S O M M A I R E

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I.– le paradoxe corse : une économie largement soutenue qui reste cependant fragile, des dépenses publiques abondantes qui n’ont pas les effets escomptés (suite)

B.– La Corse : point de convergence des sollicitudes de l’État et de l’Union européenne *

1.  Un effort financier global à évaluer objectivement *

a) Au préalable : quelques mises au point indispensables *

b) Les 8,8 milliards de dépenses directes de l’État *

c) Le plus fort ratio par habitant de la dotation communautaire en France *

2.  La contractualisation privilégiée des dépenses nationales et communautaires *

a) Un contrat de plan doublement doté *

b) Une région largement couverte par les divers programmes communautaires *

·  Un effort déjà considérable de l’Union européenne en 1989-1993 et un soutien accru sur la période 1994-1999 *

·  Le " coup de pouce " du gouvernement français en 1993 *

·  Une large palette de programmes communautaires *

·  Vers un programme de transition accompagnant la sortie de l’Objectif 1 *

3.  De dérogations en exceptions : un statut devenu exorbitant du droit commun *

a) Les arrêtés Miot, le décret impérial et leurs avatars *

b) La loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse *

c) La loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse *

 

B.– La Corse : point de convergence des sollicitudes de l’État et de l’Union européenne

L’importance des flux financiers de l’État et de l’Union européenne en direction de la Corse témoigne de la volonté de faire bénéficier l’île d’une solidarité renforcée. Les efforts considérables consentis en faveur de la Corse ne se sont pas relâchés au cours des dernières années. Au contraire, les montants accordés par l’État à la Corse n’avaient jamais été aussi importants que dans le cadre du contrat de plan État – Collectivité territoriale de Corse signé le 1er février 1994. L’État engage des crédits pour la Corse ; il accepte également des manques à gagner : diverses mesures fiscales et l’établissement d’une zone franche font bénéficier l’économie insulaire de dérogations coûteuses pour les finances publiques nationales. Enfin, la Corse attire de nombreux fonds de l’Union européenne. Son maintien dans les zones classées en Objectif 1 lui permet de bénéficier pleinement de diverses aides communautaires sur la période 1994–1999.

" Juste retour ", affirment ceux qui dans l’île reprochent à la République d’avoir longtemps négligé la Corse. Pourtant, il faut le souligner, le développement insulaire n’est pas essentiellement dépendant de moyens financiers supplémentaires.

 

1.  Un effort financier global à évaluer objectivement

a) Au préalable : quelques mises au point indispensables

L’État est le premier acteur public par le poids des dépenses qu’il effectue pour son propre compte et par les crédits qu’il distribue aux différentes collectivités locales et aux acteurs économiques. Nul ne saurait valablement affirmer que la Corse est oubliée ou négligée par la République d’un point de vue financier. Les montants transférés montrent qu’un effort considérable de solidarité nationale s’exerce en faveur de l’île. Aux dépenses directes, il convient d’ajouter les coûts financiers pour l’État du statut fiscal de la Corse et de la mise en place de la zone franche.

Les débats et polémiques autour de la question des dépenses réellement effectuées en Corse au titre de la solidarité nationale sont nombreux et récurrents. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête a cherché à préciser les termes du débat de façon objective.

Avant de détailler les montants des flux financiers en jeu, il convient d’en clarifier la nature.

La détermination de l’ampleur de la solidarité dont bénéficie la Corse ne peut se réduire à l’addition pure et simple des dépenses et concours de l’État et de l’Union européenne, comme l’ont fait les nombreux rapports ou études qui se sont succédés au cours des dernières années.

Ce total intégrerait, en effet, des sommes qui sont dépensées ou versées en Corse dans les mêmes conditions ou selon les mêmes règles que dans les autres régions françaises.

Il importe au contraire de déterminer ce qui relève d’une solidarité spécifique à la Corse, c’est-à-dire ce qui, dépensé dans l’île, ne l’aurait pas été ailleurs. Il ne s’agit pas d’un exercice facile ; cependant, il est possible de parvenir à un chiffre suffisamment significatif.

Dans l’ensemble des sommes évoquées ci-dessus, trois masses d’inégale importance peuvent être distinguées.

La première masse est constituée des dépenses ou concours qui, à l’évidence, ne relèvent pas d’un souci de solidarité spécifique à la Corse. Il s’agit :

    • des dépenses réalisées par l’État pour son propre compte (4.969 millions de francs en 1997) : rémunération des fonctionnaires en poste dans l’île, pensions versées aux fonctionnaires retraités, autres dépenses de fonctionnement des services et investissements de l’État pour son propre compte ;
    • des concours versés aux collectivités locales en application des lois de décentralisation et des lois générales régissant les concours de l’État aux collectivités locales : il s’agit des concours ou des transferts de droit commun (dotations budgétaires, fiscalité, compensations d’exonérations et de dégrèvements législatifs ) que les collectivités locales de Corse reçoivent dans les mêmes conditions que leurs homologues du continent ; ils mettent en œuvre des critères et des modes de calcul d’application strictement nationale ;
    • la moitié des engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan (1994-1999) (58 millions de francs par an) ;
    • les subventions de fonctionnement ou d’investissement versées par l’État à des tiers, hors contrat de plan ; ces subventions relèvent de politiques nationales applicables dans l’ensemble des régions françaises.

La deuxième masse est constituée, à l’inverse, de ce qui relève d’un souci de solidarité particulière à la Corse, car il s’agit de concours sans équivalent ailleurs. On peut y intégrer :

    • la dotation de continuité territoriale (937 millions de francs en 1997),
    • le coût du statut fiscal dérogatoire et de la zone franche (de l’ordre de 1.500 millions de francs pour 1997, dont 516 millions de francs pour la zone franche),
    • la seconde moitié des engagements de l’État pris dans le cadre du contrat de plan (1994-1999) (58 millions par an);
    • les crédits exceptionnels accordés – hors contrat de plan – pour l’application du plan de développement (360 millions de francs sur 6 ans, soit 60 millions de francs par an),
    • les crédits provenant de l’Union européenne dans le cadre du DOCUP et des autres programmes d’intérêt communautaire (1.870 millions de francs sur 6 ans, soit 312 millions de francs par an) ; en effet, la Corse est la seule région métropolitaine à bénéficier de l’Objectif 1 (à l’exception de trois arrondissements du Nord-Pas-de-Calais qui sont dans le même cas) alors qu’elle était au-delà des critères d’admission.

La troisième masse présente un caractère intermédiaire, car la distinction entre ce qui y relève d’une solidarité particulière et ce qui pourrait se constater dans les autres régions est plus délicate. Cette masse concerne, en effet, la dotation générale de décentralisation – hors continuité territoriale – versée à la Collectivité territoriale de Corse (348 millions de francs)et la fiscalité exceptionnellement transférée en Corse à la Collectivité territoriale et, dans une moindre mesure, aux deux départements (300 millions de francs). Les transferts de compétences étant plus importants en Corse, il est naturel que leurs compensations financières n’aient pas la même ampleur que dans les autres régions. Cependant, il a été indiqué à la commission d’enquête que leur détermination a bénéficié d’un certain " coup de pouce ", notamment lors de l’adoption de la loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse.

Ainsi donc, l’effort de solidarité spécifique dont bénéficie la Corse peut être estimé à 2.867 millions de francs. Une partie difficile à déterminer d’une enveloppe globale de 648 millions de francs pourrait également relever d’une telle solidarité spécifique à la Corse.

(en millions de francs)

Concours relevant d’une solidarité spécifique

2.867

- dotation de continuité territoriale (1997)

937

- statut fiscal dérogatoire et zone franche (estimation 1997)

1.500

- part des engagements de l’État dans le contrat de plan (par an)

58

- crédits exceptionnels hors contrats de plan (par an)

60

- crédits d’origine communautaire (par an)

312

 

Dès lors, un chiffre proche de 3 milliards de francs annuels (soit environ 11.500 francs par habitant) constituerait une juste estimation de l’effort de solidarité bénéficiant à la Corse, effort provenant à près de 90% de la communauté nationale.

Une fois ces précisions apportées, il convient de détailler plus précisément comment se décomposent les 8,8 milliards de francs de dépenses directes de l’État.

 

b) Les 8,8 milliards de dépenses directes de l’État

Les dépenses directes de l’État en Corse (hors prestations sociales) ont atteint environ 8,804 milliards de francs en 1997.

Ces dépenses se décomposent en trois grandes catégories : les dépenses que l’État effectue pour son propre compte, les concours aux collectivités locales et les subventions de fonctionnement et d’investissement versées à des tiers.

 

DEPENSES DIRECTES DE L’ETAT EN CORSE EN 1997

(en millions de francs)

DEPENSES DE L’ETAT POUR SON PROPRE COMPTE

4.949

- traitements des agents en postes dans l’île

2.304

- pensions versées

2.114

- autres dépenses de fonctionnement des services

347

- investissements de l’État pour son propre compte

184

CONCOURS AUX COLLECTIVITES LOCALES

3.362

- dotations budgétaires et concours financiers

2.347

- fiscalité transférée

362

- compensations d’exonérations et de dégrèvements législatifs

653

SUBVENTIONS VERSEES AUX TIERS

493

- subventions de fonctionnement

336

- subventions d’investissement

157

TOTAL

8.804

Les dépenses de l’État pour son propre compte se sont élevées à 4.949 millions de francs en 1997, soit 56% de l’ensemble des dépenses directes de l’État en Corse.

 

Les salaires des 14.000 fonctionnaires civils et militaires représentent en effet 2.304 millions de francs et les pensions versées 2.114 millions de francs. S’y ajoutent 347 millions de francs (en 1997) au titre des autres dépenses de fonctionnement ainsi que 184 millions de francs de dépenses d’investissement. L’État procède en effet régulièrement à des opérations d’investissement au titre de constructions neuves et de travaux de rénovation. Il apparaît ainsi comme un des principaux maîtres d’ouvrage dans ce domaine au niveau régional.

Les dotations et transferts aux collectivités locales, 2.347 millions de francs, représentent 70% du total. Les compensations d’exonération et de dégrèvements législatifs atteignent 653 millions de francs et l’ensemble de la fiscalité transférée 362 millions de francs.

La Collectivité territoriale, dotée d’un budget de 2,2 milliards, a absorbé 1,775 milliard de transferts à elle seule en 1997. Près de 60 % du budget de cette collectivité provient de ces crédits d’État. Ceux-ci sont constitués en premier lieu par la dotation générale de décentralisation (DGD) – 1,3 milliard – qui elle-même comprend principalement la dotation de continuité territoriale, laquelle avoisine aujourd’hui 1 milliard de francs. Rappelons que les transferts budgétaires de l’État se traduisent par la dotation générale de décentralisation versée aux départements et aux communes et par la dotation générale de décentralisation Corse destinée à financer les accroissements de charges résultant des transferts de compétences opérées par la loi au profit de la Collectivité territoriale de Corse. En effet, la loi de 1982 transféra à la région Corse des compétences en matière d’éducation, de constructions scolaires ; celle de 1991 organisa des transferts de compétences en matière de routes nationales, de continuité territoriale, d’agriculture, d’hydraulique et dans le domaine culturel. Aujourd’hui cette dotation, qui évolue comme la dotation globale de fonctionnement, représente une part importante des ressources du budget de la Collectivité territoriale. En 1997, la DGD Corse (1,285 milliard de francs) se répartissait de la manière suivante :

 

Continuité territoriale

937 millions de francs

offices agricole (ODARC) et hydraulique (OEHC)

40,7 millions de francs

Divers transferts

307,1 millions de francs

 

Il faut noter que le fonctionnement des six offices et agences de la Collectivité territoriale de Corse, créés ou confirmés par le statut de 1991, dépend d’un transfert de crédits publics à un niveau important. Malgré leur statut d’EPIC, ces offices ne disposent, pour la plupart d’entre eux, d’aucune ressource en propre. Leur fonctionnement est financé sur le seul budget de la Collectivité territoriale de Corse, dans le cas de l’office de l’environnement (OEC), de l’agence du Tourisme (ATC) et de l’agence de développement économique de la Corse (ADEC). Les autres offices reçoivent du budget de la Collectivité territoriale une dotation intégrée à la dotation générale de décentralisation. C’est le cas de l’office des transports (OTC) qui gère l’affectation de la dotation de continuité territoriale entre les compagnies concessionnaires du service public du transport en vertu des articles 73 et 74 de la loi du 13 mai 1991. Les deux offices à vocation agricole, l’ODARC (office de développement agricole et rural de la Corse) et l’OEHC (office d’équipement hydraulique de la Corse) voient leur fonctionnement financé grâce à une quote-part de la DGD.

La progression des concours financiers accordés aux collectivités résulte essentiellement des dispositions législatives successives qui, depuis 1991, ont institué des mécanismes de solidarité financière entre les régions et les départements français. Les versements en faveur de la Collectivité territoriale de Corse s’effectuent sur le fonds de correction des déséquilibres régionaux. La dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud résulte notamment de la mise en œuvre de la solidarité financière. Des versements effectués au bénéfice des communes se réalisent également dans le cadre des dotations de solidarité rurale et de solidarité urbaine.

Source : Préfecture de Corse

 

 

Enfin, les subventions de fonctionnement et d’investissement versées à des tiers représentaient 493 millions de francs en 1997.

Les subventions de fonctionnement à des tiers, 336 millions de francs, représentent près de 70% de l’ensemble des subventions versées. Leur répartition sectorielle, en intégrant les concours communautaires éventuellement reçus, est indiqué dans le graphique ci-dessous.

Source : Préfecture de Corse.

 

Les subventions d’investissement versées à des tiers représentent 157 millions de francs. Les opérations subventionnées figurent, pour l’essentiel, à la fois dans le contrat de plan et dans la programmation communautaire (Docup et programmes d’initiative communautaire). En intégrant les crédits européens, on observe la répartition sectorielle suivante :

Source : Préfecture de Corse

 

c) Le plus fort ratio par habitant de la dotation communautaire en France

Depuis 1986, la Corse est éligible à de nombreux programmes communautaires qui lui ont permis de bénéficier de 1,5 milliard de francs sur la période 1986-1993 du fait de son classement en Objectif 1. Maintenue dans cette zone pour la période 1994-1999, la Corse est la région de France la moins industrielle (7,3 % des emplois) ; l’agriculture y représente encore 8,2 % de la population active, contre 5,6 % pour l’ensemble de la France. Ces chiffres, comme ceux du produit intérieur brut par habitant et du revenu moyen, témoignent d’un retard, que cette région est cependant en passe de combler. C’est une des raisons pour lesquelles la Corse a largement profité des politiques régionales : au total depuis 1989, elle aura bénéficié de plus de 3 milliards de francs pour la période allant jusqu’en 1999.

Ces crédits sont en croissance sur la période récente. Sont prévus pour les années 1994-1999 :

    • dans le cadre du Document unique de programmation (Docup) 1,650 milliard de francs de crédits, se décomposant ainsi :

 

 

FEDER

980 MF

FEOGA

420 MF

FSE

200 MF

IFOP

50 MF

 

– et dans le cadre des Programmes d’initiative communautaires (PIM), 220 millions de francs.

Au total, le montant des crédits communautaires destinés à la Corse s’élève à 1,9 milliard de francs sur la période 1994–1999. En termes de ratio par habitant, la Corse est la région de France qui reçoit la plus forte dotation de l’Union européenne : la moyenne crédits de l’Union sur habitant atteint 900 francs en Corse contre 80 francs pour la France entière et 500 francs pour la Guadeloupe.

A cette somme considérable viennent s’ajouter pas moins de 2,3 milliards de crédits de l’État et les 800 millions de dépenses privées qui en sont les contreparties au titre du Docup. Ainsi le volume global des actions prévues dans le cadre des programmes européens atteint 4,9 milliards de francs en tout sur six ans. Sur ces 4,9 milliards, les secteurs concentrant les plus grosses dépenses sont l’agriculture et la pêche (à hauteur de 1,3 milliard de francs), les infrastructures (pour 1,1 milliard de francs) et la formation professionnelle et l’emploi (pour 580 millions de francs).

 

2.  La contractualisation privilégiée des dépenses nationales et communautaires

Comparée à d’autres régions françaises, la Corse a incontestablement bénéficié d’un engagement de l’État soutenu dans le cadre du contrat de plan en cours d’exécution. Par ailleurs, de nombreuses actions sont aujourd’hui financées en Corse grâce à des crédits contractualisés dans le Document unique de programmation (Docup). Le 29 juillet 1994, la Commission de Bruxelles adopta, après concertation avec les autorités publiques locales et nationales, le nouveau programme de l’Objectif 1 pour l’île, qui fut doté de 1,650 milliard de francs pour la période 1994–1999. Le zonage n’ayant pas été modifié depuis 1989, l’ensemble de la population et du territoire corse continuèrent d’être couverts par ces programmes avantageux.

a) Un contrat de plan doublement doté

La Corse est la région de France qui reçoit en terme de ratio par habitant la plus forte dotation de l’État. Pour le contrat de plan 1994–1998 prolongé jusqu’en 1999, ce ratio s’élève à 2.693 francs par habitant, hors crédits exceptionnels, alors que la moyenne pour l’ensemble des contrats de la métropole s’établit à 1.339 francs, comme le montre le tableau à la page suivante.

Ce contrat, le troisième passé avec la région Corse, se présente comme l’un des outils d’application du plan de développement adopté par l’Assemblée de Corse le 29 septembre 1993. Il constitue un moyen privilégié de mettre en cohérence les politiques et les actions conduites par l’État dans l’île avec les programmations de la Collectivité territoriale. Les orientations du plan de développement s’articulaient autour des investissements pour les communications vers l’extérieur et dans l’intérieur, du renforcement du tissu économique et de l’encouragement des activités nouvelles, de la réorientation du tourisme vers l’étalement saisonnier et au profit de l’intérieur, de l’amélioration de l’équipement agricole, forestier, aquacole, de la préservation de l’environnement, et des aides à l’enseignement du secondaire au supérieur.

 

Les contrats de plan avec les régions françaises

 

Population totale au
1er janvier 1994

(1)

Engagement de l’État 1994/ 99 en MF

(2)

Montant en francs par habitant =

(2) / (1)

ALSACE

1 677 884,00

2 253,670

1 343,16 F

AQUITAINE

2 854 482,00

3 047,610

1 067,66 F

AUVERGNE

1 316 341,00

2 455,000

1 865,02 F

BOURGOGNE

1 621 308,00

2 069,440

1 276,40 F

BRETAGNE

2 834 323,00

5 199,390

1 834,44 F

CENTRE

2 422 349,00

2 398,680

990,23 F

CHAMPAGNE ARDENNE

1 351 281,00

1 799,630

1 331,80 F

CORSE

258 072,00

695,010

2 693,09 F

FRANCHE COMTÉ

1 109 207,00

1 810,530

1 632,27 F

ILE DE France

10 931 587,00

11 159,440

1 020,84 F

LANGUEDOC ROUSSILLON

2 202 672,00

3 690,180

1675,32 F

LIMOUSIN

719 780,00

1 541,450

2 141,56 F

LORRAINE

2 311 006,00

4 388,700

1 899,04 F

MIDI PYRENEES

2 482 933,00

4 219,410

1 699,37 F

NORD PAS DE CALAIS

3 988 183,00

8 271,240

2 073,94 F

BASSE NORMANDIE

1 408 305,00

2 223,390

1 578,77 F

HAUTE NORMANDIE

1 770 540,00

2 275,420

1 285,16 F

PAYS DE LA LOIRE

3 122 414,00

2 978,070

953,77 F

PICARDIE

1 847 906,00

2 493,420

1 349,32 F

POITOU CHARENTES

1 612 530,00

2 529,480

1 568,64 F

PROVENCE ALPES

COTE D’AZUR

4 400 355,00

4 359,550

990,73 F

RHONE ALPES

5 535 594,00

5 149,900

930,32 F

BASSIN PARISIEN

 

333,000

 
       

TOTAL

57 779 052,00

77 341,610

1 338,58 F

 

Source : DATAR

 

TABLEAU FINANCIER GÉNÉRAL du contrat de plan
État - CollectivitÉ territoriale de Corse

(en millions de francs)

CHAPITRES

ETAT

COLLECTIVITE TERRITORIALE DE CORSE

TOTAL

Titre I : La Fonction Structurante

57,55

30,05

87,60

Communications

57,55

30,05

87,60

Titre II : La Fonction Productive

348,75

292,45

641,20

Tourisme

38,30

37,50

75,80

Développement économique

52,70

37,00

89,70

Agriculture

193,90

152,10

346,00

Forêt

53,29

55,29

108,58

Pêche

10,56

10,56

21,12

Titre III : La Fonction Spatiale

31,15

30,60

61,75

Environnement

23,15

24,60

47,75

Aménagement de l’intérieur (DIM)

8,00

6,00

14,00

Titre IV : La Fonction Sociale

229,08

200,45

429,53

Education

24,32

26,62

50,94

Enseignement supérieur

43,00

23,50

66,50

Recherche

35,00

31,80

66,80

Culture

44,60

41,60

86,20

Jeunesse et Sports

3,00

1,00

4,00

Affaires sanitaires et sociales

8,16

4,93

13,09

Formation professionnelle

70,00

70,00

140,00

Droit des Femmes

1

1

2,00

Evalutation

0,42

0,42

0,84

Suivi Evaluation

0,42

0,42

0,84

TOTAL

666,95

553,97

1 220,92

% par rapport au montant total

54,63 %

45,37 %

 
       

Politique de la ville

28,06

26,40

54,46

       

Total y compris Politique de la ville

695,01

580,37

1 275,38

% par rapport au montant total

54,49 %

45,51 %

 

Dotations de l’État – Crédits interministériels : 103,45 MF

– FIDAR : 76,45 MF

– FIAT : 10,00 MF

– FRILE : 17,00 MF

 

Le contrat signé avec la Collectivité territoriale de Corse apparaît dans son architecture comme un " contrat normal " avec des accentuations sectorielles justifiées par la situation économique de la Corse et par les données topographiques de l’île. D’une manière générale, il est principalement axé sur les entreprises et leur environnement immédiat.

Sur la période concernée, l’État s’est donc engagé à apporter une enveloppe de 666,95 millions de francs pour la mise en oeuvre du contrat et a décidé, lors du comité interministériel à la ville en date du 29 juillet 1993, de compléter cette action par une dotation particulière pour la politique de la ville à hauteur de 28,06 millions. Pour sa part, la Collectivité territoriale doit apporter sa contribution à hauteur de 553,97 millions dans le cadre du contrat de plan et de 26,4 millions dans le cadre de la politique de la ville.

En outre, hors contrat de plan, l’État a prévu d’apporter des crédits exceptionnels (360 millions en tout) pour faciliter la réalisation des secteurs déterminants du plan de développement. Cet appui porte notamment sur le secteur des routes nationales. L’État a accepté de fournir un effort spécifique de 250 millions de francs pour la période du contrat de plan afin d’aider à la modernisation du réseau routier structurant la Corse, et en particulier l’axe Ajaccio-Bastia. Des mesures destinées à promouvoir les activités économiques dans l’intérieur de l’île sont programmées grâce à des financements du fonds interministériel d’aménagement du territoire (FIAT) à hauteur de 30 millions de francs. Enfin, des crédits du ministère de l’agriculture doivent permettre – toujours hors contrat de plan – de moderniser l’équipement hydraulique de la Corse (pour 37 millions) et de restructurer le vignoble et les vergers (pour 42,8 millions).

Le contrat de plan et le plan de développement font apparaître quatre grands types d’opérations : la fonction dite " structurante ", qui concerne les aéroports, les chemins de fer, les routes nationales et les équipements collectifs. Au total, les crédits (y compris ceux qui ne figurent pas dans le contrat de plan) s’élèvent à 346,9 millions de francs sur l’ensemble de la période. 721 millions de francs doivent être mobilisés pour la fonction dite " productive ", qui concerne le développement économique, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture, de 134,21 millions pour les actions de la " fonction spatiale ", qui couvre la politique de la ville, l’environnement, l’aménagement de l’intérieur et les interventions du FIAT. 429,53 millions doivent être apportés pour la " fonction sociale " qui porte sur l’enseignement, la formation, la recherche, le sport, les affaires sociales et la culture. Le total des quatre fonctions atteint plus de 1,6 milliard de francs si les crédits exceptionnels de l’État hors contrat de plan sont pris en compte.

Dans le cadre du contrat de plan, les deux partenaires – l’État et la Collectivité territoriale – doivent participer financièrement à hauteur de 55 % pour le premier et de 45 % pour la seconde. Si les crédits exceptionnels de l’État hors contrat sont comptabilisés, la proportion s’établit à 63,5 % pour l’État et à 36,5 % pour la région. Notons que l’État consent un effort proportionnellement plus significatif pour l’agriculture, le développement des entreprises, les communications, les affaires sanitaires et sociales, et l’enseignement supérieur. La Collectivité territoriale se mobilise davantage, quant à elle, dans les secteurs de l’enseignement secondaire, de la forêt et de l’environnement.

Le montant des opérations que le contrat de plan doit entraîner, si l’on prend en compte les participations de l’Union européenne, des autres collectivités et des acteurs privés, s’élève à environ 2,35 milliards de francs. L’aide attendue de l’Union européenne, soit en contrepartie, soit en complément du contrat de plan, représentait en 1994, 250 millions d’écus soit 1,675 milliard de francs.

b) Une région largement couverte par les divers programmes communautaires

·  Un effort déjà considérable de l’Union européenne en 1989-1993 et un soutien accru sur la période 1994-1999

Au cours de cette période, plusieurs programmes ont couvert la région Corse. Dès 1986, des actions spécifiques avaient été menées grâce au Programme intégré méditerranéen (PIM) qui visait à aider les régions méditerranéennes de la France à pallier les effets de l’entrée dans le marché commun de l’Espagne et du Portugal. Le programme de l’Objectif 1 est venu renforcer en 1989 cet ensemble de mesures, complété par ailleurs par les initiatives communautaires telles que Interreg, Stride ou Envireg.

De multiples réalisations dans le cadre de l’Objectif 1 et du PIM ont porté sur le désenclavement de l’île. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) contribua dans ce cadre à l’amélioration du réseau routier et des aménagements portuaires afin de permettre l’augmentation du trafic maritime des marchandises. Il finança des travaux visant à renforcer la capacité d’accueil des quatre aéroports accueillant des vols commerciaux. C’est ainsi que furent réalisés l’aménagement de l’aérogare d’Ajaccio, l’accroissement des aires d’accueil de l’aéroport de Bastia et l’amélioration des aéroports de Figari et de Calvi. Le deuxième grand axe des actions communautaires concerna le développement des PME-PMI dans le but de renforcer le tissu des moyennes entreprises en Corse.

Dans la période 1989-1993, une aide aux investissements d’un montant de 20 millions de francs permit d’accompagner le développement de plus de cinquante entreprises régionales. Dans le cadre de la promotion touristique de l’île, le FEDER cofinança en outre divers projets culturels, parmi lesquels la création du musée de la Corse à Corte ou l’aménagement d’un site archéologique à Aléria. Un quatrième volet fut axé autour de la mise en valeur des ressources agricoles. Ainsi, au cours de la période
1989–1993, la Corse bénéficia de près de 130 millions de francs au titre de l’adaptation des structures agricoles. Des cycles de formation furent proposés aux agriculteurs corses et des initiatives se multiplièrent pour optimiser le stockage, la transformation et la commercialisation des produits agricoles. 30 millions de francs furent par ailleurs alloués à l’aménagement de 13 ports, 7 en Haute-Corse et 6 en Corse-du-Sud. De même, l’Union européenne contribua à soutenir l’effort en faveur de l’enseignement supérieur et participa notamment au projet d’extension des capacités d’accueil et d’équipement de l’université de Corte. Parmi les autres travaux aidés par l’Union européenne, il faut citer l’agrandissement du lycée Fred-Scamaroni de Bastia avec la réalisation d’une unité autonome destinée aux formations du secteur hôtelier, la création d’une structure d’accueil aux métiers du tourisme à Ville-di-Pietrabugno, du centre de formation des apprentis (CFA) de Corse-du-Sud à Ajaccio, du centre municipal de formation de Propriano et de l’Institut méditerranéen de formation de Borgo.

A ces actions se sont ajoutés les Programmes d’initiative communautaire (PIC) qui mobilisèrent plus de 270 millions de francs entre 1989 et 1993 pour compléter les programmes de l’Objectif 1 et les PIM dans des secteurs particuliers comme l’environnement, le développement local et la coopération transfrontalière.

C’est en juillet 1993 que la liste des zones concernées par les programmes de l’Objectif 1 fut arrêtée. L’ensemble du territoire corse fut une nouvelle fois intégré alors que, du strict point de vue des règles, la Corse n’aurait pas dû y figurer.

·  Le " coup de pouce " du gouvernement français en 1993

Un haut responsable de la Commission européenne a indiqué : " Dans la période actuelle de programmation, entre 1994 et 1999, la Corse est considérée comme région éligible au titre de l’Objectif 1 qui, dans notre jargon, désigne les régions considérées en retard de développement, c’est-à-dire celles dont le produit intérieur brut est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Celui de la Corse était légèrement supérieur, mais dans la négociation politique qui a eu lieu en 1993, la Corse a été incluse dans la liste des régions en retard, qui couvrent actuellement environ 25 % de la population européenne. La Corse en fait partie, comme les départements d’outre-mer français et le Valenciennois, dans le nord de la France. (....)

Cela avait été un choix du gouvernement français. A l’époque, quand nous avons négocié l’enveloppe de l’Objectif 1 pour la France entre les DOM, la Corse et le Valenciennois, il y ait eu une volonté importante de donner plus d’argent à la Corse, compte tenu d’une série de problèmes. La commission, souple comme souvent, l’avait accepté, même si cela ne correspondait pas à une certaine équité qui veut que l’on donne plus d’argent là où les gens sont les plus pauvres. (...)

La commission adresse à chaque État une lettre (...) disant : " selon l’application de critères objectifs, identiques à ceux appliqués pour répartir les crédits entre les pays – PIB par habitant, niveau de chômage, etc – voilà quelles seraient les allocations qui nous semblent raisonnables et justes. Il s’est trouvé qu’à l’époque, le gouvernement français n’a pas du tout suivi nos recommandations. Il n’était pas obligé de le faire, mais surprivilégier la Corse par rapport aux autres territoires de l’Objectif 1 a donné lieu, à nos yeux, à une très grande inégalité par rapport aux situations objectives. "

·  Une large palette de programmes communautaires

La Corse continue sur la période 1994-1999 à bénéficier des Programmes d’initiative communautaire. Grâce au Programme " Leader " renouvelé jusqu’en 1999, des actions de développement rural sont financées à hauteur de 19,5 millions de francs du FEDER, du FEOGA et du FSE. L’initiative " Pesca " en faveur de la reconversion des zones dépendantes du secteur de la pêche, c’est-à-dire l’ensemble des zones côtières de l’île, est dotée de 2 millions de francs. Les actions du PIC PME sont également poursuivies. De même, Interreg est reconduit pour la Corse : avec une dotation de 136 millions de francs, ce programme constitue, de par son importance, le second programme dont l’île bénéficie dans le cadre communautaire.

·  Vers un programme de transition accompagnant la sortie de l’Objectif 1

La probable sortie de la Corse de l’Objectif 1 à partir de 1999 témoigne des progrès accomplis par la région pour combler son retard de développement. Il convient de s’en réjouir à ce titre. Cependant, il est clair que les flux des crédits européens ont permis sur la période récente la réalisation de divers projets structurels, notamment en matière de désenclavement. Il est donc indispensable d’élaborer pour la Corse un plan de transition qui lui permette de bénéficier pendant plusieurs années d’un soutien particulier de l’Union européenne.

Interrogé à ce propos par la commission d’enquête, un haut fonctionnaire européen a expliqué : " La proposition de la Commission européenne prévoit de concentrer les fonds dont nous disposerons pour la période prochaine sur les régions les plus défavorisées. Nous considérons qu’il faut une application stricte des critères d’éligibilité pour les régions d’Objectif 1, et la Corse est au-dessus de cela. Il y aura dans la proposition de la Commission une volonté de ne pas inclure la Corse, ni le Valenciennois dans les régions considérées en retard de développement au niveau européen et qui reçoivent les deux tiers de la dotation globale des financements.

Si les États membres suivent la position de la Commission, la Corse ne sera plus en Objectif 1 à partir du 1er janvier 2000.

Néanmoins, pour ne pas créer de fracture soudaine, nous proposons une période de transition longue et assez généreuse. Nous proposons la mise en place d’un programme " feasing out " de cinq ans, c’est-à-dire de sortie, graduelle, de sorte que l’on aurait encore, pour la prochaine période, un programme pour la Corse, mais d’un montant moins important. Il y aura encore des financements européens, en tout cas, pour quelques années, mais d’une intensité moindre. L’intensité n’est pas déterminée, cela dépendra de la négociation sur le budget communautaire, dans les prochaines semaines et les prochains mois. ".

Sans revenir sur l’échec du POSEICOR, le gouvernement français pourrait s’appuyer sur l’article 158 nouvellement rédigé du traité sur l’Union européenne pour inciter cette dernière à mieux prendre en compte les spécificités insulaires dans l’espace communautaire.

 

3.  De dérogations en exceptions : un statut devenu exorbitant du droit commun

Déjà sous la domination génoise, la Corse bénéficiait d’un régime fiscal qui lui était propre. Celui qui lui est aujourd’hui appliqué dans le cadre de la République est pour une large part directement ou indirectement issu des dérogations accordées sous le Consulat et l’Empire. Appliqué d’abord à la fiscalité indirecte, ce statut dérogatoire a été, au cours des dernières années, renforcé et étendu à certaines impositions directes, notamment par les lois du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse et du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse.

D’après les informations recueillies par la commission d’enquête, le coût pour l’État de ses nombreuses dispositions dérogatoires peut être estimé à plus de 1.500 millions de francs en 1997, dont plus du tiers résulte de l’application de la zone franche. Le tableau ci-dessous détaille la répartition de cette dépense fiscale dont bénéficient la Corse et ses habitants.

ÉVALUATION DU COÛT POUR L’ÉTAT
DU STATUT DÉROGATOIRE DE LA CORSE

(en millions de francs)

 

Dispositions relatives à la fiscalité indirecte

 

l  taxe intérieure sur les produits pétroliers

8

l  droit de consommation sur les tabacs

184

l  exonération de fait des droits de succession sur les biens immobiliers situés en Corse

non chiffré (1)

l  exonérations diverses de TVA (trafic des colis postaux avec le continent, prestations fournies pour les besoins des transports maritimes avec le continent, transports maritimes de voyageurs ou de marchandises, ventes de vins produits et consommés en Corse…)

non chiffré

l  application de taux particuliers de TVA

450

l  droit de circulation applicable aux boissons

non chiffré

l  exonération du droit de licence sur les débits de boissons

non chiffré

l  exonération de l’impôt sur les spectacles

non chiffré

l  non application de la taxe à l’essieu

non chiffré

TOTAL

642

Loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse

 

l  suppression des parts de taxe professionnelle perçue au profit du département et de la Collectivité territoriale

250

l  abattement de 25 % des bases communales de taxe professionnelle

70

l  exonération de la cotisation nationale de péréquation

négligeable

l  exonération de la part communale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties

13

l  exonération de l’impôt sur les sociétés créées avant le 31/12/98

2

l  exonération de l’impôt sur les activités nouvelles créées avant le 31/12/98

négligeable

TOTAL

335

Loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse

 

l  exonération limitée des bénéfices des entreprises (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés)

160

l  exonération de l’imposition forfaitaire annuelle

10

l  abattement sur des bases communales de taxe professionnelle

166

l  allégement des charges sociales patronales

180

TOTAL

516

TOTAL GÉNÉRAL

1.493

(1) Le rapport Prada en chiffrait le coût entre 30 et 50 millions de francs en 1989.

Source : Direction générale des impôts

a) Les arrêtés Miot, le décret impérial et leurs avatars

Fondatrices, les dispositions des arrêtés Miot, signés à Ajaccio les 7 et 10 juin 1801, et du décret impérial du 24 avril 1811 ont orienté toute l’évolution ultérieure de la fiscalité corse et gardent, aujourd’hui encore, une grande valeur affective.

La valeur législative des arrêtés Miot a été, au XIXème siècle, sujette à discussion. Cependant, ils étaient considérés par les gouvernements successifs comme ayant un caractère législatif, avant que celui-ci soit reconnu effectivement par un arrêt de la Cour de cassation de 1875. De plus, deux dispositions législatives (loi du 6 janvier 1966 portant réforme des taxes sur le chiffre d’affaires et loi du 21 décembre 1967 portant loi de finances pour 1968) y faisaient explicitement référence. De même, la valeur législative du décret impérial a été reconnue par un arrêt de la Cour de cassation rendu en 1956.

Les arrêtés Miot ont réduit dans des proportions importantes les droits d’enregistrement acquittés en Corse. Ils ont diminué de moitié les droits de mutation à titre onéreux et ont substitué une méthode forfaitaire, fondée sur le montant de la contribution foncière, aux règles habituelles d’évaluation de l’assiette des droits de succession sur les immeubles, qui reposaient alors sur la valeur locative. Le décret impérial a mis fin, quant à lui, à la perception en Corse des droits indirects, qui étaient constitués à l’époque de diverses taxes prélevées sur le transport ou la consommation des boissons, de l’alcool, du tabac et des viandes.

Cependant, il ne faut pas se méprendre sur les motivations de ces mesures dérogatoires. Elles " sont donc nées de simples aménagements techniques en dehors du souci de privilégier les Corses ; elles sont réalisées dans le seul intérêt du Trésor : en 1801 pour tourner les difficultés d’application des impôts français à une société insulaire traditionnelle, en 1811 pour réaliser de substantielles économies dignes du procédé de la rationalisation des choix budgétaires ". Inspirés par le souci de simplifier le calcul des droits de succession, les arrêtés Miot renonçaient à les asseoir sur les valeurs locatives, celles-ci étant difficiles à établir en Corse en l’absence presque générale de baux ruraux. De même, le décret impérial a majoré la contribution personnelle et mobilière d’un montant égal au produit estimé des droits indirects supprimés.

L’évolution ultérieure de la fiscalité nationale a rendu nécessaires des adaptations au régime propre à la Corse, dans des conditions parfois à la limite de la légalité.

C’est ainsi que la disparition, au 1er janvier 1949, de la contribution foncière en tant qu’impôt d’État, a retiré toute base légale à la méthode d’évaluation des successions définie par les arrêtés Miot. Après avoir tenté en 1951 de faire rentrer la Corse dans le droit commun et d’y retenir, comme partout ailleurs depuis 1918, la valeur vénale au jour du décès pour base d’estimation des immeubles, le gouvernement a dû faire marche arrière et tenir compte des vives réactions suscitées par une telle mesure. Par lettre ministérielle en date du 2 juillet 1951, il était décidé de déterminer les valeurs imposables en multipliant le revenu cadastral, retenu pour l’assiette des contributions foncières perçues au profit du département et des communes, par le taux de la taxe proportionnelle, élément de l’impôt sur le revenu. La lettre ministérielle reconnaissait néanmoins qu’ " il s’agissait là d’une adaptation de l’arrêté Miot ne reposant sur aucune base légale et dont on ne saurait soutenir qu’elle est satisfaisante, puisqu’elle fait intervenir deux éléments de calcul empruntés à des impositions différentes ". Ce mode de calcul a été jugé illégal par la Cour de cassation qui, dans un arrêt Perrino de janvier 1992, a constaté qu’ " aucune disposition législative n’est venue apporter une modification expresse ou une dérogation, fût-elle implicite, au régime spécial ". Depuis lors, les biens immobiliers sont donc exonérés de fait de tout droit de succession.

Les modifications apportées à la fiscalité indirecte par la création puis la généralisation de la TVA ont également eu des répercussions importantes pour la Corse. Dans un premier temps, la loi de finances pour 1963 avait exonéré de TVA certains produits importés en Corse. Puis, la loi de finances pour 1968 a appliqué une réfaction d’assiette de 55 % aux ventes de produits et prestations de services passibles des taux super-réduit et réduit ainsi que sur un certain nombre d’autres produits ou services, une réfaction d’assiette de 25 % aux ventes et locations de voitures automobiles immatriculées en Corse, aux ventes de produits pétroliers et de tabacs manufacturés et exonéré les transports de voyageurs ou de marchandises pour la partie du parcours compris entre le continent et l’île.

Plus ou moins directement inspirées par l’esprit du décret impérial de 1811, plusieurs dispositions dérogatoires sont également applicables en Corse :

– la taxe intérieure sur les produits pétroliers est réduite de 6,63 francs par hectolitre pour les essences et supercarburants destinés à être utilisés en Corse ou livrés dans les ports corses pour l’avitaillement des bateaux de plaisance ou de sport ;

– le droit de consommation sur les tabacs est fixé à un taux permettant les ventes au détail en Corse à des prix égaux aux deux tiers, ou à 85 % pour les cigares et cigarillos, de ceux qui sont pratiqués en France continentale.

Enfin, en raison de l’exemption des droits indirects accordée par le décret impérial de 1811, il n’est pas perçu en Corse de taxe à l’essieu, de droit de circulation sur les boissons, de taxe sur les spectacles, de droits de licence sur les débits de boisson, de taxe sur les appareils automatiques. En effet, selon l’interprétation, pour le moins discutable mais qui résulte de l’arrêt précité de la Cour de cassation de 1956, et qui a prévalu jusqu’à maintenant, seuls sont applicables en Corse les droits indirects pour lesquels des dispositions législatives dérogent explicitement au décret impérial.

Mais, il ne s’agit pas du seul exemple d’interprétation extensive de la législation dérogatoire. L’un des mythes largement ancrés dans la croyance insulaire est que les arrêtés Miot ont dispensé les Corses du dépôt des déclarations de succession et, donc, du paiement des droits. Or, tel est loin d’être le cas.

Le dépôt des déclarations n’est pas laissé à la libre appréciation des héritiers comme le soutiennent ceux qui estiment que l’arrêté ne fixe aucun délai. Pour les successions ouvertes à la date de l’arrêté, un délai de 90 jours était prévu, pour les autres le seul délai admis étant celui qu’il faut à l’administration pour avoir connaissance du décès. Ce qui a servi de base à l’interprétation ultérieure est le fait que l’arrêté entérine la dispense de pénalités en cas de non dépôt dans le délai de six mois. Comme l’expliquait un responsable syndical dans un document annexé au rapport Prada de 1989, " les interprétations de l’arrêté Miot ayant jeté, depuis plusieurs décennies, une confusion générale dans les esprits, l’administration s’est trouvée, pendant plusieurs années, relativement désarmée : tantôt elle exigeait le dépôt des déclarations, tantôt elle ne le faisait pas ".

D’après les informations recueillies par la commission d’enquête, la pratique suivie par l’administration fiscale consiste à ne relancer les héritiers qui ne déposent pas spontanément leur déclaration que lorsque les recoupements qu’elle opère font apparaître un réel enjeu financier. En moyenne, il apparaît que si relance il y a, celle-ci n’intervient qu’après une période de 12 à 18 mois suivant le décès. L’administration fiscale recoupe les informations en provenance de plusieurs sources : fiches-décès transmises par les mairies dans des délais variables, recoupements bancaires, attestations immobilières provenant des notaires (notamment celles établies au moment des partages ou des sorties de l’indivision) ou informations relatives aux contrats d’assurance-vie. En tout état de cause, le nombre de déclarations effectivement souscrites est sans commune mesure avec le nombre de celles qui sont déclarées ouvertes : 168 sur 935 en Corse-du-Sud et 182 sur 1.384 en Haute-Corse en 1997.

b) La loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse

Avec la loi portant statut fiscal de la Corse, les dérogations dont bénéficient les insulaires touchent les impôts directs, qui n’avaient été, jusque là, concernés que de manière très minime. L’idée, comme plus tard avec la zone franche, est d’utiliser l’outil fiscal pour œuvrer au développement économique de l’île et soutenir les entreprises qui y sont installées : le principal levier choisi est la taxe professionnelle et, pour l’agriculture, la taxe sur le foncier non bâti.

La loi du 27 décembre 1994 supprime les parts de taxe professionnelle perçues au profit des deux départements et de la Collectivité territoriale de Corse et réduit d’un quart les bases communales de la taxe professionnelle. Elle exonère totalement, en outre, de la cotisation nationale de péréquation les établissements situés dans l’île. L’objectif était de réduire le poids global de la taxe professionnelle de 60 %. La perte des recettes qui en résulte pour chaque collectivité est évidemment compensée par l’État ; le montant de la compensation est égal, pour chaque collectivité, au produit des bases exonérées par le taux voté par elle en 1994. En 1997, le montant de cette compensation s’est élevée à 250 millions de francs pour les deux départements et la Collectivité territoriale et à 70 millions de francs pour les communes et leurs groupements.

Elle exonère totalement les terres d’usage agricole situées en Corse de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue au profit des communes et de leurs groupements. La loi s’était bornée, en outre, à anticiper d’une année l’exonération totale de la part départementale qui devait intervenir en 1996 pour l’ensemble du territoire, la part régionale étant déjà exonérée depuis 1993 dans l’ensemble des régions. La compensation versée aux communes et à leurs groupements, calculée dans les mêmes conditions que la compensation de la taxe professionnelle, a représenté pour l’État un coût de 13 millions de francs en 1997.

Enfin, la loi reconduit jusqu’au 31 décembre 1998 deux dispositifs temporaires d’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur, d’une part, des entreprises nouvelles créées en Corse et, d’autre part, des activités nouvelles exercées en Corse par des entreprises existantes.

Le premier dispositif a été institué par la loi de finances rectificative pour 1987 et avait été déjà reconduit à quatre reprises. Il concerne les entreprises nouvelles soumises à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, créées avant le 31 décembre 1998, et qui exercent l’ensemble de leurs activités en Corse dans les secteurs de l’industrie, de l’hôtellerie, du bâtiment et des travaux publics. La loi a étendu l’exonération au secteur de l’artisanat. L’exonération porte sur les huit premières années d’existence de l’entreprise.

Le second résulte de la loi de finances pour 1990 et avait déjà été prorogé à deux reprises. L’activité nouvelle doit s’entendre, soit de la création de nouveaux établissements, soit du développement de l’entreprise par l’adjonction d’une nouvelle branche d’activité ; celle-ci doit s’exercer dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment, de l’agriculture et de l’artisanat. Contrairement au dispositif précédent, celui-ci n’est pas limité aux entreprises exerçant l’ensemble de leurs activités en Corse et s’applique donc à une activité nouvelle créée en Corse par une entreprise du continent. Afin que l’administration fiscale puisse apprécier le caractère réellement nouveau de l’activité, le bénéfice de l’exonération est soumis à une procédure d’agrément administratif préalable. Comme précédemment, l’exonération porte sur les huit premières années d’exercice de l’activité concernée, à condition qu’elle soit créée avant le 31 décembre 1998.

c) La loi du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse

Annoncée par le Premier ministre lui-même lors de son déplacement sur l’île en juillet 1996, l’institution d’une zone franche sur l’ensemble du territoire de la Corse a pour objet de " donner un nouveau souffle à l’économie corse (…) parce qu’au fil des années celle-ci a été progressivement asphyxiée ou anémiée ". " Pour rattraper le retard accumulé depuis vingt ans, le gouvernement a décidé de manifester la solidarité de la Nation en érigeant la Corse en zone franche " poursuivit-il dans son discours prononcé devant l’Assemblée de Corse.

L’instauration de la zone franche a, dès lors, profondément changé la nature du statut fiscal dérogatoire de l’île.

Outre qu’elle poursuit le processus d’allégement de la taxe professionnelle en Corse, elle institue en effet pour la première fois des exonérations sur les bénéfices sans commune mesure avec les modestes dispositifs cités ci-dessus. Elle innove en faisant bénéficier la Corse de mécanismes d’exonération des charges sociales exorbitants du droit commun. En outre, au contraire des autres zones franches existantes qui ne concernent que des territoires très limités, elle s’applique à l’ensemble d’une région qui bénéficiait déjà, en tout ou partie, des dispositifs de soutien de droit commun. Hormis les cantons d’Ajaccio et de Bastia, la Corse est, en effet, classée en zone de revitalisation rurale. Elle est, en outre, classée en zone d’aménagement du territoire, donc éligible à la prime d’aménagement du territoire.

Sans entrer dans le détail des dispositions, la loi du 26 décembre 1996 s’applique aux entreprises existantes qui exercent une activité industrielle, artisanale, commerciale ou non commerciale, aux entreprises en création ou en extension et, sur agrément administratif, pour les entreprises de moins de 250 salariés qui rencontrent des difficultés financières (c’est-à-dire qui font l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou lorsque leur situation financière rend imminente la cessation d’activité) et qui présentent un intérêt économique et social pour la Corse. Elle prévoit trois types d’exonération :

– une exonération d’impôt sur les bénéfices (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux) limitée à 400.000 francs par période de douze mois et pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1997 ; les bénéfices exonérés doivent être maintenus dans l’entreprise ;

– une exonération de la part communale de la taxe professionnelle, sauf délibération contraire des communes ou de leurs groupements, dans la limite d’un montant de base nette imposable de 3 millions de francs par établissement, avant application de l’abattement spécifique de 25 % institué par la loi de 1994 ;

– un allégement de 23,4 % des charges sociales patronales sur les salaires inférieurs à deux fois le SMIC dans la limite d’un plafond de 1.500 francs par mois et par emploi.

D’après les éléments recueillis par la commission d’enquête, le coût pour l’État et les organismes de sécurité sociale s’élèverait au total à 516 millions de francs pour 1997 : 166 millions de francs au titre de la taxe professionnelle, 160 environ pour l’exonération partielle des bénéfices ou de l’impôt sur les sociétés, 10 millions de francs pour l’exonération de l’imposition forfaitaire annuelle et environ 180 millions de francs pour l’allégement des charges sociales patronales.

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C.– Des doutes légitimes sur l’efficacité des dépenses publiques

 

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