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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 18 juillet 2013

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Je vous informe qu’à la demande de la commission des lois, l’Assemblée nationale ne tiendra séance, lundi 22 juillet, qu’à partir de dix-sept heures.

M. Marc Dolez. Très bien !

2

Projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (nos 1120, 1216, 1207, 1177, 1205, 1178).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures trente-six minutes pour le groupe SRC, sept heures cinquante et une minutes pour le groupe UMP, trois heures neuf minutes pour le groupe UDI, une heure trente-sept minutes pour le groupe écologiste, une heure quarante minutes pour le groupe RRDP, une heure cinq minutes pour le groupe GDR, et vingt-neuf minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Avant l’article 1erAA

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n631.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, madame la ministre, cela me fait plaisir que nous nous retrouvions après une discussion générale qui a duré bien longtemps, et au cours de laquelle nous avons démontré, me semble-t-il, le caractère très technocratique de votre projet. Cet amendement, déposé avant l’article 1er AA, vise à supprimer le titre Ier : on ne peut pas, en effet, prétendre simplifier le millefeuille politique et administratif du pays en commençant par créer une nouvelle structure, fût-elle présidée par le Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’avis de la commission est évidemment défavorable sur cet amendement qui vise à supprimer une partie importante du texte.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement a clairement démontré, hier soir, l’utilité du titre Ier en insistant notamment sur l’absolue nécessité de réintroduire, à travers la clause de compétence générale, des moyens de réguler le mode d’action et d’intervention des élus locaux. Ces élus seront entendus et nous leur faisons confiance pour organiser, de manière responsable, les compétences de chacun dans les meilleures conditions possibles. Il va donc de soi que ce titre Ier qui est essentiel pour nous, ne peut en aucun cas être supprimé. Avis défavorable.

(L’amendement n631 n’est pas adopté.)

Article 1er AA

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 634 et 688.

La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n634.

M. Sylvain Berrios. Madame la ministre, vous mettez sous tutelle les élus locaux et on ne peut pas considérer que ce que vous venez de dire est exact. Vous engendrez un monstre technocratique, une sorte de démocratie administrative parallèle, et c’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’amendement de notre collègue vise à supprimer le Haut conseil des territoires. À l’origine, sa création devait figurer dans le dernier des trois textes relatifs à la modernisation de l’action publique locale et des collectivités, mais la commission des lois l’a finalement inscrite dans le premier de ces textes. La vocation du Haut conseil est de constituer un espace de discussion entre les exécutifs locaux, le Gouvernement et des représentants du Parlement. Il est d’autant plus important de le créer, qu’il sera en cohérence avec la fin du cumul des mandats à partir de 2017. Par ailleurs, un certain nombre de parlementaires, issus de tous les bancs, ont demandé la création de ce Haut conseil des territoires, relayant ainsi les préoccupations de très nombreuses associations d’élus locaux. Nous sommes évidemment défavorables à tout amendement qui viserait à le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n688.

M. Étienne Blanc. Il s’agit également d’un amendement de suppression. Vous créez un Haut conseil, qui va lui-même créer des commissions, lesquelles vont se réunir régulièrement. Vous créez donc une structure, un appareil complexe, au service de la décentralisation, dont vous défendez fortement la cause.

Par ailleurs, le Haut conseil sera présidé par le Premier ministre, qui en fixera l’ordre du jour, et c’est à lui qu’il reviendra de fixer le champ de la décentralisation. C’est lui, par exemple, qui influencera le règlement et qui préparera les dispositifs réglementaires accompagnant le mouvement de décentralisation. En réalité, ce Haut conseil traduit votre volonté de recentraliser ce que vous nous dites aujourd’hui vouloir décentraliser, et c’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

M. Philippe Cochet. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Le Haut conseil des territoires avait fait l’objet d’un premier débat, au cours duquel on s’était demandé s’il allait remplacer le Sénat. Le Sénat est l’une des assemblées législatives de notre système bicaméral et le Haut conseil rassemble, lui, des exécutifs, donc cet argument est définitivement derrière nous. Si l’Association des maires de France – en particulier M. Pélissard – ainsi que les présidents de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des régions de France défendent le HCT, c’est pour une raison simple : ils demandent – dans la mesure, en outre, où il y aura de moins en moins, sinon plus du tout, de représentants d’exécutifs dans les assemblées – que tous les décrets, mais surtout les lois, qui impliquent les collectivités locales soient discutés en amont pour préparer l’étude d’impact présentée au Parlement.

Nous avions pris, avec l’AMF, avec M. Pélissard et l’ensemble de son bureau, l’exemple des rythmes scolaires : si nous avions disposé d’un lieu où déposer le projet avant qu’il ne soit adopté, nous aurions sans doute amélioré – et le ministre de l’éducation nationale en convient tout à fait – l’implication des collectivités territoriales sur ce sujet. Avec le Premier ministre, nous avons largement suivi l’avis des élus de France, qui réclament un lieu de concertation. Je vous rappelle que, dans un souci de simplification, toutes les autres commissions – on en compte une vingtaine environ – qui réunissent à la fois l’exécutif et les élus seront supprimées. Nous simplifions les choses, puisqu’il n’existera plus désormais qu’un seul lieu, le Haut conseil des territoires, qui examinera en amont l’impact des décrets et des lois. En aucun cas il n’aura un pouvoir réglementaire, mais seulement un pouvoir de proposition.

Je vous rappelle, enfin, que le Comité des finances locales y sera représenté, tout comme la Commission consultative d’évaluation des normes, ce qui permettra d’éviter que certaines normes continuent à entraver l’action publique.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Il n’en demeure pas moins que la création de ce Haut conseil revient à institutionnaliser une nouvelle structure présidée par le Premier ministre. Si elle n’a pas une force normative ou réglementaire, elle aura néanmoins une force considérable, qui met en réalité les élus sous la tutelle d’un avis pré-législatif. C’est pourquoi nous maintenant notre demande de suppression.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je partage l’inquiétude de mes collègues face à l’apparition de ce niveau supplémentaire. Il ne faut pas oublier qu’en matière de coordination des politiques publiques au niveau des territoires, il existe déjà une chambre des territoires, le Sénat, dont il faudrait peut-être repenser le rôle de coordination et d’appréciation des politiques publiques concernant les territoires, comme vous l’évoquiez à l’instant, madame la ministre. Il existe aussi le Conseil économique, social et environnemental, qui donne des avis en matière de politiques territoriales, ainsi que des conseils économiques et sociaux régionaux, qui délivrent également des avis, sans compter les multiples organisations de coordination. Je crains qu’on ne soit en train de compliquer les choses, puisque les avis de ce Haut conseil auront nécessairement un effet sur les débats. En fait, il n’a été créé que parce que l’on n’a pas réussi à clarifier les compétences et le rôle de chacun.

M. Philippe Cochet. Absolument !

M. Jean-Christophe Fromantin. Pour pallier cette absence de clarification dans le fléchage des compétences, on crée une structure qui va tenter d’y mettre un peu d’ordre. Je pense qu’elle trahit en réalité la complexité des textes qui nous sont proposés.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Dans votre réponse, madame la ministre, vous avez en quelque sorte présenté ce Haut conseil comme une compensation au fait qu’il n’y aura bientôt plus de maires et de représentants des exécutifs locaux à l’Assemblée nationale. Outre, donc, la complexification introduite par ce dispositif, il y a aussi cette idée d’une compensation accordée après coup. Tout cela donne le sentiment que vous mettez en œuvre un dispositif compliqué pour corriger des décisions qui ont été prises de façon intempestive.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne pensais pas reprendre la parole sur ce sujet, mais je ne peux pas laisser dire qu’il s’agirait de compenser quoi que soit. Je vous rappelle que le rapport demandé par Nicolas Sarkozy sur les liens entre les assemblées législatives et l’exécutif, rédigé par Gilles Carrez et Michel Thénault, a débouché sur la proposition de créer un Haut conseil des territoires. J’espère tout de même que vous ne considérez pas que ce travail est de mauvaise qualité… Enfin, le président de l’AMF, que vous connaissez bien, a repris l’idée émise par le rapport en question et l’a proposée au Premier ministre. Nous avons eu une préfiguration de ce lieu de concertation pour le Pacte de solidarité, même si nous n’avons pas abouti à un accord parfait. Il faut respecter la République, et la continuité républicaine veut que l’on prenne en compte ce que Nicolas Sarkozy, lorsqu’il était Président de la République, et son Premier ministre, avaient demandé… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Devedjian. Quelle audace !

M. Philippe Cochet. On aura tout entendu !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je pense, par ailleurs, que le président de l’Association des maires de France n’est pas totalement dénué de bon sens, et surtout d’une appréciation juridique des choses. Or il a proposé qu’on reprenne le projet de Haut conseil des territoires, et le Premier ministre l’a accepté, en juillet ou en septembre 2011, en tout cas avant la fin des états généraux. La création de ce Haut conseil a été demandée par les états généraux, c’est-à-dire par l’ensemble des élus de France, et je pense que l’on peut faire confiance à ceux qui l’ont demandée.

(Les amendements identiques nos 634 et 688 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l’amendement n333.

M. Patrick Devedjian. Il est défendu.

(L’amendement n333, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n243.

M. Jacques Pélissard. Je vais profiter de la présentation de cet amendement pour faire le point sur l’ensemble de la question. Il arrive de plus en plus, mes chers collègues, que des décisions de l’État, quel que soit le Gouvernement, soient mises en œuvre par les collectivités locales. Qu’il y ait un lieu de dialogue, de concertation et de négociation entre les exécutifs locaux et l’État me paraît donc normal, et plusieurs arguments peuvent être avancés. Il y eut d’abord, voilà quelque temps, le rapport de Gilles Carrez et Michel Thénault, dont il a été question, et surtout, du temps de l’ancien Gouvernement, que je soutenais, la mise en place de la conférence nationale des exécutifs : elle s’est réunie à plusieurs reprises, sous l’égide du Premier ministre, et nous voulons, avec le Haut conseil des territoires, institutionnaliser et rythmer la réunion des collectivités locales – collectivités territoriales, départements, régions et communes – avec l’État.

Cela permettrait d’avancer et d’adopter une approche plus constructive et plus positive en termes de gestion et de réforme. La rencontre entre ces différents niveaux territoriaux en charge de la gestion globale de l’État paraît indispensable. C’est la raison pour laquelle ce Haut conseil des territoires est nécessaire. Mais pour qu’il soit véritablement capable d’assurer son rôle, sa consultation ne peut pas être une simple possibilité, elle doit être de droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Merci, monsieur Pélissard, d’avoir rappelé l’objectif de la création du Haut conseil des territoires. Nous débattrons certainement de sa composition, des modalités de désignation de ses membres ou de son mode de saisine, mais nous partageons l’objectif de voir apparaître un lieu de concertation entre le Gouvernement et les collectivités locales sur la vie de ces dernières et leur financement.

Je présenterai plus tard au cours de nos débats des amendements afin de conforter les pouvoirs de la commission consultative d’évaluation des normes, qui deviendra une section spécialisée du Haut conseil des territoires. Nous savons que, derrière la question des normes, apparaît souvent celle des moyens. Ces amendements permettront de répondre assez largement aux demandes exprimées par le président Pélissard sur le rôle, l’utilité et les sujets traités par le Haut conseil des territoires.

S’agissant de cet amendement en particulier, la possibilité offerte au Gouvernement de consulter le HCT sur sa politique à l’égard des collectivités et sur la programmation des finances publiques ne peut être qu’une faculté.

Contrairement à la saisine sur un texte, une telle consultation n’est déclenchée par aucun événement extérieur. La rédaction proposée induirait que le HCT puisse exiger que le Gouvernement lui fasse une déclaration plutôt qu’il soit convoqué pour entendre une déclaration du Gouvernement. Prévoir ainsi que le HCT soit obligatoirement consulté revient à lui donner un pouvoir d’injonction à l’égard du Gouvernement, lui permettant de le sommer de s’expliquer sur sa politique envers les collectivités.

La Constitution ne prévoit même pas un tel pouvoir d’injonction pour le Parlement. La commission des lois a donc émis un avis défavorable à cet amendement. Nous aurons toutefois l’occasion de renforcer les prérogatives du HCT, notamment sur la question des normes, de manière à ce que son rôle soit renforcé par rapport à la rédaction initiale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Vous créez une hydre à deux têtes ! D’un côté, votre volonté de centralisme forcené, de l’autre la décentralisation jamais aboutie qui vous amène à créer ce Haut conseil par une forme de compensation. Mais dès que le président de l’Association des maires de France vous demande d’aller un peu plus loin, vous répondez qu’il n’en est pas question.

Nous voyons le paradoxe. Vous souhaitez enfermer la représentation nationale et les élus locaux dans une forme de tutelle qui n’est pas acceptable.

(L’amendement n243, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n1163, présenté par le rapporteur.

(L’amendement n1163, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n301.

M. Jacques Pélissard. Cet amendement porte sur la composition du Haut conseil. Il existe un risque, que certains de mes collègues ont soulevé, que ce conseil s’assimile à une assemblée. Avec soixante-dix membres élus, représentant départements, communes, régions et intercommunalités, il sera en effet une véritable assemblée.

Pour ma part, je souhaite que ce Haut conseil soit un lieu de travail et de négociation entre l’État et les collectivités locales. Or on ne négocie pas à soixante-dix personnes. La négociation doit se faire dans le cadre d’une instance beaucoup plus réduite. Nous proposons donc de diminuer le nombre de membres du Haut conseil. Le risque de confusion avec une assemblée, notamment avec le Sénat, haute assemblée des collectivités territoriales, serait ainsi écarté.

Le Haut conseil serait donc un lieu de négociation entre les exécutifs et l’État. Je vous rappelle la pratique de la majorité précédente : la conférence nationale des exécutifs était le lieu de dialogue, de concertation et de négociation.

Le Haut conseil permettra d’officialiser cela, malgré le rejet de l’amendement n243. Il me paraît normal d’avoir une instance de négociation et de travail. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à réduire le nombre de membres du Haut conseil des territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement propose d’introduire trois modifications, dont chacune est susceptible de poser un problème différent.

Tout d’abord, les douze parlementaires membres du Haut conseil des territoires seraient remplacés par les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances. Or c’est la commission des lois, et non la commission des finances, qui est compétente en matière d’organisation des collectivités locales et de décentralisation. Les finances locales relèvent du comité du même nom, rattaché sous forme de section spécialisée.

La réduction d’un tiers à la moitié des autres membres pose aussi une difficulté. Avec huit maires et quatre présidents d’EPCI, on doute que le Haut conseil dispose d’une représentativité suffisante pour aborder l’ensemble des problèmes.

Enfin, un problème plus délicat à évoquer renvoie aux différentes associations du bloc local. L’amendement prévoit de faire de l’Association des maires de France la seule autorité de nomination. Je suis convaincu, ainsi que la commission des lois, du rôle éminent de l’AMF, mais il existe de nombreuses autres associations, représentatives de différentes strates, de différentes intercommunalités.

Le texte prévoit que les maires seront nommés dans des conditions arrêtées par un décret, afin de préserver la représentation de ces diverses strates.

Il convient donc de maintenir la rédaction issue des travaux de la commission. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. S’agissant de la composition et du nombre des membres du Haut conseil, à soixante-dix personnes on délibère, on exprime des positions globales, conjointes, mais on ne négocie pas. Faire croire que l’on négocie lorsque l’une des parties est représentée par soixante-dix membres, l’autre étant le Gouvernement, c’est erroné. Il faut donc réduire le format de ce Haut conseil.

Par ailleurs, j’ai en effet proposé que le président et le rapporteur des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat soient présents, plutôt que douze de nos collègues parlementaires. En effet, les négociations essentielles vont porter sur les finances. Les questions posées ne sont pas d’ordre juridique ou institutionnel. Dans ces cas, c’est le Parlement, au travers de la commission des lois, qui est compétent car c’est la commission des lois qui prévoit les mesures d’organisation de nos institutions.

Mais les questions financières constituent le cœur de la mission du Haut conseil. Dans un contexte contraint, dans une perspective de baisse de nos dotations, il me paraît important de prévoir la présence des présidents et rapporteurs de la commission des finances.

S’agissant du rôle de désignation dévolu à l’Association des maires de France, sans établir de comparaison à proprement parler, si l’Association des départements de France et l’Association des régions de France sont également des autorités de désignation, il me paraît normal que ce soit l’AMF, seule association reconnue d’utilité publique – les deux autres ne le sont pas – qui soit en charge de la désignation.

L’Association des maires de France est paritaire, elle représente la diversité géographique, démographique et politique de nos communes. Nous avons une obligation statutaire de parité s’agissant de politique et de démographie, ce qui constitue une garantie.

Je m’engage bien sûr, comme nous l’avons fait dans le passé, à ce que nous désignions les représentants locaux au sein du Haut conseil en partenariat avec les associations spécifiques représentant les petites villes, les grandes villes ou les communautés urbaines.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. La réponse du rapporteur est très choquante. Écarter ainsi l’AMF, la qualifier de non-représentative, c’est dire que vous déciderez de la représentativité par décret. Cela démontre votre caractère très centralisateur. Dans le secret d’un cabinet ministériel, vous allez désigner les représentants des maires de France.

On piétine à nouveau les maires et ceux qui les représentent, notamment l’AMF.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je soutiens l’amendement de M. Pélissard. L’AMF offre cette garantie de représentativité que des élus de tous bords et de toutes strates participent à ses travaux. Elle a montré à quel point elle pouvait être efficace et force de proposition. Pourquoi, alors que pour les régions et les départements, ce sont les associations représentatives qui désigneront les membres de ce Haut conseil, l’AMF n’en serait-elle pas acteur central ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je tiens à apporter deux précisions. Tout d’abord si le Haut conseil compte soixante-dix membres, une formation restreinte de dix-huit membres permettra de préparer les réunions. Elle aura peut-être un caractère plus délibératif que la formation plénière.

Monsieur Berrios, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Regardons le texte attentivement : il prévoit qu’un décret fixera les modalités de désignation, et en aucun cas qu’un décret désignera les membres du Haut conseil des territoires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas la même chose !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. C’est un décret en Conseil d’État qui fixera les modalités de désignation. Cette observation a pour objet de corriger une erreur de lecture qui a été faite.

Enfin, pour répondre aux observations du président Pélissard sur le rôle de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des régions de France, je pense effectivement que la rédaction actuelle introduit peut-être une certaine asymétrie entre des deux associations d’une part, et les représentant les communes d’autre part. Peut-être d’ici la seconde lecture, pourrons-nous travailler la rédaction concernant ces modalités de désignation afin d’utiliser la même méthode, et ne pas créer de différences entre les associations représentant les départements et les régions d’une part et les communes d’autre part.

(L’amendement n301, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n304.

M. Jacques Pélissard. C’est un amendement de repli qui se fonde sur la même logique de désignation par l’Association des maires de France.

Je constate avec regret qu’il existe une approche discriminatoire entre l’Association des départements de France et l’Association des régions de France, qui ont la capacité de désigner, et l’Association des maires de France qui est ravalée à un rang subalterne.

M. Philippe Cochet. C’est scandaleux !

M. Alain Chrétien. Quel mépris à l’égard des maires !

M. Sylvain Berrios. Ce sont eux qui font marcher notre démocratie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je ne vais poursuivre le débat plus longtemps. Mais je tiens à rassurer le président Pélissard : il n’y a ni attitude discriminatoire, ni volonté de rabaisser l’AMF. Nous avons tous souligné, y compris lors des auditions, le rôle important que l’on souhaitait donner à l’AMF.

M. Sylvain Berrios. Inscrivez-le dans la loi !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je crois pouvoir le dire en accord avec la ministre, nous travaillerons durant la navette afin que les modalités de désignation n’aient pas le caractère gênant que vous avez dénoncé.

S’agissant de votre amendement, il s’agit d’un amendement de repli, il est donc cohérent que l’avis soit défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous n’avions pas discuté de ce sujet lors des débats au Sénat. Je reste défavorable à vos amendements. En revanche je pense qu’il est indispensable que l’on travaille entre les deux lectures avec la commission des lois et ceux qui le souhaiteront, tel que M. Pélissard, afin de ne pas créer de discrimination entre les trois associations tout en maintenant la diversité de la représentation, car d’autres amendements tendent à ce que soient représentées les petites communes, les grandes communes, et ainsi de suite.

Je ne peux pas accepter d’amendements en l’état, mais je vous propose de travailler plus précisément, et les interventions de M. Pélissard sont intéressantes.

M. Philippe Cochet. Très bien ! Le rapporteur est désavoué !

M. Sylvain Berrios. Un désaveu clair !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. La ministre n’avait pas encore fait cette déclaration lorsque j’ai demandé la parole ; j’en prends acte. Je ne comprenais pas pourquoi le traitement réservé à l’AMF n’était pas appliqué à l’Assemblée des départements ou à celle des régions. Les mêmes raisons doivent valoir pour l’ensemble des associations. L’ouverture dans la réponse de la ministre permettra d’évoluer en ce sens.

(L’amendement n304, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n302.

M. Jacques Pélissard. C’est un amendement de cohérence avec l’amendement précédent, portant sur la formation restreinte.

(L’amendement n302, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l’amendement n290.

M. Jacques Pélissard. Cet amendement, dont l’utilité me semble renforcée par le rejet des amendements précédents, vise à instaurer la possibilité, pour les présidents de l’Association des régions de France, de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des maires de France – j’adopte une approche globale non discriminante –, de saisir, ensemble ou séparément, le Haut conseil de telle ou telle question intéressant les collectivités territoriales. Cette consultation sur requête de l’un des présidents permettrait de pallier l’absence de consultation automatique du Haut conseil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable. Cependant, à titre personnel, l’amendement du président Pélissard visant à compenser l’absence de saisine automatique du Haut conseil me paraît assez bienvenu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Cet amendement est discutable, mais que les parlementaires se saisissent de cette question !

(L’amendement n290 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1164.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Amendement de précision.

(L’amendement n1164, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n992 tendant à créer un observatoire.

M. Alain Chrétien et M. Sylvain Berrios. Il y a longtemps qu’on n’avait pas créé d’observatoire !

M. Patrick Mennucci. Nous, on vous observe tous les jours ! (Sourires.)

M. Philippe Cochet. Ce n’est pas un observatoire, c’est un mirador !

M. le président. Ne vous laissez pas démonter, madame la ministre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ne vous inquiétez pas, monsieur le président, d’autant que j’ai le grand plaisir de vous dire que cet amendement émane du très bon travail de M. Carrez,...

M. Patrick Mennucci. C’est vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …qui a remis, avec M. Michel Thénault, le rapport du groupe de travail sur la maîtrise de la dépense locale le 20 mai 2010.

M. Carrez avait raison de souhaiter doter la Conférence nationale des exécutifs d’un secrétariat permanent. L’une des fonctions-clés de l’observatoire de la gestion publique locale qu’il est proposé de créer serait de favoriser l’échange d’informations et la mise en place de systèmes d’informations statistiques communs entre l’État – tous ministères confondus, cette transversalité faisant souvent défaut –, les collectivités et les autres acteurs, notamment les organismes payeurs de prestations sociales. Cet amendement permettra de trouver des accords sur des éléments de diagnostic et les décisions à prendre. Mesdames et messieurs les députés, je vous propose de suivre l’avis éclairé de M. Carrez.

M. Philippe Cochet. Heureusement que M. Carrez essaie de rattraper le texte du Gouvernement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Plusieurs amendements identiques avaient été déposés par certains de nos collègues et déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. La commission des lois n’a donc pas pu se prononcer, mais je ne doute pas que si elle en avait eu la possibilité, elle aurait donné un avis favorable.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les voies du président de la commission des finances sont impénétrables !

(L’amendement n992 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1165.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. J’ai dit tout à l’heure au président Pélissard que nous aurions à revenir sur le rôle de la consultation consultative d’évaluation des normes : c’est l’objet de l’amendement n1166 rectifié que je présenterai tout à l’heure. L’amendement n1165 n’en énonce que le principe : il s’agit de reprendre le dispositif prévu par la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’initiative de Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault – j’aurai l’occasion d’y revenir.

M. Patrick Devedjian. Le conseil national d’évaluation des normes s’ajoute donc à l’observatoire ?

M. Hervé Gaymard. Oui, c’est un codicille à l’observatoire ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Devedjian. Quelle simplification !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Comme vous le savez, la sénatrice Jacqueline Gourault et le président de la commission des lois du Sénat Jean-Pierre Sueur ont déposé une proposition de loi, adoptée par le Sénat à l’unanimité,…

M. Hervé Gaymard. Ah !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …visant à faire, entre guillemets, « la chasse aux normes ». Nous aurions voulu inscrire ce texte à l’ordre du jour immédiatement après l’examen du projet de loi relatif aux collectivités territoriales, mais nous n’en aurons pas le temps. Pour prendre en compte le très beau travail de Mme Gourault et M. Sueur, nous vous proposons de suivre l’initiative du rapporteur visant à inclure les principales dispositions de cette proposition de loi dans le présent projet de loi, et à faire ainsi gagner du temps au Parlement.

(L’amendement n1165 est adopté.)

(L’article 1er AA, amendé, est adopté.)

Après l’article 1er AA

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n1166 rectifié.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Mme la ministre l’a dit à l’instant : Jean-Pierre Sueur et Jacqueline Gourault ont fait adopter à l’unanimité par le Sénat une proposition de loi le 28 janvier 2013. Nous aurions dû voir ce texte arriver devant notre assemblée lors de la session extraordinaire de septembre prochain, malgré un calendrier très chargé que des lectures définitives, après l’échec de quelques commissions mixtes paritaires, vont encore alourdir.

En commission, nous avons créé le Haut conseil des territoires dès l’examen du présent projet de loi. Le HCT intègre en son sein, en tant que sections spécialisées, à la fois le comité des finances locales et la commission consultative d’évaluation des normes. Il apparaît opportun de modifier le rôle de cette dernière et d’intégrer les dispositions de la proposition de loi Sueur-Gourault dans le présent projet de loi, pour ne pas avoir à revenir sur la nature et le fonctionnement du HCT après une éventuelle adoption de cette proposition de loi.

Je tiens à saluer le travail du Sénat, en particulier du président de sa commission des lois, M. Sueur, et de la présidente de sa délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Mme Gourault. L’amendement n1166 rectifié est bien le fruit de leur travail, dans la droite ligne des conclusions des états généraux de la démocratie territoriale ; à un détail près, il reprend l’intégralité de leur proposition de loi. Ce n’est pas une mauvaise manière que nous ferions au Sénat, bien au contraire : nous souhaitons simplement voir les dispositions qu’il a adoptées mises en œuvre plus rapidement. Je précise que je défends cet amendement avec l’accord des principaux intéressés, que j’ai contactés et avec qui j’ai pu échanger.

Donc, l’ensemble des dispositions de la proposition de loi Sueur-Gourault sont reprises, à l’exception de quelques détails. Nous n’avons pas repris la disposition adoptée par le Sénat prévoyant d’étendre la compétence du conseil national d’évaluation des normes – c’est la nouvelle appellation de la commission consultative d’évaluation des normes – aux projets d’amendement du Gouvernement ; la saisine obligatoire de la part de ce dernier serait matériellement impossible en termes de délais. Par ailleurs, à la demande des présidents des deux assemblées, nous n’avons pas repris non plus la nécessité de soumettre au conseil national d’évaluation des normes les projets d’amendement d’un parlementaire, sauf si ce dernier le demande expressément ; nous avons simplement prévu la possibilité, pour le président d’une assemblée, de procéder à une saisine sur un texte en cours de navette. Ainsi, nous tenons compte des contraintes de délais qui n’auraient pas permis de procéder à un examen des amendements, mais qui permettent l’examen de l’ensemble des textes.

Je disais tout à l’heure au président Sueur que nous voulions renforcer le rôle et les moyens de la commission consultative d’évaluation des normes. Le comité qui vient s’y substituer sera obligatoirement consulté par le Gouvernement sur l’impact financier des projets de textes réglementaires et des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs regroupements, c’est-à-dire l’essentiel des textes relatifs au fonctionnement des collectivités locales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je prolonge les propos tenus par Mme Lebranchu il y a quelques minutes. Il y a un engagement fort du Gouvernement s’agissant de la réduction du stock et du flux des normes. En plein accord avec le rapporteur, je salue le travail effectué, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, à travers plusieurs propositions de loi qui concourent toutes au même objectif, repris hier dans le cadre du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique : il est absolument nécessaire de réduire ces normes dont le coût est considérable – 4 milliards d’euros dont un peu plus de 700 millions au titre de la seule année 2012.

Sur ces points, nous sommes tous d’accord : une véritable évolution est nécessaire. Comme vient de le dire le rapporteur, l’intégration des dispositions de la proposition de loi Gourault-Sueur dans le présent projet de loi permettra de hâter leur mise en œuvre. Le Gouvernement ne peut donc qu’être favorable à ces dispositions, telles qu’elles ont été reprises dans l’amendement déposé par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Existe, jusqu’à présent, la commission consultative d’évaluation des normes, présidée par Alain Lambert, qui a effectué un travail considérable en examinant chaque année un nombre croissant de textes. La prolifération normative engendre des coûts supplémentaires pour les collectivités chaque année – plus de 700 millions d’euros pour 2011 et pour 2012. Il faut aujourd’hui officialiser, doper, renforcer l’action de la commission consultative d’évaluation des normes ; c’est d’ailleurs le souhait de son président, Alain Lambert, que j’ai rencontré récemment.

Le fait d’intégrer la commission dans le Haut conseil me paraît une bonne démarche. Encore faut-il, en aval, que les avis exprimés par ce Haut conseil soient suivis. Peut-on envisager un avis conforme ? Ou peut-être une deuxième délibération ? Sur ce point, une explication du Gouvernement serait bienvenue.

(L’amendement n1166 rectifié est adopté.)

Article 1er AB

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n635 tendant à supprimer l’article 1er AB.

M. Sylvain Berrios. Il convient en effet de supprimer l’article 1er AB, qui introduit un doublon. Le rapport sur la situation financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est déjà remis au Premier ministre. Prévoir qu’il soit remis au Haut Conseil démontre que l’exécutif est schizophrène :...

M. Patrick Mennucci. Psychopathe ! (Sourires.)

M. Sylvain Berrios. …d’un côté, le Premier ministre préside le Haut conseil, de l’autre, il est le chef de l’exécutif, et on lui fait remettre deux rapports. Il s’agit d’une incohérence, d’un doublon, d’un foisonnement administratif. Il convient de clarifier les choses, et de les simplifier !

M. Philippe Cochet. Il faut être clair et précis !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il me paraît compliqué de nous reprocher de priver le Haut conseil des territoires des moyens de défendre les collectivités tout en soutenant un amendement visant à supprimer l’assistance que pourrait lui apporter la Cour des comptes, et l’accès de l’ensemble de ses membres au rapport de la Cour des comptes. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Lorsqu’elle évoque les pistes d’économies, la Cour des comptes insiste sur le lien entre le Haut conseil des territoires et la programmation des finances publiques – je transmettrai l’intégralité du document à ceux qui souhaiteraient s’y référer. L’article 1er AB a été étudié de façon extrêmement précise. Nous nous porterions mieux si nous suivions l’avis du rapporteur.

(L’amendement n635 n’est pas adopté.)

(L’article 1er AB est adopté.)

Avant l’article 1er A

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n633.

M. Sylvain Berrios. Le chapitre Ier A vise à créer un nouvel échelon administratif et politique, participant ainsi à la complexité administrative et à l’illisibilité de l’action publique, désormais totale puisque ce texte n’est rien d’autre qu’un grand chaos. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, l’impact budgétaire n’est pas convenablement défini. Enfin, ce chapitre contrevient au principe constitutionnel de libre administration des communes et à l’esprit de représentativité de la démocratie locale. C’est pourquoi il est proposé de le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement vise purement et simplement à supprimer le Haut conseil des territoires, que nous venons de renforcer. Avis défavorable.

(L’amendement n633, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 1er A

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n275 tendant à supprimer l’article 1er A.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mesdames les ministres, par l’article 1er A, vous rétablissez la possibilité, pour toutes les collectivités territoriales, d’être titulaires de la compétence générale. Dans la réforme territoriale de 2010, nous avions tâché de simplifier l’architecture administrative de notre pays en posant le principe d’une répartition de compétences entre les départements et les régions. Les communes conservaient cette clause de compétence générale.

Ce texte n’était certainement pas parfait, mais il constituait un pas vers la clarification et la simplification que demandent à la fois élus et administrés.

En rétablissant cette clause de compétence générale pour tous, vous rétablissez également l’ensemble des conséquences qui lui sont liées et que chacun ici combat tous les jours : financements croisés, dossiers en double ou en triple, incertitude sur le bon interlocuteur pour les élus locaux dans la plupart des cas, et autres inconvénients qui ralentissent, pour ne pas qui grippent, le fonctionnement normal de nos collectivités et de nos administrations.

En conséquence, nous estimons qu’il est nécessaire d’en rester à la rédaction actuelle du code pour ce qui est des répartitions de compétences entre collectivités. C’est la raison pour laquelle nous voulons supprimer l’article 1er A.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Le Sénat a eu de nombreux débats sur cet article que nous avons réécrit en commission des lois, puisque les sénateurs ont tenu absolument à ce que soit rappelé le rôle de chacune des collectivités.

Contrairement à ce que prétendent les auteurs de l’amendement, cet article ne rétablit pas la clause de compétence générale. Il prévoit que : « Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier au sens des articles 72 et 73 de la Constitution et les collectivités d’outre-mer s’administrent librement et ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. »

Il reprend ainsi les dispositions constitutionnelles introduites par la révision de la Constitution du 28 mars 2003, à l’initiative du Premier ministre de l’époque, M. Raffarin.

Nous souhaitons le maintien de cet article qui encadre nos débats, en posant une philosophie générale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. J’aimerais revenir sur la cohérence : cohérence de ce qui s’est passé il y a quelques jours ; cohérence de ce que vous proposez de faire dans les heures qui viennent.

Il y a quelques jours, vous avez détruit un instrument d’échanges et de confrontation, porteur de pouvoirs, en excluant tous les maires de France de l’Assemblée nationale.

M. Hervé Gaymard. C’est vrai !

M. Jacques Lamblin. Aujourd’hui, vous créez un lieu d’échanges, le Haut conseil des territoires. Toutefois, au-delà des mots suaves mais nullement rassurants de M. Dussopt, j’observe que vous réduisez à la portion congrue le rôle qu’y jouera l’Association des maires de France. C’est une nouvelle agression scandaleuse à l’encontre des maires.

Le Président de la République, il y a quelques semaines, a évoqué le choc de simplification. Je vous pose une question : pensez-vous sérieusement que rétablir la clause de compétence générale va simplifier les choses ? En tant qu’élus, nous assistons tous à des inaugurations. Avez-vous noté à cette occasion le nombre des discours des cofinanceurs ? Il faut bien voir qu’ils ne sont que l’écume : derrière, il y a les dossiers qu’ont dû monter les administrations pour soutenir ou ne pas soutenir tel ou tel projet.

La clause de compétence générale va donc totalement à l’encontre de la volonté affichée par le Gouvernement et le Président de la République de provoquer un choc de simplification.

En outre, cette clause impliquant que tout le monde peut se mêler du même dossier, il faudra qu’il y ait convergence sinon unanimité sur les dossiers. Cela revient à maintenir le pouvoir de blocage de telle ou telle collectivité. Aujourd’hui, vous êtes intoxiqués par le fait que vous détenez quasiment tous les pouvoirs, mais il n’en sera pas toujours ainsi. Le partage des compétences me semble plus efficace que la compétence générale que vous voulez à toute force maintenir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, je ne voudrais pas que vous profitiez de la torpeur matinale pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

M. Marc Dolez. Il n’oserait pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le chapitre 1er auquel se rattache l’article 1er A s’intitule : « Le rétablissement de la clause de compétence générale ». Vous ne pouvez donc pas prétendre que cet article n’a rien à voir avec le rétablissement de la clause de compétence générale.

Deuxièmement, j’entends l’argument qui consiste à dire que cet article ne fait que reprendre la Constitution. J’aime bien les articles de loi qui précisent que la Constitution s’applique mais s’ils ne servent qu’à cela, pardonnez-moi de vous dire qu’ils sont parfaitement inutiles. J’y vois une raison supplémentaire de supprimer cet article.

Que ce soit pour vos raisons ou pour les miennes, il faut donc voter notre amendement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. J’entends la nécessité de cette clause de compétence générale. Pour autant, elle implique que nous fassions un choix politique, un choix courageux : ou bien nous acceptons de réduire le millefeuille en rationalisant le nombre de niveaux de collectivités et en simplifiant la carte territoriale et nous rétablissons la clause de compétence générale ; ou bien nous ajoutons des strates, comme nous sommes en train de le faire, et nous devons aller vers un fléchage des compétences. On ne peut pas à la fois ajouter des niveaux et rétablir cette clause : ce serait introduire dans la matrice territoriale un degré de complexité fonctionnelle et organisationnelle extrêmement difficile à gérer dans une perspective de rationalisation, d’efficacité et de diminution de la dépense publique.

(L’amendement n275 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n1039 rectifié, sur lequel je suis saisi par le groupe de la Gauche démocratique et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est M. Marc Dolez, pour le soutenir.

M. Marc Dolez. Même s’il n’a pas de portée normative, cet amendement est à nos yeux tout à fait essentiel : amendement de principe, il rappelle la place absolument essentielle de la commune, foyer de démocratie et de proximité, dans notre organisation territoriale.

Si nous souhaitons le faire au début de ce texte, c’est que, comme nous l’avons indiqué dans la discussion générale, le Gouvernement a fait le choix de prendre les choses à l’envers avec les trois volets de sa réforme. Il a voulu commencer par les métropoles alors qu’il nous semblait évidemment plus cohérent de commencer par le bas, par les fondations, la commune, ce qui aurait permis de rappeler son rôle essentiel.

Nous ne voudrions pas – nous ne cesserons de le dire – que l’acte III de la décentralisation soit au bout du compte l’acte de décès de la commune au sein de la République.

M. Philippe Cochet. Très juste !

M. Marc Dolez. Cet amendement correspond à l’amendement du Sénat dont est issu l’article 1er A. Nous pensons qu’il est indispensable que notre Assemblée adopte à son tour cette rédaction qui, après avoir affirmé la place fondamentale de la commune, rappelle la philosophie de ce que doit être l’intercommunalité, une intercommunalité au service des communes, une intercommunalité de projets.

Compte tenu de l’importance de cet amendement, nous avons effectivement demandé qu’il fasse l’objet d’un scrutin public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission des lois a donné un avis défavorable à cet amendement.

Son premier alinéa réaffirme la « place fondamentale » occupée par la commune, présentée comme un « pivot de l’organisation et du dialogue territorial » et « le premier échelon de la vie démocratique ». Cette formulation fait peu de cas des autres entités au sein desquelles se déroulent des élections au suffrage universel, ainsi que des autres espaces au sein desquels sont organisées une gestion et une vie démocratiques à une échelle encore plus réduite, tels que les sections de commune.

En conséquence, le second alinéa assigne à l’intercommunalité un rôle second, en tant qu’« outil de coopération et de développement au service des communes », qui doit se conformer au « respect du principe de subsidiarité ».

Si l’on ne peut que souscrire au message politique ainsi adressé, on peut considérer que cette rédaction pose problème en ce qu’elle fait du principe de subsidiarité un principe législatif dans le cadre de l’intercommunalité, ce qui pourrait rendre complexe le choix entre les compétences confiées aux EPCI et celles laissées aux communes.

Par ailleurs, en commission, tous les orateurs ont souligné le rôle totalement déclaratoire et l’absence de toute portée normative de ces dispositions.

Même si M. Dolez considère que cet amendement revêt un caractère essentiel, je l’invite donc à le retirer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah non !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La commission des lois fait parfaitement son travail : cet amendement est une déclaration, il n’écrit pas le droit. Une résolution votée le 3 mars dernier au Sénat, à l’initiative de M. Jean-Claude Gaudin, est déjà venue rappeler le rôle des collectivités territoriales. Je ne peux être favorable à une rédaction déclarative. Nous sommes tous d’accord sur le principe que la loi ne doit pas être bavarde.

Je précise que, si jamais cet amendement devait être voté, il faudrait supprimer le mot « aussi » au début du deuxième alinéa afin que cette déclaration soit au moins conforme au droit.

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Le groupe UMP votera l’amendement de M. Dolez. La commune est la base de notre démocratie. L’intercommunalité est une très belle aventure contemporaine, qui monte en puissance. Toutefois, comme le souligne implicitement le deuxième alinéa de l’amendement, elle n’est possible que par une délégation contractuelle. L’essence du pouvoir continue d’appartenir aux communes.

M. Marc Dolez. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’amendement de nos collègues communistes est au moins aussi peu déclaratif que l’article 1er A que nous avons tenté de supprimer, il y a quelques instants. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’entends bien que la loi doit être le moins possible déclarative. Mais à ce moment-là, nous vous le rappellerons souvent car la suite du texte contient un bon paquet de déclarations de principe et d’intention.

M. Hervé Gaymard. Une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limites !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis d’accord avec ce principe mais il faudra l’appliquer à tous les articles, sinon il y aura un problème de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement nous gêne. Ce n’est pas l’intention qu’il exprime qui est en cause : il réaffirme la place de la commune dont nous considérons tous qu’elle est au cœur du processus institutionnel, y compris dans le cadre de la loi que nous sommes en train de construire.

Nous parlons des collectivités territoriales, dont l’énumération à l’article 72 de la Constitution ne comprend pas l’intercommunalité, je tiens à le rappeler. L’intercommunalité n’est pas une collectivité, même si les choses évolueront peut-être un jour.

Le problème, pour nous, c’est que cet amendement ne dit rien en définitive. Il fait une proclamation dont la substance ne permet ni de normer ni de modifier telle stratégie ou telle décision. J’aimerais à cet égard rappeler les principes contenus à l’article 72 : outre la liste des collectivités, le principe de libre administration et la prohibition de toute tutelle. Ça, c’est du costaud ! Ce sont grâce à ces principes constitutionnels que les communes peuvent exécuter leurs compétences de façon totalement libre.

À titre personnel, car je ne porte pas la parole du groupe, je voudrais simplement rappeler que cet amendement n’ajoute rien. S’il sert simplement à réaffirmer que la commune est au cœur du processus institutionnel, il nous suffit alors d’en prendre acte.

Mais nous faisons la loi, et je considère qu’adopter une pétition sans aucune portée normative ne présente pas d’intérêt dans la construction de la loi. Tel est mon sentiment personnel.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je suis étonné par la position de M. Le Bouillonnec : si cet amendement n’a pas de conséquence, je me demande bien pourquoi il intervient pour expliquer qu’il ne faut pas le voter !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Parce qu’il est inutile de voter quelque chose qui ne sert à rien !

M. Hervé Gaymard. Il y a plein de choses qui ne servent à rien dans ce texte !

M. Patrick Ollier. Compte tenu de l’architecture du texte qui nous est proposé, il vaut mieux, à titre de précaution, réaffirmer que la commune se trouve à la base de toute l’architecture du territoire, notamment celle de l’intercommunalité.

Au-delà d’une pétition d’intentions, cet amendement réaffirme la vocation de la commune. La majorité devrait le voter unanimement, car nous serions ainsi rassurés sur les intentions des uns et des autres sur ces bancs. L’unanimité devrait nous porter vers cet amendement !

M. Henri Jibrayel. On fait la loi, pas une pétition !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je voudrais dire en toute amitié à mon collègue Le Bouillonnec, compte tenu des dispositions sur le Grand Paris qui inquiètent manifestement beaucoup l’ensemble des maires, que cet amendement permettrait justement d’apporter de la sérénité à nos débats. Nous sommes tous extrêmement inquiets de la cassure de cet échelon de proximité auquel nous sommes très attachés. Cet amendement aurait justement le mérite de cadrer nos débats avec la réaffirmation du bloc communal, notamment pour cette exception métropolitaine.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Je comprends que cet amendement perturbe la majorité et le groupe socialiste.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Sylvain Berrios. C’est normal, parce que l’intégralité de votre texte vise à déposséder les maires de leurs compétences.

M. Étienne Blanc. Exactement !

M. Sylvain Berrios. Nous avons donc raison, à ce stade la discussion, de réintégrer le principe selon lequel la commune est la cellule de base de la démocratie locale – celle qui fonctionne, celle sur laquelle le Gouvernement s’appuie quasi quotidiennement pour appliquer les politiques publiques.

Oui, la commune est un point essentiel, fondamental ! Vous êtes en train de la piétiner. Cela vous embête de voter cet amendement ; nous le voterons des deux mains !

M. Philippe Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. L’amendement que nous avons déposé rappelle un principe fondamental auquel nous devrions tous être attachés, sur l’ensemble de ces bancs. Il est utile, parce qu’il est présenté au début de notre discussion, et au début du premier des trois volets qui sont annoncés. Ainsi, avec cet amendement, nous voulons rappeler quelle doit être la philosophie de ce nouvel acte de décentralisation annoncé. J’invite donc l’Assemblée à le voter, si possible à l’unanimité.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Marc Dolez. J’ajoute par ailleurs, monsieur Le Bouillonnec, que le fait de ne pas voter cet amendement prend, a contrario, une signification que vous ne pouvez pas nier : cela indique qu’au fur et à mesure des discussions, ce principe sera battu en brèche. J’invite donc vraiment l’Assemblée à voter notre amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Le ver est dans le fruit !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons eu exactement le même débat au Sénat lorsque Christian Favier, du même groupe politique, a déposé un amendement identique.

Nous pouvons entendre tous les arguments. Ainsi, lorsque nous décidons d’éviter l’empilement de trois étages, à Marseille et à Paris, afin que les communes ne soient pas totalement perdues dans le troisième étage d’une techno-organisation, c’est parce que nous pensons d’une part que la commune est l’unité de base, et d’autre part que le maire doit se trouver dans la grande structure intercommunale que nous appelons de nos vœux. Sur ces deux chapitres au moins, vous conviendrez avec nous que la commune, à travers les maires, conserve le rôle que vous venez de décrire.

Ainsi que nous l’avons dit avec Anne-Marie Escoffier au Sénat, cet amendement est une déclaration qui reprend la résolution de Jean-Claude Gaudin votée en avril. Il aurait eu sa place dans une résolution, car il ne crée pas de droit. Cela ne me gêne pas de procéder ainsi, même si, comme l’ont rappelé tant Jean-Yves Le Bouillonnec que, sur d’autres textes, certains juristes bien connus de l’opposition actuelle, la loi doit créer du droit et non pas être bavarde.

Nous pouvons toutefois accepter qu’une résolution soit intégrée au milieu d’une loi ; c’est ce qui a fini par se produire au Sénat, sans que cela n’interfère en quoi que ce soit avec les compétences des communes ou des autres collectivités territoriales.

M. Nicolas Sansu. Appelez à la sagesse de l’Assemblée, alors !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Nous passons bien du temps à examiner cet amendement, pourtant présenté par M. Le Bouillonnec comme étant inutile ! Cela signifie donc qu’il soulève un vrai problème – pour ne pas dire un gros lièvre ! – et que le sujet est réel.

M. Carlos Da Silva. On n’est pas chez le psy !

M. Jacques Lamblin. Tout d’abord, il a le mérite de rappeler que l’intercommunalité est un outil, un instrument au service des communes ; ce premier mérite doit perdurer.

Deuxième mérite : il affirme à juste titre que la commune est la cellule de base de notre organisation collective. La démocratie communale et locale est probablement notre seule vraie fortune démocratique : elle constitue un socle, l’école dans laquelle les uns et les autres, sur tous les territoires, apprennent le b-a-ba de la démocratie.

Comme l’a fort justement rappelé M. Dolez, tout reposera sur le non-vote : le message délivré par ceux qui refusent de voter cet amendement serait infiniment plus fort, plus dangereux et plus inquiétant que le fait de le voter.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Je souhaite, s’il en est besoin, rassurer nos collègues de l’opposition : la majorité n’est en rien gênée aux entournures par cet amendement.

M. Sylvain Berrios et M. Patrick Ollier. Alors votez-le !

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, votez-le !

Mme Nathalie Appéré. Nous sommes au contraire tout à fait sereins et déterminés à faire de ce texte une loi efficace,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est mal parti !

Mme Nathalie Appéré. …qui montrera sa capacité à introduire de la clarté, de la lisibilité sur le champ des collectivités territoriales.

Si nous partageons, sans aucune réserve, l’attachement à la commune comme cellule de base de la démocratie, nous serons vigilants à ne pas faire de ce texte une loi bavarde et à ne pas voter des dispositions qui n’apportent rien au droit positif. Pour cette raison, nous voterons contre cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Je reste sans voix quand j’entends une collègue dire ici, dans ce sanctuaire de la démocratie, que l’affirmation de la commune est un bavardage ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Lorsque nous aborderons un peu plus tard les métropoles, nous pourrons constater que, dans la cohérence de ce projet de loi, la commune est totalement anémiée et perdra de ses compétences !

Concernant les communautés d’agglomération, les communes, dans le cadre de l’intercommunalité, ont délégué aux comités d’agglomération des compétences. Or, avec la métropole, les conseils d’agglomération vont disparaître.

M. Étienne Blanc. Exactement !

M. François Asensi. Les compétences qui leur ont été déléguées seront donc totalement transférées à la métropole ; la commune se retrouvera donc sans moyen et perdra de son efficacité.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. François Asensi. Je demande donc à mes collègues socialistes de bien réfléchir avant de prendre cette décision. Nous nous situons là au cœur de la démocratie. Ne tournons pas autour du pot : on est pour la commune ou on est contre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. J’aime les débats rhétoriques ; mais encore faut-il qu’ils aient un fondement !

M. Philippe Cochet. Quelle insulte !

M. Bruno Le Roux. Rien dans ce texte ne met en péril, de quelque façon que ce soit, la base de l’organisation territoriale qu’est la commune dans notre pays.

Des conceptions différentes peuvent exister, il est vrai ; c’est le cas aujourd’hui concernant l’organisation du territoire. Lorsque vous dites, monsieur Lamblin, que les intercommunalités sont faites pour bénéficier aux communes, nous vous répondons qu’elles sont faites pour bénéficier aux citoyens – et ce n’est pas la même chose ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Matthias Fekl. Absolument !

M. Bruno Le Roux. Cela révèle deux conceptions de l’intercommunalité : l’une joue le rôle d’un guichet pour les communes, tandis que l’autre fait le choix de rationaliser des politiques à l’échelle d’un territoire au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont bien là deux conceptions différentes !

Pour notre part, nous ne souhaitons pas que la commune devienne un vecteur d’inefficacité à l’échelle de territoires plus vastes. Pour cette raison, il n’est pas nécessaire de voter cet amendement, parce que nous voulons aujourd’hui, sans remettre en cause la commune qui reste l’échelon de base, assurer l’efficacité des politiques publiques ; car c’est cela qui est en jeu.

Je réponds donc amicalement à notre collègue Asensi que nous ne nous laisserons pas prendre à ce chantage qui voudrait qu’en refusant de voter cet amendement, nous remettrions en cause l’efficacité des politiques publiques et la commune.

Nous sommes pour l’échelon communal, et nous sommes contre tout ce qui, demain, peut nuire à l’efficacité recherchée par le texte présenté par Mme la ministre. Cet amendement, qui n’a absolument aucune importance, voudrait nous faire dire des choses que nous ne disons pas dans ce texte : c’est pourquoi nous nous y opposerons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet.

Plusieurs députés du groupe SRC. Aux voix !

M. Henri Jibrayel. Passons au vote, monsieur le président !

M. Philippe Cochet. Pour paraphraser un précédent pape, je vous dirai ceci : n’ayez pas peur ! Si vous ne votez pas cet amendement de bon sens que M. Dolez a présenté, cela signifie que ce texte recèle de nombreux non-dits.

M. François Asensi. Oui, assumez !

M. Philippe Cochet. Revenons au cas de la métropole lyonnaise. En 2020, il est clairement prévu la disparition des communes ; alors assumez-le ! Le problème du texte que vous présentez aujourd’hui est qu’il n’est pas correctement ficelé, et surtout qu’il n’est pas assumé. Le fait que vous ne votiez pas cet amendement est un aveu majeur : vous niez le rôle des communes et des maires !

Je vous rappelle, chers collègues socialistes, que seules deux personnes sont aujourd’hui bien identifiées par les citoyens dans notre démocratie : le Président de la République et le maire.

M. Christophe Caresche. Pouvons-nous passer au vote, monsieur le président ?

M. Philippe Cochet. Vous êtes en train de faire une croix sur l’un des fondements de notre République et de notre démocratie. Le fait que vous ne votiez pas cet amendement est un aveu majeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, (Murmures sur les bancs du groupe SRC) brièvement.

M. Jacques Lamblin. Je réponds à M. Le Roux, qui m’a cité tout à l’heure : j’ai dit que l’intercommunalité était un instrument utile aux maires. Mais comme vous le savez, le maire participe à la gestion intercommunale en étant membre du conseil intercommunal. L’intercommunalité n’est donc rien d’autre qu’un instrument, naturellement au service des citoyens.

Par ailleurs, j’en viens à me demander ce que vous ont fait les maires, mesdames et messieurs les socialistes ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi leur en voulez-vous tant ? Tout d’abord, il y a quelques jours, vous les avez exclus de l’Assemblée nationale – et dans l’enthousiasme, qui plus est !

Ensuite, vous avez refusé de suivre la requête, pourtant modeste, du président de l’Association des maires de France, en lui laissant la portion congrue.

Et maintenant, alors que nous vous demandons quelque chose de très simple – réaffirmer le rôle central et puissant des maires –, vous nous opposez je ne sais quel argument pour refuser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes en temps législatif programmé. Par conséquent, celui qui demande la parole l’obtient.

M. Sylvain Berrios. Je suis stupéfait des propos que vient de tenir le président du groupe socialiste. C’est honteux d’accuser les communes d’être une source d’inefficacité. Heureusement que les maires sont là pour appliquer les dispositifs complètement irrationnels que vous proposez, comme la semaine de quatre jours et demi à l’école. Comment feriez-vous sans les maires pour mettre en place les politiques publiques sur les territoires alors que vous n’avez pas les moyens de les financer ? Ce sont toujours les maires qui le font, avec beaucoup d’abnégation, dans une forme de consensus, de rapprochement et d’apaisement.

Vous dites ne pas pouvoir voter une déclaration sans portée de droit parce que les communes sont source d’inefficacité. Quel aveu ! En réalité, vous voulez les contourner et c’est exactement ce que contient ce texte. Vous voulez mettre les communes à votre botte.

M. Jacques Lamblin. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1039 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants112
Nombre de suffrages exprimés112
Majorité absolue57
Pour l’adoption46
contre66

(L’amendement n1039 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n580.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Cet amendement est dans le même esprit que les précédents. La clause générale de compétence, telle qu’elle est rédigée dans le projet de loi, continue d’ouvrir la voie à des doublons, où chaque niveau de collectivité peut s’autosaisir des sujets qu’il s’estime le mieux à même de traiter. La conséquence est l’enchevêtrement des dispositifs, les surcoûts et une dépense publique mal maîtrisée.

Dans un contexte où la contrainte budgétaire est sans cesse plus forte, il convient de limiter les compétences des collectivités aux sujets qui leur sont assignés par la loi ainsi qu’aux sujets dont elles sont saisies, dans la limite de l’intérêt qui est le leur et sous réserve des compétences expressément dévolues à une autre personne morale, notamment l’État ou une autre collectivité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. En prévoyant que les collectivités peuvent se saisir des sujets relevant de leur intérêt, on établit en réalité la possibilité de se saisir de tout sujet d’intérêt local, ce qui est la définition même de la clause de compétence générale.

L’amendement comporte une contradiction entre sa rédaction et l’exposé sommaire qui l’accompagne.

Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Même avis.

(L’amendement n580 n’est pas adopté.)

(L’article 1er A est adopté.)

Après l’article 1er A

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l’amendement n746.

M. Étienne Blanc. Cet amendement a pour objet de faire le constat que l’on peut, par voie de conventions, en respectant les dispositions des articles 72 et 73 de la Constitution, conventions qui vont lier les communes, les départements, les régions et les EPCI, répartir les compétences qui sont exercées par chacun d’entre eux.

Nous pensons que ces conventions doivent être encadrées. Aujourd’hui, les Françaises et les Français, en tout cas les élus, constatent que les enchevêtrements et les chevauchements de compétences créent de l’illisibilité et, vous l’avez affirmé à plusieurs reprises, génèrent des coûts de fonctionnement, d’instruction de dossiers, de suivi des politiques publiques.

Aussi, nous souhaitons rappeler un principe simple : si l’on veut vraiment clarifier les choses, il faut faire en sorte que deux compétences identiques puissent être exercées concurremment par deux collectivités. Cet amendement aura le mérite d’apporter de la clarté et de la lisibilité.

Vous ne voulez pas que la loi dise qui fait quoi, considérant que les choses peuvent être clarifiées par conventions. Nous vous invitons à aller encore plus loin dans cette clarification en indiquant que ces conventions ne doivent pas permettre à deux collectivités d’exercer la même compétence. Tel est le sens de cet amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er A. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement qui prévoit en réalité un dispositif de substitution à l’ensemble de ce que nous allons proposer aux articles 3, 4 et suivants.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien vu !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. J’apprécie que M. Poisson reconnaisse ma perspicacité sur cet amendement !

L’expression « fixent les compétences » est malheureusement assez peu précise. Rien n’empêche que les collectivités trouvent un accord et délèguent entre elles l’exercice de compétences exercées par une collectivité au nom d’une autre, comme le reconnaîtra l’auteur de cet amendement. Un tel accord ne peut pas transférer une compétence, seule la loi peut le faire. En outre, sauf à ce que la collectivité y ait librement consenti, une convention à laquelle elle n’est pas partie ne peut imposer à une collectivité de ne pas exercer une compétence partagée et il suffit qu’une collectivité refuse de s’y plier pour mettre à bas toute la construction que vous envisagez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

(L’amendement n746 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1038.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à rappeler que notre débat institutionnel ne saurait être déconnecté de la question des moyens financiers dont disposent les communes. Ceci est d’autant plus important après l’annonce faite par le Gouvernement de baisser de 4,5 milliards d’euros pour 2014-2015 le montant des dotations allouées aux collectivités.

Il est important de rappeler deux principes : d’une part l’autonomie financière des collectivités territoriales, d’autre part la compensation intégrale de la part de l’État en cas de transfert de compétences, ce qui n’est malheureusement pas le cas depuis de nombreuses années.

Voilà un bel amendement de principe (Sourires) qui devrait éclairer la suite de nos travaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je n’ouvrirai pas un nouveau débat sur les amendements de principe. Je réaffirme que nous sommes, nous aussi, attachés à l’autonomie des collectivités locales. Je rappelle aussi que l’article 72-2 de la Constitution prévoit que tout transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.

J’ajoute enfin que le code général des collectivités territoriales rappelle que la compensation doit être intégrale, concomitante, garantie, contrôlée et conforme à l’objectif d’autonomie financière.

Votre amendement est donc satisfait, et par l’article 72-2 de la Constitution et par le code général des collectivités territoriales, même si nous savons que, par le passé, un certain nombre de transferts de compétences ont pu faire l’objet de débats quant au montant de leur compensation. Je puis vous assurer, et je le dis sous le contrôle de Mme la ministre, que si ce texte prévoit de nouveaux transferts, ils sont limités et font l’objet d’une vraie compensation.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est rassurant !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Les députés du groupe UMP voteront l’amendement de M. Dolez.

Madame la ministre, dans votre réponse à la question préalable que j’ai défendue, vous avez mentionné l’accord merveilleux qui aurait eu lieu entre le Gouvernement et l’Assemblée des départements de France. Je puis vous dire que le sentiment sur cet accord n’est pas unanime pour deux raisons.

Premièrement, le Gouvernement nous propose d’augmenter les impôts, d’augmenter les droits de mutation, ce qui, au vu de la très grave dépression du marché immobilier, est proprement hallucinant.

M. Philippe Cochet. C’est vrai !

M. Hervé Gaymard. Deuxièmement, les frais d’assiette ne pourront pas être récupérés par les départements de manière homothétique et seule une poignée de départements français pourra en bénéficier. Cela ne règle donc pas du tout le problème des départements de France.

Et puisque nous parlons des transferts de compétences et de leur compensation, il faut distinguer deux choses.

Premièrement, comme l’ont dit M. Dolez et le rapporteur, le montant de la compensation que verse l’État aux collectivités est celui qu’il affectait aux collèges, aux lycées et plus récemment aux routes nationales lorsque ces domaines relevaient de sa compétence. Or chacun sait que depuis, les collectivités consacrent deux à trois fois plus, y compris en euros constants.

Deuxièmement, s’agissant des prestations sociales légales à caractère universel qui concernent plus spécifiquement les départements, il y a aujourd’hui une aberration dans les relations entre l’État et les collectivités décentralisées. D’ailleurs, cette aberration est aussi bien le fait de lois votées sous des majorités de gauche – c’est le cas de l’ADPA votée sous le gouvernement de Lionel Jospin – que sous des majorités de droite – c’est le cas de la prestation de compensation du handicap votée sous le gouvernement de Dominique de Villepin en 2005. Ce sont des prestations sociales universelles, des droits qui ont été ouverts par la loi, les collectivités décentralisées n’ayant rien à dire, et c’est heureux, sur la dépense, sauf que le contribuable local paye une prestation sociale universelle. Les principes de 1945 voudraient qu’une prestation sociale légale fasse l’objet d’un financement national, comme c’est le cas pour l’assurance maladie.

M. Marc Dolez. Très juste !

M. Hervé Gaymard. Tant que l’on n’aura pas « nationalisé » le financement de ces prestations sociales légales que sont l’ADPA et la prestation de compensation du handicap, les compensations seront toujours des usines à gaz avec des tuyauteries épouvantables.

Certes, il y a des spécialistes administratifs ou politiques ou élus locaux pour qui ce maquis de tuyauteries constitue un véritable délice, mais il serait plus simple et plus clair de nationaliser le financement des prestations sociales légales parce que le système actuel introduit une très grande inégalité selon les départements, notamment pour les personnes âgées. En effet, dans les départements les plus pauvres, la proportion de personnes âgées par rapport au reste de la population est plus importante qu’ailleurs. Dans les départements qui comptent moins de personnes âgées, on peut, avec le surcroît budgétaire, financer une aide sociale volontariste au-delà des obligations légales, ce qui n’est pas le cas notamment dans le sud ou les départements ruraux qui sont complètement asphyxiés par cette évolution.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Hervé Gaymard. Mesdames les ministres, s’il est un sujet sur lequel il faut travailler, notamment dans le cadre de la réforme sur la dépendance, le handicap, c’est bien celui-là car on fera d’une pierre deux coups et on en aura fini avec ce poison que constitue la question des dotations de compensation.

Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement de M. Dolez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je trouve cet amendement extrêmement important. Réaffirmer la responsabilité de l’État dans la compensation de ces transferts a un sens, à un moment où, indépendamment des transferts, les collectivités locales sont obligées de se saisir d’un certain nombre de compétences qui ne sont pas officiellement transférées, mais qui, compte tenu de la paupérisation de l’État et des attentes de la population, sont exercées de fait par nos collectivités.

Je pense, en milieu urbain, à la police municipale : on n’a pas transféré la sécurité aux communes. Pour autant, la baisse des moyens consacrés par l’État à la police nationale et les besoins de sécurité dans nos communes font que nous devons exercer des compétences qui ne sont pas transférées et donc, bien entendu, pas compensées.

Au moins, réaffirmer dans les domaines transférés qu’il y aura une compensation intégrale me semble pour le moins nécessaire, compte tenu de l’état des finances publiques.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement entend bien vos observations. Je voudrais dire tout de même, au sujet de cet amendement, qu’il n’est que l’application stricte de l’article 72-2 de la Constitution.

Il est vrai que, dès lors qu’il y a transfert de compétence, il doit y avoir ces recettes nouvelles qui sont apportées aux collectivités territoriales. Je voudrais insister sur le fait qu’avant-hier, dans le cadre de la réunion présidée par le Premier ministre sur le pacte de confiance et de responsabilité, les départements se sont accordés…

M. Hervé Gaymard. Certains départements !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement a mis tout en œuvre pour qu’à terme, les départements puissent bénéficier de recettes pérennes, stables et suffisantes : cela a été dit, écrit et les départements l’ont reconnu.

Mais les recettes qui seront apportées feront l’objet, dans le cadre des travaux que nous conduirons ensemble, de péréquations. Effectivement, monsieur le député, nous avons bien relevé qu’il y a des départements qui, compte tenu de leur sociologie, de la composition de leur population, sont plus ou moins fragiles que d’autres.

M. Sylvain Berrios. Il y aura de bons départements et de mauvais départements ! Comme il y a de bonnes et de mauvaises communes…

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous en traiterons dans le pacte de confiance et de responsabilité, que nous avons évoqué. Mais sur l’amendement, tel qu’il est proposé, je dois le redire, le Gouvernement ne peut pas être favorable. Il vous demande de le retirer, sinon il devra émettre un avis défavorable.

M. Philippe Cochet. Vous maltraitez votre majorité !

M. Marc Dolez. Le Gouvernement prend ses responsabilités.

M. Philippe Cochet. Si j’étais communiste, j’en tirerais des conséquences. Mais il est vrai que je ne suis pas communiste...

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Le rappel contenu dans l’amendement de M. Dolez est intéressant, pour plusieurs raisons. Pour prendre un exemple précis, on va nous proposer dans la loi de transférer la gestion des milieux aquatiques et des inondations, avec le transfert d’un revenu virtuel non chiffré.

Aujourd’hui, l’estimation du Gouvernement est de 3 milliards, contre 10 milliards pour le CEPRI. On ignore l’assiette et le coût de la compétence transférée, on ne connaît pas non plus le montant des revenus qui vont nous être affectés sous forme d’impôts nouveaux. Il est donc important de réaffirmer fortement ce principe de compensation des transferts par l’État.

(L’amendement n1038 est adopté.)

Article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 222 et 504.

La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n222.

M. Alain Chrétien. Il vise à supprimer cet article qui tend à rétablir la clause générale de compétence.

Mes chers collègues, si vous voulez vraiment clarifier le fonctionnement des collectivités territoriales, il faut tendre vers un principe de spécialisation. Il faut qu’enfin, chaque Français sache qui fait quoi, du département et de la région. Nous déplorons tous, dans nos collectivités respectives, l’existence de plusieurs agences de développement économique, l’existence de plusieurs comités du tourisme… Il faut mettre fin à ce chevauchement des compétences, il faut supprimer cet écheveau des politiques publiques dans lequel plus personne ne se retrouve.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Alain Chrétien. Cet article 2 est une régression. La majorité précédente avait eu le courage de définir une tendance, car la loi de 2010 était perfectible, mais elle créait une tendance à la spécialisation des collectivités territoriales. Vous revenez dessus avec cet article 2 : pour nous, ce n’est pas une avancée mais une régression, ce n’est pas une clarification mais la poursuite d’une politique de Gribouille. Nous souhaitons qu’on ait le courage de proposer aux élus locaux que chacun sache qui fait quoi, que chacun sache quelle est sa fonction et sa responsabilité : cela rendra plus lisible la démocratie locale et améliorera l’information de nos concitoyens. C’est ce qu’ils demandent, c’est ce qu’ils espèrent, c’est ce que nous devons faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour soutenir l’amendement n504.

M. Michel Terrot. Il est de suppression, pour les raisons excellemment rappelées par notre collègue Chrétien.

Lorsque le citoyen ne comprend plus qui fait quoi et qui paie quoi, c’est qu’il y a manifestement un problème. Je suggère donc de revenir à la rédaction qui résultait de la loi de 2010, peut-être perfectible, mais qui donnait au moins une direction.

J’ajoute que les conséquences néfastes de ces financements croisés, multiples, ont été relevées dans pratiquement tous les rapports, ceux des corps d’inspection comme ceux du Parlement. Ils constatent l’existence d’une « comitologie » nationale, régionale et départementale absolument foisonnante, des pertes de temps considérables, dans la décision comme dans la mise en œuvre, qui ralentissent l’action publique, ainsi qu’une inflation de la dépense publique, causée autant par les doublons de structures que par la contractualisation – qui n’est pas, je tiens à le dire, contrairement à une idée répandue, un régulateur de la dépense. Il y a enfin une confusion des responsabilités qui dégrade la relation entre le citoyen contribuable usager et ses élus locaux ou nationaux.

C’est pourquoi je suggère de revenir à la rédaction précédente, bien meilleure que celle proposée dans ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Sans surprise, ce sera un avis défavorable. La suppression de la clause générale de compétence votée dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010 était d’abord limitée, puisqu’elle ne visait que les actions dans les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive d’un autre niveau de collectivité. Elle a également été source d’aberrations, puisqu’elle restait nécessaire compte tenu du manque de moyens de certaines collectivités, en particulier les petites communes, et du partage de compétence résultant soit de la loi elle-même, soit de l’intervention de l’État lorsqu’il appelle à une action concertée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je suis un peu surpris des arguments que je viens d’entendre, puisque dans les minutes qui ont précédé nous avons beaucoup parlé de la commune et de la nécessité de la défendre, objectif que nous partageons.

M. Philippe Cochet. Cela ne s’est pas traduit dans le vote.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Or, avec cet amendement, vous dites aux maires des petites communes que vous souhaitez les priver de l’aide que peuvent leur apporter le département et la région.

M. Jean-Frédéric Poisson. Soyez sérieux, monsieur le rapporteur !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous sommes donc défavorables à ces amendements : la commission souhaite rétablir la clause générale de compétence, en accord d’ailleurs avec le discours du Président de la République devant les états généraux de la démocratie territoriale.

M. Philippe Meunier. Si vous saviez ce qu’on en pense !

M. Philippe Cochet. Au moins, c’est clair !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La clause générale de compétence ne permet pas aux collectivités locales d’intervenir dans tous les domaines des politiques publiques, mais seulement dans des domaines interstitiels non attribués par le législateur à d’autres collectivités et à l’État.

C’est pourquoi d’ailleurs sa suppression avait une portée assez symbolique, comme son rétablissement, car nous faisons confiance aux élus pour adapter leurs interventions à leur territoire.

Ce rétablissement est pour nous le corollaire des conventions territoriales de l’action publique, qui seront négociées, ainsi que les règles de financement. Je tenais à le rappeler.

Hier, vous avez beaucoup parlé d’absence de concertation : les états généraux de la démocratie territoriale avaient demandé quasi-unanimement ce rétablissement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Cet article est central, madame le ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument.

M. Patrick Ollier. Il nous met devant la ligne générale du texte que vous proposez. J’ai entendu hier des annonces du Premier ministre en faveur d’un « choc de simplification ». Bravo ! Nous applaudissons au choc de simplification ! Mais nous sommes en train de discuter d’un texte qui, à l’inverse, va créer de la complexité.

Il faut s’en expliquer devant les Français : eux aussi entendent ce que nous disons et eux aussi comprennent ce que vous faites, madame le ministre. La cohérence commanderait d’établir une hiérarchie des pouvoirs locaux et d’organiser leur complémentarité. La hiérarchie des pouvoirs et la complémentarité devrait aboutir au contrat qui, lui, permet d’organiser les financements.

Or, ce que vous proposez, c’est de rétablir les incohérences que nous avions supprimées dans la loi de 2010, de rétablir la confusion. C’est un peu l’auberge espagnole : chacun fera ce qu’il veut en fonction des choix et des rapports de force locaux, et non dans une logique d’efficacité au service du citoyen.

Cet article ouvre le débat sur les financements croisés. nous retombons dans une autre forme d’incohérence dont nous reparlerons tout à l’heure.

Vous dites, madame le ministre, que ce rétablissement est « symbolique ». Si c’est le cas, pourquoi le faire ? La portée juridique de l’article, elle, n’est pas symbolique. Le rétablissement de la clause générale de compétence n’est pas symbolique.

Souffrez que l’UMP insiste sur ce point, même si vous avez raison en disant que certaines décisions ne peuvent être prises parce qu’elles dépendent de l’État.

J’en appelle à l’Assemblée nationale, qui doit aller vers la simplification, vers la cohérence, comme nous l’avions fait en 2010. Le groupe UMP vous demande de renoncer à rétablir cette clause générale de compétence qui est un mauvais coup porté à la démocratie locale.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Nous sommes en effet au cœur du débat puisqu’il s’agit de faire comprendre à nos concitoyens qui fait quoi. Je prendrai l’exemple des aides directes aux entreprises. De nombreux rapports ont montré les redondances, parfois les contradictions entre les politiques économiques des départements et des régions. Le dernier en date, le rapport Queyranne, a confirmé ces incompréhensions, ces incohérences.

Face à notre position qui consiste à spécialiser les niveaux de compétence, vous arguez qu’il faut mettre en place des chefs de filat. Pourquoi pas, mais le chef de filat ne peut être qu’une étape transitoire vers le principe de spécialisation. Or vous en faites un principe de base sans qu’il soit question de tendre vers cette spécialisation que nous appelons de nos vœux.

Plus de 6 milliards d’euros, je le rappelle, sont dépensés chaque année par les collectivités territoriales pour les aides économiques aux entreprises, et personne n’a vraiment pu analyser leur impact économique sur l’activité des territoires. Comment remettre en cause les politiques économiques locales si l’on ne procède pas à une spécialisation et si l’on ne donne pas à la région, par exemple, un vrai pouvoir économique exclusif de tout ce que peuvent faire les autres collectivités comme les départements ou les intercommunalités ? Il s’agirait, par exemple, de limiter à ces dernières le pouvoir d’aménager des terrains et de donner aux régions le pouvoir d’attribuer de l’argent aux entreprises en difficulté ou en développement.

Cette clarification des compétences n’est pas la voie que vous avez choisie et nous le regrettons.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Nous devons respecter trois impératifs catégoriques : celui de lisibilité pour les habitants d’un territoire, celui de responsabilité du maître d’ouvrage, enfin celui de l’efficacité de la dépense publique. Or avec le rétablissement de la clause générale de compétence, on ne sait plus qui fait quoi, qui finance quoi, qui est maître d’ouvrage de quoi. En matière culturelle, en matière sportive on pourra avoir des maîtres d’ouvrage sur l’ensemble de l’échiquier communes-départements-régions, d’où : illisibilité, irresponsabilité et dérapage garanti de la dépense publique.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Patrick Ollier a évoqué la portée symbolique attribuée par Mme la ministre à l’article 2. Très symbolique il est vrai : sous couvert de donner aux uns et aux autres la possibilité de tout faire, vous confirmez, madame la ministre, chacune des collectivités dans sa capacité à agir. En même temps, comme vous avez conscience que tout cela aboutit à un véritable chaos, vous faites, au moment de constituer les métropoles, exactement l’inverse : vous allez récupérer ce que vous avez donné par le biais d’un article qui a en effet une portée toute symbolique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’entendais, tout à l’heure, rappeler la portée de la clause de compétence générale. Pour la rétablir, nous nous sommes appuyés sur une jurisprudence très intéressante du 29 juin 2001 concernant la commune de Mons-en-Barœul, jurisprudence que je tiens à votre disposition et qui précise qu’une lecture stricte de la décision conduirait à conclure que la clause de compétence générale permet aux collectivités territoriales de n’intervenir que dans des domaines interstitiels non attribués par le législateur à d’autres collectivités publiques.

J’entends votre crainte de voir chacun des échelons s’occuper de tout, mais je rappelle à M. Pélissard que lorsque, à l’époque, nous avons eu ce débat très intéressant et très long, c’étaient essentiellement les maires qui demandaient qu’on laisse la possibilité aux départements et aux régions d’aider les communes à intervenir dans un domaine de compétences non-attribué. Le monde change, les technologies changent, la demande de services va changer. Les communes qui estimaient, face à une demande nouvelle, ne pas pouvoir demander l’aide du Gouvernement, considéraient qu’on allait créer des inégalités territoriales et s’estimaient dans l’obligation de solliciter le Premier ministre pour qu’un nouveau projet de loi permette le financement de services nouveaux, interstitiels, non prévus par la loi. C’était l’argument – intéressant – de l’Association des maires de France.

Nul ne peut dire, en 2013, ce qui se passera exactement dans cinq ou dix ans en termes de demande de services à la population. Et nul ne peut affirmer que les communes seules pourront répondre à telle ou telle demande de services à égalité de droits dans tous les territoires de France. À partir de ce raisonnement, pour les compétences interstitielles non-attribuées, nous revenons à la clause de compétence générale afin de sécuriser les collectivités de base, surtout celles qui disposent de peu de moyens. Nous répondons par là à la demande de l’association des maires de France qui, d’ailleurs, au cours d’un débat auquel j’ai eu l’honneur d’être invitée, a insisté sur la nécessité de faire attention aux compétences interstitielles non-attribuée.

Vous reprochez au texte sa complexité mais nous demandons que la conférence territoriale de l’action publique clarifie la répartition des compétences et responsabilise les acteurs. Je suis persuadée que nous gagnerions du temps si ladite conférence se réunissait une fois pour évoquer tous les sujets, et indiquait qui fait quoi pour les cinq ou six années à venir.

Vous évoquiez tout à l’heure l’aide directe aux entreprises qui relèverait des régions, l’immobilier d’entreprise qui relèverait des communes, des intercommunalités. La conférence peut en effet l’écrire. Ce qui est important, je pense à la société du contrat, c’est qu’on est parfaitement capable d’écrire que dans le cadre de la compétence de développement économique, par exemple, les aides directes vont aux régions qui définissent les stratégies des filières et que l’immobilier d’entreprise est confié à tel ou tel échelon. C’est sans doute ce que nous ferions aujourd’hui.

En revanche, je ne sais pas ce que l’on fera dans cinq ans, ni ce que seront dans dix ans le contenu de la compétence Développement économique, l’état du monde ou encore les grands problèmes liés à l’internationalisation de l’économie. Ne nous enlevons pas la possibilité, dans cinq ans ou dix ans, de répondre à un problème particulier, relevant d’une compétence non-attribuée et qui deviendrait d’actualité.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard. Je relève deux dimensions totalement différentes : la maîtrise d’ouvrage et l’aide au financement, l’accompagnement d’une action conduite par une collectivité qu’il s’agisse d’une commune ou d’une intercommunalité. Il ne faut pas mélanger les deux. Il ne faut pas que le département puisse éventuellement intervenir comme maître d’ouvrage sur un territoire, en concurrence avec la commune responsable de la culture, du sport, de l’aide sociale. Une démarche d’accompagnement ne peut pas être une démarche de maîtrise d’ouvrage.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Soyons bien clairs, monsieur Pélissard : une collectivité territoriale ne pourra pas intervenir financièrement en dehors de son champ de compétences si celui-ci est fermé. Si le conseil départemental n’en a pas la compétence, il ne pourra pas être un co-financeur d’une action qui serait lancée dans cinq ans ou dix ans. Le financement est interdit, je le répète, pour une compétence que n’a pas la collectivité.

Si vous ne rétablissez pas la clause de compétence générale, un conseil départemental ou régional ne pourra en aucun cas intervenir financièrement pour aider une collectivité communale ou intercommunale. C’est bien la compétence, j’y insiste, qui entraîne la possibilité de financer, faute de quoi le financement est interdit.

(Les amendements identiques nos 222 et 504 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n636.

M. Sylvain Berrios. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. L’amendement est satisfait donc avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

(L’amendement n636 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour soutenir l’amendement n716.

M. Sylvain Berrios. Il est défendu.

(L’amendement n716, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n46.

M. Paul Molac. Je défendrai par la même occasion l’amendement n45, si vous le permettez, monsieur le président, puisqu’ils sont dans la même veine.

M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue, vous avez la parole pour soutenir également l’amendement n45.

M. Paul Molac. J’ai bien entendu la nécessité de réaliser des économies    dans cette période de disette budgétaire afin de combler nos déficits. J’ai bien entendu également la nécessité d’une simplification administrative non seulement pour des raisons d’efficience mais aussi pour que le citoyen s’y retrouve. Or, à cause des financements couplés, on se retrouve avec un tas de paperasses et de tracasseries administratives et il paraîtrait même que cela nous coûterait deux points de PIB.

Aussi, puisque nous créons un nouvel échelon administratif, celui des métropoles, je propose tout simplement d’en supprimer un – c’est le bon sens –, en l’occurrence le département. Certains conseillers généraux m’ont même dit qu’ils le souhaitaient. (Murmures.)

M. Marc Dolez. Des noms !

M. Paul Molac. L’amendement n45 vise donc à répartir les compétences du département entre les EPCI pour ce qui relève du local, et la région pour ce qui relève de la prospective.

M. Patrick Devedjian. Voilà nos nouveaux Chouans !

M. Paul Molac. L’amendement n46 est quant à lui un peu moins révolutionnaire puisqu’il vise à éviter que la compétence générale ne soit redonnée aux départements afin que, à terme, parvenir à une simplification, une clarification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous connaissons depuis longtemps la position du groupe écologiste sur ces sujets. Il ne nous paraît pas opportun de supprimer les départements, sinon le texte l’aurait prévu.

Par ailleurs, nous ne créons pas un nouvel échelon avec les métropoles puisqu’il s’agit d’un EPCI d’un nouveau type qui se substituera à des EPCI existants comme la communauté urbaine de Lyon ou celle de Rennes, ou bien qui résultera de la fusion d’EPCI existants.

En ce qui concerne la clause de compétence générale des départements, le débat que nous venons d’avoir nous a éclairés. L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Les députés du groupe UMP voteront évidemment contre ces deux amendements. Vouloir ainsi, monsieur Molac, supprimer le département, c’est poser très mal la question : quand bien même votre amendement serait adopté, il faudrait bien qu’il y ait toujours des travailleurs sociaux dans les centres polyvalents d’action sociale, des agents d’exploitation sur les routes, des personnels dans les collèges,…

M. Alexis Bachelay. Et alors ?

M. Patrick Mennucci. Qu’on en confie la responsabilité aux métropoles !

M. Hervé Gaymard. …et il faudrait bien, toujours, financer ce qu’il y a à financer.

Le problème ne se situe pas au niveau des structures administratives, mais à celui des élus. C’est pourquoi l’idée du conseiller territorial est la bonne,…

M. Alexis Bachelay. Cela ne réglerait pas le problème !

M. Hervé Gaymard. …puisqu’elle unifie les compétences sur un seul élu, l’assemblée au sein de laquelle il siège décidant rationnellement quel serait le meilleur niveau d’intervention.

M. Alexis Bachelay. C’est un écran de fumée !

M. Hervé Gaymard. J’ajoute que la question ne se pose pas de la même façon dans une région à deux départements et dans une région qui en compte huit. Cessons donc ce dogmatisme et soyons pragmatiques : nous avons tous hâte de rétablir le conseiller territorial…

Mme Nathalie Appéré. Non, pas tous !

M. Hervé Gaymard. …pour moderniser enfin l’organisation de notre pays.

M. le président. Je vous invite à bien distinguer les deux amendements, mes chers collègues, car ils sont tout de même très différents.

La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Prenons le secteur de l’enseignement. Quand une cité scolaire comprend un lycée qui relève de la région et un collège qui relève du département, il faut signer des conventions avec le département, il faut évidemment que les fonctionnaires se rencontrent… Si cela ne représente pas une perte d’argent, qu’est-ce donc ? Ma proposition est simple : attribuons aux EPCI tout ce qui relève du local et aux régions tout ce qui touche à la formation.

M. Hervé Gaymard. Il faut attribuer les collèges aux régions, c’est bien ce que j’ai dit !

M. Marc Dolez. C’est-à-dire que dans votre système il n’y a plus de communes et plus de départements !

(Les amendements nos 46 et 45, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n581.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est défendu.

(L’amendement n581, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour soutenir l’amendement n582.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Il est défendu.

(L’amendement n582, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 186 et 794.

La parole est à M. Matthias Fekl, pour soutenir l’amendement n186.

M. Matthias Fekl. Dans un souci de lisibilité du projet de loi, il s’agit, d’abord, de récapituler les compétences exclusives attribuées aux conseils régionaux par différentes lois. Elles ressortissent à quatre grands blocs : la formation professionnelle et l’apprentissage ; tout ce qui tourne autour de la construction, de l’aménagement et du fonctionnement des lycées ; l’organisation des services de transport terrestre de voyageurs d’intérêt régional ; l’attribution des aides financières aux entreprises.

Il s’agit ensuite d’insérer, en l’absence de codification, cette récapitulation dans le code général des collectivités territoriales. Je précise dès à présent que mon amendement n155, que je présente, comme le précédent, avec Alain Rousset et de nombreux autres collègues, a pour objet d’appliquer ces mêmes dispositions aux régions d’outre-mer

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n794.

M. Thierry Braillard. Cet amendement, qui procède d’un souci de lisibilité et d’une volonté d’éviter toute confusion, a pour objet de définir une nouvelle fois dans le code les compétences exclusives de la région.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cette récapitulation, comme le reconnaissent les auteurs des amendements identiques dans les exposés sommaires, n’est censée ouvrir aucune compétence exclusive. Pourtant, elle pose déjà un certain nombre de difficultés.

D’une part, les compétences en question ne sont pas totalement exclusives. En ce qui concerne les aides financières aux entreprises, les autres collectivités disposent de compétences pour compléter les aides ou les régimes d’aide, aux termes des articles L. 1511-2 et L. 1511-5 du CGCT, pour subventionner les organismes favorisant la création ou la reprise d’entreprises, aux termes de l’article L. 1511-7 du même code, pour attribuer des aides destinées à favoriser l’installation ou le maintien de professionnels de santé, aux termes de l’article L. 1511-8. Affirmer que la région a une compétence exclusive reviendrait à remettre en cause l’existence de ces dispositifs, ce qui n’est pas forcément une bonne idée en ce moment.

D’autre part, cette énumération est incomplète, puisque ces amendements identiques ne tiennent pas compte de la loi sur la refondation de l’école, qui a explicitement attribué aux régions l’équipement et la maintenance informatiques des lycées.

M. Patrick Ollier. Il faut retirer ces amendements !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Les auteurs de ces amendements n’ont pas non plus prévu de dispositions relatives aux compétences des autres niveaux de collectivités pour aboutir à un dispositif équilibré : départements, communes et, éventuellement, intercommunalités.

Enfin, définir précisément toutes les compétences exclusives de chaque niveau de collectivité serait certainement utile, mais ouvrirait un chantier législatif qui excéderait de loin l’objet du présent texte.

Si l’examen de ces amendements présentait l’intérêt de permettre de rappeler dans notre débat les compétences que les régions exercent de manière prioritaire, la commission des lois a émis un avis défavorable pour les raisons que je viens d’évoquer. Pour ces mêmes raisons, j’appelle les auteurs de ces amendements, y compris de l’amendement n155 sur les régions d’outre-mer, à les retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je trouve à ces amendements un intérêt pédagogique.

En revanche, j’appelle l’attention des parlementaires sur le fait qu’il y aura peut-être une petite insécurité juridique. En effet, lorsqu’on établit la liste des compétences, on ne prend pas en compte de possibles évolutions ; cela rejoint ce que je disais tout à l’heure sur les nouveaux services. Ceux qui ont assisté aux 126 réunions de concertation avec l’ensemble des associations d’élus doivent se souvenir que je citais notamment l’exemple des petits hélicoptères photovoltaïques : cela créera une demande de services qui n’existent pas aujourd’hui.

Si nous fermons trop la liste des compétences, il est possible que nous devions y revenir ensuite, si de nouvelles technologies, ou un changement dans le monde, peu importe, justifient l’ajout d’une nouvelle compétence. C’est ce qui me préoccupe.

J’étais donc plutôt favorable à ce que l’on n’enferme pas les régions dans les compétences évoquées, même s’il est important que chacun puisse s’y reconnaître. Au fond, le rappel des compétences de chacun pourrait faire l’objet d’un document qui serait remis au début de chaque première séance des conférences territoriales de l’action publique.

Je rebondis sur un point particulier. Au sein de la conférence territoriale de l’action publique, il arrivera que l’on propose, dans certaines régions, que les cités scolaires, collèges et lycées, soient gérées par un seul niveau de collectivité.

Un député du groupe UMP. Cela existe déjà !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il peut être  ainsi décidé, à la demande de la région et à l’unanimité des participants, que les cités scolaires seront gérées par le département, quand bien même il s’agit de lycées. Avec ces amendements, cela poserait des problèmes juridiques.

Si j’étais donc plutôt favorable à ce que l’on rappelle la liste des compétences, je souhaiterais qu’on ne la fermât point.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Je ferai une remarque non sur l’organisation des débats, mais sur la répartition des matières que l’on traite entre ce projet de loi et les deux autres projets de loi à venir. La question des compétences des régions est très importante, et très intéressante pour chacune et chacun d’entre nous. Je ne vois cependant pas pourquoi on en parle à la faveur de cette loi : je croyais qu’un deuxième projet de loi devait être consacré à la question des compétences des départements et des régions. C’est vraiment un embrouillamini !

Que l’on parle des métropoles, très bien. Que l’on parle des schémas, fort bien. Mais tout le reste est, me semble-t-il, hors sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. C’est la deuxième fois que Mme la ministre indique que, parce que l’on ne sait pas ce qui se passera dans dix ou quinze ans, la loi ne peut pas intégrer une clarification des compétences. On préfère, par conséquent, le chaos…

M. Alexis Bachelay. Oh !

M. Sylvain Berrios. …à une clarification que l’on corrigerait ensuite par la loi.

Je ne crois pas que cet argument soit recevable. Par essence, la loi est évolutive. Il appartient au Parlement de revenir dessus si nécessaire. On ne peut pas, parce qu’on ne sait pas aujourd’hui anticiper ce qui surviendra dans dix ou quinze ans, exclure du texte un certain nombre de précisions fort utiles au demeurant.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Ayant bien écouté les arguments du rapporteur et du Gouvernement, et eu égard notamment au fait que le même travail n’a pas été accompli pour les autres collectivités, nous acceptons de retirer notre amendement n° 186. Il nous semble en tout cas qu’un travail important de codification et de clarification doit être engagé, par souci de clarté.

(L’amendement n186 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Nous y reviendrons certainement lorsque nous examinerons les autres textes. Je pense que Mme la ministre et M. le rapporteur en sont d’accord : une bonne fois pour toutes, il faut que l’on sache qui fait quoi.

M. Alain Chrétien. Je suis d’accord !

M. Thierry Braillard. Les prochains textes devront à cet égard jouer un rôle pédagogique, pour que l’on sache exactement quelles sont les compétences exclusives respectives du conseil régional et du conseil général.

Reprenons l’argumentation du rapporteur. Il est vrai que l’on ne peut pas préciser dans un texte quelles sont les compétences exclusives de la région sans préciser quelles sont celles du conseil général. C’est la raison pour laquelle, mus par le souci d’apporter ces précisions, nous y retravaillerons lors de l’examen des prochains textes.

Je retire donc l’amendement n794.

(L’amendement n794 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n47.

M. Paul Molac. Si vous le voulez bien, je défendrai en même temps l’amendement suivant, n48, car je pense retirer l’amendement n47.

M. le président. Bien volontiers.

Vous avez donc la parole, monsieur Molac, pour soutenir l’amendement n48.

M. Paul Molac. Lorsqu’on veut préserver les langues régionales, on met en place ce qui s’appelle une « politique linguistique ». C’est pourquoi je voulais inscrire l’expression dans la loi.

C’est ce qui se fait dans un certain nombre de pays, au Pays de Galles, au Pays basque, en Catalogne, dans le Val d’Aoste, etc. Il s’agit simplement de faire en sorte que la France se mette aux standards européens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Par l’amendement n47, qu’il veut retirer, comme par l’amendement n48, M. Molac nous rappelle son attachement à la promotion des langues régionales, à leur promotion, à leur préservation et à une politique linguistique. Malheureusement, cela peut entrer en conflit avec le principe énoncé à l’article 3 de la Constitution : « La langue de la République est le français. » Parler de « politique linguistique » pourrait donc être problématique.

Par ailleurs, l’absence de dispositions de droit positif, à l’exception de celles qui concernent la Corse et les régions d’outre-mer, n’a jamais empêché les régions concernées de mener des politiques en faveur des langues régionales. Nous pouvons donc considérer que l’amendement n48, qui aura permis de rappeler l’attachement de M. Molac aux langues régionales, est satisfait.

J’émets donc un avis défavorable à l’amendement n48.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis un tout petit peu embêtée car je pourrais émettre un avis favorable sur l’amendement n47, non sur l’amendement n48.

En outre, le rapport sur l’enseignement et la préservation des langues régionales vient d’être remis à Mme Aurélie Filippetti. Un vrai travail intéressant va, enfin, être mené sur ce sujet.

Je vous propose donc, monsieur le député, de retirer plutôt l’amendement n48.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je retire bien volontiers l’amendement n48, et je maintiens l’amendement n47.

(L’amendement n48 est retiré.)

M. le président. Pouvez-vous donc nous préciser l’avis de la commission sur l’amendement n47, monsieur le rapporteur ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, considérant que les langues régionales appartiennent au patrimoine. Il s’agit donc plus de préservation que de promotion.

Cependant, au vu de la réalité des politiques menées par les régions, je pense, à titre personnel, que l’amendement apporte une précision bienvenue.

(L’amendement n47, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 155 et 1311.

La parole est à M. Matthias Fekl, pour soutenir l’amendement n155.

M. Matthias Fekl. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n1311.

M. Thierry Braillard. Je le retire.

(L’amendement n1311 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n155. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Je retire l’amendement n155.

(L’amendement n155 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n1097 rectifié.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 20 à 27 de l’article 2 du projet de loi, issus d’un amendement sénatorial. Ils aboutissent à poser le principe d’une décentralisation à la carte en permettant des délégations de compétences de l’État aux collectivités qui en feraient la demande.

Il est important, à mes yeux, que l’organisation territoriale de la République assure, par sa nature même, l’égalité des citoyens qui y vivent et s’y déplacent.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. Les compétences susceptibles déléguées doivent être les mêmes où que l’on habite, et non pas à géométrie variable, ou à la carte. Cette égalité est assurée par la dimension législative de la décentralisation.

En généralisant les conventions de délégation de l’État, le projet mettrait en place une forme de décentralisation qui pourrait être issue des rapports de force locaux et conduirait à une auto-organisation locale à géométrie variable. Or il me semble que le législateur doit avoir le souci constant de renforcer le sentiment d’appartenance commune à la France, à la République, plutôt que d’exacerber les différences territoriales.

C’est pourquoi je propose la suppression de ces alinéas 20 à 27. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et UMP.)

M. Marc Dolez. Excellent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. C’est la commission des lois qui a introduit un article précisant que l’État pouvait déléguer un certain nombre de compétences aux collectivités locales.

M. Gérald Darmanin. Funeste commission !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Par conséquent et logiquement, elle a rendu un avis défavorable sur l’amendement de M. Laurent. Nous considérons qu’il est logique, dans le cadre d’un texte de décentralisation, de prévoir la possibilité pour l’État de déléguer l’exercice d’un certain nombre de compétences aux collectivités locales. Insistons sur le fait qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation. D’autre part, cela s’appuiera sur un accord des parties concernées. D’où cet avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je ne suis pas d’accord avec la philosophie de cet amendement, mais je dois reconnaître que le débat en la matière était compliqué. En effet, nous faisions face à une très forte demande de l’ensemble des élus locaux, en particulier des élus régionaux, de permettre des expérimentations. Or les expérimentations sont bornées par la loi fondamentale. Si une expérimentation peut être menée par une région – collectivité à laquelle on pensait principalement au cours des débats sur la révision de l’article 72 de la Constitution – et que l’on estime que le transfert expérimental de la politique publique en question à l’échelon concerné est une réussite,  la compétence en question peut alors être transférée à l’ensemble des collectivités du niveau concerné.

Or les demandes qui nous parviennent sont tout à fait différentes. Si certaines collectivités sont intéressées par le transfert des compétences relatives à la gestion de l’eau, par exemple, d’autres régions peuvent ne pas l’être, en particulier celles dont la configuration géographique ne s’y prête pas. Si l’une de ces collectivités en a fait la demande, c’est parce qu’il peut s’agir pour elle d’un problème majeur de développement économique, de protection de l’environnement et de lutte contre les pollutions d’origine terrestre.

Comme nous ne voulions pas réviser les dispositions constitutionnelles portant sur l’expérimentation, je me suis engagée à discuter de délégations de compétences. On ne met pas la République en danger quand l’on prend acte, par exemple, que dans telle région les systèmes d’écoulement des eaux ne reposent pas sur des nappes phréatiques mais sur des nappes souterraines, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Dans ce cas, le fit que des régions puissent, par exemple, intervenir sur la protection des captages ne met pas selon moi la République en danger !

Permettez-moi d’aller jusqu’au bout de ce raisonnement, pour répondre d’avance à un autre amendement. Je pense qu’il est en revanche dangereux de clore, en établissant une liste limitative, le champ des compétences délégables. Prenons le cas de l’orientation, dont nous discuterons certainement au moment de l’examen du deuxième projet de loi que je présenterai au Parlement. Il y a plusieurs manières de transférer ou de déléguer une compétence. On peut la transférer, et transférer les personnels afférents. On peut aussi simplement déléguer cette compétence, et mettre les personnels afférents à disposition du délégataire. Soyons francs : si l’on dressait une liste des compétences délégables, un certain nombre de fonctionnaires se demanderaient de qui ils dépendent, de quelle autorité ils relèvent.

Nous devons donc être très précis quant à la manière dont nous déléguons des compétences. Il s’agit, par exemple, de mettre à disposition les personnels correspondants, pour éviter que dans une région, une politique publique soit assurée par les fonctionnaires publics territoriaux du conseil régional, et que dans une autre, elle soit assurée par des fonctionnaires d’État. Dans ce cas, il y aurait une désorganisation de l’État sur ces territoires : nous ne le souhaitons pas.

Tout cela est donc complexe. C’est pourquoi il me semble que la délégation de compétence doit être possible, en particulier après un débat en conférence territoriale. Mais arrêtons-nous pour l’instant à cette possibilité, nous reviendrons à ce sujet plus tard. Nous aurons un débat plus long, plus précis, au moment de l’examen du futur projet de loi relatif aux régions.

Je comprends bien que le découpage de la réforme territoriale en plusieurs projets de loi pose problème.

M. Patrick Ollier. Exactement ! Il faut donc que vous acceptiez cet amendement !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est particulièrement vrai des enjeux soulevés par le présent projet de loi. Je le dis, parce que c’est vrai : il aurait été plus simple de faire autrement. Nous pourrons tout à l’heure débattre cette question, au moment de l’examen de la proposition de la commission des lois, sans clôturer la liste des compétences délégables, et en acceptant ces délégations.

Je finirai en disant que j’ai compris votre souci, monsieur Laurent, ainsi que celui, comme j’ai pu l’entendre hier, du groupe SRC : il n’est pas question de démanteler l’État. Pour autant, si les compétences régaliennes de l’État resteront à l’État, la question en revanche, de savoir si l’ensemble par exemple des compétences de sécurité sont ou non régaliennes, et si des transferts de compétences n’y ont pas déjà touché, peut être débattue. J’espère donc que nous pourrons revenir sur la possibilité pour l’État de déléguer une compétence régalienne.

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. L’amendement défendu par notre collègue Jean-Luc Laurent est tout à fait intéressant. Il part du constat que ces délégations causeront une rupture d’égalité entre les différentes parties du territoire national. Il faut à présent qu’il aille au bout de sa démarche : ce qui est valable pour les délégations de compétences de l’État vers certaines collectivités territoriales, est aussi valable pour les transferts de compétences entre collectivités territoriales. Il faut bien avoir conscience du fait que les régions et les départements n’auront plus les mêmes compétences d’un endroit à l’autre en France ! Dans une partie du territoire, les collèges relèveront du conseil régional, ailleurs, ce sera toujours une compétence départementale ; ici, les intercommunalités obtiendront des compétences qui relèvent à l’heure actuelle du département, là, ce ne sera pas le cas…

Le raisonnement tenu par M. Laurent est donc tout à fait valable quand il s’applique aux transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Mais il l’est tout autant quand il s’applique aux transferts de compétences entre différentes collectivités territoriales. C’est la raison même du désordre territorial que vous allez causer au niveau national : plus personne ne saura ce qui est fait par les différentes collectivités territoriales, car cela changera en fonction de l’endroit où l’on habite ! Il n’y aura plus aucune harmonie dans les services publics, plus aucune compréhension de l’action des différentes collectivités territoriales !

Allons au bout de cette démarche, monsieur Laurent : le raisonnement que vous avez tenu à propos des délégations de compétences doit aussi s’appliquer aux transferts de compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Nous touchons là au fond du problème de l’égalité des territoires. Les citoyens doivent savoir qui fait quoi !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je m’apprête à voter pour l’excellent amendement déposé par M. Laurent. En effet, le texte adopté par la commission des lois pose deux problèmes.

Premièrement, il pose le problème de l’unité de la République et de l’État. Deuxièmement, il suscitera un chaos territorial.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Chaos, c’est un peu fort !

M. Patrick Ollier. Le simple fait, madame la ministre, d’aborder ce débat est inquiétant. Vous avez raison sur un point : c’est à l’occasion de l’examen d’un autre texte que nous aurions dû l’aborder. La commission des lois aurait dû opportunément l’écarter, pour le réserver à un autre texte, et nous pourrions alors avoir un vrai débat sur l’unité de la République, l’unité de l’État. Comme tous les gaullistes, je souhaite que l’État soit fort, qu’il joue un rôle de stratège, d’arbitre, qu’il décide, mais ce n’est pas là l’objet de ce texte. Puisque la commission des lois est entrée dans ce débat, il faut accepter l’amendement de M. Laurent et supprimer cette partie du texte. Ce n’est pas aujourd’hui que ce débat doit avoir lieu.  

Si vous acceptez ces dispositions, c’est-à-dire si vous rejetez l’amendement présenté par M. Laurent, un autre problème se posera. En effet, les dispositions de ce projet de loi – dans sa rédaction actuelle – qui concernent l’organisation territoriale de l’État sont imprécises, et font peser des incertitudes. Je suis prêt à vous faire confiance, madame la ministre, mais demain peut-être un autre membre du Gouvernement prendra votre place. Que signifie l’expression employée à l’alinéa 21 de l’article 2 : « l’exercice de certaines de ses compétences » ? Pouvez-vous me donner la définition juridique de cette formule ? Il faut encadrer cette notion de « certaines compétences » de manière suffisamment précise pour redonner confiance à celles et ceux qui veulent préserver l’autorité de l’État. Sinon, la lisibilité de l’organisation territoriale sera compromise, au niveau national, par le chaos territorial que ce projet de loi, tel qu’il est rédigé, ne manquera pas de provoquer. C’est l’auberge espagnole, ce que vous proposez – passez-moi cette expression : j’ai beaucoup de respect pour les Espagnols.

M. Patrick Mennucci. Et pour les auberges ? (Rires.)

M. Patrick Ollier. Pour les auberges aussi, monsieur Mennucci, surtout celles qui sont près d’Aix-en-Provence.

Ce que vous proposez, madame la ministre, c’est bel et bien le chaos territorial, en prévoyant d’attribuer les compétences à la demande. En donnant à l’État la possibilité de déléguer ses compétences à la demande, vous permettez que soient commises des injustices territoriales. Vous donnez à des départements et des régions la capacité de s’approprier des compétences que d’autres départements ou régions n’auront pas les moyens d’exercer. Ce faisant, vous organisez le chaos ! C’est bien cela qui se passera : la conséquence sera effectivement de plonger les territoires dans l’incertitude et dans l’incohérence.

La lisibilité de ce système sera nulle, car chaque collectivité fera ce que l’État voudra bien qu’elle fasse, et exercera ses compétences à sa manière. Je crois donc que ce texte causera une très forte rupture d’égalité. Pour toutes ces raisons, je souhaite que l’amendement n1097 rectifié de M. Laurent soit adopté.

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Je ne vois, pour ma part, aucune rupture d’égalité, bien au contraire. Il s’agit de laisser les collectivités s’organiser en fonction de leurs besoins : c’est tout simplement une question d’équité. Si notre collègue Patrick Ollier estime que le dispositif de délégation de compétences de l’État cause une rupture d’égalité, alors il devrait aussi réclamer la suppression du statut spécial de la Corse, et de la collectivité territoriale de Corse. De même, il devrait réclamer la suppression du statut d’Alsace-Moselle, pour que tout le monde soit traité exactement de la même façon !

M. Gérald Darmanin. C’est de la jalousie territoriale !

M. Paul Molac. Non, il ne faut pas confondre l’égalité et l’équité, qui sont deux choses différentes.

Le dispositif incriminé prévoit que l’État délègue une de ses compétences. Mais cette compétence reste sous la responsabilité de l’État, évidemment par le contrôle de légalité, mais pas seulement, car l’État s’intéressera à l’exécution de cette compétence, dont il restera maître et qu’il pourra éventuellement retirer.

Simplement, on dresse une liste, qui sera limitative dans un premier temps, mais qui pourra ensuite être modifiée par une autre majorité.

Je prendrai un exemple pour montrer comment cela se passe dans les faits. Certaines régions demandent des compétences supplémentaires car elles doivent faire face à des problèmes particuliers. Une collectivité a ainsi demandé à disposer des compétences relatives à la gestion de l’eau qui posait problème. Lorsque le président du conseil régional a demandé ces compétences au Gouvernement, il n’a pas reçu de réponse positive, tout simplement parce que cette possibilité n’existait pas.

Il s’agit donc tout simplement de s’adapter aux territoires : le président du conseil régional pourra ainsi demander à l’État une compétence, car il estime être le mieux placé pour régler un problème. Je ne vois donc pas en quoi la République serait attaquée par le dispositif adopté par la commission des lois – que je soutiens, évidemment.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Après ce qui vient d’être dit, soyons très clairs : il faut distinguer les notions de compétence et de politique publique. Prenons, par exemple, le développement audiovisuel : je ne sais pas comment on pourrait le caractériser comme une compétence. C’est une politique publique, qui se rattache à la politique culturelle. Faisons donc attention à utiliser les bons mots.

Je confirme que, pour moi, la délégation de compétence est exercée au nom et pour le compte de l’État. Je ne partage donc pas les inquiétudes de M. Ollier et de M. Laurent. Je comprends cependant ces inquiétudes, qui ont un côté très girondin : effectivement, on ne peut plus transférer par expérimentation des compétences, cette possibilité ayant été fermée par la loi en 2004. Je le répète donc, pour que cela soit clair : il s’agit d’une délégation de compétence exercée au nom et pour le compte de l’État.

J’ajouterai, pour ne pas avoir à reprendre la parole par la suite, que je suis favorable au principe de délégation et assez favorable à ce qu’on étudie davantage la question de la liste.

Je pense en effet qu’aujourd’hui, la liste telle qu’elle est écrite n’est pas opérante – je pense par exemple au développement audiovisuel. Il faudrait donc qu’entre les deux lectures, ou au cours de la discussion qui aura lieu sur le deuxième projet de loi, ce point soit davantage travaillé. Je confirme que je suis attachée à la délégation, et que je nourris des doutes sur la liste, dans sa rédaction actuelle.

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Je ferai simplement deux observations. La première, c’est qu’en effet, une délégation n’est pas une décentralisation. Comme vous venez de le rappeler, madame la ministre, c’est simplement l’État qui concède temporairement, pour une durée qui peut être fixée par la loi ou décidée par le Gouvernement, l’exercice d’une compétence.

Nous avons déjà expérimenté ce procédé, par exemple avec la délégation des aides à la pierre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Exactement ! Bel exemple !

M. Patrick Devedjian. Cette délégation fonctionne déjà, mais d’une manière inégale. En effet, la délégation est généralement assortie d’une convention. Or cette dernière n’est pas forcément la même pour toutes les collectivités. Dès lors, cela pose un véritable problème. La question soulevée par M. Laurent est donc pertinente : qu’est-ce que l’unité de la République ? C’est le fait que la loi soit la même pour tous sur l’ensemble du territoire. Ce principe est fondamental ; je pense même qu’il est de rang constitutionnel.

Or le fait que le Gouvernement se réserve la possibilité de moduler la délégation à sa convenance, selon la collectivité qui la demande, est une véritable atteinte à l’égalité des droits sur l’ensemble du territoire.

Pour que nous soyons dans les clous constitutionnels, le droit à délégation doit être le même pour tous. Je comprends bien que les besoins ne sont pas les mêmes selon les collectivités, lesquelles ne sont pas contraintes d’exercer ce droit mais doivent en avoir l’opportunité.

Si une collectivité demande une délégation, elle ne doit pas pouvoir lui être refusée pour une quelconque raison. Le droit est général, sauf à ce qu’il y ait rupture de l’égalité. De plus, la convention qui encadre la délégation doit être la même pour toutes les collectivités, même si leur particularisme est indiscutable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est un droit !

M. Patrick Devedjian. Je rappelle tout de même que l’Ancien Régime s’était caractérisé par l’existence de territoires au régime de droit totalement différent. La monarchie intégrait des territoires au fur et à mesure de son histoire dans l’état de droit dans lequel ils se trouvaient et les conservait ainsi. Il y avait, ainsi, un véritable patchwork législatif sur le territoire national, ce qui a été une des causes de la Révolution. Un des grands acquis de la Révolution française est ainsi d’avoir unifié le territoire non pas par goût de l’uniformité, mais simplement pour que, sur le même territoire, chacun ait des droits identiques. J’ai le sentiment que tel n’est pas le chemin inconsciemment emprunté ici.

Ce qu’a dit M. Chrétien tout à l’heure s’agissant des compétences des métropoles est tout à fait du même ordre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il ne faut pas craindre les expérimentations de délégations. Qui se plaindrait, aujourd’hui, des expérimentations qui se sont déroulées pour les transports ferroviaires ? Je me souviens, il y a fort longtemps, que six régions avaient expérimenté la délégation du transport ferroviaire – je n’appartenais pas à la majorité de l’époque.

M. Patrick Devedjian. C’est nous qui l’avons fait !

M. Jean-Louis Gagnaire. Certes !

Qui se plaindrait, aujourd’hui, de la régionalisation des transports ferroviaires alors qu’il n’était pas très évident de procéder à cette expérimentation – les contestations étaient nombreuses, y compris dans les rangs de la SNCF ? Aujourd’hui, les cheminots eux-mêmes sont extrêmement satisfaits du travail accompli par les régions en matière d’acquisition de matériel ou de soutien au transport express régional.

J’aimerais également répondre à Patrick Ollier car je me souviens de ses propos lorsqu’il était président des affaires économiques au moment où nous débattions de la loi de modernisation de l’économie. Nous avons alors dû régulariser la situation de l’Alsace car elle était la seule région française à gérer, à sa demande, l’intégralité des fonds européens. Or je ne me rappelle pas avoir, à l’époque, entendu Patrick Ollier soutenir que la République allait être démantelée et que cette exception alsacienne allait tout mettre en péril.

M. Alexis Bachelay. Évidemment non !

M. Jean-Louis Gagnaire. Aujourd’hui, les régions ont la possibilité de gérer l’ensemble des fonds européens, et je crois savoir qu’une seule refuse de le faire. C’est le sens de l’histoire.

J’ajouterai que d’autres collectivités – départements et aux intercommunalités – sont également susceptibles de bénéficier de transferts de compétence ou de délégations et que cette disposition n’est pas réservée aux régions.

On ne peut pas varier à ce point dans son argumentation, selon que l’on se trouve dans la majorité ou dans l’opposition. Il convient de permettre la réalisation d’un certain nombre d’expérimentations parce que tel est l’intérêt de tous.

M. Patrick Devedjian. Vous refusez l’expérimentation !

M. Patrick Ollier. Il n’y a pas d’expérimentation !

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faut veiller à ce qu’elles soient généralisables, chaque fois que c’est possible.

Enfin, quand il y a délégation, et c’est une des limites du système, les conditions de mise en œuvre des dispositifs délégués par l’État ne peuvent pas être modifiées. Cela a été l’objet d’un vrai débat en 2004 au moment de l’éventuel transfert du FISAC aux régions.

M. Alain Chrétien. On ne parle pas de la même chose !

M. Jean-Louis Gagnaire. Un certain nombre de régions souhaitaient en hériter, d’autres non parce que le transfert se faisait aux conditions antérieures de la gestion de l’État. Dans ce texte, le même service et les mêmes conditions d’accès sont garantis sur tout le territoire, seul le gestionnaire change. Il faut donc évacuer ce type de crainte. Je me rallierai, pour ma part, bien évidemment, à l’avis du ministre et du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je voterai l’amendement de notre collègue parce que j’ai été convaincu par ses arguments, par ceux de Patrick Ollier et par ceux d’Alain Chrétien, mais également parce que, comme cela a été souligné, on va organiser, avec cette disposition, un chaos territorial et démocratique. Vous savez tous, mes chers collègues, que les citoyens ne comprennent déjà pas grand-chose aux compétences des diverses collectivités – commune, intercommunalité, département ou région.

Mme Colette Langlade. C’est récent ?

M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas parce que ce n’est pas récent que cela doit empirer ! Il ne faut ni la politique du pire de M. Molac ni la généralisation d’une situation au prétexte qu’elle existe ailleurs ! M. Molac a établi tout à l’heure un parallèle, mais si la Bretagne, monsieur le président Le Fur, peut être jalouse de la Corse, elle n’a pas non plus la même histoire !

Alors que l’on veut complexifier une situation déjà compliquée aux yeux de nos concitoyens, l’amendement de notre collègue Laurent est donc tout à fait bienvenu.

Vous refusez d’organiser un référendum sur toutes ces questions afin de consulter les populations. Le président Chassaigne en a fait une excellente démonstration : le référendum aura lieu lors des élections municipales.

Les citoyens sont attachés à la commune. L’intercommunalité, le département et la région ont, bien sûr, un rôle à jouer et apporteront leur aide. Je suis personnellement favorable – et je suis minoritaire au sein de mon groupe – à la simplification, donc à la suppression du département, tout en maintenant les préfets de département. Je considère tout de même qu’aujourd’hui vous complexifiez encore plus la décision politique, donc la compréhension des citoyens.

Quand un maire, qui est premier vice-président de la communauté urbaine ou président de la communauté urbaine, renvoie ses concitoyens à la communauté urbaine car il ne s’estime pas concerné par un problème, c’est une décision politique que ces derniers ne comprennent pas  et ils sont alors tout à fait en droit de penser que ce maire est incompétent ou qu’il les prend pour des idiots.

Il faut du sérieux et de la simplification. L’État doit jouer son rôle et les collectivités locales doivent toutes avoir le même pouvoir.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Nous ne saurions laisser dire que la différenciation introduit le chaos. Au contraire, la différenciation que permet la délégation facilite l’adaptation aux spécificités du territoire afin de répondre le plus efficacement possible aux besoins des citoyens. Un certain nombre d’exemples ont été pris par notre collègue Gagnaire tout à l’heure. J’ajouterai celui de la délégation des aides à la pierre. Les collectivités qui l’exercent agissent pour le compte de l’État et, bien évidemment, dans le cadre du respect de la loi. Il n’est, en effet, pas question de porter ici atteinte à l’unité de la République et à la portée de la loi.

Cela permet, dans le respect de la loi, de répondre efficacement, pour le compte de l’État, aux besoins et de faire en sorte que cette compétence et cette volonté législative s’exercent plus efficacement. C’est pourquoi nous restons attachés au principe d’une délégation. Il nous semble même que l’esprit du texte l’exige. Nous sommes donc défavorables à l’amendement présenté par M. Laurent.

Nous comprenons la préoccupation du Gouvernement, lequel ne désire pas, dans un souci d’adaptabilité, figer définitivement la liste de compétences qui doit pouvoir s’allonger.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je n’ai jamais dit, madame la ministre, que la République était en danger. Simplement, il faut être cohérent dans la manière d’aborder les problèmes. A cet égard, on ne devrait pas discuter du pouvoir des régions dans ce texte. L’opposition considère en effet qu’en l’occurrence, on se trompe de texte : c’est un mauvais débat au mauvais moment. Je regrette que la commission des lois ait accepté de laisser voter cet article, notamment les alinéas 20 à 27, parce que cela crée une confusion dans le débat.

Revenons-en au fond, c’est-à-dire à l’amendement de M. Laurent, qu’il est nécessaire de voter. En effet, madame la ministre, l’article tel qu’il est rédigé n’est pas satisfaisant car il ne traite malheureusement pas de l’expérimentation – à laquelle nous somme, pour notre part, favorables.

Le texte crée une confusion parce que, dans les deux dernières lignes de l’alinéa 21, il est fait état de l’exercice de certaines compétences. Il ouvre, par conséquent, le droit à une délégation de n’importe quelle compétence. Toutes les dérogations de compétences pourront donc être accordées par l’État, s’il l’accepte, à la collectivité qui lui en aura fait la demande.

Vous créez donc bien la confusion. Nous n’affirmons rien d’autre. Dans ces conditions, comment voulez-vous que l’opposition fasse confiance à un texte aussi imprécis alors qu’elle est attachée, comme M. Laurent et d’autres sur ces bancs, à l’unité de la République ?

Patrick Devedjian l’a très bien expliqué : l’unité de la République à laquelle nous croyons passe par l’égalité de traitement et des lois pour chacun des citoyens. Cet article crée plus qu’une confusion et organisera, hélas, le chaos territorial.

Je veux bien, monsieur Gagnaire, que l’on me fasse parler surtout lorsque je n’ai pas dit grand-chose en la matière !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. C’est déjà trop !

M. Patrick Ollier. J’assume en tout cas tout ce que nous avons mis en place à l’époque, mais je vous rappelle simplement que le débat auquel vous faites allusion était un débat clair et précis qui a permis au législateur d’accepter ou non une délégation définie. C’est exactement ce que nous vous demandons, madame la ministre.

Il faut que se tienne à l’Assemblée nationale un débat précis, permettant au législateur de dire s’il est d’accord pour que l’État délègue telle compétence et dans quelles conditions. Or vous proposez tout le contraire dans votre projet. Vous avez dit que ce texte serait amélioré au cours des navettes. Si vous allez jusqu’au bout de votre logique, vous devez accepter l’amendement de M. Laurent. Comme l’a fait le Sénat pour un autre article, nous pouvons supprimer ces alinéas afin de proposer alors une disposition satisfaisante pour tous.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. J’ajouterai quelques mots pour rappeler et défendre la position de la commission des lois. M. Laurent, par son amendement, propose de supprimer l’ensemble des alinéas de cet article qui envisagent la délégation. La commission ayant intégré cette possibilité dans le texte, elle a, par cohérence, donné un avis défavorable à cet amendement.

Je profiterai de cette intervention pour évoquer deux points.

Premièrement, je préciserai en écho à ce que vient de dire le président Ollier, que le texte ne parle effectivement pas d’expérimentation. Mais lorsque je vous entends, mes chers collègues, le regretter ou remettre en cause, comme ce fut le cas en commission, le principe de chef de filat, j’ai le sentiment que certains d’entre vous regrettent la révision constitutionnelle que vous avez initiée en 2003, révision qui a permis d’intégrer dans la Constitution la notion de chef de file.

C’est aussi cette révision constitutionnelle de 2003 qui a fait que l’expérimentation ne pouvait plus être considérée comme la possibilité de transférer à une région, un département ou une collectivité l’exercice d’une compétence de manière ponctuelle, précise, partagée et volontaire entre l’État et la collectivité concernée, mais comme l’enclenchement d’un processus conduisant irrémédiablement à sa généralisation, dès lors que l’expérimentation serait considérée comme concluante, quand bien même une seule collectivité l’aurait mise en œuvre.

C’est donc la Constitution après sa révision de 2003 qui impose que ce texte parle de délégation et non d’expérimentation. Cela nous évite de nous heurter à cette difficulté juridique.

Deuxièmement, si la commission des lois a intégré la possibilité de confier des délégations, c’est en s’appuyant sur un certain nombre d’exemples – M. Devedjian a cité les aides à la pierre –, mais c’est aussi parce qu’il lui paraissait important de prévoir que, collectivité par collectivité, territoire par territoire, l’État et les collectivités concernées puissent organiser une délégation si le besoin s’en faisait sentir. Cela s’appuiera sur une volonté réciproque. Une collectivité ne pourra en aucun cas exiger de l’État d’exercer une compétence et l’État ne pourra en aucun cas exiger d’une collectivité qu’elle en exerce une à sa place.

Derrière la question des délégations, il y a celle de l’unité de la République – je sais que M. Laurent y est extrêmement attaché et c’est ce qui motive son amendement de suppression des délégations –, même si nous n’en avons pas tout à fait la même vision, mais il y a aussi la question de l’organisation du service public et, à travers elle, celle des personnels concernés par d’éventuelles délégations.

La réponse est simple et peut être rassurante dès lors qu’il s’agit d’une délégation et non d’un transfert. Le principe est de permettre à une collectivité d’exercer pour le compte de l’État une compétence et, dans ce cas, la seule formule qui s’impose est la mise à disposition du personnel et non le transfert, de manière à garantir une unité de l’employeur, en l’occurrence l’État, et à pouvoir revenir éventuellement sur la délégation si celle-ci n’était pas exercée de manière convenable ou satisfaisante soit pour la collectivité qui l’exerce soit pour l’État.

Je rappelle que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Chaque mot compte a été pesé. Aux termes de l’alinéa 21, l’État peut déléguer l’exercice de certaines compétences « sauf lorsque sont en cause des intérêts nationaux »…

M. Patrick Devedjian. Ils le sont toujours !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …« et dans les domaines prévus par la loi ».

C’est lors la discussion de chaque loi sectorielle que l’on saura si la compétence décrite peut ou non être déléguée. C’est bien le Parlement qui le précisera. Il n’y a donc pas d’inquiétude majeure à avoir, tout est juridiquement bien bordé.

M. Jean-Louis Gagnaire. M. Ollier est rassuré !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. L’amendement, que je maintiens, a eu le mérite de permettre un débat qui me paraît important…

M. Patrick Mennucci. Décisif !

M. Jean-Luc Laurent. …sur la façon dont on conçoit l’organisation territoriale de la République entre l’État et les collectivités territoriales et leurs groupements.

Je suis attaché à une France unitaire où, de même que les droits et les devoirs sont les mêmes pour tous les citoyens, il est possible d’exercer des compétences et des pouvoirs qui sont définis par la loi et doivent être conçus de façon égale, quel que soit l’endroit où l’on se trouve.

M. Alain Chrétien. Il a raison !

M. Jean-Luc Laurent. Cela ne doit pas être une conception à la carte sauf à vouloir revenir quelques siècles en arrière. Nous devons être attachés à cette unité de la République, qui n’est pas l’uniformité, mais qui est fondé sur le principe d’une France républicaine unitaire, qui s’est construite ainsi et qui a apporté à nos concitoyens le progrès et l’égalité des droits. Cela ne doit donc pas être à la carte d’autant que, ainsi que cela a été souligné, le texte ne propose pas d’expérimentation.

Je maintiens cet amendement car la géométrie variable des délégations, et peut-être ensuite des compétences, aboutirait à une déconstruction de ce qui a été fait dans notre pays. Monsieur Chrétien, je vous renvoie à un amendement qui sera appelé plus tard pour que nous ayons un débat sur les compétences des collectivités pouvant être déléguées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Je ne voterai pas cet amendement car l’unité territoriale dépend davantage de notre capacité à offrir des solutions cohérentes sur nos territoires. Ce que demandent nos administrés, c’est que dans les services déconcentrés, délocalisés ou centralisés, l’ensemble des acteurs publics soient capables de s’entendre pour donner sur un territoire un niveau de prestations identique. C’est à nous, dans les contrats territoriaux, de veiller, avec notre bon sens aussi,  à assurer une bonne articulation des solutions, territoire par territoire, en tenant compte aussi des différences structurelles entre ces derniers.

Contrairement à mes collègues de l’opposition, je pense que le texte donne de la souplesse pour garantir la cohérence des solutions proposées à nos administrés en arbitrant entre les moyens dont disposent nos collectivités et ceux dont dispose l’État.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. À l’évidence, et je rejoins l’argumentation de M. Ollier et de M. Devedjian, nous aurions eu besoin d’une navette parlementaire pour préciser un peu ces différents aspects.

M. Patrick Devedjian. Il aurait fallu voter la motion de renvoi en commission !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai.

En fait, la suppression des alinéas demandée par M. Laurent n’empêcherait rien. Vu la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les choses que l’État ne peut pas faire faire par quelqu’un d’autre que lui, et la Déclaration des droits de l’Homme, dont l’article 5 prévoit que tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché et que nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas, article qui, que je sache, s’applique aussi à l’État en tant que personne morale, il n’y a aucune raison d’écrire dans la loi que l’État ou une collectivité peut déléguer une compétence : par définition, si l’interdiction n’est pas écrite ailleurs dans le droit, le fait que ce ne soit pas interdit signifie que c’est autorisé.

Une fois encore, madame la ministre, ce sont des dispositions parfaitement déclaratives et, me référant à l’argument que vous avez employé tout à l’heure regrettant amèrement que des articles déclaratifs soient inscrits dans la loi, je suis favorable à cet amendement de suppression des alinéas 20 à 27, même s’il mériterait quelques précisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n1097 rectifié n’est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Dommage !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement n993.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 23, qui détermine un ensemble de compétences qui seraient déléguées.

La Constitution, dans son article 72, prévoit qu’une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut être habilité par le législateur à organiser les modalités de l’action commune des collectivités territoriales. Dans sa décision du 24 juillet 2008 sur la loi relative aux contrats de partenariat, le Conseil constitutionnel a rappelé clairement que le chef de file ne pouvait pas être habilité à déterminer les modalités de l’action commune ni, à plus forte raison, à déterminer son contenu.

La mission du chef de file est précisément décrite parce que le chef de file est chargé de préparer, de négocier les conventions qu’il signera avec les autres collectivités. L’action du chef de file s’inscrit dans un cadre librement consenti. Les autres collectivités sont engagées par ce qu’elles auront signé et seulement par ce qu’elles auront signé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Je suis au regret de vous dire, madame la ministre, que la commission a également émis un avis défavorable à cet amendement.

La commission a prévu une première liste de matières qui pourraient être déléguées par l’État aux collectivités afin d’engager le mouvement. C’est aussi une question de pédagogie.

Par ailleurs, cela permettra de mettre en place les modalités de mise à disposition des personnels afin que l’on n’aille pas sur le terrain des transferts dans la mesure où l’organisation ne serait pas la même sur l’ensemble du territoire.

La commission des lois ayant introduit ces alinéas, nous ne pouvons qu’être défavorables à la suppression de l’alinéa 23.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. La suppression de cet alinéa n’empêchera pas l’État de déléguer les compétences considérées aux collectivités qui le souhaitent puisque cela n’est interdit nulle part ailleurs dans le droit. Même si vous le supprimez, cela n’aura en réalité aucun effet. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons qu’il était inutile de l’écrire puisque, par définition, comme c’était permis, ce n’était pas la peine de le préciser.

Il y a donc là une forme de paradoxe terrible de l’écriture du droit. On a introduit un alinéa qui n’a aucune utilité, qui n’apporte aucune précision pour la répartition des compétences entre l’État et les collectivités, et on s’apprête à le supprimer pour des raisons qui ne sont pas bonnes non plus. J’avoue donc être un petit peu perdu. J’ai envie de suspendre mon vote, comme le temps suspend son vol dans certains poèmes. (Sourires.)

M. le président. M. Poisson est lyrique !

(L’amendement n993 n’est pas adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n1224 qui fait l’objet d’un sous-amendement n1308.

La parole est à Mme Nathalie Appéré, pour soutenir l’amendement.

Mme Nathalie Appéré. Cet amendement est une contribution au choc de simplification initié efficacement par le Président de la République et le Gouvernement. Il vise précisément la question du nombre de schémas, dont chacun s’accorde à considérer qu’il est trop élevé et ne favorise pas la lisibilité de l’action régionale.

Dans ce cadre, il est proposé de reconnaître la primauté du schéma régional d’aménagement du territoire et de faire en sorte que, sous réserve qu’il contienne un certain nombre de dispositions précises dans les domaines concernés, il puisse tenir lieu, le cas échéant, de schéma directeur territorial d’aménagement numérique mais aussi de schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie et de schéma régional de cohérence écologique.

M. le président. La parole est M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n1308 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n1124.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Cet amendement tend indéniablement à simplifier, à rationaliser et à diminuer le nombre de schémas. L’ensemble des auditions que nous avons pu organiser ont montré que les élus, à juste titre, se plaignaient du nombre de schémas, du temps passé et de l’énergie dépensée  à les élaborer alors que, parfois, ils semblent se compléter, voire se répéter.

La commission soutient donc le principe, mais propose un sous-amendement pour en limiter la portée au seul schéma directeur territorial d’aménagement numérique.

Le schéma directeur territorial d’aménagement numérique n’est pas forcément élaboré dans un cadre régional, mais son inclusion est envisageable.

Par contre, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie est élaboré par la région mais aussi par l’État alors que les schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire sont élaborés uniquement par le conseil régional. Par ailleurs, le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie doit être soumis à consultation publique, en application de l’article 7 de la charte de l’environnement récemment adoptée par notre assemblée.

Si l’objectif est donc louable en ce qui concerne le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie, et le schéma régional de cohérence écologique, toutefois les modalités d’adoption, les parties prenantes à l’élaboration, l’obligation d’une consultation du public, pour l’un d’entre eux, font qu’ils n’ont pas la même nature que le schéma régional d’aménagement numérique. Je propose donc un sous-amendement, visant à supprimer les alinéas 3, 4 et 5 ; ce sous-amendement réduit la portée simplificatrice de l’amendement de Mme Appéré, mais permet d’en garantir la solidité juridique. L’avis est donc favorable sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement.

Quant au schéma régional de cohérence écologique, il est également adopté par la région et par l’État, en association avec un comité régional consacré aux trames vertes et bleues, et il est lui aussi soumis à enquête publique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l’amendement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je n’ai pas eu le temps de bien examiner le sous-amendement. Mon idée était de demander le retrait de l’amendement car nous n’avions aucune appréciation de l’impact de la fin des schémas, en particulier sur les ministères concernés, qui en demandaient une. Il est possible que le sous-amendement apporte des réponses, mais je maintiens ma demande de retrait car je ne peux revoir tout cela immédiatement. Je vous présente les excuses du Gouvernement pour ne pas avoir prêté assez attention au sous-amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Je maintiens cet amendement. J’entends les arguments pédagogiques et imparables du rapporteur. Si je regrette que son sous-amendement réduise la portée simplificatrice de notre proposition, néanmoins ce sous-amendement sécurise le dispositif, tout en permettant de franchir une première étape vers la simplification ; j’y suis donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Sous le contrôle d’Hervé Gaymard, j’indique que le groupe UMP votera le sous-amendement et l’amendement.

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

(Le sous-amendement n1308 est adopté.)

(L’amendement n1224, sous-amendé, est adopté.)

Avant l’article 3

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n1167.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1167, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Article 3

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 3.

La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Le titre I dont nous débattons depuis ce matin répond à notre souci de moderniser notre paysage institutionnel. J’ai parfois le sentiment que l’on est sur la défensive ou sur l’offensive selon les bancs que l’on occupe. Après avoir entendu, pendant des années, que le mille-feuille territorial était cher et illisible, j’entends à présent des mots très forts, tels que « chaos territorial », et même, dans la bouche de M. Darmanin, « chaos démocratique ». C’est tout le contraire.

Beaucoup d’élus socialistes qui ont voté contre le cumul des mandats sont maires, mais ils savent qu’il faut que nous avancions dans la modernisation de notre République. Nous aimons nos communes, et il n’est nul besoin de rappeler notre attachement, car il va de soi. À écouter nos collègues de l’opposition, il faudra, demain, sur chaque projet de loi, réaffirmer notre attachement à la République !

Nos communes, départements, régions existent et ont démontré leur efficacité. L’article 3 va nous permettre d’affirmer leur utilité. Nous consacrons par cet article le principe constitutionnel de la non-tutelle ; c’est un principe très important dont on n’a pas beaucoup parlé depuis le début de ce débat. Cet article nous permettra par ailleurs d’instituer la notion de chef de file, qui renforcera l’efficience globale de chaque collectivité.

Certains de nos collègues estiment que l’environnement juridique de la notion de chef de file est insuffisant,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Exact !

Mme Monique Rabin. …mais nous allons en la matière construire ensemble une jurisprudence, à partir du texte de la loi, et ces collectivités retrouveront du sens par la notion de chef de file.

Je ne vois pas comment nos collègues de l’opposition pourraient s’abstenir ou voter contre une telle proposition, apaisante et constructive,…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Sylvain Berrios. On va vous le dire !

Mme Monique Rabin. …car ils auront certainement à cœur de mettre leurs pas dans ceux de Jean François-Poncet, l’inventeur de la notion de chef de file dans son rapport intitulé « Refaire la France ». Ce que je vous propose, c’est de moderniser la France grâce à cet article 3 qui consacre le chef de filat et la conférence territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voudrais intervenir sur une seule des compétences évoquées dans cet article, une compétence d’une nature nouvelle qui ne figurait pas jusqu’à présent dans les lois de décentralisation, même si certains textes l’avaient déjà évoquée, une compétence qui réunit les villes et les campagnes : l’aménagement numérique du territoire.

Parmi nos responsabilités aujourd’hui, il nous incombe de réaliser le grand réseau stratégique du vingt et unième siècle, le réseau numérique à très haut débit pour les communications internet, comme d’autres générations avant nous ont eu à charge la réalisation des canaux, du chemin de fer, des réseaux électriques ou du téléphone fixe, pour lequel il n’existait, je le rappelle, qu’un seul opérateur.

Dans notre pays, comme dans tous les pays du monde, il existe, face à ce défi, un risque de balkanisation de l’action publique. Pour accomplir la feuille de route que se sont donné le Gouvernement et la majorité, à savoir la constitution des réseaux pour l’internet à très haut débit dans un délai d’une dizaine d’années, il faut organiser de façon à la fois très précise et très ferme la coordination de cette action publique.

Chaque niveau de collectivité – intercommunalités, départements, régions – doit évidemment trouver sa place dans ce grand chantier, mais je voudrais vous dire pourquoi je crois à la pertinence de l’espace régional, à l’instar de la commission des lois, qui a souhaité affirmer cette pertinence dans l’article 3.

L’aménagement numérique, tout d’abord, c’est de l’aménagement du territoire, et de l’aménagement d’initiative publique. Nous devons réaliser de grands réseaux d’initiative publique car, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le marché ne peut tout faire. Ensuite, pour passer des contrats avec des opérateurs de télécommunications dont certains sont des géants, européens ou mondiaux, tout comme pour commercialiser l’internet à très haut débit, l’espace régional est la taille satisfaisante et nécessaire. Enfin, il faut, car des interconnexions devront être assurées, une cohérence stratégique à l’échelle régionale, une vision d’ensemble dans l’affirmation de la stratégie de déploiement des réseaux. Cela n’empêche évidemment pas la coproduction de ces réseaux ; personne ne peut agir seul, il faudra mobiliser l’énergie, la vision précise du territoire et les moyens financiers de l’ensemble des collectivités.

Les projets présentés aujourd’hui au financement de l’État sont très dégradés en termes d’ambition numérique quand les départements sont seuls impliqués. Il nous appartiendra, dans le prolongement de la décision, que je crois très sage, de la commission des lois, de trouver une bonne solution pour le déploiement des réseaux de communication électronique. C’est un immense enjeu pour la France, et notre choix doit être à la hauteur.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cette question de l’aménagement numérique du territoire et de la répartition des compétences la nuit dernière, à la tribune. Je ne reviendrai pas sur le problème général posé par la notion juridiquement floue de chef de filat, peu compatible avec le principe de libre administration des collectivités et le principe constitutionnel de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. Je voudrais simplement rappeler que, dans les schémas que nous sommes en train de mettre en œuvre dans tous les départements, et quelques fois au niveau régional – preuve que la loi le permet déjà –, l’essentiel de nos choix d’investissement concerne la desserte. Dans le Loir-et-Cher, par exemple, sur les 113 millions que nous aurons à investir sur les dix ans à venir, 9 millions seulement concernent la collecte et auront donc une certaine ampleur géographique. Tout le reste, c’est de la desserte locale. Il faut donc naturellement que la définition de ces investissements se fasse localement,…

M. Jean-Louis Gagnaire. Mais non !

M. Patrice Martin-Lalande. …ce qui n’est pas le cas avec le conseil régional.

En outre, les départements sont déjà très engagés, soit par le biais de délégations de service public, soit par affermage, soit par les syndicats mixtes ouverts qui appliqueront les schémas et dans lesquels figurent à la fois EPCI, départements et régions. L’introduction d’une nouvelle donnée est de nature à perturber la mise en œuvre des opérations engagées, et nous n’avons pas besoin de prendre un retard supplémentaire dans l’aménagement numérique du territoire.

La cohérence que nous recherchons tous – je partage assez largement le point de vue de Christian Paul et d’autres collègues –, et qui est nécessaire, est déjà assurée dans notre cadre juridique actuel : il existe déjà le schéma de cohérence régionale d’aménagement numérique, ainsi que la conférence régionale, réunie par le préfet de région et le président du conseil régional, et dans beaucoup de départements des schémas numériques sont mis en œuvre par le biais de syndicats mixtes ouverts dans lesquels, je l’ai dit, se trouvent le conseil régional, le conseil général et les EPCI. Cette cohérence s’appuie déjà sur des outils.

Nous sommes tous d’accord, cher Christian Paul, sur le fait que, pour la commercialisation, le cadre départemental doit être dépassé. L’État, d’ailleurs, nous y incite, notamment par un abondement de 10 ou 15 % des subventions nationales. Nous sommes tous d’accord qu’il ne servirait à rien d’investir si une exploitation par les opérateurs ne suit pas et donc si n’est pas prévue une commercialisation à un niveau suffisant pour attirer ceux-ci. Or le cadre juridique actuel le permet, car il suffira que nous passions des conventions de commercialisation interdépartementales. Nous y travaillons.

On peut tout à fait envisager d’aller plus loin, mais les outils de la cohérence existent déjà. La meilleure preuve, c’est que, dans certaines régions, le Limousin par exemple, la concertation et l’application d’une politique ont pu se faire. Je pense donc qu’il vaut mieux conserver le cadre actuel, qui permet, sur la base du volontariat, d’organiser la concertation et de donner un « chef de filat » à la région en cas de besoin, comme dans le Limousin. Cette souplesse, cette diversité de solutions pour assurer la cohérence me semblent bien meilleures que l’imposition d’un modèle unique, avec un chef de filat du conseil régional. En outre, je le répète, en ajoutant une nouvelle disposition, nous allons contrarier les opérations en cours lancées dans nos départements et prendre un retard supplémentaire ; je crois que c’est contraire à l’intérêt de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pour ne pas y revenir, je voulais rappeler brièvement – puisque je vois que le débat continue – que le chef de file a été introduit dans la Constitution en 2003 par l’article 72, alinéa 5. « Lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. » Le chef de file est donc bien celui qui organise les modalités d’action des autres collectivités dans le cadre de la compétence partagée : il tient la plume sur la compétence concernée, ce qui n’empêche pas d’autres collectivités d’intervenir sur cette compétence, mais c’est bel et bien lui qui tient la plume. Notre travail consiste donc à répondre à ce que je viens de rappeler dans la loi fondamentale : c’est la loi qui peut autoriser l’une ou l’autre à exercer telle ou telle compétence. Nous nous inscrivons bien dans le cadre de l’article constitutionnel et dans la nécessité d’affirmer le contenu des compétences accordées à l’une ou l’autre, en tant que chef de file.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n274.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je présenterai, en même temps que cet amendement, l’amendement n273 rectifié, si vous le voulez bien, monsieur le président.

M. le président. Bien volontiers. Vous avez donc la parole pour soutenir les amendements nos 274 et 273 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. S’agissant de cette notion de chef de file, ma plume était un peu agacée quand j’ai rédigé l’exposé des motifs de l’amendement. En effet, lorsque j’ai écrit qu’elle était « inconnue en droit », j’aurais dû dire qu’elle était déjà identifiée, mais parfaitement imprécise : cela aurait été plus juste. Je sais – et le rapporteur ne manquera sans doute pas de me le rappeler – que c’est une disposition qui vient de l’année 2003. Mais comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né, comme dit la fable ? Explorons donc un peu cette notion.

Je me réfère à la page 100 de l’excellent texte de notre rapporteur de la commission des lois, qui explique la notion de chef de file : « La notion de chef de file a été introduite […] par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 […]. Elle fixe le principe selon lequel « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser – c’est beau que la Constitution dise cela –…

M. Jacques Myard. C’est Raffarin !

M. Jean-Frédéric Poisson. …l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ». Parfait ! Qu’est-ce que cela signifie ? Je suis perclus par cette clarté. Je poursuis. « Ainsi, une collectivité désignée chef de file, soit par la loi, soit par les autres collectivités territoriales d’un même périmètre géographique, exerce la mission d’une autorité coordinatrice de la compétence, qui vise à organiser les modalités de l’action commune de celle-ci, dans le sens d’une meilleure complémentarité de l’action de chaque niveau local et d’une application adaptée aux spécificités du territoire. » Vous m’accorderez que c’est limpide, n’est-ce pas ! (Sourires.) C’est d’ailleurs pour cela que tout le monde l’a fait jusqu’ici dans des conditions qui satisfont l’ensemble des collectivités… Si c’était le cas, mes chers collègues, nous ne serions pas obligés de récrire le texte aujourd’hui

Soit on coordonne, soit on organise, mais cette notion de chef de file ne recouvre aucune forme de précision juridique satisfaisante…

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Jean-Frédéric Poisson. …qui permette la réforme des territoires envisagée. La conséquence se fait sentir dans mon amendement n273 rectifié, que je présente en même temps : dans ce flou juridique à peu près total, nous opérons en réalité une recentralisation au niveau des régions, quand on prône une décentralisation qui parte de l’État. C’est la faute en particulier de cette notion qui manque éminemment de précision. Enfin, on ne sait toujours pas si le chef de file paie ou non. Il est un moment où le grand adage qui veut que celui qui paie commande et celui qui commande paie…

M. Jacques Myard. On veut faire payer les autres !

M. Jean-Frédéric Poisson. …devrait s’appliquer également aux collectivités qui prennent la responsabilité de coordonner une action.

M. Hervé Gaymard. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. La coordination au sens flou, dont nous parlons en ce moment, est aussi une manière d’imposer un certain nombre de choses ; or celui qui impose ses décisions doit évidemment en tirer toutes les conséquences et exercer toutes les responsabilités. Devant cette double ambiguïté – pour ne pas dire imprécision –, je demande la suppression de cet article.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, en s’appuyant entre autres sur l’argument relatif à la date d’inscription de cette notion dans la Constitution. Je ne le répéterai pas, puisque M. Poisson l’a intégré. Je voudrais simplement rappeler que la Cour des comptes en 2009 disait que : « "La notion de chef de file est apparue comme un instrument d’ordre et de mise en cohérence" destinée à contourner l’impossibilité, découlant de l’interdiction d’une tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre, de "remédier à l’éclatement des compétences décentralisées et à l’intangibilité de leur répartition". En d’autres termes, la notion de chef de file vise à introduire une meilleure coopération entre les collectivités territoriales en favorisant une coordination de leurs compétences et de leurs politiques publiques sur un territoire donné. »

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Voilà !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. La notion de chef de file a donc été introduite en 2003 et elle fixe le principe selon lequel « "lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune". Ainsi, une collectivité désignée chef de file, soit par la loi, soit par un accord avec les autres collectivités territoriales d’un même périmètre géographique, exerce la mission d’une autorité coordinatrice de la compétence, qui vise à organiser les modalités de l’action commune de celle-ci, dans le sens d’une meilleure complémentarité. »

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est ce que j’ai dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous avez eu la gentillesse de lire ce que j’avais déjà dit en commission, monsieur Poisson. La portée de la notion de chef de file reste cependant limitée puisqu’elle est soumise au principe d’interdiction d’exercice d’une tutelle par une collectivité sur l’autre, fixé par le cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution. En outre, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions habilitaient la loi à désigner une collectivité territoriale pour organiser les modalités de l’action commune de plusieurs collectivités, mais qu’elle ne lui confère pas un pouvoir de décision pour déterminer cette action commune. C’est d’ailleurs pour cela que plus tard dans le débat, j’aurai l’occasion de rappeler l’avis défavorable de la commission des lois sur des amendements visant à donner aux collectivités chefs de file la possibilité de déterminer les priorités ou de déterminer les actions. Le chef de file reste cantonné à un rôle d’impulsion. Cette notion, par ailleurs, n’a pas été suffisamment mise en œuvre dans les principaux domaines pour lesquels elle était prévue par la loi de 2003, complétée par la loi de décentralisation de 2004 – je pense notamment à la question du développement économique, où l’on en reste à un partage encore assez flou à mon sens et à un rôle d’animation par le biais de schémas non prescriptifs, dans le respect des jurisprudences que j’évoquais.

Ce que nous voulons faire avec ce texte, c’est donner du corps à la notion de chef de file et permettre aux collectivités chefs de file, dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique, de proposer aux autres collectivités les modalités d’une action commune. Pour essayer de répondre à vos inquiétudes, sachez que les articles qui suivront l’article 4, notamment sur les conditions d’accès au cofinancement ou sur la part minimale des maîtres d’ouvrage, visent à renforcer ce rôle de chef de file, en incitant, si l’on examine les choses d’un point de vue positif, les autres collectivités à se ranger derrière les propositions d’organisation des modalités de l’action commune définies par le chef de file. Nous œuvrons donc dans le sens d’une défense et d’un renforcement de la notion même de chef de file.

Si la commission des lois a donné un avis défavorable aux amendements de suppression de la notion de chef de file, elle a donné un avis favorable aux amendements qui ont pour objectif de changer la nature des chefs de file. J’y reviendrai plus tard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. M. Le Bouillonnec me rappelait fort opportunément que l’article en question commence par couler dans le marbre l’absence de tutelle entre les collectivités. Or c’est parce que cette tutelle n’existe pas que nous en sommes venus à cette conception. Aussi voudrais-je seulement vous dire, monsieur Poisson, que l’on donne enfin cette fois – comme vous le demandez – un caractère opérationnel au chef de file, avec les CTAP, les conventions élaborées par les conférences, les rationalisations financières et le projet de loi lui-même. Nous vous donnons donc entière satisfaction.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si seulement c’était vrai !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais ça l’est !

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

La séance est levée.

(La séance est levée à 12 h 55.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron