Fabrication de la liasse
Adopté
(vendredi 26 novembre 2021)
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Supprimer cet article.

Exposé sommaire

Cet amendement du groupe "socialistes et apparentés" vise à supprimer l’article premier du présent texte, lequel assouplit le régime de non-cumul d’un mandat parlementaire avec un mandat exécutif local.

Les auteurs de cette proposition de loi entendent favoriser l’implantation locale des parlementaires en permettant le cumul d’un mandat de parlementaire avec un autre mandat exécutif local, en partant du constat qu’il leur est reproché d’être déconnectés du terrain. Selon les auteurs, la loi organique n° 2014-125 du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, a participé à ce sentiment de parlementaires « hors-sol ».

Ladite loi, portée par la majorité socialiste, élargissait considérablement les cas d’incompatibilités en interdisant le cumul d’un mandat de parlementaire avec les mandats de maire (y compris d’arrondissement, délégué ou d’adjoint), président ou vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), d’un syndicat mixte, d’un conseil départemental, d’un conseil régional, président ou membre du conseil exécutif de Corse et président de l’assemblée de Corse, président, vice-président ou membre des exécutifs locaux en outre-mer et président ou vice-président des assemblées d’outre-mer, président ou vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi (notamment les métropoles) et président de l’Assemblée des Français de l’étranger ou membre du bureau de cette Assemblée et vice-président de conseil consulaire.

Le présent texte, issu du Sénat, envisage de permettre à nouveau aux parlementaires d’exercer les fonctions de maire dans les communes de moins de 10 000 habitants, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire, de vice-président et de membre exécutif dans les institutions susmentionnées. Seuls resteraient incompatibles le mandat de parlementaire avec la fonction de président de ces institutions ou de maire d’une commune de plus de 10 000 habitants.

 

La pratique du cumul de mandats a été limitée par des lois successives en 1985, 2000 et donc 2014. En 2012, avant la réforme, 476 députés sur 577 (82 %) et 267 sénateurs sur 348 (77 %) exerçaient au moins un autre mandat électif. Ces parlementaires étaient le plus souvent à la tête d’un exécutif local : 261 députés (45 %) et 166 sénateurs (48 %) étaient soit maires, soit présidents de conseil général, soit présidents de conseil régional. Ces chiffres faisaient de la France une exception en Europe, où le cumul des mandats électoraux est interdit ou très limité.

 

Contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs, la double indemnisation n’était pas le seul écueil du cumul des mandats, qui a eu principalement deux effets négatifs. Il a, d’une part, constitué un obstacle à la réalisation d’une véritable décentralisation et, d’autre part, affaibli l’influence du Parlement qui s’est trouvé déserté par ses propres élus, trop concentrés sur les préoccupations locales. On ne peut donc pas se satisfaire des justifications culturelles, ni même du lien prétendu entre, d’un côté, le cumul des mandats et, de l’autre côté, le régime parlementaire et la centralisation.

 

Qui plus est, la crainte de produire des élus hors-sol est infondée tant que le député est élu au scrutin uninominal dans le cadre d’une circonscription de taille raisonnable, comme l’a expliqué le constitutionnaliste Guy Carcassonne : « Nul besoin d’un mandat local pour rester proche des électeurs, en ressentir l’état d’esprit et les besoins. Le mode de scrutin, majoritaire et uninominal, interdit au député qui souhaite sa réélection de négliger sa circonscription et la proximité avec ceux qui y vivent. »

La réforme de 2014 a donc constitué une avancée majeure de la démocratie, attendue par les citoyens. Il était temps d'en finir avec l'exception française du cumul, qui nuit à la qualité du travail des élus, limite le renouvellement du monde politique, en freinant l'apparition de personnalités diverses, autant que la participation citoyenne aux affaires publiques. Le cumul des mandats effrite davantage la confiance des citoyens dans leurs élus qu’il ne la renforce.

Le cumul n'est pas une garantie d’ancrage local ou de compétence, et un autre mandat ne saurait être un outil au service du premier. Un parlementaire ne doit pas être un maire venant faire, pour le compte de sa ville, son « marché » à Paris. Il lui faut se consacrer à sa tâche de législateur et à l’ensemble de sa circonscription. De même, les mandats exécutifs locaux, du moins pour les plus importants d'entre eux, exigent un engagement constant, là encore attendu par les citoyens.

Enfin, le rôle local du député existe bien ; il doit être développé, non par un retour à l’addition des mandats mais par un partage des savoirs, une proximité rationnalisée de l’élu national avec le territoire, ses actions et ses habitants. Le non-cumul des mandats n’empêche pas de mettre en place un certain nombre de dispositifs pour éviter totalement l’écueil de la « déterritorialisation du parlementaire ». Cela passe par exemple par l’organisation de Conseils citoyens ou d’Ateliers législatifs citoyens. De même, il serait utile que les rapports entre le député, les citoyens, les administrations déconcentrées et les élus locaux, soient régis en partie par le droit. En effet, le rôle du député dans sa circonscription n’a jamais été pris en compte par le droit au prétexte qu’il est un élu national.

En somme, proposer un cumul des mandats pour favoriser l’implantation locale du parlementaire, c’est méconnaître sa dimension locale intrinsèque.