COMMISSION
SUPÉRIEURE DU SERVICE PUBLIC DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS -
Avis04.03
Avis :
Avant projet de loi relatif à la transposition de la directive
97/67/ce du parlement européen et du conseil du 15 décembre 1997
concernant des règles
communes pour le développement du marché intérieur des services
postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service,
modifiée par la directive 2002/39/CE du 10 juin 2002,
modifiant le
code des postes et télécommunications et portant création d’une
autorité de régulation pour le secteur postal
Adopté le 15 avril 2003
_________
Président : Pierre HERISSON, Sénateur
Vice-présidents : Alain JOYANDET, député ; Pierre-Yvon TREMEL, sénateur
Membres
Députés :
Jean BESSON, Président d’honneur,
Thierry CARCENAC, Jean DIONIS du SEJOUR, Alain GOURIOU, Jean PRORIOL,
Marcelle RAMONET ;
Sénateurs : Gérard DELFAU, Georges GRUILLOT, Pierre LAFFITTE,
René TRÉGOUËT,
François TRUCY ;
Personnalités qualifiées :
Nicolas CURIEN, Chaire d’économie et de politique des
télécommunications au CNAM, François MARCHAL, Ingénieur Général des
Télécommunications (h.), Laurent VIROL, Ingénieur Général des
Télécommunications (h.).
______________
Saisie le 7 mars
2003, la Commission supérieure du service public des postes et
télécommunications (CSSPPT) a rendu un avis favorable, le 15
avril 2003, sur l’avant-projet de loi relatif à la transposition de
la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil du 15
décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement
du marché intérieur des services postaux de la Communauté et
l'amélioration de la qualité du service, modifiée par la directive
2002/39/CE du 10 juin 2002, modifiant le code des postes et
télécommunications (le code) et portant création d’une autorité de
régulation pour le secteur postal.
Tant qu’aucune autre candidature à une prestation globale ne sera
raisonnablement possible, le prestataire du service universel postal
désigné à la Commission européenne ne pourra être que La Poste. Ce
qui implique que l’ensemble des acteurs intervenant dans son
développement économique veille à lui donner – dans le respect des
règles de la concurrence en cours d’ouverture progressive – les
moyens d’assurer les missions de service public que le Parlement a
et aura définies et que l’autorité de régulation qui veille au
développement du secteur postal soit en mesure d’en tenir compte.
A cet égard, la CSSPPT constate qu’en ce qui concerne le service
universel postal, des dispositions sont prises pour permettre une
amélioration prochaine de sa qualité. Elle insiste cependant pour
que soit plus nettement évoquée la nécessité de garantir la capacité
de financement des investissements propres à assurer l’adaptation
des prestations à l’évolution des besoins.
L’avant-projet de texte a suscité de nombreuses interrogations parmi
les membres de la CSSPPT et ses interlocuteurs (le Conseil général
des technologies et de l’information (CGTI), l’Autorité de
régulation des télécommunications (ART), le Médiateur du service
universel postal, les représentants des intégrateurs, des
transporteurs, des entreprises de vente par correspondance, des
routeurs, de la presse, des organisations de consommateurs, des
syndicats de personnel de l’opérateur historique…) qui ont répondu à
la consultation organisée selon les principes d’ouverture qui ont
toujours prévalu au sein de la commission.
La CSSPPT souhaite donc que soient prises en compte les remarques
suivantes qui permettront à l’Autorité de régulation postale, que la
Commission a appelée de ses vœux dans ses avis du 9 avril 2000
et du 13 juillet 2001,
de remplir les missions qu’on est en droit d’attendre d’une telle
instance. On trouvera également, à la fin de cet avis, un certain
nombre de recommandations de court terme que la CSSPPT formule à ce
sujet.
I – Remarques sur le texte
S’agissant du choix de l’ART pour la régulation du secteur postal
Les spécificités du secteur postal ont été maintes fois relevées : l’importance de la main
d’œuvre qui représente 80 % du coût total des opérations, les
rendements croissants qui fragilisent l’organisation actuelle de la
distribution car l’absence d’infrastructures lourdes tend à
faciliter l’entrée de concurrents à petite échelle notamment en
milieu urbain, le peu d’impact des innovations technologiques sur un
marché en déclin qui ne permet pas de dégager des perspectives de
croissance élevée, la tradition de la péréquation tarifaire... Elles
interdisent d’envisager que les politiques adaptées à d’autres
secteurs puissent être transposables à
La Poste.
Une autorité de régulation
doit être indépendante et puissante. Le périmètre de son champ de
compétence est un des trois éléments essentiels pour atteindre cet
objectif à côté des moyens financiers et de la personnalité morale.
La CSSPPT partage la position de certains juristes selon laquelle,
pour plus d’efficacité, un secteur ne doit avoir qu’un seul
régulateur, un régulateur ne doit pas avoir pour objet deux secteurs.
Or, d’une part, l’Autorité de régulation des télécommunications et
des postes (ARTP) interviendra sur deux secteurs : communications
électroniques et postes. La CSSPPT peut comprendre les arguments de
réduction des coûts qui ont conduit au choix de l’ART. Elle
préconise cependant le recrutement de compétences spécifiques et
suffisantes qui s’exerceront dans un service autonome. Elle
souhaite également la création d’un collège spécifique, ou tout
au moins l’élargissement du collège à deux personnalités
compétentes dans les questions relatives au secteur postal, ces
questions étant examinées lors de séances qui leur seraient
spécialement consacrées. En tout état de cause, il apparaît
nécessaire d’établir ou de compléter la liste des incompatibilités à
prendre en compte au moment de la désignation des membres du collège
(nouvel article L.130-1 du code). Elles devront s’imposer à tous les
membres ayant à traiter du secteur postal, y compris ceux du collège
actuel.
D’autre part, pour ajouter à la confusion, l’avant-projet prévoit
une régulation partagée entre le ministre et l’autorité de
régulation (nouvel article L.4 du code). La CSSPPT souhaite que
l’ensemble des fonctions de régulation soit confié au régulateur
laissant au Parlement et au ministre leurs prérogatives politiques
de choix de société. De plus cette option paraît plus à même de
répondre aux critiques de la Commission européenne.
La CSSPPT insiste sur le fait que la régulation des activités
postales doit aller vers le droit commun, qu’il s’agisse du
droit de la consommation comme du droit des transports. Elle demande
donc au Gouvernement que lui soit transmis l’avis que le Conseil
de la Concurrence rendra sur l’avant-projet de loi, en vue de la
préparation du débat au Parlement.
La
Commission consultative
prévue auprès du ministre et de l’ARTP “ représentant les intérêts
du secteur ” a fait l’objet de nombreuses interrogations de la part
des associations de consommateurs et des organisations
professionnelles qui souhaiteraient y être représentées. La CSSPPT
demande plus de précisions, dans le texte de la loi, quant au rôle
de cette commission et à sa composition. Elle préconise que le choix
des membres ne se limite pas à la désignation de représentants des
prestataires autorisés, et que l’équilibre entre les “ intérêts du
secteur ” représentés tienne compte des contraintes du service
universel et des contraintes économiques des entreprises.
S’agissant du champ de la régulation
En
l’absence d’exposé des motifs qui aurait permis à la CSSPPT de
connaître les intentions du Gouvernement et en particulier les
objectifs assignés à l’ARTP, le nouvel article L.1 du code
qui définit les services postaux, les envois postaux et les envois
de correspondance, est peu lisible. Il s’agit en fait de
transposer les définitions prévues par la directive 97/67/CE
légèrement modifiées. Le choix est fait de réserver la notion
d’envoi postal aux envois acheminés par le prestataire du service
universel ou les bénéficiaires d’autorisations dans le cadre des
activités couvertes par les cahiers des charges correspondant à ces
deux types d’autorisation.
Ceci semble limiter, par
conséquent, le “ secteur postal ” sur le développement duquel le
Ministre et l’autorité de régulation sont chargés de veiller, alors
que cette mission impliquerait, selon le sens commun attribué au
terme “ secteur postal ”, un contrôle de l’ensemble des services de
messagerie et de courrier nationaux et transfrontaliers. Cette
mission dépasserait très largement ce qui est prévu.
Le développement du secteur doit cependant demeurer une
préoccupation prioritaire du régulateur. En particulier, sans
pour autant s’engager dans des travaux trop coûteux hors de son
strict champ de compétence, le régulateur aura à calculer les
impacts économiques de ses décisions relatives au prestataire et
aux prestations du service universel, sur l’ensemble de l’activité
du prestataire et des autres opérateurs autorisés dans le secteur
postal, et, réciproquement, l’impact des mesures prises hors service
universel, sur l’évolution du service universel.
S’agissant des autorisations
Le
nouvel article L.4-3 du code prévoit que “ la prestation des
services d’envois de correspondance d’un poids inférieur ou égal à 2
kg dès lors qu’elle comprend la distribution est soumise à
autorisation”.
Dans son avis du 9 février 2000, la CSSPPT a eu à se prononcer sur
un régime d’autorisations. Elle a admis que les secteurs qui avaient
toujours été en concurrence (comme le secteur des colis, la
publicité non adressée ou le portage de presse) ne devaient pas
faire l’objet de contraintes ou de réglementation trop tatillonnes,
en regrettant que ce choix perpétue la méconnaissance des
entreprises qui interviennent dans le secteur postal.
Les questions soulevées au cours des consultations et la lecture de
la loi conduisent à placer sous autorisation l’ensemble des
prestataires ayant une activité de distribution (express et
coursiers à la commande compris) et à en dispenser d’office
l’activité de routeur. Elles amènent la CSSPPT à demander
l’inscription dans la loi de précisions concernant les entreprises
visées, tout en soulignant combien il pourrait devenir de plus
en plus difficile de distinguer,
sans contestations, les différents métiers, quand les gammes
d’activité vont s’étendre et se rapprocher du fait de la
libéralisation en cours.
Les
expressistes,
par exemple, ont été considérés par la Cour de Justice des
Communautés Européennes
comme éligibles au paiement “ d’un droit postal ” qui contribue au
financement du service universel assuré par l’opérateur public
italien. Cependant, la CSSPPT considère que cette activité peut
continuer à s’exercer librement. Il convient, si c’est bien le
choix qui a été fait dans l’avant-projet, d’exclure expressément
cette activité du champ des autorisations en retenant les
éléments pris en compte par la CJCE dans l’arrêt précité.
Comme les expressistes, les coursiers (qui ne portent qu’un
seul envoi de correspondance point à point) sont déjà soumis à la
réglementation du Ministère des transports, notamment relative au
droit du travail, et font l’objet à l’heure actuelle d’une
obligation de déclaration. Il conviendrait donc également de les
exclure de l’obligation de demander une autorisation.
Il pourrait être utilement confirmé, de même, que le portage à
domicile des journaux ne relève pas d’une autorisation puisqu’il
s’agit d’une auto-prestation au terme de la directive 97/67/CE.
La Poste
doit être considérée d’abord comme un prestataire ordinaire et donc
soumise aux mêmes autorisations que les autres prestataires,
pour les mêmes activités.
Elle recevra en plus une autorisation de prester le service
universel qui en définira les droits et obligations spécifiques.
Le cas échéant, les entreprises désignées par le régulateur comme
dominant sur des marchés pertinents pourraient également avoir à
supporter des contraintes spécifiques pour permettre
l’ouverture effective de la concurrence, dans l’intérêt général,
sous forme notamment de droits d’accès à des monopoles naturels.
En ce qui concerne la procédure d’octroi des autorisations
générales, la CSSPPT préférerait qu’il soit prévu un simple
système déclaratif.
Elle demande qu’à côté de la liste des obligations auxquelles seront
soumis les prestataires autorisés (notamment, s’il y a lieu,
l’obligation de contribuer à un fonds de service universel)
apparaissent les droits que confère l’autorisation (notamment la
possibilité d’accès aux services obligatoires du prestataire du
service universel, tel l’accès aux fichiers de changement
d’adresse).
Dans la mesure où, notamment,
les propositions de la CSSPPT relatives aux expressistes, coursiers,
porteurs de presse à domicile, ne seraient pas retenues et où le
choix du champ couvert par les autorisations impliquerait que des
activités actuellement exercées librement passeront sous
autorisation préalable, il y aurait lieu de stabiliser
clairement, dans la loi, le cadre juridique de la phase transitoire,
qui s’ouvrira après le vote du Parlement.
Ce dernier mettra fin aux incertitudes concernant, depuis le 1er
janvier 2003,
le secteur qui devrait être libéralisé, sans pour autant permettre
l’entrée immédiate de nouveaux opérateurs dans ce secteur ou la
poursuite des activités libres auparavant. Il faudra, en effet,
attendre l’entrée en fonction effective de l’ARTP (six mois après la
publication de la loi) et la publication des décrets relatifs aux
autorisations avant de pouvoir donner la première d’entre elles. Un
délai d’adaptation des entreprises déjà en place aux nouvelles
exigences, comme notamment l’éventualité d’avoir à contribuer à un
fonds de service universel, devra leur être ouvert après la
promulgation des dispositions nouvelles (le délai d’un an pourrait
être examiné). Les conditions d’extension de leur activité ancienne
aux services ouverts à la concurrence doivent être précisées.
S’agissant de la définition du service universel
Dans
deux avis rendus le 10 novembre 1999 et le 31 janvier 2002, la
CSSPPT avait émis des réserves quant à la procédure retenue
jusqu’ici pour la définition du contenu du service universel.
Elle s’était interrogée sur les mesures qui conviendraient pour
valider, d'une part, la liste et les caractéristiques des produits
compris dans l’offre de service universel, apportant les garanties
de prestations de qualité au consommateur et permettant
l’établissement des paniers de l’indice des prix du service
universel et, d'autre part, la liste précise des services réservés
opposable à tout opérateur du secteur.
Elle avait conclu qu’à défaut de la publication d’un décret relatif
au service postal universel applicable à tout opérateur candidat à
sa fourniture, l’inscription claire des droits et obligations de La
Poste en matière de service universel et de services réservés soit,
au moins, prévue dans son cahier des charges et que la liste précise
des prestations de chaque catégorie soit établie dans une annexe à
ce cahier des charges périodiquement validée par arrêté.
L’adaptation, par voie d’arrêté, des prestations aux nouveaux
besoins des consommateurs ou leur développement en fonction des
évolutions technologiques, sur proposition de La Poste ou sur
demande du Ministre, resteraient ainsi suffisamment souples.
La CSSPPT devrait donc souscrire à la modification prévue dans
l’avant-projet qui redonne compétence au Ministre (après avis de l’ARTP)
en la matière. Cependant, compte tenu des garanties apportées par
l'existence nouvelle d’une autorité de régulation, la CSSPPT propose
d'alléger le processus, en affirmant, d'une part, le pouvoir du
ministre de préciser par décret (après avis de l’autorité de
régulation et de la CSSPPT) les caractéristiques des produits qui
devront être offerts au titre du service universel (catégorie
d’envoi, normes de qualité de service, éventuellement engagement du
prestataire en terme de dédommagement du client et traitement des
réclamations), et d'autre part, la liberté du prestataire de
choisir la forme précise sous laquelle les prestations correspondant
à ces critères seront fournies, liberté contrôlée par la
possibilité de sanctions en cas de non respect des obligations.
S'agissant du contrôle des tarifs
C’est un système complexe et à étages qui est prévu dans
l’avant-projet :
- les
objectifs tarifaires pluriannuels du service universel sont fixés
dans le contrat de plan de La Poste (nouvel article L.5-1 4° du
code) et l'ARTP veille à leur respect (après avoir donné son avis
sur la fixation de ces objectifs) ;
- les tarifs des services réservés sont approuvés par l'ARTP (nouvel
article L.5-1 7° du code) ;
- les tarifs du service universel peuvent faire l'objet d'un avis
public (nouvel article L.5-1 7° du code).
Pour
la CSSPPT, les grandes lignes d’une régulation tarifaire alliant les
deux exigences de l’efficacité du contrôle exercé par l’ARTP et du
maintien d’une flexibilité suffisante des choix tarifaires de
l’opérateur, pourraient être les suivantes :
1) Il est nécessaire de
réguler les prix des services réservés, afin de contrôler que
ces prix sont ajustés au niveau le plus bas compatible avec le
financement du service universel (subvention croisée “ vertueuse ”).
2) Il est nécessaire de réguler les prix du service universel
(services réservés ou non) afin de
garantir des tarifs abordables aux usagers (en effet, au vu du
déficit actuel de La Poste et du rapprochement des tarifs et des
coûts auquel devra veiller le régulateur, les tarifs devraient
s'élever, si le marché décroît et si les coûts ne sont pas réduits)
tout en veillant à la qualité des prestations (pour éviter la
tentation d'une dégradation du service universel).
3) Même s'il peut apparaître conceptuellement séduisant de confier
la régulation des prix des services réservés au régulateur
(régulation “ économique ”) et la régulation des prix du service
universel au ministre (régulation “ politique ”), l'expérience
acquise dans la régulation des télécommunications montre qu'un tel
découpage est peu opératoire (voire dysfonctionnel) dans la pratique.
Mieux vaut qu'une seule instance soit en charge de réguler tous les
tarifs sujets à contrôle. L'ARTP, qui devrait disposer de moyens
d'évaluation, d'expertise et d'investigation adaptés, est la mieux
placée pour détenir la pleine maîtrise du contrôle tarifaire postal.
4) La manière la plus simple et la plus incitative de contrôler les
tarifs est de recourir à un ou à plusieurs price cap, de
préférence à des homologations au coup par coup ou, pire encore, à
une co-existence des deux types de contrôles. Si, toutefois, ajuster
les bons price cap (en termes d'assiette et de niveau) exige une
certaine acquisition préalable d'informations, l'ARTP pourrait être
autorisée à recourir pendant une période transitoire strictement
limitée
à une procédure d'homologation (sans nécessité d'une validation
en dernier ressort par le ministre, qui ne fait qu'inutilement
rallonger les délais). A l’issue de cette période transitoire deux
price cap pourraient se substituer à l’homologation du secteur
réservé ; le premier sur les
produits vendus à l’unité ou en petite quantité concernerait
l’évolution tarifaire du courrier des ménages et des petites
entreprises, le second le courrier des grands émetteurs (encore
dénommé courrier industriel).
5) En cohérence avec le choix de confier l'ensemble de la régulation
tarifaire à l'ARTP, il convient de supprimer du contrat de plan
toute clause d'engagement tarifaire.
6) En dehors de l'encadrement tarifaire pluriannuel des services en
monopole et/ou du service universel, l'ARTP sera amenée à
contrôler que le prix de tel ou tel service en concurrence (à
l'intérieur ou en dehors du service universel) n'est pas un prix
prédateur. Ce contrôle, visant à sanctionner d'éventuelles
pratiques anti-concurrentielles, devrait s'exercer a posteriori
plutôt qu'a priori.
En
ce qui concerne les tarifs de la presse fixés jusqu’à présent par décret en vertu de l’article 6 du
cahier des charges de La Poste, la CSSPPT est très réservée sur les
dispositions prévues aux nouveaux articles L.4 alinéa 4 et L.5-1 6°
du code.
La catégorie
d’envois postaux, que constituent les journaux, fait effectivement
partie du service universel tel que défini par la directive
97/67/CE, mais cette dernière prévoit aussi à son article 12 que les
tarifs des services faisant partie de la prestation du service
universel “ doivent être orientés vers les coûts ”.
La CSSPPT est favorable au soutien de l’Etat visant à favoriser le
pluralisme de la presse d’opinion, mais elle considère qu’il doit
relever du budget général et que le surcoût de toute charge de
service public hors service universel, imposée par l'Etat à un
prestataire quel qu'il soit, doit être totalement compensé par ce
même budget général. La CSSPPT s’interroge donc sur le droit donné
au ministre, dans une loi destinée à établir une concurrence loyale
et effective (selon les propos du ministre lui-même devant la
Commission des affaires économiques du Sénat) de pénaliser
l’opérateur historique (en l'absence de compensation totale du
déficit creusé par des tarifs imposés ne couvrant pas les coûts) ou
de mettre un frein à l’entrée d’opérateurs nouveaux sur le marché
(si cette charge devait être compensée, selon une décision logique
du régulateur, par un fonds de service universel alimenté non par
l’Etat, mais par une contribution des prestataires autorisés). La
non conformité de telles dispositions aux principes communautaires
pourrait être soulevée.
La CSSPPT demande donc que le projet du Gouvernement soit clairement
développé dans l'exposé des motifs et que ses engagements soient
inscrits dans la loi appropriée.
S’agissant du coût du service universel et de son financement
Le calcul du coût du service universel est une des fonctions
essentielles du régulateur.
D’une
part, il justifie le maintien des services réservés au
prestataire du service universel (article 1er de la
directive 2002/39/CE). D’autre part, il peut justifier la
création d’un fonds de compensation lorsque il s’avère que les
obligations de service universel constituent une charge financière
inéquitable pour le prestataire du service universel (article 9-4°
de la directive 97/67/CE). La comptabilité analytique qui est
imposée au prestataire du service universel, notamment en vertu de
l’article 14 de la directive 97/67/CE, constitue donc un outil
essentiel de calcul et de contrôle pour l’autorité de régulation.
L’avant-projet prévoit (nouvel article L.5-1-8° du code) qu’elle
“ précise les règles de comptabilisation des coûts ” nécessaires au
contrôle du respect des obligations du prestataire du service
universel et “ rend publiques les spécifications et la description
des systèmes de comptabilisation ”. La CSSPPT propose que
l’autorité de régulation dispose du pouvoir d’approbation préalable
de toute règle de comptabilisation des coûts utile à l’exercice
des fonctions de régulateur. Mais, la commission a constaté,
s’agissant des règles actuellement appliquées, que les derniers
rapports d’audits externes ont permis l'approbation de la
comptabilité analytique de La Poste par ses ministres de tutelle et
que ces rapports pourront être communiqués ; elle demande donc
qu'il soit tenu le plus grand compte des avancées remarquables
réalisées par l'opérateur dans ce domaine, sous le contrôle de
la Cour des Comptes notamment, et que des dépenses inutiles ne
soient pas engagées directement ou indirectement par l'Etat.
La CSSPPT partage, en outre, la position du CGTI s’agissant de la
prise en charge financière par l’ARTP du coût de l’audit périodique
de cette comptabilité que l’avant-projet prévoit de faire
supporter par le prestataire du service universel. La pertinence de
la périodicité comme celle du champ à contrôler devra être
justifiée.
La CSSPPT rappelle que la directive 97/67/CE prévoit que les
informations comptables détaillées sont fournies à l’autorité de
régulation “ de manière confidentielle ” (article
14-7°) ; elle souhaite qu’en matière de publicité des comptes, en
vue de la régulation des marchés sur lesquels La Poste pourrait être
reconnue comme opérateur dominant, cette dernière soit soumise aux
mêmes règles que ses concurrents.
La CSSPPT
peut concevoir que le principe de recourir, le cas échéant, à la
création d’un fonds de financement du service universel soit posé.
Elle constate que les éventuels contributeurs ou les modalités de
calcul des contributions ne sont pas définis. L’intervention de
la loi sera donc en tout état de cause à nouveau nécessaire,
selon le principe constitutionnel de la légalité des prélèvements
obligatoires, pour pouvoir exiger une éventuelle contribution au
fonds.
C'est pourquoi, la CSSPPT propose de faire figurer dans la loi une
clause de rendez-vous qui permettrait au Parlement d’exercer son
contrôle sur l’offre de service universel postal, de s’interroger
sur son équilibre économique, ses conditions de financement et sur
l’opportunité de créer un fonds de service universel. Elle
instituerait un débat public après avis de la CSSPPT sur un triple
rapport de l’ARTP, du CGTI et du Gouvernement, remis au plus tard
tous les quatre ans au Parlement. Elle donnerait à l’opérateur
chargé du service universel le pouvoir de demander l’instauration
d’un tel débat dans le cadre de l’examen annuel de la loi de
finances, en cas d’urgence motivée par un déséquilibre structurel
des conditions économiques de fourniture du service universel. Ce
débat public permettrait, en outre, de dégager les orientations
nouvelles à donner au service universel postal et, le cas échéant,
les adaptations législatives nécessaires.
S’agissant de l’accès au réseau et des services obligatoires
La
problématique de l’accès au réseau postal n’est pas la même que
celle de l’interconnexion dans le domaine des télécommunications.
La
directive 97/67/CE prévoit une simple exigence de conditions
transparentes et non discriminatoires s’agissant de l’accès au
réseau postal. Le rappel de ces principes - et l’établissement de
tarifs spéciaux, prenant en compte les coûts évités, pour les
services qui permettent d’entrer dans la chaîne postale en des
points différents de ce qui est prévu pour le courrier traditionnel
- sont prévus à l’article 12 de la nouvelle directive. Au terme de
ces dispositions, il appartient donc à l’opérateur historique de
proposer à ses clients ou à ses concurrents de tels services et au
régulateur de veiller au respect des principes définis dans les
directives.
S’agissant du droit d’accès, la possibilité d’intervenir au
niveau des différents maillons de la chaîne postale ou, dans un cas,
la mutualisation du “ réseau postal public ” sont des demandes
fortes des grands clients ou concurrents éventuels de l’opérateur
historique. Ces demandes correspondent à des problématiques
distinctes, dictées par des logiques de développement d’offres
postales concurrentielles très différentes :
- la vente par correspondance demande le droit d’injecter dans le
réseau postal, pour qu’ils soient distribués, des colis dont elle a
assuré l’acheminent sur une longue distance ;
- la presse demande de pouvoir participer à la prise en charge de la
distribution finale sur le dernier kilomètre, à partir d’un
point d’aboutement (qui pourrait être le bureau de La Poste) après
que cette dernière a assuré l’acheminement longue distance des
envois postaux et particulièrement des journaux.
Au terme des dispositions de l’avant-projet, il est prévu que le ministre
arrête la liste “ des informations et installations ” détenues
par le prestataire du service universel indispensables à l’exercice
de l’activité des opérateurs autorisés après avis de l’ARTP
(nouvel article L.4 alinéa 6 du code) et que cette dernière
détermine les conditions techniques et tarifaires de ces prestations
après consultation du prestataire du service universel postal
(nouvel article L.5-1 3° du code).
Après un premier examen des choix retenus dans les Etats membres de la
communauté européenne, la CSSPPT estime qu’au moins trois
services répondent à ces caractéristiques : la distribution dans
les boîtes postales installées dans les bureaux de poste, les
services de réexpédition et les informations concernant les
changements d’adresse.
La CSSPPT
propose que la publication de cette liste des services obligatoires
soit expressément prévue dans le décret en Conseil d’Etat visé à
l’article 4,
antérieurement à l’attribution des autorisations. La CSSPPT estime
que l’établissement des conditions techniques et tarifaires de
ces prestations appartient au prestataire du service
universel postal, l’arbitrage de l’ARTP n’intervenant qu’a
posteriori, sur saisine d’une des parties à la suite d’un litige les
opposant.
S’agissant du rôle d’arbitrage et de conciliation de l’ARTP
Le projet distingue plusieurs cas d’intervention de l’ARTP dans le
règlement des différends
qui peuvent opposer le prestataire du service universel postal à ses
clients ou concurrents.
En ce qui concerne le pouvoir d’arbitrage dévolu à l’ARTP, la
CSSPPT souhaite que la possibilité de saisine soit limitée aux seuls
cocontractants et que le contrôle porte seulement, comme il est
indiqué, sur le respect des principes de transparence et de
non-discrimination des conditions techniques et tarifaires prévues
au contrat (nouvel article L.5-4 du code) et que la portée de la
décision soit clairement lisible (nouvel article L.5-5 du code).
En ce qui concerne la procédure de conciliation prévue au
nouvel article L.5-7 du code, il serait utile de préciser que son
champ ne porte que sur le secteur des envois de correspondance comme
semble l’indiquer la qualification professionnelle des personnes
susceptibles de demander la conciliation de l’ARTP.
La CSSPPT approuve le nouvel article L.5-8 du code qui organise les
relations entre l’ARTP et le Conseil de la Concurrence et qui
réaffirme ainsi la compétence du Conseil pour l’application du droit
commun de la concurrence. Cet article organise une procédure
d’urgence dans le cas d’abus de position dominante ou d’entraves à
la concurrence nécessaire au bon fonctionnement et à la continuité
du service quotidien, dans l’intérêt des consommateurs. ARTP et
Conseil de la Concurrence ne sont ensemble concernés par les
prestations “ colis ” que lorsque celles-ci relèvent du service
universel (prestations égrenées), le Conseil de la Concurrence
restant seul souverain pour le traitement des autres plaintes
concernant la messagerie.
Le Conseil de la Concurrence devra être doté des moyens lui
permettant de répondre rapidement à ces attentes.
S'agissant du traitement
des réclamations des consommateurs
Les exigences des
directives
sont claires en matière de traitement des réclamations des
consommateurs. Il s'agit de “ procédures transparentes, simples
et peu coûteuses ” à prévoir obligatoirement par le prestataire
du service universel et que les Etats membres peuvent étendre aux
détenteurs d'autorisations, pour les prestations qui relèvent ou pas
du service universel.
Le décret n°2001-1335 du 28 décembre 2001 avait mis en
application ces principes en créant le Médiateur du service
universel postal, instance d’appel pour les réclamations (des
consommateurs ou de leurs associations ou des organismes
professionnels) qui ont fait l'objet d'un rejet ou d'une absence de
réponse du prestataire du service universel.
La CSSPPT note que les conséquences de la création de l’ARTP sur le
devenir du Médiateur du service universel postal ne sont pas
évoquées dans l’avant-projet,
que les associations de consommateurs qu’elle a consultées ont fait
état de l'insuffisance de l'écoute de l'ART sur les problèmes
relatifs aux télécommunications et que l’ART ne demande pas a être
chargée de ces missions.
La CSSPPT
avait exprimé ses réserves quant à la lisibilité d’un dispositif qui
prévoit, à côté du médiateur de La Poste, compétent pour l’ensemble
des activités de La Poste (courrier, colis, services financiers), un
médiateur du service universel postal qui ne peut être saisi que
pour les réclamations portant sur une prestation du service
universel. Elle propose donc, qu’avant de décider d’un
rapprochement de l’ARTP et du Médiateur du service universel postal,
voire d’une fusion, les propositions contenues dans la contribution
de ce dernier soient analysées. Elle souligne qu’une
indépendance institutionnalisée du médiateur par rapport à tout
département ministériel, comme par rapport à l’ARTP, permettrait,
après avoir retiré des missions actuelles du Médiateur du service
universel postal celles qui incombent désormais clairement à l’ARTP,
et sans préjudice d’évolutions ultérieures, d’élargir la
compétence d’un médiateur du secteur postal à l’ensemble des
prestations de courrier et de messagerie, et de répondre de
façon plus lisible aux demandes des consommateurs des différents
opérateurs.
II -
Recommandations à court terme de la CSSPPT
Dans l’immédiat, la
CSSPPT adresse au Gouvernement les recommandations suivantes :
- utiliser
le temps disponible jusqu’au vote de
la loi pour poursuivre la concertation avec tous ceux qui ont
une connaissance suffisante du cadre juridique existant, du secteur
postal et plus généralement de la distribution de tout colis ou
document en nombre ou égrené.
- user de la formule “ le cahier des charges accompagnant
l’autorisation d’exercice de la prestation… ” (par exemple :
“ [la prestation] du service universel). De la sorte disparaîtra
automatiquement toute allusion au contrat de plan de La Poste, outil
convenant au traitement des seules relations entre l’Etat et
l’entreprise publique dont il est l’actionnaire unique. Le
régulateur ne saurait être contraint, dans l’exercice de sa mission,
par des exigences sur lesquelles il n’aurait pas prise et
susceptibles d’établir des distorsions de concurrence à l’avantage
ou au désavantage de La Poste.
- concevoir, dans le cadre
juridique et économique nouveau, le contrat de plan comme
concernant :
. d’une part, les moyens donnés à l’entreprise pour lui permettre de
respecter les engagements souscrits au nom de l’Etat au sein des
deux autorisations attribuées en application de la loi (autorisation
générale et service universel postal), sous le contrôle de
l’autorité de régulation ;
. d’autre part, les dispositions de tous ordres (sous réserve de
l’existence d’autorisations prévues pour l’exercice de certaines
autres activités de La Poste) lui permettant de se développer selon
les objectifs que l’Etat lui a fixés en tant qu’entreprise publique
(colis en nombre, courrier électronique, services financiers, etc… )
qu’il s’agisse de services publics ou non.
L’avis de l’ARTP ne serait requis que sur la première partie de ce
contrat de plan, celui de la CSSPPT, du fait de sa mission, couvrant
l’ensemble.
- ne pas
réduire, avant toute analyse de la situation, les moyens dévolus au
Médiateur du service universel postal par la loi de finances, au
motif de réaliser des économies ou de transférer à l’ARTP des
compétences rares sur le marché du travail. La CSSPPT, dont le
Président participe au processus de désignation du médiateur,
demande que soit pris en compte les signes, chaque jour plus
convaincants, de l’utilité d’une fonction qui, sans aucun doute,
doit cependant être réadaptée au nouveau cadre réglementaire.
- annoncer
comment les articles généraux traitant des missions de l’ARTP et de
la CSSPPT seront examinés d’une façon globale et cohérente. La CSSPPT a, en effet, en examen simultané le
présent avant-projet de loi et celui relatif au Paquet Télécom 2
traitant des deux organismes. L’expérience de l’ART (six ans
d’exercice) et de la CSSPPT (douze ans) justifie des modifications
des textes qui leur sont consacrés.
Elle souligne les
incohérences, qui pourraient résulter de mesures prises dans une
première loi (traitée au Sénat, en première lecture), en application
d’un article remis en discussion à un moment très voisin à
l’Assemblée nationale (première lecture du Paquet Télécom 2).
La logique commanderait que les nouvelles dispositions,
clairement identifiées dans le domaine des communications
électroniques, soient déjà adoptées avant d’être, le cas échéant,
étendues au secteur postal. Notamment :
. concernant l’ARTP : la possibilité pour le régulateur
d’accéder aux informations pertinentes lui permettant d’avoir une
connaissance suffisante du marché qu’il a à réguler hors de la
stricte recherche d'infractions (L.32-4 par exemple) ; la question
des délais de réponses qui n’est, dans le présent avant-projet,
traitée ni de façon satisfaisante pour celui qui attend une réponse
(aucune garantie claire pour l’opérateur demandant une autorisation)
ni pour l’autorité (le délai d’un mois est beaucoup trop court dès
que le problème atteint une certaine complexité).
. concernant le nouvel article relatif à la CSSPPT (L.129-1
dans l’avant-projet de loi du “ Paquet Télécom 2 ” proposé pour
remplacer l’actuel L.32-2 du code). La CSSPPT demande notamment la
confirmation de sa consultation obligatoire par le Gouvernement sur
les textes modifiant la législation des secteurs des postes et
communications électroniques et de toutes ses prérogatives
concernant le service universel et le service public, y compris sur
les textes réglementaires d’application.
On
rappellera, en outre, que les modifications législatives et
réglementaires concernant la CSSPPT qui auraient dû suivre la
création du service universel postal, comme il avait été fait pour
le service universel du téléphone en 1996, n’ont pas été opérées.
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