Première séance du mardi 08 juillet 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Hommage à Olivier Marleix
- 2. Questions au gouvernement
- 3. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
- 4. Questions au gouvernement (suite)
- Relations entre la France et l’Algérie
- Maîtrise de la dépense publique
- Politique fiscale
- Dermatose nodulaire contagieuse bovine
- Suppression de postes à l’éducation nationale en Martinique
- Fermeture de l’usine De Dietrich de Mertzwiller
- Urbanisme à proximité du dépôt de munitions de Papeari
- Examen du permis de conduire
- Situation à La Réunion après le cyclone Garance
- Autonomie économique des femmes
- Fermeture du bloc opératoire de l’hôpital d’Apt
- Sécurité des produits non-alimentaires
- Situation à Gaza
- Interdiction des pesticides
- Détention de Boualem Sansal
- 5. Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- Mme Manon Meunier
- M. Julien Dive, rapporteur
- Mme Annie Genevard, ministre
- M. David Taupiac (LIOT)
- M. Julien Brugerolles (GDR)
- Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
- Mme Hélène Laporte (RN)
- Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR)
- Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)
- Mme Mélanie Thomin (SOC)
- M. Guillaume Lepers (DR)
- M. Benoît Biteau (EcoS)
- M. Éric Martineau (Dem)
- M. Henri Alfandari (HOR)
- Discussion générale
- M. David Taupiac
- M. Julien Brugerolles
- M. Vincent Trébuchet
- M. Hervé de Lépinau
- M. Jean-Luc Fugit
- Mme Mathilde Hignet
- M. Dominique Potier
- M. Guillaume Lepers
- Mme Delphine Batho
- M. Éric Martineau
- M. Henri Alfandari
- M. Julien Dive, rapporteur
- Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
- Mme Annie Genevard, ministre
- Texte de la commission mixte paritaire
- Amendement no 1, 2, 3
- Vote sur l’ensemble
- 6. Maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité
- 7. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Hommage à Olivier Marleix
Mme la présidente
(Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du gouvernement se lèvent.) Hier après-midi, notre Assemblée nationale s’est glacée de stupeur et de douleur lorsque nous avons appris la tragique disparition de notre collègue Olivier Marleix.
Olivier Marleix était des nôtres. Il siégeait dans cet hémicycle depuis 2012. Il en était une figure familière, un collègue estimé, pour beaucoup un ami. Je peux en témoigner comme nombre d’entre vous sur ces bancs : Olivier Marleix incarnait le parlementaire dans la plus noble acception du terme. Il était à la fois un technicien rigoureux et méticuleux, un orateur pugnace et précis, un défenseur de nos institutions et un fidèle serviteur de l’intérêt général. Chacun ici le savait. Chacun ici le respectait.
La politique, Olivier Marleix l’avait dans le sang. C’est son père, Alain, ancien député du Cantal et secrétaire d’État entre 2007 et 2010, qui lui transmit, selon ses mots, le « virus » de l’intérêt général. Refusant cependant d’être un héritier, il se présenta non dans le Cantal paternel et pompidolien mais dans la deuxième circonscription d’Eure-et-Loir, où il fut élu en 2012 et réélu en 2017, 2022 et 2024.
Durant ces quinze années, Olivier Marleix fut un véritable pilier de la commission des lois. Il s’investit particulièrement dans la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts, en grand défenseur de la déontologie et de l’intégrité parlementaires. Le fil rouge de son engagement, ce fut peut-être son admiration, teintée de nostalgie, pour l’État gaullo-pompidolien. Fervent avocat de la souveraineté industrielle et énergétique de la France, il présida ainsi en 2018, avec une pugnacité que chacun lui reconnaît, la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle.
Enfin, tout au long de ses engagements, Olivier Marleix n’a jamais séparé la liberté des Français de leur sécurité. Sa toute première intervention dans cet hémicycle, le 6 novembre 2012, comme sa toute dernière, le 1er juillet dernier, portèrent justement sur la sécurité des Français. Olivier Marleix prenait encore la parole dans l’hémicycle mardi dernier. Il était alors comme nous l’avions toujours connu : précis, impliqué, respecté. Il devait siéger cet après-midi même sur les bancs de la commission, pour défendre la proposition de loi dont il était le rapporteur.
Derrière le député engagé et investi, il y avait également l’homme unanimement apprécié. Les hommages d’hier en témoignent : ils sont venus de tous les bancs de l’hémicycle, démontrant qu’au-delà de nos différences politiques souvent radicales, nous appartenons à une seule et même grande famille, la famille parlementaire.
Nous sommes très nombreux ici à pouvoir attester de la force de caractère d’Olivier Marleix, de sa stature morale. Oui, il fut un opposant résolu ; mais il fut toujours un opposant respectueux de nos institutions et des autres, exigeant et courtois, digne et élégant mais aussi pince-sans-rire – et nous sommes beaucoup à avoir fait l’expérience de son humour tranchant mais toujours pertinent.
Je peux témoigner personnellement de ces qualités, pour avoir travaillé étroitement avec lui, sept années durant, au sein de la commission des lois puis en conférence des présidents. Homme de droite, il incarnait avant tout une droiture républicaine en vertu de laquelle il ne transigeait jamais avec ses convictions ; il plaçait l’intérêt général et notre institution au-dessus de tout.
Député de la nation, Olivier Marleix était aussi un élu de terrain. Conseiller général puis vice-président du conseil départemental d’Eure-et-Loir, maire d’Anet de 2008 à 2017, il était enraciné dans son territoire. Il avait fait sienne cette idée de Georges Pompidou, qu’il admirait : « La République doit être celle des politiques au sens vrai du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes […]. »
Mes chers collègues, dans quelques mois, nous rendrons collectivement hommage, dans cet hémicycle, en présence de sa famille, à Olivier Marleix. Je prononcerai à cette occasion son éloge funèbre. Aujourd’hui, en cette heure de deuil, nos pensées attristées se tournent vers sa famille et ses proches. Qu’ils sachent que la représentation nationale tout entière partage leur peine et se tient à leurs côtés. J’adresse aussi une pensée particulière à nos collègues députés de la Droite républicaine, qui perdent un ancien président de groupe dont la voix portait bien au-delà de leurs rangs.
En hommage à Olivier Marleix, je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement observent une minute de silence.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine.
M. Laurent Wauquiez
Olivier Marleix a été le président de notre groupe. La semaine dernière, il était encore là, assis à sa place parmi nous. Aujourd’hui, son siège est vide ; il est parti et il laisse derrière lui, pour chacun d’entre nous, une infinie tristesse. Ceux qui le connaissaient bien savaient déceler, au-delà de sa pudeur, l’immense sensibilité de son âme. Son départ et la brutalité des circonstances appellent tant de questions, des regrets aussi : ces paroles que nous n’avons pas pu prononcer, ces échanges que nous aurions aimé avoir, tout ce qu’on n’a pas eu le temps de dire.
Cette peine, rien ne pourra la combler. Elle laisse son lot, pour chacun d’entre nous, de souvenirs, de regrets, de souffrances. Mais notre devoir, c’est de garder autre chose d’Olivier Marleix. Notre devoir, c’est de faire en sorte que la brutalité de son départ et la façon dont elle nous marque ne fassent pas oublier la dignité de son engagement politique et ce qui était le sens de sa vie, celle d’un député au talent rare. Lui, le fidèle serviteur de la tradition gaulliste, qui avait appris auprès des plus grandes figures de notre famille politique, de Charles Pasqua à Nicolas Sarkozy. Lui, le Cantalien au caractère parfois rude mais toujours espiègle. Lui qui a toujours refusé d’être un héritier et qui avait choisi de se construire par le suffrage universel. Lui qui avait épousé ce département d’Eure-et-Loir où, dans sa commune d’Anet, qu’il avait choisie comme on choisit une famille, sa gentillesse et sa proximité faisaient l’unanimité.
Olivier avait gardé de Georges Pompidou, qu’il admirait tant, cette conviction que la belle politique conjugue l’enracinement dans un territoire et le regard qui emporte au-delà de la colline. Oui, il aimait en politique les grands débats ; il aimait les idées qui élèvent. Il y avait en lui la force du travail et le panache des convictions, qu’il défendait avec courage. Il le faisait d’abord pour nos institutions, dont il refusait de voir perdre l’esprit de la Ve République – il y mettait toute son énergie en commission des lois, où sa parole était écoutée et respectée ; ensuite pour la souveraineté de la France, et il s’était tant battu contre la vente de nos fleurons industriels.
Mais il menait aussi des combats plus intimes comme la protection de l’enfance, et bien des associations ont rendu hier hommage à cette part plus personnelle de son engagement. Il refusait que la vie politique soit abîmée, qu’elle soit gangrenée par la médiocrité. Homme de lecture et d’écrit, il ne cessait de réfléchir, de questionner, de proposer pour tracer un chemin de reconstruction française.
Je tiens à saluer, au nom de notre famille politique, les témoignages de tous bords qui se sont exprimés. Ils ont rendu hommage à celui qui était respecté parce que, quelles que soient nos différences politiques, il menait chacun de ses combats avec droiture et panache.
Dans cette épreuve, nos cœurs et nos pensées se tournent vers ses proches, sa famille, tous ceux et celle qui l’aimaient, et ses deux filles. La vie politique peut être dure. Derrière les apparences qui protègent, derrière les sourires que l’on affiche parfois comme des armures, derrière les silences que l’on ne comprend pas toujours, on sous-estime toujours la solitude des êtres. Mais Olivier, tu n’es pas seul ! Tu n’es pas seul. Tu comptes ici des compagnons fidèles, des amis qui perpétueront ta mémoire, celle d’un homme droit qui a dédié sa vie à l’honneur et à l’amour de son pays. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent très longuement.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président Laurent Wauquiez, le gouvernement veut vous dire à quel point il a partagé avec vous, hier, votre stupéfaction et votre immense tristesse à l’annonce du départ d’Olivier Marleix ; à quel point il partage l’arrachement qui est le vôtre ; à quel point il partage l’affection qui a été traduite sur bien des bancs tout comme le respect que cette personnalité rare faisait naître. Olivier Marleix était un combattant, fort de convictions dont chacun connaissait la puissance. Infatigable parce qu’il ne cessait de défendre une certaine idée de la France, de sa souveraineté, en particulier de sa souveraineté économique et industrielle, il nourrissait pour notre pays, au-delà des dossiers dont il avait la charge, un amour enraciné. Cette figure que beaucoup estimaient sur tous les bancs, cette figure-là nous rappelait que la politique n’est pas seulement débat, concurrence et affrontement, qu’elle est quelque chose d’autre, le partage d’un idéal dont nous ne nous faisons sans doute pas tous la même idée mais qui est aussi essentiel pour nous tous.
Vous l’avez dit, ou du moins nous l’avons senti dans vos propos, madame la présidente, monsieur le président Wauquiez, ce drame nous a rappelé aussi qu’il y a dans tout être humain des fragilités et des failles, même chez les hommes qui paraissent inflexibles. Beaucoup d’entre nous, hier et ce matin, se sont dit qu’il ne fallait pas laisser sans réponse ces failles et ces fragilités, qu’il serait bon que les mains se tendent.
Pour Olivier Marleix, cette affection-là méritait d’être traduite aujourd’hui à l’Assemblée nationale. C’est aussi ce que veut vous dire le gouvernement par ma voix. (Applaudissements sur tous les bancs.)
2. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Hausse de la pauvreté
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Il est évidemment difficile de prendre la parole après cet hommage à notre collègue dont le décès soudain nous a toutes et tous touchés, et je voudrais ici à mon tour saluer sa mémoire.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. L’Insee vient de publier son rapport sur les inégalités pour l’année 2023 et le verdict est tombé. La France a atteint son plus haut niveau de pauvreté depuis que l’indicateur existe. Elle compte désormais 12 millions de pauvres et 30 % des Français ont vu leur niveau de vie reculer. L’Insee vient ainsi mettre des chiffres sur ce que les Français vivent au quotidien : la difficulté à boucler les fins de mois, le travail qui ne permet plus de vivre correctement, l’abandon des personnes sans abri à leur sort.
Cet appauvrissement des plus modestes et des classes moyennes est le fruit de sept ans de macronisme : aucune volonté de lutter contre la pauvreté et une ubérisation de l’emploi qui se traduit par une baisse du niveau de vie des indépendants et des microentrepreneurs ainsi que par un développement des temps partiels.
De l’autre côté du spectre, le niveau de vie des plus riches a continué à augmenter grâce à vos largesses, notamment par la faible imposition des revenus du capital et la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés. Résultat : une forte hausse des inégalités, qui atteignent le même niveau que sous Nicolas Sarkozy.
Ma question sera donc double. Vous engagez-vous à faire enfin contribuer les plus riches, qui paient aujourd’hui moins d’impôts que les classes moyennes, en intégrant au budget 2026 l’impôt plancher sur la fortune, désormais soutenu par neuf prix Nobel d’économie ? Vous engagez-vous parallèlement à renoncer à tout gel des prestations sociales, à enfin agir pour le pouvoir de vivre des travailleurs modestes et à soutenir les politiques de sortie de la pauvreté, comme les territoires zéro chômeur de longue durée, le plan logement d’abord, ou la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Tout comme il est difficile de poser une question dans de telles circonstances, il est difficile d’y répondre. Je vous donnerai cependant quelques éléments d’information avant que le premier ministre ne présente, le 15 juillet prochain, les orientations du gouvernement pour relever le défi qui se présente à nous et qui dépasse largement les simples considérations budgétaires.
La France reste le pays le plus redistributif de l’OCDE puisque, avant transferts, les écarts de revenu constatés entre les plus pauvres et les plus aisés sont de un à dix-huit alors qu’ils ne sont plus que de un à trois grâce à notre système fiscal et aux dispositifs de redistribution monétaire et non monétaire. Ce sont les travaux de Jean-Marc Germain qui en attestent et ils doivent être considérés pour ce qu’ils sont.
Incontestablement, la Ve République est, depuis ses débuts, ancrée dans un modèle social qui fait notre force. Hélas, ce modèle est à présent fragilisé…
Mme Marie-Charlotte Garin
Par votre politique !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…par la dette et le déficit. Nous croyons cependant qu’il pourra être sauvé par le travail et l’entreprise.
Quand nous faisons du RSA un outil de retour au travail, en six mois, 42 % des personnes qui ont participé à l’expérimentation ont retrouvé un emploi. Nous croyons aussi à l’entreprise. Je l’ai déjà dit devant vous et nous en avons suffisamment débattu : nous ne pensons pas que faire partir les 1 800 entrepreneurs qui ont réussi à créer des emplois dans notre pays sera la réponse à nos problèmes. Le CAC40 représente 1,2 million d’emplois en France ; les 6 000 plus belles entreprises de taille intermédiaire de France, ce sont 4 millions d’emplois. (Mme Olivia Grégoire applaudit.) Ce sont ces emplois que nous devons développer.
Que pourrais-je vous dire en conclusion ? Oui, nous voulons un système social fort. Pour cela, nous avons besoin d’entreprises solides et d’un système fiscal efficace. Ma main ne tremble pas face à la fraude (M. Romain Daubié applaudit) et nous n’hésiterons pas davantage à inscrire dans la loi les mesures qui s’imposent pour lutter plus efficacement contre la suroptimisation fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Hausse de la pauvreté
Mme la présidente
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin
Au nom du groupe socialiste, nous adressons nos condoléances aux proches et à la famille du député Olivier Marleix.
Monsieur le premier ministre, 40 milliards d’euros d’économie sont programmés dans le prochain budget, alors même qu’une maladie gangrène la France de l’intérieur : la pauvreté. Nous le savons, vous le savez, ce sont toujours les plus modestes qui paient la facture. Ils sont, selon l’Insee, près de 10 millions, soit un Français sur six. Jamais le nombre de pauvres n’a été aussi élevé : étudiants, chômeurs, mais aussi travailleurs pauvres – autoentrepreneurs, agriculteurs, contractuels, salariés à temps partiel.
Parmi les victimes de cette épidémie, on retrouve surtout des femmes, en particulier les mamans de familles monoparentales – pas moins d’une famille sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Les Restos du Cœur nous alertent concernant la situation des enfants car 10 % de leurs bénéficiaires sont des bébés entre 0 et 3 ans.
Il ne s’agit pas seulement de chiffres, mais bien de vies. La précarité frappe singulièrement en milieu rural, où le non-recours aux aides est plus massif qu’ailleurs, où la pauvreté s’enracine et assigne à résidence. Ce qui me surprend, monsieur le premier ministre, c’est la dignité de ceux qui subissent cette fracture sociale, face à l’inefficacité de vos politiques. Au quotidien, la vie de millions de Français est faite de renoncements.
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le patrimoine des 500 familles les plus riches de France a doublé, passant de 600 à 1 200 milliards d’euros. Les cadeaux aux riches se multiplient, tout repose sur les classes laborieuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Ces derniers jours, nous avons eu écho des mesures qui viendront alimenter vos annonces budgétaires. Nous ne pouvons pas croire un seul instant que vous allez remettre en cause les mesures de réduction fiscale pour les Françaises et les Français qui font preuve de générosité en versant des dons aux associations. Lors du prochain débat budgétaire, les députés socialistes seront mobilisés. Nous veillerons à protéger le pouvoir d’achat de celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre.
Monsieur le premier ministre, jusqu’où ira votre complaisance envers les ultrariches ? Quand ferez-vous preuve de courage politique ? L’adoption d’une seule proposition suffirait à mieux répartir les richesses, celle de la taxe Zucman. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Quels engagements prenez-vous, devant la représentation nationale, pour que vos économies ne se fassent pas sur le dos des plus vulnérables ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
M. Boris Vallaud
Et de la pauvreté !
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous avez rappelé les faits, mais n’oublions pas de préciser que le revenu médian, en 2022, a également progressé. C’est important de le signaler car le revenu du seuil de pauvreté est fixé à 60 % de ce revenu médian.
Les chiffres que vous avez donnés sont ceux de l’année 2023, laquelle, par définition, ne prend pas en compte les dépenses engagées au début de l’année 2024, à savoir la revalorisation de 4,6 % des minima sociaux au 1er avril 2024. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Cela étant dit, je vais vous citer quelques réponses que nous allons apporter à la situation que vous dénoncez. La France, ma collègue l’a dit à l’instant, est le pays le plus redistributif puisque nous consacrons 31,5 % du PIB aux dépenses sociales contre en moyenne 26,6 % dans les pays de l’Union européenne.
D’autre part, vendredi dernier, j’ai réuni avec le premier ministre l’ensemble des associations qui luttent contre l’exclusion. Ce dernier a pris plusieurs engagements extrêmement forts, à commencer par celui de ne pas remettre en cause les réductions fiscales sur les dons versés aux associations d’utilité publique, comme le proposait l’Inspection générale des finances dans son rapport.
Mme Dieynaba Diop
Cela ne résout pas le problème.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ensuite, dès le budget 2025, 10 millions supplémentaires seront alloués à l’aide alimentaire. Surtout, nous devrons avoir la capacité d’accompagner les mères de familles monoparentales vers l’emploi, en leur proposant des modes de garde, en ouvrant des crèches à vocation d’insertion. C’est ainsi, en trouvant des solutions concrètes pour réinsérer durablement ces personnes dans l’emploi, que nous mettrons fin à la précarité des enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Boris Vallaud
Mais quand ?
3. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère
Mme la présidente
Avant de donner la parole au prochain orateur, je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’assemblée nationale du Vietnam, conduite par Mme Nguyen Thuy Anh, présidente du groupe d’amitié Vietnam-France. (Mmes et MM. les députés et les membres du gouvernement se lèvent, se tournent vers les tribunes et applaudissent.)
4. Questions au gouvernement (suite)
Relations entre la France et l’Algérie
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Bigot.
M. Guillaume Bigot
Au nom du groupe Rassemblement national, je tiens tout d’abord à adresser nos plus sincères condoléances aux proches et à la famille de notre collègue Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères. Il y a quelques semaines, le ministère nous demandait de ne pas évoquer dans cet hémicycle le cas de Boualem Sansal, dans l’espoir d’amadouer les autorités algériennes qui le retiennent en otage. Bilan de cette diplomatie de l’apaisement pour notre compatriote malade du cancer et âgé : cinq ans de prison. Mais qu’avez-vous fait à part exiger le silence ?
De l’aveu du député européen Bellamy, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères ignorait que le cas Sansal était une priorité française. Le comité de soutien à Sansal dénonce aussi votre inaction : « Rien n’a été fait. », proclame-t-il. Rien n’a été fait non plus pour Christophe Gleizes, journaliste français condamné à sept ans d’emprisonnement pour un article sur un club de foot kabyle. Ici encore, le Quai d’Orsay a imposé le silence à sa famille depuis son arrestation en mai 2024. Une année d’omerta, pour ne pas froisser Alger !
Vous avez imposé le silence aux familles et aux élus de la nation. Résultat : deux Français en prison. Deux humiliations. Et une triple faillite.
Faillite nationale d’abord car le monde entier sait que le passeport français n’offre plus aucune protection. Si Sansal et Gleizes avaient été américains, ils seraient déjà libres ! (M. François Cormier-Bouligeon proteste.)
Faillite parlementaire ensuite puisque même les élus sont priés de se taire !
Faillite européenne enfin, quand la France n’ose même pas nommer ses priorités à Bruxelles ou, ce qui est pire encore, Bruxelles les ignore.
Nous le répétons depuis des années : avec l’Algérie, la complaisance ne fonctionne pas. Il faut dénoncer les accords, suspendre les visas et ce qui reste de l’aide au développement. Monsieur le ministre, combien de Français doivent encore être emprisonnés pour que la France relève la tête ? Pensez-vous être qualifié pour diriger notre diplomatie alors que vous êtes incapable de protéger nos compatriotes et nos intérêts ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous évoquez un prétendu silence qui serait exigé de certains : le sujet évoqué est bien trop sérieux pour une telle question. Nous n’obligeons personne à garder le silence ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous vous demandons de comprendre notre démarche, qui repose sur l’intelligence collective : la diplomatie doit pouvoir travailler le plus efficacement possible au service de tous nos compatriotes, partout dans le monde. (Mêmes mouvements.) Ce n’est pas en multipliant les coups de menton et les déclarations que nous libérerons nos compatriotes, notamment ceux emprisonnés en Algérie et en Iran. Avec les services diplomatiques, nous les accompagnons, les défendons et exigeons chaque jour leur libération. (Mêmes mouvements.)
M. Thierry Tesson
Ça ne se voit pas !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Votre question me permet de rappeler le contexte et de revenir sur les causes du gel total des relations entre la France et l’Algérie. Douze agents de notre ambassade ont été expulsés à la mi-avril ; le départ immédiat de nos agents en mission courte a ensuite été exigé. C’est l’attitude des autorités algériennes qui nous empêche de respecter les engagements pris au mois de mai, notamment au cours d’échanges avec le chef de l’État.
M. Alexandre Dufosset
Mais alors, que fait-on ?
Un député du groupe RN
Soumission !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Chaque jour, la diplomatie est à pied d’œuvre. Elle ne perd jamais de vue sa priorité : la protection de tous les ressortissants français, au rang desquels Boualem Sansal et Christophe Gleizes – je vous remercie d’avoir aussi mentionné ce dernier. J’ai une pensée quotidienne (Exclamations sur les bancs du groupe RN) pour nos compatriotes en Iran, notamment Cécile Kohler et Jacques Paris, en prison depuis plus de trois ans. Nous ne les oublions pas et faisons tout pour obtenir la libération immédiate de tous ces ressortissants français. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Bigot.
M. Guillaume Bigot
Je vous remercie pour cet aveu : la politique d’apaisement que vous avez préconisée a abouti à l’expulsion de diplomates. De petites compromissions en grands relâchements, l’apaisement s’est transformé en aplatissement. Je citerai ici Jean-Pierre Chevènement : « Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa… ». (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe RN et plusieurs députés du groupe UDR applaudissent ce dernier.)
Maîtrise de la dépense publique
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je tiens d’abord à dire l’émotion du groupe Ensemble pour la République à la suite de la mort tragique d’Olivier Marleix. Nous présentons nos condoléances à nos partenaires des Républicains, à ses proches et à sa famille. (Applaudissements.)
Madame la ministre des comptes publics, la semaine dernière, la Cour des comptes tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme pour alerter sur la situation financière de la France. Au premier trimestre, la dette publique s’est élevée à 114 % du PIB. L’endettement repart à la hausse et pose désormais un risque d’emballement. La France ne peut plus faire l’autruche.
Il faudra prendre des décisions fortes à la rentrée pour le budget 2026.
Une députée du groupe RN
C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Charles Sitzenstuhl
Le gouvernement évoque 40 milliards d’euros d’efforts. Cet objectif ne doit absolument pas être perdu de vue, mais pas à n’importe quel prix. Le ras-le-bol fiscal reste un sentiment puissant dans le pays : ne le sous-estimez pas.
La classe moyenne nous le dit, il ne faut pas augmenter les impôts car elle en a assez de payer.
M. Édouard Bénard
Alors taxons les pauvres, c’est ça ?
M. Charles Sitzenstuhl
Quant aux entreprises, elles ne veulent plus être prises pour des vaches à lait. Madame la ministre, laissez les entreprises tranquilles !
C’est pour cette raison qu’il faut absolument que la réduction de la dépense publique soit notre priorité. Cela demandera du courage. L’année dernière, le gouvernement de Gabriel Attal et le ministre Bruno Le Maire avaient déjà pris des mesures permettant de limiter le déficit en économisant plus de 30 milliards. Une commission d’enquête a reconnu qu’il s’agissait de mesures sans précédent hors période de crise. Hélas, la dissolution a ensuite tout mis à l’arrêt.
Cet automne, le gouvernement nous trouvera donc à ses côtés s’il veut réduire la dépense et lancer de nouvelles réformes. Le contrôle renforcé des arrêts de travail et des transports sanitaires vont dans la bonne direction. En outre, avec la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist, nous demandons une nouvelle réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
La France est au pied du mur. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Réduirez-vous vraiment la dépense publique ? Protégerez-vous la classe moyenne et les entreprises des hausses d’impôts ? Engagerez-vous de nouvelles réformes courageuses pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous l’avez dit : la période que nous traversons exige du courage.
Une députée du groupe LFI-NFP
Vous n’en avez jamais eu !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Après, il risque d’être trop tard.
C’est surtout le moment de redonner confiance aux Français, aux entrepreneurs, aux salariés et aux familles. Nous sommes pris en tenaille entre deux couperets. Nos débats donnent en effet l’impression qu’il n’y aurait que deux issues : la censure ou l’augmentation des impôts.
La semaine prochaine, lorsque le premier ministre annoncera des arbitrages, il rappellera sans doute qu’un budget ne se résume pas à des tableaux de chiffres ; c’est avant tout un ensemble de choix qui reposent sur des convictions.
Notre première conviction, c’est que c’est par le travail, la production et une juste rémunération que nous pouvons redresser nos comptes publics, donc le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Laurent Wauquiez applaudit également.)
Notre deuxième conviction, c’est que ce n’est pas par l’impôt – l’impôt généralisé et indifférencié – que nous nous en sortirons. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Notre troisième conviction, c’est que dans un pays où les dépenses publiques représentent 57 % du PIB, nous pouvons dire sans rougir qu’il est possible de faire des économies.
Il nous reste deux ans avant ce choix démocratique majeur qu’est l’élection présidentielle. Nous pouvons sans doute partager une conviction sur ces bancs : ces deux années doivent être utiles. Il faut les mettre au service de nos entreprises et de la réindustrialisation, de nos enfants et de leur éducation, de la santé et de l’adaptation au vieillissement de la population, de la recherche et de l’innovation, de la transition énergétique et de la production d’une énergie décarbonée, à la fois renouvelable et nucléaire, d’un État fort dont les armées, la police et la justice répondent aux exigences des Français.
Mme Béatrice Bellay
Et la lutte contre les inégalités ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous voulons avoir le courage d’agir au service des Français. Il faut sortir de cette alternative piégeuse – la censure ou les impôts.
M. Stéphane Peu
Ce sera la censure !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Uni et mobilisé, ce gouvernement fera face à ses responsabilités avec courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Politique fiscale
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Les députés du groupe GDR s’associent à l’hommage rendu à Olivier Marleix, dont j’ai fait la connaissance il y a plus de trente ans, lors de nos classes militaires. Nous adressons toutes nos condoléances à ses proches, à ses amis et à ses compagnons de combat. (Applaudissements.)
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, voici deux nombres que je n’ai pas choisis au hasard : 9,8 millions d’un côté, 98,2 milliards de l’autre. Alors que notre pays compte 9,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les dividendes versés aux actionnaires des quarante plus grandes entreprises cotées en Bourse ont atteint 98,2 milliards d’euros en 2024 – un record. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. René Pilato applaudit aussi.)
Nous sommes un pays riche qui voit ses classes populaire et moyenne s’appauvrir.
Un député du groupe GDR
Exactement !
M. Nicolas Sansu
En guise de solution, vous annoncez une année blanche budgétaire – une année sans augmentation des dépenses. L’année blanche fait abstraction de la hausse naturelle des dépenses et de l’inflation : il y aura moins de professeurs et moins de moyens pour la santé, l’éducation et les collectivités. Qui seront les seuls à être épargnés par cette cure d’austérité ? Les marchands d’armes et nos créanciers – les voilà vos services publics essentiels ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. – M. Damien Girard applaudit également.)
Pour être à la hauteur de la promesse républicaine d’égalité, le prochain budget devra s’attacher à rendre du pouvoir d’achat aux ménages, à favoriser l’investissement productif et la décarbonation, à redonner du souffle à nos services publics, en Hexagone comme en outre-mer.
Il existe des solutions pour juguler le déficit sans toucher aux services publics. Quelle part des 211 milliards d’euros d’aides aux entreprises peut être supprimée ou réorientée pour favoriser nos PME, nos artisans et nos commerçants, et non les multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Olivier Faure applaudit également.)
Taxerez-vous enfin les ultrariches pour rétablir la justice fiscale ? Quelles niches fiscales revisiterez-vous ? Le pacte Dutreil, le crédit d’impôt recherche ou le régime mère-fille sont autant de dispositifs qui ont permis aux très grandes entreprises d’éviter l’impôt.
La République agonise de ces inégalités qui s’accroissent, de ces services publics qui s’éloignent et de cette mainmise de l’argent qui corrompt toutes les sphères de la société. Prenez la mesure du cri du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Quel est le problème de notre pays ? (« C’est vous ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Bonne question !
M. Éric Lombard, ministre
C’est évidemment la pauvreté. Mais comment voulez-vous que nous résolvions ce problème si nous affaiblissons nos entreprises et notre tissu économique ? (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) La première réponse au défi que vous évoquez, c’est le travail. Or pour soutenir le travail, il faut soutenir nos entreprises. Car dans quel monde vivons-nous ?
M. Jean-Paul Lecoq
Dans un monde capitaliste qui exploite la classe ouvrière grâce à vous !
M. Éric Lombard, ministre
Dans un monde où règne une concurrence de plus en plus acharnée.
Pensez-vous que des dépenses publiques s’élevant à 1 700 milliards d’euros par an, soit 57 % du PIB, sont insuffisantes ? Je ne le crois pas. Nous rencontrons un problème…
M. Jean-Paul Lecoq
De justice !
M. Éric Lombard, ministre
…d’efficacité de la dépense publique.
Mme Danielle Simonnet
Vous protégez les actionnaires !
Mme Sabrina Sebaihi
Vous faites des cadeaux aux riches !
M. Éric Lombard, ministre
Le premier ministre présentera le projet de budget le 15 juillet. Nous souhaitons conserver le même niveau de dépenses publiques – 1 700 milliards d’euros – tout en continuant à soigner, à éduquer et à protéger aussi efficacement qu’auparavant. Nous devons aussi libérer nos entreprises pour qu’elles puissent grandir, se développer et recruter. Quelle meilleure solution aux problèmes que vous évoquez que de créer des emplois durables et d’encourager l’investissement ?
Je partage une partie de vos objectifs. Il me semble cependant que la solution n’est pas d’augmenter nos dépenses publiques, mais de maîtriser nos déficits.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça n’a pas marché jusqu’ici !
M. Éric Lombard, ministre
Pour terminer, je rappelle que le coût de notre dette, qui s’élève à 67 milliards cette année, atteindra 100 milliards dans trois ans. Si nous ne mettons pas un terme à cette dérive de nos comptes, nous n’arriverons pas à regagner notre souveraineté et à reprendre notre destin en main, destin qui passe notamment par la défense nationale, que vous avez évoquée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Dermatose nodulaire contagieuse bovine
Mme la présidente
La parole est à Mme Marina Ferrari.
Mme Marina Ferrari
Comme nous tous ici, avant de prendre la parole, j’ai une pensée pour Olivier Marleix, qui était un ardent défenseur de notre souveraineté, notamment agricole. Au nom du groupe Les Démocrates, j’adresse nos plus sincères condoléances à ses proches et à nos collègues de la Droite républicaine. (Applaudissements.)
La semaine dernière, plusieurs cas de dermatose nodulaire contagieuse bovine ont été constatés dans ma circonscription, en Savoie. J’associe à ma question mes collègues savoyards et haut-savoyards.
La DNC est une maladie classée catégorie A dans la réglementation européenne. Elle n’est pas transmissible aux autres espèces et ne pose pas de danger pour la santé humaine. Elle implique en revanche l’abattage des troupeaux infectés et entraîne donc des pertes économiques importantes pour toute la filière bovine et laitière.
L’abattage des troupeaux est un traumatisme, un drame psychologique pour les éleveurs. L’angoisse d’une contamination massive est grande.
Madame la ministre de l’agriculture, je tenais à vous remercier, vous et les services de l’État, pour les réponses apportées en quelques jours seulement, notamment en matière de vaccins – ces derniers sont attendus pour la fin du mois.
Plusieurs questions urgentes demeurent : où en sont les agréments de laboratoires départementaux, qui permettraient de procéder plus rapidement aux analyses ? Une campagne de tests systématiques est-elle envisageable ? Peut-on mobiliser des renforts vétérinaires ? Avance-t-on sur la question des blocages rétroactifs des produits laitiers ? Certaines fromageries tablent déjà sur des pertes estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros. Quel sera le protocole vaccinal appliqué à réception des doses de vaccins ? Prévoit-on une obligation vaccinale et des périmètres prioritaires ?
La question des indemnisations est également importante. En 2001, la loi a institué un amortissement sur six exercices du montant de l’indemnité pour cheptel abattu. Or il faut plusieurs années et un long travail génétique pour reconstituer un cheptel. Le gouvernement envisage-t-il d’appliquer enfin cet amortissement aux indemnisations perçues à la suite d’une maladie de catégorie A ?
Par ailleurs, des discussions portant sur nos exportations sont en cours au niveau européen et international. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Plus généralement, quelle est la stratégie du gouvernement pour faire face à ces crises sanitaires qui deviennent plus intenses et plus régulières sous l’effet du dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Madame la présidente, je souhaite d’abord vous remercier pour les mots que vous avez eus à l’égard de notre cher et regretté collègue et ami, Olivier Marleix.
Madame la députée, vous avez parfaitement décrit la situation. Ce nouveau malheur qui frappe les élevages français nous vient d’Italie. La dermatose nodulaire contagieuse bovine est une maladie classée en catégorie A, si grave qu’elle nous oblige, comme la tuberculose bovine ou la fièvre aphteuse, à détruire les lots touchés par l’épidémie.
Je m’efforcerai d’apporter une réponse complète et détaillée aux questions que vous m’avez posées.
L’homologation des laboratoires apporte une garantie juridique aux résultats donnés. Nous examinons votre demande et réfléchissons à la possibilité d’homologuer des laboratoires de proximité mais dans l’intervalle, nous avons demandé aux laboratoires homologués de délivrer les résultats en quarante-huit heures.
Les démarches pour mobiliser des renforts vétérinaires sont en cours. Nous envisageons de faire appel aux élèves vétérinaires.
Les vaccins mis à disposition par l’Union européenne nous viennent d’Afrique du Sud : l’Union n’est pas toujours souveraine en matière de vaccins, ce qui est une vraie difficulté sur laquelle il faut travailler. Dès lors que nous disposerons de ces vaccins, nous mettrons en place une stratégie vaccinale avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et les services de la direction générale de l’alimentation, qui dépend de mon ministère.
S’agissant des exportations, dès lors que vous vaccinez, vous n’êtes plus considéré comme un pays indemne, ce qui compromet en effet les exportations, mais on ne peut pas tout avoir : et la vaccination et le droit à l’exportation.
Quant à l’amortissement, nous travaillons sur l’instauration de la neutralité fiscale des indemnisations. L’État fiscalise ses propres indemnisations : il y a là, en effet, un motif de révision. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Suppression de postes à l’éducation nationale en Martinique
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.
M. Jean-Philippe Nilor
Au nom du groupe La France insoumise, je tiens à réitérer nos condoléances les plus sincères à la famille et aux proches de notre collègue Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Madame la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, en Martinique, les récentes annonces de suppressions de postes au sein de l’éducation nationale suscitent un vif émoi chez les enseignants, les élèves et les familles. Ces réductions de moyens interviennent dans un contexte déjà tendu, les inégalités sociales et territoriales pesant lourdement sur le système éducatif. En dix ans, plus de 1 500 postes ont été supprimés, auxquels s’ajoutent les 119 suppressions de postes prévues pour l’année en cours.
Moins de postes, ce sont des classes surchargées, mais aussi moins d’accompagnement pour les élèves en difficulté, moins de prévention du décrochage scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or nous savons tous qu’un jeune qui décroche, c’est un jeune qui trop souvent glisse vers l’errance, la déviance, la délinquance et la violence. Dans certains quartiers, l’école s’érige comme le dernier rempart contre ces dérives. En affaiblissant ce rempart, c’est l’essence même du métier d’enseignant que l’on désacralise ; ce sont les fondements mêmes du vivre-ensemble que l’on déstabilise.
Comment peut-on pérorer sur la lutte contre l’insécurité si, dans les faits, on sacrifie en toute conscience – en toute inconscience, devrais-je dire – les moyens de l’éducation publique, première arme contre l’exclusion ? (Mêmes mouvements.) Lorsque les écoles se vident, ce sont à terme les prisons, les unités de soins psychiatriques et les cimetières qui se remplissent.
Dans ces conditions, comment pouvez-vous décemment justifier vos choix budgétaires mortifères au seul prétexte du déclin démographique ? Quand abandonnerez-vous votre logique de quotas, votre doctrine purement comptable, qui s’exerce au détriment de l’être humain, et quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour arrêter cette hémorragie… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent ce dernier.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous le savez, nous faisons face à une baisse démographique qui concerne l’ensemble du territoire. Lors de la prochaine rentrée, 100 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré, seront accueillis dans les établissements de l’éducation nationale.
Mme Sophia Chikirou
Ça dépend des quartiers !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
Vous semblez l’avoir oublié, mais nous avons fait le choix, dans le budget pour 2025, que vous auriez sans doute dû soutenir (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. René Pilato et Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Et le 49.3 ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
…de maintenir les 4 000 postes qui devaient initialement être supprimés. Cela nous permet de renforcer nos actions prioritaires, qu’il s’agisse de réduire les inégalités sociales et territoriales, de renforcer les brigades de remplacement ou de faire progresser l’école inclusive.
En Martinique, la baisse démographique est également une réalité. Dans le premier degré, 430 élèves de moins sont attendus à la prochaine rentrée. Dans le second degré, ce sont plus de 500 élèves de moins. Là encore, nous allons continuer de nous améliorer. Malgré la suppression de 21 emplois d’enseignant dans le premier degré et de 49 dans le second degré, tous les indicateurs continuent de progresser. Le nombre de postes pour 100 élèves sera de 8,75 en Martinique, contre 6 au niveau national.
Je précise par ailleurs que la carte scolaire a fait l’objet d’une concertation approfondie avec tous ceux qui l’ont souhaité. La rectrice a réuni l’ensemble des élus et des maires. Je note que vous n’avez pas souhaité répondre à son invitation. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Béatrice Bellay
Ce n’est pas vrai, nous n’avons pas été invités !
Mme Mathilde Panot
Quelle honte !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
À la prochaine rentrée, l’accompagnement des élèves en situation de handicap sera amélioré grâce au déploiement des pôles d’appui à la scolarité. Loin des caricatures (Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), nous faisons donc tout notre possible pour améliorer le quotidien de nos élèves et faire avancer l’école de la République !
Fermeture de l’usine De Dietrich de Mertzwiller
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Monsieur le ministre de l’économie, samedi dernier, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Mertzwiller, dans ma circonscription, contre la fermeture de l’usine tricentenaire De Dietrich, qui produit des pompes à chaleur. Une marche blanche symbole de détresse, mais aussi de colère, face à une décision qui menace 320 emplois et risque d’en emporter des centaines d’autres chez les sous-traitants locaux. J’étais aux côtés des salariés, de leurs familles, et je tiens ici à saluer leur dignité et leur détermination.
Que dire de cette fermeture si ce n’est qu’elle constitue une nouvelle preuve de l’incompétence éternelle du macronisme ? En 2023, le président Macron promettait, en grande pompe, de produire un million de pompes à chaleur d’ici à 2027. Une promesse fumeuse ! Aujourd’hui, la France peine à produire 170 000 unités, submergée par des importations massives venues d’Asie. Où sont les commandes publiques pour équiper les écoles, les universités et les hôpitaux en pompes à chaleur réversibles alors même que notre pays suffoque désormais chaque été sous les vagues de chaleur ?
Cette fermeture est en réalité un aveu terrible d’incompétence, le symbole même de l’échec du président Macron en matière de réindustrialisation. Les ouvriers alsaciens paient le prix des illusions et des discours sans lendemain du président de la République. Et que dire de La France insoumise, dont les militants ont samedi dernier été expulsés de la marche blanche par les salariés et les syndicats (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) à la suite de leur pathétique tentative d’agitation politique stérile, démontrant une de fois plus qu’ils n’agissent jamais dans l’intérêt des Français ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
C’est faux !
M. Théo Bernhardt
Seul le Rassemblement national soutient une véritable politique de réindustrialisation. Seul le Rassemblement national propose des solutions concrètes, comme le fait de reconvertir le site en une usine d’armement au service de notre défense nationale – je le propose depuis des mois.
Mme Mathilde Panot
C’est vous qui avez refusé de censurer Bayrou !
M. Théo Bernhardt
Allez-vous enfin écouter les propositions de Marine Le Pen pour lutter contre la désindustrialisation de notre pays ? Elles seront d’ailleurs rappelées par notre collègue Alexandre Loubet dans son rapport à venir. Allez-vous sauver le site De Dietrich ou allez-vous continuer à laisser mourir notre industrie et nos territoires ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Que dire, en effet ? Peut-être, tout d’abord, que les pompes à chaleur constituent un élément de la transformation écologique que vous soutenez avec beaucoup de vigueur, je le sais. (Rires sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Stéphanie Rist
Excellent !
M. Éric Lombard, ministre
Le gouvernement a lancé une campagne de communication pour favoriser leur installation, la TVA sur les chaudières à gaz a été augmentée et le dispositif MaPrimeRénov’ continuera de fonctionner cet été pour les copropriétés et les monogestes. Les ménages qui le souhaitent pourront ainsi s’équiper en pompes à chaleur. Nous souhaitons évidemment soutenir leur installation, que ce soit pour le chauffage ou la climatisation, dans de bonnes conditions écologiques.
M. Hervé de Lépinau
Merci l’Ademe !
M. Éric Lombard, ministre
Je vous rejoins sur un seul et unique point : nos industries, notamment De Dietrich, dans votre circonscription, font l’objet d’une concurrence très sévère, en particulier des pays asiatiques. C’est la raison pour laquelle nous agissons avec vigueur. Ne vous en déplaise, la solution est européenne. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Ça se saurait !
M. Philippe Ballard
C’est bien connu, l’Europe nous protège !
M. Éric Lombard, ministre
Je savais que cela vous ferait plaisir…
Nous travaillons avec nos collègues européens afin d’instaurer les protections qui permettront à nos industries de se développer dans cet environnement difficile.
M. Emeric Salmon
Ça ne marche pas !
M. Julien Odoul
C’est l’Europe qui nous pompe !
M. Éric Lombard, ministre
Qu’il s’agisse de l’acier, de la chimie, de l’automobile ou plus généralement de l’industrie, l’Union européenne va faire mouvement…
M. Julien Odoul
Si elle fait mouvement, alors…
M. Éric Lombard, ministre
…dans les mois qui viennent. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Je peux vous assurer qu’avec le ministre Marc Ferracci nous sommes très engagés dans ce travail pour sauver l’industrie française.
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
C’est à cause des normes européennes que l’entreprise De Dietrich en est là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Urbanisme à proximité du dépôt de munitions de Papeari
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
Au nom du groupe LIOT, j’adresse mes sincères condoléances à la famille et aux proches de notre collègue Olivier Marleix, ainsi qu’à sa famille politique. (Applaudissements.)
Monsieur le ministre des armées, depuis plusieurs mois, des familles de Tahiti attendent une réponse claire et juste de votre ministère. Leur seul tort ? Posséder un terrain à proximité du dépôt de munitions de Papeari, frappé d’inconstructibilité. Ces familles ne peuvent plus rien faire de leur terre, qui pour beaucoup représente le seul patrimoine, un bien foncier transmis depuis des générations, dans une collectivité où la terre est rare, précieuse et profondément liée à l’identité familiale et culturelle.
Vous êtes venu en Polynésie et vous connaissez nos contraintes naturelles et géographiques. Un premier refus d’autorisation de construire a été émis par l’armée. Il nous a ensuite été demandé de prouver que la zone dans le périmètre de sécurité ne comptait pas plus de 2 000 habitants. Nous avons produit les données de l’Institut de la statistique de la Polynésie française : environ 1 000 habitants vivent dans la zone, prison de Tatutu comprise. Et pourtant, l’armée vient d’émettre un second avis défavorable, sans explication. Pire encore, aucune indemnisation n’a été proposée aux propriétaires qui voient leur bien perdre toute valeur, sans possibilité d’y construire leur maison et de démarrer leur vie.
Allez-vous enfin mettre un terme à cette injustice en levant une opposition incompréhensible ou, à défaut, engager sans délai une procédure d’indemnisation pour ces familles privées de leur terre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Au nom du ministre des armées, en déplacement, permettez-moi de vous dire que nous comprenons les préoccupations exprimées par les familles concernées et la portée symbolique que revêt la terre en Polynésie française. Lorsque l’usage d’un terrain est limité, cela soulève naturellement des questions et un sentiment d’incompréhension, mais, vous en conviendrez, la protection des populations vivant à proximité d’installations pyrotechniques est une responsabilité essentielle de l’État. C’est pourquoi les règles encadrant l’urbanisation autour des dépôts de munitions sont strictes et fondées sur le principe de précaution. Il ne s’agit pas uniquement de comptabiliser les habitants permanents, mais toutes les personnes susceptibles d’être présentes dans la zone : les salariés, les visiteurs et les usagers d’équipements publics. La réglementation vise à limiter l’exposition globale sans chercher à atteindre à un seuil maximal.
À Papeari, le dépôt de Teva I Uta est le seul site de Polynésie française permettant de stocker des munitions pour les forces armées, les forces de sécurité intérieure et certains acteurs économiques. Il a déjà été déplacé une fois pour répondre à une urbanisation non maîtrisée. Ce précédent appelle à la vigilance. Le dépôt fait l’objet d’un périmètre de sécurité depuis 1987. Cette stabilité depuis près de quarante ans assure une sécurité juridique aux propriétaires. Il revient aux documents d’urbanisme locaux de le mentionner et aux notaires de le signaler lors des ventes et des successions. Cela permet à chacun d’accéder à une information claire sur les contraintes existantes. S’il apparaît qu’un propriétaire subit une contrainte exceptionnelle, hors de proportion avec l’intérêt général poursuivi, une demande d’indemnisation peut être présentée devant le juge administratif.
Le ministère des armées reste pleinement ouvert aux échanges. Je m’engage à ce que vous y soyez reçue afin d’examiner les situations individuelles que vous avez portées à notre connaissance. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. – Les députés du groupe LIOT applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
Ce n’est pas moi qu’il faut recevoir, mais les propriétaires des terrains ! Ils ont besoin qu’on leur explique comment toucher une indemnisation. Jusqu’à aujourd’hui, on leur a dit non pour la construction et non pour l’indemnisation. Je vous demande de préparer une procédure claire pour ces familles polynésiennes qui ont le sentiment d’avoir été volées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Examen du permis de conduire
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Le groupe Horizons s’associe aux hommages rendus à la mémoire de notre collègue Olivier Marleix. Nous présentons nos plus sincères condoléances à ses proches, à sa famille et à l’ensemble de ses compagnons de la Droite républicaine. (Applaudissements.)
Alors que nombre de nos jeunes viennent de décrocher une formation et un diplôme et souhaitent se projeter dans l’avenir, je veux évoquer un autre examen, souvent essentiel pour accéder à l’autonomie et à la mobilité : le permis de conduire. Dans de très nombreux territoires, candidats et auto-écoles sont confrontés à une même difficulté : l’allongement considérable des délais nécessaires pour passer l’épreuve pratique. Dans mon département, la Seine-Maritime, ou en Ille-et-Vilaine, chez mon collègue Thierry Benoit, que je sais très engagé sur le sujet, le délai moyen est de six à huit mois pour une première présentation et s’allonge considérablement pour les candidats recalés, ce qui est un comble.
Cette situation s’explique notamment par l’afflux de jeunes candidats désormais autorisés à passer le permis dès 17 ans, afflux qui a fortement contribué à saturer un système déjà fragilisé par le manque structurel d’inspecteurs.
L’an dernier, plus de 620 000 demandes de places d’examen n’ont pu être satisfaites. Les difficultés actuelles pénalisent directement les candidats – en particulier les jeunes et les personnes en insertion pour qui le permis de conduire est souvent indispensable pour accéder à l’emploi ou à une formation –, renforcent les inégalités sur les territoires, font grimper les coûts et rendent le permis encore moins accessible.
Enfin, elles mettent en grande difficulté nos auto-écoles qui, confrontées à l’incompréhension des candidats et de leurs parents, peinent à organiser leur activité et à accompagner sereinement leurs élèves.
Alors que le gouvernement a annoncé le recrutement de cent inspecteurs supplémentaires d’ici la fin de l’année 2025 et qu’une déléguée interministérielle à la sécurité est en poste, nous ne voyons pas d’amélioration. Pouvez-vous nous préciser l’état d’avancement de ces recrutements sur le terrain et les solutions structurelles que vous envisagez pour réduire durablement les coûts d’obtention du permis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur
Si Mme la présidente le permet, avant de répondre à votre question, je voudrais m’associer à l’hommage qu’elle-même, Laurent Wauquiez et M. le premier ministre ont rendu à Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Je citerai une profonde et très belle phrase de la grande philosophe Simone Weil : « Chaque être crie en silence » parce que, dans chaque vie, dans chaque existence, il y a une part de douleur cachée, souvent une part de souffrance secrète, qui nous est incompréhensible et inaccessible.
Olivier était pour nous à la fois une belle figure, un repère et une fidélité.
Vous l’avez souligné, madame la présidente, il était une figure de l’Assemblée nationale, un député et un législateur hors pair, une figure de son département d’Eure-et-Loir – dans la 2ème circonscription – et une figure – vous me pardonnerez de le souligner – de notre famille politique.
C’était aussi un repère en raison de ses exigences intellectuelles et de sa droiture morale, toute républicaine, que vous avez évoquée.
Enfin, Olivier incarnait une fidélité à des convictions gaullistes qui dessinaient pour lui comme pour nous un idéal français. Voilà ce que je tenais à dire en remerciant tous les groupes qui ont eu la délicatesse de s’associer à ce bel hommage. (Applaudissements.)
Je réponds maintenant précisément à votre question, madame la députée. Vous avez raison, le permis de conduire est aussi un permis de travailler pour celles et ceux qui n’ont pas la possibilité de se rendre sur leur lieu de travail en transports en commun. Il existe un énorme décalage entre les places ouvertes aux concours et celles que nous pouvons réellement traiter…
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
…parce que, depuis le 1er janvier 2024, il est possible de passer son permis à 17 ans. Le nombre de candidats a ainsi doublé : nous devons traiter deux classes d’âge au lieu d’une et les inspecteurs ne suffisent plus.
Vous l’avez indiqué, nous avons recruté un certain nombre d’inspecteurs qui ont été affectés dans les départements où la situation est la plus tendue. Cette année, dans votre département de Seine-Maritime, deux inspecteurs arriveront respectivement en septembre et en décembre. Cela ne suffit pas. La semaine prochaine, la profession sera reçue Place Beauvau. Nous devrons prendre de nouvelles mesures : nous envisageons de recruter temporairement des inspecteurs retraités, ce qui devrait permettre de desserrer la contrainte. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
Situation à La Réunion après le cyclone Garance
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Ma question s’adresse à monsieur le ministre d’État en charge des outre-mer. Hier, une réunion du comité de pilotage inondations s’est tenue à la préfecture de La Réunion autour de M. le préfet Patrice Latron, des maires et présidents d’intercommunalités de l’île. Cette réunion était très attendue.
Le 28 février 2025, le cyclone Garance frappait l’île de La Réunion, faisant cinq morts. Vous êtes venu rapidement sur place, suivi peu après par d’autres membres du gouvernement ; la maire de Saint-Denis vous a emmené dans la ravine du Butor constater le risque encouru par notre population. Si vous avez pu observer le formidable travail des équipes de terrain qui, en quelques jours, ont rétabli les services publics et réparé les principaux dégâts de Garance, ceux-ci se feront sentir pendant des années encore.
Ce cyclone nous a rappelé les risques auxquels nos populations sont exposées. En 1980, le cyclone Hyacinthe faisait vingt-cinq morts ; en 2024, le cyclone Belal, suivi quelques jours plus tard de la tempête Candice, en faisait huit. En 2025, Garance aurait pu tuer encore plus s’il avait frappé la nuit. Les ravines bouchées par des arbres et des rochers déplacés depuis les hauts ont rapidement débordé et inondé les zones habitées.
Il est urgent de protéger nos populations. Nous sommes le 8 juillet, le cyclone est passé depuis quatre mois ; dans quatre mois, en novembre, nous entrerons dans une nouvelle saison cyclonique et les Réunionnais courront de nouveau un risque majeur. Les pouvoirs publics doivent se mobiliser urgemment pour protéger nos populations : cela ne peut plus attendre ! Nous ne pouvons plus perdre de temps à débattre des compétences des uns et des autres car des vies humaines sont en jeu.
Sécuriser nos populations, c’est nécessairement adopter une approche globale. Hier, le préfet Latron a indiqué aux maires qu’il avait défendu auprès du gouvernement l’intégration dans le pacte d’avenir post-Garance d’un plan ravine, réclamé par la maire de Saint-Denis depuis début mars. Des fonds sont en effet nécessaires pour entretenir les ravines. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous confirmer à la représentation nationale que l’État se donnera les moyens de tenir ses engagements envers les Réunionnais à travers un plan ravine ambitieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
M. Pierre Cordier
Et de la chasse !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Vous l’avez rappelé, en février dernier, le cyclone Garance a touché La Réunion, notamment l’est et le nord de l’île, de manière brutale. Le gouvernement s’est fortement mobilisé auprès des élus du territoire pour répondre sans délai à l’urgence de la crise et pour déterminer avec eux les objectifs, les étapes et les moyens de la reconstruction.
Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer, s’est rendu à trois reprises à La Réunion pour prendre la mesure des dégâts et dégager des réponses adaptées. Je me suis moi-même déplacée à La Réunion en mars puis le président de la République s’est rendu sur place en avril dernier. En l’absence de Manuel Valls, que je vous prie d’excuser, je vous apporte ainsi une réponse collective, au nom du gouvernement.
Des aides exceptionnelles ont été déployées pour soutenir les agriculteurs – notamment les planteurs de canne – à hauteur de 15 millions. Manuel Valls a mandaté le préfet pour établir un pacte d’avenir avec les élus des collectivités territoriales. Ce document stratégique pluriannuel a été construit avec les collectivités autour de trois axes : l’indemnisation – nous y sommes –, la reconstruction et l’adaptation préventive – que vous appelez de vos vœux – au changement climatique.
Après les premiers désencombrements pris en charge par l’État – notamment grâce au triplement des moyens alloués par mon ministère de l’écologie – postérieurement au cyclone, les actions de sécurisation des ravines, enjeu crucial, seront fixées dans le pacte d’avenir. Le préfet a réuni les élus hier pour faire avec eux la synthèse des travaux déjà menés et pour définir les travaux de prévention prioritaires à conduire dans les six mois à venir, avant la prochaine saison cyclonique.
Cette réunion visait aussi à déterminer les études et travaux à programmer à moyen terme pour partager les stratégies d’entretien des ravines et des ouvrages en fonction des responsabilités respectives, de l’État d’un côté, sur le domaine public fluvial, et des intercommunalités, de l’autre, au titre de leurs compétences.
Je veux vous rassurer : à partir du fonds exceptionnel qui accompagne le pacte avenir, les moyens nécessaires seront mobilisés pour tenir les engagements de l’État.
Autonomie économique des femmes
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France.
Simone de Beauvoir l’a rappelé : l’indépendance économique est la condition indispensable de la liberté des femmes. Cette clé, confisquée durant des siècles dans le huis clos des couples, est dans les mains de chacune depuis la loi du 13 juillet 1965 qui, en permettant aux Françaises de travailler librement, d’ouvrir un compte bancaire ou d’administrer leurs biens sans l’autorisation de leur mari, a posé la première pierre de l’autonomie économique des femmes.
Soixante ans après, force est de constater que des biais sexistes – manifestes ou implicites – sont encore à l’œuvre, raison pour laquelle, depuis 2017, nous avons concrétisé, texte après texte, de nouveaux dispositifs bancaires, financiers et fiscaux. Ainsi, depuis la loi du 24 décembre 2021, le salaire ou les allocations sociales doivent être versés sur le compte bancaire dont le ou la bénéficiaire est titulaire. L’autonomie bancaire est achevée grâce à l’insertion dans la loi du caractère individuel du droit de détenir un compte de dépôt. Les violences économiques sont dorénavant caractérisées dans la loi. Enfin, à partir du 1er septembre prochain, une révolution fiscale, à la fois silencieuse et existentielle, s’engagera via l’individualisation du taux de prélèvement à la source.
L’argent des femmes ne peut plus être considéré comme un revenu d’appoint ou une variable d’ajustement : c’est un pilier de notre économie nationale ! Les femmes entreprennent, innovent, consomment, investissent. Leur contribution, qui représente 41 % du PIB national, ne peut plus être marginalisée.
Face à des récits conservateurs et à des actes d’ingérence intolérables sur le plan économique, comment entendez-vous protéger les droits économiques et financiers des femmes sur le territoire national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Permettez-moi de saluer votre engagement personnel sur la question de l’autonomie financière des femmes. Vous l’avez dit, il y a soixante ans, les femmes étaient encore considérées juridiquement comme des mineures sur des sujets essentiels. Les femmes mariées n’avaient pas la possibilité d’ouvrir un compte bancaire ou de choisir leur métier sans le consentement de leur mari.
Si aujourd’hui, heureusement, les femmes sont majeures juridiquement, des inégalités persistent. Nous les réduisons année après année, mois après mois. Ainsi, nous avons réduit les inégalités salariales et professionnelles avec l’index de l’égalité professionnelle et nous irons plus loin avec la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, en transposant la directive transparence salariale.
Avec la ministre de l’éducation nationale, nous nous attaquons à la racine des inégalités en travaillant la question des stéréotypes : c’est dès l’enfance que naissent stéréotypes et biais et que se construisent, ou ne se construisent pas, les imaginaires.
Enfin, se pose la question de l’autonomie économique et financière des femmes parce que c’est la première condition de leur émancipation et de leur liberté. L’autonomie économique financière permet toutes les autres libertés ou, au contraire, les restreint. Sans elle, peuvent naître les violences, l’incapacité à dire, l’incapacité à partir, l’incapacité à révéler. Nous devons évidemment renforcer notre action en la matière en favorisant l’accès des femmes à l’emprunt parce que les projets conduits par les femmes sont moins financés que ceux des hommes : nous agissons en ce sens avec la Fédération bancaire française. Nous consolidons aussi les actions menées avec la Banque publique d’investissement, dont le premier ministre a annoncé qu’elle allait doubler son engagement sur la question de l’entrepreneuriat au féminin pour l’année prochaine.
Mme Danielle Simonnet
L’entrepreneuriat, c’est la précarité !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
Bref, nous devons investir tous les champs dès la petite enfance pour lever les stéréotypes, sur l’éducation, sur l’égalité salariale et professionnelle, sur l’entrepreneuriat. Je sais compter sur votre engagement en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Fermeture du bloc opératoire de l’hôpital d’Apt
Mme la présidente
La parole est à Mme Catherine Rimbert.
Mme Catherine Rimbert
L’accès des Français aux soins ne doit pas être sacrifié sur l’autel des ajustements budgétaires. Vendredi dernier, vous annonciez que 151 zones rouges considérées comme des déserts médicaux bénéficieraient dès septembre du soutien de médecins généralistes jusqu’à deux jours par mois. Ces mesures ne concerneront que 4 % du territoire, bien loin des 87 % touché par la désertification médicale. La France voit son maillage sanitaire se déliter au détriment de la santé des Français. Selon votre ministère 6,7 millions de nos concitoyens ne disposent pas de médecin traitant. Si le gouvernement prétend faire de la lutte contre les déserts médicaux une priorité, sur le terrain, la santé des Français se décide plutôt au gré de tableaux Excel déconnectés des réalités locales.
Dans ma circonscription, à Apt dans le Vaucluse, l’Agence régionale de santé a annoncé le 13 juin la fermeture du bloc opératoire le 31 décembre 2025. Cette décision a été prise sans la moindre concertation ni avec les élus locaux, ni avec le conseil de surveillance de l’établissement. Pire, un audit réalisé en janvier dernier proposant des alternatives à cette fermeture est resté sans suite. Sur les 18 000 entrées aux urgences en 2024, près de 8 000 étaient éligibles à une prise en charge au bloc opératoire. La suppression du bloc mettrait en péril l’offre locale de soins. De plus, cette décision compromettrait directement l’avenir des urgences et conduirait à des pertes de chance pour les patients du pays d’Apt, territoire particulièrement enclavé.
Alors que le gouvernement ne cesse de marteler sa volonté de lutter contre les déserts médicaux, allez-vous laisser des dizaines de milliers d’habitants du pays d’Apt privés d’un véritable accès aux soins ? Vous opposerez-vous à cette décision inique et brutale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Permettez-moi tout d’abord de m’associer aux nombreux hommages rendus par l’ensemble des groupes à Olivier Marleix.
Madame la députée, votre question m’étonne beaucoup car elle ne reflète pas du tout l’échange téléphonique que nous avons eu. La situation de l’hôpital d’Apt ne se réglera pas à coups de slogans et de discours nostalgiques.
M. Alexandre Dufosset
Vous faites de la politique !
M. Yannick Neuder, ministre
Nous sommes typiquement dans le cas d’un hôpital de proximité dans lequel, vous l’avez rappelé, les urgences fonctionnent bien.
Il faut aussi évoquer la situation financière de l’hôpital : plus de 13 millions de déficit cumulé et des délais de paiement qui dépassent les cinq mois.
M. Alexandre Dufosset
Ce n’est pas le seul !
M. Yannick Neuder, ministre
Surtout, il est temps de réformer l’activité chirurgicale. Certes, 1 000 actes ont été effectués par une équipe – que je salue – de chirurgiens, infirmiers, anesthésistes et aides-soignants mobilisés. Cependant, il est temps d’étudier la situation globale avec lucidité, sens de l’organisation et fermeté.
Nous allons renforcer le service des urgences, qui fonctionne bien, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en ajoutant dix lits en unité post-urgences. Nous allons également développer le plateau technique d’imagerie en y adjoignant un appareil d’IRM car les habitants de votre circonscription doivent pouvoir accéder à ce type d’examen. Les actes de chirurgie seront assurés à Cavaillon par les mêmes équipes. Enfin, nous développerons les consultations de spécialité ainsi que les soins de suite et de réadaptation.
Il ne faut pas refuser de réorganiser l’offre de soins sur notre territoire. Je souhaite que cet hôpital soit labellisé « hôpital de proximité », ce qui signifie qu’il réalise certains diagnostics et assure des prises en charge urgentes. Il faut par ailleurs procéder à un maillage afin de proposer une prise en charge adaptée, de l’hôpital de périphérie jusqu’au CHU, en fonction de la gravité des cas.
Il ne faut pas confondre sécurité sanitaire et proximité territoriale. (Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Jean-François Rousset applaudissent.) En tant que ministre de la santé, je dois m’assurer que chaque patient peut bénéficier de la même prise en charge. En cas d’infection chirurgicale grave, vous feriez-vous opérer dans cet hôpital ?
Sachez enfin qu’en aucun cas une réforme ne mettra en danger le service des urgences. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Sécurité des produits non-alimentaires
Mme la présidente
La parole est à M. François-Xavier Ceccoli.
M. François-Xavier Ceccoli
Je ne vous le cacherai pas : il m’est difficile de m’exprimer aujourd’hui dans un hémicycle où résonne encore la voix de l’un de ses meilleurs serviteurs, notre collègue et ami Olivier Marleix. (Applaudissements.)
Il nous faut pourtant continuer à œuvrer dans l’intérêt de nos concitoyens – il l’aurait d’ailleurs souhaité. Je suis convaincu qu’Olivier aurait apprécié – lui, le grand défenseur de notre industrie et de notre souveraineté nationale – les thèmes évoqués dans la question qui suit et qui s’adresse à M. le ministre de l’économie.
La sécurité des produits non alimentaires est un enjeu fondamental de protection des consommateurs, tout autant qu’un impératif de responsabilité publique.
Or selon les chiffres les plus récents fournis par Bercy, 94 % des produits vendus sur certaines plateformes chinoises en ligne ne respecteraient pas les normes de sécurité de l’Union européenne.
Face à cette réalité, la responsabilité de l’État est engagée. En laissant en vente libre des produits non conformes – jouets, outillage, cosmétiques ou encore textiles –, notre système expose nos concitoyens, y compris les plus vulnérables, à des risques graves : blessures d’enfants avec des jouets non certifiés, accidents à cause d’équipements électriques défectueux ou exposition à des substances toxiques issues de textiles non tracés.
Certes, l’entrée en vigueur du Digital Services Act et du nouveau règlement sur la sécurité générale des produits constitue un progrès et la DGCCRF devient l’autorité compétente pour en assurer l’application.
Cependant, cette avancée législative doit impérativement s’accompagner de moyens concrets. Avec 7 000 à 10 000 nouveaux produits mis en ligne chaque jour sur certaines marketplaces, peut-on raisonnablement penser que la DGCCRF dispose aujourd’hui de moyens humains et techniques suffisants pour assurer un contrôle efficace et exhaustif ? Si tel n’est pas le cas – comme tout porte à le croire –, il est urgent d’envisager le déréférencement de ces plateformes, en application du principe de précaution.
M. Vincent Descoeur
Bonne solution !
M. François-Xavier Ceccoli
Sinon la responsabilité du gouvernement pourrait bien être engagée en cas d’accident, d’autant que vous avez déjà été alertés à plusieurs reprises sur cet enjeu.
Ma question est donc triple : quelle est la part réelle des contrôles effectués par la DGCCRF sur les produits vendus en ligne, en comparaison avec ceux vendus en magasin ? Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour renforcer les moyens de cette dernière et pour garantir un contrôle à la hauteur des enjeux sur les marketplaces étrangères, notamment chinoises ? Enfin, le gouvernement est-il prêt à agir fermement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Tout d’abord, je veux m’associer aux mots que vous avez eu la gentillesse de prononcer en l’honneur et en mémoire de notre ami Olivier Marleix. (Applaudissements.) Vous avez raison, il aurait aimé échanger sur les risques que font courir certaines plateformes en matière de souveraineté économique.
La régularité et la conformité des produits représentent en effet un enjeu majeur. Le taux de non-conformité, établi à la suite des contrôles effectués par la DGCCRF, s’élève, vous l’avez dit, à 94 % en 2024.
Toutefois, il faut souligner que les articles qui font l’objet de prélèvement ont déjà été ciblés, présélectionnés en fonction de certains indices. Cela ne doit pas nous exonérer de tout effort et nous devons donc agir. À la suite d’une enquête de la DGCCRF, la plateforme Shein a ainsi été condamnée, la semaine dernière, à payer une amende de 40 millions d’euros pour information mensongère. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Je précise que 87 % des réductions et des promotions annoncées étaient fausses et que, dans 11 % des cas, les prix avaient en réalité été augmentés.
Si la DGCCRF agit, il en va de même pour le gouvernement. J’ai demandé de tripler le nombre de contrôles en 2025 pour certains articles. Je ne peux vous donner le nombre exact des articles qui font l’objet de prélèvement car je ne souhaite pas donner d’indications aux plateformes.
J’ai également demandé un contrôle à 360 degrés – c’est-à-dire sur l’ensemble des éléments, les produits proposés comme les allégations affichées – des plateformes, en particulier celles qui présentent un risque systémique.
Par ailleurs, nous continuons d’échanger avec nos homologues européens pour que les enquêtes soient massives et beaucoup plus fréquentes et pour qu’elles couvrent l’ensemble de l’Union européenne.
J’ajoute que j’ai demandé à mes services de se saisir de la question du déréférencement et suis intervenue au niveau européen pour faire évoluer le DSA afin de bloquer l’accès à certaines plateformes.
J’ai aussi formulé une demande pour que les effectifs de la DGCCRF évoluent… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre. – Plusieurs députés des groupes EPR, DR et HOR applaudissent cette dernière.)
Situation à Gaza
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Ma question s’adresse à M. le premier ministre. Que vaut encore la voix de la France après tant de trahisons, tant de lâchetés, tant de petitesses face à la plaie la plus immense, la plus béante de ce siècle ? Que vaut la voix de la France lorsqu’elle se tait face à l’enfer de Gaza, face au génocide et au beau milieu des clameurs des peuples du monde entier, unis en un seul pour demander la liberté, la justice, la paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Le 9 avril, le président annonçait une conférence pour acter enfin la reconnaissance de l’État de Palestine. Il n’a pas fallu deux mois pour qu’il recule, se défile face à l’histoire et renferme ainsi notre pays dans l’ombre des génocidaires et des criminels de guerre.
Voici vos actes : vous refusez de reconnaître l’État palestinien au moment où son peuple en a urgemment besoin ; vous laissez Netanyahou traverser plusieurs fois notre espace aérien sans qu’il se passe rien ; des députés de votre pseudo-majorité votent contre la suspension de l’accord entre l’Union européenne et Israël et même contre le respect des mandats d’arrêts de la Cour pénale internationale à l’encontre de Netanyahou et Gallant.
Voici la réalité : vos mots sont comme des confettis éparpillés aux quatre vents dès que vous les lâchez. Éparpillés au milieu d’un génocide vu par le monde entier. Éparpillés au milieu des rafales de balles israéliennes qui, elles, sifflent et tuent tous les jours, sans cesse et sans pitié. Elles tuent des enfants qui font la queue dans la cohue pour un quignon de pain, lors de distributions plus meurtrières qu’humanitaires. Elles tuent des pères et des mères pris au piège sur leur propre terre par des génocidaires.
Voilà ce que vous permettez par vos mots vides, par vos actes cupides : l’impunité de l’État d’Israël, celle d’un régime d’extrême droite qui massacre un peuple, vole et colonise des terres, viole le droit international, agresse ses voisins – et le fait avec le consentement d’une poignée de dirigeants, dont les ministres de ce gouvernement.
Ma question est toujours la même : que fera la France pour briser l’impunité et imposer enfin la paix ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe EcoS ainsi que M. Marcellin Nadeau applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Contrairement aux multiples contre-vérités que vous venez, une nouvelle fois, d’énoncer (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…non seulement la position de la France n’a pas varié mais je vous mets au défi de citer d’autres pays occidentaux qui ont été, autant que nous, à l’initiative (Mêmes mouvements),…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
L’Espagne !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…à la fois pour soutenir l’aide humanitaire et pour s’engager très clairement en faveur d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza mais aussi d’une solution de paix durable et à long terme.
Vous avez raison, la situation est dramatique, insoutenable. Gaza est un véritable cimetière à ciel ouvert. Vous avez raison, toute entrave à l’aide humanitaire est scandaleuse, totalement inadmissible et il est absolument indigne que plus de 500 personnes aient perdu la vie depuis un an. Nous pouvons nous rejoindre sur ce constat.
Cependant, la solution ne se trouve pas dans vos déclarations, encore moins dans vos mensonges,…
M. Pierre-Yves Cadalen
Quels mensonges ? Donnez des exemples au lieu de dire n’importe quoi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…mais d’abord dans un cessez-le-feu. Et si c’est une initiative américaine qui doit permettre ce cessez-le-feu, vous devriez la soutenir avec nous.
Pour vous répondre très concrètement, la reconnaissance de l’État de Palestine figure toujours à l’agenda de la France. (« Ah ! » et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Quand le reconnaîtrez-vous ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Nous avons toujours l’ambition de faire reconnaître l’État de Palestine, sous l’égide des Nations unies, à New York, et avec l’Arabie saoudite,…
Mme Danielle Simonnet
Mais quand donc la France le reconnaîtra-t-elle ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…car nous considérons que la solution à deux États est la seule qui permettra d’aboutir à une paix durable. Cela suppose donc la reconnaissance de l’État de Palestine…
Mme Danielle Simonnet
Quand ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et l’intégration de l’État d’Israël au Moyen-Orient.
Nous n’avons jamais – nous – varié ni instrumentalisé le conflit à des fins politiciennes. Nous avons toujours été en faveur de la paix, d’un cessez-le-feu et de la reconnaissance de l’État de Palestine, dans des conditions acceptables collectivement et qui rendront enfin possible une paix durable et pérenne dans cette région. Ce ne sera pas grâce à vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Quelle honte !
Interdiction des pesticides
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ma question s’adresse au ministre de la santé puisque, pour les ministres de l’agriculture ou de la transition écologique, la cause est perdue.
Il y a quelques jours, à Genay, dans le Rhône, l’usine BASF a été prise la main dans le sac. Des militants y ont découvert 250 kilos de Fastac, un pesticide pourtant interdit depuis 2020.
Pendant ce temps, dans seize communes du Grand Est, l’eau du robinet est devenue impropre à la consommation pour cause de contamination massive aux PFAS – des taux jusqu’à vingt-sept fois plus élevés que la limite légale. Résultat : des communes vont devoir acheter de l’eau en bouteille. Bienvenue dans la France du XXIe siècle !
D’ailleurs, l’eau en bouteille ne vaut pas mieux. On sait maintenant que Nestlé Waters et Alma ont eu recours, avec la complicité de votre gouvernement, depuis au moins 2021, à des traitements interdits pour purifier leurs eaux dites minérales.
À chaque fois, la mécanique est la même : d’un côté, des lobbys puissants, financés, organisés et, de l’autre, des responsables politiques qui se couchent, complices des lobbys industriels. Et au milieu : des milliers de victimes du cancer.
Nous assistons à une nouvelle étape de ce processus qui repose sur une complicité organisée : le vote de la loi Duplomb – que l’on devrait plutôt appeler la loi poison. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Alors que les agriculteurs demandent des revenus décents, on leur propose une bonne dose de pesticides dans le sang.
Monsieur le ministre, on n’a jamais autant parlé de prévention du cancer et on n’a jamais autant protégé ceux qui l’alimentent. Alors qu’un nombre historique de cas est atteint dans notre pays, vous choisissez, en conscience, d’ouvrir le robinet de la pollution. On déplore 2 200 nouveaux cas de cancers pédiatriques chaque année. Je vous parle d’enfants qui n’ont jamais fumé, jamais bu, jamais travaillé dans une usine ou dans un champ. Ils ont simplement grandi à l’ombre de vos renoncements. (Applaudissement sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Pourtant, pas d’inquiétude ! Comme nous l’a dit une collègue en commission, nous avons de la compassion pour les victimes – on distribuera même des rubans roses à l’Assemblée en octobre.
Or le cancer n’est pas inévitable. Le cancer est politique. Les lois que nous votons ici l’alimentent, l’engraissent.
Ma question est donc posée autant à chacun de mes collègues qu’à vous, monsieur le ministre : entre les lobbys industriels et la santé de nos concitoyens, que choisissez-vous ? (Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent. – Les députés des groupes LFI-NFP et SOC ainsi que plusieurs députés du groupe GDR applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le médecin que je suis est naturellement soucieux de la santé des Français. Je ne suis soumis à aucun intérêt de lobby.
Mme Danielle Simonnet
Êtes-vous contre ces lobbys ?
M. Yannick Neuder, ministre
Vous avez tout d’abord évoqué les filtres utilisés par Nestlé Waters pour la source Perrier. Certes, si les eaux sont contaminées par des matières fécales, elles sont impropres à la consommation. Cependant, je rappelle qu’en l’espèce, l’origine du débat n’est pas liée à une contamination mais à une usurpation, à un trouble du point de vue commercial puisque c’est l’appellation d’eau minérale naturelle qui est contestée.
Le problème était tout autre : des filtres avaient été placés, qui ôtaient à l’eau son caractère minéral. Il s’agissait donc d’un mensonge et d’une usurpation commerciale.
S’agissant des PFAS, je suis d’accord avec vous, madame la députée. Plus on va en trouver, mieux on saura les doser et mieux on appliquera le principe de précaution. Je suis tout à fait favorable à ce que nous puissions respecter à la lettre, à partir du 1er janvier 2026, la réglementation sur les PFAS. Il faudra naturellement, conformément au principe pollueur-payeur, interdire les émissions et aider les collectivités locales chargées de la gestion de la ressource en eau et de l’assainissement – généralement les agglomérations – à faire baisser les taux de PFAS dans les eaux afin de rendre celles-ci propres à la consommation, avec des filtres à charbon et des systèmes de dilution.
Pour ce qui est de la proposition de loi Duplomb, je vous ferai la réponse que j’ai déjà prononcée au Sénat : il s’agit simplement de remettre la France au même niveau de précaution que les autres pays européens. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Et les victimes ?
M. Yannick Neuder, ministre
Je finis, madame la députée ! Dès que nous disposerons des études de l’Anses prouvant la réalité des effets anticipés, nous interdirons tous les pesticides. D’ici à quelques semaines, il est d’ailleurs possible que j’interdise d’autres molécules dont l’impact a été démontré par des études médicales fondées sur des données probantes. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de M. le ministre. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Mme Danielle Simonnet
Vous n’avez rien dit, franchement !
Détention de Boualem Sansal
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Avant toute chose, au nom de l’ensemble du groupe UDR, je voudrais rendre hommage à notre collègue Olivier Marleix et adresser à sa famille et à ses proches un message de soutien. (Applaudissements.)
Monsieur le premier ministre, Boualem Sansal reste embastillé. Quelle surprise ! Quel séisme imprévisible ! Vous nous aviez promis la réussite par la soumission, la libération par la génuflexion, et nous vous avons écouté : nous avons retiré, dans un esprit de responsabilité, notre proposition de résolution visant à abroger les accords de 1968.
La France a retenu son souffle. Pour quel résultat ? Une grâce transformée en gifle, l’humiliation : Sansal reste dans les geôles et vous récoltez les crachats d’un régime voyou. Jamais la France n’a été à ce point insultée par un État auquel elle a tant donné – visas, aide au développement, diplomatie bienveillante, repentance sans fin jusqu’à la limite de l’indécence. Face à ce régime qui ne respecte que la force, vous persistez dans une stratégie de soumission. La dictature algérienne, avec ses procès staliniens, se moque de vos prosternations feutrées.
Alors qu’en Algérie, la littérature est un acte terroriste, le gouvernement français s’est couché et le pouvoir algérien l’a piétiné. Tebboune joue, la France attend et Boualem Sansal croupit.
Allez-vous reconnaître l’échec total de votre stratégie ? Allez-vous enfin oser le rapport de force ? Allez-vous inscrire en urgence à l’ordre du jour notre proposition de résolution visant à abroger les accords de 1968 ? Allez-vous oser le blocus diplomatique ? Allez-vous suspendre tous les visas et toute l’aide au développement ? La France ne peut plus être à la fois le bailleur et le paillasson de la voyoucratie algérienne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Monsieur le député, il y a environ deux semaines, votre groupe retirait avec responsabilité votre proposition de résolution relative à la dénonciation des accords de 1968. Vous l’avez fait à dessein – je me souviens des mots du président de votre groupe Éric Ciotti –, pour laisser toute sa chance à la diplomatie afin qu’elle continue son travail, qui ne peut être mené à son terme en quelques jours, en vue d’obtenir ce que nous exigeons depuis le premier jour : la libération de Boualem Sansal qui, comme vous l’avez dit, a été emprisonné arbitrairement et subit des conditions de détention inadmissibles que son état de santé ne lui permet pas de supporter.
Aujourd’hui, vous nous refaites le coup de la soumission, suivant la logique qui avait prévalu lorsque vous aviez déposé votre proposition de résolution. Mais en quoi ce texte et le discours que vous tenez à présent garantissent-ils la libération de Boualem Sansal ? En rien, et vous le savez très bien, monsieur le député ! (Protestations sur les bancs du groupe UDR.) Alors laissez la diplomatie française faire son travail, comme elle le fait depuis le premier jour !
Mme Hanane Mansouri
Elle le fait très mal, en l’occurrence !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Oui, la diplomatie française a évidemment pris des mesures de rétorsion à l’encontre du pouvoir algérien ! Nous continuons bien sûr à exiger la libération de Boualem Sansal de façon très claire et entretenons un dialogue afin de nous assurer qu’elle ait lieu ! Mais nous ne réglerons ce problème ni en parlant dans ce micro, ni par une proposition de résolution.
Mme Hanane Mansouri
Comment alors ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Je croyais que vous l’aviez compris il y a quinze jours…
M. Ian Boucard
Il faut le leur expliquer encore !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et je l’avais alors salué à ce même micro, mais je vois que, malheureusement, dans votre groupe, le naturel revient au galop ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Sophie-Laurence Roy
Il n’a honte de rien !
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
Si la méthode ne change pas, les résultats ne changeront pas non plus. Vous me pardonnerez une métaphore canine : on dit qu’un chien qui mord est un chien qui a mal ; vous devez avoir bien mal à vos certitudes pour me faire cette réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
5. Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur
Commission mixte paritaire
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (nos 1652 rectifié).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Julien Dive, rapporteur de la commission mixte paritaire
Permettez-moi, avant de commencer, de rendre à mon tour hommage à Olivier Marleix. Je n’oublie pas que la loi sur la réforme des retraites des agriculteurs, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat, lui doit beaucoup. En tant que président du groupe Les Républicains, il avait soutenu cette réforme que j’avais présentée, et l’avait inscrite dans notre niche parlementaire. Il a été toujours un grand défenseur du monde agricole.
La proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur arrive au terme d’un parcours parlementaire jalonné de désaccords, mais guidé par la volonté constante de ne jamais dévoyer le sens de ce texte. L’attente du terrain est immense, et il a fallu défendre la proposition de loi pas à pas en gardant toujours le même objectif en tête : celui de remettre un peu de souffle dans notre manière de faire de la politique agricole. En effet, depuis des années, les agriculteurs font face à une accumulation de contraintes et de décisions souvent prises à distance, sans cohérence d’ensemble : leur colère s’est nourrie de ce ras-le-bol devant des décisions absurdes, doublé de l’impression terrible d’être considérés comme des suspects à qui l’on demande toujours plus avec de moins en moins de moyens. Le texte vise à répondre à cette impasse. Il ne prétend pas tout régler, mais je crois que c’est précisément sa force.
Il me semble utile de rappeler les dispositions que contient vraiment cette proposition de loi avant que d’autres n’en fassent une lecture approximative ou orientée. Le texte tel qu’il ressort aujourd’hui de la navette parlementaire est marqué par le travail de l’Assemblée nationale puisque le compromis trouvé en commission mixte paritaire (CMP) reprend dans ses grandes lignes l’architecture que nous avions construite en commission des affaires économiques. Beaucoup d’entre nous s’y sont investis et je les en remercie. Je veux donc évoquer ce que nous avons obtenu.
À l’article 1er, nous avons sécurisé des avancées concrètes : l’abrogation de la séparation entre le conseil et la vente, pour les distributeurs uniquement, qui permettra de restaurer un cadre responsable et sécurisé pour le conseil délivré aux agriculteurs ; l’intégration obligatoire d’un module d’aide à l’élaboration d’une stratégie en matière de produits phytosanitaires dans le cadre de la formation Certiphyto qui doit être renouvelée tous les cinq ans.
À l’article 2, nous avons fait supprimer plusieurs propositions du Sénat qui affaiblissaient le rôle de l’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, préservant son indépendance et ses capacités d’expertise.
Mme Delphine Batho
Encore un effort !
M. Julien Dive, rapporteur
Sur mon initiative, une clause de revoyure obligatoire au bout de trois ans est prévue pour la dérogation relative à l’acétamipride, puis chaque année. Elle est assortie d’un principe fondamental : la levée automatique de la dérogation dès lors qu’une des conditions de sa délivrance n’est plus réunie. Car oui, rappelons-le, l’interdiction reste la règle : nous n’instaurons dans la loi qu’une dérogation, qui ne sera obtenue qu’après avoir gravi une échelle de critères et qui ne concernera au mieux que 1,7 % des surfaces agricoles si toutes les filières demandeuses l’obtiennent. Mais il s’agit d’éviter des alternatives pires pour la santé humaine, comme les pyréthrinoïdes par exemple. De plus, il sera interdit par décret de planter des cultures attractives pour les abeilles, dans le cadre des cultures annuelles, en cas d’usage de la dérogation en question – encore une mesure que j’ai introduite. Autre avancée majeure : l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de substances actives ayant fait l’objet d’un refus ou d’un non-renouvellement au niveau européen, mesure initialement défendue par plusieurs groupes d’opposition – n’est-ce pas, madame Batho ? – mais aussi par la majorité.
Mme Delphine Batho
Faux !
M. Julien Dive, rapporteur
En tout cas, je l’ai inscrite, ma chère collègue. Toujours à l’article 2, nous avons acté la création du comité des solutions, suivant la proposition de Jean-Luc Fugit. Ce comité devient un outil concret pour anticiper les impasses techniques.
À l’article 3, nous avons préservé la liberté laissée à l’éleveur de choisir entre une réunion publique et une permanence en mairie pour les projets soumis à autorisation environnementale, une simplification administrative qui n’est pas un renoncement à la transparence démocratique. Et surtout, nous avons maintenu l’équilibre obtenu sur le régime des installations classées pour la protection de l’environnement, dites ICPE : pas de nouvelle police environnementale ni de régression du droit, mais une adaptation réaliste. Nous nous sommes alignés sur les seuils européens, et contrairement aux idées véhiculées, quand il s’agit de passer de 150 vaches laitières à 200, on est loin des fermes usines.
Je veux insister sur un point particulier parce qu’il est symbolique : la suppression des dispositions créant une nouvelle catégorie de zones humides à l’article 5, suppression défendue notamment par Marc Fesneau et Sandrine Le Feur et qui permet de préserver l’équilibre de notre droit environnemental.
Enfin, je souligne qu’à l’article 7 – qui avait d’ailleurs été largement adopté –, nous avons proscrit le forçage génétique pour les insectes non stériles, notamment dans le cadre de la lutte autocide.
La proposition de loi a donc été profondément modifiée et enrichie grâce aux forces en présence qui ont accepté de travailler avec intelligence. Je le redis : si je n’ai cessé tout au long de ce processus – et je continuerai à le faire – de défendre tous les agriculteurs sans exception, qu’ils soient en conventionnel ou en bio, les grandes cultures comme les filières spécialisées, c’est parce que la bataille contre l’excès de normes les concerne tous.
Mais ce texte, si utile soit-il, ne suffit pas. Il répond à une urgence conjoncturelle, mais les vrais défis décisifs pour l’avenir de notre modèle agricole sont européens. En effet, si la proposition de loi allège des contraintes nationales, seule la politique agricole commune (PAC) fixera demain les équilibres budgétaires et donc les marges de manœuvre réelles de nos agriculteurs. Il faut que certains ici cessent de détourner le débat : le vrai combat se joue à l’échelle européenne. L’accord Mercosur en est un exemple : il fragilise notre capacité à protéger nos producteurs face aux bas coûts. La politique européenne doit être, pour nos agriculteurs, non pas un corset mais un moteur de compétitivité et de transition, fidèle en cela à notre tradition et aux attentes de nos consommateurs.
Le texte devait répondre à un devoir d’exigence soumis au calendrier du réel et non à l’agenda parlementaire. Notre devoir à tous est de le voter pour permettre au monde agricole de ne pas vaciller sous le poids des normes, des charges et du découragement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Avant d’entrer dans le cœur de mon propos, je veux dire l’émotion très vive qui me traverse depuis hier et qui, je le sais, est partagée sur ces bancs. La disparition d’Olivier Marleix est un choc brutal. Olivier était un ami cher, un compagnon de route politique, un député sincère et un amoureux indéfectible de l’Eure-et-Loir et de ses habitants. À la tête de notre groupe à l’Assemblée, il aura porté haut les valeurs du gaullisme, dans le respect constant de ses adversaires et avec une humanité rare, trop rare parfois, en politique. Je tenais à saluer sa mémoire et à lui rendre ici l’hommage qu’il mérite.
Il y a quelques mois, les campagnes françaises ont rappelé ce que feignaient d’oublier certains : nourrir un pays n’a rien d’une évidence ; cela exige un engagement quotidien, de la clarté dans les règles, de la constance dans les choix et de la reconnaissance dans les actes. En quatre ans, 10 % d’exploitations en moins ; en un an, une baisse de 9 % de la production agricole, et même jusqu’à un quart dans certains secteurs. C’est la souveraineté alimentaire de la France, son indépendance, qui est menacée.
C’est pourquoi ce texte, déposé par les sénateurs Duplomb et Menonville, que je remercie à nouveau ici, vise à lever les contraintes excessives au métier d’agriculteur. J’en ai partagé la finalité dès l’origine, avec une obsession : aboutir. Il s’agit d’aboutir en cherchant les voies d’un compromis qui conserve l’ambition sans ignorer les inquiétudes, d’aboutir en mobilisant mes services, en obtenant la procédure accélérée, en multipliant les échanges avec les parlementaires de tous horizons, en défendant et en retravaillant chacune des dispositions du texte, malgré les contre-vérités. Le Parlement, lui aussi, a pris ses responsabilités : le Sénat a trouvé les premiers équilibres, en lien avec le gouvernement, et l’Assemblée, sous l’impulsion du rapporteur et de la rapporteure pour avis, a organisé le débat en commission. Et la majorité des groupes parlementaires a mis en échec la stratégie d’obstruction menée par LFI et les écologistes.
M. Stéphane Vojetta
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
C’est ce travail en commun et cette volonté partagée d’aboutir qui nous conduisent aujourd’hui à l’Assemblée, après une CMP conclusive et un vote au Sénat. Le moment est venu d’acter, par votre vote, les engagements pris devant le monde agricole. Cette responsabilité vous revient désormais. Ce faisant, c’est le chemin de la reconquête de notre souveraineté alimentaire que nous empruntons.
Demain, les agriculteurs disposeront d’un accès plus large au conseil pour piloter leurs exploitations, sans brader nos objectifs de réduction des produits phytosanitaires et sans rien rogner des exigences de prévention des conflits d’intérêts.
Demain, la gestion de l’eau, bien commun aussi vital que fragile, sera simplifiée pour permettre à l’agriculture de prendre toute sa place dans la transition écologique, sans en être la victime collatérale.
Demain, certains produits autorisés ailleurs en Europe pourront l’être en France, à titre dérogatoire, pour les seules filières en impasse, économiquement menacées et engagées dans une recherche d’alternatives.
M. Loïc Prud’homme
Les cancers !
Mme Annie Genevard, ministre
Ces dérogations seront strictement encadrées, limitées dans le temps, réexaminées au moins tous les trois ans et supprimées dès que les conditions ne seront plus remplies. À ma demande, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement – l’Inrae – identifie d’ores et déjà les filières concernées selon une méthode rigoureuse. Ses conclusions sont attendues à l’automne. Nos agriculteurs ne demandent pas de passe-droits, mais l’équité. Ils ne veulent plus subir des distorsions de concurrence issues de surtranspositions nationales injustifiées.
Mme Danielle Simonnet
Ils ne veulent pas de poisons non plus !
Mme Annie Genevard, ministre
Demain, les projets de bâtiments d’élevage seront allégés des lourdeurs administratives. Une première étape est franchie ici avec l’ajustement des seuils et des modalités de concertation. La seconde, qui aurait pu avoir lieu dès ce texte s’il n’y avait pas eu d’obstruction, viendra à l’automne, avec l’inclusion de ces dispositions dans un projet de loi consacrant un régime spécifique pour l’élevage.
Par ailleurs, les dispositions relatives à l’Anses ont suscité des réserves parlementaires que j’ai entendues. Demeurent certaines idées pour avancer, sur lesquelles j’ai saisi le Conseil d’État. Ce sujet ne relève pas du domaine législatif : l’identification des usages prioritaires sera précisée par décret,…
Mme Lisa Belluco
Et voilà !
Mme Annie Genevard, ministre
…sur la base de travaux scientifiques incontestables. L’indépendance de l’Anses n’est pas, et ne sera jamais, remise en cause.
Je ne détaille pas ici toutes les mesures du texte, mais chacune participe d’un même cap : rétablir un cadre clair, praticable et cohérent en réparant le lien entre ceux qui produisent et ceux qui décident.
Il ne s’agit pas uniquement de voter une loi : il s’agit de refermer un chapitre, celui des doutes, et d’ouvrir un chemin, celui…
Mme Julie Ozenne
Des cancers !
Mme Annie Genevard, ministre
…de la reconquête. En l’adoptant, vous affirmerez que la souveraineté alimentaire ne se décrète pas, mais qu’elle se bâtit, et que la République, lorsqu’il s’agit de ses paysans, sait tenir parole ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – M. Jean Moulliere applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Nous examinons les conclusions de la CMP réunie au Sénat le 30 juin dernier pour élaborer un texte commun sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, qui a donné lieu à dix-sept heures de débats en commission des affaires économiques. Je remercie Julien Dive, rapporteur pour ladite commission, de tout le travail qu’il a conduit ces derniers mois, et la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis.
Le choix inattendu de rejeter ce texte en séance a conduit à ce que nous ne disposions pour la CMP que du texte du Sénat, ce que, pour ma part, j’ai déploré. Cependant, je tiens à souligner l’effort de mon homologue au Sénat, la présidente Estrosi Sassone, qui a permis des conditions d’examen respectueuses et ouvertes.
À titre personnel, je considère que le résultat final est très inquiétant. Les seules concessions notables faites par les sénateurs ont consisté à préserver l’indépendance de l’Anses dans l’évaluation des produits phytosanitaires et à renoncer à la création d’une nouvelle catégorie de zones humides. Mais pour combien de renoncements ? La réintroduction de l’acétamipride demeure – 500 000 hectares au bas mot sont concernés, pas seulement les noisettes, mais aussi les betteraves et bien d’autres cultures. C’est suffisamment grave pour que la Ligue nationale contre le cancer s’exprime dans ces termes : « Le principe de précaution n’est pas pris en compte », principe qui, vous le savez, est inscrit dans la Constitution. Que dit l’Efsa, l’Agence européenne de sécurité des aliments ? Que l’acétamipride peut « affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales ». Pour vingt et une sociétés savantes médicales et le conseil scientifique du CNRS, c’est « un recul majeur pour la santé publique ». Combien de médecins nous ont écrit ces dernières semaines pour nous alerter sur la prévalence des cancers et des maladies de Parkinson chez les agriculteurs (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP),…
Mme Lisa Belluco et M. Marcellin Nadeau
Exact !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
…et sur la multiplication des pathologies du développement de l’enfant dans les zones d’épandage intensif ! Je salue d’ailleurs la présence dans notre hémicycle des représentants d’associations de malades de pesticides. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
À l’article 3, le contrôle démocratique et les études environnementales sur les plus grands élevages sont affaiblis, et les seuils de réglementation rehaussés. À quoi bon pleurer sur la démocratie locale alors que cette loi va dispenser de devoir répondre aux objections du public et faire de la concertation une formalité ?
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente
Le texte issu de la CMP légalise des pesticides mortifères, organise la privatisation des ressources en eau et exonère les acteurs du monde agricole de toutes les garanties écologiques ordinaires. J’y vois pour ma part un renoncement. Renoncement à prévoir et à protéger, avec courage et responsabilité. Renoncement à la santé publique : les générations futures constateront que des pathologies qui affectent leurs parents, leurs enfants, leurs amis sont le résultat de nos choix politiques, sont des maladies que nous aurions pu et dû prévenir et empêcher de survenir.
Avec cette proposition de loi Duplomb, on prétend agir pour le monde agricole. Mais elle ne dit rien des prix agricoles ou de l’accès à un revenu digne, rien du foncier, rien de l’endettement, rien de la désertification vétérinaire. Elle ne sert pas l’agriculture ; elle sert l’agrochimie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, l’acétamipride affecte le comportement des abeilles, qui, en pollinisant, sont les garantes de la souveraineté alimentaire. D’ailleurs, les fédérations des apiculteurs et de l’agriculture biologique sont fermement opposées au texte.
Nous aurions pu faire autrement, en soutenant financièrement les agriculteurs touchés par les ravageurs, en mettant le paquet sur la lutte biologique, en interdisant d’importer tout produit traité avec ce pesticide interdit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Ingénieure agronome, j’ai appris à connaître les équilibres fragiles des écosystèmes, les coopérations silencieuses du sol et du vivant, la nécessité, pour la productivité agricole, de l’existence d’une haie, d’un ver de terre, d’un accès partagé à l’eau. Edgar Pisani, qui, ministre, fut le père des lois de modernisation agricole des années 1960, a dit quarante ans plus tard que le productivisme était rétrograde. Pourquoi ? Parce qu’il ignore les nouvelles limites du vivant comme les nouveaux défis écologiques et de santé publique. La modernité, c’est une agronomie exigeante et innovante qui permet des progrès environnementaux, non des régressions. C’est le contraire de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je ne retrouve rien de cette intelligence dans la proposition de loi. Je n’y vois que la brutalité d’un modèle à bout de souffle, qui ne sait plus produire qu’en tuant et en détruisant. Certes, le déroulement de la CMP a été tout à fait convenable. Mais il n’empêche : à mon sens, le texte qui en est sorti n’est pas une loi agricole mais un traité de soumission à l’agrochimie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Ian Boucard
L’important, c’est la modération…
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
« Le plus souvent, ce sont les mamans ou les compagnes qui viennent à l’agence déclarer les maladies professionnelles de leur fils ou de leur compagnon, parce que, souvent, les agriculteurs ne reconnaissent eux-mêmes que trop tard l’origine de leur maladie – cancer, maladie de Parkinson, maladie neurodégénérative. Et le lien avec les pesticides, c’est un tabou. »
Comment a-t-on pu en arriver là avec les pesticides ? En France, c’est après la seconde guerre mondiale que commence l’industrialisation de la production des pesticides. Elle accompagne une révolution du modèle agricole en cours à cette époque. Les femmes et les hommes sont attendus à la ville pour industrialiser le pays. On perd 3 millions d’agriculteurs en vingt ans.
« À partir de là, on nous a toujours expliqué qu’il fallait produire avec des pesticides. À l’époque, on n’avait même pas forcément conscience que ça pouvait être dangereux pour la santé humaine. »
Depuis, la puissance publique a largement fait le choix d’accompagner le développement des pesticides et des pratiques agronomiques qui en sont dépendantes, comme la monoculture ou la réduction des infrastructures agroécologiques pour optimiser l’espace et, ainsi, réduire encore le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices.
« Quand j’ai cherché à sortir des pesticides, il m’a fallu plusieurs années. C’est tout mon système qu’il fallait repenser. Ce n’était pas simple. Beaucoup de prises de risque, beaucoup de nuits à me demander si j’avais fait le bon choix. Aujourd’hui, j’ai stabilisé ma production et je réussis à vivre en bio. Mais plusieurs s’y sont cassé les dents. On n’est pas aidés pour ça. »
Les cadences du marché et de la compétition internationale, les prix imposés par les industriels et la grande distribution, toujours plus bas, la mauvaise orientation des subventions : tout aboutit au fait que produire sans pesticides est compliqué.
« Quand vous avez utilisé un produit toute votre vie, que c’est ce qu’on vous a appris à faire depuis tout jeune, que ce produit vous a vraiment aidé à produire, quand vous avez aussi lutté contre des discours qui cherchaient à vous faire culpabiliser en tant que paysan plutôt qu’à dénoncer le système qui vous a poussé à en arriver là, c’est difficile de se lever un matin et de se dire que ce produit vous a rendu malade et qu’il va peut-être vous tuer. »
Le tabou de l’impact des pesticides sur la santé du monde agricole, je crois que j’ai fini par l’intérioriser, par mimétisme, par empathie. C’est un sujet sensible, que j’ai eu du mal à aborder avec les agriculteurs ; et politiquement, la question est délicate. Il n’existe pas de trajectoire de sortie des pesticides simple et toute dessinée. Il faut du temps et beaucoup d’investissements. Il faut du courage politique aussi, notamment contre certains lobbys.
Mais aujourd’hui, on ne peut plus dire qu’on ne sait pas. L’association Phyto-Victimes déclare avoir accompagné 800 victimes en 2024 – un chiffre qui explose tous les ans. Aujourd’hui, les scientifiques ont établi une corrélation directe entre la hausse des cancers du pancréas et la vente de pesticides sur une même commune. Aujourd’hui, le cancer de la prostate est reconnu comme maladie professionnelle pour les agriculteurs. Ce cancer est le plus fréquent chez les hommes : il en touche chaque année près de 60 000, entraînant le décès de près de 9 000 d’entre eux. Pour les agriculteurs, le risque d’en contracter un est de 13 à 33 % supérieur à la moyenne. Aujourd’hui, les cancers qui touchent les enfants augmentent chaque année en France et l’un des premiers facteurs de risque reconnus par la communauté scientifique est l’exposition aux pesticides. Nous, politiques, ne pouvons plus dire que nous ne savons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Il serait donc de notre devoir de proposer des lois pour accompagner la diminution de l’usage des pesticides ou, au moins, dans un premier temps, la fin de l’utilisation des produits les plus nocifs pour la santé. C’est le choix qu’avait fait la France en 2018 en interdisant les néonicotinoïdes, des pesticides particulièrement dangereux pour la santé humaine et pour les pollinisateurs. Mais faire un tel choix sans que les pays alentour ne fassent le même crée une situation de concurrence déloyale.
Il faut alors accepter politiquement de protéger les agriculteurs français de la concurrence internationale déloyale et, donc, sortir l’agriculture des logiques de libre-échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Il faut alors cesser de l’utiliser comme une variable d’ajustement sur les marchés mondiaux. Malheureusement, après l’interdiction des néonicotinoïdes, cela n’a pas été fait. Et il est vrai qu’aujourd’hui, la filière de la noisette en pâtit. Nous aurions pu faire collectivement le choix politique de fixer des prix minimums d’entrée pour limiter le poids de la concurrence internationale, d’imposer aux industriels l’obligation de privilégier l’utilisation de noisettes françaises ou de soutenir la diversification des cultures pour diminuer la prolifération des ravageurs.
Ce n’est pas ce que propose ce texte. Il choisit de réautoriser un néonicotinoïde, l’acétamipride. Atteintes neurologiques, troubles du comportement, baisse de la fertilité, perturbation endocrinienne, affectation du développement cérébral chez les jeunes enfants, notamment après contamination des femmes enceintes : voilà quelques-uns des effets reconnus de ce produit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous allez peut-être me répondre que c’est une mesure d’urgence pour la filière noisette, qui souffre trop, une mesure exceptionnelle décidée le temps de se redresser. Admettons ! Pour nous, c’est déjà prendre trop de risques pour la santé des agriculteurs, des salariés agricoles et des riverains, mais admettons que ce soit votre ligne ! La filière noisette en France représente 8 000 hectares. Or la rédaction ultrapermissive du texte permet la réintroduction de l’acétamipride sur 500 000 hectares de cultures ! (Mêmes mouvements.)
M. Nicolas Forissier
C’est 1,7 % de la surface cultivée du pays !
Mme Manon Meunier
Sur les noisettes, certes, mais aussi sur les cerises, sur les asperges, sur les pommes, sur les 400 000 hectares de betteraves sucrières. Ce texte n’est pas un texte d’urgence. Ce n’est pas un texte pour les agriculteurs. Il réussit à rassembler contre lui un collectif de 1 000 médecins, des associations de victimes, des ONG environnementales, les pêcheurs, les mutuelles de France, les apiculteurs et, bien sûr, de nombreux paysans et paysannes. Ce texte est fait pour et par l’agrobusiness. Ce texte est dangereux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
Certains d’entre vous sont conscients de ce qui est en train de se passer, du coup de force que constitue ce texte, du putsch d’Arnaud Rousseau, le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), qui occupe maintenant le fauteuil de ministre de l’agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il suffit d’écouter l’auteur du texte pour le comprendre. M. Laurent Duplomb, sénateur Les Républicains et ami d’Arnaud Rousseau, a déclaré : « Cette loi ne s’adresse pas à tous les agriculteurs. En France, un tiers des exploitations agricoles ont un chiffre d’affaires inférieur à 25 000 euros par an. Ceux-là ne sont pas des agriculteurs, ils vivent des aides. Ma proposition de loi, c’est pour les deux tiers qui produisent quelque chose. »
Alors, regardons ça de plus près ! Dans la proposition de loi, seul l’article 3 concerne l’élevage. L’unique mesure proposée est l’accélération des procédures pour les élevages dits ICPE et soumis à autorisation, soit, pour les bovins, seulement 65 élevages sur les 63 000 déclarés en France. Doit-on donc considérer qu’aux yeux de M. Duplomb, les 62 935 autres éleveurs ne produisent rien ? (Mêmes mouvements.) Certes, en France, l’élevage bovin allaitant n’est pas industrialisé ; le modèle est encore familial, avec 90 % des éleveurs qui comptent moins de cent vaches dans leur troupeau. Pourtant, il produit : le taux d’auto-approvisionnement en viande bovine de la France est de 95 %, c’est-à-dire que l’on produit déjà quasiment autant que ce que l’on consomme.
L’enjeu est non de produire plus mais de protéger celles et ceux qui produisent déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) M. Duplomb connaît ces chiffres. Alors qui cherche-t-il à protéger en ne s’occupant que de 65 élevages sur 63 000 ? Parmi ces 65 élevages, on compte des structures de firmes agro-industrielles, dont M. Duplomb cherche à développer les profits. Les exploitations de taille intermédiaire gérées par des agriculteurs et des agricultrices ne sont plus intéressantes sur le marché international. Elles ne sont pas compétitives et il est hors de question de sortir du libre-échange. Alignons-nous sur le marché international, passons à un modèle de firmes et de salariat ! Aux dépens des logiques de santé publique, aux dépens de l’écologie, aux dépens en premier lieu des agricultrices et des agriculteurs, certes, mais pour les profits !
Mme Danielle Simonnet
La honte !
Mme Manon Meunier
« Regarde, Manon : on n’est que fin juin, et mes prairies sont déjà toutes cramées. Je crois que l’été va être long. »
L’urgence est celle-là, et votre texte passe à côté. Le changement climatique est particulièrement violent pour les agriculteurs. Comme pour le reste, la seule mesure proposée est caricaturale : conférer aux mégabassines le statut de projet d’intérêt public majeur, pour accélérer leur création. Encore une fois, c’est au mépris de la parole des scientifiques, qui disent que puiser de l’eau dans les nappes phréatiques accentue les effets des sécheresses à long terme. Encore une fois, ce sont des millions d’euros d’argent public qui vont partir vers une poignée de géants céréaliers qui exportent leur production. Encore une fois, c’est la grande majorité des agriculteurs qui se retrouvent sans solution.
En conséquence, au nom des citoyens et des citoyennes, des enfants, des victimes mobilisées, dont certaines sont dans les tribunes du public, des médecins et des personnels de santé, des oiseaux et des insectes, au nom des paysans et des paysannes en premier lieu, jamais nous ne voterons cette proposition de loi. Plutôt nourrir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC. – Les députés du groupe LFI-NFP et plusieurs députés du groupe GDR se lèvent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Julien Dive, rapporteur
Je ne voterai pas cette motion de rejet, à la différence de celle que j’avais déposée lors de la première lecture. Le contexte était différent : face à une stratégie d’obstruction et de blocage, nous avions la volonté d’avancer dans la procédure législative. En effet, le monde agricole français est confronté à des urgences : se hisser au niveau européen, écarter des solutions pires que l’acétamipride, comme les pyréthrinoïdes dont j’ai parlé tout à l’heure, produire de manière cohérente. Je vous invite à faire un peu confiance aux agriculteurs, à ne pas jeter l’opprobre sur eux, comme cela peut être fait sur certains plateaux télé ou sur certains bancs de l’hémicycle.
M. René Pilato
À leur donner un permis d’empoisonner !
M. Julien Dive, rapporteur
La dérogation ne sera accordée qu’en vertu de plusieurs critères. Il ne s’agit en rien d’un chèque en blanc, d’autant que la CMP a ajouté un nouveau critère, celui de la gravité des enjeux et des conséquences économiques pour la filière. Donc, à ce stade, personne ne peut dire combien d’hectares et de produits seront concernés (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) puisque les filières devront faire la démarche de demander la dérogation, qui sera accordée, ou non, en fonction du respect de l’ensemble des critères.
Mme Marianne Maximi
Incroyable ! Ce n’est pas sérieux.
M. Julien Dive, rapporteur
Au maximum, 500 000 hectares, soit 1,7 % de la surface agricole française, pourraient être concernés, mais ce sera peut-être beaucoup moins. Il faut avancer, et j’appelle à repousser la motion de rejet. (M. Nicolas Forissier applaudit.)
Mme Danielle Brulebois et M. Henri Alfandari
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Le gouvernement émettra un avis négatif sur cette motion de rejet préalable, ce qui ne vous étonnera pas.
Madame la députée, en matière de caricature et de désinformation, vous excellez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il n’y a pas pire qu’un effort qui n’est pas reconnu.
Mme Ségolène Amiot
L’empoisonnement, c’est bien pire !
M. Loïc Prud’homme
Vous nous donnez des leçons ?
Mme Annie Genevard, ministre
Je vous rappelle que la France a interdit la totalité des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.
M. Benoît Biteau
C’est faux !
Mme Annie Genevard, ministre
Dans notre pays, il n’est plus possible d’épandre de tels produits,…
M. Pierrick Courbon
Ce n’est pas vrai !
Mme Annie Genevard, ministre
…et il faut le dire. La transition a déjà commencé : le plan Écophyto n’a pas pour ambition de nous faire reculer, mais bien de nous faire progresser en matière de renoncement aux produits phytosanitaires. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Jean-Claude Raux
Ça ne marche pas, vous le savez bien !
M. Loïc Prud’homme
Écomytho !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Annie Genevard, ministre
Je ne prendrai qu’un exemple du genre d’absurdités que l’on peut entendre sur ces sujets. Madame la députée, vous venez de nous dire quelque chose d’extraordinaire : vous réduisez la question de l’accès à l’eau aux mégabassines, terme dont je ne crois pas qu’il figure dans le texte.
M. Loïc Prud’homme
C’est vous qui réduisez la question à ça !
Mme Annie Genevard, ministre
Vous avez affirmé que le stockage ne pouvait pas se faire à partir des nappes phréatiques ; or ce n’est pas à partir de leurs eaux que les stocks sont constitués (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS),…
Mme Ségolène Amiot
Vous croyez ? Mais cette eau, elle vient d’où ?
Mme Annie Genevard, ministre
…mais à partir de l’eau qui tombe en abondance, et ces stocks sont destinés à être répandus… (Les exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS vont crescendo et couvrent la voix de l’oratrice.)
Mme Ségolène Amiot
Et où va-t-elle ? Dans les nappes !
Mme la présidente
S’il vous plaît, madame Amiot !
Mme Annie Genevard, ministre
Mais non, madame Amiot, toute l’eau de pluie n’alimente pas les nappes, une partie ruisselle vers la mer – vous le savez, j’espère !
Mme Mathilde Hignet
Retournez à l’école !
Mme Annie Genevard, ministre
En prélever un peu pour permettre la culture est plus que légitime.
Mme Claire Lejeune
Ce n’est pas possible…
M. René Pilato
Quelles bêtises !
Mme Lisa Belluco
Tant d’incompétence, c’est honteux !
Mme Annie Genevard, ministre
Mesdames et messieurs les députés, je crois qu’il faut revenir à un peu de rationalité sur ces sujets.
Mme Ségolène Amiot
Exactement !
M. Jérémie Iordanoff
Oui !
Mme Annie Genevard, ministre
Est-ce l’Anses qui a interdit l’acétamipride ? Non. Est-ce l’Efsa ? Pas davantage. Est-ce l’Inrae qui déterminera quelles sont les filières dans l’impasse ? Oui – je pense que vous faites confiance à l’Inrae. Cessez donc la caricature ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Les chiffres de la déprise agricole sont connus depuis ce matin : le nombre de fermes a chuté de 10 % ; le niveau de la production, de 9 %.
Mme Danielle Simonnet
Et les chiffres des cancers ?
Mme Annie Genevard, ministre
Croyez-vous que notre pays ne compte pas de petits arboriculteurs, de petits éleveurs, dont les uns demandent à avoir accès à l’eau, les autres à être autorisés de façon simplifiée à rénover leurs bâtiments d’élevage ? Ne croyez-vous pas qu’il s’agit là d’attentes du monde agricole tel que vous et moi le connaissons ? (Les exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS s’intensifient.)
M. Pierre Cordier
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
Nous ne sommes pas dans une approche en termes de lutte des classes – l’agrobusiness, l’agro-industrie d’un côté, les pauvres agriculteurs de l’autre. En réalité, nous défendons tous les agriculteurs.
Mme Ségolène Amiot
Menteuse !
Mme Danielle Simonnet
Vous êtes surtout au service des gros exploitants !
M. Jean-Claude Raux
Vous marchez avec la FNSEA !
Mme Annie Genevard, ministre
Dans notre pays, l’agriculture est majoritairement de taille familiale. Cela figure d’ailleurs dans la loi d’orientation agricole, en ces termes.
J’espère qu’à vous entendre, le monde agricole ne sera pas gagné davantage encore par le désespoir qui l’étreint parfois, quand les fins de mois sont difficiles, que les rendements ne sont pas au rendez-vous, que les attaques sanitaires décapitalisent les élevages. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Jean-François Coulomme et M. René Pilato
Nos enfants nous regardent, madame la ministre !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Mme Annie Genevard, ministre
J’espère que vos propos ne nourriront pas leur désespoir,…
Mme Manon Meunier
Ce sont vos politiques qui nourrissent leur désespoir !
Mme Annie Genevard, ministre
…car alors, madame la députée, vous porteriez une grave responsabilité en la matière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sandrine Rousseau
C’est scandaleux, ce que vous faites ! Garantissez plutôt les prix agricoles !
Mme la présidente
Un peu de calme !
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote, dont je rappelle qu’elles ne peuvent excéder deux minutes.
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac (LIOT)
Ce texte arrive au bout d’un parcours législatif très chaotique. Nous ne pourrons nous satisfaire d’une telle façon de travailler, caractérisée par la multiplication des motions de rejet et l’obstruction. Nous appelons donc, à partir de la rentrée, à débattre de l’ensemble des textes qui seront soumis à notre assemblée.
En dehors de la commission des affaires économiques et de l’hémicycle, la discussion de ce texte a donné lieu à des débats apaisés et constructifs, mais aussi à des postures cherchant à opposer les agricultures conventionnelle et biologique au service d’une bataille populiste et idéologique très éloignée des préoccupations des agriculteurs sur le terrain. Il aurait pourtant été intéressant que nous puissions débattre afin de fixer collectivement un cap – que voulons-nous pour notre agriculture ? –, mais une fois de plus, cet objectif est manqué. Il l’avait déjà été dans la loi de programmation agricole et il l’est de nouveau. Nous appelons de nos vœux l’élaboration d’une vision collective permettant de fixer un cap pour notre agriculture – c’est nécessaire.
Amélioré en commission mixte paritaire sans être devenu complètement satisfaisant, ce texte répond cependant à quelques urgences. La majorité des membres du groupe LIOT voteront donc contre la motion de rejet préalable, mais, les avis étant partagés, certains s’abstiendront et d’autres voteront en sa faveur.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles (GDR)
Ne serait-ce que pour des raisons de forme – l’Assemblée a été privée de débat sur ce texte en séance publique –,…
Mme Marina Ferrari
Ce n’est pas vrai !
M. Julien Brugerolles
…nous soutiendrons cette motion de rejet préalable.
Plus nous avançons dans la discussion, plus il m’apparaît que les initiateurs de cette proposition de loi visaient en réalité de tout autres objectifs que ceux qu’ils prétendent défendre. Ils cherchent d’abord à faire oublier les causes profondes de la colère paysanne, au premier rang desquelles l’insuffisance des revenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.) Les comptes nationaux de l’agriculture de 2024 viennent d’ailleurs d’être publiés, qui montrent une forte baisse des résultats d’exploitation. Cela prouve que les mesures contenues dans les lois Egalim et l’absence de réponse face aux aléas climatiques et sanitaires qui ont lourdement touché les exploitations en 2024 n’ont pas permis de satisfaire à cette exigence fondamentale.
Ce texte n’en dit rien, pas plus qu’il ne prévoit d’interdire l’importation de produits qui ne respectent pas nos standards sanitaires et environnementaux – preuve de l’absence de volonté politique du gouvernement en la matière. Rien, dans la proposition de loi, ne vise à répondre à cette demande pourtant prioritaire des exploitants agricoles. (Mêmes mouvements.)
Dans le même ordre d’idées, le texte n’évoque pas les vraies contraintes environnementales et sanitaires dues à l’aggravation des aléas climatiques – j’en ai parlé à l’instant –, alors que la pérennité des exploitations exigerait de travailler tout de suite au déploiement d’un vrai régime public et universel d’adaptation au changement climatique, de prévention des risques qu’il entraîne et d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles – comme celles qui se sont produites il y a quelques jours dans ma circonscription, où des orages de grêle ont lourdement frappé les exploitations.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera en faveur de cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, sur plusieurs bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Nicolas Sansu
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR)
Le groupe UDR intervient une fois encore pour rejeter une énième motion de rejet préalable, en l’occurrence celle qu’a déposée LFI contre la proposition de loi Duplomb. Celle-ci est pourtant indispensable : elle vise à redonner de l’air et de la lisibilité à nos agriculteurs, qui ploient aujourd’hui sous un empilement normatif incohérent et souvent dogmatique.
Nous devons en finir avec une vision punitive et purement idéologique de l’agriculture. Les agriculteurs ne sont pas nos ennemis ; ce sont nos partenaires, et les premiers écologistes de France – n’en déplaise à certains écologistes de tribune, qui parlent beaucoup mais connaissent peu le terrain. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Mme Ayda Hadizadeh s’exclame également.)
M. Matthias Tavel
Et vous, c’est quand la dernière fois que vous avez vu une vache ?
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Sans renoncer à la vigilance environnementale, cette proposition de loi apporte pragmatisme et justice. Elle est loin d’être suffisante, mais elle simplifie et clarifie les règles, et permet à nos agriculteurs de continuer à produire, tout en préservant des objectifs environnementaux réalistes et adaptés. Il ne s’agit pas d’abandonner la prudence, mais de cesser d’étouffer une profession vitale pour notre souveraineté alimentaire et nos territoires.
Le groupe UDR appelle à rejeter fermement cette motion, à faire prévaloir le bon sens sur le dogme…
Mme Marie Pochon
Et sur la science ?
Mme Sophie Ricourt Vaginay
…et à soutenir celles et ceux qui nourrissent la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte.
Mme Hélène Laporte (RN)
Derrière cette motion de rejet, nous ne trouvons qu’une seule motivation : le refus idéologique de toute solution qui permette à nos agriculteurs de relever la tête. Vous ne voulez pas de la réintroduction de molécules validées par la réglementation européenne,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous n’aimez pas les abeilles !
Mme Hélène Laporte
…alors qu’elle permettrait aux agriculteurs français d’affronter la concurrence en étant soumis aux mêmes règles que nos voisins.
Plusieurs députés du groupe EcoS
N’importe quoi ! La honte !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est bien la première fois que ce que font des étrangers vous intéresse !
Mme Hélène Laporte
Vous prétendez défendre les abeilles ; c’est un mensonge : toutes les données démographiques dont nous disposons à leur sujet montrent que l’interdiction totale des néonicotinoïdes, tout comme leur réintroduction temporaire dans la filière betteravière, a eu un effet négligeable, si ce n’est inexistant. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Pierrick Courbon
N’importe quoi !
Mme Marie-Charlotte Garin
Merci, Donald Trump !
Mme Hélène Laporte
Rappelons en outre que, selon l’Efsa, l’acétamipride est 3 500 à 4 000 fois moins toxique que les substances que nous utilisions en enrobage de semences et qu’elle n’est interdite ni par cette agence ni par l’Anses. Disons-le sans ambiguïté : il n’existe pas de menace majeure liée à l’acétamipride. En France, comme chez nos voisins qui n’ont pas cessé d’y avoir recours, les populations d’abeilles sont fragilisées par le frelon asiatique, le varroa et les aléas climatiques ; aucune donnée statistique ne permet de mesurer l’effet qu’aurait l’acétamipride.
Mme Delphine Batho
Votre intervention a été écrite par Bayer-Monsanto ?
Mme Hélène Laporte
Vous ne voulez pas des produits phytosanitaires de synthèse, mais vous ne voulez pas non plus d’autres solutions : la simplification administrative pour les acteurs commercialisant des produits de biocontrôle, pour vous, c’est non ; l’ouverture d’une expérimentation sur l’introduction d’insectes stériles comme solution de substitution à certains phytosanitaires, c’est encore non ; l’usage des drones pour gagner en précision et limiter au maximum la quantité de pesticides épandus et réduire l’exposition des agriculteurs, c’est toujours non.
Mme Danielle Simonnet
Monsanto, pour vous, c’est oui !
Mme Sandrine Rousseau
L’agriculture biologique, sans pesticides, pour nous, c’est oui !
Mme Hélène Laporte
En déposant cette motion de rejet préalable, vous ne craignez pas de vous ranger une fois de plus parmi les fossoyeurs de l’agriculture française ; pour notre part, nous entendons œuvrer à son renouveau. Le groupe Rassemblement national votera évidemment contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Sophie Ronceret.
Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR)
Il est des colères et des détresses que l’on ne peut plus ignorer.
M. Julien Brugerolles
Celles des victimes des pesticides ?
Mme Anne-Sophie Ronceret
Celles du monde agricole durent depuis trop d’années, des années qu’ils passent à nous dire : « Faites-nous confiance ! Aidez-nous à exercer notre métier dignement ! »
Mme Clémence Guetté
Des années où vous n’avez rien fait !
Mme la présidente
Madame Guetté, s’il vous plaît !
Mme Marianne Maximi
Qu’avez-vous fait depuis huit ans ?
Mme Anne-Sophie Ronceret
Et pourtant, depuis le début de son examen, ce texte fait l’objet de toutes les caricatures, de toutes les postures et de toutes les récupérations ! (Mme Danièle Obono s’exclame.)
M. Matthias Tavel
Surtout des vôtres !
Mme Anne-Sophie Ronceret
Il est d’ailleurs surprenant de voir une motion de rejet déposée contre un texte issu d’une commission mixte paritaire conclusive.
En réalité, ce texte a été débattu longuement en commissions,…
Mme Marie Pochon
Mais pas en séance publique !
Mme Anne-Sophie Ronceret
…puis retravaillé et consolidé en commission mixte paritaire. Il ne s’agit ni du texte initial du Sénat ni d’un texte de renoncement : il tient compte de nos lignes rouges – sur l’Anses, sur les zones humides et sur la possibilité de recourir à l’acétamipride en cas de besoin et exclusivement sur dérogation. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Jean-François Coulomme
S’il faut une dérogation, c’est bien que le produit est dangereux !
Mme Anne-Sophie Ronceret
Défendre notre agriculture, c’est aussi refuser de céder à l’intimidation – nous condamnons d’ailleurs fermement les récents sabotages des stockages d’eau en Vendée, en Charente et en Charente-Maritime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) On ne construit rien par la violence ; on n’y parvient qu’à force de dialogue…
Mme Lisa Belluco
On n’a pas débattu !
Mme Anne-Sophie Ronceret
…et de compromis. (Les exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS s’amplifient jusqu’à couvrir la voix de l’oratrice.)
M. Nicolas Forissier
Il faut vous calmer là-bas !
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de calme !
Mme Anne-Sophie Ronceret
Car, oui, ce texte apporte à nos agriculteurs une réponse pour leur permettre d’exercer leur métier dans des conditions dignes et durables.
Mme Lisa Belluco
Mais c’est faux ! C’est un scandale !
Mme Anne-Sophie Ronceret
Notre ligne est claire, cohérente avec les engagements envers les agriculteurs qu’avait pris Gabriel Attal : stop à l’interdiction sans solutions de rechange ; stop à la surtransposition, qui les empêche de travailler dans les mêmes conditions que leurs homologues européens ; stop à la méfiance systématique à l’égard du monde agricole ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Et c’est justement cela que certains refusent ici : la constance et le courage politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)
Madame la ministre, ce serait à nous de prendre nos responsabilités ? Nous ne sommes pourtant pas assis dans votre fauteuil, à pousser une loi qui va aggraver l’empoisonnement des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.) Cette proposition de loi est un danger. Elle n’a été débattue que dans l’opacité d’une CMP. Elle n’a aucune légitimité, elle doit être rejetée. (Mêmes mouvements.)
Mesdames et messieurs les députés, voici le moment de prendre vos responsabilités : pour ou contre la réintroduction de l’acétamipride, un neurotoxique 5 à 10 000fois plus toxique que le DDT ?
Mme Anne-Laure Blin
L’acétamipride était interdit par la France, pas par l’Union européenne !
Mme Claire Lejeune
Pour ou contre cette marche en arrière monumentale ? Pour ou contre le cancer ?
M. Ian Boucard
Tout le monde est contre le cancer !
Mme Claire Lejeune
J’utilise ces mots à dessein car ce sont ceux des malades ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) « Voter la loi Duplomb, c’est voter pour le cancer », dit Fleur Breteau du collectif Cancer colère. Des milliers de victimes lui emboîtent le pas. Ce sont nos parents, nos amis, nos voisins, ce sont des inconnus croisés dans la rue. Ce sont aussi des victimes qu’on ne croisera pas, parce qu’elles ne sont plus là. (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Tavel
Eh oui !
Mme Claire Lejeune
Avec cette proposition de loi, vous ne protégez personne et surtout pas les agriculteurs. Vous répondez à des lobbys. Avec cette proposition de loi, vous niez sciemment ce que dit la science. (Mêmes mouvements.)
M. Vincent Descoeur
Va à la ferme !
Mme Claire Lejeune
Vous nous demanderez : qui aurait pu prédire l’épidémie de cancers et de malformations à la naissance, la multiplication des cas d’infertilité ? Qui aurait pu prédire les graves conflits d’usage de l’eau dans lesquels vous nous entraînez avec la multiplication des mégabassines ? Qui aurait pu prédire les pollutions massives, les pandémies qui ne manqueront pas de survenir du fait du développement de l’élevage intensif et des fermes usines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Vincent Descoeur
Va le dire aux agriculteurs !
Mme Claire Lejeune
Réveillez-vous ! La protection des Français devrait être notre priorité, alors soyez à la hauteur et votez cette motion de rejet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR. – Les députés du groupe LFI-NFP et plusieurs députés du groupe EcoS se lèvent.)
Mme Anne-Laure Blin
Vous voulez la décroissance !
Mme la présidente
La parole est à Mme Mélanie Thomin.
Mme Mélanie Thomin (SOC)
Nous sommes réunis pour assister à l’acte final du triste spectacle qu’offre le parcours de la loi Duplomb. Enracinés dans les territoires ruraux, nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, avons choisi d’être force de proposition face à un texte brutal et démagogique. Nous sommes fiers de ceux qui travaillent pour nous nourrir, au service de notre souveraineté alimentaire. Nous avons refusé le piège tendu d’une opposition factice entre productivité et écologie.
Nous avons défendu une ligne claire, susceptible de réconcilier les Français, de préserver l’indépendance de la science, d’installer une véritable démocratie de l’eau et de réanimer le plan de sortie des pesticides. Nos propositions visaient à prendre à bras-le-corps les vrais enjeux de l’agriculture française : un plan pour l’élevage, une régulation foncière, qui permet le renouvellement des générations, un véritable partage de la valeur et la lutte contre les concurrences déloyales, afin de protéger le revenu des agriculteurs.
En rejetant son propre texte, le socle commun a empêché le débat à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – « Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Marie Pochon
Eh oui !
M. Nicolas Forissier
Il faut le faire, quand même ! Quelle tartuferie !
Mme Mélanie Thomin
Cette nouvelle manière de légiférer discrédite à la fois notre travail et notre institution. Le Sénat fait désormais la pluie et le beau temps, mais cela ne semble pas vous déranger.
M. Nicolas Forissier
Tartuferie !
Mme Mélanie Thomin
Dans le huis clos de la commission mixte paritaire, les droites et l’extrême droite ont acté la réintroduction de l’acétamipride sans débat préalable ni avis scientifique.
Mme Christine Arrighi
La honte !
Mme Mélanie Thomin
Quand les illusions de ce texte et de la loi d’orientation agricole votée avant lui tomberont, après beaucoup de bruit et de fureur, nous resterons face au double défi d’une falaise démographique, alors qu’un paysan sur deux s’apprête à partir en retraite, et du mur climatique qui remettra en cause nos manières et capacités de produire.
M. Vincent Descoeur
Le problème des successions n’est pas l’objet de la proposition de loi !
Mme Mélanie Thomin
La brèche ouverte par la réintroduction de l’acétamipride dans quelques filières constitue une impasse, un recul majeur. Réautoriser un pesticide sans véritable plan de sortie est un piège pour les filières ; il dénote un défaut dans la méthode et un manque d’ambition pour l’avenir des politiques agricoles.
Pour toutes ces raisons, nous voterons pour cette motion de rejet et nous déposerons un recours devant le Conseil… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes SOC et EcoS applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers (DR)
Encore une motion de rejet préalable.
Mme Marie Pochon
C’est vous qui aviez déposé la première !
M. Guillaume Lepers
Encore du temps perdu pour notre assemblée. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
Votez cette motion, on gagnera du temps !
M. Guillaume Lepers
Encore les mêmes insultes contre le monde agricole.
Vous avez le droit d’être contre ce texte ; vous avez le droit de refuser de voir la souffrance de nos agriculteurs. En revanche, ce que vous ne pouvez pas faire, c’est jouer systématiquement avec notre règlement pour bloquer chaque semaine les travaux de notre assemblée.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Et la motion en première lecture ?
M. Guillaume Lepers
Madame Meunier, vous dénoncez un texte débattu « dans l’obscurité de la commission mixte paritaire », mais votre groupe et celui des écologistes sont les seuls responsables de cette situation. Oui, ce sont bien les milliers d’amendements déposés par les écologistes et les Insoumis qui ont empêché le débat de se tenir ici. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, RN, EPR et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel argument ringard !
M. Guillaume Lepers
C’était un blocage assumé de votre part !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Menteur !
Mme Danièle Obono
Tartufe !
M. Guillaume Lepers
Motion de censure, fake news, harcèlement d’agriculteurs, harcèlement d’élus : vos méthodes ne sont pas à la hauteur de la situation ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Marie Pochon
Vous aviez déposé la première motion de rejet sur ce texte !
M. Guillaume Lepers
Nous nous battons pour une France des territoires, des territoires fiers dont les agriculteurs pourront, demain, nourrir les générations futures. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Un peu de calme, s’il vous plaît !
M. Guillaume Lepers
Vos combats ne sont pas ceux d’élus engagés, mais de professionnels de l’obstruction parlementaire. Pas d’écoute, pas de dialogue, pas de compromis : drôle de conception de la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Sans ce texte, les agriculteurs n’auront pas accès à l’eau, ne pourront pas utiliser les mêmes outils que leurs concurrents européens et développer leurs élevages.
Un député du groupe LFI-NFP
Qui vous paie ?
M. Ian Boucard
Écoutez-le, il sait de quoi il parle !
M. Guillaume Lepers
Assumez de vouloir la mort de l’agriculture française ! Nous, députés du groupe Droite républicaine, avec Laurent Wauquiez, nous nous tiendrons toujours aux côtés des agriculteurs et nous continuerons de rejeter l’obstruction parlementaire que vous avez élevée, semble-t-il, au rang de projet politique. Vous l’aurez compris, nous voterons contre votre motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Loïc Prud’homme
On s’en moque, vous ne représentez personne !
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau (EcoS)
Ce texte est le symbole du mépris de la science et de la santé de nos concitoyens ; il doit donc être rejeté en bloc. Nous avions, nous aussi, déposé une motion de rejet préalable et nous vous invitons évidemment à voter celle déposée par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Depuis le début des débats portant sur ce texte, personne n’a écouté les écologistes. Madame la ministre, vous êtes restée sourde à toutes nos interpellations. Jamais un mot pour les victimes des pesticides ou pour les milliers de scientifiques qui nous ont alertés à ce sujet ; jamais un pas vers les agriculteurs bio, les apiculteurs : quel mépris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Ce texte a été négocié en catimini, mais vous n’échapperez pas au regard de la société. Levez les yeux ! (L’orateur désigne les tribunes.) Regardez en tribunes, la société y est présente et je porte sa voix.
Écoutez Laure Marivain, fleuriste, maman d’Emmy, décédée à 11 ans : « La justice a reconnu le lien entre mon exposition aux pesticides et le cancer de ma fille, et vous voudriez réautoriser des pesticides qui franchissent la barrière placentaire et troublent le neurodéveloppement des enfants. » (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Franck Rinchet-Girollet, papa d’un petit garçon de 8 ans atteint d’un cancer et habitant de ma circonscription : « Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas ! Les députés qui voteront la loi Duplomb voteront pour le cancer ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. – Vives protestations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR. – Plusieurs députés du groupe RN font mine de chasser l’orateur de la main.)
M. Nicolas Forissier
C’est scandaleux !
M. Benoît Biteau
Fleur Breteau, 50 ans, malade d’un cancer : « Le cancer n’est plus une maladie, c’est une épidémie ! » (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR ainsi que quelques députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Protestations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.) Francelyne Marano, toxicologue à la Ligue contre le cancer : « Cette loi sacrifie le principe de précaution, qui devrait commander à toute décision en matière de santé publique, sur l’autel du court-termisme. »
Mme Perrine Goulet
Vous faites des caricatures !
M. Benoît Biteau
Loïc Madeline, collègue paysan bio : « Cette loi prétend libérer les agriculteurs, mais elle les enferme dans un modèle dépassé et dépassable, en laissant sur le bord de la route ceux qui produisent sainement. Pourquoi ? » (Mêmes mouvements. – Brouhaha.)
Chers collègues, chers citoyens, vous qui doutez, au fond, vous qui savez…
Mme la présidente
Monsieur Biteau, votre temps de parole est écoulé. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR, la plupart debout, applaudissent ce dernier. – Huées sur les bancs des groupes RN, DR, HOR et UDR. – Plusieurs députés du groupe RN indiquent la sortie de l’hémicycle ou font mine de chasser l’orateur de la main.)
On ne vous entend plus.
Mme Michèle Martinez
Dehors !
Mme Caroline Parmentier
Du vent ! (Mme Caroline Parmentier met les deux pouces vers le bas.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau (Dem)
Quelques mois après le vote de la loi d’orientation agricole et les avancées qu’elle avait permises en matière de simplification, nous sommes à nouveau saisis d’un texte visant à poursuivre cette œuvre. Disons-le tout de suite, il ne permettra pas de clore le sujet ni de répondre à toutes les difficultés que connaissent les agriculteurs.
Mme Christine Arrighi
C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Éric Martineau
Les défis et les difficultés auxquels ils sont confrontés sont nombreux et protéiformes. Revenu et partage de la valeur au sein du secteur agricole et dans l’industrie agroalimentaire, réforme de la PAC, relations commerciales – enjeu d’une actualité brûlante –, et transition environnementale face au dérèglement climatique, non moins urgente : cette proposition de loi ne prétend certes pas répondre à toutes ces questions, mais elle peut permettre d’avancer.
Encore fallait-il qu’elle respecte certains principes, qui ont guidé le groupe Les Démocrates dans son approche : nécessité de s’adapter au changement climatique, respect de la science, exigence d’une position équilibrée et responsable, et défense de notre souveraineté alimentaire à court, moyen et long terme. Nous appelions à construire un compromis équilibré pour tenir à distance les postures, à éviter les fausses promesses et à se concentrer sur des solutions concrètes et responsables. Le travail réalisé au cours des débats permet d’en apporter. Ces solutions, issues notamment des propositions répétées de l’Assemblée, sont attendues par nos agriculteurs, qui veulent simplifier leur activité.
Cette motion de rejet préalable vise à empêcher l’examen de ces dispositions et nous ne pouvons pas l’accepter.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Éric Martineau
Comme habituellement, nous appelons donc à rejeter cette motion.
Les débats n’ont pas été à la hauteur des enjeux de simplification.
Mme Marie Pochon
On n’a pas débattu !
M. Éric Martineau
Faudrait-il pour autant rejeter sans les examiner les équilibres que traduisent les conclusions de la CMP ? Certainement pas !
M. Benjamin Lucas-Lundy
C’est nul !
M. Éric Martineau
Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari (HOR)
Notre groupe votera contre cette motion de rejet préalable, par souci de cohérence et de respect du travail parlementaire mené – une motion de rejet sur les conclusions d’une CMP, c’est savoureux !
Mme Marie Pochon
Et vous, que faites-vous de la démocratie et du travail parlementaire ?
M. Henri Alfandari
Le texte soumis à notre vote préserve des principes essentiels : indépendance de l’Anses garantie ; interdiction des néonicotinoïdes maintenue,…
Mme Sandrine Rousseau
Non, c’est un mensonge ! Vous ne pouvez pas mentir ainsi dans l’hémicycle !
M. Henri Alfandari
…sauf dérogation exceptionnelle pour l’usage de l’acétamipride, strictement réglementé et encadré ; équilibre entre exigences environnementales et réalité du terrain pour nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Rejeter ce texte maintenant reviendrait à ne pas reconnaître le travail de compromis qui a été accompli. Nous voterons donc contre votre motion de rejet, afin de laisser la représentation nationale se prononcer sur le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Tous les groupes se sont exprimés, je mets donc aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 425
Nombre de suffrages exprimés 422
Majorité absolue 212
Pour l’adoption 158
Contre 264
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Trop souvent, ces derniers mois, le désir de simplification a été synonyme de régression environnementale. Ce texte, dans sa version initiale, ne faisait pas exception. Sa première copie, présentée par les sénateurs, était caricaturale pour ne pas dire dangereuse et nous nous étions émus des risques qu’elle induisait.
Je tiens à vous rappeler quelques-unes des dispositions les plus problématiques que nous aurions pu voter si le texte était resté en l’état : le ministre de l’agriculture aurait pu suspendre une décision de l’Anses, les néonicotinoïdes auraient été réautorisés dans aucune condition, l’ensemble des installations industrielles aurait bénéficié d’une procédure dérogatoire, sans concertation avec le public. Avec cette version originelle, il ne s’agissait pas tant de répondre aux demandes de simplification exprimées par le monde agricole que de détricoter une partie des règles essentielles à la préservation de notre environnement.
Heureusement, la navette législative a permis de cheminer, parfois difficilement – il faut le reconnaître – et au prix d’importants accrocs à la procédure normale – il faut le regretter.
Permettez-moi une légère digression à ce sujet. Nous ne saurions nous satisfaire d’une situation dans laquelle le vote de motions de rejet deviendrait la norme et il reviendrait au Sénat de légiférer pour notre compte. Il est temps que notre assemblée change de méthode de travail, qu’elle donne enfin leur place à la négociation et au compromis, et que nous puissions voter en responsabilité.
Quoi qu’il en soit, le résultat est là : le texte qui nous est soumis aujourd’hui n’est plus le même que l’originel. Il est, à mon sens, bien plus acceptable. Le politique et l’économique n’auront pas loisir de s’immiscer dans le travail de l’Anses, qui reste une agence indépendante, libre de déterminer son calendrier de travail et ses méthodes d’évaluation scientifique. C’est pour nous un point de vigilance majeur ; nous sommes rassurés que la commission mixte paritaire soit parvenue à une proposition acceptable.
La réautorisation des néonicotinoïdes est, pour sa part, limitée à l’acétamipride et se fera sous conditions strictes : il faudra à la fois une menace grave pesant sur la production, l’absence de solution alternative et l’existence d’un plan de recherche. Compte tenu de ces exigences, seules quelques rares filières dans le besoin devraient en bénéficier.
Les spécificités de l’élevage sont mieux prises en considération, sans que les procédures créées soient excessivement dérogatoires au droit commun. La procédure de concertation avec le public en cas d’installation ou d’agrandissement d’une exploitation, par exemple, ne disparaît pas. En revanche, plutôt qu’une réunion publique, difficile à organiser et onéreuse, les agriculteurs pourront organiser une permanence en mairie. Par ailleurs, la possibilité est donnée au gouvernement de créer un régime d’autorisation spécifique aux installations d’élevage ; cette proposition avait fait consensus en commission des affaires économiques. Nous serons vigilants à ce qu’elle se concrétise d’ici l’automne.
Les dispositions relatives à l’Office français de la biodiversité (OFB) constituent également des avancées. Le port d’une caméra individuelle fait notamment partie des mesures de nature à apaiser les relations ponctuellement conflictuelles entre les agents et les agriculteurs.
Quant aux mesures concernant le stockage d’eau, elles sont attendues par les agriculteurs. Elles s’inscriront dans une démarche de gouvernance garantissant une gestion concertée de la ressource en eau, afin de favoriser le multiusage des bassines et leur acceptabilité.
Vous l’aurez compris, le texte a indéniablement progressé dans la bonne direction. Néanmoins, certaines de ces évolutions ne vont toujours pas assez loin. S’agissant de l’acétamipride, par exemple, nous souhaitions que la dérogation ne puisse excéder trois ans et que de véritables plans de sortie, incluant la mise en place des conditions nécessaires à la transmission des connaissances scientifiques aux agriculteurs, soient requis. Nous étions également favorables à ce qu’un distributeur de produits phytopharmaceutiques puisse continuer à exercer une activité de conseil, d’autant que cette possibilité s’accompagne de plusieurs garde-fous de nature à limiter les conflits d’intérêts. Je regrette toutefois que le conseil à l’utilisation des produits phytosanitaires soit désormais facultatif et que la transition agroécologique ne soit plus mentionnée dans le texte. Dans ces conditions, il y a peu de chances pour que les agriculteurs bénéficient d’un accompagnement effectif vers des modes de production plus durables.
Nos collègues sénateurs avaient l’ambition de lever, par ce texte, les entraves franco-françaises à la compétitivité de notre agriculture. C’est lui prêter une portée excessive : il contient des mesures bienvenues pour certaines filières en détresse comme celle de la noisette – importante chez moi, dans le Gers –, mais les questions relatives à la concurrence déloyale que subissent nos agriculteurs au sein et en dehors de l’Union européenne sont loin d’être réglées. Elles demandent des réformes de fond, en lien avec les institutions européennes. Je ne peux me résoudre à ce que le nivellement par le bas soit la réponse systématique à ces problèmes.
C’est donc consciente des limites de la proposition de loi et vigilante à l’application de ses mesures qu’une majorité du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera pour le texte. Le reste du groupe se partagera entre des votes contre et des abstentions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles
Nous sommes invités à nous prononcer sur un texte dont les conditions d’examen serviront sans doute de modèle de contournement du travail de notre assemblée. Proposition de loi venue du Sénat, procédure accélérée, motion de rejet préalable, puis vote du texte de la CMP : vous avez trouvé les moyens d’éviter l’indispensable débat de fond que la représentation nationale aurait dû tenir sur les grands enjeux agricoles et alimentaires qu’affronte notre pays. Ce contournement de la procédure parlementaire est un signe supplémentaire de la dérive inquiétante de notre démocratie.
Quel était l’objectif de tout cela ? S’agissait-il de simplifier, ou plutôt de défendre un modèle agricole reposant sur des exploitations toujours plus grandes et compétitives sur des marchés ouverts ? S’agissait-il de lever des contraintes, ou d’organiser la fuite en avant dans la libéralisation du secteur agricole ?
Comme la bien mal nommée loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole, promulguée il y a quelques mois, ce texte est en réalité une simple tentative de diversion. Il vise à gagner du temps pour vous dispenser d’aborder les sujets fondamentaux qui contraindront notre agriculture dans les années à venir. Il ne contient ainsi aucune disposition pour lutter contre l’insuffisance des revenus, due à l’absence de mesures concernant les prix d’achat et d’encadrement des marges de la grande distribution et des industriels. Il n’aborde pas le besoin de revoir en profondeur notre système de protection et d’assurance contre les aléas climatiques et les risques sanitaires et environnementaux, qui ne feront pourtant que croître. Bien entendu, il évite soigneusement d’aborder le besoin de nouvelles régulations et protections face à la concurrence internationale. Derrière l’habile communication autour de la simplification et de la levée des contraintes, le texte repose sur l’idée que, pour venir en aide aux agriculteurs, il faut accentuer la dérégulation et revenir sur des normes qui sont pourtant notre seul moyen de protection contre l’afflux de produits issus de pays moins exigeants sur le plan sanitaire et environnemental. Quand nous nous serons alignés sur ces pays, quel levier politique restera-t-il pour ne pas livrer nos agriculteurs et nos éleveurs à leur concurrence ?
Vous poursuivez l’ajustement structurel de l’agriculture française vers les prix mondiaux et vers la tyrannie de la compétitivité prix. C’est pourtant cette logique qui a détruit des centaines de milliers d’exploitations dans les quarante dernières années et qui fait de notre secteur agricole la monnaie d’échange systématique des accords commerciaux de l’Union européenne. La récente signature par la présidente de la Commission européenne de l’accord de libre-échange avec le Mercosur et sa volonté de le faire ratifier au plus vite en sont une triste illustration. Comme le soulignait une tribune parue dans La Croix la semaine dernière, la France n’a jamais réellement cherché à faire obstacle à cet accord, que ce soit en utilisant son droit de veto – cela lui est possible, puisqu’il s’agit d’un accord mixte –, ou en saisissant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la compatibilité de l’accord avec les objectifs de durabilité que l’Union s’est elle-même fixés. Il est d’ailleurs révélateur que nous soyons contraints de voter sur ce texte sans avoir pu en débattre ni l’amender dans cet hémicycle, alors que nous serons sans doute privés de tout débat et de tout vote quant à la mise en œuvre du traité avec le Mercosur, laquelle pourrait intervenir dans les prochains jours.
Plutôt que de chercher un chemin politique pour sortir nos paysans de l’étau de la libéralisation des échanges internationaux et de la pression exercée par les grands industriels et distributeurs, qui les broient, plutôt que de mettre en place de nouveaux outils publics de régulation des marchés, plutôt que d’accompagner techniquement et financièrement les agriculteurs dans le grand chantier de la transformation agroécologique de nos systèmes de production – seule réponse durable qui pourrait leur ouvrir des perspectives –, vous cherchez à sauver les apparences. Vous faites diversion en réautorisant certaines molécules interdites ou en faisant croire que l’affaiblissement du droit environnemental permettra de faire face au défi climatique et aux menaces de la grande mise en concurrence des producteurs au niveau international. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. Dominique Potier et Stéphane Lenormand applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Soyons clairs : sans le combat résolu du Rassemblement national et de l’Union des droites pour la République, ce texte aurait été irrémédiablement dévoyé.
M. Dominique Potier
Ah, voilà !
M. Vincent Trébuchet
En commission, à l’Assemblée nationale, la gauche a tenté d’en faire un outil de contrainte, avec le soutien démissionnaire du bloc central. Elle a introduit dix-sept articles supplémentaires et défendu une écologie de l’interdiction, une offensive assumée contre toute ambition productive. Face à ces attaques contre notre agriculture, nous avons pris nos responsabilités en soutenant la motion de rejet préalable, qui a permis le retour à une version plus conforme à l’esprit du texte sénatorial. Puis, en commission mixte paritaire, nous avons œuvré pour maintenir cet équilibre.
M. Julien Dive, rapporteur
Vous n’étiez pas représentés en commission mixte paritaire !
M. Vincent Trébuchet
Une fois de plus, nos lignes rouges étaient très claires. Nous demandions l’assouplissement de la séparation des activités de vente et de conseil, l’autorisation dérogatoire encadrée de l’usage de l’acétamipride en cas d’urgence et la reconnaissance des ouvrages de stockage d’eau dans les territoires structurellement déficitaires comme projets d’intérêt général majeur.
M. Emeric Salmon
Très bien !
M. Vincent Trébuchet
Grâce à la détermination de nos collègues Hélène Laporte, Hervé de Lépinau et Emmanuel Blairy, ces lignes rouges ont été respectées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Si le compromis final préserve l’essentiel, force est de constater que nombre d’outils structurants présents dans la version initiale ont été édulcorés très en amont. Ce n’est pas la commission mixte paritaire, mais bien le Sénat, dominé par Les Républicains, qui a restreint l’ambition du texte.
Pour commencer, la séparation entre vente et conseil est maintenue pour les produits conventionnels et levée uniquement pour les produits bio, de biocontrôle ou à faible risque ; ce dispositif bancal crée une rupture d’égalité entre les modèles agricoles.
La proposition initiale donnait au ministre un pouvoir général de suspension des décisions de l’Anses, mais ce mécanisme souple, applicable à tout moment, qui redonnait une place au politique dans l’arbitrage entre les exigences sanitaires et les impératifs de souveraineté agricole, a été remplacé par une possibilité de dérogation par décret. La dérogation est une mesure d’exception, activable en cas d’urgence, alors que la suspension constituait un levier structurel et durable. Nous aurions même pu aller plus loin en redonnant au ministère de l’agriculture, comme le font d’autres pays, le pouvoir d’autorisation de mise sur le marché.
Le texte prévoit qu’une alternative aux néonicotinoïdes ne pourra être imposée que si son coût n’est pas « sensiblement plus élevé », mais ne définit pas les seuils qui seront retenus, laissant planer une insécurité juridique.
L’ambition d’avoir un recours rationnel et encadré aux drones se dilue dans des restrictions excessives : leur usage est réservé aux pentes supérieures à 30 degrés, aux bananeraies et aux vignes-mères, les autres cas devant être soumis à des expérimentations validées par l’Anses sur trois ans. Cette lenteur administrative bride la généralisation de cet outil pourtant reconnu comme vertueux.
Le relèvement des seuils ICPE constitue une vraie avancée. Il est d’autant plus notable que le texte assume, pour la première fois, une dérogation ciblée au principe de non-régression. C’est un signal fort, même s’il faudra revoir rapidement la nomenclature complète et les procédures d’autorisation.
Enfin, le port de caméras piéton par les agents de l’OFB, bien que nécessaire, appelle à la vigilance. Si le cadre juridique est précis, l’enjeu symbolique est réel : nous ne pouvons pas, d’une part, prôner la confiance envers nos agriculteurs et, d’autre part, multiplier les dispositifs de contrôle.
Le groupe UDR votera le texte parce que, grâce à l’engagement commun du RN et de l’UDR, il échappe au pire et parce qu’il contient des signaux de rupture importants – je pense notamment à la reconnaissance de l’eau comme ressource stratégique et à l’assouplissement des contraintes réglementaires. Toutefois, nous sommes loin du but et, surtout, nous allons beaucoup trop lentement. Ces atermoiements désespèrent nos producteurs de noisettes, de cerises et tous nos agriculteurs.
Il faudra poursuivre très rapidement le travail commencé : revenir sur les arbitrages perdus, défendre les productions françaises face aux importations qui contournent nos normes, sécuriser l’usage de produits phytosanitaires sans danger pour la santé autorisés partout en Europe, ou encore faire reconnaître que l’usage de l’eau à des fins agricoles ne doit pas être combattu, mais soutenu, dès lors qu’il est maîtrisé. Pour mener cette politique agricole de rupture, nous aurons besoin d’une majorité claire, courageuse et déterminée, une majorité d’union nationale, pas une coalition fragile ou un centre sans boussole, otage de la gauche et de ses diktats hors-sol. Que les choses soient claires, ce n’est pas avec la composition actuelle de l’Assemblée nationale que nous remporterons le défi urgent de notre souveraineté alimentaire. Cette assemblée, il faut donc la renouveler profondément et rapidement !
M. François Cormier-Bouligeon
Séditieux !
M. Matthias Tavel
Il fallait voter la motion de censure…
M. Vincent Trébuchet
Laissons les Français redonner une majorité au bon sens, pour nos agriculteurs et pour leur noble travail au service de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Au printemps 2024, une colère légitime a grondé avec force dans nos campagnes. Les paysans ont exprimé leur désespoir face à une réglementation française kafkaïenne et à une concurrence internationale déloyale, que les gouvernements successifs ont été incapables de combattre, otages qu’ils sont des injonctions bruxelloises et des dogmes du libre-échange.
Notre assemblée n’est pas en reste. Elle a voté, la main sur le cœur, le 11 mai 2023, une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole ; et puis, plus rien. Les agriculteurs ne veulent plus de paroles mais des actes. C’est pourquoi le groupe Rassemblement national a pris une part active, pour ne pas dire décisive, dans l’amélioration de la proposition de loi du sénateur Duplomb, tant en commissions qu’en commission mixte paritaire.
Aujourd’hui, malgré les manœuvres dilatoires des groupes d’extrême gauche et écologiste, malgré la désertion des débats par le socle commun – qui compte pourtant, excusez du peu, pas moins de deux anciens ministres de l’agriculture –, nous allons enfin voter ce texte visant à lever, en partie, les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
Ce texte est loin de représenter le Grand soir libérateur de la production agricole française. Il n’en constitue pas moins un coup de frein dans la dégringolade que subit notre agriculture depuis les présidences de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Le message des paysans est clair : plus d’interdiction sans solution. Ce principe de bon sens est défendu sans relâche par notre groupe quand une gauche radicalisée, enfermée dans ses obsessions punitives, fait mine de pleurer les effets – liquidations judiciaires d’exploitations et, plus grave, suicides d’agriculteurs –…
Mme Karine Lebon
Julien Odoul s’est moqué du suicide des agriculteurs !
M. Hervé de Lépinau
…dont elle chérit les causes – surtransposition et hyper-réglementation. Ces mêmes décroissants ont voulu faire de la France le laboratoire mondial de l’écologie punitive. Les résultats sont probants : aucun autre pays ne suit notre trajectoire. Bien au contraire, tous profitent de notre naïveté, inondant notre marché de produits cultivés sans contraintes. (M. René Pilato s’exclame.) Nos paysans ne réclament pas la charité, ils demandent qu’on les laisse concourir loyalement avec leurs compétiteurs étrangers. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
La réponse de la gauche à cette supplique fut claire : près de 3 500 amendements déposés en séance pour bloquer le texte.
Mme Marie Pochon
C’est faux !
Mme Delphine Batho
Ce n’est pas vrai ! N’importe quoi !
M. Hervé de Lépinau
Ces 3 500 amendements n’étaient pas destinés à améliorer la conduite des exploitations, mais à empêcher purement et simplement tout progrès pour les agriculteurs.
A contrario, il faut saluer le travail d’Hélène Laporte en commission des affaires économiques et d’Emmanuel Blairy en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), ainsi que celui de tous leurs collègues du camp national qui ont œuvré à un seul but : sauver l’agriculture française. Nous avons défendu une ligne claire en commission mixte paritaire : le Rassemblement national soutiendra toute mesure favorable aux agriculteurs français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Manon Meunier
Vous ne défendez pas l’agriculture française, vous êtes pro-européens en matière agricole !
M. Hervé de Lépinau
Nous ne voterons pas un énième texte vidé de sa substance pour faire plaisir à la gauche pastèque, verte à l’extérieur, rouge à l’intérieur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Jean-François Coulomme
Vous, vous êtes marron à l’intérieur et marron à l’extérieur !
M. Hervé de Lépinau
Parmi nos nombreuses victoires, on retiendra la fin de la séparation de la vente et du conseil pour les produits de biocontrôle et les produits phytopharmaceutiques en agriculture biologique ; l’obligation d’accompagner la recherche et d’indemniser les agriculteurs en cas d’interdiction d’un produit autorisé dans l’Union européenne ; la reconnaissance des retenues d’eau et des bassines comme d’intérêt général majeur, l’eau étant indispensable à toute production agricole,…
M. René Pilato
Raison pour laquelle elle ne doit pas être appropriée par quelques-uns !
M. Hervé de Lépinau
…et enfin un recours temporaire à l’acétamipride pour les filières en crise – noisettes et cerises – quand la lutte contre les ravageurs ne connaît pas d’autre remède.
Cependant, nous restons lucides : certes, ce texte marque une victoire, mais elle n’est que partielle. Il faudra attendre 2027 pour mettre un terme à la concurrence étrangère déloyale, pour instaurer une préférence nationale assumée et pour garantir durablement aux agriculteurs un revenu digne et juste. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Loïc Prud’homme
Et les cancers ?
M. Hervé de Lépinau
Surtout, nous restons vigilants quant au futur de ce texte. Nous n’avons pas oublié ce qui est advenu de la loi d’orientation agricole, que le Conseil constitutionnel avait détricotée et purgée de ses dispositions majeures.
Madame la ministre, la balle reviendra bientôt dans votre camp : ne tardez pas à prendre les décrets d’application nécessaires à la mise en œuvre de ce texte. Vous avez aussi promis de réparer, dans le projet de loi de finances pour 2026, les effets de bord de la loi d’orientation agricole, en particulier sur la question des baux agricoles. Nous vous le disons amicalement : les agriculteurs ne supporteront pas une trahison de plus. (Mme Marie Pochon s’exclame.)
Comme le rappelait très justement l’ancien secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, investir dans l’agriculture, c’est investir dans l’avenir de l’humanité. Chers collègues, il ne s’agit pas seulement d’un texte technique, mais bien de décider du devenir de notre souveraineté alimentaire. Le groupe Rassemblement national a fait le choix de soutenir activement les agriculteurs – eux qui nourrissent notre pays, entretiennent son territoire, défendent notre souveraineté alimentaire. Aujourd’hui comme demain, nous serons à leurs côtés, pour défendre leur droit à produire, à vivre dignement de leur métier et à transmettre leur exploitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc Fugit
Nos agriculteurs font face à un triple défi : produire des aliments de qualité, à bas coût, tout en respectant des normes sanitaires et environnementales parmi les plus exigeantes au monde. Ils nous alertent régulièrement pour nous dire combien leur métier est devenu difficile : trop de normes, trop de contrôles, trop d’injonctions contradictoires. D’autant que les agriculteurs subissent déjà les effets du changement climatique. Je pense à l’augmentation des aléas extrêmes – gel, grêle, sécheresse – mais aussi à l’arrivée d’espèces invasives, qui complexifient encore davantage leur travail, comme me le rappellent souvent les arboriculteurs et les éleveurs du Rhône, que je salue.
La volonté de notre groupe est d’apporter des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par les agriculteurs.
M. Jean-François Coulomme
En s’attaquant aux symptômes, pas aux causes !
M. Jean-Luc Fugit
En mai 2023, mon groupe a fait adopter une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole. En janvier 2025, le Sénat a adopté la présente proposition de loi, dont l’article 2 visait notamment à réautoriser l’usage de l’acétamipride. Trois options s’offraient alors à nous. La première conduisait à fermer la porte à toute réautorisation de cette substance, au mépris de nos engagements pris à l’égard des agriculteurs concernant les surtranspositions, avec le risque de voir des filières sans solution disparaître. La deuxième revenait à accepter la proposition initiale des sénateurs, qui voulaient d’une part réautoriser l’acétamipride sans condition et d’autre part remettre en cause l’indépendance de l’Anses. Cette option, pour nous, n’a jamais été envisageable. Enfin, la troisième consistait à envisager la réautorisation de l’acétamipride dans un cadre dérogatoire de droit commun, identique à ce qui se fait dans d’autres pays d’Europe – je rappelle que l’acétamipride est autorisé par l’Efsa.
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas une raison !
M. Jean-Luc Fugit
Pour répondre aux attentes des agriculteurs en difficulté, c’est en toute responsabilité que ma collègue Anne-Sophie Ronceret et moi-même avons proposé à notre groupe de choisir cette troisième voie. Le texte sur lequel nous allons nous prononcer est différent de celui initialement adopté par le Sénat. Il est le fruit d’un travail constructif mené en commission des affaires économiques avec le rapporteur Julien Dive, puis en commission mixte paritaire, qui a tenu compte des orientations adoptées en commission.
Je souhaite revenir sur les points saillants du compromis trouvé avec le Sénat.
L’article 1er, qui comporte des mesures en faveur de l’assouplissement de la séparation de la vente et du conseil relatif aux produits phytopharmaceutiques, a été grandement clarifié et amélioré. Cet article permet le maintien de la séparation des activités de vente et de conseil pour les producteurs de produits phytosanitaires et la suppression de la séparation de ces mêmes activités pour les distributeurs. In fine, cet article garantira aux agriculteurs une meilleure compréhension des coûts associés à chaque service en leur permettant de faire des choix éclairés, indépendants et objectifs.
L’article 2, outre la réautorisation de l’acétamipride, vise à interdire dès 2026 la fabrication, le stockage et la circulation de produits contenant des substances interdites par l’Union européenne. Il vise aussi à inscrire dans la loi, à notre demande, le comité des solutions à la protection des cultures, lancé en mars 2024 par le gouvernement de Gabriel Attal, qui réunit et fait dialoguer agriculteurs, chercheurs, instituts techniques et divers ministères autour d’un objectif partagé : identifier les impasses et faire émerger des solutions de rechange durables et soutenables.
M. François Cormier-Bouligeon
Excellent !
M. Jean-François Coulomme
L’impasse, c’est vous !
M. Jean-Luc Fugit
Les articles 3 et 4 viennent, quant à eux, alléger des contraintes bien identifiées, avec la simplification des démarches en matière d’élevage et la possibilité de recours contre les évaluations de pertes de récoltes. Voilà du concret, très attendu par les exploitants agricoles.
S’agissant des dispositions de l’article 5, relatives à la gestion de la ressource en eau – un enjeu fondamental pour l’agriculture –, nous sommes satisfaits du compromis trouvé. La qualification d’intérêt public majeur pour les ouvrages de stockage de l’eau marque une avancée importante ; elle a été modifiée conformément à nos vœux, en retirant du texte la création d’une nouvelle catégorie de zones humides qui aurait entraîné leur dégradation. Néanmoins, nous regrettons que notre proposition de protection des captages d’eau n’ait pas été retenue.
Chers collègues, depuis la crise du début de l’année 2024, les gouvernements successifs et le Parlement se sont mobilisés pour apporter aux agriculteurs des réponses concrètes : les mesures d’urgence prises par le gouvernement de Gabriel Attal ; les mesures budgétaires défendues par Mme la ministre ; l’adoption de la loi d’orientation agricole, largement soutenue par notre assemblée ; enfin, la loi relative à l’utilisation des drones d’épandage.
La présente proposition de loi vient compléter cet ensemble, en apportant de nouvelles réponses pour aider les agriculteurs à exercer leur métier dans des conditions dignes et durables. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République votera, dans sa grande majorité, en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
« Porter atteinte à la qualité des sols, de l’eau et de la biodiversité, c’est détruire l’outil de travail des agriculteurs. » Je prononçais ces mots dans cet hémicycle, le 19 février 2025. Mais vous n’écoutez pas.
Christian, agriculteur décédé depuis d’une maladie liée aux pesticides, se demandait : comment peut-on continuer à faciliter leur utilisation, alors qu’ils bousillent la vie des agriculteurs ? Mais les victimes des pesticides, vous ne les écoutez pas. Je salue les membres du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, présents dans les tribunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
L’Anses a signalé les effets neurotoxiques potentiels de l’acétamipride chez les enfants, les femmes enceintes et les travailleurs agricoles. Mais les scientifiques, vous ne les écoutez pas.
Alors que 80 % des insectes volants ont disparu d’Europe ces trente dernières années à cause des néonicotinoïdes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR), les apiculteurs s’inquiètent du retour de l’acétamipride, tueur d’abeilles. Mais les apiculteurs, vous ne les écoutez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
« Les agriculteurs, les riverains et les citoyens ne veulent plus servir de cobayes », alertent 1 200 médecins face à l’impact des pesticides. Mais les médecins qui donnent l’alerte, vous ne les écoutez pas.
Le Conseil d’État confirme le bien-fondé scientifique de l’interdiction de l’acétamipride et d’autres néonicotinoïdes. Mais les juges, vous ne les écoutez toujours pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Agriculteurs, victimes de pesticides, apiculteurs, scientifiques, économistes, médecins, juristes : que vous faut-il de plus pour cesser de soutenir les lobbys des pesticides ? (Mêmes mouvements.) Ces substances contaminent tous les milieux : l’eau, le sol, l’air, les aliments. Beaucoup d’entre nous sont parents. Chers collègues, n’êtes-vous pas inquiets du futur que nous laissons à nos enfants, présents et à venir ? (Mêmes mouvements.) Lorsque je me promène avec mon enfant et que je croise un pulvérisateur autoporté dans un champ, je crains pour sa santé. Je pense à Eliott, 9 ans, atteint d’une leucémie causée par les pesticides pulvérisés à côté de sa maison. Je pense à Emmy, 11 ans, décédée des suites d’un cancer causé par l’exposition de sa maman aux pesticides, lors de sa grossesse. Laure nous écoute, depuis les tribunes ; je salue sa force et son courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. René Pilato
Vous avez du sang sur les mains, chers collègues !
Mme Mathilde Hignet
Cette proposition de loi est la béquille d’un système agro-industriel à bout de souffle. Si l’agrochimie veut continuer à faire n’importe quoi avec nos vies, qu’elle en assume les conséquences. Avec mon groupe, nous déposons une proposition de loi visant à améliorer la reconnaissance et l’indemnisation des maladies professionnelles liées aux pesticides. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Les victimes n’ont pas à subir la double peine – la maladie et le parcours du combattant pour la faire reconnaître.
Finalement, la question centrale du prix juste et de l’alimentation saine ne sera jamais posée. Il y a deux ans, au Salon de l’agriculture, le président Macron promettait des prix rémunérateurs. Il a menti, encore une fois.
M. Matthias Tavel
Eh oui !
Mme Mathilde Hignet
En affirmant que les pesticides sont indispensables à l’agriculture, vous oubliez ceux qui produisent une alimentation saine et de qualité en agriculture biologique. Celles et ceux qui, il y a trente ans, comme mes parents, se battaient pour prouver la viabilité de leur exploitation en bio, sont toujours méprisés aujourd’hui. (Mêmes mouvements.) La preuve, le gouvernement supprime les financements du fonds Avenir bio et de l’Agence bio. À quoi bon soutenir les solutions de remplacement des pesticides ?
Ce qui a fait la plus-value de la production française, c’est l’agriculture à taille humaine, créatrice d’emplois, rémunératrice, respectueuse de l’environnement. (Mêmes mouvements.)
Mme Danielle Brulebois
N’importe quoi !
Mme Mathilde Hignet
Mais encore une fois, ce texte favorise la production à outrance, l’agrandissement des élevages au détriment de l’installation, alors que 30 % des élevages français ont disparu entre 2010 et 2020. La concurrence déloyale, qui leur est imposée par les accords de libre-échange, tue les élevages. (Mêmes mouvements.) Le dépôt de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est imminent.
J’ai du mal à croire que ce soit un hasard si ce texte prévoit de faciliter l’agrandissement des élevages – surtout quand on sait que l’opposition du gouvernement à cet accord n’est que de façade, lui qui n’a jamais souhaité aller jusqu’au bras de fer avec l’Union européenne.
Le relèvement des seuils des élevages classés pour la protection de l’environnement ne permettra pas de concurrencer l’importation de viande brésilienne (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ) et aura plutôt pour effet de continuer de dégrader la situation sanitaire des élevages – influenza aviaire, maladie hémorragique épizootique (MHE), fièvre catarrhale ovine (FCO) et, aujourd’hui, dermatose nodulaire.
Mme Marie Mesmeur
C’est hypocrite !
M. Rodrigo Arenas
Et dangereux !
Mme Mathilde Hignet
Comme d’autres, j’ai subi des intimidations visant à me faire soutenir ce texte.
Mme Élise Leboucher
La honte !
Mme Mathilde Hignet
Je dénonce ces méthodes odieuses, sur lesquelles le ministère de l’agriculture a malheureusement gardé le silence : la peur ne doit pas dicter le vote des représentants du peuple. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Assez de discours creux et de reculades sur l’écologie ! En tant qu’élus de la nation, l’intérêt général doit être la boussole de nos choix.
Voter pour ce texte ou s’abstenir, c’est cautionner la disparition des fermes à taille humaine qui maillent nos territoires. Voter pour ce texte ou s’abstenir, c’est cautionner un modèle qui empoisonne les terres, la biodiversité, les agriculteurs, les citoyens et nos enfants. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Chantal Jourdan applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Inaki Echaniz
Dis-leur, Dominique !
M. Dominique Potier
Dans une grande démocratie, on ne prive pas l’Assemblée nationale d’un débat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
À qui la faute ?
M. Dominique Potier
Dans une grande démocratie, le Parlement n’est pas comptable des promesses faites par un premier ministre sur une botte de paille lors d’une manifestation agricole. Dans une grande démocratie, on ne fracture pas le lien entre une profession – celle d’agriculteur – et le reste de la société. (M. Inaki Echaniz et Mme Marie Pochon applaudissent.)
Dans une grande démocratie, on débat, on cherche la vérité et on cherche à réconcilier.
M. François Cormier-Bouligeon
Ça va bien !
M. Dominique Potier
Je le dis avec force : cette proposition de loi, dans tout son itinéraire, a été une entrave à la vraie, à la belle démocratie. La seule victoire dont nous pouvons nous prévaloir, dans ce débat chaotique, est la préservation de l’Anses (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC), menacée dès 2023. C’est le sens de la commission d’enquête demandée par le groupe Socialistes et apparentés qui, sur cinquante pages et en se fondant sur la lecture de milliers de pages de documents, a argumenté en faveur de son indépendance – une conquête de 2014 sur laquelle nous avons failli revenir. L’Anses est protégée et je tiens à saluer ici l’engagement personnel du rapporteur, dans les débats houleux que nous avons eus, sur ce point essentiel – c’est le seul gage que je lui donne : nous n’avons pas démonté l’Anses. C’est une garantie pour l’avenir.
Pour le reste, particulièrement en matière de phytopharmacie, la conviction des socialistes est que ni l’opinion ni le marché ne doivent dicter les arbitrages : seules la science et la démocratie peuvent le faire. (Mêmes mouvements.) Pour régler ces questions, nous appelons de nos vœux une Anses renforcée et de plus en plus européenne, faute de quoi nous ne cesserons de nous exposer à des récits apocalyptiques et de fracturer notre pays. Sans une ligne ainsi fixée, nous ne pourrons pas nous confronter aux questions posées par la phytopharmacie – par l’acétamipride et par tous les produits que seront examinés dans le futur.
En matière d’eau et d’élevage, nous avons fait preuve d’ouverture. Il existe, dans notre pays, un vrai problème d’entrée de gamme. L’accès à l’eau sera également, demain, un autre problème. Sans prise en compte de l’agronomie en matière d’élevage, les concentrations peuvent provoquer des dégâts irréversibles pour l’environnement. Les élevages, quelle que soit leur forme, doivent continuer à être pilotés par des paysans, et non par des firmes.
Sans démocratie territoriale et sans étude scientifique, il est vain de promettre aux paysans que le stockage de l’eau est d’intérêt général majeur – c’est, encore une fois, fracturer la société, créer des illusions et susciter des controverses.
L’essentiel, pourtant, est ailleurs. Depuis quelques mois, la droite et l’extrême droite mènent campagne sur le thème de la simplification, qui n’est en réalité porteuse que de dérégulations. Ces dérégulations socio-économiques font des ravages, créent des inégalités et nous font perdre pied, dans nos campagnes, sur les questions de souveraineté alimentaire et, tout simplement, de justice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
La simplification et la dérégulation sont devenues les armes de la droite. Au-delà des lois symboliques et totémiques qui sont les nôtres, elles portent atteinte au pacte vert. Le rejet, en 2023, du règlement SUR (règlement sur l’usage durable des pesticides) en matière de phytopharmacie, a été une première alerte. Ces dernières semaines, l’abandon en catimini à Bruxelles de toutes les conditionnalités, ainsi que leur renvoi au niveau national selon un principe de subsidiarité, signent un échec complet de ce qu’ont été les orientations – mêmes timides – de la politique agricole commune.
Passé le bruit et la fureur de la proposition de loi Duplomb, nous allons nous retrouver confrontés à ces deux réalités tragiques que sont le mur climatique et la falaise démographique. Quand nous aurions besoin d’un grand architecte, d’un Pisani, nous avons la loi Duplomb : c’est dramatique. (Mêmes mouvements.)
J’en appelle à votre courage ! On nous a sans cesse sommés de choisir entre la productivité agricole et la décroissance ; mais il n’y a pas un scientifique, pas un paysan de bonne foi, qui ne sache qu’il n’y aura pas de productivité demain sans protection des écosystèmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Nous refusons cette dichotomie imbécile qui nous conduit dans le mur ; nous devons défendre l’un et l’autre.
Pendant que vous créez ces fractures factices, vous oubliez l’essentiel : les questions de justice économique. Nous vous mettons au défi – vous, madame la ministre, mais aussi toute la droite et, au-delà, l’ensemble des forces politiques et professionnelles : êtes-vous prêts à combattre les véritables entraves au métier d’agriculteur ? Êtes-vous prêts à lutter contre l’explosion et la dérégulation du foncier (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC), contre l’explosion du prix des machines et des intrants, contre notre dépendance à ces produits – qui menace notre souveraineté – et contre notre incapacité totale à suivre les lignes de l’agroécologie ?
Nous vous proposons un grand combat, à travers une loi de programmation de l’élevage : la décapitalisation de l’élevage est le vrai drame de l’agriculture. Sans une telle loi, il n’y aura pas d’agroécologie ni de souveraineté alimentaire. Nous passons à côté de tous ces combats, quand nous devrions être conduits par un projet d’avenir vers le progrès, vers une aventure, vers une épopée – au lieu de quoi nous sommes en pleine régression, au milieu des polémiques. C’est un désastre.
Nous sommes contre la proposition de loi Duplomb, mais nous sommes disponibles pour les combats qu’il faudra livrer au nom de la justice économique, afin que soit préservé l’avenir de nos espaces ruraux et de nos paysans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Philippe Brun se lève pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers
Enfin ! Nous ne sommes plus qu’à quelques minutes d’un vote crucial pour l’avenir de notre agriculture. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un vote qui nous permettra de donner au monde agricole des solutions concrètes, viables et durables.
M. Matthias Tavel
Ça sonne faux, vous n’y croyez pas vous-même !
M. Guillaume Lepers
Un vote qui, enfin, redonnera de l’espoir et des perspectives à ceux qui nous nourrissent.
Mme Élise Leboucher
Quel espoir ?
M. Guillaume Lepers
Avant de monter à cette tribune, je repensais aux manifestations de janvier 2024. Elles ont pris naissance dans mon département, le Lot-et-Garonne. Alors maire, j’ai vu, entendu et ressenti la détresse de nos agriculteurs, leur sentiment d’abandon ainsi que leur lassitude face à une réglementation kafkaïenne et une administration sourde.
Depuis trop longtemps, notre agriculture est à bout de souffle. Elle est cernée par des normes de plus en plus complexes, paralysée par les surtranspositions des exigences de l’Union européenne et exposée à une concurrence étrangère souvent déloyale. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.) Nous en connaissons les résultats : exploitations qui ferment, vocations qui s’éteignent et territoires ruraux qui se désertifient.
M. Benoît Biteau
Ça va être pire encore !
M. Guillaume Lepers
Malgré les tentatives de certains dans cet hémicycle – on les entend encore –…
M. Jean-François Coulomme
Et vous les entendrez toujours !
M. Guillaume Lepers
…pour empêcher l’examen de ce texte, nous avons tenu bon. Je tiens à remercier Mme la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, le rapporteur Julien Dive…
M. Ian Boucard
Excellent !
M. Guillaume Lepers
…ainsi que le sénateur Laurent Duplomb, auteur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Ce texte est d’abord un texte de responsabilité qui redonne de la cohérence à un système réglementaire devenu fou. Ainsi, l’acétamipride est interdit en France, alors que l’Union européenne l’a autorisé jusqu’en 2033. En 2024, plus de la moitié de la récolte de noisettes a été détruite, faute de solution de substitution efficace, ce qui a mis en péril plus de 300 producteurs dans le Lot-et-Garonne. Pendant ce temps, les noisettes turques, traitées avec des produits interdits chez nous, nous inondent : c’est une aberration. (Mêmes mouvements.)
M. Matthias Tavel
Dites donc, ce n’est pas votre parti qui préside la Commission européenne ?
M. Guillaume Lepers
Contrairement à ce que certains voudraient nous faire croire, l’article 2, adopté en CMP, ne réintroduit pas les néonicotinoïdes. Il encadre, il cible, il offre des bouffées d’air frais à des filières confrontées à une impasse sanitaire.
Mme Karine Lebon
Bah voyons !
M. Guillaume Lepers
Je pourrais également vous parler de la situation de la filière de la pomme, de celle de la cerise et bientôt de celle de la prune.
M. Jean-Claude Raux
Et de celle de la betterave ?
M. Guillaume Lepers
Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un sursaut de lucidité.
C’est également un texte de compétitivité qui allège les procédures administratives, fluidifie les démarches liées aux installations classées, notamment pour les élevages, et favorise le développement de l’assurance récolte sur les prairies – outil devenu essentiel face à la fréquence accrue des aléas climatiques. Il propose une gestion plus rationnelle, plus rapide et plus efficace.
C’est, enfin, un texte de pragmatisme qui revient sur certains des effets contre-productifs de la loi Egalim. La séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires avait fait disparaître le conseil de proximité, affaibli l’innovation et rendu plus compliquée la vie des exploitants. Le texte issu de la CMP réautorise le conseil en matière de produits de biocontrôle et introduit la notion de conseil stratégique global.
Ce texte ne tourne pas le dos aux enjeux environnementaux, bien au contraire.
M. Jean-Claude Raux
Allons bon !
M. Guillaume Lepers
Il les rend applicables, concrets et compatibles avec les réalités du terrain. Il vise à restaurer la confiance entre les agriculteurs et notre administration.
M. Pierre Pribetich
Et à faire exploser le nombre de cancers !
M. Guillaume Lepers
Nos agriculteurs et notre agriculture n’ont plus besoin de compassion, mais de solutions : il n’y a pas d’avenir pour notre pays sans nos paysans.
Ce texte, on le sait, ne résoudra pas tous les problèmes auxquels le monde agricole est confronté. Il reste encore beaucoup de travail à accomplir, notamment au sujet du revenu des agriculteurs…
M. Matthias Tavel
Ah ! C’est pour plus tard, alors ?
M. Guillaume Lepers
…et à celui des nombreuses surtranspositions qui les pénalisent. Il nous faudra rester vigilants au sujet des accords entre l’Union européenne et le Mercosur. Ce texte a cependant le mérite de mettre fin à la logique punitive qui a prévalu jusqu’à présent : c’est un changement de logiciel bienvenu.
Le groupe Droite républicaine défend une agriculture libre, compétitive, respectée et fière.
M. Jean-Claude Raux
Et saine !
M. Guillaume Lepers
Voilà pourquoi nous continuerons de veiller avec attention à la défense du monde paysan, et pourquoi nous voterons avec force et détermination en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
On retiendra que c’est au lendemain d’une canicule classée rouge et au moment même où nos pompiers combattent les flammes, tandis que des habitants de Marseille et de Narbonne sont confinés chez eux pour échapper aux incendies…
M. Jean-Luc Bourgeaux
Quel rapport ?
Mme Delphine Batho
…que l’Assemblée nationale se prononce sur la proposition de loi Duplomb, du nom du sénateur qui considère que le réchauffement climatique – je le cite – « apporte plus d’avantages que d’inconvénients ». (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Voilà qui résume l’obscurantisme de ce texte ! Je tiens à saluer la combativité du groupe Écologiste et social et celle de tous les députés opposés à ce texte, quels que soient leurs bancs, ainsi que toutes les forces de la société civile mobilisées contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Alors que la loi Duplomb était camouflée derrière le verbiage de la levée des contraintes, et qu’elle aurait dû passer comme une lettre à la poste, malgré la manipulation inédite de la motion de rejet pour empêcher le débat,…
M. Didier Le Gac
À cause de qui le débat a-t-il été empêché ?
Mme Delphine Batho
…grâce à vous, tout le monde a bien compris qu’il ne s’agit pas d’une loi destinée à aider l’agriculture, mais d’une loi d’empoisonnement alimentaire.
Le gouvernement a perdu la bataille de l’opinion. Vous avez perdu les scientifiques, les malades des pesticides, les apiculteurs, et toutes celles et tous ceux qui aiment la nature et qui, du plus profond de leur être, ressentent qu’il n’y a qu’une seule santé et que notre destin est uni à celui des sols, de la terre, des arbres, des oiseaux, des insectes et des cultures dont nous nous nourrissons et de l’eau que nous buvons. (Mêmes mouvements.)
Cette loi-poison n’est pas simplement un recul environnemental de plus parmi d’autres : c’est le feu vert donné à la déconstruction écologique. C’est le retour du poison des néonicotinoïdes qui tuent les insectes pollinisateurs et intoxiquent les bébés dans le ventre de leur mère.
M. Rodrigo Arenas
Exactement !
Mme Delphine Batho
C’est l’interdiction d’interdire les pesticides dangereux, qui provoquent des épidémies de cancers et de maladies liées aux pesticides mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens ou aux PFAS – les substances per- ou polyfluoroalkylées.
M. Rodrigo Arenas
C’est vrai !
Mme Delphine Batho
C’est une atteinte portée à l’Anses, atteinte qui, si elle ne sera pas dans la loi, sera dans le décret, comme l’a confirmé la ministre de l’agriculture.
Mme Sophie Taillé-Polian
Exactement !
M. Rodrigo Arenas
Honteux !
Mme Delphine Batho
Ce sont les fermes usines, avec leur cortège de risques sanitaires et d’algues vertes, c’est la maladaptation au changement climatique pour la ressource en eau.
Ce texte rétrograde s’attaque tous azimuts à l’édifice des règles édictées pour protéger la salubrité publique et la biodiversité. Voilà pourquoi j’ai parlé de trumpisme à la française :…
Mme Sophie Taillé-Polian
Absolument !
Mme Delphine Batho
…comme Trump qui sort de l’accord de Paris, vous voulez sortir de la Charte de l’environnement de Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. François Cormier-Bouligeon s’exclame.)
Il faut reconnaître au président des Républicains et ministre de l’intérieur le mérite d’assumer clairement son projet politique antiécologie sous la pression de l’extrême droite, comme à la ministre de l’agriculture celui de revendiquer son soutien à la pétrochimie des pesticides – quand le ministre de la santé ose prétendre, lui, qu’il n’existe pas de preuve de la toxicité de ces derniers pour la santé humaine. (« Une honte ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Désormais, les faits ne sont plus les faits, la science n’est plus la science, les données et les alertes des scientifiques, des médecins et des sociétés savantes sont balayées d’un revers de la main.
M. René Pilato
Vous êtes des trumpistes !
Mme Delphine Batho
Comme partout en Europe, les milieux économiques se mobilisent pour briser tout compromis. Il n’y a plus de limite, plus de règle ; malheur aux plus faibles ! Aujourd’hui, c’est la soumission à l’agrochimie, l’alignement sur la concurrence déloyale ; demain, cela vous servira à faire accepter à notre pays l’accord avec le Mercosur.
Face aux destructeurs, la bataille de la santé environnementale ne fait que commencer. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Élue d’un territoire rural, je l’affirme : dans nos campagnes, on ne demande pas plus de pesticides, plus d’élevages industriels, plus de captages d’eau potable qui ferment, plus de cancers des agriculteurs, plus d’enfants malades ou moins de pollinisateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Nous voulons que les revenus des agricultrices et des agriculteurs soient garantis et protégés de la concurrence déloyale ;…
M. Jean-François Coulomme
Et des agriculteurs vivants, surtout !
Mme Delphine Batho
…nous voulons des ruches qui bourdonnent, des campagnes pleines de vie, et non un éternel printemps silencieux ; nous voulons des enfants en pleine santé, une alimentation saine accessible à toutes et tous.
M. Emeric Salmon
Et moins d’écolos !
Mme Delphine Batho
Nous voulons en finir avec le poison de la malbouffe et des pesticides dans nos assiettes.
M. Rodrigo Arenas
Pas eux, malheureusement !
Mme Delphine Batho
L’empoisonnement alimentaire inscrit dans ce texte touchera tous les Français sans distinction politique – de gauche, de droite, du centre, peu importe. Ces clivages seront emportés par la nécessité, que tout le monde ressent, de protéger la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
C’est une certitude : quel que soit le résultat du vote, cette loi finira dans les poubelles de l’histoire (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR), et l’offensive contre la santé et l’écologie sera défaite dans les années à venir.
M. Sylvain Berrios
Et vous avez fait quoi quand vous étiez ministre ?
Mme Delphine Batho
Le groupe Écologiste et social votera avec force contre la proposition de loi Duplomb. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, dont plusieurs députés se lèvent, et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La conférence des présidents a décidé qu’il serait procédé à un scrutin public sur la proposition de loi. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
C’est avec beaucoup d’humilité que je m’adresse à vous, ici, dans cette assemblée. En tant que député, comme tous les membres de mon groupe, j’ai à cœur d’apporter des solutions concrètes aux défis de la souveraineté alimentaire et de la transition. (Mme Élise Leboucher s’exclame.)
Mais je parle aussi en tant qu’agriculteur engagé. Ne nous voilons pas la face : ce texte soulève un débat important sur un sujet fondamental de notre quotidien – celui de la production agricole, donc de notre alimentation. Même si c’est compréhensible, compte tenu des enjeux, il est regrettable de constater que le débat a trop souvent été accaparé par ceux qui s’emploient à opposer agriculture et environnement, environnement et agriculture. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Christophe Blanchet
Très bien !
M. Éric Martineau
Ce n’est dans l’intérêt de personne d’alimenter ces clivages, alors que nous avons un besoin impératif de réconciliation, sur ce sujet comme sur tant d’autres. C’est pourquoi je salue celles et ceux qui ont fait le pari du dialogue et du compromis dans cet hémicycle. Cette voie est sans doute plus exigeante, moins confortable, mais c’est la seule qui permette de dépasser les postures et d’aboutir à des solutions. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans cet esprit, je remercie tout particulièrement mes collègues, Marc Fesneau et Julien Dive, rapporteur du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.) Grâce à eux, et à d’autres, l’Assemblée nationale – bien que privée de débat par l’obstruction d’une partie de la gauche – a pu faire valoir ses positions.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Éric Martineau
Les négociations en commission mixte paritaire ont abouti, et nous disposons désormais d’un texte largement enrichi par rapport à sa version initiale…
Mme Manon Meunier
Pas du tout !
M. Éric Martineau
…et dont des équilibres reflètent le travail sérieux mené en commission.
M. Jean-François Coulomme
Mytho !
M. Éric Martineau
C’est à l’Assemblée nationale que nous avons voté des mesures permettant de garantir l’indépendance de l’Anses. C’est essentiel afin que la science – et la science seulement – éclaire les décisions publiques. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) C’est aussi ici que nous avons interdit, à compter de 2026, la production, le stockage et la circulation de substances actives interdites en Europe. Ainsi, la France n’exportera plus de pesticides interdits en Europe – sur tous les bancs, nous pourrions reconnaître qu’il s’agit d’une avancée, attendue depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR. – Mme Élise Leboucher s’exclame.)
C’est aussi l’Assemblée nationale qui a permis de revenir sur la modification de la hiérarchie des usages de l’eau, qui risquait d’affaiblir la protection des zones humides.
La dérogation concernant l’acétamipride soulève, légitimement, des interrogations. Mais là encore, il est nécessaire d’ouvrir le débat sans dogmatisme, sans injonctions.
M. Jean-François Coulomme
Ce n’est pas ce que vous faites !
M. Éric Martineau
Il faut entendre le désarroi des agriculteurs français, qui se retrouvent sans solution face à des concurrents européens n’hésitant pas à utiliser ce que nous avons choisi d’interdire – des produits que nos propres consommateurs achètent.
Rappelons que l’interdiction de cette substance repose sur une décision politique. Si nous avions écouté la science, nous n’en serions pas là. Que faire ? Devons-nous fermer nos frontières aux autres pays de l’Union européenne ? Le groupe Les Démocrates s’y oppose fermement, conscient de la puissance de ce marché commun de près de 450 millions de consommateurs, et de la nécessité pour notre agriculture d’exporter.
Mais devons-nous pour autant ignorer les impasses bien réelles de certaines filières – comme la noisette –, au risque de voir notre souveraineté alimentaire s’affaisser et certaines productions disparaître de nos territoires ?
Le texte définit une dérogation strictement encadrée – conditionnée à la recherche d’alternatives, jamais accordée par convenance, et toujours limitée dans le temps. Là encore, c’est grâce au travail de l’Assemblée nationale que nous y sommes parvenus. Je veux également saluer l’interdiction temporaire de cultiver des plantes mellifères à partir de semences traitées avec de l’acétamipride, obtenue par notre rapporteur.
Enfin, ce texte comporte des avancées importantes et structurantes pour notre souveraineté alimentaire. Je pense notamment aux mesures concernant les élevages soumis à la réglementation ICPE, indispensables pour permettre l’émergence de nouveaux projets, alors que nous ne sommes pas souverains dans certaines filières. C’est sans doute l’un des piliers du texte.
Je pense aussi aux dispositions relatives au stockage de l’eau, condition sine qua non pour produire. Dans un contexte de dérèglement et de réchauffement climatiques, il faut concevoir des usages partagés.
Malgré les débats parfois vifs qu’il a suscités, ce texte n’est ni la caricature dénoncée par certains, ni la réponse miracle à toutes les difficultés que traverse notre agriculture. Madame la ministre, vous le savez : les enjeux sont plus profonds, globaux et stratégiques. Je pense en particulier à la future PAC et à son budget, aux accords commerciaux, et à l’ensemble des leviers que nous devons mobiliser pour accompagner nos agriculteurs face aux crises climatiques.
Sur ces sujets, notre groupe sera vigilant. Pour soutenir nos agriculteurs, la majorité des députés du groupe Les Démocrates votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari
Nous nous apprêtons à nous prononcer sur un texte qui, dès son dépôt, a suscité passions, caricatures et contrevérités. La proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb est née d’une conviction simple : nos agriculteurs méritent mieux que la défiance permanente dont ils sont parfois les cibles.
M. Loïc Prud’homme
Le cancer pour tous !
M. Henri Alfandari
Depuis trop longtemps, nous laissons prospérer l’idée fausse selon laquelle un agriculteur serait par essence un pollueur, un empoisonneur. Cette vision est injuste et dangereuse. Elle oublie que nos agriculteurs nourrissent la France, entretiennent nos paysages, façonnent nos campagnes et portent une responsabilité immense dans la souveraineté alimentaire de notre pays.
Dans sa version issue de la commission mixte paritaire, ce texte est parvenu à un équilibre. Certes, la proposition de loi initiale pouvait paraître brutale – elle visait à envoyer un signal fort en levant des contraintes parfois absurdes, qui découragent celles et ceux qui travaillent la terre.
Mais le texte final est le fruit d’un dialogue approfondi entre l’Assemblée et le Sénat. Il confirme l’indépendance de l’Anses et réaffirme l’interdiction générale des néonicotinoïdes. Il ne fait aucun cadeau aveugle : les dérogations qu’il prévoit sont strictement encadrées, temporaires et contrôlées. Elles évitent les surtranspositions que nous disons tous vouloir combattre.
Ce texte n’ouvre en rien la voie à un usage incontrôlé des pesticides, comme certains le prétendent. Il vise uniquement à donner aux agriculteurs les moyens de ne pas perdre leurs cultures face à des menaces imprévues, sans compromettre la sécurité, dans un cadre rigoureusement réglementé.
De même, sur l’eau, sur l’élevage, sur la lutte biologique, ce texte adapte, clarifie, simplifie ; il est compatible avec une agriculture viable et durable.
S’agissant précisément de l’eau, il n’y a pas d’agriculture sans eau – il n’y a d’ailleurs pas de vie sans eau. Le changement climatique a déjà des conséquences sur l’accès à la ressource, et l’augmentation des températures va mécaniquement accroître les besoins pour les cultures, comme pour les animaux d’élevage.
Il nous faut donc anticiper pour maintenir notre capacité à produire, en mobilisant l’ensemble des leviers disponibles : amélioration génétique pour créer des plantes moins consommatrices, efficience des réseaux, réutilisation des eaux usées traitées, évolution des pratiques culturales et stockage.
L’article 5 de la proposition de loi prévoit la reconnaissance de l’intérêt général majeur des projets de stockage d’eau dans les zones en déficit hydrique, afin de sécuriser notre potentiel agricole tout en préservant la ressource et en garantissant son juste partage. Cette présomption d’intérêt général majeur est ciblée : elle concerne uniquement des zones identifiées comme déficitaires et s’inscrit dans le respect strict du droit européen et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est la garantie que l’exception ne devienne pas la règle.
Ainsi, le texte encadre ces projets : ils doivent répondre à un enjeu réel de stress hydrique pour l’agriculture, être décidés localement dans un cadre concerté et garantir un usage efficient de l’eau. C’est la logique même de la gestion de l’eau en France – concertation, équilibre, sobriété.
Nous affirmons notre volonté de faire confiance : faire confiance à celles et ceux qui se lèvent tôt pour produire, qui innovent pour réduire leurs impacts, qui cherchent des alternatives plus écologiques et qui veulent pouvoir transmettre leurs exploitations ; faire confiance aux filières, aux scientifiques, aux territoires, aux agriculteurs.
Ce texte vise à soutenir ceux qui font, tout en maintenant les garde-fous indispensables. C’est un appel à cesser de dresser les Français les uns contre les autres – défenseurs de la nature contre paysans –, car qui mieux que nos agriculteurs sait que la terre est précieuse ? Nous devons sortir de l’hystérisation permanente ; la transition écologique ne se fera pas contre nos agriculteurs.
Cette version apaisée, équilibrée et exempte de toute caricature de la proposition de loi Duplomb appelle chacun à ses responsabilités, afin de soutenir l’agriculture française, pilier de notre nation. Le groupe Horizons prendra les siennes. Nous invitons chacun à le faire avec lucidité, et respect pour celles et ceux que nous représentons. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. Julien Dive, rapporteur.
M. Julien Dive, rapporteur
Je remercie les orateurs pour leurs interventions, parfois mesurées, parfois moins. Je voudrais reprendre les mots de l’un d’entre eux, qui s’est exprimé à la tribune : dans une grande démocratie – celle qu’il appelle de ses vœux –, on ne cautionne pas l’asphyxie parlementaire de milliers d’amendements d’obstruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Dans une grande démocratie, on ne peut pas non plus accepter qu’une députée appelle à la destruction d’infrastructures agricoles comme les bassines. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et Dem, et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Jean-Paul Lecoq
Et nos permanences ? Parlez-en, de nos permanences !
M. Julien Dive, rapporteur
Dans une grande démocratie, on débat sur le fond, on évite de brandir les totems et de sombrer dans l’excès.
M. Dominique Potier et M. Jean-Claude Raux
Et les permanences ?
M. Julien Dive, rapporteur
Les permanences, vous avez raison, il faut en parler : nous aussi, nous avons subi des menaces, et même des agressions, parce que notre position différait de la vôtre.
Dans une grande démocratie, on respecte les opinions de tous : que l’on soit pour ou contre ce texte, cela mérite du respect. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) On ne tombe pas dans la caricature ; on ne fait pas régner une chape de plomb en stigmatisant le vote de certains sur un sujet aussi essentiel que la santé humaine. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-Paul Lecoq
La chape Duplomb, c’est vous !
M. Julien Dive, rapporteur
On ne prend pas à partie une partie du public dans ce débat parlementaire. C’est une façon irresponsable, et même dangereuse, de conduire le débat dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Je remercie nos collègues et le rapporteur pour leurs interventions. Madame la ministre, vous évoquez la déprise agricole. Mais qui peut croire qu’elle serait liée à l’interdiction, depuis huit ans, d’un pesticide mortifère ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Vous le savez, elle est liée à l’absence totale de réglementation et de régulation visant à garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs. (Mêmes mouvements.) Nous n’avons adopté aucune loi pour favoriser l’accès au foncier agricole pour les jeunes agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et Ecos.)
Combien d’accords de libre-échange ont été signés ces dernières années, qui ont exposé nos agriculteurs à la concurrence d’agricultures qui ne respectent pas nos normes sociales et environnementales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Vous prétendez défendre tous les agriculteurs mais dans ce cas, madame la ministre, pourquoi avez-vous, il y a quelques jours, supprimé 257 millions d’euros d’aides aux agriculteurs biologiques ? (Mêmes mouvements.) Vous dites défendre tous les agriculteurs, mais que répondez-vous à la Fédération française des apiculteurs professionnels et à la Fédération nationale d’agriculture biologique, qui sont opposées à cette loi Duplomb ?
M. Alexandre Dufosset
Elles ont tort !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Non, cette loi n’est pas une loi pour tous les agriculteurs et défendue par tous ! (Mêmes mouvements.)
À titre personnel ensuite, ayant travaillé pendant vingt ans comme scientifique à l’Inrae et à AgroParisTech (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), je souscris à ce que disent vingt-et-une sociétés savantes médicales, le conseil scientifique du CNRS, et nombre de collègues de l’Inrae, à commencer par M. Christian Huyghe, directeur scientifique adjoint, pour qui l’acétamipride est le nouveau chlordécone – pour l’Hexagone, cette fois. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, dont la plupart des députés se lèvent.)
M. Patrick Hetzel
Ce que vous dites est faux !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Je m’associe pleinement à mes collègues scientifiques pour dire que cette loi constitue bel et bien une régression environnementale, qui enterre tous les travaux qui ont été menés afin de montrer que l’on pouvait conjuguer productivité agricole et protection de la santé publique et de l’environnement ! Ayez-en conscience ! (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent.)
M. Pierre Cordier
Quand on est passionné, on n’est pas raisonné !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Les agriculteurs nous disent – mais vous ne les entendez pas – combien leur travail est devenu difficile. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Cette proposition de loi ambitionne d’alléger les contraintes qui pèsent sur leur métier.
Mme Béatrice Bellay
C’est une régression !
Mme Annie Genevard, ministre
Ce qui a fait défaut dans nos débats,…
M. Jean-Paul Lecoq
C’est de dire la vérité !
Mme Annie Genevard, ministre
…ce qui vous a fait défaut, préciserai-je, entraînant des dérapages et des caricatures, c’est d’avoir écouté les agriculteurs et ce qu’avait à nous dire l’immense majorité des paysans (Les exclamations persistent sur les mêmes bancs tout au long de l’intervention de Mme la ministre, allant parfois jusqu’à couvrir sa voix).
Avons-nous moralement le droit d’ignorer ces paysans, quand ils supplient qu’on les laisse accéder à l’eau et à des produits qui permettent de sauver les récoltes, quand ils supplient qu’on les laisse moderniser les bâtiments d’élevage, ce qui améliore le bien-être animal ?
En nourrissant comme vous le faites l’opposition entre agriculture et environnement, vous avez fracturé le lien entre la société et les agriculteurs qui la nourrissent. Vous portez, en ayant ainsi caricaturé le débat, une lourde responsabilité, grave et funeste.
M. Jean-Claude Raux
Et vous, vous aurez du sang sur les mains !
Mme Annie Genevard, ministre
Cette loi n’a qu’une ambition, restaurer le lien entre la société et les agriculteurs, rendre leur dignité à ces derniers.
Mme Ségolène Amiot
Mensonge !
Mme Annie Genevard, ministre
Par vos caricatures, vous bafouez cette dignité, ce qui est regrettable. Mais je ne reviendrai pas ici sur tous les mensonges proférés, y compris par Mme la présidente de la commission des affaires économiques, qui a osé prétendre que nous avions supprimé 257 millions d’euros d’aides à l’agriculture biologique ! Madame la présidente, comment pouvez-vous énoncer une telle contrevérité ? C’est factuellement faux ! (Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et EPR.)
Mesdames et messieurs les députés, je vous invite donc à approuver ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et Dem.)
Texte de la commission mixte paritaire
Mme la présidente
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir les amendements nos 1, 2 et 3, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Annie Genevard, ministre
Il s’agit de trois amendements rédactionnels, qui ne modifient en rien le fond du texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Julien Dive, rapporteur
Avis favorable.
(L’amendement no 1, modifiant l’article 1er, et les amendements nos 2 et 3, modifiant l’article 2, sont successivement adoptés.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen des amendements de la proposition de loi.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, telle qu’elle est issue de la commission mixte paritaire, modifiée par les amendements adoptés par l’Assemblée.
Mme Sandrine Rousseau
C’est un moment historique ! Soyez à la hauteur !
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 564
Nombre de suffrages exprimés 539
Majorité absolue 270
Pour l’adoption 316
Contre 223
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN, UDR et Dem.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
6. Maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité
Vote solennel
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive (nos 1148, 1640).
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP)
Monsieur Retailleau : la honte !
M. Patrick Hetzel
On dit « monsieur le ministre » !
M. Vincent Descoeur
Un peu de respect !
M. Antoine Léaument
Le 26 juin, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour contrôle au faciès, donc pour racisme. Qu’avez-vous fait depuis ? Rien. Pire, vous avez déclaré : « La France des honnêtes gens en a marre qu’on l’accuse d’un racisme imaginaire. » Oui, la honte, monsieur Retailleau, car même quand le racisme est sous vos yeux, vous refusez de le voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En vérité, je vous le dis, la France des honnêtes gens ne nie pas le racisme, elle le combat.
Vous avez dit que la France des honnêtes gens ne salit pas son histoire, ne déboulonne pas ses statues, ne démolit pas ses gloires et veut que l’histoire de France soit transmise à l’école.
Puisque vous aimez l’histoire et l’école, voici votre leçon. Dans six jours, le 14 juillet, nous fêterons la prise de la Bastille. Si cette assemblée, ce drapeau, la devise et la Marseillaise existent, c’est parce qu’il y a deux siècles, la France des honnêtes gens a démoli la Bastille et déboulonné la monarchie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La Bastille était la prison dans laquelle le roi enfermait sans procès. Elle représentait le règne de l’arbitraire et de l’exécutif sans partage.
En seriez-vous nostalgique, monsieur Retailleau ? Par cette loi xénophobe, vous décidez que les étrangers peuvent être enfermés sans procès pendant 210 jours sur décision de l’exécutif et sur la base du soupçon : vous avez reconstruit une Bastille réservée aux étrangers. (Mêmes mouvements.)
En vérité, je vous le dis, voter pour ce texte, c’est voter contre la République et ses principes.
M. Patrick Hetzel
Vous refusez de protéger les Français !
M. Antoine Léaument
Constitution, article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu ». Vous bafouez ce principe en détenant arbitrairement les étrangers.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, article 6 : « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. » Vous bafouez ce principe en faisant une loi différente pour les étrangers : vous les punissez davantage, vous les protégez moins.
Monsieur Retailleau, pourquoi faites-vous cela ? Vous le faites par clientélisme électoral, xénophobe et raciste (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), comme vous l’avez fait avec vos rafles contre les étrangers dans les gares. Résultat : des gens ont encore été contrôlés au faciès, en raison de leur couleur de peau.
C’est tellement facile pour vous, qui ne vivez pas les injustices que vous infligez aux autres. Ce n’est pas le clientélisme électoral qui me pousse à parler de ces injustices, puisque les étrangers n’ont pas le droit de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Si je le fais, c’est pour l’honneur et la dignité des étrangers méprisés et insultés, c’est pour l’honneur et la dignité des vrais républicains.
En vérité, je vous le dis, il faut cesser de présenter les étrangers comme des délinquants : ce sont des êtres humains (Mêmes mouvements) et le plus souvent des travailleuses et des travailleurs. Femmes de ménage, agents de sécurité, éboueurs, ouvriers, cuisiniers, plongeurs, livreurs : dans tous ces métiers pénibles et mal payés, les immigrés sont surreprésentés.
M. Ian Boucard
Ils sont mis en danger aussi !
M. Antoine Léaument
Et que dire des médecins et des infirmières qui soignent nos malades et prennent soin de nos anciens ? Vous pourrissez la vie de ces travailleurs, monsieur Retailleau, en leur empêchant l’accès aux titres de séjour qu’ils attendent des mois, voire des années, et qui arrivent déjà périmés.
M. Patrick Hetzel
Vous mélangez tout !
M. Antoine Léaument
Vous le faites aussi par vos mots, en disant que l’immigration n’est pas une chance pour la France. Quelle honte de dire cela quand 20 millions de nos compatriotes ont un aïeul étranger ! J’en suis.
Vous aimez l’histoire de France, monsieur Retailleau, eh bien la voici. C’est celle du Vénézuélien Miranda qui prend part à la bataille de Valmy (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), celle des étrangers naturalisés en 1848 pour avoir fait la révolution et établi la République, celle des 600 000 soldats coloniaux enrôlés de force…
Mme Farida Amrani
Eh oui !
M. Antoine Léaument
…et des 500 000 travailleurs qui font tourner nos usines en 1914-1918, celle des Allemands, Italiens, Espagnols, Polonais ou Arméniens comme les Manouchian, qui rejoignent la Résistance en 1940 (Mêmes mouvements), celle des Algériens, Marocains, Tunisiens, Sénégalais, qui débarquent en Provence pour libérer la France en 1944. (Mêmes mouvements.) Beaucoup sont les enfants de cette grande histoire des combattants de la liberté et des bâtisseurs d’après-guerre venus du monde entier.
Monsieur Retailleau, en disant que l’immigration n’est pas une chance pour la France, c’est vous qui salissez son histoire,…
Mme Marie Mesmeur
Exactement !
M. Antoine Léaument
…car les immigrés ont aidé à sauver la France et à la rebâtir.
Collègues, réagissez ! Voulez-vous vraiment associer votre nom à celui de Mme Le Pen sur un texte contre les étrangers ? Le fascisme arrive toujours à petits pas. Courir après l’extrême droite est mortel car, à force de l’imiter, on finit par lui ressembler. Lisez La Peste d’Albert Camus, lisez Rhinocéros d’Eugène Ionesco !
À tous ceux qui m’écoutent dehors, je dis : « Tenez bon, les mauvais jours finiront ! ». Il y a un an, notre peuple a déjoué tous les sondages.
Mme Farida Amrani
Eh oui !
M. Antoine Léaument
Les racistes ont perdu les élections. Nous les avons battus et nous recommencerons.
Mme Marie Mesmeur
Bravo !
M. Antoine Léaument
Souvenez-vous toujours du sentiment que vous avez eu ce soir-là et qu’ils essaient de vous faire oublier. Par millions, vous vous êtes dit non seulement « on a gagné », mais aussi et surtout « c’est mon pays et il m’aime comme je l’aime ».
Moi, je n’oublie pas les larmes de joie de ceux qui ont pensé devoir quitter la France alors qu’ils y sont nés, qu’ils y ont grandi, qu’ils y ont leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes, comme le dit Charles Aznavour. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Oui, quoi qu’en disent les racistes, ce pays est à nous. Le peuple de France, ce n’est pas CNews, c’est nous. Peu importent notre origine, notre couleur de peau, notre religion ou absence de religion, nous aimons la France parce que c’est notre pays. Nous ne les laisserons pas gagner, pour une raison simple : on est chez nous. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Mme Karine Lebon et Mme Dominique Voynet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Hervieu.
Mme Céline Hervieu (SOC)
Je veux rendre hommage à mon tour, à titre personnel, à notre regretté collègue Olivier Marleix, qui était rapporteur de ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) J’ai eu l’honneur de débattre avec lui. Nous nous sommes opposés dans le respect, nous avons fait valoir des arguments plutôt que des invectives. Nous lui rendons hommage, car il avait effectué un travail sérieux sur ce texte comme sur bien d’autres auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
Très bien, madame Hervieu. Merci pour lui !
Mme Céline Hervieu
Cette initiative législative s’ajoute cependant à la longue liste des textes « un fait divers, une loi ». Faute de laissez-passer consulaires délivrés à temps, on ne peut éloigner des étrangers condamnés par la justice et on laisse en liberté des récidivistes. Toutefois, cette loi ne répondra en rien à notre difficulté à expulser les délinquants étrangers.
Ce texte, plutôt que de donner à l’administration les moyens d’obtenir à temps les laissez-passer consulaires qui permettent l’expulsion recherchée, vise à augmenter la durée maximale de rétention. C’est une proposition démagogique, inutile et qui affaiblit notre État de droit. À titre personnel, je suis très déçue du bloc central, qui a passé un accord avec la droite radicale, avec le Rassemblement national. Je m’inscris dans la lignée de ce que disait M. Antoine Léaument : ce n’est pas en reprenant l’idéologie et les thèses de l’extrême droite que vous allez mieux les combattre.
Ce n’est pas nous, le Nouveau Front populaire, qui le disons.
M. Pierre Cordier
Le Nouveau Front populaire n’existe plus !
Mme Céline Hervieu
Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) explique que ce texte est inutile, inefficace et dangereux et que, depuis quinze ans, on n’a cessé de rallonger la durée de rétention dans les centres, sans améliorer les statistiques et notre capacité à expulser réellement les individus dangereux.
Cette proposition de loi est inutile et coche toutes les cases du mauvais texte. D’abord, elle résulte de l’instrumentalisation d’un fait divers dramatique ayant touché une famille, celui d’une jeune femme violée et tuée par un homme qui était un assassin avant d’être un étranger. Instrumentaliser le corps violenté des femmes est d’autant plus grave que c’est la responsabilité du ministre de l’intérieur de protéger les femmes de ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Or il ne le fait pas – du moins ne peut-il se prévaloir d’aucun résultat –, et cette loi n’y contribuera en rien.
Ensuite, ce texte vient mobiliser des fantasmes xénophobes, comme cela a été dit par mon collègue Léaument, en liant d’une façon indirecte, mais évidente, la question de l’insécurité et celle de l’immigration, comme si les étrangers constituaient par nature une menace, ce qui est loin d’être le cas.
Tous les collègues qui ont visité des centres de rétention administrative (CRA) savent que les personnes qui y sont retenues sont, pour la plupart d’entre elles, bien loin d’être des criminels en puissance. Ce sont des personnes égarées, en difficulté, souvent sociale.
Interprète bénévole dans des CRA pour France terre d’asile, je vois la détresse des gens qui y sont retenus. Ce ne sont pas des violeurs et des assassins, juste des personnes qui sont certes en situation irrégulière, mais qui méritent leur chance. Souvent polytraumatisés, ayant vécu des parcours d’exil extrêmement difficiles et complexes, ils méritent d’être traités autrement que comme des criminels en puissance.
Enfin, c’est un mauvais texte parce qu’il remet en cause notre État de droit en manquant son objectif. Au cours de nos débats, nous n’avons pas abordé – et je le regrette – notre capacité à obtenir les laissez-passer consulaires, qui se trouve au cœur du problème de l’expulsion des criminels en situation irrégulière sur notre territoire. Nous n’avons parlé que de la durée de rétention, qui n’est pas un critère permettant d’expulser des personnes ayant passé cinq ou dix ans en prison. Les maintenir en rétention administrative pendant 40 jours de plus n’arrangera pas la situation.
Pour ces différentes raisons, les socialistes sont résolument opposés à cette proposition de loi et voteront donc contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard (DR)
Je ne peux commencer cette explication de vote sans exprimer une pensée pour notre collègue Olivier Marleix qui était encore assis la semaine dernière à vos côtés, monsieur le président de la commission des lois, sur le banc du rapporteur, pour défendre ce texte avec le sérieux et la précision que chacun lui connaît.
Au moment où l’Assemblée s’apprête à se prononcer solennellement sur cette proposition de loi, je souhaite, au nom du groupe Droite républicaine, expliquer le sens de notre vote.
Nous avons examiné la semaine dernière un texte crucial, déposé par la sénatrice Les Républicains Jacqueline Eustache-Brinio, et déjà adopté par le Sénat. Il vise à permettre le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
Cette proposition de loi répond à une réalité préoccupante : chaque année, plus de 100 000 obligations de quitter le territoire français sont prononcées, mais à peine 11,5 % sont exécutées. Parmi les personnes concernées, certaines ont été condamnées pour des crimes graves : terrorisme, viol, violence aggravée ou trafic de stupéfiants, mais sont relâchées dans nos rues faute de base juridique suffisante pour les maintenir en rétention au-delà de 90 jours.
Cette situation inacceptable alimente un sentiment d’impuissance dans les préfectures, chez nos forces de l’ordre et surtout, elle expose nos concitoyens à des risques extrêmement importants.
Nous ne pouvons plus tolérer qu’un individu condamné pour viol ou pour violence sorte libre d’un CRA juste parce que la loi ne permet pas de le maintenir jusqu’à l’exécution effective de son éloignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
En 2023, plus de 1 200 étrangers condamnés pour des crimes ou délits graves n’ont pu être expulsés à l’issue de leur peine. Il est temps de lutter contre cette impunité insupportable pour les profils les plus dangereux.
La proposition de loi apporte des réponses concrètes et équilibrées. Premièrement, l’extension du recours à la rétention administrative pour les profils les plus dangereux, en élargissant la liste des infractions concernées et en augmentant la durée maximale de rétention à 210 jours, sous contrôle du juge – cette liste a d’ailleurs fait l’objet d’un accord entre plusieurs groupes en commission des lois. Deuxièmement, le renforcement des garanties procédurales, avec un contrôle juridictionnel systématique, le respect des droits de la défense et la traçabilité des conditions de rétention.
Cette loi n’est pas une loi d’exception. Elle ne remet pas en cause l’État de droit. Elle vient au contraire donner enfin à nos forces de sécurité, à nos magistrats et à nos préfets les outils qui leur manquent pour protéger les Français, tout en respectant les droits fondamentaux de chacun. Elle replace la France dans les standards européens de sécurité, alors que nos voisins, parmi lesquels l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume-Uni, disposent déjà de dispositifs plus sévères pour maintenir en rétention les étrangers dangereux.
Cette loi rétablit le principe de responsabilité : un individu condamné pour des faits graves ne peut pas se prévaloir d’un droit automatique à rester sur notre sol. Il est de notre devoir de protéger nos concitoyens contre la récidive de gens dangereux qui n’ont rien à faire sur notre sol après l’exécution de leur peine.
Je voudrais réagir aux deux explications de vote issues de la gauche que je viens d’entendre. Il faut sans doute une immense grandeur d’âme, un immense cœur pour tenir ces propos. En commission des lois, on nous a dit : nous, on aime tout le monde. Mais nous aussi, nous aimons tout le monde ! Nous ne parlons pas ici des étrangers en général, mais des plus dangereux (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR), de ceux qui présentent une menace pour les Françaises et les Français, mais aussi pour les étrangers que vous avez cités, monsieur Léaument, et que nous sommes les premiers à soutenir, à savoir les femmes de ménage, les ouvriers, les mécaniciens, des personnes que votre raisonnement laisse de côté (Mêmes mouvements.)
Avec les voix de la Droite républicaine, la précédente majorité a interdit, dans la loi « immigration », que des enfants de moins de 16 ans soient enfermés dans des CRA, alors que depuis 2012, la gauche au pouvoir ne l’avait pas fait. Pour notre part, nous souhaitons que les CRA permettent l’éloignement, ce qui est généralement impossible quand il y a des enfants, et allonger la durée de maintien en rétention pour les étrangers les plus dangereux.
Vous caricaturez ce texte et son esprit en laissant croire que n’importe quelle personne en situation irrégulière pourrait être enfermée dans un CRA pendant 210 jours. Ce n’est pas ce qui est écrit dans ce texte, ce n’est pas ce que nous allons voter dans quelques instants. Il faut être honnête lorsque l’on est à cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff.
M. Jérémie Iordanoff (EcoS)
Je ne peux pas commencer cette explication de vote sans avoir un mot pour notre collègue Olivier Marleix, rapporteur de ce texte, pour qui j’ai le plus grand respect. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
L’Assemblée est appelée à se prononcer sur un texte de communication politique – de mauvaise communication, suis-je tenté de dire. Sans apporter de garantie pour notre sécurité, il affaiblit les libertés publiques et crée de la confusion quant au rôle des centres de rétention administrative. Ce texte, qui ne s’appuie sur aucune étude d’impact, prétend assurer notre sécurité en allongeant la durée de rétention administrative pour un nombre conséquent de situations, sans toujours faire le lien avec l’éloignement réel des personnes. Je rappelle que la rétention administrative est une privation de liberté prévue uniquement dans le cadre d’une procédure d’éloignement.
Le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à l’exécution de son départ. La rétention administrative n’a donc pas de vocation répressive et ne devrait pas être assimilée à l’incarcération. C’est à la justice pénale, et à elle seule, de condamner les délinquants et les criminels, pas à l’administration.
Mme Cyrielle Chatelain
C’est vrai !
M. Jérémie Iordanoff
Prolonger la rétention administrative pour tout autre motif que l’éloignement revient à en dévoyer le sens même. On passe ainsi d’un dispositif temporaire en vue de l’éloignement à un instrument de gestion sécuritaire, sans rapport avec l’effectivité des expulsions. Ce glissement est révélateur d’un affaissement des principes du droit pénal – si ce n’est de l’État de droit, monsieur le ministre.
Bien que la durée de la rétention administrative, si on l’examine, soit en augmentation constante – de 45 jours, nous sommes passés à 90, et ce serait maintenant 210 si ce texte était adopté –, le taux de personnes expulsées en sortie de CRA stagne autour de 39 %. Il se trouve que dans les faits, l’immense majorité des expulsions ont lieu dans les tout premiers jours de la rétention administrative, devenant de plus en plus rares par la suite. Ce n’est pas la durée de rétention qui pose problème, mais l’obtention des laissez-passer consulaires. Sans ce document délivré par le pays d’origine, aucune expulsion n’est possible. Ce n’est donc pas en affaiblissant la diplomatie française que nous résoudrons ce problème – à bon entendeur.
Par ailleurs, les CRA ne sont pas du tout adaptés aux longs séjours. Les conditions d’enfermement y sont déplorables, voire dégradantes : cellules délabrées, chaleur insupportable, absence d’activités. Ce sont des lieux d’attente, pas des lieux de vie. L’allongement de la durée de rétention ne produit pas davantage d’expulsions, mais davantage de souffrances, car la durée a un impact certain sur la santé physique et mentale des retenus. N’oubliez pas, chers collègues, que derrière ce texte il y a des vies humaines, des personnes qui seront directement touchées.
Celles et ceux qui ne voient que des criminels étrangers – ou des étrangers criminels, je ne sais pas comment vous les percevez – auxquels ils refusent toute humanité et tout droit, celles et ceux qui ne voient que par le prisme de la sécurité, dites-vous bien que ces personnes enfermées finiront par sortir et que la plupart d’entre elles, comme le montrent les chiffres, ne seront pas reconduites à la frontière, qu’importe la durée de rétention.
M. Emeric Salmon
Avec ce gouvernement !
M. Jérémie Iordanoff
Il y a là une faille dans votre argumentation, puisqu’à la fin, il n’y a pas de protection supplémentaire, que ce soit sur le sol français ou ailleurs.
En somme, c’est un texte d’affichage, attentatoire aux libertés, inefficace et peut-être même contre-productif. Le groupe Écologiste et social votera résolument contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR. – M. Alain David applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz (Dem)
Permettez-moi de débuter mon intervention par une pensée émue et sincère pour la mémoire de notre collègue Olivier Marleix, qui aurait dû être au banc aujourd’hui. Il a porté ce texte avec conviction en cherchant une voie de passage. Le travail parlementaire doit avancer en dépit de ces tristes circonstances, mais toutes mes pensées accompagnent sa famille, ses proches et ses collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Ce texte aurait mérité de faire l’objet d’un débat mesuré et nuancé. Je regrette que cela n’ait pas toujours été le cas et que nombre d’interventions aient été marquées par l’outrance et le dogmatisme.
M. Patrick Hetzel
C’est très vrai !
Mme Anne Bergantz
De quoi est-il question ? Certainement pas, comme cela a été affirmé, d’un texte raciste ou xénophobe qui amalgamerait insécurité et immigration. On peut débattre de l’efficacité des dispositions prévues par ce texte, mais affirmer qu’il s’agit d’un texte anti-étrangers est profondément malhonnête. Redisons-le : les personnes concernées par ce texte ne sont pas des étrangers ordinaires, mais des personnes qui sont non seulement en situation irrégulière, mais aussi et surtout qui présentent des profils particulièrement dangereux.
Concrètement, il s’agit de personnes ayant commis des actes extrêmement graves – meurtres, actes de torture, viols ou proxénétisme – et qui ont été condamnées définitivement à des peines de prison pour ces faits. Ces profils sont donc bien éloignés du portrait qui a pu être dressé d’étrangers vulnérables victimes de discriminations. Nous parlons de menaces directes à l’ordre public : dès lors, ne nous trompons pas de victimes !
Face aux risques de récidive, soumettre au vote l’allongement de la durée de rétention pour permettre un éloignement effectif de ces condamnés est une décision légitime. D’autant plus que cet allongement est dérogatoire et exceptionnel. Dépasser les 90 jours de droit commun ne signifie d’ailleurs pas forcément atteindre les 210 jours, qui demeurent un délai maximal de rétention.
Je continue à penser que l’éloignement doit être réfléchi dès le premier jour d’emprisonnement afin que l’expulsion intervienne une fois la peine exécutée et que, pour y parvenir, la coopération entre nos services de police et de justice est plus que jamais indispensable. Dans le même temps, nous devons continuer à améliorer les méthodes d’identification des personnes à expulser. Ce texte y contribue en autorisant une mesure très attendue des services enquêteurs – le relevé d’empreintes en l’absence de consentement –, et ce dans le plus strict respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Enfin, les efforts diplomatiques devront être poursuivis afin d’obtenir plus fréquemment et plus rapidement les laissez-passer consulaires indispensables à l’éloignement de l’étranger.
Le groupe Les Démocrates votera en faveur de ce texte, car il prévoit des dispositions allant dans le bon sens. Il octroie à nos administrations un peu plus de temps et de moyens techniques pour opérer un éloignement effectif des étrangers en situation irrégulière les plus dangereux. Entre-temps, il renforce la sécurité de nos concitoyens en les protégeant de nouveaux crimes et délits, alors même que pour ces profils le risque de récidive est particulièrement fort. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Patrick Hetzel applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Albertini.
M. Xavier Albertini (HOR)
Je ne peux faire autrement que de débuter cette intervention par un hommage appuyé à notre collègue Olivier Marleix. Il était un parlementaire aguerri, exigeant et doté d’un profond sens de l’intérêt général. Au cours des dernières semaines, il nous a apporté une ultime preuve de son talent et son aptitude à l’écoute et au compromis en rapportant cette proposition de loi, que ce soit en commission ou en séance. Je présente mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses collègues du groupe Droite républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Nos débats en commission des lois, comme en séance, se sont déroulés dans un climat qui aurait mérité d’être un peu plus serein. Chacun a pu faire valoir ses arguments pour répondre à une question : comment empêcher des étrangers en situation irrégulière, faisant l’objet, qui plus est, d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de commettre des délits et des crimes sur notre territoire ?
Il existe visiblement un clivage entre la gauche et nous, qui sommes intransigeants sur le respect de l’État de droit.
Mme Dominique Voynet
La blague !
M. Xavier Albertini
Il existe des règles à respecter, c’est le fondement de la démocratie, de la République. Lorsque ces règles ne sont plus adaptées, il faut savoir les mettre à jour. C’est ce que nous faisons avec cette proposition de loi.
Personne n’a oublié l’effroi qui a frappé la République tout entière en septembre 2024, lors du meurtre par un étranger sous OQTF de Philippine, âgée de 19 ans. La République a aussi été parcourue par un profond sentiment d’amertume, parce que nous devons faire mieux. Certes, c’est un fait que l’amélioration du taux d’exécution des OQTF ne dépend pas exclusivement de la France, mais en grande partie, si ce n’est uniquement, des États desquels sont issues les personnes concernées. C’est un autre fait que plus de la moitié des laissez-passer consulaires délivrés l’ont été au-delà du 90e jour de rétention, soit après l’expiration du régime de droit commun actuel.
Cela étant, nous ne pouvons plus nous contenter de constater ces faits ni de subir la situation. Le législateur doit prendre sa part dans l’action, celle de faire évoluer le cadre légal afin de garantir l’éloignement effectif du territoire national de ces personnes, et seulement de celles qui doivent l’être. C’est l’ambition de la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter.
La faiblesse du taux d’exécution des OQTF durant ces dernières années doit nous interroger. En dix ans, il a été divisé par trois, passant de 22,3 % en 2012 à moins de 7 % en 2022. Si l’augmentation du nombre d’OQTF délivrées explique en partie cette baisse, il n’en demeure pas moins vrai que le refus des pays d’origine de délivrer un laissez-passer consulaire joue un rôle majeur dans la difficulté à les exécuter, avec parfois en conséquence des situations dramatiques, comme le meurtre de la jeune Philippine.
Le cadre juridique actuel est-il encore adapté pour favoriser l’éloignement des personnes concernées ? Non, et cette réponse ne souffre d’aucun doute. Mais la rétention est une mesure administrative, pas une sanction ou une peine. Cela ne doit pas changer et cela ne changera pas avec l’adoption de cette proposition de loi.
Factuellement, une prolongation de la durée de rétention sous l’autorité d’un juge est un moyen efficace pour obtenir les laissez-passer consulaires et permettre le retour dans leur pays d’origine des personnes visées par les OQTF et condamnées pour des faits d’une particulière gravité.
Le groupe Horizons se félicite que le texte ait été amendé grâce à un travail transpartisan et que les dispositions présentant un risque d’inconstitutionnalité, telles que l’article 3 ter, aient été purgées. Convaincu que l’allongement de la durée de rétention favorisera l’éloignement des personnes sous OQTF et que l’État de droit nécessite cette réforme, notre groupe votera ce texte.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac (LIOT)
Je ne peux démarrer mon propos sans avoir une pensée émue pour notre collègue Olivier Marleix, qui aurait dû être parmi nous aujourd’hui pour défendre, en tant que rapporteur, cette proposition de loi. J’adresse mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches ainsi qu’à son groupe parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Cette proposition de loi vise à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et qui présentent de forts risques de récidive. J’ai pris le soin de la nommer intégralement, car en matière de rétention administrative, je considère qu’il est nécessaire de faire très attention aux mesures attentatoires aux libertés. Cela montre aussi qu’elle vise un problème particulier et qu’il ne s’agit pas d’une loi anti-immigration ou qui aurait pour objectif de remettre l’immigration en cause – à supposer que ce soit possible.
Nous balançons toujours entre la limitation de la liberté et la protection des Français. Nous devons naviguer entre ces deux écueils, si je puis dire.
Cette proposition de loi a été déposée à la suite de plusieurs drames causés par des individus qui auraient dû être expulsés ou qui faisaient l’objet d’une OQTF et ayant suscité, à juste titre, une vive émotion. Il ne s’agit pas seulement de faits divers, mais de révélateurs des dysfonctionnements de notre système d’éloignement. Pour une partie de nos concitoyens, l’impuissance de l’État en la matière est inacceptable.
En réponse à ce constat, la proposition de loi vise à étendre le régime dérogatoire de rétention administrative prévue en matière de terrorisme aux étrangers condamnés pour des infractions graves. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souscrit aux objectifs de ce texte et se retrouve dans le compromis trouvé par la commission des lois de l’Assemblée.
Toutefois, nous restons réservés quant à ses effets. Cette nouvelle prolongation de la durée de rétention ne sera pas une solution miracle, dans la mesure où les obstacles à l’éloignement résultent surtout de problèmes diplomatiques dans la délivrance des laissez-passer consulaires. Les failles sont avant tout celles de l’État et non de l’autorité judiciaire, comme certains aiment à le faire croire. Les discours prétendument fermes et les postures de certains n’ont qu’une faible traduction pratique.
Ce décalage alimente la défiance citoyenne. Rappelons, notamment au ministère de l’intérieur, qu’en France, seule une OQTF sur dix est exécutée. Le problème est autre.
À ce titre, les comparaisons avec les autres pays d’Europe qui disposent de durées de rétention plus longues sont peu pertinentes, car ces pays émettent nettement moins d’OQTF que la France. La rétention administrative est un outil indispensable lorsqu’un étranger présente un risque de fuite ou de menace pour la sécurité de nos citoyens. Le régime de droit commun – 90 jours – n’est parfois pas suffisant et étendre le régime de rétention dérogatoire prévu uniquement en cas de terrorisme, qui va jusqu’à 210 jours, peut être pertinent face à des situations dangereuses.
La proposition de loi initiale du Sénat péchait par excès : son périmètre était trop large. Notre groupe se retrouve globalement dans le compromis trouvé en commission, qui permet d’étendre ce régime dérogatoire aux étrangers condamnés pour des crimes particulièrement graves comme les crimes contre l’humanité, les crimes contre les intérêts de la nation, les meurtres et les viols.
Notre groupe rappelle encore une fois que les délais actuels ne sont souvent pas utilisés par l’autorité administrative. En 2024, seuls trente-sept étrangers étaient placés sous ce régime dérogatoire et la durée moyenne de rétention était de 117 jours seulement. En 2023, quarante et un étrangers étaient concernés et la durée moyenne s’élevait à 91 jours. Cela devrait pouvoir rassurer ceux qui pensent que nous allons élargir le périmètre et faire beaucoup de rétention administrative. Nous rappelons que la priorité, c’est bien de placer en rétention les étrangers les plus dangereux.
M. Pierre Cordier
Bien sûr !
M. Paul Molac
La réalité est que l’État ne pourra durablement mener une telle politique que si nous investissons dans les CRA, car le nombre de places est de toute façon limité. Notre groupe tient à rappeler que même si ce texte est voté, l’autorité judiciaire reste tenue de mettre fin à la rétention dès que les conditions ne sont plus remplies. Là encore, il est vain de s’attaquer aux juges, les critères étant fixés par la loi dans les limites prévues par la Constitution.
Il nous semble que la priorité est plutôt de repenser notre politique diplomatique pour améliorer le taux d’obtention de laissez-passer consulaires – dans le cas de l’Algérie, par exemple, il n’est que de 10 %. Nous soutenons donc ce texte et nous le voterons. (M. David Taupiac applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Émeline K/Bidi.
Mme Émeline K/Bidi (GDR)
Le siège du rapporteur est terriblement vide, ce même vide que le départ d’Olivier Marleix laissera au sein de notre assemblée meurtrie ; nous ne l’oublions pas.
La présente proposition de loi s’inscrit une fois de plus dans une logique sécuritaire et punitive qui fait de l’étranger une menace par essence. Elle propose d’allonger la durée de la rétention administrative à 210 jours. C’est une mesure qui, en plus d’être inefficace, constitue un dévoiement de l’objet légal de la rétention.
De nombreuses études démontrent que la plupart des expulsions ont lieu dans les premiers jours de la rétention : en 2023, selon le rapport annuel édité par cinq associations qui accompagnent les personnes retenues, 81 % des éloignements ont eu lieu dans les 45 premiers jours de la rétention. Prolonger la rétention au-delà de cette période n’a donc qu’un impact très faible sur le nombre d’expulsions. En revanche, cette mesure aura pour effet d’augmenter significativement la durée moyenne d’enfermement en centre de rétention. Celle-ci atteint près de 33 jours en 2024, soit près de 2,5 fois plus qu’il y a sept ans.
Par ailleurs, cette proposition de loi dévoie l’objet légal des centres de rétention. L’article L. 740-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) dispose que « l’autorité administrative peut, dans les conditions prévues […], placer en rétention un étranger pour l’exécution de la décision d’éloignement dont il fait l’objet. » Un centre de rétention administrative n’est pas une prison. Les personnes ne sont pas enfermées pour des crimes ou des délits : elles le sont pour la simple raison qu’elles se trouvent sur le territoire en situation irrégulière et que l’administration souhaite mettre en œuvre leur expulsion.
Pourtant, les lois successives qui ont été votées sur l’immigration, tout comme l’article 1er de la présente proposition de loi, conditionnent davantage la rétention à la menace potentielle que représente la personne concernée pour l’ordre public, selon l’administration, qu’aux perspectives d’éloignement à bref délai de ladite personne.
La possibilité pour l’administration de prendre les empreintes et la photographie de l’individu retenue sans son consentement ajoute au mouvement de carcéralisation des centres de rétention. Le recours à la coercition, alors que ces personnes ne sont pas suspectées d’avoir commis une infraction pénale, apporte une restriction au droit et au respect de la présomption d’innocence, au principe de la dignité de la personne humaine, à la liberté individuelle et au respect de la vie privée. Cette disposition constitue une atteinte à l’intégrité physique des étrangers et soumet ces derniers à un régime plus restrictif que des personnes soupçonnées d’avoir commis une infraction.
Ce détournement du but légal des centres de rétention administrative est à la fois inopérant et contraire au droit européen. Selon la directive retour, la rétention administrative est un moyen coercitif exceptionnel, en vue de l’éloignement de la personne étrangère qui se trouve sous le coup d’une mesure d’éloignement ou d’expulsion. En employant la notion vague de « menace à l’ordre public », le texte poursuit l’objectif de transformer les CRA en outils de gestion de la politique sécuritaire, plutôt qu’en moyens de garantir l’exécution des mesures d’éloignement.
Nous nous étions déjà opposés à la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Dans l’avis qu’elle avait rendu sur cette loi, la CNCDH affirmait qu’« en utilisant des infractions mineures comme prétexte pour appliquer des mesures aussi sévères qu’une mesure d’éloignement ou, désormais, un maintien en rétention, la loi porte atteinte au principe de proportionnalité et aux garanties de l’État de droit contre l’enfermement arbitraire. » « En amplifiant une logique répressive, ajoutait-elle, la loi fait basculer les politiques migratoires vers une zone grise où la frontière entre légalité et arbitraire devient floue. » Cette logique se voit renforcée notamment par les articles 2 et 4 du texte, qui rendent la rétention plus aisée à mettre en œuvre pour l’administration, au prix d’un affaiblissement des garanties procédurales.
Enfin, cette proposition de loi bafoue les droits humains : l’allongement de la durée de rétention a des effets délétères sur les personnes enfermées, en particulier celles pour lesquelles il n’existe aucune perspective d’éloignement, mais également sur les agents des centres de rétention. Les retenus évoluent dans un univers carcéral sans bénéficier des garanties que constituent les droits des prisonniers. Outre l’absence de cour de promenade et l’impossibilité de travailler ou de pratiquer une activité, le sens de cet enfermement est incompris et sa durée inconnue : ce sont autant de critères qui participent à la détérioration de la santé mentale des retenus.
Vous l’aurez compris, par cohérence et pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch (UDR)
Avant tout, permettez-moi d’exprimer une nouvelle fois, au nom du groupe UDR, notre profonde tristesse à l’annonce du décès de notre collègue Olivier Marleix. Député de conviction, il a défendu ce texte avec le sérieux et la détermination qu’on lui connaissait. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDR et DR.)
Nous faisons face à une réalité que nul ne peut ignorer : sur notre sol, des individus étrangers, condamnés pour des crimes qui comptent parmi les plus graves, sont libérés au terme de 90 jours de rétention, faute de pouvoir être éloignés. Cette situation n’est pas seulement une absurdité juridique ; elle est une menace pour la sécurité de nos concitoyens. Elle est surtout une profonde injustice pour les victimes et pour leurs familles.
En 2021, un rapport d’information sénatorial révélait déjà que plus de 1 500 étrangers condamnés pour des faits graves se retrouvaient chaque année en liberté, en l’absence d’exécution des mesures d’éloignement. Des délais interminables, des obstacles diplomatiques, des administrations dépassées : voilà autant d’éléments qui, trop souvent, conduisent à la libération de criminels dangereux, faute de solutions concrètes.
Le Conseil d’État l’a rappelé avec gravité dans sa décision du 19 juillet 2022 : « la durée de rétention ne doit pas aboutir à des libérations quasi automatiques, faute de perspectives réalistes d’éloignement ». Pourtant, face à ces avertissements, l’administration oppose trop souvent une réponse technique, presque désincarnée : « nous avons respecté les délais », entend-on. Mais lorsqu’il oublie la sécurité des Français, le droit positif devient une camisole et la sécurité publique ne saurait demeurer une victime collatérale de nos failles juridiques.
Le texte que nous nous apprêtons à voter apporte une réponse indispensable et équilibrée. Il porte à 210 jours la durée maximale de rétention pour les personnes représentant une menace grave. Il confie cette décision au juge, garant de la liberté individuelle et de la proportionnalité des mesures prises. Il cible précisément les crimes concernés – les meurtres, les viols, le proxénétisme, le terrorisme – et il veille à rester conforme, évidemment, à nos principes fondamentaux. Il est à la fois ferme et respectueux de l’État de droit. Il est guidé par un impératif unique, celui qui doit en principe tous nous rassembler : la protection des Français !
Certains préfèrent s’enfermer dans des postures ou des procès d’intention. Quant à nous, nous choisissons la responsabilité ; nous choisissons la France. Oui, monsieur le ministre, en votant ce texte avec nos alliés du Rassemblement national, nous contribuons à rendre possible l’exécution des décisions d’éloignement que vous proclamez prioritaires, mais qui restent trop souvent lettre morte. C’est un paradoxe cruel : ceux que l’on caricature ou que l’on méprise sont bien souvent ceux sans lesquels ces avancées ne verraient jamais le jour.
Notre engagement est clair : nous voulons protéger la France réelle, celle des familles qui, dans nos villes comme dans nos villages, s’interrogent sur la présence, parfois dans leur voisinage, d’individus condamnés pour les pires crimes. Nous voulons défendre un peuple enraciné, qui aspire à la sécurité et à la justice et qui a trop souvent été trahi par ceux qui prétendaient le représenter. Comme nos amis italiens ont su le faire autour de Giorgia Meloni, nous sommes convaincus que seule l’alliance des patriotes peut permettre le sursaut dont notre pays a tant besoin, après quinze années d’errements politiques qui ont précipité son affaiblissement.
Qu’on le sache : si quelques rares victoires législatives utiles aux Français ont été remportées sous ce mandat, c’est parce que l’alliance entre l’UDR et le Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN) a eu le courage de voter les textes nécessaires sans se laisser intimider par les procès en extrémisme ou par le mépris. Nous faisons ce choix une fois encore en votant ce texte et nous formons le vœu qu’un jour prochain – j’espère en 2027 –, cette convergence des forces de bon sens ne soit plus l’exception mais la règle, afin que la France redevienne ce pays sûr, respecté et fidèle à ses principes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Sur le vote de l’ensemble de la proposition de loi, la conférence des présidents a décidé qu’il y aurait un scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne (RN)
Avant toute chose, je voudrais une nouvelle fois avoir une pensée pour le rapporteur du texte, Olivier Marleix. Nous avions longuement échangé avec lui sur cette proposition de loi, dans un esprit constructif, ainsi qu’avec le président de la commission et d’autres collègues. Au nom du groupe Rassemblement national, j’ai une pensée pour sa famille, ses proches et les collègues du groupe Droite républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et DR.)
Cette proposition de loi, qui vise à prolonger le maintien en rétention administrative des étrangers condamnés, dangereux et susceptibles de récidiver, va incontestablement dans le bon sens, mais elle ne changera pas fondamentalement la situation migratoire qui est totalement incontrôlée, massive et subie.
M. Emeric Salmon
Eh oui !
M. Michaël Taverne
Durant nos débats, nous avons une nouvelle fois rappelé les chiffres qui démontrent bel et bien un lien entre immigration et insécurité. Ce lien est pourtant contesté par une gauche française perchée,…
Mme Dominique Voynet
C’est lui qui est perché !
M. Michaël Taverne
…déconnectée et qui déclare sans aucun complexe que faire passer à 210 jours la durée de rétention des étrangers dangereux en situation irrégulière serait raciste, fasciste et xénophobe. Vous considérez donc que les 74 % de Français qui pensent que ce lien existe sont de méchants fascistes ! Vous considérez donc que le Danemark, qui est une grande démocratie, est un pays nazi, puisque le gouvernement danois – de gauche, je le rappelle – a instauré une durée de rétention illimitée pour les étrangers en situation irrégulière. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Avec la gauche, plus rien ne nous étonne, puisqu’elle fait même passer l’installation de climatiseurs pour une mesure d’extrême droite ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
Visiblement, collègues de gauche, plus que jamais, protéger les Français ne vous intéresse pas, au point que La France insoumise souhaite désarmer les policiers municipaux et supprimer la vidéoprotection. La gauche fait donc le choix du désordre et de la voyoucratie au détriment des Français qui souhaiteraient vivre en sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Mais les macronistes sont dans la même philosophie, puisqu’aux dernières élections législatives, ils ont préféré déposer dans l’urne un bulletin de vote LFI plutôt que Rassemblement national. M. Gabriel Attal est un parfait exemple de ce comportement.
Pour rappel, la durée de rétention administrative prévue par la directive « retour » de 2008 peut atteindre 18 mois, ce qui laisse de la marge aux États membres. En France, elle ne peut dépasser 90 jours sauf en cas d’activités terroristes, ce qui est bien en deçà de nos voisins européens.
Mme Ségolène Amiot
Commencez par rendre l’argent, on verra ensuite !
M. Michaël Taverne
Sous Emmanuel Macron, l’immigration, qu’elle soit légale ou illégale, explose. Rien que pour l’année 2024, 343 000 titres de séjour ont été délivrés, ce qui est un record toutes catégories confondues remporté par un gouvernement macroniste soutenu et aidé par les LR, ne l’oublions pas.
Monsieur le ministre, Winston Churchill disait qu’il ne croyait qu’aux chiffres qu’il avait lui-même falsifiés. Malgré la satisfaction personnelle que vous affichez au sujet de votre politique migratoire, qui n’est pourtant pas placée sous le signe de l’action, mais de la fiction, je rappelle qu’en 2024, on a compté 8 000 renouvellements de titres de séjour de plus que l’année précédente, une augmentation de 24 % qui porte à 870 000 le nombre annuel de renouvellements. Le nombre d’étrangers en situation régulière a progressé de 3,9 %, dont 650 000 Algériens, 617 000 Marocains et 304 000 Tunisiens. Cerise sur le gâteau, vous êtes toujours à moins de 10 % d’exécution des OQTF : sur les 140 000 décisions prononcées, on ne compte que 12 900 éloignements forcés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Vous êtes des clowns !
M. Michaël Taverne
Si l’on veut mener une politique migratoire ferme et parler comme le Rassemblement national, on ne soutient pas un gouvernement pro-immigration, monsieur le ministre, surtout si c’est pour piocher de-ci de-là des mesures dans le programme de Marine Le Pen – mais cette tendance est à mettre sur votre côté « en même temps ».
Les macronistes que vous soutenez ont voté avec La France insoumise contre le rétablissement des peines planchers pour les auteurs de crimes et délits envers les forces de l’ordre. Monsieur le ministre, vous êtes président du parti Les Républicains : où étaient vos députés lors de notre niche parlementaire ? Nous voulions expulser les délinquants étrangers, mais votre ministère s’y est opposé. Sur le banc du groupe DR, seulement huit collègues sur quarante-trois ont participé au vote. Lors de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, ils n’ont jamais été plus de quatre ! Le jour de la niche parlementaire de nos alliés de l’UDR, qui présentaient notamment un texte pour interdire le mariage avec une personne sous OQTF, il n’y avait personne. Et pour ce qui concerne ce texte déposé par des sénateurs LR, que nous nous apprêtons à voter, sur les derniers scrutins publics, ils étaient huit. Si les Français ont besoin de quelque chose, qu’ils n’aillent pas voir les LR ! Tout le monde a bien compris, monsieur le ministre, que Beauvau n’était qu’un tremplin pour vous et que c’était la seule raison pour laquelle vous teniez à y rester.
Avec Marine Le Pen, nous proposons depuis longtemps d’organiser un référendum pour que les Français, qui n’ont jamais été consultés sur cette question, puissent se prononcer.
M. René Pilato
Rendez l’argent !
M. Michaël Taverne
Notre texte est prêt et contient des mesures de bon sens, en particulier pour expulser automatiquement les délinquants et les criminels étrangers, instaurer la priorité nationale ou encore réserver les allocations familiales aux Français. Monsieur le ministre, vous feriez bien de vous en inspirer.
Les centres de rétention sont également un gouffre pour les finances publiques, puisque la Cour des comptes évalue à 602 euros par jour le coût d’une personne retenue. À l’heure où l’on demande aux Français de se serrer la ceinture, il serait temps de faire des économies sur l’immigration, dont une récente étude a prouvé qu’elle représentait 3,4 % du PIB. Seul le Rassemblement national propose dans son contre-budget des mesures d’économie sur l’immigration.
Nous voterons néanmoins cette proposition de loi puisque, même si elle ne changera pas grand-chose, elle vise tout de même à protéger un peu plus les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Kasbarian.
M. Stéphane Peu
Enfin un modéré ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Guillaume Kasbarian (EPR)
Avant toute chose, je veux avoir une pensée émue pour notre collègue Olivier Marleix, rapporteur de ce texte, député de ce beau département d’Eure-et-Loir qu’il aimait tant. Sa disparition brutale laisse un grand vide dans l’hémicycle et dans notre territoire. Permettez-moi d’adresser mes sincères condoléances à sa famille, à ses filles, à ses proches et à tous ceux qui ont eu l’honneur de le connaître. (Applaudissements.)
Chers collègues, la proposition de loi que nous examinons n’est ni un symbole ni un affichage. Elle répond à une faille bien réelle de notre système, une faille qui peut coûter des vies. En effet, quand un individu, condamné pour des crimes particulièrement graves – viol, meurtre, violence sur mineur –, est visé par une interdiction du territoire français, l’État doit pouvoir garantir son éloignement effectif. C’est une exigence de bon sens et de justice, mais aussi un impératif de sécurité publique.
Avec ce texte, nous faisons un choix de fermeté, mais aussi de responsabilité. La rétention administrative, rappelons-le, n’est pas une sanction mais une mesure de police, contrôlée par le juge, pour empêcher que des personnes sous OQTF ne se soustraient à la loi. Cette mesure est utile. Le taux d’exécution des OQTF est de 40 % en rétention contre seulement 6 % en dehors. Encore faut-il que les délais prévus soient suffisants. Trop souvent, l’expulsion échoue parce que les documents consulaires ne sont pas transmis à temps. Que se passe-t-il alors ? Des condamnés aux profils dangereux sont relâchés dans la nature. Cela, nous ne pouvons plus l’accepter. Cela, les Français ne le comprennent plus.
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
M. Guillaume Kasbarian
En septembre dernier, ils ont vu une tragique illustration de ce que je viens de décrire dans le drame de Philippine,…
M. Jean-Louis Roumégas
Faux !
M. Guillaume Kasbarian
…tuée par un homme condamné pour viol et visé par une OQTF, relâché après 75 jours de rétention, non pas parce que l’État ne voulait pas agir, mais parce que la loi ne le permettait pas. C’est cette faille que nous réparons.
Le texte permet, dans des cas exceptionnels et de manière encadrée, de prolonger la rétention jusqu’à 180 voire 210 jours, mais pas pour n’importe qui. Notre groupe a contribué à clarifier le périmètre d’application de cette mesure, qui ne concernera que les personnes condamnées à une interdiction du territoire pour des crimes d’une particulière gravité – meurtre, viol, violences sexuelles sur mineur, traite d’être humain, proxénétisme aggravé, atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. C’est une mesure ciblée, proportionnée et laissée à l’appréciation du juge.
Certains dénoncent une dérive sécuritaire ou une atteinte aux libertés. C’est faux : ce texte respecte nos principes fondamentaux car il est strictement encadré, conforme au droit européen. Surtout, le juge judiciaire reste le garant des libertés à chacune des étapes. Il ne s’agit pas de multiplier les rétentions, mais de ne plus relâcher ceux dont nous connaissons avec certitude la dangerosité. Cela, les Français l’attendent.
Ce texte s’inscrit dans la cohérence d’une politique de long terme. Depuis 1981, la durée maximale de rétention a évolué : 7 jours à l’origine, 90 jours depuis la loi Collomb de 2018 et jusqu’à 210 jours pour les auteurs d’actes terroristes. Nous souhaitons que la même rigueur soit opposée à des profils tout aussi dangereux et nous nous en donnons les moyens.
Le plan CRA, lancé en 2017, prévoit de doubler le nombre de places d’ici 2027. De 1 400, nous sommes passés à 1 869 aujourd’hui et 3 000 places supplémentaires sont en cours de création.
La sécurité des Français n’est pas un concept abstrait. C’est une exigence concrète qui suppose des lois claires, des outils efficaces et du courage politique. Ce texte n’est ni démagogique ni idéologique. Il est juste, ciblé, attendu et nécessaire. C’est pourquoi, sans hésitation et avec détermination, le groupe Ensemble pour la République le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 472
Nombre de suffrages exprimés 471
Majorité absolue 236
Pour l’adoption 303
Contre 168
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État.
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Je voudrais tout d’abord saluer la quasi-totalité des groupes qui, à la tribune, viennent de rendre hommage à celui qui aurait dû siéger avec nous, au banc des commissions, en tant que rapporteur. (Applaudissements.)
Seul un groupe ne lui aura pas rendu hommage (M. le ministre fait un geste en direction des bancs LFI-NFP, d’où s’élèvent en retour des protestations. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN) et c’est le cœur lourd que je voudrais saluer l’assemblée qui vient de voter un texte important, qui doit sa naissance à un drame, celui de la jeune Philippine.
M. Karim Ben Cheikh
Respectez donc l’Assemblée nationale !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Quelles que soient nos appartenances politiques, lorsqu’il s’agit de réparer une faille, notre devoir est de le faire. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Les députés du groupe RN font signe aux députés de ce groupe de quitter l’hémicycle.)
Mme Mathilde Panot
C’est une honte, ce que vous avez dit ! C’est dégueulasse ! C’est ignoble !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
Lorsque la loi ne protège plus nos compatriotes, il faut changer la loi. (Les députés du groupe LFI-NFP commencent à quitter l’hémicycle.)
Mme Mathilde Panot
Vous devriez avoir honte !
M. Bruno Retailleau, ministre d’État
C’est ce que vous avez fait et je ne doute pas qu’une majorité saura être trouvée demain, au Sénat, pour confirmer votre vote. J’ajoute que les dispositions prévues par ce texte sont très encadrées sur le plan procédural. Surtout, pas moins de treize pays européens ont porté la durée maximale de rétention à 18 mois au lieu de 210 jours.
Je conclurai en m’adressant à la gauche pour lui dire que lorsqu’elle invoque le faux argument selon lequel ce texte serait anti-étrangers, elle fait un amalgame inversé. Il est en effet tout aussi absurde de prétendre qu’un étranger est par essence dangereux que d’affirmer que, par essence, il ne saurait l’être. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Lorsqu’un étranger est dangereux, nous devons protéger les Français : c’est ce que nous ferons. Votre hostilité marque d’ailleurs une rupture avec une tradition de gauche, puisque fin 1981, c’est François Mitterrand qui a donné une assise légale aux centres de rétention administrative. Du reste, aucun gouvernement de gauche en Europe ne remet en cause ces législations, et celles qu’ils adoptent sont parfois bien plus sévères qu’en France. Enfin, une grande majorité de Français ont suffisamment de bon sens pour nous soutenir et nous faire confiance pour les protéger. On peut mieux protéger les Français sans porter atteinte à aucune de nos libertés publiques. Merci pour votre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
7. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra