil), ce qui constitue l’un des principaux critères la distinguant de l’adoption simple : l’adoption plénière ayant rompu la filiation d’origine, cette irrévocabilité vise à ne pouvoir priver l’adopté en la forme plénière de toute filiation.

Le premier alinéa de l’article 346 du code civil prévoit par ailleurs que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux. Deux exceptions à ce principe sont prévues par le second alinéa du même article, aux termes duquel une nouvelle adoption peut être prononcée soit après le décès de l’adoptant ou des deux adoptants soit encore après décès de l’un des deux adoptants, si la demande est présentée par le conjoint survivant d’entre eux.

L’article 360 du code civil apporte également un tempérament au principe d’irrévocabilité, en permettant, s’il est justifié de motifs graves, l’adoption simple d’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière. Ce tempérament permet notamment de faire face à l’échec d’une première adoption, caractérisée notamment par la rupture de toute relation entre l’adopté et l’adoptant (16).

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

Le présent article reprend la proposition n° 40 du rapport du groupe de travail « Protection de l’enfance et adoption », selon lequel « de même que l’adoption d’un enfant dont la filiation repose sur un lien biologique est envisageable, l’adoption d’un enfant qui a bénéficié d’une filiation adoptive ne devrait pas être interdite ».

Le I du présent article prévoyait ainsi de compléter le second alinéa de l’article 346 du code civil, afin d’ouvrir la possibilité d’adopter une seconde fois sous la forme plénière un enfant ayant déjà été adopté sous cette forme s’il a été admis en qualité de pupille de l’État.

En conséquence, le II abrogeait le deuxième alinéa de l’article 360 du code civil, c’est-à-dire la possibilité pour un enfant adopté sous la forme plénière d’être adopté sous la forme simple s’il est justifié de motifs graves.

III. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois, a supprimé cet article.

Selon elle, le dispositif proposé conduirait à remettre profondément en cause le principe d’irrévocabilité de l’adoption plénière posé à l’article 359 du code civil. Si un enfant adopté en la forme plénière, admis en qualité de pupille de l’État, pouvait faire à nouveau l’objet d’une adoption plénière, cette adoption « écraserait » la précédente, ce qui reviendrait à une révocation de la première adoption. Il conviendrait par conséquent, selon le rapporteur pour avis de la commission des Lois, d’abroger l’article 359 du code civil, qui pose le principe d’irrévocabilité de l’adoption plénière.

En outre, cette forme de révocation d’une adoption plénière serait paradoxalement plus aisée que celle d’une adoption simple : cette dernière est subordonnée à des motifs graves, alors que l’admission en qualité de pupille de l’État peut résulter, en application des 2° et 3° de l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles, de la remise de l’enfant par les parents adoptifs au service de l’aide sociale à l’enfance, qui n’est soumise à aucune condition autre que de délais.

Selon la commission des Affaires sociales du Sénat, les enjeux importants soulevés par un changement d’une telle ampleur devraient être discutés dans le cadre d’une réflexion plus générale sur l’adoption.

Deux amendements visant à rétablir cet article ont été présentés par Mme Michelle Meunier et par M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues lors de l’examen du texte au cours de la séance publique du 28 janvier 2015. Ils ont été retirés par leurs auteurs, à la demande du Gouvernement, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées de la famille et de l’autonomie, ayant indiqué que « nous ne sommes pas prêts en termes d’expertise psychologique et juridique » (17).

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a proposé de maintenir la suppression de cet article, car la réforme proposée aurait pour effet de remettre en cause l’irrévocabilité de l’adoption plénière, qui constitue l’un des critères de distinction fondamentaux de cette forme d’adoption de celle en la forme simple.

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M. le président. L’article 14 a été supprimé par le Sénat.

Je ne suis saisi d’aucun amendement visant à le rétablir.

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.

Article 15
(art. 353 du code civil)

Audition de l’enfant doué de discernement dans le cadre d’une procédure d’adoption

Le présent article prévoyait initialement la nomination systématique d’un administrateur ad hoc pour représenter les intérêts de l’enfant dont l’adoption est demandée ainsi que l’audition systématique de l’enfant doué de discernement dont l’adoption est demandée.

Le Sénat a supprimé le I de cet article, qui prévoyait la nomination systématique d’un administrateur ad hoc, ainsi que son III qui modifiait une disposition du code de procédure civile, de nature réglementaire, et il a complété le II relatif à l’audition de l’enfant.

La Commission a proposé de maintenir la suppression du I et du III et a complété le II.

I. LA DÉSIGNATION SYSTÉMATIQUE D’UN ADMINISTRATEUR AD HOC DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE D’ADOPTION

A.  L’ÉTAT DU DROIT

En l’état du droit, l’article 388-2 du code civil prévoit, d’une manière générale, que lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en contradiction avec ceux de ses représentants légaux, le juge saisi de l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter. La désignation n’est donc pas automatique, mais est obligatoire pour le juge s’il constate qu’il existe un conflit d’intérêts.

B.  LA RÉFORME PROPOSÉE

Le I du présent article prévoyait de systématiser la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant dans le cadre de la procédure d’adoption, qu’un conflit d’intérêts soit constaté ou non. Il complétait l’article 345 du code civil à cette fin.

C.  LA SUPPRESSION DE CETTE DISPOSITION PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, suivant l’avis de la commission des Lois, a supprimé cette disposition, au motif qu’imposer la nomination à chaque procédure d’adoption d’un administrateur ad hoc serait inutile, l’article 388-2 du code civil prévoyant déjà la nomination d’un administrateur en cas de conflit d’intérêts et une telle nomination n’étant pas nécessaire en l’absence d’un tel conflit. Cela reviendrait à priver le juge de ses facultés d’appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts.

En outre, selon le rapporteur pour avis de la commission des Lois du Sénat, sans même évoquer son coût, cette disposition se heurterait à des difficultés pratiques non négligeables puisque sa mise en œuvre suppose un nombre d’administrateurs ad hoc suffisants et formés aux spécificités de l’adoption, ce qui n’est pas le cas actuellement.

D.  LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission n’a pas proposé de rétablir le I du présent article relatif à la désignation systématique d’un administrateur ad hoc dans le cadre des procédures d’adoption, dès lors que le droit en vigueur prévoit déjà la nomination d’un administrateur en cas de conflits d’intérêts. Le manque d’administrateurs ad hoc rendrait en outre la mesure plus théorique qu’effective.

II. L’AUDITION SYSTÉMATIQUE DE L’ENFANT DOUÉ DE DISCERNEMENT

A.  L’ÉTAT DU DROIT

En l’état du droit, le recueil de la parole de l’enfant dans le cadre d’une procédure d’adoption est régi, d’une part, par l’article 388-1 du code civil applicable à toute procédure concernant un mineur et, d’autre part, par les articles 345 et 348-3 du même code relatifs au consentement de l’adopté à son adoption lorsqu’il est âgé de plus de treize ans.

1.  Le dispositif prévu par l’article 388-1 du code civil

L’article 388-1 du code civil prévoit que, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.

Le mineur peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.

L’article 19 de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 27 juin 2014 et qui a été transmise au Sénat, supprime l’expression « capable de discernement » et complète l’article 388-1 par un alinéa aux termes duquel le mineur doit être « entendu selon des modalités adaptées à son degré de maturité ». Il prévoit également que l’audition du mineur est de droit lorsque celui-ci en fait la demande, sauf si le juge estime, par une décision spécialement motivée, que l’intérêt de l’enfant s’y oppose.

Cette réforme vise à renforcer l’écoute de la parole de l’enfant, dont l’audition est trop souvent écartée, en particulier lorsqu’il est âgé de moins de douze ou treize ans. L’appréciation de la notion de discernement diffère en outre d’une juridiction à l’autre.

2.  Le consentement de l’adopté âgé de plus de treize ans

En matière d’adoption, des règles spécifiques sont prévues lorsque le mineur est âgé de plus de treize ans.

En application de l’article 345 du code civil, l’adopté de plus de treize ans doit consentir à son adoption, qu’elle soit plénière ou simple (18). Ce consentement est donné devant un notaire français ou étranger, ou devant les agents diplomatiques ou consulaires français (article 348-3 du même code). Il peut également être reçu par le service de l’aide sociale à l’enfance lorsque l’enfant lui a été remis. Il peut être rétracté pendant deux mois.

B.  LA RÉFORME PROPOSÉE

Le II du présent article rend obligatoire l’audition de l’enfant capable de discernement dont l’adoption est demandée. Il insère à cette fin un nouvel alinéa au sein de l’article 353 du code civil. Aucune disposition spécifique n’est prévue, à la différence du dispositif prévu à l’article 388-2 du même code, en cas de refus de l’enfant d’être entendu.

Le III modifiait en conséquence l’article 1170 du code de procédure civile.

C.  LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Le Sénat a supprimé le III, qui modifiait une disposition de nature réglementaire, la procédure civile ne figurant pas à l’article 34 de la Constitution qui détermine les matières qui relèvent de la loi.

Sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Lois, il a par ailleurs complété, en séance publique, le II afin de prévoir que, lorsque son intérêt le commande, l’enfant peut être entendu non pas par le tribunal, mais par une personne désignée par le tribunal à cet effet, comme un psychologue par exemple.

En commission, une rédaction différente avait été adoptée sur l’initiative de Mme Michelle Meunier, aux termes de laquelle « le tribunal entend l’enfant dont l’adoption est demandée selon des modalités adaptées à son degré de maturité ». Cette rédaction reprenait celle figurant à l’article 19 de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, qui concerne cependant l’article 388-1 du code civil, lequel prévoit une audition facultative, et non systématique.

D.  LA POSITION DE LA COMMISSION

Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a adopté un amendement complétant le II du présent article afin d’apporter les précisions nécessaires au nouvel alinéa prévoyant l’audition systématique de l’enfant adopté.

S’inspirant du dispositif prévu, de manière plus générale, par l’article 388-1 du code civil en matière de recueil de la parole de l’enfant, cet amendement précise ainsi que :

– l’enfant doit être entendu selon des modalités adaptées à son degré de maturité ;

– en cas de refus de l’enfant d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus ;

– l’enfant peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt de l’enfant, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne.

Cette rédaction tient également compte des modifications apportées à l’article 388-1 du code civil par l’article 19 de la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture le 27 juin 2014.

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La Commission examine l’amendement CL11 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à mieux prendre en compte la parole de l’enfant. Nous proposons qu’il soit entendu selon des modalités adaptées à son degré de maturité et qu’en cas de refus de sa part d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Notre amendement précise également que l’enfant peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son choix.

Nous souhaitons introduire la notion de degré de maturité pour éviter des disparités entre les différentes juridictions. En effet, la simple mention de l’enfant « capable de discernement » donne lieu à diverses interprétations : certains tribunaux estiment que cette notion de discernement correspond aux enfants ayant atteint l’âge de huit ans, tandis que d’autres retiennent plutôt un âge de onze ou de treize ans.

Mme Colette Capdevielle. Pour ma part, je considère que l’expression « selon des modalités adaptées à son degré de maturité » est trop vague et fait courir le risque d’appréciations très diverses en fonction des juridictions, ce qui constitue un facteur d’inégalité. J’estime qu’il convient de sécuriser davantage cet amendement en partant du principe selon lequel l’enfant doit être entendu même lorsqu’il n’a que trois ou quatre ans – des personnels sont formés pour cela – et je vous invite à réfléchir en ce sens.

M. Bernard Roman. Il me semble que nous pourrions nous accorder sur le fait que l’enfant doit être entendu « avec » et non « selon » des modalités adaptées à son degré de maturité : on n’entend pas un enfant de trois ou quatre ans comme un enfant de onze ans. Quant à la possibilité pour l’enfant d’être assisté d’une personne de son choix, elle est plus facile à mettre en œuvre lorsqu’il a huit ans que lorsqu’il a deux ou trois ans – dans ce dernier cas, il peut tout de même être entendu si une assistante maternelle ou un assistant social qui le connaît peut l’accompagner.

Mme la rapporteure pour avis. Je m’engage à ce que nous réfléchissions à améliorer la rédaction de cet amendement avant son examen en séance publique. Il s’agit là d’un point assez complexe, certains juges considérant par exemple que le comportement physique de l’enfant est révélateur de son degré de compréhension des situations auxquelles il est confronté. Pour le moment, je vous invite à voter l’amendement en l’état.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

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Avant l’article 17

La Commission examine les amendements identiques CL2 rectifié de M. Erwann Binet et CL18 de la rapporteure pour avis.

M. Erwann Binet. L’amendement CL2 rectifié a pour objet d’étendre la possibilité d’adopter aux couples liés par un pacte civil de solidarité (PACS) et aux concubins. À l’heure actuelle, l’article 343 du code civil n’autorise l’adoption par un couple qu’à la condition que ce couple soit marié depuis plus de deux ans ou que les deux époux soient âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans, sachant que, dans les deux cas, ils ne doivent pas être séparés de corps. Ces conditions sont maintenues par la nouvelle rédaction de l’article 343 que je vous propose, ayant uniquement pour objectif de supprimer l’obligation pour le couple d’entrer dans l’institution du mariage, et non d’alléger le cadre légal de l’adoption, qui suppose d’évaluer le projet parental et son aptitude à répondre aux besoins de l’enfant.

La formalité matrimoniale, qui était conforme au mode de vie prévalant lors de l’adoption de la loi en 1966, paraît aujourd’hui surannée. Exception faite de cette obligation qu’il conviendrait de lever, l’établissement d’un lien de filiation n’est pas soumis à obligation de mariage, ni socialement ni juridiquement : de nos jours, 55 % des enfants naissent hors mariage, alors qu’ils n’étaient que 6 % dans cette situation en 1966.

Par ailleurs, je rappelle qu’une personne seule a la possibilité d’adopter, même si elle se trouve en couple – si elle est mariée, elle doit obtenir le consentement de son conjoint. Enfin, depuis 2012, la Cour de cassation admet que l’adoption effectuée à l’étranger par deux personnes non mariées produit pleinement ses effets en France, en précisant que la condition du mariage pour l’adoption conjointe par des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français. L’obligation du mariage est-elle une garantie de stabilité de son cadre de vie pour un enfant qui a parfois derrière lui une histoire difficile ? Nous savons tous que la réponse est négative, puisque près d’un mariage sur deux se termine actuellement par un divorce.

L’assurance pour l’enfant d’entrer dans une famille répondant à ses besoins et à son intérêt est très largement satisfaite par la procédure d’agrément et l’intervention in fine du jugement d’adoption. L’obtention de l’agrément, préalable indispensable à la démarche d’adoption, implique pour les couples qui s’y engagent de se soumettre à des investigations sociales et psychologiques longues et poussées. Notre droit consacre depuis longtemps, dans ses conséquences sur la filiation, la neutralité des modes de conjugalité. Dès lors, la production d’un acte de mariage pour l’adoption s’apparente aujourd’hui à une obligation purement formelle qui ne doit pas exclure les couples ayant choisi de s’engager dans cette démarche.

Cela dit, après avoir défendu cet amendement, je vais le retirer, m’étant rendu compte qu’il présente un problème de rédaction et de coordination avec l’article 346 du code civil. Je le présenterai à nouveau, après l’avoir réécrit, dans le cadre de l’examen du texte en séance publique.

L’amendement CL2 rectifié est retiré.

Mme la rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons, je retire également l’amendement CL18.

L’amendement CL18 est retiré.

Article 17
Obligation de nommer un administrateur ad hoc dans les instances d’assistance éducative

Cet article, qui avait été supprimé par le Sénat et que la Commission a proposé de rétablir, prévoit l’obligation pour le juge des enfants, dans toute procédure d’assistance éducative, de désigner un administrateur ad hoc indépendant du service de l’aide sociale à l’enfance pour représenter les intérêts du mineur, lorsque ceux-ci sont en opposition avec ceux des titulaires de l’autorité parentale.

Comme cela a été vu précédemment, en l’état du droit (voir commentaire de l’article 15), l’article 388-2 du code civil prévoit, d’une manière générale, que lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en contradiction avec ceux de ses représentants légaux, le juge saisi de l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter. La désignation n’est donc pas automatique, mais est obligatoire pour le juge s’il constate qu’il existe un conflit d’intérêts.

Cet article étant applicable à toute procédure dans laquelle un mineur est concerné, il est applicable aux instances dont le juge des enfants est saisi.

Le Sénat, sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, a supprimé cet article, au motif que cette disposition serait d’ores et déjà largement satisfaite par l’article 388-2 du code civil. Au surplus, selon l’auteur de l’amendement de suppression, il ne serait pas opportun de poser comme principe général que l’administrateur ad hoc doit être indépendant du service de l’aide sociale à l’enfance, car il peut arriver que ce service n’ait pas d’intérêt différent de ceux du mineur ou qu’il ne soit pas partie à la procédure (par exemple, dans le cas d’un mineur confié à un tiers digne de confiance ou un membre de la famille). Ce service présenterait en outre souvent l’avantage de bien connaître le mineur et de pouvoir parler au mieux de ses intérêts.

Sur l’initiative de votre rapporteure, la Commission a proposé de rétablir le présent article. Il est en effet utile, en cas de désignation d’un administrateur ad hoc dans les conditions prévues à l’article 388-2 du code civil afin de représenter les intérêts d’un mineur lorsque ceux-ci apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, que cet administrateur soit indépendant du service de l’aide sociale à l’enfance auquel l’enfant a été confié.

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La Commission examine l’amendement CL12 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir l’article 17 de la proposition de loi, dont l’objet est d’assurer l’indépendance à l’égard du service d’aide sociale à l’enfance de l’administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts d’un mineur lorsque ceux-ci apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux. En d’autres termes, on ne nommera pas systématiquement un administrateur, mais, dans les cas où il en serait nommé un, il serait indépendant des services de l’ASE.

La Commission adopte l’amendement.

Elle exprime ce faisant un avis favorable au rétablissement de l’article 17 ainsi rédigé.

Après l’article 17

La Commission est saisie de l’amendement CL5 rectifié de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. J’ai bien entendu votre invitation à retirer mes amendements, madame la rapporteure pour avis, et j’espère que vous ne m’en voudrez pas de ne pas y déférer, car je souhaite qu’ils restent dans la discussion. Il me semble que nous sommes tous d’accord sur le fait que les procédures actuelles n’offrent pas les meilleures garanties contre le risque de placement abusif, ou du moins hâtif, et que notre assemblée s’honorerait à faire en sorte d’améliorer les choses en la matière. En attendant le dialogue avec le ministère de la Famille, que vous avez évoqué et qui pourrait avoir lieu dans les prochains jours, je vous propose quelques modifications de la procédure existante.

L’article 375-2 du code civil dispose que la règle doit être l’assistance éducative en milieu ouvert, le placement restant l’exception, le dernier recours. Or, aujourd’hui, il est fréquent que les juges prennent des décisions de placement dont la motivation, s’inspirant très fortement du rapport rédigé par les éducateurs de l’ASE, ne fait pas apparaître le moindre danger – ou un danger restant indéfini. Une telle situation, outre qu’elle est ressentie de façon négative par les familles concernées, inspire dans certains cas un véritable sentiment de malaise. Parmi les nombreuses décisions dont j’ai eu connaissance, je peux citer celle ayant conduit à retirer d’une famille une fratrie de quatre enfants, alors même qu’il n’y avait pas eu de décision préalable d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) – on ne connaissait donc pas la famille – et que le juge n’était pas capable de désigner le danger auquel les enfants étaient exposés au sein de la famille dont on les a retirés. La brutalité de la mesure au regard de l’absence d’arguments de nature à la justifier me paraît constituer un problème auquel l’amendement CL5 rectifié vise à remédier en invitant le juge à mieux motiver sa décision, notamment en caractérisant le danger qui le conduit à prendre une décision de placement.

Mme la rapporteure pour avis. Nous partageons les mêmes inquiétudes, mais j’insiste sur le fait que le placement est déjà subordonné à une condition de danger, comme le sont toutes les mesures relevant de l’assistance éducative, en application de l’article 375 du code civil. Le placement ne peut ainsi intervenir que si la protection de l’enfant l’exige.

En outre, l’article 375-2 du même code prévoit que, « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ». Le problème que vous évoquez relève donc davantage de l’application de la loi que de la loi elle-même. L’amendement proposant que le placement ne puisse être décidé par le juge des enfants qu’en cas de danger est déjà satisfait par la loi, et je ne pense pas qu’un durcissement des conditions de placement soit opportun. Le placement étant déjà très encadré par la loi, l’amendement proposé révèle une défiance à l’égard des juges des enfants qui ne me paraît pas justifiée.

On ne constate d’ailleurs pas de recours systématique à l’encontre des décisions judiciaires. Certes, il existe des situations où le placement est prononcé de manière hâtive, mais, à l’inverse, il arrive aussi qu’un enfant ne soit pas placé alors qu’il aurait mieux valu qu’il le fût. La réponse à la question que vous soulevez me paraît plutôt à rechercher dans la formation des acteurs concernés – éducateurs à l’aide sociale à l’enfance, juge des enfants – que dans un durcissement des conditions prévues par la loi. Je vous invite donc à retirer cet amendement, et émettrai à défaut un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL6 rectifié de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Si l’article 375-2 du code civil dispose que, « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel », rien ne garantit le respect de ce principe en termes de procédure. L’amendement CL6 rectifié a donc pour objet d’instaurer une gradation dans les mesures de protection de l’enfance. Comme vous le savez, le juge pour enfants ne dispose pas de moyens d’instruction propres sur ce sujet : pour prendre sa décision, il se réfère au rapport établi par les services de l’ASE, ce qui fait que tout repose sur le bon fonctionnement de ces services, et le respect de la procédure contradictoire qui va y être menée en interne. Dans les cas de dysfonctionnement observés, on se rend compte que cette procédure n’a pas été menée correctement, ce qui aboutit à la décision infondée de mettre en œuvre une mesure de placement.

Je propose qu’une mesure de placement ne puisse pas être prononcée – exception faite des cas de danger – sans qu’une mesure d’AEMO ait été préalablement proposée par le service et ordonnée par le juge. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut avoir la certitude – conformément à l’esprit de la loi – que le juge prenant une décision de placement connaît parfaitement la famille concernée, et qu’il prend cette décision en ultime recours.

Mme la rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable pour les mêmes motifs que ceux invoqués précédemment : pour moi, la réponse est dans la formation des juges pour enfants et surtout des assistants sociaux à l’origine du placement.

Mme Colette Capdevielle. En complément de ce que vient de dire Mme la rapporteure pour avis, j’ajouterai que la véritable difficulté a trait au placement en situation d’urgence. En général, un placement intervenant à l’issue d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou d’un suivi du mineur constitue la solution de dernier recours et, dans ce cas, la décision rendue par le juge est motivée. En revanche, dans l’urgence, le juge doit prendre sa décision sur la base des seuls éléments dont il dispose – souvent bien peu, parfois même un simple certificat médical –, ce qui fait que sa décision n’est pas motivée.

Il me semble que la solution pourrait consister à exiger que le placement décidé dans le cadre de l’urgence soit spécialement motivé. Cela permettrait d’éviter certaines situations non seulement dramatiques, mais aussi irréversibles.

M. Bernard Roman. Nous ne devons pas refermer ce dossier trop vite, car l’amendement présenté par M. Marleix fait écho à des situations bien réelles. Ainsi certains enfants sont-ils placés à la suite d’une dénonciation au parquet, le juge estimant que les éléments de la dénonciation lui permettent, sans disposer d’aucune autre information, de prendre une décision de placement dans l’urgence – c’est souvent le cas lorsqu’il est question d’inceste.

Il arrive aussi que des juges soient amenés à prendre des décisions de placement après avoir reçu des enfants ou des familles, sans que l’ASE soit intervenue. Il leur revient alors de juger de l’urgence de la situation en fonction d’éléments souvent très subjectifs et ne répondant en aucun cas au principe du contradictoire du droit français. Peut-être la rédaction de cet amendement n’est-elle pas satisfaisante, mais, sur le fond, l’idée d’imposer des éléments décrivant le danger immédiat auquel sont soumis les enfants, ou de nature à sécuriser la procédure de placement par l’intervention d’un service tiers garantissant le respect du contradictoire, ne me paraît pas devoir être rejetée d’emblée. Sans doute pourrions-nous y réfléchir en lien avec les services de la Chancellerie afin de tenter de définir quelques solutions avant l’examen du texte en séance publique.

Mme la rapporteure pour avis. Nous allons nous efforcer de travailler, avant la séance publique, sur la notion de décision spécialement motivée, afin de répondre de manière plus satisfaisante à la situation des placements en urgence.

M. Olivier Marleix. Je maintiens mon amendement afin que le débat reste ouvert dans l’hémicycle, mais je serai très heureux de me rallier à l’amendement qui pourra être déposé par la rapporteure pour avis sur la base des observations de Colette Capdevielle et Bernard Roman. J’insiste sur le fait que mon amendement n’est pas inspiré par une quelconque défiance à l’égard du juge ou des services sociaux, mais uniquement par le souci de voir les décisions de placement être justifiées de manière plus complète, afin que nos concitoyens soient mieux éclairés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CL7 rectifié de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. J’ignore si la Cour européenne des droits de l’homme, qui s’intéresse beaucoup à notre droit, a déjà eu l’occasion de se pencher sur la question des décisions pouvant être prises par le juge des enfants, mais force est de constater qu’il y aurait matière à s’interroger, notamment quant au respect du principe du procès équitable.

Les familles se trouvent souvent démunies face au juge, car elles sont suspectées d’échouer dans leur mission d’éducation de leurs enfants, si ce n’est de les mettre en danger. De leur côté, les services de l’ASE proposent des mesures pour le compte du président du conseil départemental, dans une relation de collaboration permanente avec le juge – de ce point de vue, ils tiennent un peu le rôle de juge d’instruction auprès du juge des enfants. Cette situation est totalement déséquilibrée et, même si les parents recourent à un avocat, ils se trouvent en situation de fragilité face à une institution qui ne leur offre pas toutes les garanties de bénéficier d’un procès équitable.

Je propose donc que les familles concernées par une décision éventuelle de retrait de leurs enfants puissent se faire accompagner par des associations agréées selon une procédure fixée par un décret en Conseil d’État. En permettant à ces familles de bénéficier d’une plus grande expertise, on rééquilibrera le rapport de forces existant entre elles et l’ensemble formé par le juge et les services chargés de l’assistance éducative.

Mme la rapporteure pour avis. Si l’idée exposée par M. Marleix me paraît intéressante en ce qu’elle peut se concevoir comme une sorte de soutien à la parentalité, j’ai quelques réserves d’ordre technique. L’Observatoire national de la protection de l’enfance est-il bien l’organisme adéquat pour délivrer l’agrément, et ne faudrait-il pas prévoir plutôt un agrément par le ministère chargé de la famille ? Par ailleurs, il me semble que plusieurs améliorations pourraient être apportées à cet amendement sur le plan rédactionnel. J’invite donc son auteur à le retirer afin de le retravailler en vue de la séance en lien avec le secrétariat d’État chargé de la famille. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Olivier Marleix. C’est bien volontiers que je retravaillerai ma proposition ou que je me rallierai à un amendement de la rapporteure pour avis, mais, dans l’immédiat, je préfère maintenir mon amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Article additionnel après l’article 17
(art. 377 du code civil)

Délégation de l’autorité parentale sur saisine du ministère public

La Commission a adopté un amendement de votre rapporteure ayant pour objet d’insérer un article additionnel après l’article 17, qui modifie l’article 377 du code civil pour permettre au ministère public de saisir le juge aux affaires familiales en vue d’une délégation de l’autorité parentale au particulier, à l’établissement ou au service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à un membre de la famille, le cas échéant sur transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou sur avis du juge des enfants.

I. L’ÉTAT DU DROIT

L’article 377 du code civil est relatif à la délégation totale ou partielle de l’exercice de l’autorité parentale. Son premier alinéa traite de la délégation volontaire, qui intervient à la demande des parents et au profit d’un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide à l’enfance.

Son deuxième alinéa concerne la délégation dite « forcée » ou sanction de l’exercice de l’autorité parentale qui, à la différence de la précédente, intervient à la demande d’un particulier, de l’établissement ou du service départemental d’aide sociale à l’enfant (ASE) qui a recueilli l’enfant ou d’un membre de la famille, et non pas à l’initiative des parents.

Cette délégation peut intervenir « en cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ». Le désintérêt manifeste a été constaté, par exemple, en l’absence d’exercice du droit de visite pendant plusieurs années (19) ou d’absence de la vie de l’enfant depuis huit ans et de non-versement de pension alimentaire depuis le divorce (20). L’impossibilité d’exercer l’autorité parentale renvoie à l’incapacité et à l’absence visée par l’article 373 du code civil, mais a aussi été admise à l’égard d’un parent difficilement joignable et ne prenant pas en compte les besoins de son enfant (21).

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

L’amendement de votre rapporteure insère un nouvel alinéa après le deuxième alinéa de l’article 377 du code civil, afin que la délégation « forcée » puisse également être demandée par le ministère public, le cas échéant sur transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou avis du juge des enfants.

Cette nouvelle disposition permet au juge des enfants, lorsqu’il décide du renouvellement d’une mesure d’assistance éducative et, en particulier en cas de renouvellement d’un placement, de transmettre le dossier de l’enfant au procureur qui, s’il le juge opportun, peut saisir le juge aux affaires familiales aux fins de délégation de l’exercice de l’autorité parentale au bénéfice du service ou du particulier auquel l’enfant a été confié.

Cette modification vise à faire évoluer, si tel est son intérêt, le statut de l’enfant placé « au long cours », pour une longue durée. Elle crée également un lien utile entre le juge des enfants et le juge aux affaires familiales, par le truchement du ministère public.

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* *

La Commission examine ensuite l’amendement CL13 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement concerne le statut de l’enfant placé sur le long terme. Le juge des enfants peut, lorsqu’il a décidé du renouvellement d’une mesure, transmettre le dossier au procureur de la République qui, s’il le juge opportun, saisit le juge aux affaires familiales aux fins de délégation de l’exercice de l’autorité parentale au bénéfice du service gardien ou de la personne à qui l’enfant a été confié.

La Commission adopte l’amendement.

Article 18
(art. 347, 350, 381-1 [nouveau] et 381-2 [nouveau] du code civil et art. L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles)

Déclaration judiciaire d’abandon

Le présent article réforme la procédure de la déclaration judiciaire d’abandon. Il a été réécrit par le Sénat lors de la première lecture. Celui-ci a notamment réintroduit le terme « abandon », que la proposition initiale remplaçait par celui de « délaissement manifeste », et souhaité maintenir l’exigence d’un caractère volontaire de l’abandon.

La Commission a adopté un amendement supprimant l’exigence d’une intentionnalité de l’abandon, seule la situation des enfants devant être prise en compte, sous réserve des situations dans lesquelles les parents seraient dans l’incapacité d’exprimer une volonté (coma, grave maladie, etc.). Elle a également adopté un amendement réintroduisant l’obligation pour le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant de déposer une demande en déclaration judiciaire d’abandon à l’expiration d’un délai d’un an durant lequel les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant. Elle a donné un avis favorable au présent article sous réserve de ces modifications.

I. L’ÉTAT DU DROIT

La déclaration judiciaire d’abandon est régie par l’article 350 du code civil.

Le premier alinéa de cet article prévoit que « l’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance […] ».

Son deuxième alinéa précise que sont « considérés comme s’étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs », et son troisième indique que la simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée, mais non suivie d’effet, de reprendre l’enfant n’est pas une marque d’intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d’une demande en déclaration d’abandon.

Si, dans l’année qui précède l’introduction de la demande, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier, l’abandon n’est pas prononcé (alinéa 5).

Sur le plan procédural, la demande doit être adressée au tribunal de grande instance par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant.

La déclaration judiciaire d’abandon constitue l’une des voies d’admission de l’enfant en qualité de pupille de l’État (article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles) et ouvre la possibilité d’une adoption (article 347 du code civil).

II. UNE PROCÉDURE INSUFFISAMMENT UTILISÉE

En pratique, la procédure de déclaration judiciaire d’abandon apparaît peu utilisée. Selon les statistiques de l’observatoire national de l’enfance en danger (ONED), sur 788 enfants admis en qualité de pupilles de l’État en 2012, 216 l’ont été à la suite d’une déclaration judiciaire d’abandon, soit 27,4 % et le nombre d’enfants admis en qualité de pupilles de l’État après une déclaration judiciaire d’abandon a diminué de 70 % entre 1989 et 2008 (22). Selon le rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur le délaissement parental (23), les services de l’aide sociale à l’enfance n’engageraient qu’exceptionnellement et tardivement cette procédure.

Ce faible recours résulterait d’une combinaison de facteurs, parmi lesquels :

– la rédaction ambiguë de l’article 370 et en particulier de la notion de « désintérêt manifeste », avec pour conséquence l’hésitation des services sociaux à déposer une requête qui risquerait d’être rejetée par les magistrats. La jurisprudence de la Cour de cassation a en effet retenu une conception subjective de l’abandon et exige que le manque d’intérêt des parents présente un caractère volontaire (24). Or, il n’est pas toujours aisé d’établir cette volonté des parents et les appréciations des juridictions sont parfois divergentes (telle juridiction juge ainsi que le délaissement par le parent consommateur de stupéfiants n’est pas volontaire tandis que telle autre considère que l’alcoolisme des parents, qui a provoqué le délaissement de l’enfant, relève bien de leur volonté) ;

– les craintes de réactions de la part des parents ou des membres de la famille élargie qui, sans s’être décidés à prendre en charge l’enfant, déclarent s’y intéresser ;

– l’âge déjà avancé de l’enfant ;

– les incertitudes et la longueur de la procédure judiciaire ;

– les réticences des professionnels sociaux et des magistrats, formés à donner la priorité au maintien des relations avec les parents.

Cette situation a pour conséquence préjudiciable qu’un certain nombre d’enfants restent, de leur plus jeune âge jusqu’à leur majorité, en situation de placement définitif, sans qu’une solution alternative telle qu’une adoption ne puisse être trouvée.

III. LA RÉFORME PROPOSÉE

Dans sa rédaction initiale, l’article 18 réforme profondément la procédure de déclaration judiciaire d’abandon.

En premier lieu, il remplace la notion d’« abandon », jugée stigmatisante pour les parents comme pour les enfants concernés, par celle de « délaissement manifeste ».

En deuxième lieu, il déplace les dispositions relatives à cette procédure du titre VIII du livre Ier relatif à la filiation adoptive vers le titre IX relatif à l’autorité parentale, afin de bien marquer qu’il s’agit d’une procédure de protection de l’enfant et de regrouper au sein d’un même titre l’ensemble des dispositions relatives aux défaillances des parents. Le II insère par conséquent au sein du titre IV du livre Ier une nouvelle section 5 intitulée « De la déclaration judiciaire de délaissement manifeste », qui vient à la suite de la section 4 relative au retrait total ou partiel de l’autorité parentale. Elle est constituée de deux nouveaux articles, 381-1 et 381-2. L’article 350 du code civil est en conséquence abrogé par le I.

En troisième lieu, la nouvelle définition du délaissement manifeste figurant au nouvel article 381-1 vise à « objectiver » cette notion, afin de ne la fonder que sur des faits (des omissions de la part des parents), sans plus avoir à rechercher la volonté des parents. Le caractère volontaire du délaissement disparaît, le délaissement d’un enfant étant établi « lorsque ses parents n’ont contribué par aucun acte à son éducation ou à son développement pendant une durée d’un an ».

En quatrième lieu, le nouvel article 381-2, relatif à la procédure, introduit par rapport au droit existant la possibilité pour le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants, de demander la déclaration judiciaire de délaissement. Il impose également au tribunal de se prononcer sur le délaissement dans un délai de six mois à compter du dépôt de la demande.

Le III du présent article opère enfin plusieurs modifications de coordination.

IV. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, sur la proposition de la commission des Lois, a apporté plusieurs modifications importantes à cet article.

En premier lieu, elle a rétabli la notion d’« abandon » à la place de celle de « délaissement manifeste », au motif que le délaissement, au sens pénal, constitue un délit prévu par l’article 227-1 du code pénal, aux termes duquel le délaissement d’un mineur de quinze ans en un lieu quelconque est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, sauf si les circonstances du délaissement ont permis d’assurer la santé et la sécurité de celui-ci. L’emploi d’un même terme avec un sens différent au civil et au pénal serait une source de confusion.

En deuxième lieu, la commission des Affaires sociales du Sénat a rétabli le caractère volontaire de l’abandon, afin que l’abandon ne puisse être déclaré s’il est involontaire. Dans sa nouvelle rédaction, l’article 381-1 dispose ainsi qu’un enfant est considéré comme abandonné lorsque ses parents se sont volontairement abstenus, pendant plus d’un an, d’entretenir avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement. Le rapporteur pour avis de la commission des Lois a notamment fait valoir, à l’appui de cette modification, que la rédaction proposée pourrait conduire à déclarer abandonné un enfant dont les parents souffrent d’une maladie mentale ou sont en dépression grave ou dans le coma.

En troisième lieu, la commission des Affaires sociales du Sénat a supprimé l’obligation pour le tribunal de se prononcer dans un délai de six mois, au motif que des investigations supplémentaires seraient souvent nécessaires.

V. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a adopté deux amendements de votre rapporteure ayant pour objet :

– en premier lieu, de supprimer le mot « volontairement » afin de revenir à l’objet initial du présent article, qui était d’« objectiver » la notion d’abandon, en ne la fondant que sur des éléments factuels (l’abstention de la part des parents de tout acte éducatif), sans avoir à rechercher la volonté des parents.

Afin de tenir compte des situations dans lesquelles cette abstention de la part des parents résulte d’une situation dans laquelle ils sont hors d’état de manifester leur volonté, une exception est prévue lorsque cette omission est due à l’incapacité des parents, au sens du code civil (c’est-à-dire, par exemple, en cas d’altération de leurs facultés mentales ou corporelles liées à un accident ou à une maladie). Dans cette hypothèse, l’article 373 du même code prévoit que les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale.

– en second lieu, de réintroduire l’obligation pour le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant de déposer une demande en déclaration d’abandon à l’expiration d’un délai d’un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

Cette obligation est prévue, depuis 1994, par l’article 350 du code civil. Ce caractère obligatoire de la saisine du tribunal de grande instance à l’expiration d’un délai d’un an. Il est nécessaire de le réintroduire afin de ne pas laisser se prolonger de telles situations, préjudiciables à l’intérêt de l’enfant.

Sous réserve de ces modifications, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption du présent article.

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La Commission est saisie de l’amendement CL14 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 5 de l’article 18, le mot « volontairement », afin de revenir à l’objectif initial du présent article, qui était d’objectiver la notion d’abandon, en ne la fondant que sur des éléments factuels – l’abstention de la part des parents de tout acte éducatif –, sans avoir à rechercher la volonté des parents.

Afin de tenir compte des situations dans lesquelles cette abstention de la part des parents résulte d’une situation dans laquelle ils sont hors d’état de manifester leur volonté, une exception est prévue lorsque cette omission est due à l’incapacité des parents, au sens du code civil, c’est-à-dire par exemple en cas d’altération de leurs facultés mentales ou corporelles liées à un accident ou à une maladie. Dans cette hypothèse, l’article 373 du même code prévoit que les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CL17 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’article 350 du code civil prévoit, depuis 1994, que la demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

Ce caractère obligatoire de la saisine du tribunal de grande instance à l’expiration du délai d’un an au cours duquel les parents n’ont plus entretenu de relations avec l’enfant n’a pas été repris par la proposition de loi. Il est proposé de la réintroduire afin de ne pas laisser se prolonger de telles situations, préjudiciables à l’intérêt de l’enfant.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 modifié.

Article additionnel après l’article 18
(art. L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles)

Admission en qualité de pupilles de l’État des enfants dont les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale

À l’initiative de la rapporteure, la Commission a adopté un amendement de conséquence de l’amendement ayant supprimé, à l’article 18, le caractère volontaire de l’abandon et introduit une exception liée à l’incapacité des parents.

Dès lors que les enfants dont les parents sont privés de l’exercice de l’autorité parentale parce qu’ils sont hors d’état de manifester leur volonté en raison de leur incapacité, comme le prévoit l’article 373 du code civil, ne pourront plus faire l’objet d’une déclaration judiciaire d’abandon, il devient nécessaire de pouvoir les admettre en qualité de pupilles de l’État, notamment pour permettre leur adoption.

En l’état du droit, l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles prévoit que sont admis en qualité de pupille de l’État :

« 1° Les enfants dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue, qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

« 2° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de leur admission comme pupilles de l’État par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ;

« 3° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l’État et dont l’autre parent n’a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d’en assumer la charge ; avant l’expiration de ce délai de six mois, le service s’emploie à connaître les intentions de l’autre parent ;

« 4° Les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle n’est pas organisée selon le chapitre II du titre X du livre Ier du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

« 5° Les enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 380 dudit code ;

« 6° Les enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 350 du code civil. »

L’amendement adopté complète le 5° afin d’ajouter aux enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil, les enfants dont les parents ont été privés de l’exercice de l’autorité parentale en application de l’article 373 du code civil.

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La Commission adopte l’amendement de conséquence CL15 de la rapporteure pour avis.

Après l’article 18

La Commission en vient aux amendements CL3 rectifié et CL4 rectifié de M. Sergio Coronado, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

M. Sergio Coronado. L’amendement CL3 rectifié vise à exclure toute utilisation d’un test osseux pour déterminer l’âge d’un individu, quel que soit le cadre juridique et procédural ou le motif. Les médecins contestent, aux points de vue éthique et scientifique, ce type d’expertise qui s’appuie sur un outil de comparaison forgé aux États-Unis dans les années 1930 d’après des populations blanches et de milieux aisés.

Dans son rapport du 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique précise que « la maturation d’un individu a des variations physiologiques en fonction du sexe, de l’origine ethnique ou géographique, de l’état nutritionnel ou du statut socio-économique ». Il n’est donc pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n’est pas validé scientifiquement et qui, en outre, n’est pas mis en œuvre dans l’intérêt thérapeutique de la personne. En cas de doute, une décision éthique doit toujours privilégier l’intérêt de la personne la plus fragile, en l’occurrence le jeune.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins demande, dans un communiqué du 9 novembre 2010, que « les actes médicaux dans le cadre des politiques d’immigration soient bannis, en particulier les radiologies osseuses ».

J’ajoute qu’il y a également une forte hétérogénéité des pratiques dans les pays membres de l’Union européenne et qu’aucune directive n’existe à ce niveau.

Les jurisprudences administrative et judiciaire ont relevé le peu de fiabilité de cette expertise. Enfin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) recommande fermement l’interdiction pure et simple du test osseux, en précisant que certains tribunaux de grande instance et plusieurs États européens, dont le Royaume-Uni, n’utilisent plus à ce jour cette méthode.

L’amendement CL4 rectifié, qui est un amendement de repli, propose que le juge des enfants puisse autoriser le recours à cette méthode pour déterminer la minorité de l’individu concerné.

Mme la rapporteure pour avis. Je suis favorable au principe de cette interdiction. La fiabilité scientifique de cette méthode d’évaluation n’apparaît en effet pas établie et le recours à ces tests soulève de sérieuses interrogations éthiques.

Toutefois, la rédaction de l’amendement ne me paraît pas suffisamment aboutie pour être adoptée par la commission des Lois. L’expression « tests osseux » ne me semble pas pouvoir être employée dans le code civil ou plus généralement dans la loi. Il conviendrait sans doute d’interdire de se référer, par exemple, à des « examens radiologiques osseux » ou à des « données radiologiques de maturité osseuse ». J’invite donc l’auteur de cet amendement à le retirer et à le retravailler en vue de l’examen du texte en séance publique, si la commission des Affaires sociales n’a pas d’ici là adopté l’un des amendements qui ont été déposés auprès d’elle et qui ont le même objet.

M. Dominique Raimbourg. Les tests osseux ne sont pas en eux-mêmes extrêmement intrusifs. Néanmoins, ils présentent le grand défaut de ne pas être fiables. Si j’ai bien compris, la méthode a été calculée il y a plusieurs dizaines d’années à partir d’individus américains blancs.

M. Bernard Roman. On peut comprendre que les autorités se dotent d’outils pour évaluer l’âge de personnes qui sont souvent des étrangers. Cela dit, peut-on comparer la maturation osseuse d’un Érythréen dénutri, d’un réfugié ou d’un boat people et celle d’un Américain blanc de l’Ohio ? Toutes les autorités médicales contestent cet élément de mesure. Peut-être pourrait-on trouver une rédaction qui serait acceptable par tout le monde.

Mme Colette Capdevielle. Tout en soutenant l’amendement CL3 rectifié, je prends acte des observations de Mme la rapporteure pour avis. Peut-être M. Coronado pourrait-il rectifier une deuxième fois l’amendement et remplacer les mots « des tests osseux » par les mots « des examens radiologiques osseux ».

Avant de prendre des décisions lourdes de conséquences, les magistrats s’appuient sur cette seule méthode d’évaluation de l’âge, très contestable, alors qu’il en existe d’autres.

M. Sergio Coronado. Je suis d’accord pour remplacer les mots « des tests osseux » par « de radiographie osseuse ».

Mme la rapporteure pour avis dit que la commission des Affaires sociales pourrait adopter un amendement similaire. Celui auquel elle fait allusion est en réalité beaucoup plus restrictif, puisqu’il ne vise qu’à interdire l’usage de tels tests dans le cadre des politiques migratoires – sujet qui a suscité bien des polémiques et mobilisé fortement la société civile. Comme l’ont rappelé M. Raimbourg et M. Roman, dès lors que ces radiographies osseuses comportent l’inconvénient majeur de ne pas être fiables, il faut les exclure, quel que soit le contexte. C’est pourquoi mon amendement ne concerne pas seulement les politiques migratoires, mais a une portée plus générale.

M. Olivier Marleix. Quand j’entends M. Coronado, j’ai l’impression d’être dans le monde des Bisounours. Pour avoir dirigé, pendant quelques années, les services d’un conseil général, je peux attester que l’on utilisait les radiologies osseuses pour savoir si une personne qui arrive sur le territoire et qui n’a pas de papiers – parce qu’elle les a perdus ou volontairement détruits –, relève de l’aide sociale à l’enfance. Après les terribles drames qui surviennent actuellement en Méditerranée, nous ne pouvons nier qu’il existe des filières d’immigration clandestine de grande envergure.

M. Sergio Coronado. Ce n’est pas le débat !

M. Olivier Marleix. L’objectif premier de ces mesures n’est pas de lutter contre l’immigration, mais de savoir si des personnes sans papiers sont mineures, c’est-à-dire si elles ont droit, pour d’évidentes raisons d’humanité, à être protégées par notre société et à être prises en charge financièrement par les services de l’ASE. Le prix de placement, je le rappelle, s’élève à plusieurs centaines d’euros par jour : ce n’est pas à nos compatriotes d’assumer les frais d’hébergement d’immigrés clandestins ne relevant pas de cette protection.

Il me paraît totalement irresponsable de se priver d’une méthode permettant de déterminer la minorité d’un individu si l’on est incapable de la remplacer par une autre. Je préfère l’argumentation de Mme Capdevielle, qui propose que les tests osseux ne soient pas le seul critère, et je comprends mieux l’amendement de repli CL4 rectifié qui vise à confier cette responsabilité au juge des enfants, évitant ainsi au conseil départemental de décider seul.

Je crains que le désarmement technique que vous allez créer ne se retourne en fin de compte contre les enfants. En effet, si un trop grand nombre de personnes arrivent d’un seul coup sur notre territoire, certains départements refouleront tout le monde sans chercher à distinguer qui relève de la protection de l’enfance et qui n’en relève pas.

Mme la rapporteure pour avis. On ne peut rectifier de manière inopinée un amendement qui traite d’un tel sujet. J’invite donc M. Coronado à le retirer. Ce sujet, qui est au cœur de la protection de l’enfant, sera mieux traité en commission des Affaires sociales.

M. Sergio Coronado. Je maintiens mon amendement.

Monsieur Marleix, personne ici ne vit dans le monde des Bisounours. Il s’agit seulement de prendre acte que les méthodes utilisées ne sont pas fiables. Alors que le Conseil national de l’Ordre des médecins reconnaît que la méthode des radiographies osseuses n’est pas fiable, vous estimez qu’il faut continuer à l’utiliser. Ce n’est pas ma position.

Madame la rapporteure pour avis, vous dites que des amendements de portée plus générale seront défendus cet après-midi en commission des Affaires sociales. Ils ont en vérité une portée plus restrictive : ceux de M. Robiliard ne concernent que la politique migratoire.

M. Daniel Vaillant. Je suis sensible aux arguments de Bernard Roman. Il est regrettable que la méthode ne soit pas fiable, et il conviendrait d’en avoir une qui le soit. Toutefois, Olivier Marleix n’a pas tort : si l’on ne dispose d’aucune méthode pour déterminer la minorité d’un individu, on court le risque d’une présomption de majorité. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, de jeunes prostituées ont pu basculer dans la minorité après une expertise osseuse, ce qui leur a permis de bénéficier d’aides. Si elles avaient été considérées comme majeures, elles auraient sans doute été livrées à toutes les formes d’exploitation. Aussi, bien que la méthode puisse être contestée, je ne suis pas favorable à son exclusion.

M. Bernard Roman. La rédaction de l’amendement CL4 rectifié permet de faire une synthèse utile entre les exigences exprimées par Daniel Vaillant et la proposition de Mme Capdevielle. En effet, M. Coronado propose que la décision d’expertise médico-légale de détermination de l’âge soit ordonnée par le juge des enfants. Dès lors, il utilise tous les moyens qui sont à sa disposition en matière d’expertise médico-légale. Cela nous permet de ne plus afficher comme un totem une méthode dont tout le monde reconnaît qu’elle n’est pas valable, tout en gardant la possibilité d’ordonner l’expertise médico-légale déterminant l’âge de l’enfant.

Si M. Coronado retirait l’amendement CL3 rectifié, nous pourrions adopter l’amendement CL4 rectifié à une large majorité.

M. Olivier Marleix. À l’occasion de la publication d’un rapport réalisé en 2006 à la demande du ministre de la Justice, l’Académie de médecine confirme, dans un communiqué, que « la lecture de l’âge osseux par la méthode de Greulich et Pyle […] permet d’apprécier avec une bonne approximation l’âge de développement d’un adolescent en dessous de seize ans. Cette méthode ne permet pas de distinction nette entre seize et dix-huit ans ». Elle a formulé des préconisations qui vont dans le sens de ce qu’évoquait Mme Capdevielle : le test osseux ne peut pas être le seul critère, mais on ne peut pas dire que la méthode ne soit pas du tout valable.

M. Dominique Raimbourg. La réflexion doit se poursuivre. Nous ne pouvons pas exclure une méthode en elle-même. Certes, nous ne pouvons que souhaiter qu’elle soit plus fiable, mais nous ne pouvons pas nous replier sur une disposition qui vise à transférer la décision de l’expertise au juge des enfants sans mesurer l’importance de la charge de travail que cela représente : il faudrait en effet saisir le juge des enfants chaque fois qu’un jeune sans papiers se trouve dans les locaux de la police. Nous devons envisager l’amendement de repli avec une grande prudence.

Il faut donc revoir la façon dont on traite les mineurs isolés étrangers tout en veillant à ne pas encourager les filières d’immigration clandestine. Il vaut mieux traiter la question au fond que par le biais d’un amendement sur un texte qui ne s’y prête guère.

La Commission rejette l’amendement CL3, deuxième rectification.

M. Sergio Coronado. Je retire l’amendement CL4 rectifié. Je verrai, à l’issue de l’examen du texte en commission des Affaires sociales, s’il y a lieu de le redéposer en séance publique.

L’amendement CL4 rectifié est retiré.

Article 20 (supprimé)
Automaticité du retrait d’autorité parentale pour les parents auteurs ou complices d’un crime ou d’un délit sur la personne de leur enfant ou de l’autre parent

Cet article, supprimé par le Sénat, visait à rendre automatique le retrait d’autorité parentale par le juge pénal pour les parents qui ont été condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou un délit sur la personne de leur enfant ou sur celle de l’autre parent. La Commission a proposé de maintenir la suppression de cet article.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Le retrait de l’autorité parentale, appelé déchéance de l’autorité parentale jusqu’à la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l’adoption, fait perdre à l’intéressé l’ensemble de ses prérogatives vis-à-vis de son enfant, sans remettre cependant en cause la filiation.

Il peut intervenir à la suite d’une procédure pénale (article 378 du code civil) ou d’une procédure civile, en dehors de toute condamnation pénale (article 378-1 du même code). Le retrait peut être total ou partiel, c’est-à-dire limité à certains attributs de l’autorité parentale. À défaut d’autre détermination dans le jugement, il s’étend à tous les enfants mineurs déjà nés au moment du jugement (article 379 du code civil). En cas de circonstances nouvelles, les parents peuvent adresser au tribunal de grande instance, au plus tôt un an après que le jugement prononçant le retrait soit devenu définitif, une demande de restitution des droits dont ils avaient été privés (article 381).

L’article 378 du code civil prévoit que le retrait de l’autorité parentale peut intervenir, en application d’une disposition expresse du jugement pénal, à l’encontre des père et mère qui sont condamnés :

– soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant ;

– soit comme coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis par leur enfant ;

– soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime sur la personne de l’autre parent.

La loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux et la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ont ajouté quatre articles au code pénal (25) imposant aux juridictions pénales de se prononcer expressément sur le retrait de l’autorité parentale. Ces juridictions sont ainsi tenues de se prononcer sur la question, mais conservent leur liberté d’appréciation.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le retrait de l’autorité parentale constitue « non pas une peine accessoire frappant le condamné mais une mesure de protection de ses enfants d’ordre purement civil » (26).

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

Le présent article visait à rendre automatique le retrait de l’autorité parentale en cas de condamnation comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant ou sur celle de l’autre parent. Le retrait de l’autorité parentale resterait en revanche à la libre appréciation du juge pénal en cas de condamnation pour un crime ou un délit commis par l’enfant.

III. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR LE SÉNAT

Le Sénat a supprimé cet article lors de son examen en séance publique le 28 janvier 2015, sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois, avec l’avis favorable du Gouvernement. À l’appui de son amendement, son auteur a fait valoir que cette disposition priverait le juge d’une appréciation concrète et individualisée de la situation de l’enfant.

L’automaticité prévue témoignerait d’une défiance injustifiée contre les juges. En outre, sa conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales serait douteuse.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans une décision du 17 juillet 2012, a en effet jugé que « la déchéance des droits parentaux est une mesure particulièrement radicale qui ne doit être appliquée que dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’elle est justifiée par une exigence impérieuse liée à l’intérêt supérieur de l’enfant » et elle a considéré que « la mise en œuvre automatique de la mesure, sans contrôle des tribunaux nationaux ni examen des questions de savoir si elle correspond à l’intérêt supérieur de l’enfant ou si la situation de la personne accusée a changé, pose problème » (27). La Cour a donc conclu à une violation de l’article 8 de la Convention garantissant le droit à une vie familiale normale.

Le rapporteur pour avis de la commission des Lois ainsi que Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées de la famille et de l’autonomie, ont également mis en doute la constitutionnalité de cette mesure au regard du principe d’individualisation des peines.

Selon M. François Pillet, la solution retenue par le législateur en 2010 et en 2014, qui consiste à obliger la juridiction pénale à se prononcer sur la question, tout en laissant une liberté d’appréciation, paraît bien plus solide juridiquement et plus sage.

En commission des Affaires sociales, cet article n’avait pas été supprimé, mais simplement complété par une exception permettant au juge pénal de ne pas prononcer le retrait si l’intérêt de l’enfant s’y oppose, sur l’initiative de la rapporteure.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a proposé de maintenir la suppression de cet article. L’automaticité du retrait de l’autorité parentale soulève en effet, comme cela a été souligné au Sénat, des difficultés d’ordre constitutionnel et conventionnel.

*

* *

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’article 20 a été supprimé par le Sénat.

Je ne suis saisi d’aucun amendement visant à le rétablir.

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.

Article additionnel après l’article 20
(art. 378-1 du code civil)

Titulaires de l’action en retrait total ou partiel de l’autorité parentale au service de l’aide sociale

La Commission a adopté un amendement de la rapporteure qui vise à ajouter le service de l’aide sociale à l’enfance et l’administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant à la liste des titulaires de l’action en retrait total de l’autorité parentale prévue par l’article 378-1 du code civil.

En l’état du droit, seuls le ministère public ou un membre de la famille ou le tuteur de l’enfant peuvent intenter cette action. Rappelons que celle-ci permet, en dehors de toute condamnation pénale, de retirer totalement l’autorité parentale aux père et mère qui :

– soit par de mauvais traitements, soit par une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite notoire ou des comportements délictueux, soit par un défaut de soins ou un manque de direction, mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l’enfant ;

– soit, quand une mesure d’assistance éducative a été prise à l’égard de l’enfant, se sont volontairement abstenus d’exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l’article 375-7 pendant plus de deux ans.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL16 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à ajouter le service de l’aide sociale à l’enfance et l’administrateur ad hoc chargé de représenter les intérêts de l’enfant à la liste des titulaires de l’action en retrait total de l’autorité parentale prévue par l’article 378-1 du code civil.

La Commission adopte l’amendement.

Article 21 (supprimé)
Extension de l’indignité successorale aux parents auteurs et complices d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant

Cet article, supprimé par le Sénat, visait à étendre l’indignité successorale aux parents qui auraient commis un crime ou un délit sur la personne de leur enfant. La Commission a proposé de maintenir cette suppression.

I. L’ÉTAT DU DROIT

L’indignité successorale consiste à écarter de la succession celui qui avait vocation à y être appelé en raison des faits graves dont il s’est rendu coupable. Elle est régie par les articles 726 à 729-1 du code civil.

L’indignité successorale prévue à l’article 726 est une indignité successorale automatique. Elle exclut de la succession :

– celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;

– celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

Son objet est d’éviter que celui qui a tenté de donner la mort ou tué le défunt puisse hériter : on ne profite pas du produit de son crime.

D’autres indignités successorales facultatives sont prévues à l’article 727 du code civil.

En application de l’article 728 du code civil, la personne dont la succession est ouverte a pu « relever » le successible de son indignité par une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire ou par une libéralité universelle ou à titre universel intervenue postérieurement aux faits à la connaissance qu’elle en a eue.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

Le présent article visait à étendre l’indignité successorale automatique prévue à l’article 726 aux parents condamnés comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime ou d’un délit commis sur la personne de leur enfant.

III. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, sur la proposition du rapporteur pour avis de la commission des Lois, a supprimé cet article. Selon M. François Pillet, comme le précédent article qui portait sur le retrait automatique de l’autorité parentale, l’article 21 visait à instituer une sanction civile automatique et tombait, se faisant, sous les mêmes critiques.

En outre, il conduirait à dénaturer l’institution de l’indignité successorale, puisqu’il n’y aurait plus de lien, dans ce cas précis, entre les faits commis et la mort du défunt.

Enfin, le champ retenu, qui inclut les délits commis à l’encontre de son enfant, serait trop large car il conduirait à exclure automatiquement de la succession de leur enfant des parents condamnés, par exemple, pour délit de maladresse, inattention ou négligence ayant entraîné des blessures sur la personne de leur enfant.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a proposé de maintenir la suppression de cet article, dont l’automaticité soulève les mêmes difficultés que le précédent.

*

* *

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’article 21 a été supprimé par le Sénat.

Je ne suis saisi d’aucun amendement visant à le rétablir.

La Commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.

Article 21 bis (nouveau)
(art. 21-12 du code civil)

Réduction à deux ans des délais à compter desquels l’enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou l’enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut acquérir la nationalité française par déclaration

Cet article est issu d’un amendement de M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues, adopté par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique le 11 mars 2015, tel que sous-amendé par Mme Claudine Lepage et plusieurs de ses collègues, avec un avis favorable de la commission des Affaires sociales et un avis défavorable du Gouvernement et de la commission des Lois.

Il a pour objet de réduire :

– de cinq ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française peut acquérir la nationalité ;

– de trois ans à deux ans le délai à compter duquel un enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance peut faire une telle déclaration.

Cette modification reprend, sous réserve de quelques modifications, la proposition n° 30 du rapport du groupe de travail « Protection de l’enfance et adoption » présidé par Mme Adeline Gouttenoire.

I. L’ÉTAT DU DROIT

En application de l’article 370-3, alinéa 2, du code civil, créé par la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale, « l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».

Cette disposition a pour effet d’interdire l’adoption d’enfants étrangers dont le pays d’origine interdit l’adoption, plénière ou simple. Tel est le cas notamment de l’Algérie et du Maroc, qui n’admettent que la kafala.

Celle-ci est un acte, validé par l’autorité judiciaire, par lequel une personne s’engage à recueillir un mineur, qui n’emporte la création d’aucun lien de filiation avec ce dernier et qui ne saurait donc être assimilée à une adoption en France. Elle s’apparente à un simple transfert de l’autorité parentale et constitue une mesure de protection de l’enfant, qui permet son éducation et sa prise en charge matérielle durant sa minorité. La circulaire de la garde des Sceaux du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France a clarifié la situation juridique des enfants ainsi recueillis. Elle a rappelé que les décisions judiciaires de recueil légal sont reconnues de plein droit, sans qu’il soit nécessaire d’en solliciter l’exequatur, et que le recueil légal est assimilé à une délégation d’autorité parentale ou à une tutelle.

Dans deux arrêts du 10 octobre 2006 (28), la Cour de cassation a jugé que le deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil fait obstacle à l’adoption d’un enfant recueilli en kafala. Cette prohibition de l’adoption d’un enfant bénéficiaire d’une kafala a été admise par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 4 octobre 2012 (29).

Dès lors que l’enfant obtient la nationalité française, la loi française lui devient cependant applicable et il peut être adopté, les conditions de l’adoption de l’enfant devenu français étant régies par la loi française conformément à l’article 3 du code civil (30). La Cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 4 décembre 2013 (31).

En l’état du droit, les familles concernées doivent donc attendre l’expiration du délai de cinq années prévu par le 1° de l’article 21-12, qui permet à l’enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française de demander la nationalité française par déclaration.

II. LA RÉFORME PROPOSÉE

Le présent article modifie le 1° de l’article 21-12 afin de réduire de cinq à deux ans le délai à compter duquel un enfant recueilli et élevé par une personne de nationalité française peut réclamer la nationalité française. Il aligne également la situation des enfants étrangers confiés au service de l’aide sociale à l’enfance sur celle de ses enfants, en réduisant le délai actuel de trois ans à deux ans.

Le sous-amendement présenté par Mme Claudine Lepage et plusieurs de ses collègues a supprimé la condition selon laquelle le recueil devrait avoir eu lieu en France, afin que la situation des enfants recueillis par des ressortissants français résidant à l’étranger soit identique à celle d’enfants recueillis par des ressortissants français résidant en France.

Lors de l’examen de cet amendement et du sous-amendement en séance publique, Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées de la famille et de l’autonomie, a émis un avis défavorable au nom du Gouvernement au mot que le délai actuel a été fixé à cinq ans pour deux raisons :

– la première est d’éviter un contournement des règles relatives à l’adoption internationale ;

– la seconde est une harmonisation avec les règles d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers et résidant régulièrement en France, pour lesquels le délai est de cinq ans.

Elle a indiqué qu’il ne paraîtrait donc pas juste au Gouvernement d’instaurer un délai différent et plus court pour les enfants relevant du mécanisme de la kafala (32).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article, qui représente une avancée importante pour les enfants originaires de pays ne reconnaissant pas l’adoption recueillis par des ressortissants français.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 bis sans modification.

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Article 22
Rétablissement d’une surqualification pénale d’inceste

Cet article, supprimé par le Sénat, visait à rétablir dans le code pénal la qualification d’inceste pour certaines infractions sexuelles commises sur des mineurs par des membres de leur famille.

La Commission, sur l’initiative conjointe de MM. Sébastien Denaja et Bernard Roman et de plusieurs collègues, d’une part, et de M. Guy Geoffroy et Mme Marie-Louise Fort, d’autre part, l’a rétabli, dans une rédaction différente de celle qui figurait initialement dans la proposition de loi.

I. L’ÉTAT DU DROIT

Dans sa rédaction actuelle, le code pénal ne réprime pas l’inceste en tant que tel. Les infractions sexuelles que constitue le viol (33), l’agression sexuelle (34) et l’atteinte sexuelle sur mineur (35) sont cependant plus sévèrement réprimées lorsqu’elles ont été commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.

En présence de cette circonstance aggravante :

– le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle ;

– l’agression sexuelle autre que le viol est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si elle est commise sur un mineur âgé de plus de quinze ans (article 222-29) et de dix ans d’emprisonnement si elle est commise sur un mineur de moins de quinze ans (article 222-29-1) ;

– l’atteinte sexuelle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

En droit civil, l’inceste est pris en compte par les prohibitions à mariage (articles 161 à 164 du code civil) et l’interdiction de conclure un pacte civil de solidarité (article 515-2 du code civil).

II. LA LOI DU 8 FÉVRIER 2010 ET LES CENSURES PRONONCÉES PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur des mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux avait pour principal objet d’insérer dans le code pénal un paragraphe 3 intitulé « De l’inceste commis sur les mineurs » au sein de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, constitué des articles 222-31 à 222-31-2.

Cette loi ne créait pas une infraction spécifique d’inceste, ni une circonstance aggravante nouvelle fondée sur le caractère incestueux de l’infraction sexuelle, mais érigeait l’inceste en une simple « surqualification » pénale, permettant de qualifier le viol, l’agression ou l’atteinte sexuelle d’incestueux. Cette solution avait notamment pour avantage d’être applicable aux instances en cours sans violer le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, car elle ne conduisait pas à un durcissement des peines applicables.

Dans deux décisions rendues le 16 septembre 2011 (36) et le 17 février 2012 (37), le Conseil constitutionnel, saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité portant respectivement sur les viols et agressions sexuelles d’une part et sur les atteintes sexuelles d’autre part, a censuré les articles 222-31-1 et 227-27-2, au motif que « s’il était loisible au législateur d’instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s’abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ».

La liste des auteurs d’inceste retenue en première lecture par l’Assemblée nationale, à l’initiative de l’auteure de la proposition de loi, Mme Maire-Louise Fort, visait, de manière limitative, l’ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, la nièce et le neveu ainsi que le conjoint, le concubin et le partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’une de ces personnes. Le Sénat avait cependant préféré à cette énumération précise une formulation large, visant l’ascendant, le frère, la sœur ou toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de fait. Sa solution avait prévalu à l’issue de la navette parlementaire, conduisant à la censure de l’ensemble du dispositif par le Conseil constitutionnel.

III. LA RÉFORME PROPOSÉE

Dans sa rédaction initiale, l’article 22 vise à rétablir la notion d’inceste dans le code pénal en tirant les enseignements de la jurisprudence constitutionnelle.

Son I crée un paragraphe 2 bis au sein de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, intitulé « De l’inceste » et constitué d’un unique article. Ce nouvel article 222-32-1 dispose que constituent des incestes les viols et les autres agressions sexuelles commises sur un mineur par :

– son ascendant ;

– son oncle ou sa tante ;

– son frère ou sa sœur ;

– sa nièce ou son neveu ;

– le conjoint ou l’ex-conjoint, ou le concubin ou l’ex-concubin de l’une de ces personnes, ou le partenaire ou l’ex-partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes.

Le II insère un nouvel article 227-27-1A au sein de la section 5 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal, aux termes duquel les atteintes sexuelles sur mineur constituent des incestes lorsqu’elles sont commises par l’une des personnes précédemment énumérées.

Les III et à VII précise que les incestes ainsi définis constituent une circonstance aggravante des infractions de viol, d’agression sexuelle, d’agression sexuelle autre que le viol imposé à une personne caractérisée par une particulière vulnérabilité, d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans et d’atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans.

Le dispositif rétablit ainsi la surqualification pénale qui figurait dans la loi de 2010, en retenant cette fois une définition limitative et précise des membres de la famille visés, et fait de l’inceste une circonstance aggravante des infractions sexuelles.

IV. LA SUPPRESSION DE CET ARTICLE PAR LE SÉNAT

La commission des Affaires sociales du Sénat, convaincue de la nécessité d’introduire l’inceste dans notre droit pénal, a adopté cet article, en lui apportant plusieurs modifications.

Elle a adopté un amendement de sa rapporteure élargissant le champ des personnes susceptibles d’être condamnées pour inceste à certains membres de la famille du quatrième degré. Il s’agit, d’une part, des grands-oncles et grands-tantes et, d’autre part, des cousins et cousines germains.

Elle a surtout supprimé les dispositions des paragraphes III à VII faisant de l’inceste une circonstance aggravante, sur la proposition de la commission des Lois, au motif que cette disposition ne pourrait être appliquée aux incestes commis avant la promulgation de la loi.

En séance publique, le 11 mars 2015, le Sénat a cependant supprimé cet article, en adoptant un amendement du rapporteur pour avis de la commission des Lois, M. François Pillet, avec l’avis favorable du Gouvernement, au motif que la réflexion n’était pas suffisamment aboutie en ce domaine et que la rédaction proposée soulèverait certaines difficultés. Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées de la famille et de l’autonomie, a notamment indiqué que cette modification de notre droit pénal mériterait qu’une réflexion plus approfondie soit engagée, en particulier avec la Chancellerie, et que la censure du législateur à deux reprises par le Conseil constitutionnel invitait à faire preuve d’une certaine prudence, afin de parvenir à la meilleure définition possible, qu’il serait souhaitable de soumettre préalablement au Conseil d’État.

V. LA POSITION DE LA COMMISSION

La Commission a adopté deux amendements de rétablissement identiques de cet article, déposés par MM. Sébastien Denaja et Bernard Roman et de plusieurs collègues, d’une part, et par M. Guy Geoffroy et Mme Marie-Louise Fort, d’autre part.

Ces amendements rétablissent dans le code pénal la notion d’inceste, en qualifiant d’incestueuses les infractions sexuelles (viol, agression sexuelle et atteinte sexuelle) commises sur un mineur par certains membres de sa famille précisément désignés. La nouvelle rédaction proposée tient naturellement compte des deux décisions du Conseil constitutionnel précitées et identifie avec précision les personnes concernées, afin d’assurer la pleine conformité du dispositif avec le principe de légalité des délits et des peines.

Le 1° du I de l’article 22 qui serait issu de ces deux amendements rétablit, au sein du paragraphe 3 (« De l’inceste commis sur les mineurs ») de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, un article 222-31-1, aux termes duquel les viols et agressions sexuelles sont qualifiés d’incestueux lorsqu’ils sont commis sur la personne d’un mineur par :

– un ascendant, un frère ou une sœur ;

– un oncle, une tante, un neveu ou une nièce, si cette personne a sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

– son tuteur ou la personne disposant à son égard d’une délégation totale ou partielle d’autorité parentale ;

– Le conjoint ou le concubin de l’une des personnes susmentionnées ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Le 2° du I opère une modification de coordination au premier alinéa de l’actuel article 222-31-2 du code pénal. Cet article impose à la juridiction de jugement, lorsqu’un viol ou une agression sexuelle est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l’autorité parentale, de se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil. Le 2° précise que ce sont les viols et agressions sexuelles incestueux qui sont visés.

Le 1° du II de l’article 22 qui serait issu de ces deux amendements modifie pour sa part la section 5 (« De la mise en péril des mineurs ») du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal. Il y insère un nouvel article 227-27-2.

Ce dernier qualifie d’incestueuses les atteintes sexuelles définies aux articles 227-25 (atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans), 227-26 (atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans aggravée) et 227-27 (atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans) lorsqu’elles ont été commises par les mêmes membres de famille de la victime que ceux mentionnés à l’article 222-31-1.

Le 2° du II opère une modification de coordination à l’article 227-27-3 du code pénal, qui prévoit que lorsque l’atteinte sexuelle est commise par une personne titulaire de l’autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des articles 378 et 379-1 du code civil. Il précise que ce sont les atteintes sexuelles incestueuses qui sont visées.

Cette nouvelle « surqualification » pénale d’inceste représenterait une avancée significative pour les victimes d’inceste, en reconnaissant la spécificité de ces crimes et délits et du traumatisme qu’ils génèrent pour les victimes.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL1 de M. Sébastien Denaja et CL8 de M. Guy Geoffroy.

M. Sébastien Denaja. Bernard Roman l’a rappelé, nous avons le souci de dépasser des clivages qui, sur une question comme l’inceste, n’ont pas lieu d’être. Voilà des mois que nous menons, en bonne intelligence, un travail sur cette question avec Marie-Louise Fort, qui avait été à l’initiative de la première proposition de loi en 2010, et Guy Geoffroy. Nous avons déjà évoqué ce sujet ici même lors de l’examen du texte sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. J’avais alors déposé un amendement rédigé dans les mêmes termes, mais nous avions considéré qu’il était plus sage de trouver un véhicule législatif plus approprié, car il s’agit là de l’enfant et non de l’égalité entre les sexes.

Le sujet est grave et sérieux. Il concernerait, selon les associations de victimes, près de 2 millions de personnes en France. Une loi, votée en 2010, visait à pallier l’absence d’incrimination spéciale de l’inceste dans le code pénal. Elle avait fait diverses propositions afin de reconnaître la spécificité de ce crime lorsqu’il s’agit d’un viol ou de ce délit lorsqu’il s’agit d’une agression sexuelle. Mais, comme l’a rappelé Bernard Roman, le Conseil constitutionnel avait censuré les dispositions législatives votées par le Parlement, au motif, notamment, que la notion de famille à laquelle il était fait référence était trop large. Le Conseil considérait qu’il fallait définir une limite de proximité familiale au-delà de laquelle les relations sexuelles sont admises. Nous avons donc proposé de nous caler sur les interdictions à mariage pour essayer de définir précisément les auteurs de ces infractions pénales aggravées.

Ces mesures seront d’application immédiate, car nous ne pensons pas qu’elles seront jugées plus sévères que les dispositions actuelles. De même, les délais de prescription courront à partir de la date d’accession à la majorité, car ces dispositions visent les actes perpétrés sur des mineurs. Nous avons en effet choisi de ne pas étendre cette qualification pénale aux viols ou agressions sexuelles qui seraient commis par les mêmes individus, mais sur des personnes majeures.

M. Guy Geoffroy. J’ai peu de choses à ajouter aux propos que vient de tenir M. Denaja, et surtout rien à retrancher. Il a fort bien retracé l’historique et rappelé notre ambition qui, je crois, est unanime sur ce sujet.

C’est en effet à l’occasion de l’examen d’un précédent véhicule législatif que nous avions souhaité traiter ce sujet. Le Gouvernement avait accepté que nous bâtissions, Sébastien Denaja et moi-même, une proposition de loi, et le président de notre Commission avait mis à notre disposition des administrateurs pour nous aider dans notre travail.

Je tiens à remercier Sébastien Denaja qui, avec la courtoisie dont il est coutumier, m’a indiqué que son groupe parlementaire souhaitait utiliser ce véhicule législatif pour y introduire, sous forme d’amendement, le dispositif de notre proposition de loi. J’ai donc souhaité présenter à mon tour un amendement. Les deux amendements ne sont pas rigoureusement identiques, mais je souhaite qu’il soit clairement établi que la commission des Lois et notre assemblée ont adopté à l’unanimité un texte commun. Si le président et notre rapporteure en sont d’accord, je souhaite donc que l’amendement cosigné par Mme Fort et moi-même soit rectifié pour être identique à celui du groupe majoritaire. Notre intérêt est de faire cause commune.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’amendement CL8 sera donc rectifié pour être identique à l’amendement CL1.

M. Bernard Roman. C’est un moment important pour notre assemblée. Voilà des décennies que la question a été posée. Si nous parvenons à trouver une solution collective pour réintroduire la notion d’inceste dans le code pénal, nous aurons fait œuvre utile.

Nous avons précisé que ce travail a été mené de concert par Guy Geoffroy, au nom de son groupe, et par nous-mêmes, et plus particulièrement par Sébastien Denaja. Il n’y a aucune volonté, de la part d’un groupe ou d’un autre, de s’attribuer la paternité du dispositif.

Depuis la semaine dernière, diverses observations tout à fait fondées et juridiquement essentielles nous ont été faites. Si nous voulons éviter qu’une question prioritaire de constitutionnalité ne vienne remettre en cause des décisions que nous aurons prises, nous devons faire preuve d’une précision d’horloger dans la rédaction du texte.

À la demande de la Chancellerie, la Direction des affaires criminelles et des grâces a fait des propositions qui peuvent se traduire par des sous-amendements concernant d’une part la manière dont on traite les frères et les sœurs qui sont dans des situations de fait ou de droit, et les ex-conjoints ou les ex-concubins qui ne sont pas pris en compte dans notre rédaction, et proposant d’autre part des coordinations indispensables avec le code de procédure pénale.

Si le président et la rapporteure pour avis en sont d’accord, et pour répondre au souhait exprimé par M. Geoffroy, il serait bon que son amendement et le nôtre soient complétés d’ici à la séance publique par les sous-amendements proposés par la Chancellerie, afin que le groupe UMP et le groupe SRC présentent le même amendement. Bien sûr, ceux qui voudraient s’y associer le pourraient.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Ce travail se ferait après l’adoption de ces amendements.

M. Bernard Roman. Tout à fait. Il s’agit d’adopter aujourd’hui les amendements CL1 et CL8 rectifié, puis de travailler à la rédaction de deux nouveaux amendements identiques : ceux-ci seront présentés en séance publique et prendront en compte les propositions de la Chancellerie que l’on pourra communiquer à M. Geoffroy.

Mme Colette Capdevielle. Nous vivons aujourd’hui un moment historique. Nous sommes nombreux à nous être battus sur cette question ou à avoir constaté, dans nos domaines professionnels, une aberration de notre système pénal qui, particulièrement hypocrite, n’a jamais réellement voulu traiter ce sujet tabou, le viol par ascendant. Il n’y a pas si longtemps, la notion de viol entre époux n’existait pas : le devoir de fidélité rendait tout possible, même en cas de violence. Il a fallu se battre pour que cette infraction soit reconnue. De même, avant la réforme du code pénal, la contrainte n’existait pas. Il fallait produire des certificats médicaux éloquents pour se voir reconnaître la qualité de victime de ce type d’infraction. Le viol est aujourd’hui un crime, mais cela n’a pas toujours été le cas.

Quand la victime est jeune, elle ne sait pas que l’inceste est interdit, que c’est un crime. Elle pense que c’est comme cela que se passent les relations. Tant que cette circonstance n’est pas inscrite clairement dans le code pénal, il y a déni de la part de la victime, car l’infraction est commise par une des personnes qui doit le plus la protéger. Pour avoir connu beaucoup de cas, je peux vous dire que cette disposition est fondamentale pour la reconstruction d’une victime.

Quant à la question de l’aggravation de la peine, elle ne se pose pas, car le code pénal prévoit déjà une échelle des peines suffisante. Nous sommes tous ici très attachés au principe d’individualisation de la peine. Nous laissons aux juges, eu égard à la personnalité de l’auteur et à la nature des faits, le soin d’apprécier la gravité des faits.

Avec cette mesure, nous faisons un grand pas en direction d’une catégorie particulière de victimes à laquelle nous devions une reconnaissance.

M. Dominique Raimbourg. Notre droit permettait déjà d’assurer la répression de ces crimes et délits, et même de les considérer comme des crimes ou des délits aggravés. Avec cette disposition, qui est une avancée symbolique, nous reconnaissons le caractère incestueux d’un certain nombre de viols ou d’agressions sexuelles, sans aggraver la répression, en restant très attachés au principe de l’individualisation de la peine, comme l’a indiqué Mme Capdevielle.

M. Sébastien Denaja. Je tiens à remercier mes collègues qui viennent de souligner l’utilité de cette disposition, et notamment Mme Capdevielle et M. Raimbourg.

Monsieur Geoffroy, le groupe socialiste veut faire œuvre commune avec vous. Nous avons ajouté au dernier moment dans notre amendement des dispositions qui permettent la coordination de l’ensemble des dispositions pénales, mais ce ne sont que des nuances de forme. Nous souhaitons que votre amendement et le nôtre soient votés en séance publique en termes identiques.

Les remarques de la Chancellerie devront être prises en compte, ensuite, pour éviter d’éventuelles failles d’ordre constitutionnel.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. La notion d’ascendant ne couvrait pas une grande partie des personnes de la sphère familiale, notamment la famille proche ou élargie, sans compter que les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses. Ces amendements précisent bien l’ampleur de la zone d’influence affective dans laquelle se trouve l’enfant. Il est bon que soit en même temps reconnue la notion de victime : l’amendement précise que l’on peut être victime de bien des manières. Les victimes doivent savoir que ce sont des proches, des gens qui n’en avaient moralement pas le droit, qui ont agi sur elles en raison d’une influence affective, quelle qu’elle soit.

M. Guy Geoffroy. Un vrai consensus républicain s’est dégagé sur la nécessité d’avancer sur le sujet. J’ai été très sensible aux propos de Mme Capdevielle. C’est en 2006, en effet, que la loi a reconnu que le consentement à l’acte sexuel n’était pas de droit lié à l’institution du mariage et qu’il existait des situations où, dans un couple, le consentement pouvait ne pas être présent. Pendant très longtemps, on a considéré que ce qui relevait de l’intimité familiale ne concernait pas la société. Nous disons aujourd’hui que la société a un devoir de regard sur des débordements comportementaux qui ont encore moins de place là où l’intimité devrait être synonyme de protection, alors que, dans la réalité, elle permet les comportements les plus délictueux ou les plus criminels.

Les différences entre mon amendement et celui de M. Denaja sont de pure forme. Les balayer va au-delà de la forme et rejoint le fond. Il est important que nos deux amendements soient totalement identiques. Je remercie Bernard Roman de se tenir prêt à me transmettre les corrections légitimes suggérées par la Chancellerie, afin de consolider juridiquement notre dispositif. Je veillerai à ce que l’amendement présenté en vue de la séance plénière soit rigoureusement identique à celui du groupe SRC pour que nous puissions adopter à l’unanimité ces amendements qui viendront concrétiser et renforcer la volonté que nous avons de franchir un grand pas.

Mme la rapporteure pour avis. Je l’ai dit, je soutiendrai les deux amendements qui résultent d’un travail collectif et qui nous permettront de reconnaître enfin la spécificité et les traumatismes engendrés par l’inceste. Devant un tel consensus, j’émets un avis extrêmement favorable aux deux amendements.

La Commission adopte à l’unanimité les amendements identiques CL1 et CL8 rectifié, exprimant ce faisant un avis favorable au rétablissement de l’article 22 ainsi rédigé.

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte adopté par le Sénat

___

Amendements adoptés par la Commission

___

 

Proposition de loi relative à la protection de l’enfant

(articles 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 21 bis et 22)

 
 

Article 11

 
 

I et II. – (Supprimés)

 
     
 

III (nouveau). – Après l’article L. 227–2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 227–2–1 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. L. 227–2–1. – Lorsque la durée du placement excède un seuil fixé par décret selon l’âge de l’enfant, le service de l’aide sociale à l’enfance auquel a été confié le mineur en application de l’article 357-3 du code civil, examine l’opportunité d’autres mesures susceptibles de garantir la stabilité des conditions de vie de l’enfant afin de lui permettre de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective, éducative et géographique dans un lieu de vie adapté à ses besoins. Il en informe le juge des enfants qui suit le placement, en présentant les raisons qui l’amènent à retenir ou à exclure les mesures envisageables. »

 
 

TITRE III

 
 

ADAPTER LE STATUT DE L’ENFANT PLACÉ SUR LE LONG TERME

 
 

Article 12

 
 

Supprimé

 

Code civil

[L'article 370 du code civil est ainsi modifié :

 

Art. 370. – S'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, à la demande de l'adoptant ou de l'adopté, ou, lorsque ce dernier est mineur, à celle du ministère public.

   

La demande de révocation faite par l'adoptant n'est recevable que si l'adopté est âgé de plus de quinze ans.

1° Au deuxième alinéa, les mots : « âgé de plus de quinze ans » sont remplacés par le mot : « majeur » ;

 

Lorsque l'adopté est mineur, les père et mère par le sang ou, à leur défaut, un membre de la famille d'origine jusqu'au degré de cousin germain inclus, peuvent également demander la révocation.

2° Le dernier alinéa est supprimé.]

 
 

Article 14

 
 

Supprimé

 

Art. 346. – Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux.

   

Toutefois, une nouvelle adoption peut être prononcée soit après décès de l'adoptant, ou des deux adoptants, soit encore après décès de l'un des deux adoptants, si la demande est présentée par le nouveau conjoint du survivant d'entre eux.

[I. – Le deuxième alinéa de l'article 346 du code civil est complété par les mots : « , soit encore après que l'enfant adopté a été admis en qualité de pupille de l'État. »

 

Art. 360. – L'adoption simple est permise quel que soit l'âge de l'adopté.

   

S'il est justifié de motifs graves, l'adoption simple d'un enfant ayant fait l'objet d'une adoption plénière est permise.

II. – Le deuxième alinéa de l'article 360 du code civil est supprimé.]

 

L'enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l'être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple.

   

Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, il doit consentir personnellement à l'adoption.

   
 

Article 15

 
 

I. – (Supprimé)

 
     

Art. 353. – L’adoption est prononcée à la requête de l’adoptant par le tribunal de grande instance qui vérifie dans un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant.

II. – Après le premier alinéa de l’article 353 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« L’enfant capable de discernement est entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le tribunal à cet effet. »

 

Dans le cas où l’adoptant a des descendants le tribunal vérifie en outre si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale.

   

Si l’adoptant décède, après avoir régulièrement recueilli l’enfant en vue de son adoption, la requête peut être présentée en son nom par le conjoint survivant ou l’un des héritiers de l’adoptant.

   

Si l’enfant décède après avoir été régulièrement recueilli en vue de son adoption, la requête peut toutefois être présentée. Le jugement produit effet le jour précédant le décès et emporte uniquement modification de l’état civil de l’enfant.

   

Le jugement prononçant l’adoption n’est pas motivé.

   
 

III. – (Supprimé)

 
 

Article 17

 
 

Supprimé

 

Art. 375-1. – Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative.

[L'article 375-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

Il doit toujours s'efforcer de recueillir l'adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer en stricte considération de l'intérêt de l'enfant.

   
 

« L'administrateur ad hoc, désigné par le juge pour représenter les intérêts du mineur lorsqu'est envisagé un placement, le renouvellement de celui-ci, ou une modification des modalités de prise en charge de l'enfant, est indépendant du service de l'aide sociale à l'enfance auquel l'enfant est confié. »]

 
 

Article 18

 

Art. 350. – L’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon, est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant.

I. – L’article 350 du code civil est abrogé.

 

Sont considérés comme s’étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs.

   

La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant n’est pas une marque d’intérêt suffisante pour motiver de plein droit le rejet d’une demande en déclaration d’abandon. Ces démarches n’interrompent pas le délai figurant au premier alinéa.

   

L’abandon n’est pas déclaré si, au cours du délai prévu au premier alinéa du présent article, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

   

Lorsqu’il déclare l’enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d’autorité parentale sur l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance, à l’établissement ou au particulier qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

   

La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité de l’enfant.

   
     

Livre Ier

Des personnes

Titre IX

De l’autorité parentale

Chapitre Ier

De l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant

Section 1

De l’exercice de l’autorité parentale

Section 2

De l’assistance éducative

Section 2-1

Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial

Section 3

De la délégation de l’autorité parentale

Section 4

Du retrait total ou partiel de l’autorité parentale

II. – Le chapitre Ier du titre IX du livre Ier du même code est complété par une section 5 ainsi rédigée :

 
     
 

« Section 5

 
 

« De la déclaration judiciaire d’abandon

 
 

« Art. 381–1. – Un enfant est considéré comme abandonné lorsque ses parents se sont volontairement abstenus, pendant plus d’un an, d’entretenir avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement.

 
 

« Art. 381–2. – Le tribunal de grande instance déclare abandonné l’enfant recueilli par une personne, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, qui se trouve dans la situation mentionnée à l’article 381-1, pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration judiciaire d’abandon. La demande en déclaration d’abandon est soumise par la personne, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant. La demande peut également être présentée par le ministère public agissant d’office ou, le cas échéant, sur proposition du juge des enfants.

 
 

« La simple rétractation du consentement à l’adoption, la demande de nouvelles ou l’intention exprimée mais non suivie d’effet de reprendre l’enfant ne constituent pas un acte suffisant pour rejeter de plein droit une demande en déclaration d’abandon et n’interrompent pas le délai mentionné au premier alinéa.

 
 

« L’abandon n’est pas déclaré si, au cours du délai mentionné au premier alinéa, un membre de la famille a demandé à assumer la charge de l’enfant et si cette demande est jugée conforme à l’intérêt de ce dernier.

 
 

« Lorsqu’il déclare l’enfant abandonné, le tribunal délègue par la même décision les droits d’autorité parentale sur l’enfant à la personne, à l’établissement ou au service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou à qui ce dernier a été confié.

 
 

« La tierce opposition n’est recevable qu’en cas de dol, de fraude ou d’erreur sur l’identité de l’enfant. »

 

Art. 347. - Peuvent être adoptés :

   

1° Les enfants pour lesquels les père et mère ou le conseil de famille ont valablement consenti à l’adoption ;

   

2° Les pupilles de l’État ;

   

3° Les enfants déclarés abandonnés dans les conditions prévues par l’article 350.

III. – 1. Au 3° de l’article 347 du même code, la référence : « par l’article 350 » est remplacée par les références : « aux articles 381-1 et 381-2 » ;

 

Code de l’action sociale et des familles

   

Art. L. 224-4. - Sont admis en qualité de pupille de l’État :

   

1° Les enfants dont la filiation n’est pas établie ou est inconnue, qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

   

2° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l’enfance en vue de leur admission comme pupilles de l’État par les personnes qui ont qualité pour consentir à leur adoption, depuis plus de deux mois ;

   

3° Les enfants dont la filiation est établie et connue, qui ont expressément été remis au service de l’aide sociale à l'enfance depuis plus de six mois par leur père ou leur mère en vue de leur admission comme pupilles de l’État et dont l’autre parent n’a pas fait connaître au service, pendant ce délai, son intention d’en assumer la charge ; avant l’expiration de ce délai de six mois, le service s’emploie à connaître les intentions de l’autre parent ;

   

4° Les enfants orphelins de père et de mère pour lesquels la tutelle n’est pas organisée selon le chapitre II du titre X du livre Ier du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis plus de deux mois ;

   

5° Les enfants dont les parents ont fait l’objet d’un retrait total de l’autorité parentale en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil et qui ont été recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 380 dudit code ;

   

6° Les enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance en application de l’article 350 du code civil.

2. Au 6° de l’article L. 224-4 du code de l’action sociale et des familles, la référence : « de l’article 350 » est remplacée par les références : « des articles 381-1 et 381-2 ».

 
 

Article 20

 
 

Supprimé

 
 

[L'article 378 du code civil est ainsi modifié :

 

Code civil

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

 

[Art. 378. – Peuvent se voir retirer totalement l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal les père et mère qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis par leur enfant, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d'un crime sur la personne de l'autre parent.

a) Les mots : « Peuvent se voir » sont remplacés par les mots : « Sauf si l'intérêt de l'enfant le justifie expressément, se voient » ;

 
 

b) Les mots : « soit comme coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis par leur enfant, » sont supprimés ;

 
 

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« Peuvent se voir retirer totalement l'autorité parentale par une décision expresse du jugement pénal le ou les parents qui sont condamnés comme coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis par leur enfant. »]

 

Ce retrait est applicable aux ascendants autres que les père et mère pour la part d'autorité parentale qui peut leur revenir sur leurs descendants.]

   
 

Article 21

 
 

Supprimé

 

Art. 726. – Sont indignes de succéder et, comme tels, exclus de la succession :

[L'article 726 du code civil est complété par un 3° ainsi rédigé :

 

1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;

   

2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.

   
 

« 3° Le ou les parents qui sont condamnés, soit comme auteurs, coauteurs ou complices d'un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant. »]

 
 

Article 21 bis (nouveau)

 

Art. 21-12. – L’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu’il réclame la qualité de Français, pourvu qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France.

Le 1° de l’article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :

 

Toutefois, l’obligation de résidence est supprimée lorsque l’enfant a été adopté par une personne de nationalité française n’ayant pas sa résidence habituelle en France.

   

Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :

   

1° L’enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui, depuis au moins trois années, est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ;

« 1° L’enfant qui, depuis au moins deux années, est recueilli et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ; ».

 

2° L’enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État.

   
 

Article 22

 
 

Supprimé

 
 

[I. – Avant l'article 222-31-2 du code pénal, il est rétabli un article 222-31-1 du code pénal ainsi rédigé :

 
 

« Art. 222-31-1. – Les viols et les autres agressions sexuelles définis aux paragraphes 1 et 2 de la présente section constituent des incestes lorsqu'ils sont commis sur un mineur par :

 
 

« 1° Son ascendant ;

 
 

« 2° Son oncle ou sa tante ;

 
 

« 3° Son frère ou sa sœur ;

 
 

« 4° Sa nièce ou son neveu ;

 
 

«  4° bis (nouveau) Son grand-oncle ou sa grand-tante ;

 
 

« 4° ter (nouveau) Son cousin germain ou sa cousine germaine ;

 
 

« 5° Le conjoint ou le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une de ces personnes. »

 
 

II. – Avant l'article 227-27-3 du même code, il est inséré un article 227-27-3 A ainsi rédigé :

 
 

« Art. 227-27-3 A. – Les infractions définies aux articles 227-25 à 227-27 constituent des incestes lorsqu'elles sont commises sur un mineur par :

 
 

« 1° Son ascendant ;

 
 

« 2° Son oncle ou sa tante ;

 
 

« 3° Son frère ou sa sœur ;

 
 

« 4° Sa nièce ou son neveu ;

 
 

«  4° bis (nouveau) Son grand-oncle ou sa grand-tante ;

 
 

« 4° ter (nouveau) Son cousin germain ou sa cousine germaine ;

 
 

« 5° Le conjoint ou le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une de ces personnes.»

 
 

III. – (Supprimé)

 
 

IV. – (Supprimé)

 
 

V. – (Supprimé)

 
 

VI. – (Supprimé)

 
 

VII. – (Supprimé)]

 
© Assemblée nationale

1 () La commission des Lois s’est saisie pour avis des articles 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 21 bis et 22.

2 () Rapport d’information (n° 655), Protection de l’enfance : améliorer le dispositif dans l’intérêt de l’enfant, fait au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat par Mmes Muguette Dini et Michelle Meunier, juin 2014.

3 () Rapport du groupe de travail « protection de l’enfance et adoption » présidé par Mme Adeline Gouttenoire, 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, ministère des Affaires sociales et de la santé, ministère délégué chargé de la famille, février 2014.

4 () Inspection générale des affaires sociales, rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, novembre 2009.

5 () Exposé sommaire de l’amendement n° 5255 de M. Erwann Binet ; JO AN, 4 février 2013, 3e séance du dimanche 3 février 2013, p. 1088.

6 () Groupe de travail « Protection de l’enfance et adoption », rapport remis à la ministre déléguée chargée de la famille, 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, février 2014.

7 () Texte adopté n° 371.

8 () Civ. 1re, 9 juin 2010, n° 09-13.390.

9 () Civ. 1re, 12 janvier 1994, n°  92-05.030.

10 () Ministère de la Justice, Les adoptions simples et plénières en 2007, juin 2009.

11 () Inspection générale des affaires sociales, rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, novembre 2009 ; rapport d’information (n° 655), Protection de l’enfance : améliorer le dispositif dans l’intérêt de l’enfant, fait au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat par Mmes Muguette Dini et Michelle Meunier, juin 2014 ; rapport du groupe de travail « protection de l’enfance et adoption » présidé par Mme Adeline Gouttenoire, 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, ministère des Affaires sociales et de la santé, ministère délégué chargé de la famille, février 2014.

12 () Civ. 1re, 10 juillet 1973, JCP 1974, II, 17689.

13 () Proposition de loi n° 3739.

14 () Proposition n° 48.

15 () Proposition n° 29.

16 () Cour d’appel de Versailles, 25 mars 2004, RDT civ - 2004 p. 497.

17 () JO Sénat, jeudi 29 janvier 2015, séance du 28 janvier 2015, p. 968.

18 () L’article 345 du code civil est applicable à l’adoption simple en application de l’article 361 du même code.

19 () CA Lyon, 7 mai 2002, Jurisdata n° 197869.

20 () CA Rennes, 29 mai 2000, n° 98/03537.

21 () Civ. 1ère, 5 avril 2005, Bull. civ. I, n° 162.

22 () ONED, La situation des pupilles de l’État, enquête au 31 décembre 2012.

23 () Inspection générale des affaires sociales, rapport sur les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant, novembre 2009.

24 () Civ, 1re, 28 mai 1980, Bull. civ. I, n° 158.

25 () Articles 221-5-5 (crime ou délit constituant une atteinte volontaire à la vie), 222-31-3 (viol ou agression sexuelle contre un mineur commise par un titulaire de l’autorité parentale), 222-48-2 (violences volontaires, agressions sexuelles et harcèlement moral) et 227-27-3 (atteinte sexuelle contre un mineur commise par un titulaire de l’autorité parentale) du code pénal.

26 () Crim. 4 janvier 1985, Bull. crim. n° 322.

27 () CEDH, 17 juillet 2012, M. D. c. Malte, req. n° 64791/10.

28 () Civ . 1re, 10 octobre 2006, n° 06-15264 et 06-15265.

29 () CEDH, 14 octobre 2012, Harroudji c. France, req. n° 27013/07.

30 () Réponse du ministère de la Justice, JO Sénat du 21 août 2008, p. 1698.

31 () Civ. 1re, 4 décembre 2013, n° 12-26.161.

32 () JO Sénat, 12 mars 2015, p. 2449.

33 () Le viol est défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (art. 222-23 du code pénal). Il constitue un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle, que les circonstances aggravantes peuvent porter à vingt ou trente ans de réclusion voire à la perpétuité.

34 () L’agression sexuelle, régie par les articles 222-22, 222-27 à 222-31 du code pénal, est définie comme toute atteinte sexuelle autre que le viol commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, que les circonstances aggravantes peuvent porter à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

35 () L’atteinte sexuelle sur mineur (articles 227-25 à 227-27-1 du code pénal) est le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans. Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

36 () Décision n° 2011-163 QPC du 16 septembre 2011, M. Claude N.

37 () Décision n° 2011-222 QPC du 17 février 2012, M. Bruno L.