Études de législation comparée

La publicité pour l'alcool en Europe

juillet 2004

Presque tous les pays d’Europe réglementent la publicité pour les boissons alcoolisées. Ceux qui appartiennent à l’Union européenne édictent des règles qui vont parfois bien au-delà des exigences du droit communautaire, qui leur prescrit seulement d’imposer un encadrement minimal à la publicité pour l’alcool. Les scientifiques se sont demandés si ces mesures permettaient effectivement d’abaisser la consommation moyenne d’alcool par habitant.

 I – DES NORMES EUROPÉENNES MOINS CONTRAIGNANTES QUE LA LÉGISLATION FRANÇAISE

L’Union européenne n’a pas adopté de texte général qui soit spécialement consacré à la publicité en faveur des boissons alcoolisées. Le droit communautaire aborde la question de manière fragmentaire à travers deux textes : une directive de 1989 relative à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle définit des règles en matière de publicité à la télévision en faveur des boissons alcoolisées ; une recommandation de 2001 concernant la consommation d’alcool chez les jeunes traite de la promotion, de la commercialisation et de la vente au détail des produits alcoolisés.

 A - La publicité à la télévision : un simple encadrement

La directive de 1989 [1] interdit toute publicité télévisée pour le tabac, mais se borne à encadrer la publicité télévisée en faveur des boissons alcoolisées. Son article 15 prévoit notamment que :

La publicité télévisée pour les boissons alcooliques doit respecter les critères suivants :

a) elle ne peut pas être spécifiquement adressée aux mineurs et, en particulier, présenter des mineurs consommant ces boissons ;

b) elle ne doit pas associer la consommation d'alcool à une amélioration des performances physiques ou à la conduite automobile ;

c) elle ne doit pas susciter l'impression que la consommation d'alcool favorise la réussite sociale ou sexuelle ;

d) elle ne doit pas suggérer que les boissons alcooliques sont dotées de propriétés thérapeutiques ou ont un effet stimulant, sédatif ou anticonflictuel ;

e) elle ne doit pas encourager la consommation immodérée de boissons alcooliques ou donner une image négative de l'abstinence ou de la sobriété ;

f) elle ne doit pas souligner comme qualité positive des boissons leur forte teneur en alcool.

Claire, précise et inconditionnelle, cette directive encadre de manière détaillée la législation des États. Au demeurant, lors de sa transposition dans leur ordre juridique national, certains d’entre eux ont durci les conditions imposées par le texte. Ainsi, la Belgique n’autorise pas la présentation à l’écran de femmes enceintes, le Portugal n’accepte pas de publicité pour l’alcool entre 7 heures et 21 heures 30. En Irlande, les individus qui apparaissent à l’écran doivent avoir au moins vingt-cinq ans. Au Royaume-Uni, la publicité pour les boissons alcooliques est prohibée entre 16 heures et 17 h 45, dans les émissions pour enfants et dans les émissions religieuses.

B – Les autorités européennes parient plutôt sur l’incitation

La directive de 1989 constitue le texte européen le plus rigoureux en matière de publicité pour les boissons alcooliques, car les autorités communautaires ont préféré par la suite recourir à des instruments moins contraignants.

Le Conseil des ministres a adopté le 5 juin 2001 une simple recommandation assortie de conclusions. Affichant une volonté de réduire les dommages liés à l’alcoolisme, les conclusions appellent au développement d’actions communautaires « dans des domaines tels que la recherche, la protection des consommateurs, les transports, la publicité, le marketing, le parrainage, les droits d’accise… ». La recommandation met quant à elle l’accent sur l’« autorégulation dans le domaine de la publicité pour les boissons alcoolisées », laissant ainsi aux professionnels le soin de s’imposer leur propre discipline, en édictant par exemple des codes de bonne conduite.

La directive de 1989 comme la recommandation de 2001 font directement référence aux « jeunes, notamment les enfants et les adolescents ». La plupart des textes européens sur les boissons alcoolisées portent en effet l’empreinte d’une volonté de protéger spécialement cette couche plus fragile et plus influençable de la population.

Les États membres sont libres au demeurant d’adopter des dispositions nationales plus générales ou plus restrictives.

 II – PANORAMA DES LÉGISLATIONS NATIONALES EN EUROPE

La publicité pour les boissons alcoolisées se voit imposer dans la plupart des États européens des limitations qui vont de l’interdiction formelle à l’adoption volontaire par les professionnels de codes de bonne conduite en passant par de simples restrictions légales. Ces règles couvrent les quatre grands espaces publicitaires : télévision, radio, presse et affichage.

 RESTRICTIONS RELATIVES À LA PUBLICITÉ DE L’ALCOOL À LA TÉLÉVISION ET À LA RADIO DANS 40 PAYS
(nombre de pays concernés)
 

Type de restrictions

Spiritueux

Vins de table

Bière

TV

Radio

TV

Radio

TV

Radio

Interdiction formelle

15

13

12

11

9

8

Restriction légale

14

14

16

15

14

12

Codes de bonne conduite

8

7

8

7

9

9

Aucune restriction

3

6

4

7

8

11

Source : OMS 2001 – Rapport sur l’alcool en Europe (traduction française)

 Sur quarante pays étudiés par l’Organisation mondiale de la santé en 2001[2], vingt‑neuf interdisent ou restreignent par voie légale la publicité télévisuelle pour les spiritueux, vingt-huit pour le vin et vingt-trois pour la bière. Une interdiction formelle prévaut dans sept pays pour la publicité dans la presse écrite : Biélorussie, Islande, Norvège (sauf pour la bière), Pologne, Fédération de Russie, Slovénie, Ouzbékistan (sauf pour la bière). La publicité par voie d’affichage est également interdite dans six pays : Estonie (seulement pour les spiritueux), Finlande (seulement pour les spiritueux), Islande, Norvège, Pologne et Slovénie.

Les pays où prévalent principalement des interdictions formelles sont de manière dominante les pays scandinaves : Danemark, Islande, Norvège et Suède (télévision et radio). La Biélorussie, la Pologne, la Slovénie et la Suisse se rangent cependant elles aussi dans cette catégorie, ainsi que l’Ouzbékistan (principalement pour les vins et les spiritueux). La France pratique une interdiction formelle à la télévision et des restrictions légales dans les autres médias. La Croatie, la Lettonie, la Slovaquie et l’Ukraine encadrent également rigoureusement la publicité pour l’alcool, sauf pour la bière. La Finlande interdit la publicité pour les spiritueux et restreint la publicité pour les autres boissons alcoolisées. L’Azerbaïdjan, la Bulgarie, l’Estonie, l’Italie et la République de Moldavie imposent des restrictions légales à tous les médias ou presque. La Fédération de Russie interdit la publicité dans la presse écrite et la restreint, sauf pour la bière, à la télévision et à la radio.

Seuls cinq pays imposent que les messages publicitaires comportent un avertissement médical : l’Azerbaïdjan, la France, la Lettonie, la Lituanie et l’Ukraine. En Lettonie, l’avertissement doit couvrir 10 % de la surface du message. En Lituanie, il doit couvrir 20 % de sa surface, apparaître en noir sur fond blanc et contenir un message du ministère de la Santé précisant que « la consommation d’alcool fait courir un risque à votre santé, à votre famille, à la société et à vos revenus » ; ce message doit également apparaître sur tout affichage extérieur. La France exige quant à elle l’apposition du message suivant : « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé : consommez avec modération ».

Seuls neuf pays encadrent, sur une base légale ou volontaire, le parrainage d’activités sportives ou d’activités de loisirs par les producteurs de boissons alcoolisées : l’Allemagne, la Croatie (sauf pour la bière), la France (pour tous les sports et pour les activités culturelles), l’Islande, l’Irlande, l’Ouzbékistan et l’Ukraine (lorsque le parrainage cherche à atteindre des personnes de moins de dix-huit ans).

Encouragés par l’Union européenne, les codes de bonne conduite volontairement acceptés par les professionnels sont principalement le fait des États de l’Europe de l’ouest. Il en existe en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Irlande, au Luxembourg, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni. Mais Israël, Malte et la République tchèque ont également les leurs. Quoiqu’ils occupent un rang moins élevé dans la hiérarchie des normes que les restrictions légales, puisqu’ils n’ont pas de valeur proprement juridique, les codes de bonne conduite encadrent parfois plus strictement et plus efficacement la publicité que des restrictions légales partielles, notamment lorsqu’ils prévoient l’intervention d’un organisme d’auto-contrôle qui surveille l’application des règles librement consenties. L’Allemagne offre un bon exemple de ce genre de dispositif.

 III – LES EFFETS DE LA PUBLICITÉ SUR LA CONSOMMATION D’ALCOOL : ÉVALUATIONS SCIENTIFIQUES

Des chercheurs de l’Université de Chicago ont étudié les effets sur la consommation de la publicité en faveur des boissons alcoolisées. Ils sont arrivés à la conclusion que la publicité modifie principalement le comportement et les préférences des consommateurs, non la quantité totale d’alcool absorbé, car cette dernière est principalement déterminée par les prix et par la place de l’alcool dans la culture du pays d’appartenance. À suivre les enseignements de leur étude, autoriser la publicité pour le vin à la télévision française aurait ainsi pour seul effet de réorienter la consommation nationale d’alcool, en la déplaçant de la bière et des spiritueux vers le vin, sans amener globalement une augmentation de la consommation moyenne d’alcool par habitant.

L’Organisation mondiale de la santé admet elle-même qu’« il se peut que la publicité n’ait qu’un impact général limité et de long terme sur la consommation d’alcool ou sur les dommages liés à l’alcoolisme »[3].

ENCADREMENT DE LA PUBLICITÉ DE L’ALCOOL
RÉGION EUROPE, OMS - 1998-1999

Pays

Spiritueux

Vins de table

Bière

TV

Radio

Presse

Affichage

TV

Radio

Presse

Affichage

TV

Radio

Presse

Affichage

Arménie

R

Rien

Rien

R

R

Rien

Rien

R

R

Rien

Rien

R

Autriche

R

R

CV

CV

R

R

CV

CV

R

R

CV

CV

Azerbaïdjan

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

Biélorussie

R

I

I

CV

I

I

I

CV

I

I

I

CV

Belgique*

R

R

CV

CV

R

R

CV

CV

R

R

CV

CV

Bulgarie

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

Croatie

R

R

R

R

R

R

R

R

Rien

Rien

Rien

Rien

République tchèque

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Danemark

I

I

CV

CV

I

I

CV

CV

I

I

CV

CV

Estonie

R

R

R

I

R

R

R

R

R

R

R

R

Finlande

I

I

R

I

R

R

R

R

R

R

R

R

France

I

R

R

R

I

R

R

R

I

R

R

R

Géorgie

R

R

R

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Allemagne

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Grèce

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Hongrie

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Islande

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

Irlande

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Israël

CV

Rien

CV

Rien

CV

Rien

CV

Rien

CV

Rien

CV

Rien

Italie

R

R

R

CV

R

R

R

R

R

CV

R

R

Kazakhstan

R

Rien

Rien

R

R

Rien

Rien

R

R

Rien

Rien

R

Lettonie

I

I

R

R

R

R

R

R

Rien

Rien

Rien

Rien

Lituanie

R

R

R

R

R

R

Luxembourg

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Malte

CV

CV

Rien

Rien

CV

CV

Rien

Rien

CV

CV

Rien

Rien

Pays-Bas

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Norvège

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

R

I

Pologne

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

Portugal

R

R

Rien

Rien

Rien

R

Rien

Rien

R

R

Rien

Rien

Moldavie

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

R

Roumanie

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Rien

Russie

R

R

I

R

R

R

R

R

Rien

Rien

I

R

Slovaquie

I

I

R

R

R

I

R

R

CV

CV

CV

CV

Slovénie

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

Espagne

I

R

R

Rien

Rien

R

Rien

Rien

R

R

R

Rien

Suède

I

I

R

R

R

I

R

R

I

I

R

R

Suisse

I

I

Rien

R

R

I

Rien

Rien

I

I

Rien

Rien

Ukraine

I

I

R

R

R

I

R

R

Rien

Rien

R

Rien

Royaume‑Uni

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

CV

Ouzbékistan

I

I

I

R

R

I

Rien

Rien

R

R

R

R

Source : OMS 2001 – Rapport sur l’alcool en Europe (traduction française)

* Pour la communauté française de Belgique, la publicité télévisée et radiophonique est interdite pour les alcools contenant plus de 10 % d’alcool par volume

CV   : Codes de bonne conduite Volontairement adoptés par les professionnels
R  : Restriction
I  : Interdiction
Rien  : Aucun encadrement
–  : Non commun

Monographies sur les politiques de lutte contre l’alcoolisme en Europe :

Pour en savoir plus :

____________________________

LA RÉGLEMENTATION DE LA PUBLICITÉ EN FAVEUR DE L’ALCOOL EN ALLEMAGNE 
Mai 2004

En Allemagne, où la fabrication de bière constitue une vieille tradition, les politiques publiques en matière d’alcool sont d’essence plutôt libérale. Cela n’empêche pas que les professionnels acceptent spontanément de nombreuses prescriptions et restrictions, édictées dans des codes de conduite librement consentis. Ces efforts ont pour fin de promouvoir des comportements de consommation responsable, alors que, avec 10,9 litres par habitant, la consommation annuelle moyenne s’avère l’une des plus élevées d’Europe.

 I – UNE LÉGISLATION RELATIVEMENT RESTREINTE

De manière générale, la publicité en faveur des boissons alcoolisées est autorisée en Allemagne aussi bien dans l’audiovisuel que dans le secteur du sport et dans les lieux publics. Jusqu’en 1994, il n'existait aucune loi spécifique en la matière, celle-ci étant réglementée par des directives volontaires mises en place par l'autorité allemande des normes publicitaires. La loi du 27 mai 1994, transposant la directive européenne de 1989, institue ainsi pour la première fois des dispositions légales concernant la publicité télévisée en faveur des boissons alcoolisées. Elle dispose que la publicité de l’alcool ne doit pas :

  • se référer aux jeunes ;

  • associer la consommation de l’alcool et la performance physique ou la conduite d’une voiture ;

  • revendiquer des vertus sanitaires ;

  • encourager une consommation excessive ou dévaloriser l’abstinence ou la consommation modérée ;

  • souligner d’une manière excessive la teneur d’alcool des boissons.

La loi n’établit pas de distinction entre boissons alcoolisées.

La législation nationale impose par elle-même une seule restriction à la publicité des boissons alcoolisées,  qui a été introduite par la nouvelle loi sur la protection de la jeunesse (Jugendschutzgesetz), entrée en vigueur en 2003. Elle interdit la publicité de l’alcool au cinéma, à toutes les séances qui commencent avant 18 heures.

II – UNE AUTORÉGULATION APPAREMMENT EFFICACE, FONDÉE SUR DEUX CODES DE BONNE CONDUITE

Un code comportant des « règles de conduite concernant la publicité en faveur des boissons alcooliques » a été adopté en 1976 par le Conseil allemand pour la publicité (Deutscher Werberat), qui est l’organe autonome de contrôle de l’Association allemande de l’économie publicitaire (Zentralverband der deutschen Werbewirtschaft). Il intègre dans sa dernière version, qui date de 1998, les avancées les plus récentes du droit européen. Le code s’applique à tous les domaines de la publicité, de l’audiovisuel jusqu’à la publicité dans les lieux publics et dans les manifestations sportives. Un code plus spécifique définissant les « règles de conduite du conseil de publicité allemand pour la publicité à la radio et à la télévision s’adressant aux enfants ou pouvant être vue par eux » avait déjà été adopté en 1974.

Les codes de bonne conduite valent pour toutes les boissons alcoolisées, indépendamment de leur teneur en alcool. Ce sont au total quatorze associations de l’industrie des boissons alcoolisées qui se sont engagées à respecter les principes suivants :

  • ne pas inviter à une consommation excessive ou abusive de boissons alcooliques ;

  • ne pas inciter les mineurs à boire ni présenter des mineurs en train de boire, invitant ou invités à boire ;

  • ne pas présenter des sportifs de compétition en train de boire ou invitant d'autres personnes à boire ;

  • ne pas inciter les conducteurs de voitures à boire, ni les présenter en train de boire ou invités à boire ;

  • ne pas présenter de situations contrevenant aux règles de sécurité ;

  • ne pas faire valoir des vertus bénéfiques à la santé ;

  • ne pas attribuer aux boissons alcooliques des vertus propres à désinhiber le consommateur,
                 à soulager des états d'anxiété et à surmonter des conflits psychosociaux ;

  • ne pas dévaloriser l'abstinence en général ou en particulier.

Les codes sont plutôt fidèlement respectés dans la pratique. En cas de violation, c’est au Conseil allemand pour la publicité d’agir en tant que médiateur entre les réclamants et les entreprises responsables de la publicité litigieuse. S’il estime les critiques justifiées, le Conseil les transmet aux entreprises en recommandant l’abandon de la campagne en question. Au cas où les entreprises ne se montreraient pas coopératives, il peut en dernier ressort prononcer un « blâme public ». En 2003, il en a prononcé un seul, contre une brasserie bavaroise qui avait, à plusieurs reprises, intégré des sportifs de haut niveau dans ses campagnes de publicité.

 ____________

UN NOUVEAU CADRE JURIDIQUE POUR LE SECTEUR VITIVINICOLE EN ESPAGNE
Mai 2004

Depuis juillet 2003, le secteur vitivinicole espagnol est régi par un nouveau cadre juridique, la loi sur la vigne et le vin, qui prévoit notamment pour le vin un statut « d'aliment naturel ». Cette qualification le distingue légalement des alcools durs et autorise ainsi des campagnes de promotion de la culture de la vigne, du vin et de la consommation modérée de vin.

L'Espagne, pays de forte tradition viticole -comme la France-, s'est dotée de cette loi particulièrement importante adoptée définitivement par le Parlement le 10 juillet 2003. Cette loi permet au vin de retrouver grâce aux yeux des consommateurs et de mieux se vendre sur les marchés étrangers.

 I – LE VIN, UN ALIMENT NATUREL

Cette loi générale, fruit d'une longue réflexion des professionnels du vin espagnols, s'est substituée à la législation antérieure datant de 1970. Elle a pour objectifs de mieux garantir la qualité de la production, de donner les moyens au secteur de s'adapter aux marchés et de soutenir la promotion du vin. Elle est surtout connue en raison de l'une de ses dispositions, définissant le vin comme un « aliment naturel obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique, totale ou partielle, de raisins frais, foulés ou non, ou de moût de raisin ». Le vin, en tant qu'alcool de fermentation, est ainsi distingué des alcools de distillation, comme la tequila, le gin, la vodka ou encore le whisky.

Cette qualification du vin dans la nouvelle loi espagnole est loin d'être anodine : elle donne en effet la possibilité de promouvoir le vin et de communiquer positivement autour de cette « boisson agricole », qui consommée modérément, ne constitue pas un facteur d'alcoolisme. Des campagnes d'information et de promotion de la vigne et des vins, financées par des fonds publics, sont désormais possibles en Espagne. Des campagnes qui, tout en présentant le vin comme un aliment bénéfique faisant partie du régime alimentaire méditerranéen, recommandent, bien sûr, une consommation modérée.

 II – LES PROFESSIONNELS INSATISFAITS

Avec cette loi, l'Espagne, confrontée, comme la France, à une baisse de la consommation de vin et au vieillissement des consommateurs réguliers, compte bien redresser sa consommation nationale et proposer à l'exportation des vins de meilleure qualité. Dès l'automne 2002, le gouvernement avait montré sa détermination à réagir avant que les parts de marché des vins espagnols à l'étranger ne soient trop attaquées.

« Nos véritables concurrents sont le Chili, l'Argentine, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande ; pour lutter il faut que nous disposions des mêmes armes, c'est-à-dire d'une législation souple, plus moderne et agressive », soulignait ainsi Miguel Arias Canete, le ministre espagnol de l'Agriculture en novembre 2002.

Les professionnels vitivinicoles espagnols ne sont toutefois pas totalement satisfaits de la politique suivie en matière de vin. Car tout en élaborant une loi sur la vigne et le vin qui présente le vin comme un aliment traditionnel et naturel, l'équipe de José Maria Aznar avait fait voter en 2002 la loi « anti-botellon », interdisant de consommer de l'alcool dans la rue. Les botellon, littéralement grande bouteille, désignaient en Espagne des rassemblements très populaires de jeunes qui chaque week-end buvaient ensemble de nombreux verres d'alcool dans les rues et sur les places publiques et ce, jusqu'au bout de la nuit. Des réunions très arrosées qui laissaient derrière elles des monceaux de détritus quand elles ne donnaient pas aussi lieu à des rixes. La loi "anti-botellon" a été très critiquée par les professionnels du vin espagnols : l'une des boissons phares de ces beuveries étant le calimocho, un mélange de vin de table et de coca-cola. Les représentants de la filière vin souhaitaient en effet que dans cette loi surnommée loi sèche, le vin soit distingué des spiritueux comme dans la loi sur la vigne et le vin.

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 LA RÉGLEMENTATION DE LA PUBLICITÉ
DES BOISSONS ALCOOLISÉES AU ROYAUME-UNI
Mai 2004

 La loi de 1990 sur la sécurité des aliments, le Food Safety Act 1990, exige que l’étiquetage de toute boisson (autre que le vin) dont le taux dépasse 1,2 % mentionne sa quantité exacte d’alcool.

S’agissant de la réglementation de la publicité pour les boissons alcoolisées, une distinction doit être faite entre la publicité par voie de radio et de télévision et les autres formes de publicité.

Ø Toute publicité à la télévision ou à la radio pour une boisson alcoolisée doit être conforme au Code de publicité élaboré par l’autorité de régulation du secteur de l’audiovisuel, l’Ofcom, qui énonce les règles suivantes concernant ce type de réclame :

– la publicité ne doit pas s’adresser spécifiquement aux jeunes âgés de moins de 18 ans et doit impliquer des personnes âgées d’au moins 25 ans ;

– elle ne doit pas montrer des enfants ; leur voix ne doit pas être entendue ;

– elle ne doit pas montrer de personnes en état d’ivresse sur leur lieu du travail.

Par ailleurs, la publicité ne doit pas impliquer que la consommation d’alcool est essentielle au succès, liée à un comportement audacieux, antisocial ou agressif ou aux conquêtes sexuelles ; elle ne doit pas attribuer à l’alcool des qualités thérapeutiques stimulantes ou calmantes ; elle ne doit pas suggérer qu’il est acceptable de boire en solitaire ; elle ne doit pas inciter à consommer en raison du degré d’alcool.

Ø La publicité non radiodiffusée ou télévisée (presse, affiches etc.) est régie par les dispositions du Code de publicité et de promotion des ventes appliqué par l’Advertising Standards Authority. Ces dispositions résultent d’accords volontaires entre les industriels et les publicitaires, qui n’ont pas force de loi et sont proches des règles du code de l’Ofcom.

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[1] Directive 89/552/CEE, modifiée pour la dernière fois en 1997.

[2] L’Organisation mondiale de la Santé (O.M.S.) adopte dans son étude une définition résolument extensive de l’Europe, puisqu’elle y inclut jusqu’à la Fédération de Russie et à Israël (étude citée infra).

[3] Cf. rapport cité infra, p. 57.