S O M M A I R E
_____
iii. à la
recherche des causes : linconstance des gouvernements, les défaillances des
pouvoirs locaux, la puissance des réseaux dintérêt (suite)
C. Léclatement et les ambiguïtés des pouvoirs locaux *
1. Le
" maquis institutionnel " *
a) Une Collectivité territoriale sui generis *
· De 1982 à 1992, le
" laboratoire " institutionnel *
· Des spécificités institutionnelles
fortes *
· Le nécessaire examen du rôle des
offices et agences *
b) La bi-départementalisation *
c) Lémiettement communal *
2. Le manque
de rigueur des collectivités locales *
a) Une gestion financière et comptable problématique *
· Les communes corses ont une marge
financière réduite et un train de vie élevé *
· Les factures impayées deviennent
courantes *
· Les comptes des communes manquent de
sincérité *
b) Lapplication difficile des règles durbanisme *
c) La passation des marchés publics *
3. Les
stratégies ambivalentes des responsables locaux *
a) Des pouvoirs locaux qui nont pas pris la mesure de
leurs responsabilités *
· Des pouvoirs locaux qui ont encore
lhabitude dattendre tout de Paris *
· Des pouvoirs locaux qui manquent de
vision générale *
b) Des pouvoirs locaux qui pratiquent la stratégie du
" toujours plus " *
c) Le difficile positionnement des élus locaux *
C. Léclatement et les ambiguïtés des pouvoirs
locaux
Larchitecture institutionnelle de la Corse serait,
pour certains élus locaux qui la jugent particulièrement complexe, à lorigine de
léparpillement des responsabilités, éparpillement qui retarderait la
détermination des grandes orientations du développement ou de laménagement de
lîle. Plus que la bi-départementalisation et quun émiettement communal non
compensé par une intercommunalité quasi inexistante, cest le dispositif issu de la
loi du 13 mai 1991 qui est, largement à tort, dabord mis en cause.
Pourtant, la gestion financière et comptable problématique de bon
nombre de communes corses, lapplication difficile des règles durbanisme et
les conditions de passation des marchés publics témoignent dun manque de rigueur
qui savère davantage préoccupant et lourd de conséquences.
Surtout, les responsables locaux mettent en uvre des stratégies
critiquables par leur ambivalence. Parce quils nont pas encore pleinement pris
la mesure des responsabilités exceptionnelles que leur reconnait le statut particulier,
ils sen tiennent encore trop souvent au discours, adressé à Paris, du
" toujours plus ". Surtout, dans le contexte difficile résultant de
lassassinat du préfet Claude Erignac, la commission denquête constate,
hélas, des silences regrettables ou les propos de ceux qui, sous couvert de dénonciation
dun hypothétique " racisme anti-Corse ", marquent une distance
vis-à-vis de la politique de rétablissement du droit, quils appelaient pourtant de
leurs vux dans les discours dhier.
1. Le " maquis
institutionnel "
260.000 habitants. Une Collectivité territoriale aux
compétences élargies par rapport à une région de droit commun et ayant la tutelle de
six établissements publics industriels et commerciaux. Deux départements. Pas moins de
360 communes. De là, une impression de " trop plein " institutionnel
qui a conduit certains à remettre en cause le statut de 1991. Pour sa part, la commission
ne sinscrit pas dans cette démarche et considère que la logique ayant présidé à
ladoption de la loi du 13 mai 1991 a permis à la Corse de faire
lexpérience dune décentralisation poussée, jugée positive. Il ne saurait
être question dun retour en arrière dans ce domaine. En revanche, on doit
reconnaître que certains dysfonctionnements sont apparus dans la pratique.
a) Une Collectivité territoriale sui generis
La situation institutionnelle actuelle est le résultat
de plus de quinze ans de pratique dérogatoire de la décentralisation, puisque la
première loi de décentralisation concernant la Corse date de 1982.
Le statut particulier de 1991 a donné à la Corse un système
original et complexe reposant sur la dissociation dune assemblée territoriale et
dun exécutif qui, émanant de celle-ci, est responsable devant elle. Ce
système a été assorti de démembrements de lautorité régionale à travers la
création ou le maintien de six agences et offices qui ont pris la forme
détablissements publics industriels et commerciaux territoriaux.
La Corse a été dotée dinstitutions sui generis
quelle na pas toujours su ou pu gérer dans le sens des intérêts des Corses.
Lors de son audition devant la mission dinformation sur la Corse, le 11 décembre
1996, M. Jean Baggioni, président du Conseil exécutif de Corse, déclarait : " on
nous a livré une voiture dont on ma donné la clé de contact. On ne ma pas
donné le carburant, on ne ma pas donné le mode demploi. En plus, il
sagissait dun prototype. Il fallait conduire. Nous lavons fait tant bien
que mal et je porte témoignage aujourdhui que le statut de la Corse est une très
large avancée dans la décentralisation. "
· De 1982 à 1992, le
" laboratoire " institutionnel
La spécificité des institutions de la Corse établies
par le statut particulier Defferre de 1982 a été parfois exagérée. Une des principales
originalités de la loi du 2 mars 1982 tenait à la dénomination symbolique de divers
organes : on parle depuis 1982 dAssemblée de Corse, de conseil économique et
social (devenu depuis la loi de 1991 le conseil économique, social et culturel de Corse).
En fait, le statut de 1982 apparaît aujourdhui comme une anticipation du mouvement
de décentralisation qui concerna quelques années plus tard lensemble des régions
françaises. Cest en cela que lon peut dire que la Corse a constitué un
laboratoire de la décentralisation en France.
Dans la deuxième moitié des années 80, certains élus corses
souhaitèrent aller plus loin sur le terrain de la spécificité institutionnelle. Le 13
octobre 1988, lAssemblée de Corse adoptait une motion affirmant lexistence
dune " communauté historique et culturelle vivante regroupant les
Corses dorigine et les Corses dadoption : le peuple corse ". Par
cette motion, cette Assemblée demandait au gouvernement d" adopter une
loi-programme dans un délai de six mois pour faire valoir les droits du peuple corse à
la préservation de son identité culturelle et à la défense de ses intérêts
économiques et sociaux spécifiques dans le cadre de la Constitution
française ".
Dès le 29 septembre 1988, le ministre de lIntérieur avait
pris linitiative de mettre en place un comité interministériel consacré au
développement culturel, économique et social de la Corse, présidé par le Premier
ministre, et chargé de " mener dans lîle une politique qui prépare
lavenir tout en respectant lidentité originale que tous les Corses puisent
dans leur longue histoire ".
Le gouvernement de lépoque se déclara ouvert aux
propositions de réforme du statut particulier afin daller dans le sens dune
plus grande efficacité des institutions locales. Les discours de divers élus corses et
des responsables nationaux se rejoignaient pour affirmer que le nouveau statut devrait
permettre une meilleure maîtrise de leur destin par les Corses. Le ministre de
lIntérieur engagea alors un débat avec les organisations démocratiques le
souhaitant sur lévolution des institutions. Dans une lettre ouverte aux élus en
date du 23 mai 1990, M. Pierre Joxe précisait son intention de procéder à une
nouvelle définition des institutions locales en dehors du droit commun des régions.
Lexposé des motifs du projet de loi qui fut présenté par
Pierre Joxe éclaire les objectifs poursuivis par le gouvernement. Il sagissait,
daprès ce projet, de " rechercher des solutions durables au problème
de la Corse, dans une perspective de développement économique, social et culturel de
lîle et dans le respect de lÉtat de droit et de la paix civile ".
Dun point de vue politique, le projet de loi visait à
reconnaître lexistence dun " peuple corse, composante du peuple
français " et à lui garantir des droits spécifiques liés à
linsularité en matière culturelle et économique. Cette disposition, censurée par
le Conseil constitutionnel le 9 mai 1991, allait au-delà des dispositions de la loi
du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de Corse qui, dans son article 1er
alinéa 2, prenait seulement en compte les " spécificités résultant,
notamment, de la géographie et de lhistoire de la Corse " et se bornait
à donner " aux Corses " (le terme " peuple
corse " utilisé dans lexposé des motifs avait finalement été retiré
du texte transmis au Parlement) la maîtrise de leur développement économique et la
préservation et de lenrichissement de leur culture. En second lieu, le projet de
loi de Pierre Joxe visait à restaurer la paix civile et réaffirmer lautorité de
lÉtat.
Dans sa décision rendue le 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel
considéra que le fait davoir prévu une " organisation spécifique à
caractère administratif de la Collectivité territoriale de Corse " (selon ses
termes) ne méconnaissait pas larticle 72 de la Constitution. Les auteurs de la
saisine estimaient, en effet, que le statut proposé navait rien de commun avec
celui des collectivités territoriales métropolitaines et sapparentait en fait à
une organisation particulière réservée par larticle 74 de la Constitution aux
territoires doutre-mer. Le Conseil constitutionnel estima, pour sa part, que rien ne
faisait obstacle à ce que le législateur, agissant sur le fondement des articles 34 et
72 de la Constitution, crée une nouvelle catégorie de collectivité territoriale même
ne comprenant quune unité et la dote dun statut spécifique, dès lors que
celui-ci était conforme au principe de libre administration des collectivités
territoriales et respectait les prérogatives de lÉtat.
Le statut se mit en place durant lannée 1992.
LAssemblée de Corse se renouvela le même jour que les élections des conseils
régionaux, le 22 mars et le 29 mars, pour le deuxième tour. A la différence des
conseils régionaux, la Corse forme une circonscription électorale unique. Le scrutin de
1992 vit la percée des nationalistes qui réunirent 25 % des voix ; la droite,
alliée au MRG, conserva lAssemblée de Corse et prit le contrôle du Conseil
exécutif. La gauche qui enregistra de mauvais résultats ne fut pas en mesure de
conserver la présidence du Conseil général de la Haute-Corse.
· Des spécificités
institutionnelles fortes
Lorganisation administrative de la Collectivité
territoriale de Corse est désormais régie par les articles 15 à 49 de la loi du 13 mai
1991. Les organes de la Collectivité territoriale de Corse comprennent lAssemblée
de Corse et son président, le Conseil exécutif de Corse et son président, assistés du
Conseil économique, social et culturel de Corse. Les principales innovations
résident, dune part, dans la dissociation de lorgane délibérant et de
lexécutif de la collectivité territoriale et, dautre part, dans la
transformation des offices qui, de nationaux, sont devenus territoriaux.
Le nouveau schéma institutionnel sest inspiré des
techniques du parlementarisme. En effet, larticle 25 alinéa 1 du nouveau statut
indique que " lAssemblée règle par ses délibérations les affaires de
la Collectivité territoriale et contrôle le Conseil exécutif ". Plus
restreinte, la nouvelle Assemblée se compose de 51 membres, au lieu de 61 dans le
précédent statut. Le nouveau statut organise également le régime des sessions,
accentuant ainsi le caractère parlementaire de linstitution. Autre innovation
importante, empruntée au parlementarisme rationalisé, le statut habilite
lAssemblée à mettre en cause la responsabilité du Conseil exécutif par
ladoption dune motion de défiance. Celle-ci doit cependant être
" constructive " afin de ne pas se transformer en facteur
dinstabilité : lexécutif ne peut être renversé sans que, préalablement,
les groupes politiques à lAssemblée de Corse naient conclu un accord pour
constituer une nouvelle équipe susceptible de succéder à lancienne.
Lorsque le fonctionnement normal de lAssemblée savère
impossible, le gouvernement conserve la faculté de prononcer sa dissolution par décret
motivé pris en Conseil des ministres. Le gouvernement en informe alors le Parlement dans
le délai le plus bref possible et il est procédé à une nouvelle élection de
lAssemblée dans un délai de deux mois.
La loi du 13 mai 1991 a cherché, par ailleurs, à renforcer le rôle
de lexécutif, distinct de lorgane délibérant et responsable devant lui. Cest
le Conseil exécutif, composé dun président assisté de six conseillers, qui
dirige laction de la Collectivité, notamment dans les domaines du développement
économique et social, de laction éducative et culturelle et de laménagement
de lespace. Le Conseil exécutif fonctionne comme un organe collégial, mais son
président y occupe une place prépondérante. Outre les pouvoirs classiques dévolus à
un exécutif local, un pouvoir réglementaire très étendu lui est reconnu, ce qui lui
permet de préciser les modalités dapplication des délibérations de
lAssemblée de Corse (même si ses arrêtés sont délibérés en Conseil
exécutif). Le président du Conseil exécutif détient, en outre, la maîtrise de
lordre du jour de lAssemblée. Comme les autres membres du Conseil exécutif,
il dispose dun droit daccès aux séances de lAssemblée. Enfin,
cest lui qui désigne les présidents des offices et agences au sein des membres du
Conseil exécutif. Il a la charge de contrôler le fonctionnement de ces structures comme
le prévoient leurs statuts.
· Le nécessaire examen du rôle
des offices et agences
Le statut de 1991 a maintenu (par les articles 65, 66 et 74
de la loi de mai 1991), les offices de développement agricole et rural (ODARC),
déquipement hydraulique (OEHC) et des transports (OTC). Il en a ajouté un nouveau
: loffice de lenvironnement (OEC). Ces organismes ne sont plus des
établissements publics nationaux, comme en 1982, mais des établissements publics à
caractère industriel et commercial (EPIC) de la Collectivité territoriale. Ainsi, depuis
1992, ils ne relèvent plus de lÉtat, mais de léchelon régional. Cependant,
le représentant de lÉtat assiste de plein droit aux réunions de leur conseil
dadministration et devient destinataire de leurs délibérations. Chacun de ces
offices est présidé par un membre du Conseil exécutif désigné par le président du
Conseil exécutif, et leur gestion est assurée par un directeur nommé sur proposition du
président de loffice par arrêté délibéré en Conseil exécutif.
Deux structures ne sont pas expressément qualifiées doffices
par la loi de 1991. Il sagit, dune part, de linstitution spécialisée
chargée des actions de tourisme en Corse, lATC (agence du tourisme de la Corse),
qui a ainsi succédé au comité régional du tourisme (par dérogation à la loi du 3
janvier 1987 relative à lorganisation régionale du tourisme). Dautre part,
lagence de développement économique de la Corse (ADEC) a été créée sous la
forme dun EPIC. A la différence des autres établissements, elle nétait pas
prévue expressément par la loi de 1991, ce qui explique quelle ne dispose pas
dautonomie financière ni de la possibilité de gérer directement les crédits
dintervention de la Collectivité territoriale. LADEC sest substituée,
à partir doctobre 1992, à lIRCIG (institut régional pour le commerce,
linnovation et la gestion), association de la loi 1901.
Tous ces établissements se sont donc vus accorder la qualité
dEPIC. Dans son rapport général de septembre 1996 (portant sur les activités de
1995), la commission de contrôle des agences et offices de lAssemblée de Corse
écrivait : " Mis à part lODARC et loffice déquipement
hydraulique qui génèrent des recettes propres, les quatre autres méritent-ils vraiment
le statut détablissement à caractère industriel et commercial ? La question
est posée tout en gardant à lesprit la nécessité dune concertation
permanente avec nos partenaires, au sein dinstances mixtes. "
De par limportance des compétences et des moyens qui leur
sont délégués, ces établissements jouent un rôle essentiel dans la mise en uvre
des politiques définies par lAssemblée de Corse sur proposition du Conseil
exécutif. La Collectivité territoriale na conservé que fort peu de compétences
directes dans les domaines où ces EPIC interviennent : le développement agricole,
léquipement hydraulique, les transports extérieurs, le développement économique,
lenvironnement et le tourisme.
Les instances institutionnelles de ces établissements comprennent
aussi bien des membres de lAssemblée de Corse que des représentants des
partenaires économiques et sociaux de la région. Il apparaît que le poids des élus de
la Collectivité territoriale de Corse dans le fonctionnement et les activités de ces
établissements est inégal selon les cas. Se pose la question de la présence des élus
dans les conseils dadministration. Les représentants de la Collectivité
territoriale sont minoritaires au sein des conseils dadministration de lODARC,
de loffice hydraulique et de lagence du tourisme, comme le montre le tableau
ci-dessous.
COMPOSITION DES CONSEILS DADMINISTRATION
|
ODARC |
OEHC |
OTC |
OEC |
ADEC |
ATC |
Représentants de la
Collectivité territoriale de Corse |
10 |
14 |
17 |
15 |
13 |
13 |
Socio-professionnels |
10 |
11 |
16 |
0 |
4 |
4 |
Autres membres |
5 |
7 |
1 |
14 |
7 |
10 |
TOTAL |
25 |
32 |
34 |
29 |
24 |
27 |
Source : Commission de contrôle des agences et
offices
ODARC : office de développement agricole et rural de Corse
président actuel : José Galletti précédent président : Alexandre
Alessandrini
OEHC : office déquipement hydraulique de la Corse
président actuel : Jérôme Polvérini précédent président : Jean Baggioni
OTC : office des transports de la Corse président
actuel et précédent : François Piazza-Alessandrini
OEC : office de lenvironnement de la Corse président
actuel : Pierre-Philippe Ceccaldi précédent président : Paul Giacobbi
ADEC : agence de développement économique de la Corse
président actuel : Jean-Claude Guazzelli précédent président : Paul
Patriarche
ATC : agence du tourisme de la Corse président
actuel : Marie-Paule Mancini-Néri précédent président : Xavier Villanova
De même, lODARC procède à un volume important
dindividualisations des crédits au sein dune commission technique permanente
qui ne comprend que trois représentants de la Collectivité territoriale sur huit
membres.
Le taux de présence des élus dans les conseils dadministration
et les bureaux demeure faible, surtout si on le compare à celui des socio-professionnels,
qui assistent de façon plus régulière aux réunions.
TAUX DE PRESENCE AU SEIN DES CONSEILS
DADMINISTRATION EN 1995 ET 1996
|
ODARC |
OEHC |
OTC |
OEC |
ADEC |
ATC |
Représentants
de la CTC
En 1995
En 1996 |
47 %
76 % |
43 %
43 % |
30 %
30 % |
50 %
57 % |
30 %
28 % |
15 %
35 % |
Socio-professionnels
En 1995
En 1996 |
75 %
84 % |
67 %
78 % |
80 %
80 % |
|
41 %
33 % |
27 %
25 % |
Autres
membres
En 1995
En 1996 |
85 %
95 % |
83 %
79 % |
|
40 %
75 % |
72 %
66 % |
20 %
20 % |
Source : Rapport de la commission de contrôle de
septembre 1997
Les conditions de fonctionnement des offices différent dun cas
à lautre.
|
INSTANCES
QUI DECIDENT DE LINDIVIDUALISATION
DES CREDITS DINTERVENTION |
ODARC |
Commission technique
permanente (CTP)
Composition : 8 membres :
- le président de lODARC
- 2 conseillers territoriaux (taux de présence 50 %)
- 5 socio-professionnels (taux de présence 65 %) |
OEHC |
Commission technique
pour le matériel mobile dirrigation
6 membres |
OEC |
Bureau |
ADEC |
Conseil exécutif |
ATC |
Bureau par délégation
du conseil dadministration |
De même les compétences des EPIC résultent parfois danciens
textes rénovés après 1991.
Les compétences des agences et offices
avant ladoption du statut de 1991
|
Missions
Avant lentrée en vigueur de la loi du 13 mai 1991 |
ODARC |
Décret du 28 juillet
1983 relatif à lorganisation et au fonctionnement de lODARC.
coordonnait lensemble des actions de développement
de lagriculture et de développement du milieu rural
orientait et animait la politique foncière agricole |
OEHC |
Cet EPIC a remplacé la SOMIVAC
créée en 1957 dans le cadre des plans daction régionaux. Les compétences de la
SOMIVAC sont désormais assumées par deux EPIC : lODARC et lOEHC. |
OTC |
Le statut de 1982
conférait à loffice des compétences en matière de dessertes, de tarifs et de
moyens. Jusquen 1992, la SNCM ne pouvait passer des commandes de navires
quaprès un avis favorable de loffice. |
ADEC |
Jusquen 1992, il
existait une association loi 1901, lIRCIG, institut régional pour le commerce,
linnovation et la gestion, qui gérait lensemble des problèmes
économiques et quelques aides directes aux entreprises. |
ATC |
Avant 1991, les
compétences de cet EPIC étaient assumées par le comité régional du tourisme de
Corse. |
LES MISSIONS ACTUELLES DES AGENCES ET OFFICES
OFFICES
ET AGENCES |
DATES DE CREATION |
MISSIONS ACTUELLES |
ODARC |
Loi du 30 juillet 1982, décret de juillet
1983 office maintenu par la loi du 13 mai 1991 |
* Article 65 de la loi
de 1991 : loffice est " chargé, dans le cadre des orientations définies
par la CTC, de la mise en uvre dactions tendant au développement de
lagriculture et de léquipement du milieu rural. "
* Loffice réalise tous travaux déquipement et
de modernisation des exploitations
* Il gère deux stations dexpérimentation agricole :
Migliacciaro et Altiani, réalise des études et essais
* Il est chargé dun programme régional de travaux
damélioration pastorale dans le cadre de la prévention des incendies.
* Son service forestier a pour objectif de donner à la
forêt privée les moyens de sortir de labandon et dinterrompre sa
dégénérescence |
OEHC |
Loi du 30 juillet 1982, décret de juillet
1983 office maintenu par la loi du 13 mai 1991 |
* Il étudie, réalise
et exploite
- les équipements nécessaires au prélèvement, au stockage
et au transfert des eaux,
- les réseaux collectifs dirrigation et
dassainissement des terres agricoles,
- des ouvrages à destination énergétique dont la puissance est
inférieure à 8000 kw,
- des ouvrages relatifs aux milieux aquatiques et marins.
* Il assure, en liaison avec lODARC, les actions
daccompagnement liées à la mise en valeur des terres irriguées. |
OTC |
Loi du 30 juillet 1982 maintenu par la
loi du 13 mai 1991 |
* Il est compétent en
matière de transports maritimes et aériens, et doit gérer la dotation de la
continuité territoriale
* Il négocie des conventions quinquennales avec les compagnies
concessionnaires du service public du transport maritime. |
ADEC |
Créée par lAssemblée de Corse le 23
octobre 1992. |
* Elle doit impulser,
coordonner et animer le développement économique de la Corse
* Elle aide à la création dentreprises, demplois,
au recrutement de cadres de haut niveau
* Elle soutient des projets dinvestissement et
dextension (par la bonification des taux dintérêt des aides directes à
linvestissement)
* Elle aide à la restructuration financière des entreprises
(par la bonification de prêts de consolidation)
* Elle facilite laccès au marché national et
international
* Elle favorise la création de zones dactivités. |
OFFICES
ET AGENCES |
DATES DE CREATION |
MISSIONS ACTUELLES |
ATC |
Prévue par la loi du 13
mai 1991 a succédé au comité régional du tourisme. |
* Elle assure la promotion
touristique de lîle (produits)
* Elle met en uvre une politique daide à la
modernisation de lhébergement touristique
* Elle doit favoriser le développement du tourisme rural
* Elle aide à la diversification de la production
touristique (produits commercialisés). |
OEC |
Loi du 13 mai 1991 |
* Il est chargé, dans
le cadre des orientations définies par la CTC, de sassurer de la protection, de la
mise en valeur, de la gestion, de lanimation et de la promotion du patrimoine de
la Corse
- protection et gestion des espaces et des équilibres
naturels, des espèces végétales et animales, des milieux aquatiques et marins
- prévention des incendies
- lutte contre les pollutions et nuisances
- sensibilisation et éducation à lenvironnement de tous les
publics
* Il coordonne la politique régionale denvironnement. |
Au total, le système actuel semble ne satisfaire que peu
dacteurs locaux et nationaux, et de nombreux élus corses se disent sceptiques
quant à la capacité de ces divers établissements à remplir efficacement les missions
importantes qui leur sont dévolues. La commission denquête a entendu de la
part de témoins provenant dhorizons différents des critiques similaires.
Les satellites de la Collectivité territoriale ont fait lobjet
dun certain nombre dinvestigations de la commission, qui a adressé des
questionnaires à lensemble de ces structures et sest rendue successivement
dans les locaux de lagence de développement économique de la Corse (ADEC), dans
ceux de loffice de développement agricole et rural de la Corse (ODARC) et, enfin,
dans ceux de loffice des transports de Corse (OTC). A lissue de ses travaux,
la commission denquête a pu établir un certain nombre de propositions qui figurent
dans la dernière partie du rapport.
b) La
bi-départementalisation
Renouant avec lépoque où lîle était divisée
entre le Golo et le Liamone, la loi du 15 mai 1975 portant réorganisation de la Corse a
donné naissance à deux départements qui sont parmi les plus petits de la France
métropolitaine tant en ce qui concerne la superficie (la Haute-Corse se classe 80ème
sur 96 et la Corse-du-Sud 85ème) que la population. Avec respectivement
126.000 et 135.000 habitants en 1998, la Corse-du-Sud et la Haute-Corse se classent au 94ème
et 92ème rang des départements par ordre de population décroissante.
Cette petite taille se retrouve également en ce qui concerne les
données financières. Avec plus de 865.000 francs de dépenses réelles totales
en 1996, la Corse-du-Sud se situe au 85ème rang des départements par ordre
décroissant de dépenses, et la Haute-Corse, avec près de 840.000 francs, au 87ème
rang. Par contre, selon le critère des dépenses réelles totales par habitant, les deux
départements corses se classent au 1er rang pour la Corse-du-Sud
(7.315 francs par habitant) et au 3ème pour la Haute-Corse
(6.367 francs par habitant).
Même si la limite entre les deux départements apparaît comme
géographiquement bien réelle, on peut sinterroger sur les avantages de ce
découpage. La bi-départementalisation a entraîné la multiplication par deux des
différentes instances politiques et administratives ainsi que des Chambres consulaires
dans lîle, voire parfois par trois, un échelon régional coiffant dans certains
cas les institutions départementales (cas des Chambres dagriculture).
c) Lémiettement communal
La Corse compte 360 communes, ce qui représente 1 % du
nombre total des communes de France.
Etant donné la population de lîle, ces communes sont
évidemment de petite taille : 304 (soit 84%) comptent moins de 700 habitants, 31
(soit 9%) comptent entre 700 et 2.000 habitants, 21 (soit 6%) entre 2.000 et 5.000
habitants, 2 (Corte et Porto-Vecchio) entre 5.000 et 10.000 habitants et 2 (Ajaccio et
Bastia) plus de 10.000 habitants.
Cet émiettement communal peut se retrouver dans dautres
départements ruraux du continent. Mais en Corse, il apparaît quil nest pas
compensé par un développement satisfaisant de la coopération intercommunale.
Sagissant des groupements sans fiscalité propre (syndicats à
vocation unique, syndicats à vocation multiple et syndicats mixtes), leur nombre ne
sélevait quà 122 en 1996 (dernière année connue), dont 71 syndicats à
vocation unique. Il apparaît que toutes les communes de Corse appartiennent au moins à
un de ces groupements et à plus de 3 en moyenne. La moyenne nationale est plus élevée
puisquelle dépasse 5.
Le retard de la coopération intercommunale concerne cependant
surtout les groupements dotés dune fiscalité propre (districts ou communautés de
communes). Ils ne sont quau nombre de 8 au 1er janvier 1998 (6
communautés de communes et 2 districts). Ce nombre na augmenté que faiblement au
cours des dernières années. Au district de Bastia créé en 1966, se sont ajoutés un
second district en Corse-du-Sud en 1991, deux communautés de communes en 1992, une
troisième en 1993 puis une chaque année depuis 1994.
Ces 8 groupements rassemblent 63 communes (soit 17,5% des communes de
lîle) et 69.110 habitants (soit 27,7% de la population). Si lon excepte le
district de Bastia qui regroupe à lui seul 5 communes et près de 50.000 habitants, les 7
autres regroupements ne comptent que 19.265 habitants, ce qui illustre leur faible
taille :
- deux atteignent presque 5.000 habitants : district de lAlta Rocca (12
communes, 4.909 habitants) et communauté de communes du Cap Corse (15 communes, 4.850
habitants),
- une seule communauté de communes dépasse 3.000 habitants : celle de
FiumOrbu (4 communes, 3.424 habitants),
- deux dépassent 2.000 habitants : celle de Moriani Tavagna (5 communes, 2.699
habitants) et celle du Taravu (9 communes, 2.192 habitants),
- les deux dernières dépassent 1.000 habitants : celle des deux Sorru (8 communes,
1.667 habitants) et celle de la haute vallée de la Gravona (5 communes, 1.341 habitants).
Le faible nombre de groupements et la faible ampleur de ceux-ci
témoignent donc dune faible propension à la coopération de la part des élus
communaux de lîle. De plus, le fonctionnement des structures communales apparaît
difficile. Il nest pas rare de constater dans les avis ou les lettres
dobservation de la Chambre régionale des comptes que les communes ne versent
quavec retard leurs cotisations, quelles continuent parfois dintervenir
dans des domaines quelles ont pourtant transférés au groupement auquel elles
adhèrent.
Cette réticence vis-à-vis de la coopération intercommunale distingue
la Corse des autres régions françaises. En ne considérant que les groupements à
fiscalité propre et la part des communes et de la population quils regroupent, il
apparaît que la Corse est restée à lécart du développement de la coopération
intercommunale observé depuis 1993.
EVOLUTION DE LA PART DES COMMUNES ET DE LA POPULATION
COUVERTES PAR UN ETABLISSEMENT DE COOPERATION INTERCOMMUNALE A FISCALITE PROPRE
|
1993 |
1998 |
|
Part des
communes |
Part de la population |
Part des communes |
Part de la population |
Alsace |
34,4 |
42,5 |
71,3 |
77,0 |
Aquitaine |
8,7 |
33,7 |
41,4 |
52,7 |
Auvergne |
4,2 |
8,2 |
23,1 |
38,6 |
Bourgogne |
6,6 |
26,7 |
28,9 |
53,6 |
Bretagne |
22,7 |
41,7 |
82,3 |
88,2 |
Centre |
2,3 |
8,5 |
19,2 |
20,5 |
Champagne-Ardenne |
12,5 |
32,4 |
47,9 |
61,3 |
Corse |
6,9 |
23,9 |
17,5 |
27,7 |
Franche-Comté |
5,5 |
28,9 |
29,3 |
58,5 |
Ile de France |
15,1 |
9,3 |
24,5 |
12,1 |
Languedoc-Roussillon |
9,5 |
20,3 |
32,0 |
43,6 |
Limousin |
7,6 |
6,3 |
28,3 |
26,4 |
Lorraine |
11,5 |
26,8 |
36,2 |
56,3 |
Midi-Pyrénées |
10,5 |
30,8 |
42,1 |
63,5 |
Nord Pas de Calais |
35,6 |
65,8 |
73,7 |
81,3 |
Basse Normandie |
17,4 |
41,4 |
62,8 |
73,5 |
Haute Normandie |
8,4 |
10,0 |
46,7 |
50,0 |
PACA |
16,8 |
28,3 |
37,0 |
47,1 |
Pays de la Loire |
22,1 |
43,2 |
80,5 |
85,7 |
Picardie |
16,5 |
26,1 |
71,6 |
77,9 |
Poitou-Charentes |
24,7 |
41,0 |
91,7 |
96,1 |
Rhône-Alpes |
16,6 |
35,3 |
59,1 |
74,4 |
D.O.M. |
0,0 |
0,0 |
54,9 |
56,1 |
France |
13,8 |
27,4 |
47,9 |
57,5 |
Source : Direction générale des collectivités
locales
Comme lindique le tableau ci-dessus, si elle était à
la traîne en 1993, la Corse létait en compagnie de nombreuses autres régions et
restait proche de la moyenne nationale. Parce que la coopération intercommunale a peu
progressé en Corse depuis lors, celle-ci a été rattrapée par les régions les plus en
retard ou distancée par les régions qui étaient déjà en avance. Elle a donc
décroché de la moyenne nationale : la part de la population regroupée nest,
en 1998, que la moitié de la moyenne nationale (27,7% au lieu de 57,5%) alors
quelle nétait que légèrement inférieure à celle-ci en 1993 (23,9% au lieu
de 27,4%).
2. Le manque de rigueur
des collectivités locales
Les dysfonctionnements que lon peut observer dans les
comportements des communes de Corse sont nombreux. Du fait de lémiettement
communal, ceux-ci portent certes parfois sur des sommes dérisoires en termes absolus,
mais présentent cependant une importance relative non négligeable.
Ces dysfonctionnements se rencontrent principalement dans trois
domaines : la gestion financière et comptable, lapplication des règles de
lurbanisme et la passation des marchés publics.
Dans la majorité des cas, ces dysfonctionnements ne manifestent pas
une intention maligne ou une volonté délibérée de sabstraire des règles
applicables. Beaucoup des témoins entendus par la commission denquête ont
souligné " le manque de professionnalisme " que lon
pouvait constater chez certains responsables locaux, qui conduirait à enfreindre des
règles élémentaires presque par inadvertance. Un magistrat de la Chambre régionale des
comptes faisait ainsi observer que " cest plutôt la bonne volonté des
maires pour gérer des communes ingérables et leur absence de professionnalisme et de
connaissance de certains circuits qui les conduisent à recourir à des pratiques
condamnables. Et comme, là non plus, elles nont pas été corrigées, on poursuit
dans cette voie, de sorte quon note une permanence de la dérive ".
Ces dysfonctionnements découlent également à lévidence des
difficultés financières que rencontrent bon nombre de communes.
a) Une gestion financière et comptable problématique
Plusieurs témoins ont souligné, devant la commission
denquête, que la situation financière de certaines collectivités était
particulièrement compromise : " il existe tout de même des situations
fragiles. Je crains, si lactivité touristique ne reprend pas, que lon en
arrive peu à peu à une situation très difficile, puisque des investissements lourds ne
sont pas rentabilisés " expliquait ce même magistrat de la Chambre
régionale des comptes.
· Les communes corses ont une marge
financière réduite et un train de vie élevé
" Par rapport à la moyenne nationale, le volume
budgétaire par habitant des communes de Corse est dun niveau élevé. En
1992, il se situe au troisième rang des régions après Provence-Alpes-Côte dAzur
et Languedoc-Roussillon. Les budgets communaux corses présentent des différences de
structure dont les plus sensibles sont les suivantes : place très importante des
dépenses déquipement brut, recettes fiscales faibles, niveau élevé des
transferts reçus (en recettes de fonctionnement) et des subventions et participations
reçues (en section dinvestissement).
" A lévidence, la demande des communes de Corse
en équipements est très forte et les ressources internes très faibles. Les besoins
déquipement sont donc satisfaits par un apport important de ressources externes
essentiellement en subventions et participations (
) La faiblesse en ressources
internes se situe au niveau des recettes fiscales. Le produit des quatre grandes taxes
locales dans la totalité des recettes réelles totales de lexercice (
) est
seulement de 19% en 1992 contre 30% en moyenne nationale.(
)
" Par rapport à leurs homologues continentales, les
dépenses de fonctionnement par habitant des communes corses sont supérieures. Frais de
personnel, intérêts de la dette et dépenses courantes de gestion sont plus
élevés ; par contre les transferts versés (
) sont plus faibles ".
Ce constat, réalisé en 1995 par lINSEE de Corse sur la base des
données relatives aux années 1991 et 1992, reste pour lessentiel toujours valable
quatre ou cinq ans plus tard.
Les données présentées ci-après portent sur lexercice 1996,
dernière année disponible. Portant sur lexploitation des comptes de gestion des
comptables publics, il sagit des données réelles et non de simples prévisions
budgétaires.
A lexception des communes comptant entre 2.000 et 5.000 habitants
et de la ville de Bastia, les dépenses de fonctionnement des communes corses sont
sensiblement supérieures à la moyenne métropolitaine. On constate notamment que les 304
communes corses de moins de 700 habitants dépensent en moyenne autant par habitant que
les communes françaises de 5.000 à 10.000 habitants. Cependant, il est clair que ce
" train de vie " élevé est partiellement explicable par
limportance dans ces petites communes de la population non permanente.
MONTANT DES CHARGES DE FONCTIONNEMENT
(en francs par habitant)
|
Moins de 700 hab. |
De 700 à 2.000 hab. |
De 2.000 à 5.000 hab. |
De 5.000 à 10.000 hab. |
De 10.000 à 20.000 hab. |
De 20.000 à 50.000 hab. |
De 50.000 à 100.000 hab. |
Plus de 100.000 hab. |
Corse |
4.877 |
4.331 |
3.730 |
5.427 |
sans objet |
5.271 |
6.194 |
sans objet |
France métropolitaine |
2.861 |
3.082 |
3.839 |
4.831 |
5.654 |
6.417 |
7.135 |
6.691 |
Source : Direction de la Comptabilité publique
Parmi les charges de fonctionnement, le poids des charges de personnel
se confirme. La disparité par rapport à la moyenne métropolitaine est encore une fois
particulièrement forte pour les 335 communes corses de moins de 2.000 habitants. On
notera également la confirmation du poids des dépenses de personnel dans la ville
dAjaccio qui, exprimées en francs par habitant, dépassent le niveau atteint
à Paris (3.937 francs par habitant à Ajaccio contre 3.402 pour la capitale).
CHARGES DE PERSONNEL DES COMMUNES CORSES
|
Moins de 700 hab. |
De 700 à 2.000
hab. |
De 2.000 à 5.000
hab. |
De 5.000 à
10.000 hab. |
De 10.000 à
20.000 hab. |
De 20.000 à
50.000 hab. |
De 50.000 à
100.000 hab. |
Plus de 100.000
hab. |
Montant des charges de personnel (en francs
par habitant.) : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1.752 |
1.724 |
1.661 |
2.803 |
sans objet |
2.909 |
3.937 |
sans objet |
|
871 |
1.088 |
1.490 |
2.109 |
2.699 |
3.140 |
3.475 |
3.085 |
Dans les produits de fonctionnement (en
%) : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
30,1 |
34,9 |
37,9 |
47,5 |
sans objet |
49,4 |
58,7 |
sans objet |
|
23,2 |
28,1 |
31,9 |
37,6 |
42,1 |
44,1 |
43,9 |
39,9 |
Dans les charges de fonctionnement (en %): |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
35,9 |
39,8 |
44,5 |
51,6 |
sans objet |
55,2 |
63,6 |
sans objet |
|
30,4 |
35,3 |
38,8 |
43,7 |
47,7 |
48,9 |
48,7 |
46,1 |
Source : Direction de la Comptabilité publique
La faiblesse des recettes internes, notamment celles issues de la
fiscalité directe locale, est manifeste. Pour lensemble des strates
démographiques, elles sont inférieures aux moyennes métropolitaines. On notera la
modicité des recettes issues du foncier non bâti, à lexception des deux communes
comptant de 5.000 à 10.000 habitants. A linverse, la fiscalité pesant sur les
ménages, au travers de la taxe dhabitation, est particulièrement élevée,
notamment dans les communes de moins de 2.000 habitants où elle apparaît deux fois plus
forte que la moyenne métropolitaine. Ainsi, le produit de la taxe dhabitation
votée dans les communes de 700 à 2.000 habitants dépasse de 8% celui observé dans les
villes moyennes (de 10.000 à 20.000 habitants) de lensemble du pays.
PRODUITS DES IMPOSITIONS DIRECTES
(en francs par habitant)
|
Moins de 700 hab. |
De 700 à 2.000
hab. |
De 2.000 à 5.000
hab. |
De 5.000 à
10.000 hab. |
De 10.000 à
20.000 hab. |
De 20.000 à
50.000 hab. |
De 50.000 à
100.000 hab. |
Plus de 100.000
hab. |
Foncier bâti : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
345 |
447 |
307 |
486 |
sans objet |
491 |
517 |
sans objet |
|
329 |
445 |
595 |
756 |
908 |
1.036 |
1.086 |
1.029 |
Foncier non bâti : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
11 |
22 |
20 |
77 |
sans objet |
2 |
5 |
sans objet |
|
272 |
154 |
82 |
44 |
27 |
15 |
14 |
7 |
Taxe dhabitation : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
567 |
760 |
509 |
762 |
sans objet |
596 |
967 |
Sans objet |
|
278 |
376 |
476 |
593 |
703 |
829 |
872 |
922 |
Taxe professionnelle : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
511 |
513 |
925 |
1.029 |
sans objet |
636 |
1.265 |
sans objet |
|
414 |
688 |
1.039 |
1.356 |
1.546 |
1.642 |
2.005 |
1.414 |
Total des 4 taxes : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1.434 |
1.742 |
1.761 |
2.354 |
sans objet |
1.725 |
2.754 |
sans objet |
|
1.293 |
1.663 |
2.193 |
2.749 |
3.184 |
3.523 |
3.977 |
3.372 |
Source : Direction de la Comptabilité publique
Cette faiblesse relative du produits des impositions directes reflète
la différence existant entre le potentiel fiscal moyen des communes corses et celui de
lensemble des communes métropolitaines. Pour toutes les strates démographiques, le
potentiel fiscal est sensiblement plus faible en Corse. Ainsi, le potentiel fiscal des
plus petites communes corses, celles de moins de 500 habitants, ne représente que 71% de
celui des communes métropolitaines appartenant à la même strate démographique.
POTENTIEL FISCAL DES COMMUNES EN 1998
(en francs par habitant)
Strates démographiques
(nombre de communes) |
Moins de 500 hab.
(264) |
De 500 à 999
hab.
(39) |
De 1.000 à 1.999
hab.
(28) |
De 2.000 à 3.499
hab.
(17) |
De 3.500 à 4.999
hab.
(6) |
De 5.000 à 7.499
hab.
(3) |
De 7.500 à 9.999
hab.
(0) |
De 10.000 à
14.999 hab
.(1) |
Potentiel fiscal : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1.228 |
1.757 |
2.102 |
2.416 |
2.504 |
2.248 |
sans objet |
3.244 |
|
1.728 |
2.040 |
2.339 |
2.783 |
3.072 |
3.269 |
3.361 |
3.428 |
Strates démographiques
(nombre de communes) |
De 15.000 à
19.999 hab.
(0) |
De 20.000 à
34.999 hab.
(0) |
De 35.000 à
49.999 hab
(1) |
De 50.000 à
74.999 hab
(1). |
De 75.000 à
99.999 hab.
(0) |
De 100.000 à
199.999 hab.
(0) |
Plus de 200.000
hab
(0). |
|
Potentiel fiscal |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
sans objet |
sans objet |
2.051 |
2.693 |
sans objet |
sans objet |
sans objet |
|
|
3.545 |
3.535 |
3.979 |
4.401 |
3.902 |
3.704 |
5.283 |
|
Source : Direction générale des collectivités
locales
Cette faiblesse des recettes internes est compensée dabord par
limportance des transferts reçus par les communes corses, aussi bien en ce qui
concerne le fonctionnement que linvestissement. Ainsi, pour les plus petites
communes (celles de moins de 700 habitants), les transferts de toute nature sont plus du
triple de ceux constatés dans lensemble de la France métropolitaine
(5.213 francs par habitant au lieu de 1.697).
TRANSFERTS REÇUS
(en francs par habitant)
|
Moins de 700 hab. |
De 700 à 2.000
hab. |
De 2.000 à 5.000
hab. |
De 5.000 à
10.000 hab. |
De 10.000 à
20.000 hab. |
De 20.000 à
50.000 hab. |
De 50.000 à
100.000 hab. |
Plus de 100.000
hab. |
Fonctionnement : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2.115 |
1.607 |
1.261 |
1.657 |
sans objet |
1.926 |
1.541 |
sans objet |
|
911 |
800 |
858 |
952 |
1.021 |
1.088 |
1.276 |
1.424 |
Investissement : |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
3.098 |
1.297 |
1.393 |
1.280 |
sans objet |
642 |
344 |
sans objet |
|
786 |
596 |
543 |
499 |
456 |
477 |
443 |
524 |
- Dotation globale de fonctionnement uniquement
Source : Direction de la comptabilité publique.
De même, il résulte de la faiblesse des recettes propres, et malgré
limportance des transferts, un endettement sensiblement plus élevé pour les
communes corses et, en conséquence, des charges financières particulièrement lourdes.
En cette matière également, la situation des 304 communes de moins de 700 habitants
apparaît particulièrement dégradée.
ENDETTEMENT DES COMMUNES
(en francs par habitant)
|
Moins de 700 hab.
|
De 700 à 2.000 hab. |
De 2.000 à 5.000 hab. |
De 5.000 à 10.000 hab. |
De 10.000 à 20.000 hab. |
De 20.000 à 50.000 hab. |
De 50.000 à 100.000 hab. |
Plus de 100.000 hab. |
Annuité de la dette :
- Corse
- France métropolitaine
|
1.066
615 |
887
784 |
1.075
986 |
1.250
1.154 |
sans objet
1.300 |
1.388
1.586 |
1.293
1.684 |
sans objet
1.714 |
Dette totale :
- Corse
- France métropolitaine
|
6.098
2.801 |
4.823
3.790 |
6.113
5.003 |
10.248
6.027 |
sans objet
6.533 |
7.028
7.065 |
8.720
8.115 |
sans objet
8.136 |
La rigidité des budgets liée au poids des charges de personnel et à
lexistence de besoins élevés compréhensibles en matière déquipement, la
faiblesse des recettes propres, la dépendance à légard des transferts en
provenance de lextérieur et le poids de lendettement, tout concourt à rendre
la situation financière des communes de lîle particulièrement difficile. De ce
fait, pour plusieurs communes le rééquilibrage du budget relève, selon la Chambre
régionale des comptes, de la " formalité impossible ".
Comme lexpliquait un haut fonctionnaire prenant lexemple de
la Haute-Corse, " cinquante-quatre communes bénéficient, si jose
dire, dindicateurs dalerte dans le réseau dobservation du Trésor
public, cest-à-dire un tiers des communes soit un pourcentage tout à
fait exceptionnel allant du chef-lieu du département à de toutes petites
communes, parfois dans des situations quasi désespérées ".
· Les factures impayées deviennent
courantes
Cette situation financière difficile des communes
nest pas étrangère à lapparition dun phénomène qui prend, en Corse,
une importance grandissante, celui des factures qui restent impayées.
Comme la expliqué, devant la commission denquête, un haut
fonctionnaire des finances : " Les engagements sont souvent pris à la
légère, ce qui fait que les entreprises, au moment où elles veulent être payées, se
heurtent au manque de disponibilités des collectivités locales ; doù un
dialogue de sourds tout à fait extraordinaire car de nombreuses collectivités locales ne
mandatent pas les factures quelles ont reçues. Le préfet mène des enquêtes
auprès des trésoriers qui sont capables de dire ce qui a été mandaté et non payé
faute de facture disponible, mais incapables de dire ce qui na pas été mandaté.
Et lon entend les entreprises de travaux publics dire quil y a
400 millions de francs de dette, ce qui pour 260.000 habitants nest pas
négligeable, et le Trésor public dire quil y a 40 ou 50 millions de francs de
dettes recensées, soit un facteur de un à dix. Tous les trésoriers que jai
rencontrés sont persuadés quil existe, de façon variable selon les communes, mais
parfois en quantité très importante, des stocks dimpayés en attente de
mandatement, celui-ci étant fait dailleurs souvent sans quil y ait
possibilité de payer. Mais on ne peut pas le faire de façon trop massive. Bien entendu,
il est très difficile dobtenir une statistique de cette situation tant que les
collectivités locales ne tiendront pas des comptabilités de type commercial. "
Ce problème avait été abordé devant la mission
dinformation sur la Corse. Le président de la fédération du bâtiment et des
travaux publics de la Corse-du-Sud expliquait comment il parvenait au chiffre de 400
millions de francs : " nous navons pas caché que ces dettes
ne sont pas obligatoirement issues de marchés signés mais quelles concernent
également un certain nombre de réalisations qui nont pas fait lobjet de
marchés et pour lesquelles des régularisations sont à faire, ici ou là. Lorsque le
préfet ramène le montant à 40 millions de francs, il ne vise que ce qui est
remonté officiellement mais exclut tout ce qui est imputable aux départements, aux
organismes publics ou parapublics (
) et ne prend en compte que les collectivités
bénéficiant dune fiscalité propre. " Il ajoutait quen outre
" des pressions ont été exercées sur des entreprises pour quelles ne
fassent pas remonter le niveau de leurs créances et, parallèlement, sur certains élus
pour quils névoquent par un certain nombre de situations ",
pressions exercées par " des politiques, certains ne voulant pas que
lon montre quils doivent de largent ".
Ces dettes des collectivités locales à légard des entreprises
perturbent lensemble du tissu économique puisquelles pèsent sur la
trésorerie des entreprises, amenant celles-ci à accumuler parfois à leur tour des
dettes sociales ou fiscales. Ainsi, le premier débiteur de lURSSAF est un
entrepreneur de bâtiment qui ne parvient pas à obtenir le paiement de sa créance par un
syndicat délectrification, malgré un jugement du tribunal administratif.
· Les comptes des communes manquent
de sincérité
Comme lexpliquait un magistrat de la Chambre
régionale des comptes, " la sincérité des comptes
est une question difficile, dans la mesure où les communes nhésitent pas à
inscrire des subventions quelles nobtiendront jamais pour pouvoir présenter
un budget en équilibre. Mais quand on fait le tri, on saperçoit que le
déséquilibre est réel. Beaucoup de comptes de communes moyennes,
voire importantes, ne sont pas sincères. Je ne citerai quun exemple. La commune de
Porto-Vecchio, qui est aussi en cours de contrôle, détient léquivalent de 15
millions de francs de factures impayées dans ses tiroirs. Cela fait craindre une
situation difficile lorsque ces 15 millions de francs seront rétablis dans le budget
et quil faudra bien les payer. Comme léquilibre du budget repose sur des
recettes qui ne sont pas réelles, mais très largement hypothétiques, nous allons nous
trouver devant une situation extrêmement difficile. Propriano se trouve dans une
situation similaire, de même que la petite commune de Lévie, qui présente la
particularité dêtre très endettée, puisquelle a, depuis trois ou quatre
ans, un trou de 16 millions de francs. Ce déficit ne saggrave pas mais reste
en létat. La question de la sincérité des comptes est un vrai sujet. "
En effet, les avis rendus en matière budgétaire ainsi que les lettres
dobservation de la Chambre régionale des comptes fourmillent dexemples de
budgets communaux qui ne sont pas votés en équilibre réel.
Dune part, certaines dépenses ne sont pas inscrites pour leur
montant prévisible ou ne sont pas inscrites du tout. Cest parfois le cas pour des
dépenses obligatoires, telles que par exemple les cotisations à un syndicat
intercommunal ou les contingents daide sociale. Cela arrive également fréquemment
pour les autres dépenses de fonctionnement, telles que dépenses délectricité ou
factures deau auprès de loffice déquipement hydraulique.
Dautre part, les inscriptions en recettes sont parfois tout aussi
problématiques. Il arrive que des subventions soient inscrites en recettes alors
quelles nont pas encore été demandées ou pas encore été accordées.
Il est clair que ce manque de sincérité des comptes des communes,
motivé par le souci de présenter des budgets en équilibre apparent, repose la question
de la responsabilité des comptables publics qui, notamment dans les plus petites
communes, jouent un rôle de conseil essentiel.
b) Lapplication difficile des règles durbanisme
Comme en témoignent les quelques exemples donnés dans
la deuxième partie de ce rapport, lapplication des dispositions relatives à
lurbanisme est devenue au fil des années lun des sujets majeurs et les plus
sensibles en Corse. Lapplication des dispositions du droit de lurbanisme -
quil sagisse de lélaboration des documents daménagement ou
durbanisme, de lapplication du droit des sols ou du contentieux de
lurbanisme rencontrent dimportants obstacles.
Sagissant des documents durbanisme et en particulier des
plans doccupation des sols (POS), on constate un faible nombre de communes couvertes
par un POS et un nombre relativement élevé de documents incompatibles avec la loi
littoral.
Si en Haute-Corse, la plupart des communes littorales est couverte par
un POS (56 communes sont dans ce cas sur lensemble du département), la plus grande
partie de ceux-ci est en cours de révision et, par ailleurs, incompatible avec la loi
littoral pour un motif ou un autre. En Corse-du-Sud, seules 18 communes disposent
dun POS approuvé. La moitié de ceux-ci est en cours de révision et la proportion
de ceux considérés comme incompatibles avec la loi littoral est estimée à 50%
également. Cest le cas du projet de POS de Bonifacio, arrêté par la commune en
décembre 1997, qui vient dêtre déféré devant le tribunal administratif par le
préfet.
Cela signifie quen Corse-du-Sud, de nombreuses communes
littorales ne sont pas dotées dun POS, les autorisations durbanisme demeurant
de la compétence de lÉtat sur le fondement de la loi littoral, des règles
nationales durbanisme, cest-à-dire de cartes communales aisément
modifiables.
Dans les deux départements, la mise en conformité des POS avec la loi
dans les communes littorales, territoires présentant des enjeux économiques importants
et des projets de développement parfois contradictoires avec les principes de protection,
génère souvent des mises au point laborieuses pouvant conduire à des situations de
blocage.
Celles-ci, ainsi que les annulations prononcées par le juge
administratif, conduisent même certains maires à regretter davoir élaboré un
POS, préférant à la limite gérer au coup par coup les demandes individuelles
dautorisations doccuper ou dutiliser le sol, même avec avis conforme du
représentant de lÉtat.
c) La passation des marchés publics
Les conditions dans lesquelles est appliqué le code des
marchés publics en Corse suscitent des discours très contradictoires.
Devant la mission dinformation sur la Corse, un certain nombre de
déclarations némanant pas de responsables locaux laissaient entendre que la
situation était dans lensemble satisfaisante.
" Je crois pouvoir dire que les conditions de passation
des marchés publics en Corse sont satisfaisantes. Le seul élément moins satisfaisant
que nous avions pu noter dans le passé, qui est en voie datténuation, est la
pratique du localisme, qui conduit à sadresser principalement aux entreprises
locales " indiquait le directeur général de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes. Il relativisait également les anomalies
constatées en Corse : " nous avons constaté un certain nombre
danomalies dans les relations avec les différentes collectivités locales, mais que
lon retrouve à peu près partout, portant sur labsence de publicité, les
avenants excessifs, le tronçonnage des marchés pour éviter quils ne dépassent un
certain seuil et soient soumis à une commission dappel doffres, les fausses
qualifications ".
Cette constatation a également été faite devant la commission
denquête. Un haut fonctionnaire des finances indiquait en effet : " un
effort très important a été consenti, notamment par la direction de la concurrence et
les préfectures pour que soient adoptées des murs plus régulières en matière de
marché public. Je crois que ces efforts ont abouti. On a
limpression quaujourdhui, les marchés publics passés en Corse par les
collectivités locales le sont dans des conditions relativement satisfaisantes, avec
cependant quelques problèmes, dont celui de la réalité de la concurrence dans
lîle. Il est bien évident que linsularité pèse à tous points de vue, à
travers les murs, mais également à travers la géographie. On ne peut pas faire
appel, pour beaucoup de marchés, sauf sils sont très importants, ce qui reste tout
de même rare, à des entreprises du continent, quelles soient françaises ou
italiennes. ". Il ajoutait que " pour les petites communes, se
pose le problème des achats hors marché. Beaucoup de prestations se font sous le régime
des achats sur facture. Nous navons là aucune garantie que ce soit fait suivant des
normes convenables. "
Pourtant, un magistrat de la Chambre régionale des comptes semblait
plus réservé dans les propos quil a tenus devant la commission denquête,
estimant quil y avait " beaucoup à dire " et que la
situation était " assez délicate ". Il évoquait, en effet,
" les pratiques rendues possibles par le code des marchés publics qui
comporte, à mon sens, certaines faiblesses. Il est très simple de déclarer des marchés
infructueux. Il suffit de ne pas présenter de cahier des charges correct pour que les
résultats ne correspondent pas à ce que lon attendait réellement, et non pas par
écrit. On passe alors immédiatement au marché négocié, et on traite avec les plus
proches. Cest une pratique récurrente. On est toujours sur le fil du rasoir. Les
procédures formelles sont respectées, mais il est évident que lesprit des textes
est largement détourné. "
Le cloisonnement géographique et les structures économiques de
lîle sont des arguments fréquemment avancés pour expliquer que la concurrence
sexerce en Corse dans des conditions plus limitées quailleurs. Les
entreprises de bâtiment souvent de petite taille nont ainsi quune activité
très localisée.
A linverse, le cumul de fonctions électives et de
responsabilités, passées ou non, dans des activités liées au bâtiment et aux travaux
publics ne peut évidemment que susciter quelques interrogations.
Sur ce point, la transmission par les préfets au parquet, dans le
cadre de larticle 40 du code de procédure pénale, de nombreux marchés publics
témoigne de lexistence de doutes sur la régularité et la sincérité des
procédures. Il est aujourdhui de la responsabilité des tribunaux de trancher et de
dire le droit.
Ainsi, les services de la concurrence ont pointé trois marchés
publics pour lesquels le délit de prise illégale dintérêt pourrait être
constitué. Il sagit de deux marchés passés en 1995 et 1996, pour un montant total
de près de 9,8 millions de francs, par le département de Haute-Corse, alors
présidé par M. Paul Natali, avec deux entreprises dirigées par son fils et sa fille.
Ces deux entreprises ont également bénéficié, ces mêmes années, dun marché
passé par la commune de Borgo, dont le maire est lépouse de M. Natali et donc la
mère des co-gérants, pour un montant de 12,5 millions de francs.
De même, le préfet de Haute-Corse a saisi, en mai dernier, le parquet
de lensemble des marchés passés par la commune et le district de Bastia avec
lentreprise de travaux publics Vendasi. Il évoque en effet un " délit
de favoritisme, voire de délit de prise illégale dintérêts, sagissant de
ceux dévolus par létablissement public de coopération intercommunale, depuis
lélection en juin 1995 de M. Jean-Jacques Vendasi, comme maire de Furiani, commune
membre du district ". Sagissant de la commune, le préfet notait un
taux de dévolution des marchés à la société Vendasi " hors du
commun ". La saisine porte sur 16 marchés passés, depuis 1994, par la
ville pour un montant total de près de 40 millions de francs, soit plus de 54% des
marchés de travaux publics passés par elle. Pour le district, 22 marchés sont visés
par la saisine, représentant un montant total de 146,9 millions de francs, soit 83%
des marchés de travaux publics passés par le district depuis 1994.
La pratique des marchés oraux a été parfois évoquée devant la
commission. " Il faut voir comment cela passe concrètement " a
expliqué un haut fonctionnaire " le maire se promène dans la rue, il voit
un trou dans le trottoir. Il avise le petit artisan du village et lui dit "tu
marranges ça et tu envoies la facture à la mairie". Il est clair
quun engagement de dépense dans ces conditions a été réalisé en violation de
toutes les règles de la comptabilité publique. Cela explique également pourquoi un
certain nombre de factures sont payées avec retard puisquil faut procéder à de
multiples régularisations administratives qui occasionnent de nombreux aller-retour entre
le maire et son comptable.
Enfin, pour les marchés de plus grande importance, un phénomène plus
récent a été évoqué devant la commission denquête par un haut responsable de
lîle. " Les maîtres douvrage doivent sacquitter
dune part dautofinancement ; pour les communes, et pas seulement pour
elles, celle-ci est très compliquée à mobiliser. Cela les conduit à solliciter des
avances. Or, solliciter des avances sur subvention aux entreprises bénéficiaires de
marchés est extrêmement dangereux, car cela met en situation de monopole un certain
nombre dentreprises qui, seules, peuvent pratiquer de telles avances ;
cest par exemple le cas de la compagnie de leau et de lozone qui a
acquis une situation de quasi-monopole sur lîle ".
Les services déconcentrés de lÉtat se trouvent également dans
une situation plus difficile vis-à-vis des marchés passés par les Chambres consulaires.
De par leur nature juridique, les marchés publics et les délégations de service public
passés par celles-ci ne sont pas soumis au contrôle de légalité préfectoral. La seule
vérification du respect du code des marchés publics qui sexerce au niveau
départemental ou régional seffectue au sein des commissions douverture des
plis auxquelles les Chambres sont tenues dinviter les représentants des directions
de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Or, sil
apparaît que la Chambre de commerce et dindustrie de Corse-du-Sud adresse
régulièrement les convocations nécessaires, celle de Haute-Corse ne le fait,
daprès les informations recueillies par la commission denquête, que
depuis
mai 1998 !
3. Les stratégies
ambivalentes des responsables locaux
Les observateurs insulaires ne sont pas toujours les plus
indulgents lorsquil sagit dapprécier le comportement des pouvoirs
locaux, accusés de navoir pas pris la mesure de leurs responsabilités accrues par
la décentralisation et de pratiquer la stratégie du " toujours
plus ".
Dans le contexte actuel résultant de lassassinat du préfet
Claude Erignac, un autre comportement ne laisse pas détonner. La politique
actuellement menée par le gouvernement ne suscite pas toujours lapprobation
publique que les discours tenus précédemment pouvaient laisser espérer.
a) Des pouvoirs locaux qui nont pas pris la mesure de
leurs responsabilités
Les réformes successives appliquées à
lorganisation institutionnelle de la Corse avaient pour objectif essentiel, on
la vu, de donner aux habitants de lîle et aux représentants quils se
choisissaient toutes les clés pour prendre en main leur destin. Or, il apparaît que la
décentralisation, appliquée en Corse avant les autres régions, na pas eu tous les
effets escomptés.
· Des pouvoirs locaux qui ont
encore lhabitude dattendre tout de Paris
Dans le livre dhumeur quil vient de publier,
lhistorien et journaliste Robert Colonna dIstria écrit : " Le
drame de la décentralisation, pour les élus de la vieille école, cest quils
ont dû, un beau matin, prendre des responsabilités. Ils trouvaient infiniment plus
commode de sen tenir à un rôle de représentation, de protestation, de
revendication par rapport à cette entité abstraite et lointaine quétait
lÉtat. Il était infiniment plus commode, pour eux de pouvoir, à la première
décision maladroite, se retourner vers leurs électeurs et leur dire en substance :
" ce nest pas ma faute ; jaurais bien voulu, mais je nai pas
pu" ".
Un ancien ministre a, devant la commission denquête, tenu des
propos similaires : " Le plus grand malheur que la Corse ait connu au
cours des dernières années, cest la décentralisation. Pour une raison très
simple, cest quun élu corse, quest ce que cela fait ? Ça pleure
à Paris. Et quand vous dîtes à lélu corse : " je vais te donner de
largent et le pouvoir et tu régleras tes problèmes tout seul sur place ",
cest une catastrophe pire quune sécheresse ou des incendies prolongés. Parce
que la technique de lélu corse a toujours été de dire, beaucoup plus
quailleurs, " cest Paris, cest la faute à Paris, etc
". Pendant des années, cela a été un rideau de fumée ".
Un ancien préfet de Corse déplorait lui aussi la défaillance de la
classe politique en évoquant les budgets quil avait dû régler à la place des
élus : " Le premier, je lavais réglé doffice.
Lannée suivante, les membres de lAssemblée ne lont pas voté.
Jai demandé sils nétaient pas gênés ou vexés que le préfet le
règle à leur place. Le président ma répondu : " vous faites cela
très bien, nous débattons et vous, vous décidez. " Cela compliquait
sérieusement la tâche. "
· Des pouvoirs locaux qui manquent
de vision générale
" Il y a le fait cela mavait
beaucoup frappé lors des discussions que nous avions eues avec lAssemblée de Corse
que si la Corse est une région qui ne manque pas dintelligences ni de gens
brillants, peu de gens ont une vision globale des choses. Jen avais rencontrés,
mais ils nétaient pas très nombreux.(
)Trop souvent, on attend un poste de
cantonnier ou de facteur et lon considère quainsi, lélu a fait
son devoir. Il la fait, mais ne la fait quen partie parce que, dans le
même temps, il ne sintéresse pas suffisamment aux problèmes généraux de
lîle. Cela fait partie des difficultés " a déclaré devant la
commission denquête un responsable politique dorigine corse.
Cette absence de vision générale sobserve dans
lévolution de lAssemblée de Corse, dont beaucoup dobservateurs disent
quelle sest bornée à devenir un " super conseil général ".
" Les chefs de clan étaient tous opposés à la
régionalisation et au statut particulier. Mais quand ils ont vu que cétait
inévitable, ils lont utilisé. Ils ne laissaient rien passer ; ça fait partie
du maillage
Ils ont pu contrôler un budget important et, très vite, ils en ont
fait une sorte de super conseil général. On partageait les crédits entre les groupes
selon leur poids politique, avec un bonus pour le président, et chaque groupe donnait sa
liste de communes (
) Cest pour cela que la région est intervenue dans des
domaines qui nétaient pas les siens, mais ceux dun conseil général (
) "
déclare un fonctionnaire régional, cité par Jean-Louis Briquet.
De même, un ancien élu régional raconte à ce dernier son
expérience : " Mais tout de suite, je me suis trouvé isolé dans
lAssemblée. je prêchais dans le désert parce que ce qui mintéressait,
cétait le développement économique. On acceptait ce que je disais mais, après,
cela tombait dans la trappe.(
) Un jour, on vote à lAssemblée le compte
administratif et je regarde le document. Je vois 30.000 francs à telle commune pour
le chemin du cimetière, 20.000 à telle autre pour je ne sais quel club sportif, etc. On
ma écouté, mais après des collègues sont venus me dire quil ne fallait pas
faire de remarques de ce genre, que 30.000 francs pour leur commune, cest
quinze ou vingt électeurs(
) ".
La difficulté de faire de véritables choix témoigne également de
ces carences.
Les conditions délaboration du schéma daménagement de la
Corse en sont une première illustration. Sa rédaction avait été confiée à
lAssemblée de Corse par la loi du 30 juillet 1982. En 1990, constatant que la
région, occultant les difficultés, navait pas opéré de choix véritables, le
gouvernement a confié cette mission au préfet de région, ce qui aboutit à
lapprobation par un décret du 7 février 1992 dun schéma daménagement
aussitôt contesté par les élus corses, qui ont cependant vu leur recours rejeté par le
Conseil dÉtat.
De même, le contenu du plan de développement, adopté par
lAssemblée de Corse en septembre 1993, confirme une telle appréciation. Comme
lécrit le sénateur Jacques Oudin dans son rapport de 1994, " le plan
affirme un choix clair et volontaire en faveur du développement économique. Pour autant,
même sil reconnaît au tourisme un poids particulier quil convient de mettre
à profit, il ne privilégie aucun secteur.(
) Les difficultés liées dans toute
région française, et singulièrement en Corse, à la définition de choix
daménagement du territoire ont conduit les auteurs du plan à gommer les
divergences qui existent entre les diverses sensibilités corses pour ne plus retenir que
le plus petit commun dénominateur. Le caractère consensuel du plan de développement est
ainsi à la fois sa force et sa faiblesse ".
La commission denquête en a eu une certaine confirmation
lorsquelle a entendu, sur place, les responsables de certains offices. Lagence
de développement économique de la Corse na développé jusquà
aujourdhui que des actions de portée générale, les actions plus ciblées restant
marginales.
b) Des pouvoirs locaux qui pratiquent la stratégie du
" toujours plus "
La propension à attendre tout de Paris conduit
inévitablement à développer une attitude fortement revendicatrice et sapparentant
au " toujours plus ". Cette stratégie est largement commune
aux élus et aux milieux socio-professionnels il est vrai que la frontière entre
eux est souvent ténue.
Les discussions qui ont précédé ladoption du statut fiscal de
la Corse ou de la zone franche, ainsi que les appréciations ultérieures portées sur
eux, en constituent un exemple parfait.
Lors de sa séance du 22 décembre 1993, lAssemblée de Corse
avait adopté un projet de statut fiscal spécifique pour la Corse quelle
transmettait au gouvernement. Outre " la préservation des droits acquis ",
ce projet témoignait dune " attitude offensive " dans
ladaptation de la fiscalité corse aux grandes orientations du plan de
développement. Dès lintroduction, lAssemblée révélait son approche :
" Ces propositions sont émises sans considérations relatives à leur coût
global sur lequel il appartient au gouvernement de trancher. En tout état de cause, dans
la suite des diverses délibérations et motions adoptées par lAssemblée, la
Collectivité territoriale de Corse sest naturellement refusée à se placer sous la
contrainte dune révision des dispositions fiscales actuelles à enveloppe
constante. La fiscalité est en effet une voie privilégiée dexpression de la
solidarité nationale et européenne, solidarité que la Corse attend ".
Il nest pas possible de recenser lensemble des dispositions
figurant dans ce document, puisquelles portent sur toutes les catégories
dimpôts existants, de la fiscalité du patrimoine à la TVA en passant par
limpôt sur le revenu :
- sagissant de la fiscalité du patrimoine : exonération des droits de
mutation par décès, exonération pour 15 ans de la taxe foncière sur les propriétés
bâties dans les communes de moins de 1.000 habitants notamment pour les constructions
neuves et réduction de moitié des droits denregistrement sur les mutations à
titre onéreux,
- sagissant de la TVA : instauration dun taux spécifique à 5% pour les
secteurs et productions stratégiques indispensables à léquilibre économique de
la Corse (bâtiment et travaux publics, télécommunications, produits de
lartisanat, ventes à consommer sur place,
), relèvement de la franchise de
TVA,
- sagissant des contributions indirectes : pérennisation de la réfaction de
taxe intérieure sur les produits pétroliers, du régime spécifique sur les alcools et
du taux préférentiel du droit de consommation sur les tabacs ;
- sagissant de la mise en place dun programme spécifique à
linsularité pour la Corse : instauration dune taxe spécifique sur les
produits pétroliers vendus en Corse destinée à abonder un fonds de développement
régional,
- sagissant des aides fiscales en faveur du développement économique et de la
localisation dinvestissements productifs en Corse : exonération partielle des
bénéfices réalisés pour les entreprises exerçant lensemble de leurs activités
en Corse (75% pendant 3 ans, 25% pour les deux années suivantes), instauration dun
crédit dimpôt égal à 25% des investissements réalisés ou du coût des biens
pris en crédit-bail, transposition à la Corse du régime de défiscalisation des
investissements dans les DOM-TOM,
- sagissant de " mesures complémentaires " :
exonération de taxe professionnelle pour les entreprises situées dans des communes de
moins de 1.800 habitants, réduction de 30% (dans la limite de 25.000 francs) de
limpôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés fiscalement en Corse.
Outre quil témoigne dune parfaite connaissance de tous les
recoins du code général des impôts, ce véritable catalogue témoigne aussi de cette
absence de vision générale relevée ci-dessus : personne nest oublié et les
effets attendus de telles dispositions ne sont explicités quen termes très vagues.
Ce maximalisme nest certes pas lapanage des élus
territoriaux. Lors de leurs auditions devant la mission dinformation sur la Corse,
lensemble des milieux socio-professionnels entendus exprimaient, au travers de leur
jugement négatif sur linstauration de la zone franche, une attitude comparable, en
revanche plus compréhensible étant donné la vocation des organismes en cause.
Ainsi, par exemple, le président de lunion patronale artisanale
de Haute-Corse jugeait linstitution de la zone franche " incomplète "
et plaidait pour la fixation du taux de la TVA entre 0 et 5%, des défiscalisations, des
allégements de charges et pour lobtention de prêts à taux modérés. Opinion
partagée par le président du Rialzu Economicu qui soulignait que " la zone
franche avait suscité beaucoup despoirs et ces espoirs ont été déçus " :
il souhaitait une baisse de la TVA, des charges sociales et de limpôt pour les
particuliers, tout en reconnaissant que cela ne suffirait pas à relancer léconomie
et la consommation.
De même, les manuvres dorganisations, dans le domaine
agricole ou touristique, qui plaident pour un traitement indifférencié et global des
problèmes dendettement, et non un examen individualisé des dossiers, participent
de cette stratégie du " toujours plus ", quelquefois appuyée sur des
comportements violents. Ainsi, dans une lettre du 26 avril 1996 adressée au préfet
Claude Erignac, M. Michel Valentini, président de la Chambre régionale
dagriculture, écrivait : " la consolidation du secteur agricole
en Corse passe avant tout et en premier lieu par la sauvegarde immédiate de centaines
dexploitations menacées par le dépôt de bilan. Cest-à-dire quune
mesure de désendettement global et général doit être mise en uvre dans les plus
brefs délais ".
c) Le difficile positionnement des élus locaux
Les déclarations publiques des responsables locaux de
lîle pour reprocher à lÉtat davoir manqué à ses responsabilités et
davoir une part écrasante dans la situation actuelle de la Corse nont jamais
manqué, de même que les propos vertueux sur la nécessité de rétablir lÉtat de
droit et de veiller au respect des lois en Corse comme ailleurs.
Ce sont les propos quont tenus la plupart des élus entendus par
la mission dinformation sur la Corse, quil sagisse des parlementaires de
lîle, des représentants de toutes les formations politiques alors représentées
à lAssemblée territoriale, des délégations des deux conseils généraux
emmenées par leurs présidents, des représentants des associations de maires, etc
La multiplicité de tels discours, dont la mission dinformation
est loin davoir eu lexclusivité, aurait pu laisser penser que la politique
menée sur lîle après lassassinat du préfet Claude Erignac susciterait de
la part de ces mêmes responsables des marques de soutien ou dapprobation.
Or, force est de constater le " silence assourdissant de
la classe politique ", pour reprendre la formule employée par un haut
responsable sur lîle.
Le refus, le 23 juillet dernier, dentamer la discussion
dune motion présentée par M. Simon Renucci devant lAssemblée de Corse
est, à cet égard, assez symptomatique. Ce projet de motion demandait à
lAssemblée daffirmer " sa détermination à voir aboutir les
procédures judiciaires que la situation rend nécessaires dans le respect scrupuleux des
principes fondamentaux du droit, des libertés individuelles et de la dignité des
personnes " et à souhaiter " que les faiblesses parfois
les complaisances que les précédents pouvoirs centraux ont cru devoir manifester
à légard des pratiques illégales et des actions violentes (
)soient
définitivement dépassées ". Appliquant rigoureusement le règlement
intérieur de lAssemblée, la commission permanente a suivi le président de
lAssemblée refusant lexamen de cette motion, celle-ci ayant été déposée
deux heures après le délai imparti, renvoyant ainsi éventuellement la discussion à la
rentrée de septembre.
Au lieu de lapprobation et du soutien attendus, les déclarations
officielles ou les entretiens accordés par des élus depuis février ont été
essentiellement destinés à dénoncer le risque de " lamalgame ",
à rappeler les manquements antérieurs de lÉtat, voire à proclamer sa solidarité
avec un élu mis en cause. Des craintes se sont également exprimées quant au le risque
de voir lÉtat mettre en danger les règles de la décentralisation ou le respect
des droits individuels.
Dès la première séance de lAssemblée de Corse, son nouveau
président regrette que la " nécessaire remise en ordre (se soit)
parfois faite de façon choquante ".
Certains responsables mis en cause sétonnent que
ladministration leur reproche aujourdhui des actes qui navaient fait
lobjet daucune remarque antérieurement.
Ainsi, le maire dAjaccio, contraint de soumettre le budget de la
ville à un nouvel examen du conseil municipal, regrette " seulement que, de
1989 à 1995, les contrôles de légalité et les comptables successifs naient cru
devoir faire aucune observation, attirant lattention de la ville sur cette erreur,
ce qui aurait évité la situation actuelle ".
Sétonnant que le préfet de Haute-Corse ait décidé de ne pas
participer à lassemblée générale de la Chambre de commerce et dindustrie
pour ne " pas cautionner les pratiques budgétaires " de
celle-ci, son président précisait de même que " depuis 1986, je peux vous
certifier que tous les budgets primitifs et modificatifs de la Chambre ont toujours été
votés à lunanimité par (ses) membres puis transmis et approuvé sans aucun
problème par la tutelle, en loccurrence le ministère concerné et la préfecture ".
Après avoir, lui aussi, souligné le " silence fracassant "
de la classe politique locale, M. Toussaint Luciani a souhaité dans le même mouvement et
non sans ambiguité, au cours dune conférence de presse, que " ne
sinstaure pas une vision réductrice, plaçant les noirs du Cap à Bonifacio, et les
chevaliers blancs sur les bords de la Seine ". Il réaffirmait que
" le droit des individus et la hiérarchie des préjudices "
sont aussi importants que le respect de la loi, rappelant que " lÉtat
de droit ne doit pas être le droit de lÉtat ". Enfin, il estimait
lui aussi que lÉtat oubliait un peu trop ses " carences passées ".
La mise en examen du maire de Propriano pour favoritisme et prise
illégale dintérêt dans laffaire de lextension du port de plaisance de
la commune a suscité lindignation de lassociation des maires du département
et la solidarité du conseil municipal.
Le conseil dadministration de lassociation des maires de
Corse-du-Sud a exprimé dans un communiqué " son indignation sur la façon
dont a été menée linterpellation dEmile Mocchi, maire de Propriano. Sans
simmiscer sur le fond quant à une procédure qui relève de la compétence
exclusive de la justice, la forme spectaculaire utilisée est choquante et jette un peu
plus lopprobre sur les élus locaux. Si le rétablissement de lÉtat de droit
en Corse est souhaité, lassociation ne pense pas que les moyens employés,
accompagnés dune forte médiatisation, soient aujourdhui de nature à servir
les intérêts de la Corse et des Corses ".
Quant au conseil municipal de Propriano, il a adopté une résolution
dans laquelle il " renouvelle toute sa confiance au maire et sa solidarité
dans laction municipale " et, inquiet, " lui souhaite
une meilleure santé et surtout de ne plus différer une intervention programmée
depuis trop longtemps ".
Les méthodes employées dans le cadre de la nouvelle politique de
lÉtat dans lîle sont également critiquées.
Ainsi, le syndicat Force Ouvrière, par la voix de son secrétaire
général, estime que " si une bonne application des lois est une impérieuse
nécessité pour envisager un autre avenir, laction entreprise par le gouvernement
se doit dune part dêtre claire pour être lisible par tous, et dautre
part, en fonction des domaines abordés, dêtre juste et de prendre en compte les
propres responsabilités de lÉtat lui-même qui ont conduit notre région à la
situation daujourdhui. " Il annonce, en outre, quil
" sopposera au besoin par laction syndicale à toutes mesures qui
travesties de lhabit républicain du retour à lÉtat de droit auront pour
conséquence de faire des salariés les victimes dune mise aux normes inadaptée ".
Plus graves, ces critiques adressées au nouveau cours de la politique
menée dans lîle saccompagnent également de manuvres étonnantes.
Dans un entretien accordé à la fin du mois de juin à un quotidien
local, le préfet Bernard Bonnet mettait en garde contre " les manipulateurs
de lÉtat de droit qui se transforment en agitateurs publics irresponsables pour
pratiquer la politique du pire ". Il indiquait en effet que " sous
prétexte dÉtat de droit, de nombreuses initiatives sont actuellement prises qui
nont dautre objectif que dexaspérer la situation ",
précisant : " les découverts bancaires même les plus modestes sont
subitement refusés, les huissiers de justice sont soudainement sollicités pour le
recouvrement de créances souvent anciennes, les rumeurs les plus fausses de suppressions
daides publiques sont diffusées ".
- Cliquer ici pour consulter la suite du rapport
Partie III-D , annoncée ci-dessous.
D. Lémergence dun
" système "
- Cliquer ici pour retourner au sommaire général
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