Accueil > Projet de loi de finances pour 2016 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2016) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration générale de la République

Commission de la défense nationale
et des forces armées

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 29 octobre 2015

Présidence de M. Dominique Baert,
vice-président de la Commission des finances,
de M. Jean-Jacques Urvoas,
président de la Commission des lois
et de Mme Patricia Adam,
présidente de la Commission de la défense

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente

projet de loi de finances pour 2016

Sécurités

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis heureux de vous accueillir, en compagnie de Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, et de Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2016 consacrés à la mission « Sécurités ».

Je rappelle les règles qui président à nos débats en commission élargie : la parole sera d’abord donnée aux rapporteurs des commissions, qui interviendront pendant cinq minutes ; après la réponse du ministre, les porte-parole des groupes s’exprimeront pendant cinq minutes ; puis ce sera au tour de tous les députés qui le souhaiteront, pendant deux minutes.

M. Yann Galut, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la police, la gendarmerie, la sécurité routière, le contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Dans un contexte où l’État réduit ses dépenses, l’effort financier en faveur de la mission « Sécurités », continu depuis le début de la législature, atteste qu’il s’agit d’une priorité du Gouvernement. Depuis le 11 janvier dernier, cette priorité répond à une exigence, affirmée par les millions de nos concitoyens qui ont manifesté en mémoire des victimes et pour la défense des libertés, et qui ont rendu hommage à nos forces de police et de gendarmerie.

Face à cette situation, le Gouvernement a débloqué des moyens par le décret d’avance du 9 avril 2015. De par mes activités de contrôle budgétaire, j’ai pu m’assurer de la disponibilité effective des plus de 110 millions d’euros attribués à la police et à la gendarmerie, comme je le détaille dans mon rapport.

Le budget pour 2016 prolonge cet effort. Les crédits de paiement du programme « Police nationale » s’élèveront à 9,77 milliards d’euros, en hausse de 82 millions d’euros, soit de 0,85 %, après une hausse de 50 millions d’euros en 2015.

Les crédits de paiement du programme « Gendarmerie nationale » s’élèveront à 8,12 milliards d’euros, en hausse de 64 millions d’euros, soit de 0,79 %, après une hausse de 0,4 % en 2015.

Sur l’année, le décret d’avance et le projet de loi de finances ajoutent 948 emplois pour la police, et 284 pour la gendarmerie. Faut-il rappeler que, entre 2007 et 2012, les deux forces ont perdu au total 13 700 emplois ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, le plan de lutte contre l’immigration clandestine (PLIC) apporte 900 emplois supplémentaires : 530 policiers et 370 gendarmes. Vous avez déposé un amendement pour tenir compte des effets de ce plan dans le projet de loi. Pouvez-vous en présenter le contenu et détailler l’emploi des nouveaux effectifs ?

En 2016, la police nationale pourra investir pour 259 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %, et la gendarmerie nationale pour 103 millions d’euros, soit une hausse de près de 22 %. Mais des contraintes demeurent. Les dépenses de fonctionnement du programme « Police nationale » sont en légère baisse, en décalage avec l’investissement, alors que ces deux postes présentent des liens. Nous le savons, les services de police rencontrent des tensions fortes sur leur budget de fonctionnement courant et de maintenance. L’ampleur des besoins fait que les véhicules et l’immobilier sont vieillissants, ce qui rend leur entretien plus coûteux, malgré les investissements. Je rappelle que ces derniers avaient été gelés lors du précédent mandat, sous la responsabilité de M. Sarkozy. Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas consacrer davantage de moyens au fonctionnement courant des services, pour améliorer le quotidien des policiers sur leur lieu de travail ?

Pour la gendarmerie nationale, la contrainte s’exerce plutôt sur l’investissement, car la structure de ses dépenses rend le budget très vulnérable à la réserve de précaution de 8 % qui réduit considérablement les marges de manœuvre. Pouvez-vous nous confirmer que la réserve de précaution sera bien débloquée cette année, afin que la gendarmerie puisse finaliser des commandes essentielles ?

Monsieur le ministre, cet apport de moyens nouveaux est justifié par des résultats et par une efficacité opérationnelle sur le terrain.

Cette efficacité est illustrée, au premier chef, par la réponse apportée à la menace terroriste. D’une part, pour avoir rendu visite à nos unités d’intervention du contre-terrorisme, le GIGN et le RAID, je peux attester de leur niveau de préparation et d’équipement, et de leur capacité à anticiper la menace, et à adapter leurs techniques et leurs modes opératoires. D’autre part, la nouvelle organisation du renseignement a permis d’ouvrir depuis le début de l’année 157 dossiers judiciaires liés au terrorisme, concernant près de 900 personnes – dont 250 mis en examen et 147 incarcérés.

Cette efficacité est également illustrée par notre politique de lutte contre la délinquance. Si nous faisons de la sécurité une priorité, c’est pour lutter contre le sentiment d’injustice, de relégation et d’abandon par la République qui se nourrit des inégalités sociales et territoriales face à la délinquance. Dès 2012, vous avez ciblé les moyens de lutte contre la délinquance sur ces territoires, qui étaient presque abandonnés. Quel est le bilan des zones de sécurité prioritaire ? La méthode pourrait-elle être étendue à de nouveaux domaines ?

Pour vraiment cibler les moyens sur les zones les plus difficiles, il me semble qu’il faut en finir avec la situation actuelle concernant l’avantage spécifique d’ancienneté (ASA) ? Pouvez-vous nous dire si vous réfléchissez à cette refonte ?

Le redéploiement des zones de police et de gendarmerie est aussi un outil qui permet de mieux adapter les moyens aux besoins. Où en votre réflexion sur cette question ?

Enfin, la réussite de la lutte contre la délinquance implique surtout que l’on ne détourne pas les personnels de police et de gendarmerie des tâches qu’ils assurent sur le terrain de la sécurité. J’ai été très marqué par cette autre question, lorsque j’ai rencontré les forces de police et de gendarmerie. Bien sûr, il ne s’agit pas d’abaisser les droits de la défense, auxquels je tiens tout particulièrement. Mais je voudrais savoir si vous avez réfléchi à une réforme du code de procédure pénale. Avez-vous des pistes afin d’alléger la procédure ? Monsieur le ministre, comment allez-vous peser pour faire aboutir la simplification annoncée par le Premier ministre ?

M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la sécurité civile. J’ai à nouveau cette année l’honneur d’être le rapporteur spécial des crédits du programme 161 « Sécurité civile », inscrits depuis le budget pour 2014 dans la mission d’ensemble « Sécurités ».

Le projet de loi de finances (PLF) propose de porter les autorisations d’engagement pour les moyens de la sécurité civile de 394,66 millions d’euros en 2015 à 407,26 millions d’euros en 2016. Les crédits de paiement connaissent un même mouvement, puisque le PLF prévoit de les faire passer de 433,18 millions d’euros en 2015 à 441,58 millions d’euros en 2016.

Cette évolution positive doit être particulièrement soulignée, car nous connaissons tous l’importance qu’ont les actions de l’État dans ce domaine essentiel de la sécurité civile, et l’obligation qui nous est faite de consacrer des moyens significatifs à la protection des populations au quotidien ou lors des catastrophes majeures, qu’elles soient naturelles, technologiques ou industrielles.

Avant toute chose, monsieur le ministre, je voudrais saluer l’action ferme et courageuse que vous avez su conduire, et l’efficacité et la générosité dont font preuve chaque jour les nombreux intervenants de la sécurité civile.

Je souhaite aussi, comme c’est l’usage, vous poser plusieurs questions.

L’actualité récente nous a rappelé comme il est difficile de lutter contre les phénomènes de crues et d’inondations, dont la gravité est souvent très malaisée à prévoir. Quels progrès impératifs, en lien avec Météo France, pensez-vous pouvoir réaliser dans le domaine de l’anticipation de ce type de crises, et de l’alerte des populations ? Quelles améliorations opérationnelles pensez-vous pouvoir apporter avec l’ensemble des acteurs de la sécurité civile ?

Pouvez-vous nous rappeler l’état de réalisation et de fonctionnement de plusieurs grands programmes d’équipement ? Il s’agit, d’une part, de deux réseaux de communication – le réseau d’adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours (ANTARES), qui vise à l’interopérabilité des moyens de communication des différents intervenants publics en sécurité civile ; et le nouveau système d’alerte et d’information des populations (SAIP) –, et, d’autre part, de deux structures chargées des nouveaux risques – le Centre national d’alerte aux tsunamis (CENALT) pour les tsunamis en Méditerranée et en Atlantique du Nord-Est ; et le Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive.

S’agissant de la lutte contre les feux de forêt, quelles précisions pouvez-vous nous donner sur le renouvellement de la composante Tracker de notre flotte d’avions, ainsi que sur le transfert, prévu en 2017, de la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes-Garons ?

Quelle contribution les acteurs de la sécurité civile apportent-ils à la lutte contre le terrorisme, qui est une préoccupation croissante pour tous les Français ?

Nous avons parlé de la crise du volontariat des sapeurs-pompiers. Une augmentation du nombre des sapeurs-pompiers volontaires a cependant été récemment observée, sous l’effet de l’application de la loi de 2011, et des vingt-cinq mesures contenues dans l’Engagement national pour le volontariat, signé à l’initiative du Président de la République par de nombreux acteurs de la sécurité civile le 11 octobre 2013. Quelles précisions pouvez-vous nous donner sur ce point essentiel pour la pérennité de notre système de secours ?

La sécurité civile n’est pas que l’affaire des acteurs publics – État, collectivités, services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Il ne faut pas oublier le rôle très important des associations, des réserves communales et des citoyens que nous sommes tous. Quelle est votre analyse à ce propos ? Comment encourager chez les jeunes, dans la logique du vivre ensemble, l’esprit d’engagement et le sens de la citoyenneté ?

Quelles mesures particulières sont retenues dans le budget 2016 pour les outre-mer, traditionnellement confrontés à des difficultés renforcées en matière de risques naturels, comme les tsunamis, les séismes, les cyclones, les éruptions volcaniques ou les feux de forêt ?

Ma dernière question concerne votre action envers les outre-mer. Depuis 2012, il convient de saluer l’engagement constant de votre administration pour assurer une action de sécurité civile de même niveau sur nos territoires que dans l’Hexagone. J’en veux pour preuve le pré-positionnement du Dash 8 à La Réunion, sitôt la fin de la saison des feux dans l’Hexagone et le début de la saison dans l’océan Indien. Malgré une situation de sécheresse persistante, La Réunion n’a pas revécu le drame des incendies du Maïdo en 2011. Mais, malgré cet engagement, beaucoup reste à faire.

L’idée d’une sécurité civile adaptée aux outre-mer pourrait faire l’objet d’une étude particulière, pour que des solutions encore plus efficaces y soient mises en œuvre. Par exemple, les moyens héliportés sont notoirement insuffisants dans nos territoires, en particulier à l’île de La Réunion. Pour pallier ce manque tout en ayant une approche budgétaire raisonnable, des expérimentations de moyens héliportés mutualisés entre la sécurité civile, la gendarmerie et le SAMU – ce que l’on a appelé les hélicoptères bleu-blanc-rouge – ont été mises en place, notamment en Guyane. Que nous ont appris ces expérimentations ? Peut-on en prévoir également à La Réunion, où la sécurité civile ne dispose d’aucun moyen héliporté propre ? Mais, au-delà, partagez-vous, monsieur le ministre, ma proposition de mettre en place une mission qui pourrait plancher sur une organisation de la sécurité civile dans les outre-mer ?

M. David Comet, suppléant M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. M. Boisserie, rapporteur titulaire des crédits de la gendarmerie, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m’a demandé de le suppléer et je m’acquitterai évidemment de cette tâche avec plaisir, tout en m’efforçant de relayer le plus fidèlement possible ses analyses et ses interrogations.

Je ne m’étendrai pas sur le budget et les évolutions de crédits prévus en 2016. Je me contenterai de souligner avec satisfaction que les ressources sont consolidées et adaptées au contexte sécuritaire et opérationnel. Tous financements compris, la gendarmerie bénéficiera de 8,37 milliards d’euros en autorisations d’engagement, et de près de 8,23 milliards d’euros en crédits de paiement. Pour la quatrième année consécutive, les effectifs seront en hausse, palliant ainsi en partie les effets de la politique de déflation menée sous le quinquennat précédent. Un tel effort est absolument nécessaire.

Les forces de sécurité – mais également l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que les forces armées – ont été en première ligne à la suite des attentats qui ont frappé notre pays en janvier dernier. Je tiens ici à leur rendre hommage et à leur témoigner toute notre reconnaissance.

Cette nouvelle donne sécuritaire a conduit à une mobilisation opérationnelle sans précédent des forces de l’ordre. Il n’existe aujourd’hui aucun sanctuaire sur le territoire national face à la menace terroriste et ses ramifications, qui peuvent s’implanter aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. Le niveau de menace n’est probablement pas amené à diminuer à moyen terme, et notre pays doit apprendre à vivre durablement dans un contexte sécuritaire dégradé.

Or, à ce risque sécuritaire sont venues s’ajouter les conséquences d’une crise migratoire d’une ampleur sans précédent en Europe depuis plusieurs décennies. Provoquée par des crises géopolitiques d’une violence extrême, elle voit des centaines de milliers d’êtres humains fuir la guerre, les persécutions et les violences dans l’espoir d’un avenir meilleur au sein de l’Union européenne. Au-delà des questions sanitaires et sociales, ce drame humanitaire représente un autre défi majeur en matière d’ordre public.

Je salue à cet égard l’initiative du Gouvernement qui a déposé un amendement abondant la mission « Sécurités » à hauteur de plus de 42 millions afin de mettre en œuvre le plan Migrants. Sur cette enveloppe, 19,8 millions d’euros bénéficieront à la gendarmerie, permettant le recrutement de 370 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires en plus des 184 postes déjà prévus.

Mais il ne faudrait pas croire que ces crises nouvelles ont fait disparaître les autres risques et menaces. La gendarmerie doit donc évidemment continuer à remplir ses missions traditionnelles : lutte contre la délinquance et l’insécurité, contre les trafics, maintien de l’ordre, renseignement, missions de police judiciaire, sans oublier les déploiements en opérations extérieures.

Il convient donc de saluer les décisions prises en matière budgétaire, qui permettront une augmentation des moyens humains et matériels au service de la sécurité publique. Toutefois, pour les raisons que je viens de rappeler, il est sans doute utile de faire plus à l’avenir. Je souhaiterais faire part de quelques réflexions en ce sens.

Je suis conscient que la réserve est nécessaire au pilotage de la dépense publique. Mais nous devons prendre toute la mesure du changement de monde à l’œuvre en matière de sécurité au sens large, et en tirer toutes les conséquences aux plans budgétaire et opérationnel.D’après les dernières informations dont nous disposons, les crédits encore gelés au titre de 2015 atteignent 51 millions d’euros. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer s’ils seront effectivement débloqués ?

Par ailleurs, vous avez récemment indiqué, et je m’en réjouis, que « les initiatives seront prises pour que la disponibilité des crédits budgétaires soit organisée dèsle début del’année 2016 ». Où en sont vos négociations avec Bercy sur ce point ?

Je rappelle que, si l’on soustrait les sommes faisant l’objet de dépenses obligatoires, la mise en réserve initiale d’environ 100 millions d’euros s’applique en réalité à une assiette très réduite, de l’ordre de 300 millions d’euros. Or ces sommes servent notamment à l’équipement des gendarmes.Il me semble donc absolument indispensable de dégeler dès le début de la gestion les crédits mis en réserve. Je sais votre implication constante à ce sujet ; je doute en revanche de la bonne volonté d’autres ministères…

Il n’est pas acceptable que les dégels n’interviennent qu’en fin d’année. Cela fait peser une incertitude paralysante et, pour tout dire, vexatoire pour nos forces de l’ordre, alors que notre pays et nos concitoyens comptent sur leur engagement sans faille, aujourd’hui encore davantage qu’hier.

Je souhaiterais maintenant dire quelques mots sur les effectifs. Chaque année depuis le début du quinquennat, ceux des forces de l’ordre ont été augmentés. Mais un décalage existe toujours entre le plafond des emplois autorisés par le Parlement et les effectifs réels, aux dépens de ces derniers.Certes, ce plafond fixe une limite haute en termes d’effectifs. Mais il représente surtout le nombre de postes que les pouvoirs publics estiment nécessaires à la production de sécurité et à la protection de nos concitoyens. Sinon, en toute logique, il faudrait l’abaisser.

Depuis des années, ce plafond est fictif, la gendarmerie ne disposant pas des ressources nécessaires pour procéder aux recrutements permettant d’atteindre ce niveau. En 2016, et sans tenir compte des 370 nouveaux ETPT, ce « trou à l’emploi » atteindrait 1 959 ETPT soit 2 % des emplois autorisés. Cela correspond à environ 195 brigades si l’on considère, de manière optimiste, un effectif moyen de dix hommes par brigade.

Des économies de postes peuvent probablement être dégagées après des redéploiements d’effectifs et la réorganisation de la « carte gendarmerie ». Cela permettrait d’abaisser d’autant le plafond autorisé. Mais ceci fait, il conviendrait de combler l’écart entre les effectifs théoriques ainsi recalculés et les effectifs réels.

Partagez-vous cette analyse ? Pensez-vous que ces « trous à l’emploi » doivent être résorbés, au moins partiellement, compte tenu de la nouvelle donne sécuritaire appelée à perdurer ?

Enfin, pourriez-vous nous donner des précisions sur le processus d’optimisation du maillage territorial, avec le réexamen des implantations et des petites brigades dont la faiblesse en effectifs ne permet pas une réelle production de sécurité ?

M. Pascal Popelin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité. Les crédits de fonctionnement et d’investissement affectés à la police et à la gendarmerie constituent, depuis le début de la législature, une priorité budgétaire pour le Gouvernement et la majorité parlementaire, et ce dans le contexte contraint qu’exige le redressement de la trajectoire de nos comptes publics.

Concrètement, l’effort consenti cette année encore dans le budget de la nation autorisera la création de 1 118 postes nouveaux en 2016, et de 900 de plus – 530 pour la police nationale, et 370 pour la gendarmerie –, avec l’amendement déposé par le Gouvernement pour faire face à la question des flux migratoires. Cet effort permettra également de financer certains équipements – par exemple, le renouvellement de près de 4 000 véhicules.

Cette évolution, qui tranche avec la réduction constante des moyens humains, matériels et financiers déplorée au cours du précédent quinquennat, a été jugée unanimement positive par les acteurs de la sécurité qu’il m’a été donné de rencontrer lorsque j’ai préparé mon rapport, même si, bien sûr, tous estiment qu’il serait nécessaire de faire davantage pour combler les retards accumulés et faire face aux nouveaux défis de la période.

J’ai souhaité, cette année, m’intéresser aux fonctions support. Celles-ci sont très diverses et regroupent l’ensemble des activités nécessaires au fonctionnement quotidien des forces de l’ordre : gestion des ressources humaines, formation, logistique, immobilier ou encore informatique.

Des efforts de rationalisation ont déjà libéré des effectifs, occupés jusque-là par ces tâches indispensables, mais non opérationnelles. Les regroupements des ateliers automobiles ont déjà permis, par exemple, d’économiser 87 ETP ; ils se poursuivent sous le pilotage des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI). La réforme des implantations locales des services de la sécurité publique a dégagé, pour la police nationale, 223 ETP en 2013-2014. Au plan central, la suppression des doublons entre directions actives et directions support, le regroupement des services de communication ou la fusion d’établissements de formation ont également permis d’importantes économies de personnel.

Cet effort de rationalisation peut être, de mon point de vue, encore renforcé, et je voudrais évoquer deux exemples : la police technique et scientifique d’une part, et la politique immobilière d’autre part.

S’agissant de la police technique et scientifique (PTS), deux systèmes, aux modes de fonctionnement et aux cultures bien différents, coexistent : les policiers d’un côté, les gendarmes de l’autre. Estimez-vous qu’il soit possible et opportun, monsieur le ministre, de rapprocher les laboratoires des deux forces pour en rationaliser l’implantation sur le territoire ? Pensez-vous souhaitable d’aller vers une harmonisation des procédures de constatation, des matériels et des formations de la PTS ? Seriez-vous favorable à une évolution du statut des personnels de la police nationale, afin qu’ils puissent notamment opérer seuls, à l’instar de ce qui est possible lorsque c’est la gendarmerie qui intervient ?

Quant à l’immobilier, il est essentiel tant pour la police que pour la gendarmerie. L’entretien de l’existant comme la construction de casernes ou de commissariats représentent des enjeux budgétaires énormes pour les deux forces. Estimez-vous possible de développer la mutualisation de la fonction immobilière entre la police et la gendarmerie, par exemple au travers de marchés communs pour la maintenance des bâtiments ? La création d’une agence ayant pour mission de centraliser et de coordonner les projets immobiliers d’une certaine ampleur – construction et rénovation des bâtiments – en lien avec la direction générale de la police nationale (DGPN), la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction de l’évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières (DEPAFI) et permettant l’émergence d’un véritable pôle de compétence « immobilier » au sein du ministère de l’intérieur vous paraît-elle opportune ?

La rationalisation des fonctions support doit aussi s’accompagner de mesures visant à décharger les policiers et les gendarmes de tâches que leur encadrement et leurs représentants qualifient souvent d’« indues ». Afin de poursuivre le mouvement engagé en ce sens depuis 2012, estimez-vous possible et souhaitable de décharger policiers et gendarmes de l’établissement des procurations électorales ?

Je terminerai sur un point qui n’est pas au cœur de mon rapport, mais qui appelle toute mon attention, tant ce dispositif me semble constituer un véritable atout pour une meilleure relation entre la police et la population, en particulier dans les quartiers populaires : la généralisation des caméras-piétons au sein de la police nationale. À la suite des annonces faites par le Premier ministre ce lundi, pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, le calendrier législatif et opérationnel de la mise en place d’un tel dispositif ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile. En raison de son objet même, le programme « Sécurité civile » transcende les divisions politiques et nous permet de rendre l’hommage qu’ils méritent aux femmes et aux hommes qui, avec un dévouement, un courage et une abnégation exemplaires, risquent leur vie pour les autres et dont plusieurs, cette année encore, ont fait l’ultime sacrifice pour servir le bien commun.

Les crédits du programme sont, dans le projet de loi, en hausse de près de 2 %, s’établissant à plus de 441 millions d’euros. C’est une hausse modeste, mais significative, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

J’ai d’autres sujets de satisfaction : l’absence de modification de l’organisation de la sécurité civile par les réformes territoriales ; les améliorations de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), notamment celles concernant le financement des services d’incendie et de secours – dont la possibilité, enfin reconnue, aux formations militaires de Paris et Marseille, de facturer certaines de leurs interventions, ce que notre collègue Philippe Goujon appelait de ses vœux ; les progrès dans le transfert de la base d’avions de la sécurité civile (BASC) dans le Gard ; enfin, les efforts faits pour améliorer la situation des volontaires et résorber leurs effectifs.

Toutefois, monsieur le ministre, tout n’est pas parfait, loin de là. Deux points, à mes yeux, méritent une attention toute particulière : d’une part, la situation des volontaires, qui est toujours précaire ; d’autre part, le renouvellement de la flotte aérienne vieillissante.

Sur le volontariat, tout en saluant les réalisations enregistrées dans le cadre de l’Engagement national conclu en 2013 et que j’avais eu l’honneur de signer au nom de l’Association des maires de France (AMF), des progrès restent à faire.

Les effectifs des volontaires, qui représentent 80 % des pompiers français, sont passés en dix ans de 207 000 à 193 000. Une légère augmentation a été enregistrée en 2014. Toutefois, la hausse réelle n’est pas celle que vous affichez : vous y avez en effet intégré environ 450 volontaires de Mayotte déjà engagés.

Je veux croire que cette hausse timide marque le début d’une progression continue. Néanmoins, l’objectif des 200 000 volontaires d’ici à deux ans restera difficile à atteindre, surtout si l’Engagement national n’est pas mis en œuvre dans son ensemble, s’agissant notamment de l’arrêt de la fermeture de centres. Le maillage territorial doit rester étroit afin de garantir des interventions rapides, et une proximité entre le domicile du volontaire et son centre.

M. Éric Faure, que j’ai eu l’occasion d’interroger, se plaignait que la loi – dont j’avais pris l’initiative – n’était pas totalement mise en application. Tous les décrets d’application ont été pris, mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous fournir un calendrier des mesures restant à prendre, et nous rassurer sur l’absence de nouvelles fermetures de centres ?

Le volontariat appelle de ma part une deuxième observation, liée à la directive sur le temps de travail qui est en cours de négociation. L’année dernière, vous nous aviez assuré que tout se passait bien. En mars de cette année, la France a demandé l’exclusion expresse des volontaires et bénévoles du champ de la directive. Vous le savez, son application à ces populations marquerait la fin de notre modèle de sécurité civile, puisque les volontaires ne pourraient plus exercer, et pourrait coûter 2 milliards et demi d’euros si ceux-ci devaient être remplacés par des professionnels. Monsieur le ministre, y a-t-il une chance que la France ait gain de cause ?

Enfin, l’étude de la situation du volontariat m’a permis de prendre connaissance de dispositifs complémentaires très intéressants : les réserves citoyennes de sécurité civile ; l’association étroite des pompiers à la prévention des accidents de la vie courante. Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous de faire, s’agissant de ces pistes prometteuses ?

Un second point mérite notre attention. Je veux parler des avions de la sécurité civile. Les Canadair, et surtout, les Tracker dont certains ont plus de soixante ans, vont bientôt atteindre un stade d’obsolescence empêchant leur utilisation. Je sais que de nombreuses pistes ont été explorées par votre ministère pour trouver un successeur au Tracker. Le choix a finalement porté sur l’acquisition de nouveaux Dash, solution pertinente eu égard aux capacités de ce modèle. Néanmoins, cela ne règle pas la question qu’il faudra, à terme, se poser : quel modèle remplacera les Canadair ? Dans la mesure où la réouverture de la chaîne de production par Bombardier paraît peu probable, quelles sont les pistes étudiées ?

Enfin, au-delà de l’expérimentation parisienne pour l’Euro 2016, quelles sont les actions envisagées par le Gouvernement pour substituer à la pléthore des numéros d’urgence un numéro unique, le 112, dans un souci de simplification et d’économies ?

Monsieur le président, comme je pense ne pas pouvoir rester jusqu’à la fin de la séance, je vous informe dès à présent que j’émets un avis favorable sur les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Mesdames et messieurs les députés, je me félicite de la qualité de la contribution du Parlement au débat sur les crédits de la sécurité. Je remercie les rapporteurs pour les questions qui m’ont été posées et qui me donnent l’occasion d’apporter des réponses précises sur les orientations budgétaires du Gouvernement en matière de sécurité.

M. Galut a souligné à juste titre l’évolution des crédits de fonctionnement et d’investissement de la police et la gendarmerie, qui contraste avec la situation passée. De fait, entre 2007 et 2013, ils avaient connu une diminution de 8 %. Pour la seule police, la diminution était de 17 %, son budget hors titre 2 (HT2) étant passé de 1,131 milliard d’euros à 936 millions d’euros entre 2007 et 2013. Et il en fut de même des crédits de la gendarmerie HT2.

Pendant la même période, les crédits T2 qui financent les effectifs de la police et de la gendarmerie avaient augmenté, alors que les effectifs diminuaient de 13 000 agents. La raison en est très simple : on compensait par des mesures catégorielles très coûteuses la diminution massive des effectifs, pour éviter certaines tensions au sein des forces.

Le budget que nous proposons aujourd’hui est évidemment très différent de ce qui a prévalu jusqu’à une période récente. Pour 2016, nous proposons une augmentation de 3,1 % des crédits HT2 de la police et de la gendarmerie. En 2014, l’augmentation était de 0,2 % et en 2015 de 1,5 %. Cela signifie que, grâce aux arbitrages rendus par le Président de la République et le Premier ministre, et grâce à la mobilisation de notre administration, les crédits HT2 dont bénéficient la police et la gendarmerie augmentent de façon très significative : sa progression double par rapport à l’an dernier. J’ai en effet la volonté de remettre à niveau les moyens de la police et de la gendarmerie, dans un contexte sécuritaire difficile.

Cette évolution positive des crédits ouverts en loi de finances initiale a été consolidée par la mise en œuvre du plan de renforcement des moyens pour lutter contre le terrorisme, à la suite des attentats du mois de janvier 2015.

Je tiens à préciser que, depuis le début du quinquennat, nous avions décidé d’augmenter de 432 les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et de lui allouer un budget supplémentaire de fonctionnement de 12 millions d’euros par an. Nous avons souhaité compléter cet effort après les attentats du mois de janvier, pour procéder à une remise à niveau des moyens face au renforcement de la menace. Nous avons alors décidé de créer, jusqu’à la fin du quinquennat, 1 404 postes dans la police et dans la gendarmerie. Ces 1 401 postes se répartissent de la manière suivante entre les différents services : 500 postes supplémentaires au sein de la DGSI sur la période – ce qui porte à 1 000 le nombre de postes créés dans cette direction d’ici à la fin du quinquennat ; 500 postes au sein du Renseignement territorial ; 100 postes au sein de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPPP) ; 106 postes au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) ; 60 postes au sein de la police de l’air et des frontières (PAF), de manière à nous mettre à niveau au moment où nous allons devoir mettre en œuvre le Passenger Name Record (PNR) et améliorer, dans le cadre de l’ajustement de Schengen, les conditions de contrôle aux frontières intérieures de l’Union européenne. Nous voulons en effet mettre en place des contrôles systématiques et coordonnés face au risque terroriste, ce implique davantage de moyens au sein de la PAF ; enfin, 40 emplois au sein du service de la protection des personnalités (SDLP). Cela permettra à nos services, qui étaient à la peine, de disposer de moyens humains supplémentaires pour faire face au risque terroriste.

J’ajoute que nous faisons un effort budgétaire considérable sur le plan de l’équipement de nos services. Ainsi, nous avons décidé d’allouer 233 millions d’euros en crédit HT2 à nos services dans le cadre de la lutte antiterroriste. Ces crédits se répartissent en plusieurs enveloppes.

Une enveloppe d’un peu plus de 20 millions d’euros permettra d’équiper en moyens informatiques les différents services de police et de gendarmerie, et de moderniser nos infrastructures de communication, après une période de désinvestissement ayant abouti à l’obsolescence d’un certain nombre de nos réseaux informatiques. Cela nous a d’ailleurs posé des problèmes, comme on a pu le constater en octobre 2014, au moment du retour de trois djihadistes de Turquie : le système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés (CHEOPS) n’a pas fonctionné comme il l’aurait dû, en raison de ce sous-investissement.

D’autre part, 50 millions d’euros seront consacrés à l’acquisition d’armes, de gilets pare-balles et de véhicules. Ainsi, 3 092 armes, modernes et efficaces, vont être allouées aux services de police et de gendarmerie en 2015 ; quelque 4 100 gilets pare-balles lourds ; quelque 16 000 gilets pare-balles légers ; et 1 186 véhicules qui ont déjà été commandés pour équiper les forces, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste.

Nous avons beaucoup augmenté les moyens, à la fois humains et HT2, pour faire face au risque terroriste et équiper nos forces au meilleur niveau. Si l’on veut un État qui ait de l’autorité et des forces de sécurité qui aient les moyens de faire face, il faut fixer des priorités budgétaires. Malheureusement, de nombreux moyens ont été rabotés, pour ne pas dire presque réduits à néant dans certains domaines. Je pense notamment à l’investissement dans les commissariats – et il suffit de voir l’état du commissariat de Saint-Denis pour se rendre compte de la situation. Voilà pourquoi je me battrai, aussi longtemps que je serai dans cette maison, pour que nous disposions des moyens suffisants pour remplir nos missions.

Monsieur Galut, vous m’avez également interrogé sur la prise en compte du plan de lutte contre l’immigration clandestine dans le budget 2016. Je veux d’abord rendre compte des résultats que nous avons obtenus en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Au cours de l’année 2015, année qui n’est pas encore achevée, 197 filières d’immigration irrégulière ont été démantelées. À cette occasion, près de 3 000 personnes ont été interpellées, une grande partie d’entre elles ont été judiciarisées, alors même que notre pays n’a pas connu des afflux de migrants comparables à ceux que l’on constate, par exemple, en Allemagne ou en Autriche.

Je rappelle également que le nombre de demandeurs d’asile en France a baissé au cours de l’année 2014 de 2,34 %, mais qu’il a augmenté de 8 % depuis le début de l’année 2015. Cela devrait se traduire, au cours de l’année 2015, par une augmentation de l’ordre de 20 %. Il faut bien entendu tenir compte de l’effort de relocalisation et de réinstallation dans lequel notre pays s’est engagé du fait de ses positions européennes.

J’ajoute que, bien que nous soyons beaucoup moins concernés que d’autres par les flux migratoires, le nombre des filières que nous avons démantelé en 2015 a augmenté de 25 % par rapport à 2014. De la même façon, le nombre de filières que nous avions démantelé en 2014 avait augmenté de 25 % par rapport à 2013. Comme vous pouvez le constater, nous avons une très forte activité de lutte contre l’immigration irrégulière.

Je profite de la question qui a été posée par M. Galut pour aborder le sujet des effectifs. Sur décision du Premier ministre, 900 effectifs supplémentaires viendront renforcer les forces de l’ordre pour faire face à la situation migratoire particulière à laquelle l’Europe se trouve confrontée. Un amendement qui vous est proposé aujourd’hui prévoit les mesures suivantes : 530 recrutements supplémentaires dans les rangs de la police, pour renforcer les forces mobiles, la préfecture de police, la direction centrale de la police de l’air et des frontières ; 370 effectifs supplémentaires, destinés au renforcement des escadrons de gendarmerie. Ces moyens supplémentaires permettront à nos services de faire face. J’ai lu dans un quotidien d’aujourd’hui que la PAF était à la peine. C’est vrai, pour des raisons qui tiennent au fait qu’on l’a beaucoup affaiblie, et c’est bien pourquoi je veux beaucoup la renforcer. Ces efforts correspondent à un abondement en crédits de 22,6 millions pour la police et de 19,6 millions d’euros pour la gendarmerie.

À propos d’immigration irrégulière, je voudrais apporter de nouvelles précisions sur les reconduites à la frontière, parce que j’ai constaté qu’il y avait quelques « canards sans tête » qui continuaient à courir ! Et je tiens à dire aux députés ma fermeté et ma détermination, malgré les bruits, la désinformation, les polémiques à répétition qui n’ont pas lieu d’être.

D’abord, je le répète solennellement devant votre commission : l’affirmation selon laquelle on procéderait à l’éloignement ou à la récupération de migrants avec des jets privés est un mensonge, relevant d’une campagne orchestrée par des acteurs qui n’ont pas conscience qu’ils entretiennent ainsi un climat de nature à éloigner le pays de ses valeurs. Nous utilisons un Beechcraft, dans le cadre d’un contrat de location qui a été passé en 2006 par un ministre de l’intérieur dont chacun se rappelle le nom.

En 2012, il y a eu 108 vols d’éloignement ; en 2013, 121 ; en 2014, 131. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière (ESI) qui ont été reconduits dans le cadre de ces vols a été, en 2012, de 382 ; en 2013, de 511 ; en 2014, de 502. Le coût de ces éloignements s’est élevé à 1,7 million d’euros en 2012 ; à 1,6 million en 2013 ; à 2,3 millions en 2014. Le coût par ESI éloigné a atteint 4 100 euros en 2015, contre 4 500 euros en 2012.

On me dit que cette audition est écoutée par la presse. Je forme donc le vœu que, sur ce sujet, on dise des choses qui correspondent à la réalité. Je tiens d’ailleurs à la disposition de tous ceux qui parlent, écrivent et font des commentaires, la totalité des documents qui sont de nature à rétablir la vérité – si toutefois la vérité intéresse quelqu’un.

Il y a un autre débat : procédons-nous à des éloignements de personnes qui ne sont pas éloignables ? Là aussi, les choses doivent être dites avec une extrême précision : à Calais, lorsque des migrants tentent de s’introduire dans le tunnel, ils sont interpellés et placés dans le centre de rétention administrative (CRA) de Coquelles ou, s’il n’y a pas de places, dans un autre CRA. Cela permet de vérifier leur nationalité, les passeurs les encourageant à déclarer qu’ils sont Syriens ou Irakiens afin d’éviter les mesures d’éloignement. En vérifiant ainsi l’adéquation entre leurs déclarations et la réalité, nous appliquons tout simplement la loi. S’il s’avère que les intéressés sont éloignables, nous les éloignons. S’ils ne le sont pas, bien entendu, nous les libérons. Telle est la réalité, et c’est le cas depuis toujours.

Je continuerai à mettre en œuvre cette politique, car, si je ne le faisais pas, il serait impossible d’éloigner ceux qui sont en situation irrégulière et, dès lors, notre politique d’accueil des demandeurs d’asile ne serait plus soutenable. De plus, cela signifierait que je laisse dans l’impunité tous ceux qui tentent de franchir le tunnel et commettent, en cela, une infraction.

Dernier point : notre politique est-elle efficace ? Je vais vous donner des chiffres très précis que je n’ai pas encore rendus publics.

Dans le cadre de la visite que j’ai effectuée à Calais la semaine dernière, j’ai décidé de mettre en œuvre une politique extrêmement précise dans le Calaisis et le Dunkerquois. Premièrement, nous renforçons les moyens en matière d’asile : nous multiplions les maraudes dans le camp de la lande pour inciter les migrants qui relèvent du statut de réfugié à demander l’asile en France, dans la mesure où ils ne peuvent pas passer au Royaume-Uni. Le nombre de demandes d’asile est ainsi passé de 400 en 2013 à 1 000 en 2014, puis à près de 2 000 en 2015. Cela nous permet d’accueillir ces migrants dans des conditions décentes hors de Calais, plutôt que d’organiser leur concentration dans des conditions inhumaines à Calais. En effet, grâce au concours de plusieurs communes, que je remercie de leur implication, ils sont placés dans des centres d’attente. Ces lieux n’ont pas vocation à durer, puisque les migrants sont immédiatement transférés dans des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) à partir du moment où l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) se sont mobilisés pour leur accorder l’asile.

Deuxièmement, nous procédons à des éloignements dans les conditions que j’ai indiquées.

Troisièmement, nous mobilisons nos forces pour bien faire comprendre aux passeurs que l’on ne passe plus à Calais. Depuis que nous avons renforcé les moyens, et organisé un commandement opérationnel sur place, nous obtenons des résultats. Je vous donne les derniers chiffres : il y a eu 1 300 tentatives d’intrusion dans le tunnel le jeudi 22 octobre ; 1 040 le vendredi 23 ; 1 057 le samedi 24 ; 162 le dimanche 25 ; 464 le lundi 26 ; 628 le mardi 27 ; 277 le mercredi 28 ; et 241 cette nuit. En l’espace d’une semaine, nous sommes donc passés de 1 300 à 241 tentatives d’intrusion. Celles-ci ont donné lieu à 606 interceptions le jeudi 22 octobre ; une semaine après, ce jeudi 29 octobre, nous en sommes à 132. Quant au nombre de migrants qui sont parvenus à passer au Royaume-Uni, il a été de 64 le jeudi 22 ; 3 le vendredi 23 ; 2 le samedi 24 ; et 3 le dimanche 25. Depuis cette date, plus aucun migrant n’est passé au Royaume-Uni.

Je n’ai absolument aucun problème par rapport à la politique que nous menons à Calais dans un contexte humanitaire et migratoire extrêmement difficile. Compte tenu des commentaires que j’entends, j’estime qu’il est de mon rôle de communiquer et d’indiquer très précisément les résultats que nous obtenons au regard des moyens que nous mobilisons.

J’ai fait une réponse un peu longue à vos questions sur l’immigration irrégulière, monsieur Galut, mais il importe de faire preuve de rigueur et de précision sur ces sujets difficiles, qui sont préemptés par des acteurs cherchant à susciter des peurs, à convoquer des instincts et à créer un climat. Certes, on n’est jamais sûr de réussir. Mais on est absolument sûr de ne jamais réussir si l’on n’a ni politique, ni cohérence, ni volonté.

Vous m’avez interrogé, messieurs Galut et Comet, sur la marge de manœuvre du budget de la gendarmerie en matière de réserve de précaution. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la gendarmerie sont constituées à 75 % de dépenses obligatoires – loyers et paiements contractuels. Le taux de mise en réserve appliqué est de 8 %. D’où un niveau de gel de 96 millions d’euros en 2015 pour les crédits de la gendarmerie HT2. Comme l’an dernier, j’ai veillé à obtenir un dégel anticipé des crédits mis en réserve pour permettre à la gendarmerie d’assurer l’ensemble de ses missions dans des conditions appropriées. Dès le 23 septembre, j’ai obtenu un premier dégel de 38 millions d’euros qui nous permet d’acquérir des véhicules et des munitions et de soutenir l’engagement de la gendarmerie mobile. Dans le cadre des discussions relatives à la fin de gestion que nous menons en ce moment avec le ministère chargé du budget et qui s’achèveront dans les semaines qui viennent, nous demandons le solde des crédits gelés, soit 51 millions d’euros.

Pour 2016, conformément à ce qui est ressorti des échanges du 22 octobre dernier entre le Président de la République et les représentants des forces de sécurité, notamment de la gendarmerie, il est prévu que les moyens essentiels nécessaires aux forces pour assurer leurs missions – véhicules, protections, armes, munitions – soient disponibles dès le début de l’année. Ainsi, nous pourrons acquérir ces matériels dans les meilleures conditions, contrairement à ce qui se passait les années précédentes.

S’agissant de l’avantage spécifique d’ancienneté, je répète ce que j’ai dit à plusieurs reprises aux organisations syndicales : nous ne pouvons pas régler cette question sans tenir compte de la position du Conseil d’État, sous peine d’être de nouveau confrontés à un problème juridique. Nous allons donc faire en sorte que cette allocation, qui était concentrée sur un certain nombre de personnes, puisse bénéficier au plus grand nombre, non seulement dans un souci d’équité, mais aussi pour nous conformer précisément aux préconisations du Conseil d’État. Tel est l’objet des discussions que nous menons actuellement avec les organisations syndicales.

Vous m’avez aussi demandé si j’ai l’intention de peser au niveau interministériel pour alléger les contraintes de la procédure pénale sur le travail quotidien des policiers et des officiers de police judiciaire. En octobre 2014, j’ai engagé un travail interministériel destiné précisément à convaincre de la nécessité de procéder à des simplifications de cette nature, puis j’ai saisi le Premier ministre au terme de ce travail. En effet, lorsque les forces de l’ordre consacrent des semaines à interpeller des personnes qui présentent un risque sécuritaire pour notre pays, je considère qu’il n’est pas normal qu’une grande partie de leur temps utile soit dévorée par des procédures qui peuvent être simplifiées dans le respect rigoureux des principes du droit, nous permettant ainsi de gagner considérablement en efficacité.

Conformément aux annonces faites par le Premier ministre, treize mesures de simplification de la procédure pénale seront mises en œuvre afin d’alléger les tâches des policiers tout en préservant les droits des citoyens. Il s’agit notamment de permettre la récapitulation, dans un procès-verbal unique de fin de garde à vue, de l’ensemble des formalités procédurales liées aux droits de la personne gardée à vue ; de mettre en place des plates-formes téléphoniques de gestion de la garde à vue pour faciliter la recherche d’un avocat, d’un médecin ou d’un interprète, et de permettre ainsi à l’enquêteur de se consacrer au fond de l’affaire ; de dématérialiser les registres de garde à vue ; de supprimer la règle « un acte, un procès-verbal » ; d’étendre le recours aux procédures simplifiées pour les infractions pénales les plus simples et d’harmoniser ces procédures à l’échelle nationale ; de permettre au personnel de la police technique et scientifique de réaliser lui-même certains scellés judiciaires ; de permettre aux officiers de police judiciaire de requérir certaines données sans solliciter systématiquement l’autorisation du procureur – par dérogation au principe général en matière de réquisition ; de permettre aux officiers de police judiciaire d’accéder aux données de vidéoprotection ; de développer les échanges par voie électronique entre les services d’enquête et le parquet ; de décharger les enquêteurs de la notification de certaines décisions du parquet.

Vous pouvez le constater, nous avons pesé au niveau interministériel et obtenu des décisions qui n’avaient pas été prises jusqu’à présent.

Quant à l’expérimentation des nouveaux cycles de travail dans la police, elle est en cours, et nous prendrons les décisions idoines lorsqu’elle aura atteint son terme.

J’en viens aux questions posées par MM. Lebreton et Morel-A-L’Huissier sur la sécurité civile. Depuis un an, nous avons accompli des progrès considérables en matière de gouvernance de la politique de sécurité civile. Au niveau national, nous avons mis en place un véritable pacte de gouvernance avec les élus et créé un comité des financeurs. Un engagement tripartite a été signé à la fin du mois de septembre entre l’État, l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’AMF. Au niveau local, les préfets ont des objectifs clairs et mènent un dialogue étroit et permanent avec les élus, dans le respect des prérogatives de chacun.

S’agissant de l’activité opérationnelle, l’année 2015 a été marquée par une implication accrue des services de sécurité civile. Ceux-ci concourent bien évidemment à la lutte contre le terrorisme, à travers la mobilisation des secours en cas d’attentat – ainsi que nous l’avons vu lors des attentats du mois de janvier –, l’engagement des équipes NRBC – compétentes face aux risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique – ou les interventions du service de déminage dans les implantations qui doivent tenir compte du risque désormais plus prégnant d’actes terroristes ou malveillants. Si le nombre total des interventions des services de sécurité civile est en légère diminution, celui des interventions de secours à la personne, qui en constituent les trois quarts, a augmenté de 5,4 % depuis 2011.

Le réseau de communication ANTARES couvre désormais 95 % du territoire. Je confirme que tous les SDIS y seront rattachés d’ici à 2017. L’État maintient un effort financier important pour achever le déploiement d’ANTARES et améliorer la qualité de la couverture opérationnelle : il y consacrera 7 millions d’euros en 2016, après 17,8 millions entre 2013 et 2015. En outre, des travaux sont réalisés pour supprimer les « zones blanches » et répondre aux difficultés signalées par certains SDIS.

En ce qui concerne le système d’alerte et d’information des populations, il est prévu, pour un coût global de 78 millions d’euros, de réaliser un logiciel permettant la commande centralisée du système par le réseau national ou par les préfets, et d’installer près de 5 340 sirènes permettant une alerte rapide – dont certaines seront des sirènes existantes reconditionnées – dans 1 743 bassins de risques.

S’agissant de la flotte de bombardiers d’eau, je confirme ce que j’ai dit à Marignane : la priorité actuelle est le remplacement, à l’horizon 2020, des neuf Tracker, qui sont âgés de près de soixante ans. Ils sont essentiels pour le guet aérien armé et l’attaque des feux naissants. J’ai décidé de leur substituer des Dash. C’est un choix pertinent du point de vue opérationnel, qui sera inscrit dans la prochaine loi de programmation triennale. Nous comptons déjà deux Dash dans la flotte, qui pourront éventuellement être complétés par des Canadair, selon des modalités qui restent à préciser. Les Canadair et les Dash sont beaucoup moins anciens que les Tracker : les premiers sont âgés de dix-huit ans, les seconds de quatorze. Leur renouvellement n’est pas prévu à court terme. Grâce au maintien en condition opérationnelle de ces aéronefs, notre capacité d’intervention demeure à un niveau élevé.

Le transfert de la base avions de la sécurité civile (BASC) de Marignane vers Nîmes-Garons se poursuit sans difficulté. La livraison est toujours prévue au premier semestre de 2017. Les équipages de la sécurité civile disposeront alors d’un équipement à la hauteur de leurs besoins.

Pour ce qui est de la flotte d’hélicoptères, son dimensionnement est calculé au plus juste. Ayons l’honnêteté de le dire : il ne sera pas possible de créer de nouvelles bases sans en fermer d’autres. J’entends bien les demandes exprimées par des élus qui souhaitent disposer d’un appareil de sécurité civile dans leur département, mais, dans ce domaine, nous devons avoir une approche globale, qui tienne compte, d’une part, des besoins d’intervention dans tous les territoires, notamment en matière de santé, et, d’autre part, de la disponibilité de l’ensemble des appareils relevant des différents ministères : les hélicoptères bleus, blancs et rouges.

Les outre-mer font l’objet du même degré d’attention de la part du ministère de l’intérieur en matière de sécurité civile que les départements métropolitains. Les moyens aériens y sont importants : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane disposent chacune de leur base d’hélicoptères de la sécurité civile ; en Polynésie, les appareils sont mutualisés ; à La Réunion, le secours héliporté est assuré par la gendarmerie. Depuis 2012, un Dash est prépositionné à La Réunion durant la saison des feux de forêt, lesquels avaient causé des dégâts très importants en 2011.

Les investissements dans les réseaux de communication se poursuivent. J’ai indiqué précédemment ce qu’il en était pour ANTARES. En cas de crise dans les départements et territoires d’outre-mer, le contrat opérationnel des forces militaires de la sécurité civile (FORMISC) prévoit l’envoi de renforts dans un délai de quarante-huit heures après l’alerte. Des matériels d’intervention sont prépositionnés dans ces territoires.

Conformément aux engagements qui ont été pris à Chambéry, nous menons depuis plusieurs mois une action très forte de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires. En 2014, pour la première fois depuis quatorze ans, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté par rapport à l’année précédente, de 1 442 précisément. La stratégie dans laquelle nous nous sommes engagés commence donc à porter ses fruits. Nous devons la poursuivre avec volontarisme.

Vous êtes beaucoup revenu, monsieur Popelin, sur les économies que l’on peut attendre des rationalisations et des mutualisations. En matière de police technique et scientifique, la police et la gendarmerie nationales ont procédé à des rapprochements extrêmement porteurs en termes de mutualisation et prometteurs pour l’avenir. Aujourd’hui, la majorité des référentiels et protocoles utilisés par la police et la gendarmerie en matière de PTS sont communs. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), nous cherchons à créer le maximum de synergies opérationnelles.

S’agissant de la politique d’achat, l’acquisition des matériels spécifiques mobilisés par la PTS s’effectue désormais systématiquement par le biais de procédures mutualisées. À ce titre, un marché national des consommables de PTS commun à la gendarmerie et à la police est en cours de finalisation pour le cycle de 2015 à 2019. Ces équipements sont commandés et gérés par le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI).

Autre enjeu : la rationalisation de l’emploi des plateaux techniques, notamment dans les zones à faible densité de population. Nous avançons aussi de façon significative sur ce point.

Nous accentuons la mutualisation de la fonction immobilière, avec la passation de marchés communs pour la maintenance des bâtiments et la création d’une agence qui centralise et coordonne l’ensemble des projets immobiliers. Je vous communiquerai, monsieur Popelin, un document retraçant la totalité des actions engagées à ce titre.

Plusieurs d’entre vous ont abordé des questions relevant de la problématique du rapprochement de la police et de la population. C’est un sujet sur lequel je souhaite mobiliser fortement le ministère de l’intérieur et accélérer notre action en 2016. Dans un contexte de violences croissantes commises à l’encontre des agents publics, le recours à l’enregistrement vidéo ou sonore, notamment au moyen de caméras-piétons, joue un rôle dissuasif et permet d’objectiver les faits. Je souhaite qu’un mot et un seul préside à la relation entre les forces de l’ordre et les citoyens : le respect, qui doit prévaloir dans les deux sens. Les caméras-piétons sont un des éléments qui apportent la traçabilité dont nous avons besoin en la matière. Le Conseil d’État a confirmé que leur généralisation était opportune, mais qu’elle devait fait l’objet d’une loi.

M. Yves Goasdoué. La très grande majorité des professionnels et des syndicats que nous avons auditionnés avec Pascal Popelin considèrent que les engagements sont tenus. Je ne reviens par sur les chiffres très clairs que vous avez cités, monsieur le ministre : dans le cadre budgétaire extrêmement contraint que chacun connaît, l’effort financier est continu, certain et indéniable. La pente budgétaire que vous avez décrite est aujourd’hui avérée. Néanmoins, dans un contexte d’aggravation des charges, de lutte contre le terrorisme, de lutte contre l’immigration clandestine – vous venez d’en parler abondamment et précisément – et de grandes manifestations qui s’annoncent, telle la COP21, cet effort financier permet-il de rétablir totalement la situation qui, il faut bien le dire, a été dégradée de 2007 à 2012 ? Cette question, que les forces de police et de gendarmerie nous ont posée, vous est légitimement adressée.

Je souhaite aussi vous interroger, à l’instar de Pascal Popelin, sur l’organisation des forces. Lorsque les ressources sont limitées, il faut rationaliser, réorganiser, aller à l’essentiel. En tant qu’élus, parfois aussi élus locaux, nous le savons bien. Pascal Popelin a évoqué la mutualisation des fonctions support. À cet égard, on sent un frémissement dans certains domaines : les garages, l’informatique, la police technique et scientifique, que vous avez évoquée. Cependant, à l’issue des auditions que nous avons menées, je vous fais part de mon sentiment, certainement subjectif : toute organisation humaine cherche à développer son autonomie et, donc, à posséder ses propres fonctions support. En d’autres termes, j’ai l’impression, peut-être à tort, que la transversalité n’est pas encore entrée complètement dans les mœurs et que l’organisation « en tuyaux d’orgue » ou « en silos » reste le premier réflexe. Dès lors, comment comptez-vous promouvoir, en tout domaine, l’impérieuse nécessité de coopérer et de mutualiser ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets en la matière ?

Pierre Morel-A-L’Huissier l’a souligné au début de son intervention, nous devons manifester notre reconnaissance aux policiers et aux gendarmes. Cela passe notamment par un déroulement de carrière approprié et une rémunération pour services rendus. Quelles mesures sont proposées pour favoriser le déroulement des carrières, aujourd’hui souvent perturbé par le report des départs à la retraite ? Quelles mesures sont susceptibles d’être prises en matière de revalorisation des régimes indemnitaires dans la police et la gendarmerie ?

Même si nous sommes en présence, je l’ai dit, d’un bon budget, on peut avoir le sentiment, parfois, que le compte n’y est pas exactement. Dans les départements ruraux, les petites villes sont dotées de commissariats de police « rurbaine » à l’effectif souvent réduit, à raison du caractère modéré de la délinquance habituelle. En revanche, ces commissariats se trouvent démunis en cas de flambée sporadique de violence, phénomène que je viens de connaître dans ma circonscription. En dehors des renforts classiques de commissariat à commissariat, quels dispositifs vous paraissent adéquats pour faire face à ces montées de violence ? Convient-il de renforcer le nombre d’adjoints de sécurité (ADS), de faciliter la mobilisation des réservistes ou encore d’établir un lien plus systématique avec les forces de gendarmerie ?

M. Éric Ciotti. Nous examinons ce budget dans un contexte particulier, monsieur le ministre : c’est le premier budget de votre ministère après les événements terribles qui ont frappé notre pays au début de l’année 2015 ; c’est le premier budget après les manifestations qui ont réuni il y a quelques jours, dans toutes les villes de France, des milliers de policiers qui ont exprimé leur colère et leur malaise ; c’est le premier budget dans le cadre de la crise migratoire d’ampleur inédite qui frappe l’Union européenne, notamment notre pays.

De façon, hélas, plus classique, ce budget s’inscrit une fois de plus dans un contexte d’augmentation de la délinquance, ainsi qu’en témoignent les chiffres – ce sont les vôtres, monsieur le ministre –, tant sur longue que sur courte période. Depuis le début du quinquennat du Président de la République actuel, les atteintes aux biens ont augmenté de plus de 20 %, et les atteintes volontaires à l’intégrité physique de plus de 9 %. Sur les trois derniers mois, les neuf agrégats suivis par le nouveau service statistique du ministère de l’intérieur sont tous en hausse, sauf les homicides.

Monsieur le ministre, nous vous avons exprimé notre soutien, dans un moment d’unité nationale, lorsque vous avez dû prendre des décisions courageuses. Nous avons ainsi voté, je le souligne, tous les textes visant à lutter contre le terrorisme, qui sont désormais devenus des lois de la République. Nous vous avons aussi soutenu, je le rappelle, après les événements de Sivens, lorsque vous avez été mis en cause de manière injuste et totalement scandaleuse. Nous aurions aimé soutenir ce budget, dans un contexte qui devrait susciter l’unité nationale, ainsi que vient de le tweeter le président de la commission des lois. Mais, sincèrement, monsieur le ministre, ce budget est-il de nature à relever les défis, à y apporter des réponses concrètes ? Hélas, non ! Trois fois hélas !

Je n’ignore pas les contraintes budgétaires globales et suppose que vous avez subi des réunions interministérielles compliquées et des arbitrages difficiles, mais une augmentation de 0,96 % du budget du ministère de l’intérieur n’est en rien à la hauteur du contexte, qui est à la fois – tout le monde en convient – inédit et tragique : des menaces permanentes et très fortes pèsent sur notre pays et sur son avenir. Nous le savons tous, mais je le redis après avoir présidé pendant six mois la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.

Au-delà de ce chiffre très faible, il y a dans ce budget quelques artifices qu’il convient de souligner. Vous évoquez en permanence l’augmentation des effectifs. Je ne la conteste pas, mais elle est à relativiser. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le fais, mais la Cour des comptes : dans ses rapports sur l’exécution du budget, elle relève l’écart très important qui existe entre le plafond d’emplois voté chaque année en loi de finances et son exécution. En 2014, selon la Cour, cet écart s’est établi à un niveau jamais atteint : 2 395 ETP.

En outre, vous aviez annoncé, hors plan Migrants, 690 ETP supplémentaires en 2016, dont 390 dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme. En réalité, l’augmentation ne sera que de 547 ETP, puisque vous allez supprimer dans le même temps 143 ETP dans des services stratégiques du ministère. Entre 2012 et 2014, je le souligne, il y a eu 2,4 millions de patrouilles en moins sur le terrain du fait de la suppression du mécanisme d’optimisation opérationnelle.

Enfin, si l’on retranche les 136 millions d’euros réservés à l’installation de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris (PJPP) aux Batignolles, on constate en fait une diminution des moyens de fonctionnement affectés à la police et à la gendarmerie nationales. Le général Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, estimait nécessaire de renouveler 3 000 véhicules. Vous allez en changer 2 000, ce qui est important, mais insuffisant.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains voteront contre ce budget.

M. Gabriel Serville. Vous connaissez, monsieur le ministre, le contexte particulier du département de la Guyane en matière de sécurité. Vous ne m’en voudrez donc pas de cantonner mon intervention à ce territoire que je représente, avec le soutien du groupe Gauche démocrate et républicaine.

La Guyane est détentrice de bien tristes records nationaux en termes de sécurité, qu’il s’agisse de la sécurité des personnes, de celle des biens ou encore de formes de grand banditisme organisé qui n’existent presque nulle part ailleurs sur le territoire national. Je pourrais aussi évoquer le pillage des ressources, tant minérales qu’halieutiques. Mais je ne citerai qu’un seul chiffre, afin que mes collègues puissent réellement saisir le contexte dans lequel se situe ce territoire : le nombre d’homicides y atteint 10,2 pour 10 000 habitants. C’est un record national, mais c’est surtout huit fois plus que dans les Bouches-du-Rhône et dix fois plus qu’en Seine-Saint-Denis, deux départements qui font continuellement la une de l’actualité à cause des faits de violence qui s’y déroulent. Le plus préoccupant reste la délinquance juvénile, en particulier en milieu scolaire, d’autant qu’elle est trop souvent diffusée, voire glorifiée, sur les réseaux sociaux.

La hausse de 3 % des crédits alloués à la Guyane, largement supérieure à celle que nous observons à l’échelle du pays, démontre bien que le Gouvernement et vous-même avez compris l’urgence de mettre en place des actions pérennes sur cette partie du territoire français. Depuis mon arrivée sur les bancs de l’Assemblée nationale, je n’ai eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme par tous les moyens disponibles, de concert avec l’ensemble de la classe politique locale. Aujourd’hui, il est rassurant de constater que le Gouvernement a enfin compris les véritables enjeux de sécurité de ce territoire. Certes, tout n’est pas rose, et j’ai bien peur que l’effort consenti ne se révèle insuffisant, tant la tâche nous semble ardue. Même si cet effort témoigne de la prise de conscience des décideurs, je milite pour que la représentation nationale appréhende de façon différenciée le contexte guyanais, tant il se distingue du cadre national.

Permettez-moi aussi de saluer le renforcement des crédits alloués au service des douanes et à la police aux frontières, particulièrement sollicitées sur cette partie du territoire. Il devrait participer de l’amélioration du dispositif de lutte contre le narcotrafic. En cette matière également, hélas, nous nous dirigeons vers une première place nationale : en seulement quelques années, la Guyane s’est muée en une véritable plaque tournante de la drogue entre l’Amérique du Sud et l’Europe, et il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que le service des douanes n’annonce une nouvelle saisie spectaculaire.

Néanmoins, je souhaite mettre un bémol : les crédits du programme « Sécurité et éducation routières » ont été divisés par trois sur le triennal, alors même que nos routes sont de plus en plus meurtrières. La commune de Matoury, dont je suis le maire, a été récemment témoin de deux accidents particulièrement choquants. Permettez-moi d’avoir une pensée émue pour toutes les familles touchées par ces drames, notamment pour la garde des sceaux, qui y a perdu un très proche parent. Il me semble que la baisse de ces crédits constitue un signal défavorable envoyé aux acteurs locaux, qui font un travail de terrain considérable afin de changer les comportements. À cet égard, je retiens volontiers votre annonce, monsieur le ministre, concernant le déblocage des moyens nécessaires pour supprimer les « zones blanches ».

De façon surprenante, mais symptomatique, vous en conviendrez, le cambriolage du commissariat de police de Cayenne en juin dernier, qui s’est soldé par le vol de dix-huit armes de policiers, n’a pas fait la une de la presse. Il n’en reste pas moins dans tous les esprits. L’ensemble des responsables locaux, les syndicats et, désormais, les citoyens, à travers une pétition en ligne, réclament la construction d’un nouveau commissariat. Lors de sa venue en Guyane en 2013, le Premier ministre lui-même a annoncé sa réalisation avant la fin du quinquennat. Ce projet est-il toujours d’actualité ? Est-il ou sera-t-il inscrit dans les budgets à venir ?

Sachez, monsieur le ministre, que la Guyane vous recevra avec beaucoup de plaisir lors de votre prochaine visite, dont je vous remercie d’ores et déjà, compte tenu notamment de votre agenda très chargé.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je souligne l’effort du Gouvernement en matière de sécurité routière. Au-delà du drame humain qu’a vécu notre pays il y a quelques jours, avec cet accident qui a causé la mort de quarante-trois personnes en Aquitaine, nous sommes aujourd’hui confrontés à une difficulté lourde, en dépit d’une bonne nouvelle.

La bonne nouvelle, c’est que les jeunes conducteurs ont moins d’accidents. Nos jeunes adultes sont sans doute mieux formés dans les auto-écoles, mais aussi plus conscients de la gravité des accidents qu’ils peuvent subir. Votre visite à l’hôpital de Garches au mois de juillet, monsieur le ministre, a contribué à cette prise de conscience.

La difficulté lourde, c’est que les conducteurs plus âgés, habitués de la route, en qui nous devrions avoir toute confiance, ont plus d’accidents. À l’inverse des jeunes, ils se relâchent, ce qui pose un véritable problème de sécurité publique. Lors du dernier comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le 2 octobre, vous avez pris des mesures importantes et adressé un message de grande fermeté. Nous constatons que les préfectures renforcent les contrôles, et c’est indispensable. J’appelle nos concitoyens à plus de vigilance.

Je souligne aussi l’engagement des forces de sécurité civile, tant des volontaires que des professionnels, auprès des populations qui ont été touchées par des inondations épouvantables, l’année dernière et cette année, à Montpellier, dans le Gard et en Provence. Rappelons les risques que prennent ces hommes et ces femmes pour protéger nos populations.

J’appelle néanmoins votre attention sur un point important qui reste à régler : au-delà de leur douleur immédiate et de la disparition de leurs papiers ou de leurs souvenirs, les sinistrés se plaignent souvent de la longueur des délais d’indemnisation. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prises ou compte-t-il prendre pour réduire ces délais ? Selon moi, nous avons encore des progrès à faire en la matière.

M. Guillaume Larrivé. Sur la question des effectifs, monsieur le ministre, il importe de sortir des faux-semblants. Oui, sous la législature précédente, il y a eu un effort assumé de diminution de l’ensemble des effectifs de la fonction publique d’État : pendant cinq ans, 156 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés, diminution nette considérable effectuée en vue d’une meilleure maîtrise des finances publiques. Les forces de sécurité intérieure n’ont pas été dispensées de participer à cet effort, dans la mesure que chacun connaît et compte tenu du choix qui a été fait d’augmenter la masse salariale de ces personnels afin qu’ils soient mieux rémunérés, mieux considérés, mieux reconnus, mieux encouragés. Nous sommes en 2015, vous êtes aux affaires depuis bientôt quatre ans et ces questions ne sont plus à l’ordre du jour.

Je voudrais vous interroger plus précisément sur les chiffres concernant les effectifs de la police nationale pour 2016. Vous indiquez qu’ils compteront 1 077 unités supplémentaires alors même que les crédits correspondant à la masse salariale n’augmenteront que de 0,77 %. En outre, nous savons que le glissement vieillesse technicité entraîne une augmentation naturelle de la masse salariale de 1,4 %, auxquels s’ajoutent les effets de mesures catégorielles. Comment, dans ces conditions, comptez-vous parvenir à financer la rémunération de l’ensemble des effectifs en année pleine ?

Ces effectifs seront recrutés tout au long de l’année ce qui signifie, compte tenu des délais de formation de douze mois en école, que les renforts que vous annoncez ne seront pas près d’être opérationnels sur le terrain, à moins que vous ne comptiez déshabiller les services de sécurité publique au profit des services spécialisés. Je vous demanderai de nous préciser si les effectifs de sécurité publique déployés sur le terrain augmenteront ou diminueront au début de l’année 2016.

Deuxième question, très brève, au sujet du plan d’équipement : comment allez-vous financer le renforcement que vous annoncez alors que les crédits de fonctionnement sont identiques à ceux du PLF 2015 ?

M. Jean-Pierre Decool. Je profite de cette intervention pour rendre un hommage appuyé aux hommes et femmes qui s’engagent au service de nos populations, faisant preuve au cours de leurs missions d’un courage absolu et d’un total dévouement, et ce, bien souvent, au péril de leur vie.

Malgré un contexte budgétaire contraint, je constate cette année une hausse de près de 2 % des crédits du programme « Sécurité civile ». Nous devons nous en féliciter. Je souhaite toutefois vous alerter sur un sujet préoccupant : la crise de vocation chez les sapeurs-pompiers volontaires.

Nous possédons un formidable modèle en matière de secours reposant sur la complémentarité entre sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Les sapeurs-pompiers volontaires constituent près de 80 % des effectifs. Or, depuis le début des années 2000, leur nombre est en baisse. Les engagements diminuent et la pénurie est grandissante. Pourtant, de nombreux formateurs bénévoles poursuivent leur inlassable démarche auprès des jeunes sapeurs-pompiers, véritable vivier de recrutement pour les soldats du feu.

Le 26 septembre dernier, lors du congrès national des sapeurs-pompiers de France, vous annonciez une reprise du recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, 1 442 hommes et femmes s’étant engagés cette année. Malgré ces chiffres encourageants, le malaise persiste dans les casernes. L’objectif de 200 000 volontaires d’ici à deux ans que vous vous êtes fixé semble difficile à atteindre avec les dispositions actuelles.

Monsieur le ministre, quelles mesures restent encore à prendre ? Allez-vous proposer de nouvelles solutions pour accroître les effectifs des sapeurs-pompiers volontaires ? Envisagez-vous, par exemple, de leur consentir un départ anticipé à la retraite ?

Enfin, comment pouvez-vous garantir une répartition équitable de ces volontaires sur le territoire français afin d’assurer à l’ensemble de nos concitoyens des secours de première nécessité ?

Mme Françoise Descamps-Crosnier. La mission budgétaire que nous examinons ce matin s’inscrit dans la droite ligne des priorités de la majorité. Ce budget en témoigne en prévoyant des moyens supplémentaires dans plusieurs domaines importants comme la lutte contre le terrorisme.

Au cours du premier semestre de cette année, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, dont j’ai été membre, s’est intéressée de près à la surveillance des filières et des individus djihadistes. Son rapport, adopté à l’unanimité le 2 juin dernier, formulait des propositions dont plusieurs étaient déjà en œuvre au moment de son adoption ou en voie de l’être. Nombre de ces mesures impliquent des éléments d’ordre budgétaire, dont, bien évidemment, le renforcement des moyens aussi bien matériels qu’humains. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les suites données aux propositions formulées par la commission d’enquête, en particulier sur le plan budgétaire ?

Par ailleurs, je souhaitais vous interroger sur le volet dédié à la sécurité civile : quelles actions et quels moyens mettez-vous en œuvre pour accélérer la mise en place des plans communaux de sauvegarde ? Nous apprenons à la lecture du projet annuel de performances de la mission budgétaire « Administration générale et territoriale de l’État » que vous visez un taux de couverture du territoire national de 68 % pour l’année prochaine. Dans un contexte où les catastrophes liées aux risques naturels surviennent de plus en plus fréquemment et brutalement, il est d’intérêt public que nous nous approchions le plus vite possible d’une couverture intégrale. J’aurais pu évoquer aussi les plans de prévention des risques naturels, mais le temps me manque.

En outre, j’aimerais connaître les actions mises en œuvre au niveau des échelons déconcentrés de l’État pour accélérer la mise en place des plans communaux de sauvegarde, outil essentiel à une planification fine en matière de sécurité civile prévu par la loi de modernisation de la sécurité civile d’août 2004. Comme vous le savez, cette mise en place a pris beaucoup de retard par rapport aux objectifs initiaux.

Mme Colette Capdevielle. Des policiers ont récemment manifesté place Vendôme, sous les fenêtres de Mme la garde des sceaux, pour exprimer leur mécontentement face à la décision judiciaire rendue par un juge d’application des peines. Il est regrettable de constater une telle incompréhension, signe de la complexité des rapports entre justice et forces de l’ordre. Chacun se renvoie les responsabilités alors que l’efficacité de l’action publique repose sur l’indispensable coordination et le nécessaire partenariat entre forces de l’ordre et justice.

Le code de procédure pénale pose le cadre juridique définissant les relations que doivent entretenir police judiciaire et justice pour traiter des infractions à la loi pénale, mais c’est un autre code qui encadre et délimite le contenu de leurs échanges ou l’équilibre de leurs rapports de force. Nous nous accordons tous sur les efforts qui doivent être entrepris pour simplifier et fluidifier la procédure pénale, dans le respect du droit des parties et des libertés. Toutefois, ceux-ci ne suffiront pas à rétablir la confiance réciproque nécessaire pour assurer un meilleur vivre-ensemble et l’efficacité des décisions de justice.

S’il apparaît que la police et la gendarmerie entretiennent des liens constants et de qualité avec les parquets, il n’en va pas de même avec les magistrats du siège. Or, pour que les décisions de justice soient comprises, il est indispensable de passer d’une relation de défiance à une relation de confiance.

Entre un amont policier difficile et un aval judiciaire compliqué, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre, pour restaurer la nécessaire fluidité de la chaîne pénale en vue d’une meilleure efficacité de l’action publique ?

M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l’impact en matière de sécurité routière de la conduite automobile chez les personnes âgées. Il est reconnu que celle-ci peut être plus difficile chez les aînés pour des raisons de santé physique et mentale, notamment une diminution des habiletés visuelles, auditives, motrices et cognitives. Les conséquences des accidents de la route chez les personnes âgées sont, de surcroît, plus lourdes et peuvent entraîner des états de dépendance.

Votre politique de sécurité routière intègre la réalisation d’études et d’expérimentations visant à connaître et à mieux appréhender les risques relatifs à la sécurité routière. Plus spécifiquement, les études menées en matière d’accidentologie permettent de cibler les populations à risque. Une meilleure connaissance statistique des accidents de la route liés à la vieillesse, mais également de leurs causes et de leurs enjeux, permettrait d’améliorer la prévention et d’élaborer des mesures adaptées à cette catégorie particulière de conducteurs.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, quelle part du budget lié à l’action « Observation, prospective, réglementation et soutien au programme » de sécurité et d’éducation routières est attribuée à l’analyse de la problématique des conducteurs âgés ?

Permettez-moi également de vous rappeler les questions que j’ai déjà pu vous poser à propos du 112 et des réserves citoyennes.

M. Ibrahim Aboubacar. Monsieur le ministre, j’aimerais appeler votre attention sur la situation sécuritaire dans le département de Mayotte, dont la presse locale s’est fait largement l’écho ces dernières semaines.

Les statistiques, défaillantes dans ce département, ne rendent pas suffisamment compte de cette réalité. La situation a évolué depuis votre passage, il y a seize mois, monsieur le ministre. L’ensemble des acteurs s’en est ému auprès du Premier ministre lors de sa visite en juin dernier et ne manquera pas de le rappeler encore plus fortement à Mme la ministre des outre-mer lors de sa visite dans deux semaines.

Les atteintes aux biens et à l’intégrité des personnes physiques et la consommation de drogue ont atteint un degré préoccupant. Les stupéfiants, connus sous le nom de « chimique » et de « mangrove », font des ravages dans la jeunesse.

Cette situation a un impact négatif fort sur l’attractivité du territoire, je pense en particulier aux difficultés à pourvoir des postes dans l’éducation et la santé, qui viennent entraver les efforts du Gouvernement pour améliorer ces services. Mais, au-delà, c’est la paix civile qui est aujourd’hui menacée par la multiplication de comportements d’auto-vengeance. Il y a un réel risque d’affrontements entre la population de Mayotte et ceux qui sont considérés, à tort ou à raison, comme étant à la source de l’explosion de ce phénomène.

Ce qui s’est récemment passé dans le village de Bouyouni est une alerte à prendre très au sérieux.

Ma question est simple : quelle est la réponse gouvernementale à cette dégradation ? À défaut de créer des zones de sécurité prioritaires, comment assurer l’ordre public ? Quelles actions sont engagées pour démanteler les filières de drogue et lutter contre ces trafics qui détruisent notre jeunesse ?

Pour finir, je dis mon vœu de voir les tensions actuelles au sein du commissariat de police de Mamoudzou enfin s’apaiser.

M. Dominique Baert, président. Monsieur le ministre, vous connaissez la problématique de sécurité publique propre à l’agglomération de Roubaix-Tourcoing. Vous vous y êtes rendu il y a peu et je vous en remercie, comme l’ensemble des élus locaux.

À l’issue de leur scolarité à l’école de police de Roubaix, un très grand nombre de jeunes reçus au concours de gardien de la paix sont affectés en région parisienne alors qu’ils souhaiteraient rester dans leur région d’origine.

Deux questions se posent. Est-il possible d’envisager un élargissement du nombre d’affectations en sortie d’école dans l’agglomération de Roubaix-Tourcoing ? Est-il envisageable de desserrer la contrainte d’une présence minimale de cinq ans pour les affectations en région parisienne, afin de permettre un renforcement des effectifs de sécurité publique sur le pôle de Roubaix-Tourcoing, qui en a bien besoin ? Cela faciliterait la vie de bien de ces jeunes gens et de leurs familles.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur Goasdoué, vous avez salué les efforts que le Gouvernement consent et vous vous interrogez sur certains aspects de ce budget.

S’agissant de la nécessité de travailler de manière plus transversale en matière de mutualisation des fonctions de support, j’ai déjà fourni des éléments en répondant à M. Popelin. J’ai indiqué les pistes de mutualisation que nous suivons, par-delà la création des SGAMI, du SAELSI, du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, le ST (SI) 2, en expliquant qu’en matière de police scientifique et technique, de cybercriminalité, de groupement de la politique des achats, nous progressions. Je vous ferai parvenir un document précis qui vous fournira des éléments complémentaires.

Concernant les efforts demandés au personnel, je confirme que les forces de sécurité sont fortement mises à contribution. Compte tenu du niveau d’engagement qui est le leur, nous devons leur témoigner gratitude et reconnaissance. Les tensions sur les effectifs se sont considérablement accentuées au cours des dernières années du fait des sollicitations nouvelles en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration irrégulière.

La difficulté du métier des policiers et des gendarmes résulte aussi du fait que beaucoup s’exposent pour sauver la vie des Français. Il y a, il faut le dire, une augmentation considérable des violences commises à l’encontre des forces de l’ordre : rappelons que 7 000 policiers et gendarmes ont été victimes d’agressions au cours de l’année 2014. J’ai toujours considéré qu’il convenait d’avoir une parole responsable sur ces sujets. On ne saurait accepter de la part des forces de l’ordre le moindre écart par rapport aux principes et aux valeurs de la République ; les inspections de la police nationale et de la gendarmerie y veillent, et le ministère fait preuve de réactivité. Les manquements sont toutefois marginaux, les policiers et les gendarmes étant éminemment républicains. De la même manière, les violences dont les forces de l’ordre font l’objet doivent appeler de notre part une réaction extrêmement ferme. Je n’accepterai jamais qu’il y ait la moindre faiblesse à l’égard de ceux qui s’en prennent avec un tel degré de violence à ceux qui protègent les Français et qui, par l’uniforme qu’ils portent, incarnent le droit.

Il ne s’agit pas seulement de leur dire notre reconnaissance, il s’agit aussi de la matérialiser. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité qu’une feuille de route, portant notamment sur les mesures catégorielles, permette de prendre des décisions rapides. Il a fixé un calendrier qui me conduira à piloter des réunions de dialogue et d’échanges sur la base desquelles je prendrai, au mois de mars, des mesures concernant divers sujets : revalorisation des carrières dans le cadre de l’application du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) applicable à la fonction publique, aménagements indemnitaires, refonte de la cotisation et de la nomenclature des postes à responsabilité, correction de certains blocages techniques embolisant les opportunités de promotion de grades dans certains corps, étude de mécanismes compensatoires de fidélisation.

Sur la soutenabilité du plan de lutte antiterroriste, je rappelle que, au-delà d’un renforcement des missions et de l’implication des services, ce sont aussi les moyens humains qui ont été accrus. Je vous communiquerai par écrit les chiffres que j’ai donnés tout à l’heure.

S’agissant des commissariats ruraux, je rappelle que le mécanisme de l’effectif départemental de fonctionnement annuel vise à répartir de manière équitable et objective entre les départements la dotation annuelle en effectifs allouée à la sécurité publique.

Bien entendu, la coordination entre police et gendarmerie, qui se développe de plus en plus, est une piste à suivre pour résoudre certaines difficultés conjoncturelles. En cas de crise ou de violences urbaines, le dispositif de la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires permet dans l’ensemble des départements de mieux prendre en compte les situations d’urgence et les phénomènes de délinquance communs. Il vise quatre objectifs principaux : améliorer la coordination opérationnelle dans une logique de continuité territoriale, identifier et combattre les phénomènes de délinquance communs, réagir avec méthode et efficacité à une situation d’urgence opérationnelle, optimiser l’emploi de services spécialisés et de capacités spécifiques.

M. Ciotti a évoqué les raisons pour lesquelles il ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ». Premièrement, il affirme que les statistiques de la délinquance augmentent, en s’appuyant sur un document du ministère de l’intérieur. En réalité, il n’a sélectionné que les chiffres qui l’arrangeaient : il n’a en effet pris en compte que les statistiques pour les trois derniers mois alors que c’est sur plusieurs mois que le travail de lutte contre la délinquance doit s’apprécier. Revenons donc aux chiffres des douze derniers mois : les homicides ont diminué de 7,3 %, les vols avec arme de 15,8 %, les vols violents sans arme de 9,6 %, les vols sans violence contre les personnes de 0,2 %, les cambriolages de logement de 4,4 %, les vols de véhicule de 1,5 %, les vols d’accessoires de véhicule de 8,8 %, les coups et blessures volontaires augmentant quant à eux de 0,7 %. Et c’est ce que M. Ciotti appelle un échec de la politique de lutte contre la délinquance ! Comme il avait l’air très angoissé, je compte sur vous, monsieur Larrivé, pour lui communiquer au plus vite ce tableau afin qu’il passe une meilleure semaine.

Deuxièmement, il s’est inquiété de certains chiffres du budget. Je dois dire que j’ai du mal à saisir son raisonnement. À l’entendre, quand les crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie diminuent de 8 % pendant la période 2007-2012, c’est un renforcement des moyens, et, quand ils augmentent de 3,1 %, comme c’est le cas dans le budget pour 2016, c’est un affaiblissement de ces mêmes moyens. Quand on est dans l’opposition, on peut trouver toutes les raisons du monde pour ne pas voter un budget : encore faut-il rester rationnel. Quand les chiffres d’un budget augmentent, j’ai tendance à penser que c’est plutôt bien pour les acteurs concernés et, quand ils diminuent, que c’est plutôt mal.

Je dois constater que cette manière de faire est récurrente de la part de l’opposition. Quand j’ai décidé d’augmenter de 30 % l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT) en faveur des forces mobiles, compte tenu des contraintes auxquelles elles sont soumises, la réaction de M. Ciotti a été de dire qu’il s’agissait d’une provocation. Les CRS, eux, ont su faire la différence entre la bonne manière qui consiste à ne procéder à aucune augmentation pendant quinze ans et la provocation qui consiste à augmenter en une fois de 30 % cette indemnité. Je pourrais multiplier les exemples.

J’en arrive à votre question, monsieur Larrivé. Je reprends vos termes qui sont très révélateurs de votre raisonnement : vous dites que votre majorité a consenti un « effort assumé de diminution de l’ensemble des effectifs ». Suivant la même logique que M. Ciotti, vous considérez donc qu’une diminution des effectifs revient à faire un effort et que les augmenter, comme le Gouvernement le fait, est une mauvaise manière. Vous continuez en affirmant que les moyens budgétaires ne pourront financer ces augmentations d’effectifs et les mesures catégorielles. Ce n’est pas juste : dans l’augmentation des crédits du titre 2 « Police nationale », vous oubliez de prendre en compte les modifications apportées par un amendement gouvernemental qui permet d’ajuster l’effort budgétaire à l’augmentation d’effectifs affectés au plan de lutte contre l’immigration irrégulière, grâce à 16 millions d’euros représentant 530 ETP.

Par ailleurs, monsieur Larrivé, vous qui alliez toujours précision et compétence – ce qui contribue à la richesse des échanges entre le Gouvernement et le Parlement –, vous savez parfaitement que les nominations interviennent en milieu d’année, à la sortie des écoles, et non en année pleine : même lorsque la gauche est au pouvoir, les policiers sont formés avant d’être affectés sur le terrain. Compte tenu de ces divers éléments, je peux vous assurer que les créations d’emploi ainsi que les mesures catégorielles annoncées sont bel et bien financées. Si les documents que je vais vous communiquer dans les heures qui viennent, qui portent notamment sur le séquencement du recrutement, suscitent la moindre interrogation de votre part, je vous répondrai point par point avec la même précision que celle que vous mettez dans vos questions.

Madame Le Dain, comme vous le savez, le Gouvernement est très fortement mobilisé par la sécurité routière. J’ai pris au mois de janvier vingt-six mesures, dont dix-neuf sont d’ores et déjà en application. Le comité interministériel de la sécurité routière a décidé la mise en œuvre de cinquante-cinq mesures : vingt-deux mesures d’application rapide et trente-trois mesures opérationnelles d’organisation. Dans le contexte actuel de relâchement des comportements, il s’agit d’être beaucoup plus ferme afin d’obtenir des résultats. L’augmentation de la mortalité sur les routes en 2014 a été de 3,5 %. L’objectif de diminution du nombre de morts sur les routes passe par l’intensification de la lutte contre les comportements dangereux – éthylotests antidémarrage obligatoires, tests salivaires de consommation de stupéfiants, diminution du taux d’alcoolémie chez les primo-conducteurs – et la protection des plus vulnérables – mesures concernant les deux-roues, l’utilisation des téléphones portables et des oreillettes dans les véhicules. Il s’agit aussi de faire entrer la sécurité routière dans l’ère numérique, en utilisant tous les moyens technologiques à notre disposition pour améliorer les contrôles de sécurité et faire en sorte que personne n’échappe aux contrôles afin de renforcer l’égalité devant la loi.

Vous m’interrogez, monsieur Serville, sur la sécurité routière en Guyane. Le taux de mortalité routière s’y est stabilisé en 2013-2014, mais il reste plus élevé qu’en métropole, particulièrement pour ce qui concerne les deux roues. Notre objectif est de mettre en place des mesures de sécurité routière spécifiques au département à travers la mise en place d’un plan de lutte local qui reprend les préconisations du Gouvernement en les adaptant, notamment en tenant compte des facteurs de risque principaux, l’alcool et la vitesse.

Quant au commissariat de Cayenne, il a été décidé de le relocaliser. La construction est prévue pour mai 2018. Nous nous heurtons toutefois à une difficulté liée à l’emprise foncière. Les négociations en cours avec les acteurs locaux avancent de manière rapide, ce qui nous laisse espérer une issue positive.

Mme Descamps-Crosnier a consacré son intervention aux suites financières données à la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes. La plupart des recommandations du rapport d’enquête remis en juin, qui s’inscrivent dans le droit fil du plan de lutte antiterroriste arrêté par le Gouvernement en janvier dernier, sont mises en œuvre. Je citerai en particulier les renforts d’effectifs au bénéfice de la direction générale de la sécurité intérieure, à hauteur de 500 ETP, et du service central de renseignement territorial, à hauteur de 350 ETP.

Afin d’améliorer la coordination entre les différents services, j’ai décidé de mettre en place un état-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) dans une logique de complémentarité avec les services des directions générales. Il est chargé de piloter la totalité du dispositif de détection et de suivi des individus radicalisés susceptibles de commettre un acte terroriste.

Au-delà des effectifs, je veux souligner d’autres éléments importants dans cette mission de surveillance des filières et des individus djihadistes relevant du plan de lutte antiterroriste. Tout d’abord, un département de lutte contre la radicalisation a été créé au sein de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), composé désormais de vingt-deux personnes, avec en son sein le Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR), qui recueille les signalements effectués par les partenaires, via un numéro Vert – au 1er octobre, 3 247 demandes de signalement étaient enregistrées. Par ailleurs, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance a été abondé de 20 millions d’euros, dont 8,6 millions consacrés à la prévention de la radicalisation.

Monsieur Decool, dans le courant des années 2000, diverses réflexions ont été conduites pour examiner une possible bonification pour la retraite de l’engagement comme sapeur-pompier volontaire. Ces réflexions n’ont pu aboutir, compte tenu de l’extrême diversité des situations des sapeurs-pompiers volontaires, qui sont soit étudiant, soit salarié, soit retraité, soit indépendant. En contrepartie, il existe une prestation de fidélité et de reconnaissance (PFR), qui s’est substituée en 2005 à l’allocation de vétérance. Cette prestation est versée aux volontaires engagés depuis au moins vingt ans, ce qui a contribué à augmenter la durée d’engagement désormais supérieure à onze ans. Grâce aux efforts que nous faisons, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires a augmenté pour la première fois depuis quatorze ans : en 2014, 1 142 personnes ont rejoint leurs rangs. Nous souhaitons amplifier ce mouvement.

Mme Capdevielle m’a fait part de sa volonté de rapprocher les gendarmes et les policiers de la population. Le développement du dispositif des délégués de cohésion police-population, l’équipement des unités en caméra-piéton, le port apparent du numéro d’identification, la mise en place des plateformes internet de signalement sont autant d’actions qui nous ont permis d’aboutir à de premiers résultats, qu’il nous appartiendra d’amplifier en 2016 à travers de nouvelles actions que je présenterai dans le courant de l’année prochaine.

M. Morel-A-L’Huissier a appelé mon attention sur les plateformes uniques d’appel. À l’occasion du congrès des sapeurs-pompiers, j’ai indiqué qu’un numéro unique d’appel posait des problèmes techniques pour des raisons d’interopérabilité des systèmes de communication entre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). J’ai proposé que nous engagions, dans certains départements, une expérimentation destinée à rapprocher autant que possible le 17 et le 19. À son terme, nous examinerons les conditions opérationnelles qui permettraient d’aller plus loin. Je ne manquerai pas de tenir les commissions concernées informées.

Monsieur Aboubacar, sachez que la situation à Mayotte est pour moi un sujet d’extrême préoccupation. Compte tenu des dysfonctionnements existants, que vous avez vous-même pointés, j’ai décidé d’envoyer à Mayotte une mission rassemblant des membres de l’inspection générale de l’administration, de l’inspection générale de la gendarmerie nationale et de l’inspection générale de la police nationale afin qu’elle se consacre au problème de la délinquance. J’appliquerai la totalité des recommandations qu’elle formulera, y compris celles concernant le rehaussement des effectifs et des moyens des forces de sécurité de manière à les mettre en adéquation avec les difficultés auxquelles Mayotte se trouve confrontée.

S’agissant du commissariat de Mamoudzou, les travaux d’aménagement ont été engagés en 2013 et les services de police ont emménagé dans les locaux le 2 janvier 2014. Une réflexion est engagée avec le préfet de Mayotte pour évaluer les modalités d’un regroupement éventuel des services au sein de l’hôtel de police afin d’améliorer le fonctionnement des missions de support. Nous avons également procédé à la rénovation du CRA.

Je finirai avec la question de M. Baert. Je me suis rendu à Lille-Roubaix-Tourcoing il y a quelques semaines. J’ai pris des engagements concernant le rehaussement des effectifs et l’allocation d’unités de forces mobiles. Elles ont fait un travail considérable en matière de lutte contre les trafiquants. J’ai été obligé de les mobiliser il y a quelques jours à Calais et je les ai renvoyées hier dans le département du Nord : une partie d’entre elles sera utilisée à la résolution de la situation à Dunkerque et une autre sera réaffectée à la lutte contre le trafic de stupéfiants à Lille-Roubaix-Tourcoing. Vous me demandez s’il est possible d’allouer une partie des effectifs sortant des écoles à la circonscription de sécurité publique de l’agglomération de Lille. J’ai pris par écrit l’engagement de le faire, dans des proportions que j’ai indiquées aux parlementaires concernés et à la maire de Lille.

Je profite de la présence de M. Decool pour indiquer que je rendrai compte dans les prochains jours de la situation à Dunkerque, de la même manière que je l’ai fait pour Calais. Nous avons enregistré de premiers résultats que vous connaissez, monsieur le député, mais j’attends de savoir s’ils se confirment dans la durée avant de communiquer les chiffres. Cette semaine, nous avons obtenu une diminution significative du nombre de migrants dans les camps situés à Dunkerque.

Enfin, je précise que les créations nettes dans la circonscription seraient de 75.

M. Dominique Baert, président. Permettez au député de Roubaix que je suis d’insister sur le fait que, à Roubaix-Tourcoing, les problèmes ne sont pas les mêmes qu’à Lille, même si ces villes appartiennent à la même circonscription de police.

Est-il possible de desserrer les contraintes d’affectation en région parisienne afin de permettre aux jeunes recrues issues du Nord-Pas-de-Calais de revenir dans leur région d’origine avant le délai de cinq ans de présence minimale imposée par les règles ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je précise que le chiffre de 75 vaut pour la totalité de la circonscription, qui regroupe Lille, Roubaix et Tourcoing, même si je veux bien admettre que Roubaix-Tourcoing n’est pas Lille. Et je pense que vous pouvez vous réjouir de cette nouvelle, monsieur Baert, les effectifs n’ayant pas toujours évolué en ce sens.

Vous m’interrogez sur la contrainte de cinq ans de présence en poste dans la région parisienne pour les jeunes gardiens de la paix dont c’est la première affectation. Je reconnais qu’elle est lourde, mais les concours sont ouverts au regard des besoins constatés sur l’ensemble du territoire national et l’obligation de durée dans les postes pour les nouvelles recrues n’est pas propre à la police. Elle répond au défaut d’attractivité de certaines régions, notamment l’Île-de-France. Les affectations à la sortie des écoles sont pour nous le seul outil à même de nous permettre de lutter contre les disparités entre les territoires, et il m’est donc difficile de vous donner satisfaction sur ce point. Au-delà de cette durée minimale de cinq ans, les mutations de policiers sont toutefois très nombreuses et permettent à ceux qui veulent revenir dans leur région d’origine de le faire.

M. Dominique Baert, président. Je redoutais cette réponse, mais je me devais de vous poser la question, motivée par une préoccupation partagée sans doute par d’autres collègues dont la circonscription compte une école de police et sollicités, comme je le suis, par les familles de jeunes recrues.

Il me reste à vous remercier, monsieur le ministre, pour toutes vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à onze heures trente-cinq.

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