XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Deuxième séance du mercredi 19 mai 2021

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Deuxième séance du mercredi 19 mai 2021

Présidence de M. David Habib
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

    1. Confiance dans l’institution judiciaire

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire (nos 4091, 4146).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 514 à l’article 2.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 514.

    M. Pascal Brindeau

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    Cet amendement de notre collègue Jean-Christophe Lagarde vise à préciser le sens de l’alinéa 9. Selon la rédaction actuelle, le procureur de la République peut, « s’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations », donner accès aux pièces du dossier à la personne mise en cause. Or les mots « s’il » induisent une sorte de conditionnalité. Il nous semble donc qu’il conviendrait de les remplacer par les mots « lorsqu’il », qui nous paraissent davantage conformes à l’esprit du projet de loi. Cet amendement est donc à la fois rédactionnel et de précision.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Favorable.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Favorable.

    (L’amendement no 514 est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 337, 393, 605 et 515, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 337, 393 et 605 sont identiques.
    L’amendement no 337 de M. Stéphane Viry est défendu.
    La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 393.

    M. Jean-Michel Clément

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    Il vise à renforcer les droits de la défense et le contradictoire durant l’enquête préliminaire, et ce de deux manières.
    La première serait de donner la possibilité au suspect et à son avocat de présenter des demandes de nullité d’actes devant le juge des libertés et de la détention (JLD), avec un possible appel devant la chambre de l’instruction.
    La seconde serait de donner la possibilité au suspect et à son avocat de présenter des demandes d’actes au procureur de la République pendant l’enquête préliminaire et au plaignant éventuel et à son avocat après qu’ils ont pu avoir accès au dossier. En cas de refus, un recours serait possible auprès du JLD, avec un possible appel devant la chambre de l’instruction.
    Je le répète, il s’agit ici de participer au renforcement des droits de la défense, y compris dans le cadre de l’enquête préliminaire.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Il est défavorable, car il s’agirait d’un alourdissement trop important de l’enquête préliminaire.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    Je vous prie de m’excuser, j’ai omis les autres amendements de cette discussion commune.
    L’amendement no 605 de M. Pierre Vatin est défendu.
    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 515.

    M. Pascal Brindeau

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    Si l’objet du texte est bien de renforcer le contradictoire et de permettre un meilleur accès au dossier à la défense, je ne vois pas en quoi, monsieur le rapporteur, demander des actes de procédure serait de nature à alourdir l’enquête préliminaire au-delà du raisonnable. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit déjà la possibilité, pour la défense, de formuler des observations.

    M. le président

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    Les avis de la commission et du Gouvernement sur ces quatre amendements ayant été rendus, je les mets aux voix.

    (Les amendements identiques nos 337, 393 et 605 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 515 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l’amendement no 241.

    Mme Catherine Pujol

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    L’article 2 ouvre, dans certains cas, les enquêtes préliminaires au contradictoire, mais sans détailler les pièces qui pourront être communiquées à la défense. Cette disposition risque de nuire à l’efficacité de l’enquête. Celle-ci suppose en effet que les investigations ne soient pas connues des personnes qui ne participent pas à la procédure et justifie que les personnes concernées ne soient pas prévenus des actes réalisés. À moins qu’on ne veuille priver une enquête de toute efficacité, mieux vaut éviter qu’une procédure soit, dès la phase de recueil des preuves, totalement ouverte au contradictoire, comme elle le sera lors de l’éventuel procès. Rien ne démontre que l’élargissement toujours plus grand des droits de la défense dès la phase d’enquête s’articulera de manière équilibrée avec la nécessité de conduire des enquêtes efficaces.
    Par cet amendement, nous proposons que l’ouverture de l’enquête préliminaire au contradictoire ne puisse porter que sur les actes achevés et non sur les actes en cours. Dans le cas contraire, on porterait un coup à l’efficacité de l’enquête et, partant, à la manifestation de la vérité.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable, car l’amendement est satisfait. Bien évidemment, seules les pièces qui se trouvent dans le dossier au moment où la demande d’accès sera formulée par la défense pourront être communiquées.

    (L’amendement no 241, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 616.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cet amendement est simple : il vise à supprimer, à l’alinéa 10, l’adverbe « notamment », qui signifie, en règle générale, de manière accessoire, facultative, indicative. Il serait plus judicieux d’énoncer de manière impérative les éléments pouvant faire l’objet d’observations. Une longue liste de ces éléments, laquelle me paraît exhaustive, figure d’ailleurs dans le texte et, d’un point de vue procédural, il me semblerait préférable de rédiger cette disposition de manière formelle.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cet amendement n’a absolument aucun sens. L’adverbe « notamment » est ici de nature à élargir l’étendue des sujets sur lesquels la personne suspectée ou son avocat peuvent formuler des observations. Son utilisation est donc particulièrement favorable aux justiciables. Avis défavorable.

    (L’amendement no 616 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Porte, pour soutenir l’amendement no 714.

    Mme Nathalie Porte

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    Trop de plaintes sont classées sans que ni les mis en cause ni les plaignants en soient avisés, soit par manque de moyens, soit par négligence. Cela prive les plaignants de recours et les mis en cause de possibilités de reclassement. Nous proposons donc que ceux-ci puissent effectuer un recours ou une demande de reclassement.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Il est superflu de préciser que les parties peuvent agir personnellement ou par l’intermédiaire de leur avocat.

    (L’amendement no 714, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 67, 394 et 606.
    La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 67.

    M. Stéphane Peu

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    Nous avons discuté cet après-midi de l’accès au dossier par l’accusé ou son avocat dès la garde à vue : je n’y reviens pas. Le texte comporte évidemment des avancées en la matière, néanmoins cet amendement vise à donner accès au dossier à la personne ayant fait l’objet d’une audition libre ou d’une garde à vue ou à son avocat si l’audition libre ou la garde à vue ont eu lieu il y a plus de six mois, et non un an comme le prévoit le texte dans sa rédaction actuelle. De cette manière, la procédure sera ouverte au contradictoire et la personne suspectée pourra préparer sa défense.

    M. le président

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    Les amendements nos 394 de M. Jean-Michel Clément et 606 de M. Pierre Vatin sont défendus.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable. Le délai d’un an nous semble être le bon.

    (Les amendements identiques nos 67, 394 et 606, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 132, 336, 608 et 618.
    Les amendements nos 132 de M. Stéphane Peu, 336 de M. Stéphane Viry et 608 de M. Pierre Vatin sont défendus.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 618.

    M. Ugo Bernalicis

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    Cet amendement porte sur un point important, qui a fait débat en commission. À cette occasion, une nouvelle rédaction de l’alinéa 14, relatif à l’accès au dossier par la défense lorsque des révélations au public ont été faites, a été trouvée, mais le problème de fond lié à cette disposition reste entier. À cet égard, je souhaite soumettre un cas de figure, qui illustrera peut-être l’objectif de cette mesure. Une personnalité est mise en cause médiatiquement et accusée d’avoir commis une infraction sans qu’une enquête ait encore été ouverte. Voyant les articles de presse, le parquet se saisit de l’affaire et ouvre une enquête. Étant donné que ces articles auront précédé l’ouverture de l’enquête et l’auront même suscitée, l’ouverture du contradictoire sera-t-elle immédiate ? Est-ce cela l’objectif politique de cette disposition ? Pour ma part, je ne suis pas fondamentalement défavorable à l’ouverture du contradictoire dès la première minute de l’enquête préliminaire mais, le cas échéant, il faut que tout le monde sache que c’est ce à quoi nous risquons d’aboutir, sachant que cela pourrait poser quelques problèmes.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Il est défavorable sur ces amendements visant à supprimer la possibilité, qui sera désormais offerte à une personne présentée dans les médias comme coupable, de solliciter l’ouverture du contradictoire dans le cadre d’une enquête préliminaire dont il fait l’objet.
    C’est une avancée essentielle pour tous ceux qui sont présentés par les médias comme des coupables avant même d’avoir été poursuivis par un juge. La personne qui doit faire face à ce lynchage médiatique se trouve totalement démunie : elle ne peut pas accéder à son dossier, ne peut ni faire valoir ses éléments de défense ni participer à la manifestation de la vérité ; tout l’accuse, et elle est acculée.
    La disposition que nous allons voter et qui ouvre l’enquête au contradictoire va obliger le procureur de la République à communiquer les pièces du dossier à la personne mise en cause, qui pourra ainsi se défendre.
    En commission, un amendement de Laetitia Avia et du groupe LaREM a permis de préciser cette mesure, considérant que la notion de « personne considérée comme coupable » était juridiquement trop lâche ; c’est donc la formulation « dont la présomption d’innocence est atteinte » qui a été retenue. (M. le garde des sceaux approuve.)
    Il a également été précisé que cette atteinte à la présomption d’innocence pouvait être le fait de la presse traditionnelle ou de tout autre média, notamment des réseaux sociaux. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression de l’alinéa 14.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même position.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Les arguments du rapporteur m’incitent à reprendre la parole. Ce dont il est question dans cette affaire, c’est beaucoup du rang social…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pas forcément !

    M. Stéphane Peu

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    Je ne parle pas ici de richesse ou de pauvreté mais de notoriété, car, selon que vous serez puissant ou misérable, votre accès aux médias ou le fait qu’un média s’intéresse à vous ne sera pas le même. Il n’y a qu’à reprendre les affaires dont on parle pour constater qu’il en est ainsi.
    Selon le rapporteur, quelqu’un dont le nom est jeté en pâture dans les médias doit pouvoir accéder immédiatement à son dossier pour pouvoir se défendre : mais c’est également vrai pour ceux qui n’ont pas à subir les médias et qui ont, de la même manière, besoin d’accéder à leur dossier pour se défendre,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est prévu dans le texte !

    M. Stéphane Peu

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    …sans parler du fait que celui qui dispose d’un réseau dans les médias peut aussi utiliser ceux-ci pour se défendre.
    Outre donc que cet alignement du temps juridique sur le temps médiatique pose un problème en soi, la différence de traitement introduite entre ceux qui jouissent de l’intérêt des médias et les autres me semble très discutable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’aimerais une réponse techniquement plus précise au cas de figure que j’ai soulevé : une personne accusée dans la presse d’avoir commis une infraction pénale quelle qu’elle soit – détournement de fonds publics, tentative de viol… peu importe – et qui, du fait de la parution d’un article la mettant en cause, fait immédiatement l’objet d’une enquête préliminaire, aura-t-elle accès au dossier dès l’ouverture de l’enquête ?
    Imaginons ensuite que je sois sous le coup d’une enquête préliminaire et que le fameux @guacamole425, qui sévit sur Twitter, me mette en cause en proclamant que moi, Ugo Bernalicis, suis coupable de je ne sais quoi – vous pouvez piocher dans le chapeau des infractions magiques…

    M. Bruno Millienne

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    On va en manger, du guacamole !

    M. Ugo Bernalicis

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    Le tweet accusateur de @guacamole425 me donne-t-il accès au dossier de l’enquête préliminaire ? J’aimerais comprendre de quoi il retournera concrètement, afin de pouvoir voter en connaissance de cause, sachant que je comprends parfaitement l’idée selon laquelle, lorsqu’on est cloué au pilori médiatique, la moindre des choses, c’est d’avoir accès au dossier pour pouvoir se défendre – ce qui ne signifie pas toutefois que l’on aura accès aux médias pour y exposer sa défense, car c’est le propre d’une société démocratique que d’avoir une presse libre, avec tous les inconvénients que ça implique.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Avia.

    Mme Laetitia Avia

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    L’objet de cette disposition est de restaurer l’équilibre mis à mal dès lors que le secret de l’enquête n’est plus qu’illusoire.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    Mme Laetitia Avia

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    Il s’agit de restaurer les droits de personnes, publiques ou non mais qui de facto le deviennent lorsque des éléments de leur dossier sont révélés dans la presse. Cela ne remet nullement en cause ce qui reste la règle, à savoir le secret de l’enquête, mais, dès lors que ce secret n’existe plus, il faut rectifier le tir et permettre à ceux dont la présomption d’innocence aura été atteinte d’avoir accès aux éléments de l’enquête.
    Cela répond, me semble-t-il, aux interrogations de M. Bernalicis puisqu’il n’est pas question d’ouvrir l’enquête au contradictoire lorsque l’atteinte à la présomption d’innocence n’est pas liée à la violation du secret de l’enquête ; c’est uniquement en cas de divulgation par la presse d’éléments susceptible de porter atteinte à la présomption d’innocence que le contradictoire se justifie.
    Enfin, concernant les attaques d’un @guacamole425, nous avons bien précisé, par voie d’amendement, que le fait de s’en prendre anonymement à quelqu’un sur les réseaux sociaux sans plus d’insistance ne constituait pas nécessairement une atteinte à la présomption d’innocence.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ah bon ? Ce n’est pas noté dans le texte.

    Mme Laetitia Avia

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    La qualification en est laissée au procureur à qui il reviendra de statuer, en fonction notamment de la viralité ou de la puissance de l’attaque.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    C’est vraiment un débat intéressant,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Merci !

    M. Pascal Brindeau

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    …car nous souhaitons tous lutter contre la violation du secret de l’instruction, d’une part, et garantir le respect de la présomption d’innocence, d’autre part. Cependant le texte fait mention d’un « moyen de communication au public » et Mme Avia a souligné qu’il fallait plus qu’un simple tweet de @guacamole425 pour porter atteinte à la présomption d’innocence et qu’il fallait à tout le moins que le message établissant le lien entre des faits et un individu nommément mis en cause ait un caractère vital pour qu’il constitue une atteinte caractérisée à la présomption d’innocence.
    Or, il y a de multiples circonstances où le seul fait de révéler des faits en y accolant le nom d’une personne qui n’est d’ailleurs peut-être même pas encore mise en cause dans le cadre d’une enquête préliminaire suffit à convaincre le public que cette personne n’est pas étrangère à ces faits, ce qui constitue bien une atteinte à la présomption d’innocence.
    De deux choses l’une : soit l’on considère que le seul fait d’associer sur la place publique le nom de quelqu’un à des faits délictueux constitue une violation de la présomption d’innocence, ce qui justifie l’ouverture de l’enquête au contradictoire ; soit le lien de cause à effet n’est pas immédiat, et l’on s’expose à de multiples contentieux. C’est en tout cas le risque que nous paraît comporter la notion trop floue de « moyen de communication au public », raison pour laquelle, je défendrai les deux amendements qui suivent.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Bernalicis, un article de presse mentionne je ne sais quelle turpitude de je ne sais qui, et le procureur décide alors d’ouvrir une enquête. Ce premier article ne peut pas être le fruit d’une violation du secret de l’enquête, puisque, par définition, celle-ci n’était pas ouverte lors de la parution. C’est donc un cas qui ne nous concerne pas.
    En revanche, si, comme cela arrive souvent trop souvent, des violations successives du secret de l’enquête alimentent un journal ou des journalistes dûment triés sur le volet, lesquels vont feuilletonner, toujours à charge parce que l’innocence n’a pas beaucoup d’intérêt médiatique, nous souhaitons mettre un terme à ces pratiques, car vous savez comme moi que certains journalistes s’en font une spécialité et que les plaintes déposées pour violation du secret de l’enquête n’aboutissent jamais.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et ça ne va pas changer…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’idée que nous défendons est donc simple et, dans le fond assez noble : il n’y a aucune raison qu’un homme qui est suspecté n’ait pas accès aux procès-verbaux qui le concernent, alors que ces procès-verbaux ont été donnés à des journalistes. Ce n’est pas plus compliqué que ça.
    J’ai connu des affaires dans lesquelles l’intégralité des procès-verbaux de l’enquête préliminaire avait été gentiment communiquée à la presse, alors que l’intéressé n’y avait pas accès, parce que, dans le cadre de l’enquête préliminaire, la procédure interdisait qu’il ait accès à un dossier le concernant pourtant au premier chef.
    M. Peu a eu raison de souligner qu’il fallait se défier du petit coquin faisant fuiter des informations pour accéder plus vite à son dossier. Le texte a néanmoins prévu cette possibilité, et permet de faire échec à ce que le suspect aurait organisé pour déjouer la loi. Nous avons prévu l’hypothèse dans laquelle il voudrait faire fuiter un procès-verbal lui ayant été communiqué par un policier de ses connaissances.

    (Les amendements identiques nos 132, 336, 608 et 618 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir les amendements nos 511 et 510, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Pascal Brindeau

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    Dans le prolongement de notre discussion, il s’agit de rendre le texte suffisamment précis et éclairant, afin qu’il ne puisse donner lieu à des interprétations qui contraindraient le juge à traiter d’éventuels contentieux.
    Monsieur le garde des sceaux, vous avez précisé qu’un article de presse mettant en cause un individu pour des faits délictueux et entraînant l’ouverture d’une enquête préliminaire constitue un cas qui n’entre pas dans le champ de cette disposition puisque l’article est préalable à l’ouverture de l’enquête. Soit. Mais prenons le cas où, à la suite du déclenchement de l’enquête préliminaire par le procureur, un autre média relaie cette mise en cause : s’agit-il là d’une atteinte à la présomption d’innocence, alors que la personne mise en cause et les faits incriminés sont les mêmes que dans le premier article ? Ou bien considère-t-on, malgré l’ouverture entre-temps de l’enquête préliminaire, qu’aucun fait nouveau n’étant établi, il n’y a pas d’atteinte à la présomption d’innocence ?
    Cette alternative montre bien que, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi laisse le champ libre aux interprétations contradictoires, sources de contentieux.
    C’est la raison pour laquelle j’ai fait deux propositions de rédaction, l’une qui revient à la rédaction initiale, laquelle me semble plus claire que celle issue des travaux de la commission, et l’autre qui fait référence à l’article du code civil traitant de la présomption d’innocence, afin d’assurer un parallélisme des formes parfait entre le code de procédure pénale et le code civil. Encore une fois, il s’agit de ne pas prêter le flanc au contentieux pour une question d’interprétation.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable. Le concept d’atteinte à la présomption d’innocence, tel qu’il a été rédigé en commission, et que je trouve plus judicieux ainsi, est parfaitement connu en droit pénal. On est aujourd’hui capable de définir ce qu’est une atteinte à la présomption d’innocence, donc de déterminer ce qui entre ou non dans le cadre de l’article.
    La référence que vous voulez introduire à l’article 9 du code civil relève d’un autre concept : l’indemnisation que l’on peut obtenir lorsqu’on a subi un préjudice du fait de l’atteinte portée à son image ou à sa présomption d’innocence par un tiers. Ce sont deux notions différentes.
    La notion que nous avons retenue à l’issue des travaux en commission permettra au procureur d’ouvrir l’enquête au contradictoire lorsqu’il sera sollicité dans le cadre d’une telle atteinte.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il faut être extrêmement précis. La rédaction actuelle de l’alinéa 14 indique « s’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence », pas « si le secret de l’enquête a été violé ». Il n’est pas écrit : « Si le secret de l’enquête a été violé dans le cadre de l’affaire de M. Duchmol, alors M. Duchmol a accès à son dossier. »
    Il me semble d’ailleurs que ce serait une rédaction intéressante, précise, concrète, circonstanciée. Elle permettrait en même temps l’ouverture d’une enquête pour violation du secret de l’enquête, laquelle n’aboutirait pas, mais, au moins, la personne mise en cause aurait accès à son dossier.
    Quand un article de presse dit que vous avez commis telle ou telle infraction, il met en cause votre présomption d’innocence…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui.

    M. Ugo Bernalicis

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    …or c’est bien cela que fait un article à charge quand il vous accuse d’avoir commis tel ou tel délit ! Je suis désolé de le dire mais, tel que l’alinéa est rédigé aujourd’hui, il sera immédiatement permis d’avoir accès au dossier d’une enquête préliminaire ouverte à la suite de la publication d’un article.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Si l’on décide d’ouvrir l’enquête préliminaire au contradictoire dès la première minute de jeu, alors faisons-le pour tout le monde, fin de l’histoire. J’y serais favorable.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh bien là, alors !

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais ce n’est pas ce qui est en train d’être fait.
    Quant aux moyens de communication au public, notre collègue Avia dit qu’il faudra que le procureur les caractérise, mais ce n’est pas ce qui est marqué dans le texte. Il est marqué : « par un moyen de communication au public »… Donc si @guacamole425 dit que Bernalicis a commis une infraction, qu’il est coupable et qu’il a eu accès à des procès-verbaux, je suis désolé, mais j’irai voir le procureur, et il n’aura pas d’autre choix que de me donner accès au dossier.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il mélange tout !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je préfère donc mille fois la rédaction du collègue Brindeau pour laquelle je vais voter, y compris sur l’amendement no 510, même si l’on pourrait aller plus loin en apportant des précisions sur la violation du secret de l’enquête – à réfléchir pour plus tard. Car je me suis posé la question : si, lors de l’instruction, vous êtes mis en cause alors que vous n’êtes ni témoin assisté ni mis en examen, vous n’aurez pas accès à votre dossier. Ainsi, dans le cadre de l’information judiciaire, vous n’aurez pas accès à votre dossier alors que vous êtes mis en cause publiquement, tandis que vous y aurez accès dans le cadre d’une enquête préliminaire ! Vous voyez bien qu’il y a un problème et qu’il faudrait retravailler le texte.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Monsieur le rapporteur, je veux bien vous entendre sur la violation de l’atteinte portée à la présomption d’innocence. Mais comment déterminer ce qu’est « un moyen de communication au public » ? Les médias, on voit bien ce que c’est, mais il y a les réseaux sociaux. Et, si vous passez dix coups de fil, ne s’agirait-il pas de communication à un public ?

    Mme Laetitia Avia

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    Non !

    M. Pascal Brindeau

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    L’expression n’est-elle pas sujette à interprétation ? Vous dites non, mais moi, je n’en sais rien. Dans un procès en diffamation, vous savez très bien, madame Avia, combien il est difficile de caractériser la diffamation, car il faut qu’un certain nombre de personnes soient touchées. Si, si. On peut aujourd’hui communiquer par beaucoup de moyens différents de ceux qui nous viennent immédiatement à l’esprit, c’est-à-dire, grosso modo, les médias.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais bien sûr !

    M. Pascal Brindeau

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    Ce que nous visons, naturellement, c’est l’article de presse, mais il n’y a pas que lui. Désormais, il y a beaucoup d’autres moyens de communication au public, et cette rédaction, qui est tellement large et tellement floue…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais non !

    M. Pascal Brindeau

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    Vous verrez au contentieux !

    (Les amendements nos 511 et 510, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 395 et 609.
    La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 395.

    M. Jean-Michel Clément

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    Il vise à rétablir, après la mise à disposition d’une copie de la procédure par le procureur, la possibilité de formuler des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois.
    L’article 2, en son alinéa 15, modifie l’article 77-2 du code de procédure pénale et l’obligation faite au procureur, lorsque l’enquête lui paraît terminée, d’aviser le suspect ou son avocat qui ont demandé l’accès au dossier un an après la garde à vue ou l’audition libre, de la mise à disposition d’une copie de la procédure. Néanmoins, la nouvelle rédaction de l’article supprime la possibilité initialement prévue de formuler des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans ce délai. Cette suppression va à l’encontre du renforcement du contradictoire dans l’enquête préliminaire.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 609.

    M. Pierre Vatin

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    Il vise à renforcer le contradictoire dans l’enquête préliminaire en donnant au suspect ou à son avocat la possibilité de recevoir des actes utiles à la manifestation de la vérité. Cela me paraît essentiel.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Votre demande est satisfaite par l’alinéa 10 de l’article 2, lequel prévoit le droit de présenter des observations, y compris sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes dans le cadre de l’enquête. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Vatin.

    M. Pierre Vatin

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    Monsieur le garde des sceaux, il me semble qu’il y a ici une question de délai. Le cadre est complètement différent de celui de l’alinéa 10.

    (Les amendements identiques nos 395 et 609 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 452 de Mme Justine Benin est défendu.

    (L’amendement no 452, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 623.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il modifie l’alinéa 16 afin que la voie d’appel, en cas de contestation du refus d’accès au dossier, ne soit pas le procureur général ainsi qu’il est actuellement prévu, mais une formation collégiale de magistrats du siège. L’indivisibilité du parquet fait qu’un procureur général a plutôt tendance à être du côté de ses parquetiers, ce qui est, somme toute, naturel et normal. Je ne le conteste pas et, si j’étais procureur général, je ferais de la sorte, comme tous les procureurs généraux ; mais si l’on veut un regard extérieur, il faut s’en donner les moyens.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable. Nous conservons un recours hiérarchique, comme c’est le cas pour la prolongation du délai de l’enquête préliminaire.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je précise à M. le rapporteur, qui a bien voulu me répondre, que je suis cohérent dans mes amendements : j’avais également proposé que la prolongation du délai de l’enquête préliminaire soit décidée par le juge des libertés et de la détention pour avoir le regard extérieur d’un magistrat indépendant. Cela peut être utile.

    (L’amendement no 623 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 682.

    Mme Cécile Untermaier

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    Il est issu du travail que nous avons mené avec un certain nombre de procureurs, lesquels considèrent que le délai de six mois prévu à l’alinéa 16 et pouvant, dans certains cas, être porté à un an n’est peut-être pas suffisant. L’idée serait donc de proroger le délai d’un an. En effet, la fuite dans la presse – pour simplifier les choses – peut se produire au tout début de l’enquête, à un stade où les investigations ne sont pas abouties. En fonction de la gravité de la situation, il nous paraît utile de laisser au procureur la possibilité de proroger ce délai pour mener à bien les investigations.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable. Si l’on allonge les délais, on vide de sa substance un dispositif qui vise justement à contenir la durée des enquêtes préliminaires.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est sûr.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si l’on veut éviter l’ouverture au contradictoire, il faudra éviter en amont les violations du secret de l’enquête. C’est cela, le but ; il n’est pas caché, il est avoué, il est très clair. Il faut mettre un terme à ces pratiques insupportables, récurrentes, qui sont pratiquées, je le répète, en toute impunité. Il faut que cela cesse. Si les services de police et le parquet ne souhaitent pas que la procédure devienne rapidement contradictoire, il faut faire en sorte de ne pas distribuer les procès-verbaux à certains journalistes. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
    C’est pourquoi allonger ce délai serait, au fond, vider le texte de sa substance.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    J’ai bien compris, monsieur le garde des sceaux, et vous savez que je suis intervenue en commission des lois pour soutenir le 3o du II de cet article, alinéa contesté par certains d’entre nous. En revanche, s’agissant de crimes particulièrement graves qui mettent en jeu la sécurité, il ne nous paraissait pas absurde, à moi-même et aux procureurs dont je porte la parole, de donner au procureur, dès lors que la fuite n’a pas été organisée par lui ou par ses services, la possibilité de prolonger d’un an à sa main la durée de l’enquête. Je ne parle que de crimes particulièrement graves mettant en jeu la sécurité.

    (L’amendement no 682 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 453 de Mme Justine Benin est défendu.

    (L’amendement no 453, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 800 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier est défendu.

    (L’amendement nos 800, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 396 et 610.
    L’amendement no 396 de M. Jean-Michel Clément est défendu.
    La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement no 610.

    M. Pierre Vatin

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    Il s’agit, là encore, de renforcer les droits de la défense et le contradictoire dans l’enquête préliminaire, en permettant à l’avocat du plaignant de disposer d’une copie du dossier et de la transmettre à celui-ci, sous réserve de l’autorisation du procureur de la République.

    (Les amendements identiques nos 396 et 610, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        104
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                97
                    Contre                0

    (L’article 2, amendé, est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès

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    Je me félicite de l’adoption de l’article 2, dans une unanimité qui n’est pas toujours au rendez-vous, et de cette avancée considérable pour nos libertés, qu’il consacre.
    Le groupe UDI et indépendants considère que l’article 3 comporte également de véritables avancées, qu’il conforte l’état de droit et qu’il permet de couvrir certains angles morts. Nous sommes donc très favorables à son adoption. Nous proposerons toutefois des amendements pour améliorer les dispositions qui nous semblent perfectibles.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Avia.

    Mme Laetitia Avia

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    Quelque 93 % des Français considèrent que le secret de la relation entre un avocat et son client est aussi important que le secret médical. C’est dire l’importance de la confidentialité de ces échanges et son caractère essentiel pour la relation de confiance que nos concitoyens entretiennent avec leur conseil, donc avec la justice.
    Les dispositions de l’article 3 sont fondamentales, tant le secret de la relation entre l’avocat et son client a été bafoué ces dernières années. Le renforcement prévu dans ce texte constitue donc une avancée majeure, que nous saluons.
    Nous saluons également l’unanimité qui s’est fait jour en commission des lois, en faveur de l’extension de la protection à l’ensemble de la relation entre le client et l’avocat. Celle-ci doit être protégée dès la première minute où le client se confie et lorsque des opérations de perquisition, d’écoute et de réquisition des fadettes des avocats sont envisagées.
    Je tiens à rappeler qu’il ne s’agit pas ici de sanctuariser les cabinets d’avocats. Un avocat qui serait soupçonné d’un délit, connexe ou non, d’un acte de complicité, pourra bien entendu faire l’objet d’une perquisition, d’une écoute, ou d’une réquisition de fadettes. En revanche, il s’agit de s’assurer que la justice ne cherche pas indûment chez l’avocat des éléments incriminant un client qui s’est confié à lui, dans une relation de confiance.
    Puisqu’il permet de grandes avancées, un encadrement amélioré, davantage de protection pour toutes et tous, l’article 3 doit être salué. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marine Brenier.

    Mme Marine Brenier

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    Comme mes collègues, je salue les avancées prévues à l’article 3, qui renforce le secret professionnel de la défense. Une affaire médiatique très récente aurait pu être évitée, si certaines de ces dispositions étaient déjà en vigueur.
    Certains problèmes demeurent, toutefois : les avocats sont de plus en plus fréquemment appelés en tant que témoins lors des enquêtes, et les perquisitions des bureaux d’avocats posent des difficultés. J’ai déposé un amendement à ce sujet. Vous prévoyez que de telles perquisitions devront désormais être justifiées par des « raisons plausibles ». L’expression ne me semble pas suffisamment définie d’un point de vue juridique.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh si, elle l’est !

    Mme Marine Brenier

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    Nous y reviendrons. En tout cas, nous saluons, sur le principe, le renforcement du secret professionnel de la défense et plus largement du conseil, car nous l’appelons de nos vœux.

    M. le président

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    La parole est à Mme Nathalie Porte, pour soutenir l’amendement no 718.

    Mme Nathalie Porte

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    Il vise à garantir le secret des correspondances entre un client et son avocat, quelle que soit la forme de celles-ci.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable, l’ajout proposé serait inutilement lourd.

    (L’amendement no 718, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 120.

    Mme Brigitte Kuster

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    Si la volonté de mieux protéger le secret professionnel entre un avocat et son client est louable – nous la saluons, sur les bancs du groupe Les Républicains – la formulation actuelle du texte laisse craindre l’apparition de deux types de secrets professionnels : d’un côté, celui qui s’appliquerait au cours d’une procédure et, de l’autre, celui qui s’appliquerait en dehors d’elles.
    Il est pourtant primordial de garantir le secret absolu des échanges entre un justiciable et son conseil, aussi bien au cours d’une procédure judiciaire qu’en dehors.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est déjà le cas !

    Mme Brigitte Kuster

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    L’amendement permettrait de l’inscrire dans le code de procédure pénale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Madame Kuster, votre demande est satisfaite. En effet, les dispositions relatives au secret de la défense adoptées en commission font référence à la loi du 31 décembre 1971. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    Madame Kuster, retirez-vous l’amendement ?

    Mme Brigitte Kuster

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    Je maintiens l’amendement, qui vise à supprimer les mots « au cours de la procédure pénale ». Monsieur le rapporteur, vous m’excuserez, sans doute est-ce parce que je ne suis pas juriste, mais je n’ai pas compris à quel titre il était satisfait. Pourriez-vous préciser votre explication, puisque je n’ai pas les connaissances nécessaires, à ce stade ?

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Je ne comprends pas trop le sens de votre amendement. Vous voulez supprimer la protection du secret de la défense dans le cadre des procédures pénales ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster.

    Mme Brigitte Kuster

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    L’amendement est assez simple : il vise à protéger le secret professionnel qui couvre les discussions entre un avocat et son client, au cours de la procédure et en dehors de celle-ci. Il faut le protéger le plus possible.
    Marine Brenier vient de faire référence à une affaire que nous avons tous en tête. Il s’agit tout de même du secret professionnel, monsieur le garde des sceaux ! Il est insuffisamment protégé à l’heure actuelle : les faits sont là, avec cette affaire qui a fait la une des médias.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Actuellement, quand le secret de la défense est mis à mal, c’est forcément dans une procédure pénale – c’était le cas, dans l’affaire à laquelle vous faites référence.
    La commission des lois a adopté des dispositions pour que la protection du secret professionnel, actuellement réservée à la défense pénale au sens propre, englobe tous les aspects des conseils fournis par l’avocat, tout le champ de son activité auprès de son client. Cette protection a donc bien évidemment vocation à s’appliquer dans le cadre des procédures pénales.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    Mme Brigitte Kuster

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    Mais non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Qu’est-ce qu’elle raconte ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Votre amendement est donc satisfait, à moins que je n’en aie pas compris le sens.

    (L’amendement no 120 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement no 148.

    M. Éric Diard

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    L’amendement vise à étendre le régime de protection dont bénéficient les cabinets d’avocats à l’interception de leurs correspondances ainsi qu’à leur mise sur écoute téléphonique.
    En effet, si la commission a déjà étendu le régime de protection des avocats, notamment pour les perquisitions, il reste à préciser que celui-ci couvre aussi les interceptions de communications, que les avocats en soient les destinataires ou les émetteurs, afin de mieux protéger le secret des correspondances entre l’avocat et son client, élément fondamental des droits de la défense pour nous tous.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Votre demande est satisfaite par les alinéas 19 à 22 de l’article 3, qui prévoient notamment qu’« aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile. » Demande de retrait.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Satisfait par la réponse du rapporteur, je retire mon amendement.

    (L’amendement no 148 est retiré.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    L’amendement no 565 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 565, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 118, 640, 801, 614, 397, 141, 211, 242 et 176, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 118 et 640 sont identiques.
    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 118.

    Mme Brigitte Kuster

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    Dans la continuité du renforcement de la protection du secret professionnel des avocats et de l’inviolabilité de leurs échanges avec leurs clients, il convient de préciser que toute perquisition ne peut être justifiée que par la présence d’« éléments de preuve » permettant de soupçonner la commission ou la tentative d’une infraction.
    En effet, en l’absence de cette précision, rien ne permet d’exclure que « l’intime conviction » d’un officier de police judiciaire ou d’un magistrat suffira à déclencher l’acte de procédure qu’est la perquisition, et l’alinéa 6 ne garantira pas un véritable renforcement du secret professionnel.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 640.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    L’amendement vise à donner des fondements un peu plus objectifs à la justification des perquisitions, nécessaire dès lors qu’un avocat est soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure, ou une infraction connexe au sens de l’article 203 du code de la procédure pénale. L’objectif est évidemment de protéger au maximum le secret professionnel de l’avocat et l’inviolabilité des échanges avec ses clients.
    Le début de la deuxième phrase de l’alinéa 6 de l’article 3 serait donc ainsi rédigé : « Lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe contre celui-ci des éléments de preuve permettant de le soupçonner d’avoir commis […]. »

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Le texte prévoit de réserver la possibilité de procéder à une perquisition dans le cabinet d’un avocat aux cas où il existe des « raisons plausibles » de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction passible d’une peine d’emprisonnement. Nous reprenons, avec le vocable « raisons plausibles », celui utilisé pour justifier les mises en garde à vue. Il implique que, dans ces cas, il faudra disposer d’éléments suffisamment importants pour priver une personne temporairement de sa liberté, dans le cadre d’une enquête efficiente.
    Pour votre part, vous demandez de réserver de telles perquisitions aux cas où « des éléments de preuve » sont présents. Mais quand on dispose de tels éléments, c’est que la personne est coupable,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    … condamnée, qu’il ne reste plus qu’à discuter du quantum de la peine. De telles conditions vont beaucoup trop loin. Remontons en amont et permettons aux services d’enquête de mener un minimum d’investigations, pour établir des éléments à charge et à décharge.
    J’en profite pour évoquer des amendements qui seront présentés ultérieurement, auxquels je donnerai un avis défavorable. Certains voudraient remplacer « des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction » par « des indices […] rendant vraisemblables qu’il ait pu commettre ou tenté de commettre l’infraction ». En l’espèce, nous n’en serions plus au stade de la garde à vue, ni à celui de la condamnation au fond – lorsque l’on détient des preuves –, mais à un stade intermédiaire, celui de la mise en examen. Là encore, ce serait un stade beaucoup trop avancé.
    Il faut raison garder : il convient de permettre la perquisition chez un avocat dès lors que l’on dispose des éléments qui permettraient de le placer en garde à vue. Tel est l’équilibre que nous avons trouvé. Il nous semble protecteur pour l’avocat – on ne pourra pas perquisitionner chez lui sans les éléments qui permettraient de le placer en garde à vue. En tout cas, il ne faut pas pousser le curseur trop loin, car on rendrait alors totalement inopérantes et inefficientes les enquêtes qui peuvent légitimement concerner un avocat.
    J’émets donc un avis défavorable sur les amendements qui viennent d’être présentés.

    Mme Cécile Untermaier

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    Très bien !

    M. le président

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    Je n’ai appelé à ce stade que les deux premiers amendements de la discussion commune. Si vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur, je considère que vous avez donné votre avis sur l’ensemble des amendements en discussion.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Oui.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 118 et 640 ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, ne peuvent pas prospérer. Je rappelle que, pour placer une personne en garde à vue, il faut des raisons plausibles de la suspecter ; pour mettre en examen, il faut des indices graves et concordants ; pour envoyer devant une juridiction, il faut des charges ; pour condamner, il faut des preuves. Et chacun de ces termes correspond à des choses bien précises.
    Imaginons qu’un avocat soit suspecté d’avoir commis un faux ; il n’y a pas de preuve, mais on peut penser que c’est lui. Pourra-t-on perquisitionner dans son cabinet ? Oui ! Toutefois, il y aura un certain nombre de garanties : il y aura peut-être ce que vous avez appelé tout à l’heure « l’intime conviction » de l’officier de police judiciaire, madame Kuster, mais il y aura surtout l’examen de la demande par le juge des libertés et de la détention. Dans le système actuel, un juge d’instruction qui souhaite perquisitionner chez un avocat peut le faire, un contrôle étant exercé a posteriori. Désormais, le contrôle interviendra a priori.
    On ne peut pas attendre qu’il y ait suffisamment d’éléments pour mettre l’avocat en examen, car il ne sera peut-être jamais mis en examen, notamment s’il y a une simple suspicion et rien d’autre. On ne peut pas non plus attendre d’avoir la certitude de sa culpabilité, car cela signifierait qu’il a déjà été jugé, comme l’a très justement relevé M. le rapporteur.
    Le régime que nous proposons est le plus protecteur du secret professionnel de la défense. Celui-ci avait besoin de ces dispositions, car il s’était délité au fil des ans. Nous avons beaucoup travaillé sur la question, et je pourrais multiplier les exemples.
    Sous une précédente législature, on avait promis une loi pour réparer le secret professionnel de la défense, mais elle n’a pas été présentée. Je m’y suis attelé. Le présent texte est protecteur, tout le monde s’accorde à le dire. Concernant les interceptions téléphoniques, monsieur Diard, ma réponse semble vous avoir convaincu.
    Nous ne pouvons pas aller au-delà dans ce texte : il ne faudrait pas que l’avocat devienne un justiciable au-dessus des lois ! D’ailleurs, le secret professionnel de la défense protège non pas l’avocat, mais le justiciable. Selon un sondage récent, que Mme Avia a eu raison de mentionner, 93 % des Français se disent attachés au secret de la défense. Ils sont attachés de même, nous le savons, au secret médical.
    Pour perquisitionner dans le cabinet d’un avocat – qui ne peut être l’annexe d’un commissariat de police ni une boîte aux lettres –, il faut qu’il y ait des raisons plausibles de le suspecter. S’il n’y en a aucune, il n’est pas question d’aller chercher quoi que ce soit dans ce cabinet.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j’entends tout à fait vos arguments à propos des « éléments de preuve », qui correspondent effectivement à un stade où la culpabilité de l’avocat serait d’ores et déjà établie. Ce n’est probablement pas la bonne formulation, je le reconnais volontiers.
    Cela étant, la notion de « raisons plausibles » me paraît beaucoup trop subjective.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est la loi !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    L’appréciation de ces raisons peut varier en fonction de la personne chargée de les examiner. C’est pourquoi je propose de retenir la notion de « faisceau d’indices »,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah non !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …qui fait l’objet d’une définition précise en droit, qui a une vraie consistance juridique. « Raisons plausibles », sincèrement, cela ne me convainc pas.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès

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    Je défendrai tout à l’heure un amendement qui va dans le même sens. « Raisons plausibles », c’est le degré de suspicion le plus faible.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah non !

    M. Philippe Gomès

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    Et ce faible degré de suspicion suffirait pour autoriser une perquisition chez un avocat ou l’interception de ses communications téléphoniques,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non ! C’est surréaliste !

    M. Philippe Gomès

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    …ce qui n’est tout de même pas rien.
    À l’instar de plusieurs collègues de différents groupes, je considère que la formulation « raisons plausibles », même si elle est utilisée dans d’autres cas – cela a été rappelé –, n’est pas adaptée en l’espèce.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais si !

    M. Philippe Gomès

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    Quant à la formulation « indices graves, précis et concordants », elle est probablement trop restrictive. En tout état de cause, « raisons plausibles » correspond à un niveau de suspicion trop peu élevé pour justifier une pareille atteinte au secret professionnel de la défense.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Franchement !

    M. Philippe Gomès

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    Je ne voudrais pas que vous vous emportiez, monsieur le ministre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est insupportable !

    M. Philippe Gomès

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    Il s’agit d’une simple observation, dans le cadre d’un débat. (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne vais pas m’emporter, bien sûr. Néanmoins, je réagis, car on ne peut pas dire que « raisons plausibles » correspond à la plus légère des suspicions : c’est ce niveau de suspicion qui permet de placer une personne en garde à vue. L’expression figure déjà dans le code de procédure pénale, madame Ménard, ainsi qu’à l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans l’un des cas justifiant la privation de liberté. C’est une notion jurisprudentielle parfaitement connue.
    Vous ne pouvez pas exiger des « indices graves et concordants », niveau requis pour une mise en examen. S’il y a de tels indices contre un avocat, il sera effectivement mis en examen. Il y a un stade inférieur à celui-là auquel il doit être possible de perquisitionner chez un avocat. À défaut, ce serait un non-sens.

    Mme Laetitia Avia

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    Tout à fait !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On peut encore moins exiger des « éléments de preuve », je pense que vous le concédez désormais.
    Outre les exemples que j’ai déjà cités, prenons celui, qui pourra sembler caricatural, d’un avocat suspecté d’avoir tué sa femme – c’est arrivé dans l’histoire, certes un petit nombre de fois. Peut-on perquisitionner dans son cabinet pour voir si le cadavre de son épouse ne s’y trouve pas ? Oui ou non ?

    Mme Laetitia Avia

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    Oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Gomès, vous préféreriez attendre que l’on dispose des éléments permettant de le mettre en examen ? Vous attendriez donc qu’il soit effectivement mis en examen pour meurtre, en l’espèce pour féminicide conjugal ? Cela ne résiste pas à un examen sérieux. Voilà pourquoi j’ai réagi.
    Nous renforçons le secret professionnel de la défense, qui était déliquescent, et nous prévoyons de vraies garanties – et ce n’est jamais assez !
    Nous ne pouvons pas nous permettre d’exiger les conditions permettant une mise en examen. Sinon, on perquisitionnera uniquement chez les avocats mis en examen ! Ce niveau n’étant pas requis pour perquisitionner chez n’importe lequel d’entre nous, les avocats seraient alors au-dessus de la loi.
    La garde à vue, justifiée par des « raisons plausibles de suspecter », est souvent accompagnée d’une perquisition. Il est donc normal que, dans le cadre d’une enquête motivée par de telles raisons, on procède à une perquisition si l’on pense pouvoir trouver un certain nombre d’éléments.
    À force, vous en demandez trop ! Et vous donnez ainsi l’impression que nous ne réalisons aucune avancée en faveur du secret professionnel de la défense. Voilà ce qui est incroyable.
    Nous accomplissons une véritable avancée, la très grande majorité des avocats pourront vous le dire. Certains d’entre eux se sont d’ailleurs déjà exprimés en ce sens dans différents organes de presse, remerciant les députés qui, en amendant le texte, se sont montrés d’ailleurs plus généreux que le garde des sceaux. (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Je ne voudrais pas paraître défendre trop les avocats, mais je partage l’avis du garde des sceaux. « Raisons plausibles », c’est le début des problèmes. Si l’on retient cette notion, on mettra les avocats dans l’embarras. Il ne serait pas judicieux de le faire, n’en déplaise au collègue qui a dénoncé « un texte fait par les avocats pour les avocats ».

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Que proposez-vous ?

    (Les amendements identiques nos 118 et 640 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Nous en venons aux autres amendements de la discussion commune.
    La parole est à M. Philippe Gomès, pour soutenir l’amendement no 801.

    M. Philippe Gomès

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    Il vise à remplacer la terminologie en cause, « raisons plausibles », par une formule qui nous semble plus adaptée, « indices précis et concordants » – et non « indices graves, précis et concordants ». Je vous renvoie aux débats qui se sont tenus en 2002 au Sénat sur la terminologie « raisons plausibles » : la ministre de la justice de l’époque, Marylise Lebranchu, a eu toutes les difficultés à la faire insérer dans notre droit positif.
    Au-delà de cet amendement, je souhaite faire une remarque qui s’adresse à vous, monsieur le ministre, et, plus largement, au Gouvernement. Les articles 2 et 3 du texte constituent des avancées certaines pour notre droit positif, qu’il s’agisse de l’encadrement de l’enquête préliminaire ou du renforcement du secret professionnel de la défense ; nous en approuvons les orientations. Néanmoins, nous avons vocation à exprimer notre point de vue sur ces articles aussi, et à défendre notre vision des choses, quand bien même elle ne conviendrait pas au Gouvernement. Ce n’est pas parce que nous avons déposé des amendements sur ces articles que nous mènerions une bataille inutile, que nos arguments ne seraient pas pertinents ou que nous en demanderions trop. Cela fait partie du débat parlementaire.

    M. le président

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    Les amendements nos 614 de M. Pierre Vatin, 397 de M. Jean-Michel Clément et 141 de M. Erwan Balanant sont défendus.
    La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l’amendement no 211.

    Mme Marine Brenier

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    Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire sur l’article 3, la notion de « raisons plausibles » n’est pas définie juridiquement. Celle de « faisceau d’indices », en revanche, est bien connue en matière de procédure pénale, et me semble mieux convenir.

    M. le président

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    L’amendement no 242 de M. Bruno Bilde est défendu.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 176.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    C’est un amendement de repli. Il est défendu.

    M. le président

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    Vous avez déjà exprimé votre avis sur l’ensemble de ces amendements, monsieur le rapporteur.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Effectivement. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster.

    Mme Brigitte Kuster

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    Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez demandé tout à l’heure quels termes, autres que « raisons plausibles », nous pourrions inscrire dans le texte.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas possible !

    Mme Brigitte Kuster

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    Dans mon amendement, j’avais proposé les termes « éléments de preuve », selon moi plus précis que « raisons plausibles ». J’ai entendu vos arguments ; permettez aux élus que nous sommes de les trouver peu compréhensibles.
    Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi vous avez pris l’exemple d’un avocat suspecté d’avoir tué sa femme. En effet, il est surtout question ici des relations entre l’avocat et son client, de l’inviolabilité de leurs échanges et des raisons qui peuvent justifier une éventuelle perquisition chez l’avocat.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est infernal !

    Mme Brigitte Kuster

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    Ce n’est pas parce que nous sommes l’opposition que nos propositions seraient systématiquement dépourvues de sens ! Celles qui ont été formulées par les uns ou les autres peuvent s’entendre, même si nous ne sommes pas juristes.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Madame la députée, vous n’avez pas compris mon intervention ; pardonnez-moi, sans doute n’ai-je pas été clair – cela m’arrive souvent. Je vais essayer de vous expliquer à nouveau : l’avocat ne peut faire l’objet d’une perquisition que s’il est lui-même suspecté. C’est une avancée considérable, d’autant que c’est un juge – pas n’importe lequel, le JLD – qui vérifiera si les conditions sont réunies pour perquisitionner son cabinet ou son domicile.
    Beaucoup d’avocats se sont exprimés sur ce texte et ont dit leur satisfaction. Je suis frappé par un fait : vous n’avez jamais touché à ces questions, que vous avez laissées en jachère, mais vous faites désormais de la surenchère pour exiger des choses qui ne sont pas réalistes.

    Mme Naïma Moutchou

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est tout de même extraordinaire ! Adopter ces amendements reviendrait à démolir une avancée considérable, alors que vous n’y êtes jamais allée.

    Mme Brigitte Kuster

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    Où ne suis-je jamais allée ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On ne peut pas utiliser la preuve, car elle sert lorsque l’on est coupable.

    Mme Brigitte Kuster

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    Où ne suis-je jamais allée ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Laissez-moi terminer, madame ! Vous n’avez pas fait de proposition ni présenté de texte sur la question du secret de la défense ! Nous présentons un texte qui est reconnu comme une avancée par beaucoup d’avocats, qui s’expriment régulièrement dans la presse.

    Mme Brigitte Kuster

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    Et alors ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Alors laissez-moi finir ! Vous faites dans la surenchère, comme si cette affaire, d’un coup, vous préoccupait, alors que durant des lustres, vous n’avez rien proposé.
    Par ailleurs, je me défends en droit, ce qui n’est pas rien s’agissant d’une question comme celle-là. La preuve ne peut pas être utilisée ; je vous ai dit pour quelles raisons, mais vous revenez quand même à la charge – si j’ose dire. Pour perquisitionner chez un avocat, on ne peut pas fixer le seuil au niveau de la mise en examen ; ça n’aurait aucun sens. Fort heureusement, très peu d’avocats sont mis en examen, même si cela arrive. Adopter ces amendements signifierait qu’on ne pourrait pratiquement plus jamais perquisitionner ! Prenons un autre exemple : on retrouve chez un homme…

    Mme Brigitte Kuster

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    On n’a pas dit ça ! On n’a pas non plus parlé de mise en examen !

    M. le président

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    Madame Kuster, je vous ai redonné la parole, ce qui est à la fois conforme au règlement et une forme de cordialité. Laissez M. le ministre poursuivre son propos sans être interrompu. (M. Stéphane Claireaux applaudit.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On retrouve chez un homme un document qu’on suspecte d’être un faux ; il porte la signature d’un avocat. Est-ce qu’on peut vérifier ? C’est le b.a.-ba ! C’est la raison plausible, que vous ne voulez pas entendre ; vous inventez autre chose, alors que la raison plausible est déjà dans le code ! C’est désespérant. J’arrête, parce que vous ne voulez pas entendre.

    Mme Brigitte Kuster

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    Je n’ai rien dit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne vous êtes jamais intéressée à ces questions, madame. Le bâtonnier de Paris s’est exprimé à ce sujet, allez voir s’il émet vos réserves ! Que voulez-vous ? Que l’on ne perquisitionne chez un avocat que lorsqu’il est mis en examen ? En présence des fameux indices graves et concordants, le juge est obligé de mettre en examen. Vos propositions n’ont aucun sens. Je ne veux pas me fâcher, mais ce texte est une avancée considérable, que vous réduisez à sa plus simple expression parce que vous faites de la surenchère…

    M. Ugo Bernalicis

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    De la surenchère ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et de mon point de vue, ce n’est pas correct.
    Tout ce que l’on fait…

    Mme Naïma Moutchou

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    …n’est jamais assez.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour un rappel au règlement – et non pour revenir sur l’amendement.

    Mme Brigitte Kuster

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    Je ne reviendrai pas sur l’amendement, monsieur le président. En effet, monsieur le garde des sceaux, je ne me suis jamais intéressée à ce sujet. Voyez-vous, je n’ai pas une formation de juriste.

    M. Stéphane Peu

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    Ah !

    Mme Brigitte Kuster

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    Je suis élue depuis quatre ans et je vous ai interpellé sur un texte en tant que parlementaire, représentante des Français et de ma circonscription. Nous sommes ainsi amenés à nous exprimer sur de nombreux textes. Je ne fais pas partie de la commission des lois, mais de celle des affaires culturelles et de l’éducation. Certains d’entre nous s’expriment parfois sur des sujets qui ne relèvent pas de leur spécialité.

    Mme Marine Brenier

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    Exactement !

    Mme Brigitte Kuster

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    Mais de quelle manière vous m’avez traitée, monsieur le garde des sceaux, répétant que je ne m’étais jamais intéressée à ce sujet, alors que j’ai eu l’honnêteté de vous dire tout à l’heure que je n’étais pas juriste et que je n’ai pas fait d’études de droit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas le problème !

    Mme Brigitte Kuster

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    Je suis députée et je mérite tout simplement d’être respectée (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.– M. Peu applaudit également), parce que j’ai déposé un amendement ; je ne mérite pas de subir le comportement que vous avez eu à mon égard – et ce n’est pas la première fois – parce que vous ne supportez pas que nous ayons d’autres idées que vous.
    Monsieur le garde des sceaux, je ne fais pas de surenchère : j’essaie de comprendre et d’apprendre. Permettez-moi de vous comparer à Mme Nicole Belloubet : jamais elle ne nous aurait traités comme vous venez de le faire !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    Ce que je redoutais est en train de se passer… Monsieur Millienne, considérez-vous qu’il est important que vous preniez la parole maintenant ? Je vous la donne, mais promettez-moi d’être un homme de paix.

    M. Bruno Millienne

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    Vous me connaissez !

    M. le président

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    C’est justement ce qui m’inquiète, mais vous allez me prouver que je me trompe ! La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Merci de me faire confiance ; je vais essayer d’être un homme de paix. M. le garde des sceaux s’est effectivement énervé, mais après l’examen d’une série d’amendements en discussion commune qui visaient tous la même chose : aller au-delà de ce qui avait déjà été obtenu.

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Et alors ?

    M. Bruno Millienne

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    Je ne suis pas non plus juriste, mais j’ai parfaitement compris l’explication du garde des sceaux sur la raison plausible, et elle me va très bien. Je veux bien que vous en rajoutiez, mais quand le garde des sceaux explique qu’au-delà de ce qui est proposé, on est obligé de mettre en examen un avocat et que cela n’a pas de sens, je comprends parfaitement, alors que je ne suis pas juriste. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Brigitte Kuster

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. le président

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    Il m’arrive rarement de donner crédit au MODEM, mais je le fais à présent, monsieur Millienne. (Sourires.) N’y voyez qu’une allusion béarnaise.

    (Les amendements nos 801, 614, 397, 141, 211, 242 et 176, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 566 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 566, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l’amendement no 291.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Il est bien insignifiant au regard des sujets dont nous venons de débattre. Il a toutefois un intérêt à mon sens, celui d’assurer un peu de cohérence dans la procédure pénale. Il s’agit de confier l’appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention à la chambre de l’instruction et à son président plutôt qu’au premier président de la cour d’appel, comme le prévoit l’article 3.
    Dans la mesure où le projet de loi tend à rapprocher l’enquête préliminaire de l’instruction, il paraît assez logique que l’on ait le même juge d’appel pour toute la phase préalable au jugement et que la chambre de l’instruction et son président soient les juridictions d’appel en la matière. Cela permettrait aussi d’assurer un peu de cohérence dans la jurisprudence et de mieux suivre l’activité du JLD.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    En commission, madame Vichnievsky, je vous avais demandé de retirer votre amendement pour nous laisser un temps de réflexion, car j’étais sensible à votre argument. Le temps vous donne raison, puisque je suis à présent favorable à l’amendement.

    M. Bruno Millienne

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    Excellent ! J’ai bien fait de faire le juge de paix.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Le président de la chambre d’instruction est le juge naturel en matière pénale.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous le savez, madame la députée, j’ai eu la même hésitation. J’avais une petite préférence pour le premier président de la cour d’appel en raison de la nature du contentieux, mais je pense que l’argument de la cohérence l’emporte. Avis favorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    On ne m’a pas demandé mon avis (Rires), mais il est également favorable ! La proposition est logique, tout simplement : l’intervention du premier président concerne le disciplinaire, alors que là, il s’agit de délit et d’infraction, on reste dans la procédure pénale. L’amendement est cohérent et me paraît important.

    (L’amendement no 291 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 815.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je voudrais à mon tour rappeler le cadre de référence, c’est-à-dire d’où nous sommes partis et où nous sommes arrivés avec ce texte. On parle depuis des années de la question du secret professionnel et de son délitement. On la pointe du doigt depuis très longtemps, sans que quiconque ait eu le courage politique d’affronter le problème et d’apporter des solutions. Ce qui a été fait dans ce texte et en commission, par l’ensemble des groupes et sous l’impulsion déterminante du garde des sceaux, est historique.

    M. Ugo Bernalicis

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    On avait dit : pas de surenchère !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, c’est historique.

    Mme Naïma Moutchou

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    C’est historique, c’est reconnu par tous ! Il est important de rappeler que tous les groupes ont contribué aux travaux de la commission. On peut toujours vouloir aller plus loin que loin, il n’empêche qu’il nous faut reconnaître, ensemble, que ce texte est un immense progrès.
    À travers l’amendement de M. Raphaël Gauvain, repris par notre groupe, je vous propose d’étendre la protection des documents couverts par le secret professionnel à ceux qui ne sont pas retrouvés au domicile ou au cabinet de l’avocat, mais dans d’autres lieux.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    J’y suis favorable. Nous avons également eu cette discussion en commission ; vous aviez retiré l’amendement, pour que l’on puisse prendre le temps de la réflexion. C’est une très bonne mesure que de pouvoir protéger la correspondance entre un avocat et son client lorsqu’elle est saisie à l’extérieur du cabinet, chez le client.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le secret n’est pas dans le lieu, il est dans le document. Si le document n’est pas dans le lieu : CQFD. Avis favorable, évidemment.

    (L’amendement no 815 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 683.

    Mme Cécile Untermaier

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    Je suis surprise qu’il ait été déclaré recevable. Il vise à reprendre une initiative de l’association de la presse judiciaire, qui souhaite que l’on renforce la protection dont bénéficient les journalistes concernant les interceptions. Il aligne leurs garanties sur celles prévues par l’article 3 pour les avocats, en prévoyant une ordonnance motivée d’un juge des libertés et de la détention. Du fait de l’insuffisance de la protection des sources des journalistes, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France à plusieurs reprises, sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Je n’irai pas plus loin dans la démonstration, connaissant déjà la réponse.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Vous connaissez la réponse, madame Untermaier ? Moi, je ne la connais pas. Vous avez raison de vous étonner que l’amendement soit déclaré recevable et débattu dans l’hémicycle, car le secret des sources n’était pas dans le périmètre du projet de loi soumis à la commission des lois et désormais examiné en séance publique.
    Pendant les deux semaines qui se sont écoulées entre le moment où la commission a été saisie du texte et le début de son examen, nous avons travaillé d’arrache-pied, en réalisant notamment de nombreuses auditions. Cependant, nous n’avons pas du tout examiné ce sujet – nous aurions pu auditionner les syndicats de journalistes et des spécialistes du droit pénal de la presse, par exemple. Il s’agit d’un sujet important, on ne peut pas l’aborder par le biais d’un amendement, discuté à vingt-deux heures trente, sans avoir le recul qu’un travail préalable autorise.
    À titre personnel, je vous propose donc de retirer cet amendement ; au nom de la commission, j’émets un avis défavorable. Néanmoins, je répète que le sujet est important. Dans son avis, le Conseil État a d’ailleurs relevé qu’il méritait d’être discuté, sans toutefois aller plus avant. Si j’ai bien compris, un projet de loi relatif à l’audiovisuel est dans les cartons, peut-être offrira-t-il un meilleur véhicule législatif.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Comme la communication des procès-verbaux en garde à vue, il s’agit d’un sujet tellement important qu’il est difficile de l’examiner au détour d’un amendement, fût-il excellemment rédigé. Cela mérite une réflexion approfondie. Le ministère de la culture défend un projet de loi, peut-être sera-t-il l’occasion d’évoquer ces questions. Pour les raisons évoquées par le rapporteur, je ne peux me prononcer : ce ne serait pas sérieux. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Il s’agissait d’un amendement d’appel ; je pense que l’association de la presse judiciaire sera sensible à l’intérêt que vous lui avez manifesté. Il est possible que le Sénat se penche sur la question et que la navette vous offre l’occasion de l’examiner, comme celle à venir, qui concerne un autre secret, à savoir celui des parlementaires. En l’état du débat, sans étude d’impact pour bien mesurer les enjeux, je comprends votre position et je retire l’amendement.

    (L’amendement no 683 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 363, 649, 812 et 828.
    La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 363.

    M. Sébastien Huyghe

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    Ma défense vaudra aussi pour le no 353 de M. Tourret. Victime d’un léger accident, il n’a pas pu être parmi nous ce soir. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
    L’adoption de l’amendement ne devrait pas poser problème. En effet, il est issu de la proposition no 8 du rapport qu’Alain Tourret, député de la majorité, et moi-même avons déposé, à l’issue d’une mission d’information relative à l’immunité parlementaire. Effectuée pour la commission des lois, elle examinait les garanties essentielles à la liberté politique de l’élu. La commission des lois a adopté les propositions de ce rapport à l’unanimité.
    Cet amendement vise à étendre aux parlementaires le régime dont relèvent les avocats, les médecins, les magistrats, les notaires, les huissiers et les entreprises de presse, en cas de perquisitions menées dans leur bureau, leur permanence ou leur domicile. Lorsqu’une telle perquisition est diligentée, un membre du bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat sera présent, selon un principe comparable à celui qui veut que le bâtonnier assiste obligatoirement à une perquisition dans le cabinet d’un avocat. Ce dispositif tend à garantir que des documents susceptibles d’être politiquement sensibles et confidentiels, et sans rapport avec l’objet de l’enquête, ne pourront être saisis.
    Il s’agit d’une mesure d’apaisement – j’insiste sur ce point. Chacun en effet se souvient d’une perquisition assez récente, qui a défrayé la chronique, pendant laquelle le ton était monté. La situation avait failli dégénérer – pour ne pas dire avait dégénéré. La présence d’un membre du bureau de l’assemblée à laquelle le parlementaire appartient sera de nature à apaiser la situation, car il fera tampon, si je puis dire, entre les auteurs de la perquisition et le parlementaire.
    En outre, ce dispositif offre aux citoyens l’assurance que l’action politique de l’élu qui les représente n’entrera pas en conflit avec l’action légitime de la justice, dans le cadre de ses investigations.
    Vous l’aurez compris, chers collègues, cet amendement participe à préserver le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 649.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il est identique à celui que M. Huyghe a excellemment défendu. Il vise en effet à encadrer toute perquisition ou saisie de documents dans le bureau, la permanence ou le domicile d’un parlementaire. Il peut paraître surprenant, voire dangereux, pour notre régime démocratique que le mandat de parlementaire ne fasse l’objet d’aucune garantie, contrairement à certaines professions, comme celle d’avocat.
    Il peut sembler corporatiste de soutenir cette mesure, mais tel n’est pas le cas ; comme mon collègue vient de le rappeler, il y va de la liberté politique du parlementaire, ce qui n’est pas rien. Le 12 février 2020, les députés Huyghe et Tourret ont donc déposé un rapport concernant l’immunité parlementaire. Ces amendements identiques ne font qu’en reprendre la huitième recommandation. Il est important de les prendre en considération.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 812.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il est identique aux précédents et je m’associe à leur défense. Puisque nous débattons de la séparation des pouvoirs, ce jour offre une occasion particulière de soutenir cette mesure. Le principe de séparation doit être respecté, qui s’agisse de l’exécutif et du législatif, du judiciaire et de l’exécutif ou du judiciaire et du législatif. Chacun doit respecter les autres et aucune instrumentalisation ne doit être possible, d’où qu’elle vienne.
    La rédaction de ces amendements identiques en offre la meilleure assurance. S’ils ne permettent évidemment pas d’empêcher une perquisition, quelle qu’elle soit, ces amendements offrent des garanties substantielles, afin qu’on ne puisse suspecter une instrumentalisation politique quand le siège d’un parti politique ou le bureau d’un parlementaire vient à être perquisitionné.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 828.

    M. Pascal Brindeau

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    Je ne veux pas être redondant avec les interventions précédentes et me bornerai donc à souligner qu’il ne s’agit aucunement de restreindre le pouvoir de perquisitionner le bureau d’un parlementaire, mais d’offrir à ce dernier les mêmes garanties que celles dont jouissent les membres d’autres corps, comme les avocats ou les magistrats.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Je serais malvenu de formuler une autre réponse que celle que je viens d’adresser à Mme Untermaier. Ces amendements n’entrent pas non plus dans le champ de la loi et je n’ai pas mené de travaux préparatoires en la matière. D’ailleurs, aucun amendement similaire n’a été déposé en commission, et nous n’avons donc pas eu ce débat.
    Monsieur Huyghe, il est vrai qu’Alain Tourret et vous-même avez présenté un rapport à la commission des lois et que ses conclusions ont été adoptées à l’unanimité. En tant que vice-président de la commission des lois, je connais donc quelque peu le sujet. Comme rapporteur, j’exprimerai un avis défavorable. À titre personnel, je trouve ces amendements intéressants. Je sais que cette mesure tient à cœur à Alain Tourret, dont nous regrettons l’absence ce soir, car il l’aurait défendue avec le talent qu’on lui connaît.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vous propose de retirer ces amendements. Nous travaillerons à la rédaction d’un dispositif allant dans le même sens lors de l’examen au Sénat. Je suis favorable à l’adoption de mesures de protection – que les choses soient claires, il ne s’agit pas d’interdire les perquisitions. Il est doux à mon oreille d’entendre rappeler l’importance de la séparation des pouvoirs. On l’oublie parfois. Dans mon discours de présentation du texte, j’ai souligné qu’un garde des sceaux ne peut pas intervenir pour déterminer une peine : la séparation des pouvoirs le lui interdit. Elle s’exprime sous d’autres formes également.
    Cependant, de petites difficultés demandent à être encore examinées, comme celle de la présence d’un membre du bureau de l’assemblée à laquelle le parlementaire appartient, si la perquisition a lieu loin de Paris, notamment en outre-mer. Je n’étais pas préparé à ce débat. J’ai répondu à Mme Untermaier qu’il n’était pas sérieux d’émettre un avis favorable à un amendement sans l’avoir étudié plus précisément ; je m’engage devant l’Assemblée nationale à le faire au Sénat. Ce texte va être soumis à la navette ; je préférerais que ces amendements soient retirés et que nous travaillions ensemble, si vous le voulez, afin que le texte soit fin prêt, si vous me permettez l’expression, pour l’examen au Sénat.

    M. le président

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    Je compte cinq demandes d’intervention. Je vais donner la parole à ceux qui la demandent, qui représentent cinq groupes différents. Je leur suggère de ne pas utiliser les deux minutes autorisées, afin que nous puissions faire avancer le débat.
    La parole est à M. Sébastien Chenu.

    M. Sébastien Chenu

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    Nous sommes dans une société de la transparence, pour ne pas dire de la « transperçance ». Les parlementaires sont soumis au devoir de transparence, comme le montre le contrôle de l’avance de frais de mandat – dont il faut se féliciter – ou l’obligation de déclarer son patrimoine – pourquoi pas. On touche du doigt une difficulté importante. Certaines perquisitions ont montré qu’une autorité pouvait tomber sur des documents sans lien direct avec l’affaire qui suscite la perquisition, comme des données, des notes, des contacts, des écrits, des renseignements.
    Marine Le Pen et moi avons été auditionnés par l’excellent Alain Tourret ; nous avons souscrit à sa proposition d’encadrer les perquisitions. Nous le referons ce soir. Je crois que cette mesure fait une belle unanimité. Il aurait donc été agréable pour la représentation nationale que le garde des sceaux émette un avis de sagesse, cela nous aurait laissé la marge de manœuvre nécessaire pour ouvrir le débat ce soir.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Qu’est-ce que je viens de dire ?

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    À la différence de l’amendement relatif aux journalistes, que j’ai précédemment défendu, ceux-ci ont fait l’objet d’un rapport, étudié en commission des lois. Certes, vous ne le connaissez pas, monsieur le ministre, mais la situation n’est pas tout à fait la même.
    Sur le fond, nous partageons tous l’idée qu’il est nécessaire que les parlementaires bénéficient de garanties en cas de perquisitions. Je comprends que vous proposiez de renvoyer la question à l’examen du texte au Sénat, mais comprenez que nous sommes des parlementaires, que des députés ont rédigé un rapport, lequel a été examiné par la commission des lois de l’Assemblée : nous préférerions que cette mesure soit adoptée ici, à l’Assemblée. Je ne suis pas signataire des amendements identiques, je parle au nom de l’intérêt collectif. Nous pourrions alors profiter de la navette pour apporter les améliorations dont vous avez souligné, à juste titre, qu’elles étaient nécessaires.
    J’ajoute que les journalistes auront beaucoup de mal à admettre que nous examinions les garanties à apporter au secret des parlementaires sans leur en octroyer. Il faudrait profiter de l’examen au Sénat pour résoudre également ce problème.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Avia.

    Mme Laetitia Avia

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    Je voudrais rappeler l’objectif de ce texte, et en particulier de cet article 3 : renforcer la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire, dans les institutions en général. Cet article 3 est un article de protection de nos concitoyens.
    Lorsque nous avons étendu le secret qui s’applique à la relation entre le client et l’avocat, ce n’est pas l’aspect du secret qui concerne l’avocat que nous avons renforcé, mais bien celui qui concerne le client : on ne peut pas aller chez l’avocat chercher des éléments pour incriminer le client. Il ne s’agit pas de protéger une profession, en l’occurrence celle d’avocat.
    Nous serions extrêmement gênés qu’à l’issue de ces débats, nous en venions à protéger un corps, qui serait de surcroît le nôtre. Non, nous n’allons pas dans des permanences parlementaires chercher des éléments pour incriminer les habitants de nos circonscriptions.
    Le groupe La République en marche votera contre ces amendements, qui ne s’inscrivent pas dans la dynamique de cet article 3.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je voudrais m’adresser à ceux de nos collègues qui suivent nos débats d’un peu loin : c’est là un sujet éminemment important, que vous soyez dans la majorité ou dans l’opposition. C’est une question de séparation des pouvoirs.
    On nous dit que l’article 3 protège les droits de la défense. Si j’étais désagréable, je ferais remarquer qu’il y a des amendements déposés à la va-vite qui visent à modifier des articles du code pénal pour toucher aux périodes de sûreté… Dès lors, je ne suis pas sûr que nous ayons, les uns et les autres, de leçons à recevoir.
    Que le ministre n’ait pas eu le temps de travailler cet amendement n’est pas grave. (Exclamations.) Je ne dis pas cela contre lui ! Nous avons tous des agendas pas possibles, nous déposons des amendements dans des délais effroyablement contraints… Ce n’est pas un reproche.
    Ce que je veux dire, c’est que le ministre ne fait pas la loi. C’est nous qui la votons. Si nous adoptons ces amendements, la discussion aura lieu au cours de la navette parlementaire ; l’article pourra être modifié au Sénat, revenir ici, être peaufiné, cette fois-ci avec un avis éclairé du ministre et de ses services. Nous nous assurerons de la sorte que le sujet sera traité.
    Je voulais intervenir tout à l’heure au sujet de l’amendement de notre collègue Untermaier, mais elle a retiré son amendement ; j’aurais plutôt voulu retirer mon amendement no 641, beaucoup moins bien écrit que le sien, tout en ayant le même objectif. De la même façon, si nous l’avions adopté, le sujet aurait dû être étudié dans la navette.
    Bref, je vous le rappelle, collègues : c’est nous qui décidons, et personne d’autre.

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Madame Avia, cet amendement ne protège pas les parlementaires !

    Mme Coralie Dubost

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    Un peu, quand même !

    M. Sébastien Huyghe

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    Il protège l’action politique menée au nom des citoyens par les parlementaires, mais à aucun moment il n’entrave l’action de la justice. Vos propos sont donc hors sujet.
    Monsieur le garde des sceaux, je sais bien que les traditions sont faites pour être changées, voire bafouées, mais il est de tradition que, lorsque des amendements concernent les parlementaires, le Gouvernement s’en remette à la sagesse du Parlement.
    Vous me suggérez de retirer mon amendement pour le retravailler afin qu’il soit examiné au Sénat. Je propose pour ma part de l’adopter pour marquer l’intérêt de la représentation nationale pour ce dispositif d’apaisement. Au cours de la navette, il pourra être amélioré, mais votons-en le principe dès ce soir. (Mme Brigitte Kuster applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    Je voudrais faire le lien avec d’autres dispositions qui seront débattues dans cet hémicycle dans quelques jours. Le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement prévoit des dispositions protectrices des libertés pour certaines catégories de personnes : les parlementaires, les journalistes, les diplomates… Certaines personnes sont traitées d’une manière particulière en raison du rôle qu’elles jouent dans notre démocratie. Nous ne créons pourtant pas là des cas privilégiés ; simplement, il y a des procédures spécifiques.
    Celles qui sont prévues ici me conviennent très bien : elles ont fait l’objet d’une réflexion, elles ont été adoptées à l’unanimité de la commission des lois. J’avais été auditionné, moi aussi, par MM. Huyghe et Tourret. En matière de renseignement, nos concitoyens ont parfaitement compris qu’il y a des garde-fous, un équilibre. La proportionnalité est respectée. Il ne s’agit absolument pas de protéger des catégories particulières ! Chers collègues du groupe La République en marche, vous n’êtes pas des chevaliers blancs.
    Respectons la séparation des pouvoirs. Ces amendements me paraissent frappés au coin du bon sens. Ils ont été travaillés, ils traitent d’un problème bien réel. Je vous invite à réfléchir à la fonction que nous occupons.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez raison, monsieur Bernalicis, ce sont les députés qui votent la loi ; mais le Gouvernement peut tout de même faire valoir son avis. Il est préférable, vous me le concéderez, qu’il donne un avis éclairé.

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, bien sûr !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Monsieur Huyghe, des témoins ici pourront vous le confirmer : chaque fois que j’ai dit ici que je retravaillerais sur une question, je l’ai fait, et toujours dans un esprit d’ouverture. Je l’ai dit dès mon arrivée à la Chancellerie : ma porte est toujours ouverte.
    Ce n’est pas là un sujet mineur ! Vous me dites, et je n’en doute pas une seule seconde, qu’il a été beaucoup travaillé. Mais l’amendement a été déposé assez tard, et je ne suis pas au fait du sujet. Je viens de dire à Mme Untermaier, sur une autre question, qu’il fallait être sérieux : j’essaie de l’être, tout comme j’essaie d’être cohérent.
    Je n’ai pas d’avis éclairé ce soir. Rien ne dit qu’il serait défavorable, d’ailleurs. Mais peut-être les services de la Chancellerie pourraient-ils faire des propositions, envisager une autre rédaction – nos débats sont toujours riches. Je n’ai rien dit de plus.
    J’entends votre empressement, on sent que c’est un sujet qui vous tient à cœur, comme à M. Tourret, certainement. Je le redis : si ces amendements sont retirés, nous les retravaillerons ensemble. Je m’y attacherai. Il ne s’agit pas pour moi de perdre cette disposition dans les limbes !
    J’entends également votre préoccupation sur un autre point et, je veux le redire pour ceux qui nous regardent, il ne s’agit absolument pas d’interdire des perquisitions, ou de ne pas livrer des documents que la justice pourrait chercher.
    Mon avis de cœur est un avis favorable : la séparation des pouvoirs est essentielle, et certains l’oublient. Mais j’aimerais y regarder d’un peu plus près. Il m’arrive d’avoir face à moi des députés qui trouvent que nos amendements ne sont pas si mauvais, comme il m’arrive de dire à des députés que leurs propositions, sur le fond ou sur la forme d’ailleurs, sont meilleures que les miennes.
    Voilà le travail que je vous propose. Je m’y engage devant la représentation nationale. Mais on ne peut pas voter ce soir, comme ça, une disposition de cette importance. Ce n’est pas un avis de sagesse, mais la sagesse me commande de vous dire cela.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour un rappel au règlement.

    M. Pascal Brindeau

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    Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 48, relatif à l’organisation de nos travaux.
    Monsieur le garde des sceaux, vous auriez aimé pouvoir prendre connaissance de cet amendement plus à l’avance. Je vous comprends, mais il me semble que vous perdez de vue la réciprocité : il arrive tous les jours que des amendements du Gouvernement soient déposés en séance sans que la commission ait pu les examiner. (Mme Brigitte Kuster applaudit.) Vous nous demandez de les voter, et c’est normal, cela fait partie du travail parlementaire. Quelle serait l’utilité de la séance publique si tous les amendements devaient être discutés en commission ? Elle sert aussi à continuer d’améliorer le texte.
    Je n’ai entendu qu’une remarque de fond sur les amendements présentés : que se passe-t-il si la perquisition a lieu loin de la capitale, voire en outre-mer ? Nous allons proposer un sous-amendement pour tenir compte de cette remarque.
    J’espère que cela permettra l’adoption de ces amendements. La navette parlementaire, à laquelle le Gouvernement prendra toute sa part, pourra ensuite améliorer le texte.
    Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès, pour soutenir le sous-amendement no 876 qui vient d’être déposé.

    M. Philippe Gomès

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    L’amendement no 828 et les identiques ont reçu des soutiens provenant de divers bancs de l’Assemblée, ce qui témoigne de la volonté de voir la démarche aboutir, d’autant plus que la commission des lois a mené sur le sujet un travail remarquable unanimement salué par les députés.
    Le sous-amendement vise à répondre à l’objection technique qui a été soulevée sur le cas des parlementaires ultramarins. En effet, le bureau ne dispose pas en son sein de parlementaires susceptibles de les représenter. Aux termes du sous-amendement, le bureau désigne un des parlementaires de la collectivité ultramarine concernée pour être présent lors de la perquisition.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Nous sommes confrontés aux limites de l’exercice. Je le répète, il serait malvenu de ma part d’approuver l’amendement sur les parlementaires alors qu’à l’instant, à propos du secret des sources, j’ai estimé ne pas être en mesure d’émettre un avis éclairé, faute d’une analyse approfondie. J’ai fait valoir que, sur un tel sujet, un débat commencé à vingt-deux heures trente au détour d’un amendement me semblait inapproprié.
    Partant de la même remarque, le garde des sceaux soulève au débotté la question des collectivités d’outre-mer – qui n’en est qu’une parmi d’autres. Une suspension de séance est alors demandée pour rédiger à la va-vite un sous-amendement pour résoudre le problème. Cela nous montre que si nous approfondissons le sujet, d’autres difficultés surgiront très certainement, que nous essaierons de résoudre collectivement.

    M. Sébastien Huyghe

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    Le Sénat fera cela !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Nous atteignons là les limites de l’exercice.

    M. Pascal Brindeau

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    Qu’est-ce qu’on vient faire ici dans ce cas ?

    M. le président

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    Monsieur Brindeau, seul le rapporteur a la parole.

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Je ne suis pas en mesure, en tant que rapporteur, d’émettre un avis éclairé sur des sujets aussi importants que le secret des sources des journalistes ou l’immunité des parlementaires. Je suis incapable de me prononcer sur l’amendement, aussi pertinent et intéressant soit-il, au vu des enjeux. Que diront nos concitoyens demain ? « À vingt-trois heures quinze, »…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas sérieux !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    …« ils ont adopté en catimini – ils n’étaient pas si nombreux – un amendement sous-amendé, écrit sur un coin de banc, qui organise l’immunité parlementaire. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et UDI-I.)

    Mme Brigitte Kuster

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    C’est toujours comme ça vous arrange !

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Ce n’est pas convenable, ni à la hauteur de notre tâche sur un sujet aussi important. C’est la raison pour laquelle, je le répète, malgré la pertinence de l’amendement et sans doute du sous-amendement – des amendements complémentaires seraient certainement nécessaires pour couvrir la totalité du sujet –, mon avis est défavorable.

    Mme Brigitte Kuster

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    On arrête de siéger jusqu’à minuit !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je me permets de vous adresser, presque à l’emporte-pièce, une remarque : l’amendement peut poser des difficultés dans certains territoires. Et là, eurêka ! Vous trouvez un moyen de résoudre le problème à vingt-trois heures quinze !
    Je suis très honoré, monsieur Brindeau : vous avez entendu ce que le Gouvernement, modestement, voulait exprimer. Mais, pardon, si vous avez vos prérogatives, de mon côté je veux donner un avis éclairé…

    M. Ugo Bernalicis

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    Il n’y a pas assez de lumière à l’Assemblée ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …en d’autres termes, un avis sérieux.
    Un texte tel que celui-là ne peut pas être adopté à vingt-trois heures quinze…

    M. Ugo Bernalicis

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    Alors là !

    M. le président

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    Monsieur le ministre, et lui seul, a la parole.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous êtes fatigant, monsieur Bernalicis, j’aimerais pouvoir finir mon propos. Peut-être avez-vous choisi de vous moquer de l’avis du Gouvernement et de son caractère éclairé ou non. Je viens néanmoins de vous démontrer, monsieur Brindeau, que j’avais pensé modestement à quelque chose qui vous avait échappé. Si vous me laissez un peu de temps pour travailler avec les services, nous affinerons la réflexion.

    M. Pascal Brindeau

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    Il y a la navette pour ça !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pardon de vous le répéter, sur ce sujet sérieux, je ne suis pas opposé à la discussion, bien au contraire, je veux travailler encore un peu et peut-être apporter des compléments au texte en l’examinant, en en parlant avec les services. Je vous le dis, ma porte est ouverte pendant la navette. Jamais je n’ai trahi ma parole en ne faisant pas le travail que j’avais promis – les députés ici présents en sont des témoins privilégiés.

    Mme Naïma Moutchou

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    Oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Y aurait-il, soudain, urgence absolue ? Vous pensez à cela depuis cinq jours, mais voilà des années qu’il en est ainsi. Personne ne risque une perquisition dans les cinq jours qui viennent – je l’espère, en tout cas… (Rires sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Je ne demande pas la lune, mais seulement quelques semaines de réflexion !
    Monsieur Brindeau, vous voulez passer en force, mais si votre assemblée adoptait cette disposition, on dirait demain dans les journaux que vous vous êtes octroyé un privilège, même – et surtout – si ce n’est pas vrai. Pour ma part, je vous propose un travail sérieux. La porte de la Chancellerie est grande ouverte. Nous trouverons le chemin juste. Je m’y engage. En revanche, je ne veux pas… ou du moins, puisque vous pouvez évidemment faire ce que vous voudrez, je suis défavorable à ce que nous prenions position sur un tel amendement à vingt-trois heures quinze. Cela n’a pas de sens et, surtout, cela ne fait pas sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Dans ce cas, nous n’avons qu’à lever la séance et reprendre demain matin !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Il nous faut être raisonnables et faire preuve d’un peu de sagesse. Cette question est non seulement considérable, mais aussi très sensible. Alors que nous discutons d’un texte qui vise à redonner à nos concitoyens confiance en leur justice, je crois pouvoir dire qu’ils n’ont pas une confiance démesurée en leurs élus, et je le regrette. Étudier et, surtout, voter une telle disposition dans de telles conditions serait nécessairement, et à juste titre, interprété par les Français comme le souhait de nous octroyer des privilèges, alors même que n’aurions pas pu analyser le bien-fondé des mesures proposées. Il faut certes apporter des garanties en la matière, mais bien qu’étant professionnelle et capable d’évaluer l’impact de certaines autres dispositions, je reconnais que nous ne sommes pas en mesure de le faire pour cet amendement. (Mme Sereine Mauborgne applaudit.) C’est pourquoi les membres de mon groupe et moi-même, avec humilité, voterons contre ces amendements et ce sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    N’étant pas intervenu dans la première partie de la discussion, je tiens à dire que j’ai été convaincu par les arguments de l’ensemble des signataires de cet amendement et, surtout, à réagir aux arguments du rapporteur et du ministre – des arguments spécieux, à géométrie variable et, pour tout dire, irrecevables.
    Le premier de ces arguments consiste à présenter comme comparables cet amendement et celui de Mme Untermaier, alors qu’ils ne le sont en rien. S’ils peuvent l’être en droit, ils ne le sont nullement, en effet, en termes de processus du travail parlementaire. Comme l’a rappelé M. Huyghe, cet amendement est issu d’un travail parlementaire reposant sur des auditions et sur l’examen du rapport Tourret-Huyghe en commission, où il a été au centre des discussions et a été adopté à l’unanimité. Il ne tombe donc pas du ciel sans avoir été éprouvé, auditionné, travaillé et discuté, puis sanctionné par un vote unanime de la commission des lois. En tant que membre de cette dernière, je considère donc qu’elle devrait approuver l’amendement issu de ses travaux et de son vote unanime.
    Par ailleurs, n’oublions pas que l’initiative parlementaire existe encore, comme cela a été redit tout à l’heure. Bien qu’accomplissant mon premier mandat de député, j’ai déjà vu souvent le Gouvernement déposer des amendements à la dernière minute sans que ces amendements aient été discutés en commission, ce qui nous laissait une heure pour nous faire un avis – en « direct live », si j’ose dire –, dans l’hémicycle.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Stéphane Peu

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    Combien de propositions de loi sont déposées par le Gouvernement sans étude d’impact, parce qu’il faut aller vite ! Il arrive fréquemment que nous légiférions un peu à l’aveugle, et cela malmène le travail parlementaire. À l’inverse, cet amendement rend hommage à ce que doit être l’initiative parlementaire dans la fabrication de la loi.

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe.

    M. Sébastien Huyghe

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    Monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez pas dire que nous ne pouvons pas discuter d’un amendement, quelle que soit son importance, à vingt-trois heures quinze – et il est désormais vingt-trois heures vingt. Cela signifierait en effet que tous les amendements qui seront discutés à partir de maintenant et jusqu’à minuit seraient de moindre importance – par exemple l’article 3, qui pourrait être adopté aux alentours de minuit.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais non !

    M. Sébastien Huyghe

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    Dans un passé relativement récent, notre assemblée travaillait beaucoup plus tard dans la nuit, quelle que soit l’importance des amendements et des textes qu’elle examinait, et je ne suis pas sûr que cela ait nui à la qualité du travail parlementaire. Je ne comprends donc pas l’argument selon lequel il y aurait, en fonction de l’heure, des amendements que nous pourrions discuter, et d’autres pour lesquels ce serait impossible.
    En second lieu, il se trouve que, même si j’ai un an de moins que la moyenne d’âge de notre assemblée, j’ai une petite expérience du mandat de député, puisque c’est actuellement le quatrième que j’effectue. Combien de fois avons-nous proposé à vos prédécesseurs de retravailler avec les services du ministère des amendements qui se sont finalement perdus dans les limbes de la navette parlementaire ! Ce serait donc une preuve de bonne foi que de laisser adopter cet amendement pour l’améliorer dans le cadre de la navette parlementaire. C’est bien le rôle de cette dernière, en effet, que d’améliorer un texte voté par une assemblée et susceptible d’être amendé par l’autre, voire par le Gouvernement. Vous serez présent devant le Sénat, monsieur le garde des sceaux, pour amender ce texte lorsqu’il sera examiné par la Haute assemblée.
    Monsieur le ministre, tous les arguments que vous avez développés avec votre talent habituel ne tiennent donc pas dans le raisonnement, car chacun d’entre eux peut se voir opposer un argument inverse. Profitons de la navette parlementaire pour améliorer le texte en vous laissant le temps de l’expertiser.
    Pour conclure, je me demande, madame la présidente de la commission des lois, s’il sert encore à quelque chose que nous menions des missions d’information parlementaires si, une fois les rapports de ces missions adoptés, et même à l’unanimité, on nous dit qu’il faut encore travailler ces textes sous prétexte qu’ils ne l’ont pas été assez. Arrêtons donc, à ce compte, tout travail parlementaire parallèle au vote des lois ! (Mme Brigitte Kuster applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Tous les arguments qui ont été opposés par M. le rapporteur, M. le garde des sceaux ou des membres de la majorité sont d’une mauvaise foi crasse. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – M. Ugo Bernalicis applaudit.) En effet, vous ne pouvez pas dire, mesdames et messieurs de la majorité, que vous ignorez tout d’un amendement déposé par l’un de vos collègues à la suite d’une mission d’information dont le rapport a été voté à l’unanimité par la commission des lois, car cela signifie que le rapporteur et la présidente de la commission en connaissent un peu et, dans un groupe bien organisé, les amendements portés par les parlementaires sont examinés pour savoir s’ils donnent lieu ou non à cosignature.
    Quant aux amendements nocturnes, monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes presque retenu de dire que, finalement, il ne fallait pas travailler sur un coin de table, car c’était là la question à propos du sous-amendement. Mais si un parlementaire n’a pas le droit de déposer un sous-amendement en cours d’examen du texte, au nom de quoi le Gouvernement l’aurait-il ?

    M. Pierre-Alain Raphan

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    Ce n’est pas ce qu’il a dit !

    M. Pascal Brindeau

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    En quoi cela serait-il plus légitime ? Parce que vous avez des services à votre disposition ? Nous sommes législateurs comme vous et avons, nous aussi, des compétences et la possibilité de procéder à des auditions. En l’occurrence, ce qui nous est présenté sous forme d’amendement procède d’un travail fouillé et n’est pas une mesure sortie toute casquée d’un cerveau, pour faire joli.
    Mesdames et messieurs de la majorité, monsieur le garde des sceaux, vous dites qu’adopter de nuit un amendement comme celui-ci donnerait à nos concitoyens le sentiment que nous nous protégeons, mais cela n’a rien à voir avec l’immunité parlementaire : il ne s’agit que de nous assurer que la procédure de perquisition menée chez un parlementaire soit de même nature que lorsqu’elle l’est chez un avocat ou un magistrat. Qui peut le critiquer ? Vous dénoncez en permanence la montée des populismes, mais, avec vos arguments, vous faites leur lit.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je serai brève, car la plupart des points que je voulais évoquer ont déjà été développés. Je tiens cependant à dire que je suis un peu surprise par certains des arguments avancés, notamment par celui selon lequel vous n’auriez pas eu le temps d’investiguer – pour reprendre votre terme – et d’analyser le bien-fondé de cette mesure. En effet, mes collègues ont rappelé qu’elle correspondait à la huitième recommandation d’un rapport adopté à l’unanimité par la commission des lois en février 2020 et dont, me semble-t-il, monsieur le garde des sceaux, vous avez été destinataire et dont vous avez félicité les auteurs – et je ne peux croire que vous félicitiez les auteurs de travaux que vous ne lisez pas… On ne peut donc pas employer de tels arguments sans faire preuve d’un peu de mauvaise foi.
    En outre, j’entends dire que l’amendement viendrait consacrer l’immunité des parlementaires et nous accorderait des privilèges. Redescendons sur terre ! Avez-vous bien lu le texte de l’amendement ? Il tend à assurer qu’une perquisition menée dans le bureau, la permanence ou le domicile d’un parlementaire doit se dérouler en présence d’un membre du bureau de l’assemblée à laquelle il appartient.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai parlé de l’interprétation !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il ne me semble pas que ce soit là un privilège ou une immunité qu’on nous accorderait. Si c’était le cas, je n’aurais pas déposé cet amendement, car je suis opposée aux privilèges ou à l’immunité des parlementaires dans des cas de cette nature.
    Par ailleurs et pour finir, si c’est, comme vous le dites, adopter un amendement en catimini que de le faire à vingt-trois heures quinze, n’hésitez pas à supprimer les séances de nuit !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cet amendement est un bricolage de dernière minute !

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je me contenterai d’apporter quelques précisions. Tout d’abord, j’entends évoquer un rapport présenté à la commission des lois, à la suite d’une excellente mission d’information, par nos collègues Alain Tourret et Sébastien Huyghe, mais certains des propos tenus sont erronés. Comme vous le savez en effet pour avoir plus d’expérience parlementaire que moi, la commission n’approuve pas les conclusions d’une mission d’information. L’article 145, alinéa 7 de notre règlement précise en effet très clairement que « la publication des rapports établis par ces missions d’information est autorisée par la commission ». Il s’agit donc bien d’une autorisation de publication, et non pas d’une approbation des conclusions du rapport.
    Deuxième précision : les missions d’information formulent des préconisations, des recommandations et des propositions. Mme Ménard a du reste rappelé que l’amendement que nous examinons est issu de la huitième préconisation du rapport d’information. En aucun cas cependant le rapport d’information ne présente des rédactions d’amendements. Ainsi, même si les membres de la commission des lois étaient d’accord sur l’économie générale des dispositifs que vous présentez à l’issue de votre mission d’information, il reste que nous n’avons jamais donné d’accord sur la rédaction précise d’un amendement. On sait en effet combien il importe, pour nous qui faisons la loi, d’adopter des rédactions qui tiennent la route et soient assez précises.
    Aujourd’hui, en vous indiquant qu’il souhaite retravailler avec vous les dispositions que vous proposez, le ministre a fait preuve d’une ouverture certaine. Il a d’ailleurs repris dans le projet de loi plusieurs dispositifs issus de travaux parlementaires – je l’avais souligné dans mon intervention liminaire. C’est donc lui faire un bien mauvais procès que de considérer qu’il ne tient pas compte des travaux parlementaires : le projet de loi démontre tout l’inverse.
    Je pense que nous pouvons sereinement et honnêtement considérer que ce soir, il a fait preuve d’une ouverture que le Parlement doit souligner. Nous devons travailler sur le fond de l’amendement afin d’avancer sur ce sujet ô combien important pour notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement faites-vous ce rappel, monsieur Huyghe ?

    M. Sébastien Huyghe

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    Sur l’article 145, alinéa 7 de notre règlement, auquel Mme la présidente vient de faire référence.
    L’accord donné par la commission des lois ne concerne effectivement que la publication des rapports. Néanmoins, je renvoie l’ensemble de mes collègues à la lecture du compte rendu de la réunion en question : nous disposons désormais de comptes rendus exhaustifs, et vous pourrez constater que tous les groupes s’étaient exprimés positivement sur le rapport. Ainsi, même si le vote, à l’issue des discussions, ne concerne que la publication, vous pourrez constater à la lecture du compte rendu que tous les groupes étaient favorables aux propositions formulées dans le rapport.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    Article 3 (suite)

    (Le sous-amendement no 876 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Nous en venons au vote sur les amendements identiques, en tête desquels se trouvait celui de M. Tourret, qu’il n’a pu défendre – je lui souhaite à mon tour un bon rétablissement.

    (Les amendements identiques nos 363, 649, 812 et 828 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de trois amendements, nos 627, 519 et 814, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 627.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je sais qu’il est tard, mais cet amendement tend à prévoir la présence d’un avocat lors d’une perquisition. Cette idée n’est pas nouvelle : notre collègue Naïma Moutchou avait déposé un amendement similaire en commission, et j’avais moi-même formulé cette proposition lors de l’examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
    Nous allons devoir franchir un certain nombre de caps sur la question du contrôle de régularité des perquisitions, afin que tout le monde les accepte mieux et qu’elles se déroulent donc plus convenablement. Dans cette perspective, la présence d’un avocat nous semble importante.
    Bien sûr, nous sommes conscients des problèmes techniques que la proposition peut engendrer – nous nous sommes posé des questions au moment de rédiger l’amendement : comment faire si la personne n’a pas d’avocat – c’est le cas la plupart du temps ? Comment obtenir un avocat commis d’office ? Faut-il attendre qu’il arrive, au risque de planter la perquisition, qui aurait dû commencer à six heures mais qui ne l’est toujours pas à dix ou onze heures ? La mise en œuvre de cette proposition crée clairement des problèmes.
    Comme nous l’avons précisé dans l’exposé des motifs de l’amendement, nous avions imaginé que des avocats commis d’office pourraient être spécialement dédiés et mobilisés la veille de la perquisition. Même sans disposer de toutes les informations, ils auraient accès à l’essentiel – le lieu et l’heure de la perquisition – et accompagneraient les policiers jusqu’au lieu de perquisition. Ce n’est évidemment qu’un exemple, et j’imagine que, comme il y a trois ans, on nous opposera que le dispositif n’est ni pratique, ni pragmatique.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l’amendement no 519.

    M. Pascal Brindeau

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    Si j’étais taquin, je dirais que j’ose à peine présenter un amendement à une heure aussi tardive de nos débats, d’autant qu’il vise à prévoir la présence systématique d’un avocat lors d’une perquisition, ce qui pourrait créer une sorte de privilège et donc choquer certains de nos collègues…
    Je suis un peu rassuré de voir qu’un amendement similaire à celui du président Jean-Christophe Lagarde, qui porte sur la présence quasi systématique d’un avocat lors d’une perquisition, a été déposé par une collègue de la majorité.

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 814.

    Mme Naïma Moutchou

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    Il s’inscrit dans le prolongement des discussions que nous avons eues en commission des lois. On nous avait demandé de retravailler l’amendement, nous l’avons fait.
    La perquisition est un acte qui, s’il peut évidemment être utile à la manifestation de la vérité, peut également être particulièrement intrusif. L’objectif de l’amendement est donc de concilier nécessité de l’enquête et protection des droits de la défense.
    Il tend à prévoir que l’avocat peut être présent à la perquisition, sans, bien sûr, que cela gêne les opérations. L’amendement apporte diverses garanties. En particulier, l’audition d’une personne placée en garde à vue à l’issue de la perquisition ne peut commencer que deux heures après que l’avocat a été prévenu, comme cela est déjà le cas pour les auditions ayant lieu dans les locaux des enquêteurs. Le dispositif prévoit également qu’en cas de danger, il sera possible de refuser la présence de l’avocat. Cela nous paraît être un équilibre raisonnable.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Nous ne découvrons pas le sujet, puisque nous l’avons déjà abordé en commission. Nous avions alors invité Naïma Moutchou à retirer son amendement, sur lequel nous avions émis des réserves. Ainsi retravaillé, l’amendement donne entière satisfaction à la commission des lois et, sans vouloir préjuger de l’avis du garde des sceaux, au Gouvernement.
    Le dispositif qui avait été présenté en commission risquait de paralyser le début de l’enquête, notamment si les personnes perquisitionnées avaient voulu être assistées pas un avocat mais, n’en disposant pas, auraient sollicité les services d’enquête pour trouver un avocat commis d’office. C’était une « usine à gaz », pour reprendre les termes employés par la commission. Mais, dans sa rédaction actuelle, et avec toutes les préventions que vous avez indiquées, madame Moutchou, l’amendement me semble tout à fait pertinent.
    Je demande à nos collègues Brindeau et Bernalicis de bien vouloir retirer leurs amendements au profit de celui de Mme Moutchou, sur lequel j’émets un avis favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est plus facile d’évoquer à vingt-trois heures trente-cinq un sujet que l’on connaît que d’évoquer à vingt-trois heures quinze un sujet que l’on ne connaît pas, monsieur Brindeau. Favorable à l’amendement no 814 de Mme Naïma Moutchou, qui a effectivement été retravaillé, et défavorable aux deux autres amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Savignat.

    M. Antoine Savignat

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    Peu importe l’heure, je trouve que, dans le cadre d’une loi visant à restaurer la confiance en la justice, imposer la présence d’un avocat lors d’une perquisition est – attachez votre ceinture si vous ne voulez pas tomber de votre siège, monsieur Peu – un véritable signe de défiance à l’égard des officiers de police judiciaire. En menant l’enquête pour laquelle ils ont été mandatés, ils font leur travail. Or cette disposition sous-entend qu’ils ne le font pas forcément de bonne foi, ce qui rendrait nécessaire la présence d’un avocat.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais non, ce n’est pas ça !

    M. Antoine Savignat

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    Comme lorsqu’il a été question de la présence de l’avocat lors de la garde à vue, il y a quelques années, je trouve dommage que l’on suspecte des policiers,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas du tout ce que nous voulons dire !

    M. Antoine Savignat

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    …en qui nous devons avoir confiance et qui sont des acteurs importants de notre système judiciaire.
    L’avocat est présent pour défendre : sa place est au palais de justice, avec un dossier constitué. La situation est délicate, et l’amendement ne devrait pas faire l’unanimité, surtout dans le cadre d’un texte traitant de la confiance.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne suis pas avocat, moi : comme quoi, ce n’est pas une question corporatiste ! Du coup, je vais pouvoir m’exprimer peut-être encore plus librement. Je suis tout à fait favorable à la présence de l’avocat lors d’une perquisition ou d’une garde à vue.
    Au début, tout le monde affiche une réprobation évidente – avec cette mesure, on va suspecter les enquêteurs –, mais finalement, on se dit que si, à chaque étape de la procédure, il existe quelque chose qui ressemble un peu à du contradictoire, comme la présence de l’avocat – même si ce n’est pas un vrai contradictoire –, il y aura moins de nullités en raison de défauts de procédure. La présence de l’avocat permet donc que les choses soient faites proprement avant la mise en état final et le procès. Le dossier est alors bien ficelé, et on peut faire œuvre de justice. Telle est la réalité : un avocat n’est pas un empêcheur de perquisitionner, mais un empêcheur d’aller trop loin dans la perquisition : il est là pour s’assurer que le droit est respecté. Après tout, n’oublions pas que « la confiance n’exclut pas le contrôle » – si le préfet Lallement a le droit de citer Trotski, j’espère qu’il m’est permis de citer Lénine !
    Il existe deux types de magistrats, d’une part les magistrats du parquet, d’autre part les magistrats du siège, à qui l’on a confié des missions de contrôle du juge des libertés et de la détention. L’a-t-on fait par défiance envers les procureurs de la République et les parquetiers ? Bien sûr que non ! C’était uniquement pour donner des garanties procédurales démocratiques. C’est cela, l’État de droit.
    Si, à chaque fois que l’on propose des dispositions de procédure, on nous accuse de le faire par défiance envers les uns ou les autres, on n’a pas fini !
    Je maintiens mon amendement, parce que nous avons esquivé le sujet. Vous estimez avoir fait un premier pas en acceptant que l’avocat soit présent aux perquisitions, tout en précisant que si l’avocat n’arrive pas, la perquisition peut tout de même commencer. Si l’avocat n’arrive jamais, par exemple, parce que la personne mise en cause n’en a pas, comme 99 % des citoyennes et citoyens, tant pis – mais dès lors, l’objectif de l’article n’est pas atteint.

    M. le président

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    Il faut conclure, monsieur Bernalicis !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je termine, monsieur le président.

    M. le président

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    Vous vous êtes déjà exprimé plus longuement que les deux minutes réglementaires, et je vous ai laissé faire, mais il faut maintenant conclure.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je m’arrête avec le point !
    C’est pourquoi nous proposions de créer un pool d’avocats commis d’office, pouvant être mobilisés aux côtés des policiers.

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour deux minutes maximum.

    Mme Naïma Moutchou

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    Monsieur Savignat, vous faites fausse route. Tout d’abord, si la présence de l’avocat était imposée, cela signifierait que les perquisitions ne pourraient pas commencer tant qu’il n’est pas là : ce n’est absolument pas ce qui est prévu, bien au contraire.
    La présence de l’avocat à une perquisition est, en pratique, déjà appliquée et acceptée par les magistrats : nous ne faisons que l’inscrire en détail dans la loi.
    Enfin, vous reprenez les arguments autrefois invoqués par ceux qui s’opposaient à la présence de l’avocat en garde à vue. Or plus personne ne conteste cette présence, qui a permis non seulement de renforcer les droits de la défense, mais aussi de sécuriser les procédures. C’est exactement l’objectif de cet amendement.

    Mme Aude Amadou

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Malgré l’attitude du ministre, je vais lui être agréable et retirer l’amendement no 519 de Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le garde des sceaux, vous avez dit préférer donner un avis sur un amendement que vous connaissez à vingt-trois heures trente plutôt qu’un avis sur un amendement que vous ne connaissez pas à vingt-trois heures quinze. Mais les parlementaires doivent respecter des délais pour déposer leurs amendements, justement pour laisser aux services du ministère le temps de travailler, et vous permettre de donner un avis sur ces amendements. Sinon, nos travaux et le Parlement ne servent plus à grand-chose !

    (L’amendement no 519 est retiré.)

    (L’amendement no 627 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 814 est adopté.)

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois

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    Très bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 641.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il est identique à la version que j’avais déposée en commission. Le ministre s’était engagé à ce que cet amendement soit retravaillé en vue de la séance : il ne l’a pas retravaillé, mais je dois avouer que moi non plus. Tout cela pour dire qu’il est important de se fixer des objectifs, de voter, de s’assurer que les choses aillent jusqu’au bout de la navette. De toute manière, je le retire : l’amendement de la collègue Untermaier, à l’objectif politique similaire, est bien mieux rédigé. J’espère qu’en dépit du fait que je n’y ai pas travaillé, nos propositions seront reprises par les sénateurs ; s’ils nous regardent, je leur passe le bonjour et je leur signale qu’ils peuvent s’atteler à ce sujet, qu’il y a là une fenêtre de tir pour amender le texte, que nous serons heureux de voir revenir, ainsi modifié, à l’Assemblée nationale.

    (L’amendement no 641 est retiré.)

    M. le président

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    Je suis saisi de cinq amendements, nos 642, 143, 243, 752 et 177, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 243 et 752 sont identiques.
    Les amendements nos 642 de Mme Emmanuelle Ménard et 143 de M. Erwan Balanant sont défendus.
    Les amendements identiques nos 243 de M. Bruno Bilde et 752 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus, de même que l’amendement no 177 de Mme Emmanuelle Ménard.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Ils se rapportent aux raisons plausibles et autres éléments de preuve, dont nous avons déjà débattu tout à l’heure. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    (Les amendements nos 642 et 143, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 243 et 752 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 177 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir les amendements nos 119 et 122, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Brigitte Kuster

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    En effet, le no 122 est un amendement de repli. Le no 119 vise à garantir le secret professionnel dans le cadre des communications téléphoniques ou électroniques entre un justiciable et son conseil, autrement dit entre un avocat et son client. Il prévoit donc de limiter la durée des écoutes téléphoniques ou de la surveillance électronique, l’actualité récente ayant révélé – nous l’avons déjà évoqué tout à l’heure – les dérives que constituent des surveillances prolongées, quasiment illimitées, contrairement aux dispositions du code de procédure pénale. Le juge des libertés et de la détention ne pourrait délivrer l’ordonnance autorisant une telle surveillance que pour une durée de six mois, renouvelable dans les conditions prévues par l’article 3. Cet amendement, monsieur le garde des sceaux, a été conçu pour traduire votre volonté de renforcer le secret professionnel des avocats.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en présentation groupée ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    En vertu du dispositif que proposent le garde des sceaux et la commission, il reviendra désormais au JLD d’autoriser la réquisition des fadettes, ce qui constitue une avancée considérable en matière de protection de celles-ci. Il serait inutile d’aller plus loin, notamment en limitant la période durant laquelle ces fadettes pourront être requises dans un cadre, encore une fois, beaucoup plus protecteur à l’avenir que celui que nous connaissons. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    M. le président

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    Je vais mettre aux voix amendement no 119…

    Mme Brigitte Kuster

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    Je n’ai pas eu de réponse du ministre !

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster.

    Mme Brigitte Kuster

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    Monsieur le garde des sceaux, je suis un peu déçue de ne pas recevoir de réponse. Il s’agit là d’un sujet majeur et plus qu’actuel : il a défrayé la chronique. M. le rapporteur m’a répondu, avec ses arguments, que je ne conteste pas ; très sincèrement, je le répète, le silence de M. le garde des sceaux m’étonne.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais vous répondre !

    Mme Brigitte Kuster

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    Ces amendements visent pourtant à renforcer le secret professionnel des avocats, ce qui constitue l’objectif affiché de l’article 3. Excusez-moi, mais je ne comprends pas ! Je vous propose une durée de six mois renouvelable, c’est-à-dire une clause de revoyure. En quoi cela pose-t-il problème ?

    M. le président

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    Merci, madame Kuster.

    Mme Brigitte Kuster

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    Je n’ai pas eu de réponse !

    M. le président

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    Madame Kuster, je vous ai donné la parole afin que vous présentiez vos amendements ; je vous l’ai redonnée par correction. M. le rapporteur vous a répondu au sujet de ces deux amendements. M. le ministre veut en faire autant : écoutez-le !
    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Puisque vous le voulez, madame Kuster, vous allez m’entendre. Les écoutes téléphoniques sont limitées à une durée d’un mois, renouvelable une seule fois en cours d’enquête, ou de quatre mois renouvelable au cours de l’instruction. Le régime que vous prévoyez serait par conséquent moins protecteur que celui qui existe aujourd’hui, d’où mon avis défavorable.

    (Les amendements nos 119 et 122, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 121 et 226.
    La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l’amendement no 121.

    Mme Brigitte Kuster

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    Je ne reviendrai pas sur mon amendement précédent, le no 122, afin de ne pas ralentir les débats, mais j’ai bien entendu la réponse de M. le ministre : je regarderai cela de près.
    Quant à l’amendement no 121, il a également trait au renforcement du secret professionnel des avocats : il vise à ce que les résultats d’une surveillance téléphonique ou électronique ne soient utilisables que dans le cadre de l’enquête en vue de laquelle cette surveillance a été autorisée par le JLD. Autrement dit, son adoption conduirait à ce que chaque procédure d’écoutes fasse l’objet d’une ordonnance du juge et soit exclusivement utilisée dans le dossier correspondant. Cela mettrait un terme à la méthode contestable des « filets dérivants », c’est-à-dire des écoutes prolongées permettant de recueillir, dans le cadre d’une affaire, des éléments ensuite utilisés dans une autre. Monsieur le garde des sceaux, vous aviez pris position contre ces pratiques : j’espère que l’avis du Gouvernement, cette fois, sera favorable, car le contraire signifierait que vous contredisez, en tant que ministre, les propos que vous teniez par le passé.

    M. le président

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    L’amendement no 226 de M. Robin Reda est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Si je comprends bien vos intentions, madame Kuster, votre amendement prend implicitement pour cible la technique des « filets dérivants » ; mais celle-ci concerne les écoutes téléphoniques, non les fadettes, qui sont les relevés des appels passés depuis un téléphone, et pour lesquelles la question ne se pose pas. Il n’est donc pas adapté, sauf méprise de ma part.
    En outre, vous vous insurgez contre le fait que nous ne répondons pas favorablement à vos propositions. Mais je vous rappelle que nous revenons de loin : l’autorisation préalable des écoutes par le JLD n’existait pas, c’est ce texte qui la crée. Libre à vous de pousser l’exigence encore plus loin, mais portez tout de même cette avancée considérable au crédit du Gouvernement et de la majorité ! On vous sent habitée par la volonté de défendre une cause louable : mieux protéger les avocats dans l’exercice de leurs fonctions. Pour autant, encore une fois, il faut prendre la mesure des avancées majeures que permettra ce projet de loi, et savoir raison garder, plutôt que de pourfendre rapporteur et garde des sceaux. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis. Vous évoquez mes contradictions, madame la députée. Je dois en avoir un certain nombre à mon actif ; vous, non, je l’espère. Laissez-moi vous raconter une anecdote : je me suis naguère trouvé, avec quelques autres avocats, à l’origine d’une pétition qui a recueilli des milliers de signatures de confrères français, mais aussi italiens, suisses, belges. Ceux-ci nous demandaient : « Comment, dans la grande démocratie qui est la vôtre, n’êtes-vous pas mieux protégés ? » Pour ne rien vous cacher, j’ai écrit, à l’époque, à tous les parlementaires qui étaient avocats, en leur suggérant qu’il était temps de faire quelque chose pour le secret de la défense, déliquescent, mourant, dont tout le monde se moquait. J’ai bien reçu quelques réponses, mais aucune initiative parlementaire n’a suivi. C’est comme ça !
    Aujourd’hui, le projet de loi apporte des garanties procédurales, que M. le rapporteur vient de rappeler. Si les investigations permettent de découvrir des infractions distinctes de celles qui sont recherchées, il est impératif de pouvoir enquêter sur les faits nouveaux, mais dans le cadre distinct d’une procédure incidente. Dans le cas contraire, la rédaction que vous proposez reviendrait à rendre totalement impossible l’ouverture d’une enquête sur des infractions présumées qui seraient mises au jour. Pardon de ne pas nous montrer favorables à vos amendements : ils sont contre-productifs (Mme Aude Amadou rit), pour employer un euphémisme.

    (Les amendements identiques nos 121 et 226 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l’amendement no 314.

    Mme Alexandra Louis

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    Il vise à une clarification. L’article 3 encadre de façon renforcée le recours aux réquisitions portant sur les fadettes de la ligne téléphonique d’un avocat, dans le but d’assurer une meilleure protection du secret professionnel. C’est une belle avancée, mais en sa rédaction actuelle l’article omet un cas de figure très particulier et sans doute exceptionnel : celui des réquisitions concernant les données de connexion de la ligne téléphonique d’un bâtonnier. Le texte prévoit seulement que le bâtonnier de l’ordre doit être avisé des réquisitions prises par ordonnance du JLD lorsque celles-ci portent sur les factures téléphoniques d’un avocat. C’est la raison pour laquelle cet amendement précise qu’au cas où un bâtonnier serait lui-même concerné, ce pouvoir de contrôle serait dévolu au bâtonnier d’un barreau limitrophe.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Doublement défavorable.

    (L’amendement no 314 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 306 et 684.
    La parole est à M. Alexandre Freschi, pour soutenir l’amendement no 306.

    M. Alexandre Freschi

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    Puis-je défendre également le no 307 ?

    M. le président

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    Non, uniquement le no 306. Sans cela, nous n’y arriverons pas…

    M. Alexandre Freschi

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    Cet amendement vise à assurer une meilleure protection du secret des sources des journalistes, en particulier concernant l’accès aux données de connexion.

    M. le président

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    L’amendement no 684 de Mme Cécile Untermaier est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Stéphane Mazars, rapporteur

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    Pour les mêmes motifs que ceux que j’ai évoqués au sujet d’un autre amendement de Mme Untermaier, je demande leur retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (Les amendements identiques nos 306 et 684, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 720 de Mme Nathalie Porte est défendu.

    (L’amendement no 720, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Heureusement pour vous monsieur Diard, je ne lève pas la séance tout de suite ! Vous avez la parole pour soutenir l’amendement no 149 – vous vous en souviendrez plus tard ! (Sourires.)

    M. Éric Diard

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    Je vous remercie, monsieur le président ! Le présent amendement vise à étendre le régime du secret des correspondances entre un avocat et son client aux appels de ce dernier à son conseil.

    (L’amendement no 149, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Les amendements nos 645 de Mme Emmanuelle Ménard, 144 de M. Erwan Balanant, 244 de M. Bruno Bildeet 644 de Mme Emmanuelle Ménardsont défendus.

    (Les amendements nos 645, 144, 244 et 644, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Les amendements identiques nos 307 de Mme Aurore Bergé et 685 de Mme Cécile Untermaier sont défendus.

    (Les amendements identiques nos 307 et 685, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    L’amendement no 567 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 567, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article 3.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        86
            Nombre de suffrages exprimés                84
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                84
                    Contre                0

    (L’article 3, amendé, est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Deuxième lecture de la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine ;
    Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à minuit.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra