- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure (n°4387)., n° 4442-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer cet article.
Cet amendement du groupe "socialistes et apparentés" vise à supprimer l’article 2.
1) En premier lieu, cet article tente à créer une brèche dans le principe de l'irresponsabilité pénale. Ce principe « de ne pas juger les fous », défini à l'article 122-1 du code pénal, est fondamental. L'abolition du discernement doit être étudiée au moment de l’acte, sans que puisse lui être rattachée, en l’absence de lien direct et certain, une consommation de produits psychoactifs. Il ne peut y avoir d'exception à ce principe sans risquer de remettre en cause l'édifice pénal.
Les auteurs ayant participé au rapport Raimbourg-Houillon sur cette question sont unanimes : « la mission considère qu’au regard de la très forte imbrication entre les troubles psychiques avérés et les recours à des substances psychoactives, l’exclusion du bénéfice de l’article 122-1 pour les actes commis suite à consommation de toxiques serait une disposition dont la radicalité aggraverait le risque de pénaliser la maladie mentale et constituerait une atteinte substantielle aux principes fondamentaux de notre droit pénal relatifs à l’élément intentionnel. »
Certes, si dans le présent article 2, l’irresponsabilité pénale est préservée, il nous semble que l’introduction de ces infractions autonomes et intentionnelles viennent écorner ce principe fondamental.
2) Outre ce risque, la difficile application d’une telle disposition est relevée par un très grand nombre d’acteurs.
L’imbrication entre la maladie chronique et la prise de substances psychoactives est telle, qu’il ne nous paraît par possible pour l’expert psychiatre et le juge d’apprécier si la prise de toxiques aura été réalisée en pleine conscience de ses dangers. La nature même de la maladie mentale pousse environ trois quarts des sujets souffrant de troubles psychotiques à consommer des toxiques, même s’ils sont informés de leur dangerosité. En somme, cette consommation ne constitue pas plus la cause de la maladie que sa conséquence.
Par ailleurs, cette disposition repose sur la connaissance scientifique que doit avoir l’auteur des effets de la consommation des toxiques (type de produit ingéré, quantité, réaction psychique et degré de gravité du fait qui pourrait être commis). Au surplus, l’expertise du psychiatre est rarement faite dans un délai très rapproché. Il s’agit d’une reconstitution à laquelle va s’ajouter la difficulté d’identifier une infraction autonome et antérieure.
Cette triple condition (abolition temporaire du discernement, consommation en toute connaissance de cause d’alcool et de drogue, lien établi entre cette consommation et le trouble psychique survenu au moment des faits) va engendrer de nouvelles batailles d’interprétations entre experts psychiatres et fragiliser l’analyse globale du dossier. Il sera par exemple très difficile de prouver que précédemment, lorsque la personne s’est intoxiquée, cette dernière disposait de son discernement et donc avait connaissance des effets potentiellement graves.
Au surplus, l’articulation entre l’hospitalisation d’office qui sera très probablement ordonnée lors du prononcé de l’irresponsabilité pénale et l’incarcération prévue par les deux infractions autonomes interroge. Le texte ne précise rien sur l’organisation et le passage entre l’hospitalisation d’office et l’incarcération.
Enfin, si un tel dispositif ne concernerait qu’un nombre de cas extrêmement limité, cela n’enlève rien à la nécessité pour le législateur de voter des mesures garantissant la sécurité juridique.