Études de législation comparée


 

Mariage civil, mariage religieux et reconnaissance juridique des unions
entre personnes de même sexe en Europe

Juillet 2004

 

L'institution du mariage n'a pas le même profil juridique dans tous les pays européens. Liée à la tenue des registres d'état civil, l'habilitation légale à célébrer la cérémonie a constitué après la Révolution un enjeu entre l'Église et l'État dans leur lutte pour obtenir la maîtrise de l'état des personnes. Sur cette base, deux traditions distinctes se sont développées : l’une privilégie une cérémonie civile obligatoire, l’autre ne lui confère qu’un caractère facultatif. Comment la reconnaissance juridique des unions entre personnes de même sexe se situe-t-elle par rapport à ces deux traditions ? L'une la favorise-t-elle plus que l'autre ?

I – LES DEUX TRADITIONS JURIDIQUES DU MARIAGE EN EUROPE

II n'existe pas à proprement parler de pays européen où le mariage religieux soit la norme. D'un point de vue juridique, le mariage civil constitue en effet toujours le principe, puisqu'il sert même à définir la portée civile du mariage religieux, lorsqu'il est possible de célébrer uniquement ce dernier. La prépondérance légale du mariage civil a pour corollaire la possibilité générale de divorcer dans tous les pays européens, à l'exception de Malte. Même un Italien valablement marié par un prêtre catholique peut ainsi obtenir le divorce devant les tribunaux, avant de se remarier civilement.

Le mariage religieux a cependant valeur légale dans certains pays, alors que la cérémonie religieuse ne peut dans les autres se substituer valablement à la cérémonie civile. Les pays européens se rangent ainsi en deux grandes catégories : ou bien le mariage civil y est l'unique mariage reconnu par la loi ou bien c’est une option possible pour les futurs époux. Seule la Grèce ne connaissait que le mariage religieux avant 1982, mais elle a introduit le mariage civil depuis cette date.

Dans les pays où le mariage civil n'est qu'optionnel, le mariage religieux est réputé produire les mêmes effets juridiques qu'un mariage civil. La cérémonie religieuse n'est pas forcément suivie ou précédée d'une cérémonie civile (par exemple au Danemark, en Grèce, en Finlande, en Italie, en Norvège ou en Suède).

Dans les pays où le mariage civil est obligatoire, il peut naturellement être redoublé par un mariage religieux. Mais le mariage religieux doit alors être obligatoirement précédé par le mariage civil, sous peine d'amende ou d'emprisonnement à l'encontre du ministre du culte qui contreviendrait à la règle (en France, article 433-21 du Code pénal).

II – LA QUESTION DU MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE

Le mariage entre personnes de même sexe n’est pas répandu que dans les pays où le mariage civil n’est qu’optionnel. Certes, les pays nordiques (Danemark, Norvège, Suède), où le mariage civil forme avec le mariage religieux une alternative, ont été dans les premiers à admettre l'union civile entre personnes de même sexe. Ce sont souvent ceux où le mariage religieux atteint aussi ses taux les plus élevés (de 55 à 75 %). Mais, depuis le 1er avril 2002, l’institution du mariage est ouverte aux couples homosexuels néerlandais, alors que les Pays-Bas sont un État de mariage civil obligatoire. À l'inverse, la simple union civile entre personnes de même sexe reste prohibée dans de nombreux pays où le mariage civil n'est qu'optionnel, comme la Grèce ou l'Italie.

En matière de mariages homosexuels, la ligne de partage qui se dessine en Europe ne semble pas suivre une distinction légale, mais un clivage religieux. Les pays protestants, quelle que soit leur tradition légale, apparaissent plus ouverts aux unions civiles, voire au mariage entre personnes de même sexe. La doctrine protestante fait en effet une place plus importante aux choix individuels, tandis que les dogmes catholiques préfèrent mettre l'accent sur le rôle des institutions et sur l'autorité de la tradition.

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