N° 2626

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 septembre 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2001 (n° 2585),

TOME III

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COOPÉRATION

PAR M. JEAN-YVES GATEAUD,

Député

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

                      Voir le numéro 2624 (annexe n° 3)

                      Lois de finances

La Commission des Affaires étrangères est composée de :

M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Mangin, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Pierre Brana, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

I - PORTER L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT À 0,7 % DU PIB :
UN OBJECTIF À ATTEINDRE DANS 5 ANS
6

    A - DEPUIS 1994 LA FRANCE S'EST CONSTAMMENT ÉLOIGNÉE
    DE CET OBJECTIF
    6

    1) L'évolution de l'APD ces dernières années 6

    2) Le niveau des aides publiques françaises 7

    3) Des efforts louables en faveur des pays les plus pauvres
    et les plus fortement endettés
    9

    B - LA FRANCE DOIT REDYNAMISER SA POLITIQUE DE COOPÉRATION ET
    D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT : SON RANG ET SON INFLUENCE SONT EN JEU
    10

    1) La question de la répartition géographique de l'APD :
    étendue et homogénéité de la ZSP ?
    10

    2) La question du désengagement de la France en Afrique francophone :
    une réalité ou un mythe ?
    12

    3) La question de la place de la France dans les politiques
    de développement : perte d'influence ou rôle moteur ?
    13

II - ENCOURAGER DES POLITIQUES NOVATRICES DE DÉVELOPPEMENT GRÂCE AU SUCCÈS DE LA RÉFORME DE LA COOPÉRATION 16

    A - LA MODERNISATION DE L'OUTIL DE COOPÉRATION EST BIEN ENGAGÉE 16

    1) La redéfinition des compétences et des missions par la
    création d'un pôle diplomatique unique
    16

    2) Une meilleure coordination des aides bilatérales 20

    3) Une collaboration plus fructueuse avec les organisations non gouvernementales (ONG) 21

    B - DES POLITIQUES NOVATRICES, NOTAMMENT AU MALI ET AU SÉNÉGAL 23

    1) Le passage de la coopération de substitution aux
    missions d'assistance technique
    24

    2) La promotion de la coopération décentralisée 25

    3) Le codéveloppement et la nouvelle approche du rôle des migrants 29

CONCLUSION 31

EXAMEN EN COMMISSION 34

ANNEXE 1 AUDITIONS 38

ANNEXE 2 : PROGRAMME DE MISSION 39

ANNEXE 3 : AIDE PUBLIQUE FRANÇAISE / PNB 40

ANNEXE 4 : ASSISTANCE TECHNIQUE 43

Mesdames, Messieurs,

Le budget soumis à votre examen intègre complètement la réforme de la coopération intervenue en février 1998. Comme le précédent, il a été préparé par une administration unique qui a su mettre en _uvre la fusion du Ministère Délégué à la Coopération avec le Ministère des Affaires Étrangères.

Si le budget global du Ministère des Affaires Étrangères progresse de 5,3 % en 2001 en raison notamment de l'augmentation des contributions obligatoires aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, il n'en va pas de même de la part des crédits affectés à la Direction Générale de la Coopération Internationale et du développement (DGCID). Ils s'établissent à 9,285 milliards, soit un niveau de 3,2 % inférieur à celui de l'année 2000.

On constate une diminution de 3,3 % des crédits de la coopération culturelle et de 3,4 % de ceux de la coopération technique. Les crédits en faveur des bourses sont en diminution, de 595,7 millions en 2000 à 527,8 millions pour 2001. Les crédits consacrés à l'assistance technique restent stables alors que ceux consacrés à l'appui à des initiatives privées ou décentralisées diminuent de 1,8 % ; ceux du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) - 22 % en crédits de paiement - et ceux destinés à financer les projets mis en _uvre par l'Agence Française de Développement (AFD) sont également en baisse. Ce recul est regrettable, même si les économies réalisées grâce à la fusion doivent être prises en compte pour en établir la juste mesure. Force est de constater que, depuis 1994, année au cours de laquelle l'Aide Publique au Développement (APD) a atteint 0,64 % du PIB, la France s'est constamment éloignée, année après année, de l'objectif communément exprimé de consacrer à l'APD 0,7 % du PIB.

D'autres crédits sont en hausse ce qui marque une volonté de sortir d'un contexte budgétaire morose pour répondre à certains besoins ou affirmer certaines priorités. Ainsi les crédits du programme de bourses d'excellence "Eiffel" destinées à former des cadres étrangers sont portées de 85 à 100 millions de francs, ceux de l'action audiovisuelle augmentent de 10 millions de francs et ceux des établissements culturels de 6 millions de francs.

Même si les autres crédits ministériels entrant dans le calcul de l'APD sont maintenus, le ratio APD/PIB ne devrait pas évoluer significativement en 2001 par rapport à 2000, s'établissant à 0,37 % au lieu de 0,39 % et 0,40 % les deux années précédentes. Bien que la France soit en tête des pays du G7 en matière d'APD, cette baisse n'est pas sans conséquences. Certes, les efforts de rationalisation et d'innovation dans les politiques d'aides au développement accroissent l'efficacité des aides publiques françaises mais selon tous les experts entendus par votre Rapporteur , il était urgent d'accroître les moyens financiers de la coopération dès 2001, tout en encourageant les politiques novatrices d'aide au développement déjà initiées afin de lutter avec efficacité contre la pauvreté.

I - PORTER L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT À 0,7 % DU PIB : UN OBJECTIF À ATTEINDRE DANS 5 ANS

La baisse généralisée de l'APD s'est nourrie d'un scepticisme souvent injustifié sur son efficacité. D'après les experts du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), dans les pays en développement, la mortalité infantile a été réduite en trente ans de 50 %, l'espérance de vie a augmenté de 17 ans, le niveau nutritionnel de 20 % et le taux de scolarisation de 50 %, alors qu'il a fallu un siècle à l'Europe pour accomplir de tels progrès. L'APD n'est pas étrangère à ces progrès mais, à part les pays scandinaves, aucun Etat ne consacre 0,7 % de son PIB à l'APD.

A - Depuis 1994 la France s'est constamment éloignée de cet objectif

1) L'évolution de l'APD ces dernières années

Depuis 1994, les crédits consacrés par la France à l'APD ont continuellement diminué, en valeur absolue comme en pourcentage du PIB. Malgré les exigences unanimement formulées par tous les experts et réaffirmées lors des débats sur la coopération dans l'enceinte du Parlement français comme dans de multiples institutions nationales et internationales, le volume de l'aide publique française au développement a diminué dans de telles proportions que, malgré les explications reconnues par tous (effets de la dévaluation du franc CFA par exemple), on peut se demander si notre APD atteint encore la masse critique nécessaire pour conduire la politique de coopération et de développement souhaitée par ailleurs et pour jouer, dans ce domaine, le rôle que la France veut se donner.

Effort global de la France en matière d'APD entre 1996 et 1999

 

1996

1997

1998

1999

Prévisions 2000

APD de la France en Mds F
APD en % du PIB
Rang OCDE en volume
Part dans l'OCDE en %

38,1
0,48
4ème
13,5 %

36,8
0,45
3ème
13 %

33,9
0,40
3ème
11,5%

34,7
0,39


0,37

Evolution et ventilation des crédits d'APD imputés sur le budget du Ministère des Affaires Étrangères entre 1996 et 1999

(en millions de francs)

 

1996

1997

1998

1999

I - Aide bilatérale
Affaires étrangères (DGRCST)
Coopération au développement
Affaires étrangères (DGCID)
Fonds d'urgence humanitaire


2484
5043

83


2643
4742

72


2512
4614

52




6859
308

II - Aide multilatérale
Contributions obligatoires

Contributions volontaires


403
321


416
253


445
262


456
275

III - Coûts de gestion
Affaires étrangères

Coopération


258
458


270
461


279
482


775

TOTAL

9049

8857

8646

8673

Alors que la plupart des grands donateurs ont commencé à réduire leur APD dès le début des années quatre vingt dix, la France l'a maintenue à un niveau très élevé pendant plusieurs années. Le volume de l'APD française a ensuite diminué dans la seconde moitié de la décennie ce qui s'expliquerait par les effets bénéfiques des efforts passés. Les pays de la zone franc ayant bénéficié de la dévaluation du franc CFA et des aides la France, celles-ci auraient logiquement diminué ensuite. En outre la France a modifié son dispositif d'aide extérieure pour la rendre plus concentrée et plus efficace et a donc limité certains types de coopération internationale.

2) Le niveau des aides publiques françaises

Alors que la volonté comme la nécessité de consacrer 0,7 % du PIB à l'APD sont constamment réaffirmées par toutes les instances nationales et internationales chargées de la coopération et du développement (Haut Conseil de la Coopération Internationale - HCCI - et Comité d'Aide au Développement de l'OCDE), l'insuffisance du volume de l'aide publique française au développement se mesure à ce critère.

En 2001, les crédits concourant à l'aide au développement inscrits au budget du Ministère des Affaires Étrangères, à peine reconduits en francs courants, ne permettront pas au ratio APD/PIB d'évoluer de façon significative par rapport à 2000.

Certes, la France reste le plus généreux des membres du G7 en matière d'APD. Elle se place devant le Canada (0,29%), le Japon, le Royaume-Uni (0,28%), l'Allemagne (0,26%), l'Italie (0,20%) et les Etats-Unis (0,10%) mais elle risque d'être dépassée par le Japon en pourcentage de l'APD par rapport au PIB et par l'Allemagne en volume d'APD.

Cependant, la contribution française à l'aide européenne a nettement progressé et représente désormais 14 % de l'aide publique française contre 11 % en 1994. La France, avec une quote-part de 24,3 % au Fonds Européen de Développement (FED) en est le premier contributeur. La contribution de la France à l'aide communautaire s'est stabilisée autour de 5 milliards de francs par an.

En revanche, les contributions volontaires françaises à l'aide multilatérale au développement (contributions aux organisations spécialisées des Nations Unies, versement aux banques et fonds de développement) ont régulièrement diminué. Elles représentaient 10% de l'APD soit 4,7 milliards de francs en 1994, et 9% en 1998 et 1999 soit 3 milliards de francs. Il est donc opportun que les engagements de les accroître pris par le Ministre Délégué à la Coopération soient scrupuleusement respectés.

En dehors du continent africain, l'aide française est moins significative que celle des autres bailleurs de fonds et a sensiblement décru au cours des trois dernières années, en raison de la baisse des prêts du Trésor. Les instruments multilatéraux et européens auxquels la France participe ont donc une présence prépondérante. Le poids des institutions multilatérales s'accroît ; la France doit donc être en mesure de peser sur leurs décisions. La faiblesse de son aide et la diminution de ses contributions volontaires risquent de l'en empêcher.

3) Des efforts louables en faveur des pays les plus pauvres et les plus fortement endettés

Pour définir les priorités géographiques de son aide bilatérale au développement, la France a décidé début 1999 de concentrer ses efforts sur les pays les plus pauvres et les plus endettés (selon la nomenclature de la Banque Mondiale) n'ayant pas accès aux marchés de capitaux au sein d'une Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP).

La France est depuis plusieurs décennies, aux côtés du Japon, le premier bailleur et le premier créancier de ces pays. L'initiative de réduction de leur dette a conduit la France à un effort très important d'annulation de cette dette dont le poids demeure un problème crucial. Le système mis en _uvre pour conférer à l'annulation de la dette des effets de levier est ingénieux. Il subordonne les annulations à l'établissement de stratégies de lutte contre la pauvreté pour que cet effort de la France bénéficie directement aux populations les plus pauvres.

Même si l'on note ces efforts particuliers en faveur les pays les plus pauvres, même si l'on évalue l'aide française au développement de façon plus juste qu'à travers son seul montant brut, il n'empêche que ce budget ne marque pas de changement significatif par rapport aux évolutions déjà constatées : la diminution de l'APD et la relative faiblesse des moyens doivent conduire la France, non seulement à revenir à l'objectif d'une APD équivalente à 0,7 % du PIB, mais aussi à donner à sa politique de coopération une nouvelle dynamique.

B - La France doit redynamiser sa politique de coopération et d'aide au développement : son rang et son influence sont en jeu

Le rang et l'influence de la France en matière de coopération et d'aide au développement ne dépendent pas seulement du montant des budgets consacrés à ces politiques. La France gagnerait déjà beaucoup, en rang comme en influence, en rendant ses aides plus efficaces et plus lisibles. Trois questions se posent à ce sujet.

1) La question de la répartition géographique de l'APD : étendue et homogénéité de la ZSP ?

Au plan géographique, l'aide publique française au développement reste concentrée : 43 % de l'aide bilatérale française a bénéficié aux pays d'Afrique subsaharienne et 17 % au Maroc, à l'Algérie, à la Tunisie et à l'Egypte soit 32 % du total des apports publics à cette région. La question de l'étendue considérable de la ZSP reste pourtant posée par les parlementaires comme par les experts.

Malgré ces interrogations, cette liste de 61 pays, arrêtée lors de sa première réunion en janvier 1999 par le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID), chargé de décider des grandes orientations de la politique de coopération de la France et de son évaluation, n'a pas été réexaminée depuis. Elle devrait l'être en 2001. En tout cas, elle n'apparaît pas comme un facteur de lisibilité de la politique française de coopération et d'aide au développement.

Cette liste n'est pas homogène puisque l'appartenance à la ZSP n'implique aucun automatisme quant à l'effort d'aide au développement et à l'intensité de la coopération de la France à son égard. Ils peuvent varier en fonction du pays concerné, même si l'inscription d'un pays dans la ZSP comporte bien des avantages. C'est au sein de la ZSP que se concentre l'aide bilatérale au développement. Les pays de la ZSP bénéficient d'une part des projets de l'Agence Française de Développement (AFD), qui vise à l'insertion des pays dans l'économie mondiale et à la promotion d'un développement durable, et d'autre part des crédits du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) essentiellement mobilisés en faveur du développement institutionnel, social, et culturel, priorités déterminées par le CICID.

Cette zone n'a pas été voulue comme homogène dans la mesure où l'appartenance des différents pays concernés à cette liste dépend d'éléments politiques légitimes mais variés, tels que la francophonie, le renforcement des cohérences régionales, la fidélité à une relation historique forte, l'ouverture à de nouveaux partenaires anglophones, notamment en Afrique orientale et australe. Figurent en outre sur cette liste la quasi-totalité des pays classés par la Banque Mondiale comme les plus pauvres et les plus endettés.

On ne peut donc que constater le caractère pléthorique d'une zone de 61 pays qui comptent en Afrique du Nord, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, au Moyen-Orient, le Liban, les Territoires autonomes palestiniens, en Afrique subsaharienne, l'Afrique du Sud, l'Angola, le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, le Cameroun, le Cap Vert, la République centrafricaine, les Comores, le Congo Brazzaville, la République démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire, Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Gabon, le Ghana, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, le Kenya, le Liberia, Madagascar, le Mali, l'île Maurice, la Mauritanie, le Mozambique, la Namibie, le Niger, le Nigeria, l'Ouganda, le Rwanda, Sao Tome et Principe, le Sénégal, les Seychelles, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Zimbabwe, aux Caraïbes Cuba, Haïti, les Petites Antilles (Antigua et Barbade, Dominique, Grenade, Saint Christophe et Nieves, Sainte Lucie, Saint Vincent et les Grenadines) la République dominicaine, le Surinam, et, en Asie et Pacifique, le Cambodge, le Laos, le Vietnam, et Vanuatu. Ce caractère pléthorique apparaît bien contradictoire avec la volonté de concentrer l'aide bilatérale au développement dans une zone de solidarité proprement dite "prioritaire" et où interviennent à plein les deux outils privilégiés que sont l'AFD et le FSP.

Le CICID devrait donc être amené à réviser cette liste et à tenir compte de la nécessité de concentrer l'APD sur les pays les plus pauvres en conditionnant son attribution aux efforts accomplis en matière de bonne gouvernance, de démocratisation et d'élaboration de stratégies de développement.

En effet, le nombre et la disparité des situations des pays inscrits en ZSP contribuent au manque de lisibilité de l'aide bilatérale française et diminuent son effet de levier dans les pays les plus pauvres où elle est la plus utile.

Comme le montre le tableau figurant en annexe 3, le dispositif de l'aide bilatérale française apparaîtrait plus cohérent si dans le cas de certains pays comme le Gabon, le niveau de l'APD française rapporté au nombre d'habitants et au PNB du pays par personne n'était pas aussi disproportionné, et si dans d'autre pays (Djibouti par exemple), l'aide de la France n'était aussi peu liée à la volonté de "moralisation" de notre coopération. La France gagnerait à démontrer que sa solidarité est d'autant plus prioritaire que le pays aidé est plus pauvre et fait preuve d'efforts plus importants en matière de bonne gouvernance, de démocratisation, et de mise en _uvre de véritables stratégies de développement.

2) La question du désengagement de la France en Afrique francophone : une réalité ou un mythe ?

Qu'il soit réel ou non, le désengagement de la France, dont le Gouvernement se défend, est bel et bien perçu dès maintenant, ou redouté pour un futur proche par nombre d'observateurs, d'acteurs ou de destinataires de la politique française de coopération.

Les crédits consacrés au développement de l'Afrique sont certes consolidés mais la visibilité des efforts accomplis par la France semble insuffisante. Le passage nécessaire de la coopération de substitution à l'assistance technique et d'expertise a parfois été mal compris. Nombre de Français résidents en Afrique rencontrés au Mali et au Sénégal par votre Rapporteur lors de la visite effectuée du 1er au 5 octobre dernier , se sont faits l'écho de cette inquiétude et craignent la banalisation des relations de la France avec ses partenaires traditionnels de l'Afrique francophone.

Les efforts consacrés aux pays en situation de sortie de crise, notamment dans les Balkans, comme les aides affectées aux pays d'Europe centrale et orientale, et l'intégration de la zone Caraïbe à la ZSP sont interprétés comme des signes tangibles du désengagement de la France en Afrique. Certains des experts français auditionnés par votre Rapporteur ont émis les mêmes critiques, craignant que la stagnation de l'APD française, conjuguée à l'élargissement de la ZSP et au poids financier croissant des institutions de Bretton Woods dans les stratégies de développement accrédite l'idée que les autorités françaises aient à terme la volonté de réduire leur coopération avec l'Afrique.

Cette perception a été accentuée par les difficultés rencontrées en matière de visas par les étudiants africains souhaitant s'inscrire dans les universités françaises notamment même si elles tendent à se résorber. La tendance des élites d'Afrique francophone à étudier aux Etats-Unis s'en est trouvée confortée. Avec 150 000 étudiants étrangers, la France ne se situe qu'au 4ème rang des pays d'accueil après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Pour remédier à cette situation, plusieurs orientations ont été mises en _uvre et reposent sur un allégement et une accélération des procédures de délivrance des visas aux étudiants, la création d'un espace européen d'enseignement supérieur, une nouvelle restructuration de l'offre française de bourses destinées à attirer les élites étrangères (programme exceptionnel de bourses d'excellence Eiffel destiné à former en France des étudiants étrangers) et la création de l'agence Edufrance, outil commun de l'Etat et des établissements français d'enseignement supérieur pour accroître leur rayonnement international. Ces mesures semblent avoir porté leurs fruits : le nombre d'étudiants en France a cessé de stagner et on constate de 1999 à 2000 une augmentation de 40% des visas étudiants.

Le rayonnement de la France passe par ce soutien accru à la promotion de son enseignement supérieur ; former les élites de demain est un défi qu'elle doit s'employer à relever, en Afrique francophone mais également en Amérique latine.

3) La question de la place de la France dans les politiques de développement : perte d'influence ou rôle moteur ?

On ne peut que saluer l'augmentation des contributions volontaires aux institutions internationales proposée dans la loi de finances 2001. La France, premier contributeur au Fonds Européen de Développement (FED), joue un rôle déterminant dans l'élaboration des stratégies de développement de l'Union européenne. Cependant l'affaiblissement de ses contributions volontaires au HCR et au PNUD comme les difficultés qu'elle rencontre pour faire valoir sa position dans les instances du FMI et de la Banque Mondiale, limite son influence sur ces institutions.

Pourtant tous les experts s'accordent à reconnaître que la France, par son crédit sur la scène internationale et son expertise dans la coopération et l'aide au développement dispose d'atouts et de potentialités non négligeables pour jouer un rôle moteur dans ce domaine. Les experts du PNUD considèrent que l'augmentation de la contribution volontaire de la France à cette Agence aura sur les autres contributeurs un effet d'entraînement, la restructuration du PNUD ayant accru son efficacité, ils demandent que la France s'implique davantage dans son fonctionnement et sa stratégie.

Toutes les personnalités auditionnées par votre Rapporteur ont regretté que la France ait perdu du terrain dans la détermination des stratégies de développement. Faute de mobiliser un volume d'aide bilatérale permettant de peser lors des débats avec les experts de la Banque Mondiale ou du FMI, elle ne joue plus le premier rôle. Ainsi, bien des opérations de désendettement ont été décidés en premier lieu par la Banque Mondiale et la France a suivi.

On retrouve la question de la baisse continue de l'aide publique française au développement. Nous ne sommes plus le contributeur le plus important sur certains grands programmes. La France n'a, par exemple, que 60 millions de francs à investir dans la lutte contre le Sida dont elle fait pourtant une priorité. Elle répugne à participer à de grands projets sectoriels, dans la mesure où elle ne mobilise plus de moyens suffisants.

Dès lors, malgré son crédit sur la scène internationale et son savoir-faire en matière de coopération et d'aide au développement, la France, souvent, ne peut plus jouer le rôle qui devrait être le sien ou prendre la place qui devrait lui revenir dans la détermination des stratégies de développement.

Votre Rapporteur estime donc, comme le HCCI et le Comité d'Aide au Développement de l'OCDE, que la France doit renforcer son aide publique au développement au moment où elle conduit des politiques novatrices de coopération. Pour retrouver les moyens nécessaires, pour donner à son action une efficacité et une visibilité accrue, pour retrouver un rang et une influence qui correspondent à sa place dans le monde, la France devrait se fixer dès maintenant comme objectif d'augmenter progressivement son aide publique au développement afin que l'APD atteigne 0,7% du PIB dans cinq ans.

II - ENCOURAGER DES POLITIQUES NOVATRICES DE DÉVELOPPEMENT GRÂCE AU SUCCÈS DE
LA RÉFORME DE LA COOPÉRATION

Chacun des interlocuteurs auditionnés par votre Rapporteur s'est félicité souvent en termes élogieux des effets bénéfiques de la réorganisation de la coopération française. Le Ministère des Affaires Étrangères et le Ministère de l'Economie et des Finances se voient confier le soin de définir, gérer et contrôler l'aide et il appartient au Comité Interministériel de la Coopération Internationale (CICID) de jouer un rôle d'impulsion et d'orientation. Cette réforme a abouti à la mise en place d'une structure institutionnelle en deux pôles : diplomatique et culturel, autour du Ministère des Affaires Étrangères, économique et financier, autour de l'Agence Française de Développement (AFD).

A - La modernisation de l'outil de coopération est bien engagée

La réforme s'est traduite par une redéfinition des compétences et des missions pour mieux coordonner les actions au niveau central comme sur le terrain afin d'accroître la circulation de l'information et de créer des synergies, mais elle implique de moins en moins les parlementaires dans la détermination et le contrôle de la politique de coopération. Le gouvernement a certes prévu la présence de parlementaires au sein du Conseil d'orientation stratégique du FSP dont le rôle s'apparente à celui du HCCI mais ils restent exclus du comité des projets du FSP, instance décisionnelle essentielle.

1) La redéfinition des compétences et des missions par la création d'un pôle diplomatique unique

La réorganisation de l'administration centrale du Ministère des Affaires Étrangères, consécutive à la fusion avec l'ancien Ministère de la Coopération et de la Francophonie, a abouti à la création d'une structure nouvelle, le 1er janvier 1999 : la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID) qui s'est attachée à réaliser, depuis deux ans, la fusion de l'ancienne Direction Générale des Relations Culturelles, Scientifiques et Techniques (DGRCST) avec l'ancien Ministère de la Coopération. La plupart des agents du Ministère de la Coopération ont été affectés à la DGCID et à la Direction Générale de l'Administration (DGA) au sein de laquelle ont été intégrés les services de l'administration générale de la coopération.

En moins de deux ans d'existence, la DGCID s'est appliquée, d'une part, à mener à bien la fusion complète des instruments de gestion issus de ces deux structures, pour obtenir une plus grande rationalité dans la gestion, des économies d'échelle, une meilleure déconcentration, et d'autre part, à rapprocher les logiques de la coopération et du développement avec celles de la coopération culturelle, scientifique et technique.

La DGCID et les autres directions du Ministère des Affaires Étrangères, notamment les directions politiques et les directions chargées d'assurer le suivi du travail européen et multilatéral, se sont rapprochées. Les méthodes de travail ont évolué et s'appuient désormais sur le développement d'une relation de partenariat avec les pays bénéficiaires de l'aide bilatérale, pour rompre avec un système de coopération de substitution.

En termes de moyens en personnel, la DGCID compte à l'administration centrale environ 550 personnes, soit environ 10% de moins que le total des personnels de l'ancienne DGRCST et de l'ancien Ministère de la Coopération. L'intégration des personnels de ce ministère au sein des corps du Ministère des Affaires Étrangères est en partie réalisée. Un certain nombre des agents de l'ancien Ministère de la Coopération occupent des fonctions dans le dispositif classique du Ministère des Affaires Étrangères et vice versa.

Le budget mis à la disposition de la DGCID en 2001 s'élève à 9,285 milliards de francs, dont les deux tiers concourent à l'aide au développement. Cela représente 42 % du budget total du ministère des Affaires étrangères. Elle gère un portefeuille de 503 projets de développement en cours d'exécution actuellement financés dans la ZSP par le Fonds d'Aide et de Coopération (FAC) et son successeur depuis l'année 2000, le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP). Les crédits du FSP pour 2001 représenteront 1147 millions de francs, soit le même ordre de grandeur que les crédits réservés aux dons-projets de l'AFD (1140 millions de francs) ; ils sont en baisse. La DGCID gère également 2110 coopérants civils en fonction dans le monde entier durant l'année 2000, dont 1740 au service de la coopération au développement dans les pays de l'Afrique subsaharienne ou pays de l'ancien "champ", 22 221 étudiants et stagiaires étrangers en France en 2000, boursiers du gouvernement français, 160 000 élèves dans 270 établissements scolaires dépendant de l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger (AEFE), 150 établissements culturels et 220 alliances françaises implantés dans le monde entier, disposant d'un encadrement français, qui en sus de leurs activités culturelles, enseignent le français à quelques 370 000 personnes, 27 centres de recherche, 130 missions archéologiques.

Le budget global 2001 de la DGCID est ainsi ventilé :

Quatre grandes directions sectorielles traitent, pour le monde entier, des quatre grandes catégories d'action de la coopération internationale : une direction du développement et de la coopération technique ; une direction de la coopération culturelle et du français ; une direction de l'audiovisuel et des techniques de communication ; une direction de la coopération scientifique universitaire et de la recherche. S'y ajoutent la mission pour la coopération multilatérale et celle pour la coopération non gouvernementale.

La répartition par direction sectorielle des crédits de coopération (hors salaires titre III, concours financiers et transport de l'aide alimentaire) s'établit comme suit :

En outre, il existe auprès du Directeur général trois pôles stratégiques regroupés au sein d'une direction de la stratégie, de la programmation et de l'évaluation. Il s'agit d'un service de la coordination géographique chargé d'assurer la cohérence politique des actions menées sur un plan géographique, d'une sous-direction de la programmation et des affaires financières et d'une sous-direction de la stratégie, de la communication et de l'évaluation, pour suivre les questions multilatérales et l'analyse stratégique.

En janvier 1999, les anciens chefs de mission sont devenus conseillers de coopération et d'action culturelle. Ils sont, en tant que chefs du Service de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC) directement placés sous l'autorité de l'ambassadeur de France. En janvier 2000, les personnels titulaires issus des cadres du Ministère de la Coopération ont été intégrés dans les corps du Ministère des Affaires Étrangères et sont donc désormais régis par les textes applicables à ces derniers.

Au Sénégal et au Mali, les ambassadeurs comme les chefs des SCAC estiment que les réformes opérées leur permettent de mieux coordonner les actions de coopération et assurent une meilleure circulation de l'information entre l'Ambassade, le SCAC, la représentation de l'Agence Française du Développement (AFD), les bailleurs de fonds multilatéraux et les opérateurs locaux.

Selon les différents responsables rencontrés sur le terrain comme dans l'administration centrale, cette réforme s'est traduite par une plus grande efficacité des aides bilatérales même si elle ne peut compenser à elle seule leur baisse.

2) Une meilleure coordination des aides bilatérales

La gestion des aides se répartit désormais entre le ministère et l'AFD. Le Ministère des Affaires Étrangères gère directement l'aide aux secteurs institutionnels et de souveraineté, avec pour instrument de coopération le FSP et l'assistance technique (environ 3000 coopérants mis à disposition de gouvernements ou d'institutions étrangères). Sur le terrain, ces actions relèvent des SCAC placés sous l'autorité de l'ambassadeur. L'aide matérielle et technique à la décentralisation est l'une des actions majeures menées par les ambassades afin d'utiliser l'échelon local capable de mobiliser directement les énergies comme moteur du développement.

La coopération technique française se caractérise notamment par un effort important d'assistance technique et d'expertise qui tend à remplacer la coopération de substitution.

L'autre instrument directement mis en _uvre par le pôle diplomatique est le FSP. Les interventions du Fonds sont sélectionnées selon les mérites propres à chaque projet et font l'objet d'une contractualisation sur la base d'objectifs précis, dans un cadre pluriannuel, entre la France et le pays partenaire de chaque projet. L'AFD s'est vu attribuer, d'après la réforme, le financement des projets sociaux, sous la forme d'infrastructures dans les secteurs de la santé et de l'éducation ; elle a créé à cet effet un "Département des projets sociaux", de taille réduite. Mais en matière d'infrastructure d'éducation, il n'est pas certain que sa compétence couvre les dépenses liées à la maintenance des infrastructures.

Les avis personnels sont demandés aux ambassadeurs de France sur les projets instruits par l'AFD à trois moments successifs : avis sur l'opportunité politique du projet, préalablement à l'examen par un comité ad hoc de la note de présentation du projet identifié, avis sur l'environnement politique de la décision à prendre, préalablement à la présentation du projet au Conseil de surveillance et en fin d'exécution d'un projet, avis sur son impact politique.

La zone d'intervention de l'AFD est désormais la ZSP, avec priorité aux Etats africains et/ou francophones. L'AFD peut également intervenir hors ZSP dans un certain nombre d'Etats insulaires des Caraïbes et du Pacifique pour financer des projets de coopération régionale avec les territoires et départements d'outre-mer. Pour des opérations ponctuelles dans des zones hors départements et territoires, l'Agence peut aussi être impliquée au titre de l'article 5 de ses statuts, dans le cadre d'une convention ad hoc passée avec l'Etat, par laquelle lui sont déléguées les ressources correspondantes : ce fut notamment le cas dans les Balkans (Albanie, Kosovo, Macédoine).

Cette délimitation des compétences dans la gestion des aides pose en pratique peu de difficultés, si ce n'est que l'AFD n'intervient traditionnellement que sur des projets supérieurs à 5 millions de francs. Sauf à utiliser des opérateurs intermédiaires ou des modalités particulières, elle ne peut, compte tenu de la lourdeur de ses procédures, financer de micro-projets de développement. Cependant, en partenariat avec des opérateurs agréés, pour des besoins précis et identifiés, et afin de lutter contre la grande pauvreté, elle a su adapter ses structures au financement de micro-projets à Bamako telle l'organisation d'un système de microcrédit (programme Misellini) au profit de femmes très pauvres à Bamako qui est un succès en termes de lutte contre la pauvreté et de participation des acteurs locaux au développement.

3) Une collaboration plus fructueuse avec les organisations non gouvernementales (ONG)

La réforme permet d'établir une collaboration plus fructueuse et consolide de nouvelles modalités de travail avec les ONG par le recours à des conventions d'objectifs et à des programmes prioritaires. Elle a élargi le champ géographique et thématique du dialogue permanent avec les ONG dans le cadre des instances de concertation comme la Commission Coopération pour le Développement (CCD) et le Haut Conseil à la Coopération Internationale (HCCI).

Sous réserve d'un renforcement des moyens en personnel, la Mission pour la coopération non gouvernementale devrait permettre de répondre aux attentes que se sont fixées les pouvoirs publics dans le cadre de leur relation avec les ONG. Ainsi lors des Assises Nationales de la Solidarité Internationale (1997) ils ont marqué leur volonté de sortir d'une simple logique de "guichet" pour développer en amont avec les ONG une réflexion conjointe, relative à la mise en forme de programmes d'action diversifiés, de plus grande ampleur, mieux articulés aux stratégies de développement des pays considérés, et présentant une meilleure visibilité de l'action non gouvernementale française afin de faciliter l'accès des associations françaises aux financements multilatéraux.

Les procédures mises en place visent à atteindre cet objectif. La convention d'objectifs a pour objet de structurer une relation de partenariat entre l'administration et les ONG dont l'expérience et les qualités d'intervention sont reconnues. Les conventions visent à réduire la lourdeur d'instruction de multiples projets d'une même ONG en regroupant dans un programme pluriannuel de trois ans un certain nombre d'actions conduites par cette ONG autour d'objectifs définis en relation étroite avec les pouvoirs publics. Huit ONG ont bénéficié à ce jour de ce type de convention qui organise un dialogue permanent avec la mission pour la coopération non gouvernementale et prévoit une évaluation commune au terme du programme triennal.

Quant aux programmes prioritaires, ils regroupent plusieurs projets de plusieurs ONG après concertation entre celles-ci, la mission pour la coopération non gouvernementale et les services techniques communs de la DGCID sur un programme pluriannuel. Thématiques ou géographiques les programmes prioritaires visent à la cohérence entre les initiatives des ONG et les actions menées bilatéralement par le Ministère des Affaires étrangères sur un secteur ou une zone géographique. Ils tendent à encourager l'intervention concertée des ONG françaises, la capitalisation et la valorisation de leur expérience. Quatre programmes prioritaires sont en cours d'exécution : trois géographiques (Vietnam, Palestine, Burkina-Faso), un thématique (programme urbain) et deux nouveaux programmes prioritaires sont en cours de négociation : Cuba et Maroc.

Une troisième procédure qui mobilise des moyens beaucoup plus modestes concerne les dotations aux partenariats qui visent à soutenir les organisations locales des pays en développement (ONG, groupements, institutions) en s'efforçant de les structurer et de leur conférer une autonomie par l'intermédiaire d'ONG françaises. Ce type de programme devrait se développer dans les mois et les années qui viennent. Les autres projets des ONG sont cofinancés selon la procédure traditionnelle : initiative de l'ONG qui présente une requête à l'administration.

Le renforcement institutionnel des divers acteurs de la société civile dans les pays de grande pauvreté, en transition économique ou en sortie de conflit est demandé tant par les ONG que par les pouvoirs publics. Les ONG auditionnées en France ou rencontrées sur le terrain au Sénégal et au Mali souhaitent l'établissement de système d'actions concertées avec les postes diplomatiques. Elles sont soucieuses d'agir avec efficacité par des actions coordonnées et demandent un renforcement des circuits d'informations. Par ailleurs plusieurs associations implantées en France et à l'étranger comme Banlieues du Monde éprouvent selon elles certaines difficultés à établir des relations avec les postes diplomatiques sur place alors qu'elles estiment participer, grâce à la forte proportion de migrants parmi leurs adhérents, à l'établissement de nouvelles formes de coopération utiles pour la France comme pour les pays d'où les migrants sont originaires.

Au Sénégal comme au Mali, nombre de projets impliquant des ONG voire des fédérations d'associations françaises ou locales comme le complexe éducatif remarquable de Thiaroye au Sénégal, ou les projets de réinsertion de migrants à Bamako, sont largement connus et suivis par les responsables des services de coopération et d'action culturelles qui s'efforcent de les soutenir et de les promouvoir.

Selon eux la multiplication des associations locales qui interviennent dans les opérations de développement est certes utile à l'implication des populations dans les stratégies de développement mais le statut local de ces associations est souvent flou, leurs méthodes mal connues et leur projet parfois difficile à cerner ce qui peut expliquer une certaine réserve. Il est vrai que les opérateurs de terrain au sein des postes diplomatiques préfèrent privilégier les associations locales et les ONG françaises qu'ils connaissent avec qui ils ont déjà établi des liens et qui savent mieux présenter leurs projets. Cependant, ils se montrent sensibles à l'implication dans les projets de développement d'opérateurs locaux ou de migrants qui ont décidé de revenir dans leur pays. Chacun semble vouloir privilégier les systèmes de coopération novateurs impliquant le plus possible les populations concernées à l'échelon local.

B - Des politiques novatrices, notamment au Mali et au Sénégal

Depuis plusieurs années, un effort de rénovation des pratiques de coopération a été entrepris en vue d'abord de limiter la coopération de substitution pour impliquer davantage ensuite d'autres acteurs et notamment les populations locales dans le développement.

1) Le passage de la coopération de substitution aux missions d'assistance technique

La mise à disposition sur une longue durée d'un nombre important d'experts de spécialités très variées est, pour une part, un héritage de l'histoire. Elle reflète aussi la volonté d'accorder une place importante à la coopération d'expertise, de conseil et de formation d'homologues au moyen d'un appui humain de longue durée et se traduit par le financement de missions d'experts français dans ces pays pour assurer des formations ou soutenir des programmes spécifiques.

Cependant, conformément aux conclusions du rapport de M. Jean Nemo, le dispositif d'assistance technique s'adapte progressivement aux objectifs de modernisation de l'aide en personnel. La déflation des effectifs d'assistance technique et d'expertise a atteint 31,7 % en quatre ans ; on est ainsi passé de 2 898 coopérants en 1996 à 2 557 en 1998, 2 133 en 1999 et à seulement 1 979 en 2000 (voir tableau en annexe 4). Cette baisse s'avère, par son ampleur, très préoccupante et suscite bien des interrogations que votre Rapporteur partage. Elle correspond certes à des stratégies locales de redéploiement de crédits. En supprimant ces emplois, on s'efforce de financer des projets utilisant la main d'_uvre locale formée par des experts dont les missions tendent à être plus brèves et ponctuelles. Toutefois l'ampleur des suppressions de postes peut nuire à l'efficacité de l'assistance technique dès lors qu'on imagine mal notre coopération passer aussi brutalement de la "substitution" à "l'expertise"..

Votre Rapporteur a constaté combien les missions confiées à l'assistance technique et d'expertise avaient évolué, l'objectif étant la formation du personnel local, voire la formation de formateurs locaux aptes à mener eux-mêmes de telles actions. L'action menée par le SCAC à Bamako en liaison avec les autorités maliennes, la Banque Mondiale et les associations locales d'entrepreneurs est exemplaire. A travers la création d'une unité de formation et d'appui aux entreprises de maintenance et de bâtiment, une action innovante a été menée grâce au concours de quatorze assistants techniques français en début de projet (1996) ; ils ont progressivement été remplacés par des Maliens qui comptent exploiter leur savoir-faire dans toute l'Afrique de l'Ouest. Il n'y a plus aujourd'hui que trois assistants techniques français qui travaillent sur ce projet. Partant de l'idée qu'il fallait former les salariés ayant déjà un emploi pour aider avec efficacité des secteurs comme l'hydraulique, le bâtiment, la maintenance bio-médicale, l'assistance technique française s'est attachée à initier le projet, à former les futurs cadres chargés de cette formation professionnelle afin de se retirer progressivement et d'être remplacés par des formateurs maliens de haut niveau et très impliqués dans un projet en phase avec les besoins immédiats du pays en main d'_uvre qualifiée dans des secteurs prioritaires pour son développement.

L'évolution rapide des missions confiées à l'assistance technique, leur spécificité ainsi que la technicité requises deviennent incompatibles avec l'idée d'une carrière. Le séjour en coopération devra être de plus en plus géré comme une parenthèse dans un parcours professionnel et les règles limitant le temps de séjour doivent ainsi concourir à une meilleure réinsertion des agents à l'issue de leur mission, que ce soit sur le marché de l'emploi pour les contractuels ou dans leurs ministères d'origine pour les fonctionnaires. Un groupe de travail a été spécialement constitué en 2000 afin d'unifier les textes réglementaires qui sont applicables à ces personnels, dans le sens d'une plus grande souplesse et d'une uniformisation des modalités de gestion. Une telle initiative est fort utile car il est pour l'instant très difficile d'envoyer pour une durée de moins de six mois un fonctionnaire accomplissant une mission d'assistance technique ponctuelle. Peu d'administrations disposent de la flexibilité qu'implique de telles opérations. Or à l'avenir d'après les experts auditionnés, pour être efficaces, les missions d'assistance technique ne devront pas excéder dix-huit mois et être accomplies par des personnels moins nombreux mais de plus haut niveau. Le recours au secteur privé a même été évoqué par certains pour recruter des personnels prêts à accomplir ce type de mission.

La réflexion en cours sur l'évolution future de l'assistance technique vise donc à l'inscrire dans des durées de mission mieux adaptées à celle des projets. L'expatriation de spécialistes français au service de la coopération internationale et du développement constitue un atout de première grandeur de la coopération française, qu'il faut préserver et faciliter, en l'adaptant.

Si elles souhaitent être des acteurs du développement il appartiendra aux administrations centrales de relever le défi et de transmettre leur savoir faire à des Etats qui en ont réellement besoin. Les collectivités locales quant elles y semblent prêtes et les autorités françaises comme celles des pays bénéficiaires se félicitent des actions ainsi conduites.

    2) La promotion de la coopération décentralisée

D'après le rapport de M. Yves Tavernier, remis au Premier ministre, la coopération décentralisée mobiliserait plus d'un milliard de francs d'aide par an et participe à ce titre de plus en plus à l'APD. La ligne budgétaire consacrée à la coopération décentralisée est utilisée pour cofinancer l'ensemble des projets de coopération décentralisée à travers le monde. Les projets peuvent être présentés par l'intermédiaire des préfectures de région ou directement au Ministère des Affaires Étrangères, lorsqu'il s'agit de projets émanant d'organismes fédérateurs des collectivités locales.

Dans le cadre de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-Région 2000-2006, dix-sept Régions ont souhaité y inscrire la coopération décentralisée contre dix dans le précédent contrat de plan. L'Etat s'est engagé à contracter avec les régions pour un montant de 130,5 MF sur sept ans. Le Ministère des Affaires Étrangères a défini des thématiques et des zones géographiques prioritaires à privilégier dans la mise en _uvre des actions de coopération décentralisée pour lesquelles les collectivités territoriales sollicitent un cofinancement de l'Etat. Les projets présentés par les collectivités territoriales doivent favoriser le développement local, renforcer le processus de la démocratie et développer le tissu économique de leurs partenaires.

Les priorités que le Ministère des Affaires Étrangères a retenu pour les contrats de plan Etat-Région concernent la formation en France d'étudiants étrangers, la formation professionnelle et les échanges entre entreprises et le renforcement des compétences culturelles, administratives et institutionnelles des collectivités partenaires. Les pays figurant dans la ZSP, les pays d'Europe Centrale et Orientale, les pays victimes du cyclone Mitch, les pays d'Europe du Sud-Est sont prioritaires.

Sur 234 opérations présentées pour un cofinancement (en août 2000) pour un montant total de 34,684 millions de francs, la répartition géographique pour les principaux bénéficiaires est la suivante :

PAYS

NOMBRE DE PROJETS

MONTAL TOTAL DE FINANCEMENT (F)

Roumanie

29

2 045 140

Maroc

14

2 184 930

Vietnam

14

1 549 500

Pologne

13

1 300 750

Burkina Faso

8

290 810

Bassin Méditerranéen

7

1 544 000

Hongrie

7

1 083 480

Palestine

6

947 750

Algérie

6

915 500

Cuba

5

991 070

Bénin

3

1 772 850

Répartition par type de collectivités territoriales

Nombre de projets (en pourcentage) présentés par :

Régions

Départements

Communes

Projets dits "d'intérêt général"

23,9 %

20,1 %

45,7 %

10,3 %

La réforme du dispositif français de coopération internationale tend à mieux associer la société civile à l'effort de coopération. La coopération "hors Etat" se situe donc au c_ur de cette nouvelle dynamique. Portée par les initiatives des collectivités locales et territoriales, la coopération décentralisée complète l'effort de l'Etat et se présente comme une contribution à l'aide publique au développement.

Différentes des actions entreprises par les ONG, la coopération décentralisée se distingue des actions de l'administration de d'Etat par son style, son caractère de réciprocité, le souci de développer des partenariats "de proximité" avec des collectivités avec lesquelles existent des affinités (taille, traditions politiques et/ou culturelles, types d'activités économiques...). La coopération décentralisée s'inscrit dans la durée, élément fondamental de sa légitimité.

Les rencontres nationales de la coopération décentralisée, qui ont eu lieu en 1999, ont clairement fait apparaître que tous les acteurs de cette coopération (collectivités territoriales, administrations centrales de l'Etat, postes diplomatiques, associations) étaient conscients de la nécessité d'une plus grande cohérence de l'image donnée par la France dans les pays où elle intervient par ses conseils ou son soutien technique ou financier, et d'une meilleure information mutuelle.

L'Etat encourage les efforts de concertation et de coordination des collectivités locales (et ceux de leurs organes fédérateurs), notamment à l'occasion des Commissions mixtes, ou par l'organisation de "groupes-pays", dans lesquels sont élaborées les stratégies et les orientations de l'action internationale de la France.

Sur le terrain, et notamment au Mali et au Sénégal, la coordination des actions de coopération décentralisée avec celles du Ministère des Affaires Étrangères et des ONG semblent bien assurées ce qui répond aux v_ux de tous les opérateurs. Ces deux pays bénéficient d'actions de coopération décentralisée d'envergure liées à la mise en place de structures politiques et administratives décentralisées. Toutefois selon certains opérateurs sur place, la coopération décentralisée gagnerait en efficacité en développant le concept de partenariat, en contractualisant les relations pour mieux responsabiliser les partenaires, en clarifiant le rôle et les missions de chacun des acteurs et en privilégiant des programmes réalistes de moindre envergure dont on maîtrise mieux les financements.

La plupart des collectivités locales françaises n'ayant pas la capacité de maintenir une assistance technique permanente (sauf dans certains cas par l'intermédiaire de quelques volontaires du progrès), doivent s'efforcer de mieux définir les résultats et de mieux évaluer les avantages qu'il y aurait à passer des conventions financières permettant d'intégrer l'aide au budget de la collectivité locale bénéficiaire. Il faudrait que l'intégration de l'aide fournie au titre de la coopération décentralisée au budget des collectivités locales bénéficiaires soit systématisée pour répondre aux demandes formulées par les opérateurs, les élus locaux et les populations.

Votre Rapporteur a noté l'impact sur le terrain des actions de coopération décentralisée. Elles sont généralement très ciblées et bien menées. Mobilisant peu de moyens, elles participent au développement durable et tissent des liens profonds entre les populations bénéficiaires et celles qui les aident car elles favorisent des échanges suivis.

Pour la plupart des experts la coopération décentralisée est à même de répondre au formidable défi qu'implique la décentralisation dans les pays en développement car elle peut contribuer à la formation des élus et fonctionnaires locaux et de cadres intermédiaires, et ainsi répondre aux objectifs de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption fixés par la Banque Mondiale.

Selon "Cité unies France" les actions de coopération décentralisées déclenchent un important effet de levier. Quand une collectivité locale investit 1,2 franc, l'Etat en investit 1,2, le secteur privé 1,2 et le bénéficiaire 0,5. Peu d'actions de coopération ont un tel effet d'entraînement. En outre, la participation des citoyens des collectivités locales du Nord à des actions de coopération décentralisée répond à une réelle aspiration de la société civile. Elle implique tout un tissu associatif, des réseaux de jeunes tournés vers l'étranger et génère des échanges formels et informels avec le Sud contribuant ainsi à une meilleure intégration des migrants. C'est pourquoi on assiste à une forme de généralisation de la coopération décentralisée, chaque ville souhaitant participer à sa manière à de telles actions et de petites communes se regroupant entre elles pour s'y engager elles aussi. C'est également ce type d'échanges que mettent en _uvre les mécanismes de codéveloppement qui relèvent de la Mission Interministérielle au Codéveloppement et aux Migrations Internationales (MICOMI).

3) Le codéveloppement et la nouvelle approche du rôle des migrants

Constatant que l'immigration ne se tarira pas dans la mesure où la réduction de l'écart économique entre le Nord et le Sud est loin d'être acquise et que le concept d'immigration zéro est actuellement battu en brèche par tous les démographes, le codéveloppement propose un regard nouveau sur les migrants. Il valorise leur rôle dans le développement de leur pays d'origine et tend à fluidifier les mouvements migratoires dans un cadre légal et concerté supposant la participation active des Etats concernés.

Il poursuit trois objectifs principaux : négocier avec le pays d'origine une politique de régulation des mouvements migratoires et de prévention des flux illégaux, favoriser la mobilisation et les initiatives des migrants pour le développement de leur pays et région d'origine, organiser la mobilité temporaire de ces personnes dans le but de se former sous la responsabilité conjointe de la France et du pays d'origine.

Pour l'instant, trois pays sont concernés par cette nouvelle approche : le Maroc, le Mali et le Sénégal. Dans ces deux derniers pays, la notion de codéveloppement et sa mise en _uvre n'ont pas paru évidentes. Initiée en 1998 parallèlement à la circulaire de régularisation des sans papiers la politique de codéveloppement a d'abord été assimilée à "l'arsenal répressif contre l'immigration", et a suscité quelque méfiance. La création, à la fin des années quatre-vingt-dix de la MICOMI, dans le contexte de l'élaboration du contrat de retour dans le pays d'origine (CRPO), jeta la suspicion sur le concept du lien entre codéveloppement et migration. Elle explique le peu de succès des CRPO malgré l'aide substantielle à la formation professionnelle et à la réinsertion dans le pays d'origine qu'ils impliquaient. Seulement deux Sénégalais et dix-huit Maliens ont utilisé cette possibilité.

Actuellement, une évolution du concept utilisé comme un nouvel outil de coopération semble se dessiner. Le codéveloppement ne serait plus seulement un moyen de maîtriser les flux migratoires mais un outil de développement social fort utile à l'intégration dans les cités des migrants de la deuxième génération et aux échanges entre la France et ses partenaires du Sud. Il deviendrait un facteur du développement d'un pays qui intègre de façon organisée et légale les contributions de toute nature des migrants qui en sont originaires. Parallèlement, il serait une des modalités de gestion des flux migratoires par l'organisation d'un partenariat bilatéral, portant sur des projets et programmes de développement impliquant les migrants comme les populations originaires des zones traditionnelles d'immigration.

Malgré les ambiguïtés de sa définition le concept de codéveloppement a le mérite de faire du migrant un opérateur potentiel du développement ; il institutionnalise et renforce les solidarités fortes entre les migrants et leur pays d'origine. Par des aides spécifiques, il valorise la compétence des migrants (stages de formation pour les animateurs d'associations de migrants, bourses de codéveloppement, missions d'appui de migrants qualifiés axées sur des échanges professionnels avec leur pays d'origine). Des systèmes d'aide à la création d'activité économique par des migrants dans leur pays d'origine ont été mis en place et votre Rapporteur a pu en constater l'efficacité à Bamako où, de retour dans leur pays, des migrants ont créé des petites entreprises et généré des emplois. La politique de codéveloppement est l'un des axes de la relation franco-malienne. Elle ne se substitue pas à la coopération existante, notamment aux actions de coopération déjà menées dans le cadre d'un programme de développement local migration (PDLM) dans la région de Kayes, d'où sont originaires la plupart des migrants, mais la complète par une meilleure prise en compte des migrants, présents et à venir, comme acteurs du développement du Mali.

On s'efforce ainsi de favoriser les projets réalisés par des migrants de retour en France, de mettre à contribution les compétences de migrants installés en France pour répondre à certains besoins du secteur privé, de l'administration et de l'enseignement. Cet apport de compétence et d'expertise ne passe pas nécessairement par le retour au pays ; il peut se réaliser, par exemple, par des missions de courte durée ne remettant pas en cause l'intégration en France lorsqu'elle est souhaitée. Cette politique devrait s'accompagner d'un renforcement des possibilités de formation en France. Les associations de migrants ne demandent qu'à participer aux actions de codéveloppement.

En accord avec le Mali, il a été convenu que la mobilisation des compétences et des ressources des migrants serait favorisée dans les domaines notamment du développement local et régional, celui du système productif, de la mobilisation de l'épargne et de l'implication des jeunes issus de l'émigration.

Cette politique se concrétise par des programmes de codéveloppement mis en _uvre par des associations de migrants, entreprises, organismes de formations, organisations de solidarité internationales, collectivités territoriales impliquées dans la coopération décentralisée, etc. Une convention de codéveloppement, reprenant ces principes et ces points d'application pourrait ainsi être prochainement signée entre la France et le Mali. Pour sa mise en _uvre, cette convention bénéficierait d'un soutien du FSP.

Le codéveloppement favorise le rôle des associations de migrants et les échanges d'expérience entre jeunes issus de l'immigration et ceux de leur pays d'origine. Chacun par ces échanges, étant confronté à la réalité de l'autre, peut mesurer les avantages et les inconvénients d'une éventuelle immigration. Ce type de relation favorise à terme la réinsertion des jeunes issus de l'immigration. Au Sénégal comme au Mali, de telles expériences ont été profitables, elles conférent des possibilités de migration ponctuelle pour acquérir à la fois un savoir faire et des capacités de financement. Les associations de migrants qui assurent la pérennité du lien du migrant avec son pays d'origine peuvent être un facteur innovant de développement dès lors qu'elles reçoivent l'aide technique qu'elles demandent. Plus qu'une augmentation de leurs moyens financiers, elles revendiquent une aide dans l'élaboration et la coordination de leurs projets.

La notion de codéveloppement implique cependant une grande fluidité des échanges et des politiques souples d'attribution de visas permettant des allers et retours multiples. Elle répond aux effets de la mondialisation des échanges et devra se détacher de la question du contrôle des flux migratoires.

CONCLUSION

La France a donc bien réussi la refonte de son dispositif institutionnel de coopération ; elle impulse des politiques innovantes en matière d'aide au développement. Il lui reste d'abord à se montrer plus exigeante sur l'efficacité des aides européennes auxquelles elle contribue largement.

Devant les graves difficultés que connaît le système européen de gestion d'aide au développement, qui accuse un retard de quatre à sept ans dans le décaissement des aides et présente près de sept milliards d'euros de reliquats de crédits quand on en vote treize milliards, faute de personnels suffisants pour faire face à la lenteur des procédures d'attribution des aides et de passation des marchés, les Etats membres, et particulièrement la France, devraient se montrer à la fois plus exigeants vis-à-vis de la politique de développement de l'Union européenne et plus audacieux quant à leur propre politique d'aide au développement.

Les crédits consacrés à la coopération et au développement pour l'exercice 2001 auraient dû croître. Leur stagnation brouille le message très généreux que les autorités françaises s'efforcent de délivrer en faveur des pays les plus pauvres et les plus endettés.

Votre Rapporteur regrette la relative faiblesse de l'aide publique française au développement, qui nuit à la lisibilité et à l'efficacité de l'action de la France. Pour lui, il reste donc à la France à se donner enfin l'objectif de porter son aide publique au développement à 0,7% de son PIB en cinq ans.

Cependant, impressionné par la volonté de réformer le système de coopération et de mener des politiques de développement novatrices et bien ciblées, il vous invite à donner un avis positif à l'adoption de ces crédits.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 24 octobre 2000, la Commission a examiné pour avis les crédits de la Coopération pour 2001.

Après l'exposé de M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur pour avis, Mme Bernadette Isaac-Sibille lui a demandé pourquoi le Sud-Caucase ne faisait pas partie de la zone ZSP. Des pays comme l'Arménie ou la Géorgie mériteraient qu'on s'intéresse à eux. Sur quels critères est établie la liste des pays de la ZSP ?

M. René André a observé que la France intervenait beaucoup, parfois avec un manque de clarté évident dû en partie au caractère dispersé de son aide et qu'elle ne faisait pas toujours suffisamment savoir que c'est elle qui payait. D'une part, son aide directe n'est pas toujours soulignée et, d'autre part, l'aide qu'elle apporte via les canaux européens est totalement occultée. Quant aux ONG, il est certes mal venu d'avoir des pensées divergentes, mais si certaines d'entre elles sont très efficaces, d'autres devraient faire davantage leurs preuves. Elles oublient parfois qu'elles sont d'origine française et qu'elles apportent leur aide au nom de la République française. M. René André a déploré le fait que la France ait une politique des visas très restrictive, notamment à l'égard de l'Afrique. De nombreux intellectuels et chercheurs vont aux Etats-Unis ou au Canada. La France en paiera le prix dans quelques années.

M. Jean-Yves Gateaud a répondu aux intervenants.

La ZSP a été définie par le CICID en 1999 sur la base de différents critères comme la francophonie, le lien historique avec la France, le souci de cohérence du développement régional, d'étendre l'influence de la France à l'Afrique francophone et d'aider les pays les plus pauvres et les plus endettés. Les cas de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan mériteraient d'être évoqués quoiqu'ils bénéficient d'autres types d'aides. Le CICID devrait procéder rapidement à un réexamen de la liste des pays figurant dans la ZSP afin de la rendre plus homogène pour rendre l'aide bilatérale plus efficace.

La visibilité de l'aide bilatérale française pose problème car la France consacre généralement plus d'énergie à définir et organiser des programmes de développement qu'à faire connaître son action.

Les postes diplomatiques sont en relation avec diverses ONG, qui expriment généralement leur demande de conseils en matière de coordination comme d'évaluation de leurs actions.

Le problème du nombre de visas délivrés aux étudiants étrangers est récurrent. Il est certes encore insuffisant mais a substantiellement augmenté (près de 40 % sur les six derniers mois).

A cet égard le Président Gérard Charasse a fait état d'une nette amélioration des conditions d'accueil et de délivrance de visas tout en souhaitant des efforts supplémentaires.

M. Yves Dauge a demandé au Rapporteur de bien vouloir préciser les chiffres concernant les bourses attribuées aux étudiants étrangers et le nombre de postes de coopérants techniques permanents. La baisse du nombre de coopérants a fait l'objet de critiques. Il serait déplorable de réduire trop brutalement, voire de condamner la coopération de substitution, surtout en Afrique. Il faut savoir à quel niveau on voudrait stabiliser le nombre de postes de coopérants techniques, car, en les diminuant trop, on risque de démobiliser et de décourager les coopérants.

Mme Martine Aurillac a partagé les inquiétudes de M. Yves Dauge. Le passage de la coopération de substitution à l'expertise n'est qu'un habillage qui cache à nouveau un désengagement que tous déplorent.

M. Michel Terrot s'est également fait l'écho de M. Yves Dauge. Il faut prendre ses responsabilités et arrêter la chute libre de la présence française dans des pays déstructurés et qui ne peuvent vivre administrativement qu'avec l'aide de la France. Il a demandé au Rapporteur de donner les chiffres de la baisse des postes année par année.

M. Jean-Yves Gateaud a précisé que les crédits affectés aux bourses étaient en légère diminution, passant de 595,7 millions de francs en 2000 à 527,8 millions en 2001, et qu'un programme de bourse d'excellence "Eiffel", destiné à former des cadres, avait été engagé en 1999, qui concernerait à terme mille boursiers.

Il a qualifié la diminution du nombre des postes d'assistants techniques de préoccupante. Elle a en effet atteint 31 % en quatre ans : passant progressivement de 2 898 postes en 1997 à 2 557 en 1998, 2 133 en 1999 et 1 979 en 2000. Parfois la diminution du nombre de postes n'a pas d'effet mécanique direct sur le terrain car des actions de formation ont été menées. Cependant, dans certains domaines, la baisse trop forte suscite des inquiétudes quant au désengagement de la France. A partir d'un certain niveau de diminution de ses moyens, l'assistance technique n'apparaît plus en situation de remplir sa mission.

Mme Martine Aurillac s'est étonnée du pourcentage de la baisse du nombre de postes d'assistants techniques.

M. Michel Terrot s'est également déclaré préoccupé par ces chiffres.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la Coopération pour 2001.

ANNEXE 1

AUDITIONS

21 septembre 2000

- M. Bertrand Gallet, directeur général de "Cités Unies France"

26 septembre 2000

- M. Bruno Delaye, directeur général de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID), M. Jean-Jacques Beaussou, chef du service des programmes des moyens et de l'évaluation et M. Hubert Vernet, sous-directeur des moyens du réseau et du contrôle de gestion

- M. Daniel Pouzadoux, directeur de la Communication et de l'Information à l'Agence Française de Développement (AFD)

- Mme Coumba Traoré, présidente de "Banlieues du monde" et M. Guy Piacka, coordinateur des projets de développement de l'Association

28 septembre 2000

- M. Yera Dembelé, président de la Fédération des Associations Franco-Africaines de Développement (FAFRAD)

- Mme Geneviève André, administrateur de la Mission Interministérielle au Codéveloppement et aux Migrations Internationales (MICOMI)

10 octobre 2000

- M. Jean-Claude Faure, président du Comité d'Aide au Développement de l'OCDE

ANNEXE 2

Programme de la mission de M. Jean-Yves Gateaud, rapporteur

Du 1er au 5 octobre à Dakar et Bamako

Dimanche 1er octobre

- 20 heures 30 arrivée à Dakar

Lundi 2 octobre

- 9 heures Réunion avec l'équipe du Service de Coopération et d'Action Culturelle (SCAC)

- 9 h 30 Réunion avec les ONG au SCAC sur le co-développement et la coopération décentralisée

- 11 heures Réunion avec M. Fall, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères

- 15 heures Réunion à la Maison des Elus Locaux, sur la coopération décentralisée, en présence du Maire de Dakar

- 17 heures Réunion à la délégation à l'Union européenne

Mardi 3 octobre

- 8 heures Visite du projet de l'ONG, "village pilote" à Thiaroye

- 11 heures Réunion avec les responsables de l'Agence Française de Développement (AFD)

- 15 heures Réunion avec les assistants techniques

- 16 heures Bilan de la visite avec l'Ambassadeur de France au Sénégal

- 18 h 30 Départ pour Bamako

Mercredi 4 octobre 2000

- 8 heures Entretien avec les responsables de programme concernant les migrations et le codéveloppement

- 9 heures Visite d'un projet de réinsertion de migrants

- 11 heures Présentation coopération française au Mali par les responsables du SCAC

- 13 heures Rencontre avec l'Office des Migrations Internationales (OMI)

- 15 heures Présentation des activités de l'AFD, visites de projets sur Bamako

- 19 heures Cocktail offert par le chef du SCAC, (en présence de représentants de la communauté française, de coopérants et de diplomates)

Jeudi 5 octobre 2000

- 8 heures Visite du projet de développement social de quartiers Bamako Yirimadjo (adduction d'eau)

- 10 h 15 Entretien avec le directeur de Banlieues du Monde Mali

- 11 heures Visite d'une unité de formation professionnelle

- 13 heures Déjeuner en présence du Président de l'Assemblée nationale du Mali et de députés maliens

- 15 heures Table ronde sur les coopérations décentralisées

- 18 heures Entretien à la délégation de l'Union européenne

- 19 heures Bilan de la visite avec l'Ambassadeur de France

- 22 h 35 Départ pour Paris

ANNEXE 3

Tableau du montant de l'aide publique française par habitant

apportée à chaque pays bénéficiaire, rapporté au montant du PNB
par habitant de chacun de ces pays

ANNEXE 4

Assistance technique - Evolution depuis 4 ans des effectifs tous statuts

_________

N° 2626.- Avis de M. Jean-Yves Gateaud, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi de financespour 2001.- Tome III : Affaires étrangères : Coopération.

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