XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018
Séance du mercredi 30 mai 2018
- Présidence de M. Hugues Renson
- 1. Questions au Gouvernement
- Construction de logements
- Plan d’accompagnement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
- Avenir de l’agriculture
- Directive européenne sur les travailleurs détachés
- Gestion des déchets en Corse
- Valorisation des filières professionnelles
- Suicides dans l’administration pénitentiaire
- Schéma directeur de la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse
- Développement de l’énergie à base d’hydrogène
- Suivi des terroristes et des détenus radicalisés après leur libération
- Visite officielle du Président de la République en Russie
- Suicides dans l’administration pénitentiaire
- Gratuité des autoroutes
- Aides sociales
- Politique agricole commune
- 2. Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire
- 3. Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
- Rappels au règlement
- Présentation
- M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires
- Mme Christelle Dubos, rapporteure de la commission des affaires économiques
- M. Richard Lioger, rapporteur de la commission des affaires économiques
- M. Raphaël Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
- Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Guillaume Vuilletet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Jean-Paul Mattei
- Suspension et reprise de la séance
- Motion de rejet préalable
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
La parole est à M. David Lorion, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, le Président de la République nous avait annoncé fièrement au mois d’août dernier qu’il y aurait un choc de l’offre, notamment dans le secteur de l’immobilier et du logement.
Le choc, nous l’avons eu, mais il a surtout fait baisser la construction des logements neufs et du logement social. Malheureusement, les chiffres ne sont pas bons. Ils ne l’ont pas été pour les six derniers mois : avec une baisse de 8,2 %, la construction de logements collectifs a diminué de 5,6 % et, pour 2017, on prévoit entre 8 % et 10 % de ventes en moins. Tout à fait ! Pourquoi observe-t-on tant de craintes, en particulier s’agissant de la construction de logements ?
Tout d’abord, les opérateurs de logements sociaux : si vous prenez 2 milliards d’euros dans leur poche, ils n’investiront évidemment pas beaucoup jusqu’en 2020. Il a raison ! Ensuite, il faut avoir envie d’être propriétaire. Lorsque vous avez les moyens et que vous sentez que vous êtes une cible pour le Gouvernement, croyez-moi, vous n’allez pas beaucoup investir parce que l’on vous promet de fiscaliser vos biens ou d’augmenter les frais de succession.
Mais le pire, c’est lorsque vous êtes une famille démunie et que vous souhaitez devenir propriétaire. À ce moment-là, on vous enlève la seule possibilité que vous ayez : l’accession sociale à la propriété que vous avez supprimée dans une grande partie des territoires métropolitains et outre-mer. Oui ! Il a raison ! Alors, monsieur le ministre, vous allez sans doute me répondre que la loi dite ELAN – portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – effacera tout cela… Merci beaucoup, monsieur Lorion.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le député, quelle est la situation ? Aujourd’hui, en France, on construit à peu près autant de logements qu’au début des années 80. Or, nous comptons 12 millions de Français de plus, de plus en plus de familles divorcent, et la pression sur le logement est donc incroyablement forte.
Au moment où nous nous parlons, près de 1,8 million de ménages attendent un logement social. Alors, que fait-on ? On reste les bras croisés, on attend que cela se passe ? Ce serait très mal nous connaître. Que va-t-on faire, concrètement ?
D’abord, oui, nous allons transformer le logement social. Oui, on va permettre aux personnes et aux bailleurs sociaux de se regrouper. Oui, on va permettre à ces derniers d’avoir plus de financement avec 10 milliards d’euros apportés par la Caisse des dépôts. Oui, on va créer plus de mobilité dans le logement social grâce à la révision des situations familiales sur la base de propositions, tous les six ans, pour faire en sorte que les logements soient bien adaptés. Oui, on va réécrire le code de la construction et de l’habitation – je vous l’accorde, c’est plus dur, on sort de la simplification que vous avez engagée, on va réécrire complètement le code de la construction pour en arracher une page sur cinq ! Oui, on va prendre des mesures que personne n’a jamais prises sur les bancs de cette assemblée pour lutter contre les recours abusifs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
En même temps, on va apporter des solutions pour protéger les plus faibles, on va lutter sans relâche contre les marchands de sommeil – je me félicite à cet égard de tout le travail réalisé, par exemple, avec le député Peu – ou va lutter contre l’habitat indigne, en particulier dans les territoires ultramarins (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) , on va revitaliser les centres-villes – à La Réunion il y en a quatre, de ces villes moyennes qui ont été les parents pauvres de votre politique (Protestations sur les bancs des groupes LR et NG) – qui recevront 5 milliards pendant ce quinquennat. Alors oui, monsieur le député, et c’est peut-être cela notre différence, on va s’attaquer à la racine des problèmes pour apporter des solutions aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Parlez-en à M. Macron ! La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe La République en marche. La crise des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, révélée dès l’été 2017, a mis en évidence les insuffisances de la politique du grand âge au cours des dernières années, qui a été essentiellement axée sur la question du financement, sans qu’aucun des choix fondamentaux n’ait été tranché, bien que de nombreux rapports aient évoqué le sujet.
Notre modèle de prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie est dépassé. D’une part, il ne répond plus à l’attente de nos concitoyens et, d’autre part, il désespère des personnels très investis mais trop peu nombreux et soumis à des conditions de travail particulièrement difficiles. Cela suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes, entretenues par une vision de notre société peu valorisante pour ceux qui avancent en âge, dont le nombre est pourtant appelé à augmenter.
Au-delà des enjeux démographiques et financiers, qui ont toute leur importance, un véritable défi sociétal et humain est devant nous. Il concerne tous les citoyens et évidemment la sphère politique dans son ensemble, qui ne saurait éviter le débat ou se contenter de mesures à effets limités, comme celles qui ont été prises ces dernières années.
Ce gouvernement, particulièrement la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, ont très rapidement pris la mesure des problèmes qui se posent, dès le mois de septembre 2017, après la mission flash que m’avait confiée la commission des affaires sociales. C’est incohérent avec le début de votre question ! En outre, nous avons voté, dès le mois de décembre, un certain nombre de mesures dans la loi de financement de la sécurité sociale pour répondre dans l’urgence à la situation que cette majorité a constatée.
Aujourd’hui, le Gouvernement veut aller plus loin sur cette question, avec l’ensemble des pouvoirs publics, afin de traiter non pas les symptômes mais les effets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame Iborra, je vous prie d’excuser Agnès Buzyn, retenue en ce moment même au Sénat.
Quatre générations vont cohabiter, c’est une première dans l’histoire de l’humanité. Il faut donc repenser notre modèle social et, en son sein, la prise en charge du vieillissement, pour répondre au mieux aux besoins des personnes âgées mais également à ceux de leurs familles. C’est un modèle qui ne doit pas être seulement sanitaire mais qui doit garantir aussi la meilleure qualité de vie possible à nos aînés et leur pleine inclusion au sein de la société. Tout l’enjeu, au fond, est de savoir quelles sont nos priorités et comment nous pouvons nous assurer de leur financement, un financement juste et solidaire.
Nous ne partons pas de rien puisque de nombreux rapports existent sur le sujet. Mais les rapports et les mesures techniques, vous le savez, ne suffisent pas. Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites que le modèle des EHPAD doit évoluer, mais il en va de même du modèle des services à domicile. Il faut penser les deux sujets en même temps, autour de la personne âgée, mais aussi des aidants naturels que sont les membres de sa famille.
C’est la raison pour laquelle la ministre des solidarités et de la santé présente cet après-midi même une feuille de route sur la question des personnes âgées et de l’autonomie. Il s’agit d’une feuille de route globale, qui présente des mesures immédiates tout en traçant des perspectives à plus long terme.
Parmi les mesures immédiates figure notamment le renforcement de la médicalisation des EHPAD, y compris la nuit, avec la généralisation des infirmières de nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Plusieurs mesures visent également à favoriser la prévention de la perte d’autonomie. Ces mesures s’ajoutent à la décision déjà annoncée de neutralisation des effets négatifs de la réforme de tarification pour les EHPAD. Le Gouvernement poursuivra également deux autres priorités transversales : mieux soutenir les aidants ; mieux former, mieux recruter et mieux fidéliser les professionnels qui travaillent chaque jour auprès des personnes âgées. Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est extrêmement déterminé à agir sur ce sujet, qui est majeur pour des millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Avec quels moyens ? La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, voici un an que le Gouvernement est installé. Vous y avez la noble mission de conduire l’agriculture française. Il paraît donc important que vous nous exposiez votre vision de l’avenir de l’agriculture française et de son rôle en Europe et dans le monde, d’une part, et que vous dessiniez la ligne d’horizon et les objectifs précis que vous assignez à la profession agricole, d’autre part.
Dans un contexte européen de discussion de la nouvelle politique agricole commune, alors que l’Assemblée nationale s’apprête à s’exprimer sur votre projet de loi en faveur du rééquilibrage des relations commerciales dans le secteur agricole, les défis sont de plusieurs natures : la souveraineté alimentaire de la France, question hautement stratégique ; le renouvellement des générations en agriculture, grâce à un métier qui doit assurer un revenu digne, car toute peine mérite salaire ; l’aménagement harmonieux du territoire ; enfin, la nécessaire protection de la biodiversité.
La France, en Europe, reste l’un des principaux pays agricoles et doit le demeurer ! Sa fonction exportatrice doit être réaffirmée ! Je souhaite donc connaître votre feuille de route pour l’agriculture française, en particulier la conjugaison des enjeux de politique nationale avec les enjeux de politique européenne et internationale. À titre d’exemple, le Président de la République a annoncé, il y a quelques mois, un plan de 5 milliards d’euros d’investissements pour l’agriculture. Bien ! Quelle est, monsieur le ministre, votre stratégie pour mettre ce plan en œuvre ? Quelle est votre vision pour l’avenir de l’agriculture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) Très bien ! Excellent ! La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Benoit, je veux d’abord vous remercier, vous et tout votre groupe, pour votre mobilisation pendant ces huit jours de débat à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LR.)
Je veux vous dire, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire pendant l’examen du projet de loi – au cours duquel nous avons examiné plus de 2 600 amendements –, que tout ne relève pas de la loi. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, nous avons ouvert de nombreux chantiers dans le domaine de l’agriculture : le grand plan d’investissement, que vous avez évoqué ; le grand programme ambition bio ; une réflexion sur le foncier agricole : les ateliers conduits avec Bruno Le Maire sur la fiscalité agricole. Nous avons ouvert ces chantiers pour répondre aux besoins de nos agriculteurs, notamment en ce qui concerne la fiscalité sur l’épargne de précaution, vous le savez.
Le projet de loi que nous avons examiné durant ces huit derniers jours, issu des États généraux de l’alimentation, vise quant à lui à rééquilibrer le rapport de force entre les différents maillons de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur. Pour ce faire, nous avons inversé la logique de la construction du prix, revu le SRP – le seuil de revente à perte –, encadré les promotions, renforcé le rôle des organisations de producteurs, des interprofessions et du médiateur.
Nous devons également garantir à tous nos concitoyens une alimentation sûre, saine, durable et accessible, en « boostant » l’approvisionnement local et les produits bio dans la restauration collective, en luttant contre le gaspillage alimentaire et en nous donnant les vrais moyens d’une réduction des produits phytosanitaires en agriculture.
Cette loi est le fruit d’un long travail, que nous avons mené ici dans l’hémicycle, et votre groupe politique y a apporté une pierre très importante, notamment au sujet de la lutte contre la concentration des centrales d’achat. Je vous en remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) La parole est à Mme Carole Grandjean, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse à Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes.
Hier, le Parlement européen a adopté définitivement la révision de la directive sur le détachement des travailleurs avec 70 % de votes favorables. Cet accord européen est une victoire après plus de deux ans de négociations avec nos partenaires. Je tiens à saluer le travail de l’eurodéputée française, et co-rapporteure du texte, Mme Élisabeth Morin-Chartier.
Ce vote consacre des avancées majeures : l’établissement des règles salariales pour un travail égal à salaire égal, la limitation de la durée de détachement à douze mois, le renforcement de la lutte contre les fraudes, la clarification des démarches administratives. Ces règles garantissent des conditions de travail et des droits équivalents pour tous les travailleurs dans un même pays.
Chers collègues, nous partions de loin : la directive de 1996 n’était plus adaptée, car construite sur une mobilité européenne qui s’est accélérée en vingt ans. Pas moins de 16 millions d’Européens travaillent dans un autre pays de l’Union européenne que le leur aujourd’hui, dont plus de 510 000 travailleurs détachés, et 130 000 Français sont des travailleurs détachés en Europe.
En dix ans, le nombre de travailleurs détachés a été multiplié par neuf en Europe. En France, le travail détaché répond parfois à des besoins en recrutement pour des secteurs en pénurie de candidatures – BTP, récoltes agricoles ou viticoles.
Nous examinons actuellement, en commission des affaires sociales, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel : le titre III dispose de mesures nationales pour mieux encadrer la fraude au détachement et lutter contre. Nous souhaitons en effet mettre fin à certaines irrégularités.
Madame la ministre, comment, au sein de l’Union européenne, protéger mieux encore les travailleurs et lutter contre les fraudes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes. Madame la députée, j’étais hier au Parlement européen où le succès fut au rendez-vous, puisque le Parlement européen a voté à une majorité de 70 % des députés en faveur de la réforme du régime des travailleurs détachés.
C’est un succès d’abord en termes de calendrier puisque, en un an, nous avons remis à plat les termes de la négociation, qui nous paraissaient insuffisants, et nous avons réussi à convaincre le Conseil européen comme le Parlement européen.
C’est un succès en termes de méthode. Le Président de la République s’est personnellement beaucoup impliqué, le Gouvernement également, en particulier Mme Pénicaud. Vous avez raison de rendre hommage à Élisabeth Morin-Chartier, la co-rapporteure française du projet. Quand des députés européens s’investissent avec sérieux et conviction dans leur mission, ils ont du poids !
Qui plus est, nous avons réussi à convaincre très au-delà du camp des pays d’accueil des travailleurs détachés. Beaucoup de pays d’origine ont compris qu’il n’y aurait que des gagnants à réformer ce régime avec ambition et tirer l’Europe sociale vers le haut.
Vous l’avez dit, nous avons aujourd’hui concrétisé le principe « à travail égal, salaire égal » sur un même lieu de travail. Nous avons réduit à douze mois la durée du travail détaché et la transposition se fera en deux ans. Et les cotisations sociales ? Nous avons donc obtenu tout ce que nous souhaitions. Mais nous devons aller plus loin. Il ressort des consultations citoyennes que les Français attendent de l’Europe sociale des progrès. Nous sommes ainsi favorables à la mise en place d’une autorité européenne du travail qui permette de lutter efficacement contre les fraudes et nous avons passé de nombreux accords avec les pays d’origine des travailleurs détachés pour lutter contre ces fraudes, témoignant par là même de ce en quoi nous croyons profondément : une Europe qui protège. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, vous revenez d’un déplacement de quatre jours en Corse, qui, je vous le souhaite, ne sera pas le dernier. J’ai regretté que vous n’ayez pu visiter la circonscription dont je suis l’élu et sa ville centre, Ajaccio, capitale régionale, où je vous aurais accueilli pour échanger à propos de la gestion des déchets, même si cette compétence échoit à la collectivité de Corse, nous le savons.
En effet, c’eût été pour vous une expérience enrichissante compte tenu de l’engagement du pays ajaccien dans la recherche d’une solution technique efficace et pérenne aux crises itératives des déchets qui frappe notre territoire, cette problématique qui concerne toutes les régions, plus aiguë chez nous du fait de l’insularité et de l’absence de choix qui perdure…
En effet, depuis 2015, époque à laquelle je présidais la communauté d’agglomération, rien n’a avancé. Le projet d’une unité de tri et de valorisation que nous portions, conforme à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte chère à votre prédécesseure, Mme Royal, projet au service d’un tiers de la population de l’île, permettant de réduire d’au moins 50 % la part dévolue à l’enfouissement, ce projet en est encore au stade de l’assistance à maîtrise d’ouvrage alors qu’il aurait pu être opérationnel dès 2019.
La prochaine crise se profile en juillet, en l’absence de solution à court terme compte tenu de l’urgence, à savoir la saturation et la fermeture prochaines des deux centres d’enfouissement, des centres de stockage comme l’on dit pudiquement. Je ne me résous pas à l’exportation des déchets vers le continent ou la Sardaigne pour qu’ils y soient incinérés ou, pire, enfouis. C’est une non-solution. Pourtant, nous nous y préparons.
Que pensez-vous, monsieur le ministre, de la gestion des déchets, problématique qui dépasse largement le cadre de l’Île ?
Sachant que la nécessité de renforcer le tri sélectif à la source fait l’unanimité, que la solution retenue, quels que soient les moyens engagés, prendra du temps, de l’argent et qu’il restera toujours des déchets ultimes, que préconisez-vous à court et moyen terme : thermolyse et valorisation énergétique, poursuite de l’enfouissement à tous crins, ou autre ?
Êtes-vous prêts à initier une réunion des acteurs régionaux concernés, collectivité de Corse, intercommunalités, pour définir une ou plusieurs solutions techniques efficaces, susceptibles d’être mises en place le plus rapidement possible avec le concours et la diligence des services de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je me suis en effet rendu en Corse hier et avant-hier pour faire le point sur l’ensemble des dossiers relatifs à la transition écologique et solidaire.
Bien évidemment, nous avons longuement évoqué le sujet crucial des déchets sur l’île, qui est une situation préoccupante, héritage malheureux de nombreuses années d’inaction. Mais moi, je ne cherche pas les responsables, comme vous je vais essayer de trouver les solutions.
Le dialogue avec les élus du territoire a permis d’esquisser une sortie de crise et j’ai confié à la préfète de région la mission de la mettre en œuvre. Pour résoudre cette crise, un consensus fort s’est dégagé sur la priorité absolue à donner au tri sélectif, où la Corse a encore, malheureusement, beaucoup de retard. Ce n’est pas, comme vous l’avez évoqué, parce que le sujet ne relève pas de la compétence de l’État que nous allons rester à l’écart et indifférents.
J’ai donc décidé que l’État accompagnerait les intercommunalités dans la mise en œuvre de solutions pratiques, y compris grâce à des financements de l’ADEME, à condition que les résultats puissent être mesurables et que des objectifs clairs soient fixés.
Par ailleurs, tout le monde s’accorde sur le fait que la Corse, vous l’avez rappelé, n’a pas vocation à exporter ses déchets sur le continent et qu’elle doit trouver des solutions à long terme aux déchets résiduels. Plusieurs options sont possibles et il ne doit pas y avoir de tabou. Je ne veux pas me substituer aux collectivités à qui il reviendra de choisir l’option qui leur convient le mieux mais, sans écarter aucune hypothèse, il ne me semble pas interdit de penser que les déchets ultimes puissent participer du bouquet énergétique.
En tout cas, je suis convaincu que, comme ce fut le cas pour les sacs plastiques, la Corse peut enfin prendre en charge, avec l’aide de l’État, ce sujet crucial. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Sylvie Charrière, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, une société qui néglige sa jeunesse n’a pas d’avenir. Comment accepter que, chaque année, 100 000 jeunes sortent de notre système scolaire et universitaire sans diplôme, alors que, nous le savons, la meilleure garantie contre le chômage reste le diplôme ?
En effet, 48,4 % des jeunes sortis sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont au chômage. Et que dire des 1,3 million de jeunes, qu’on appelle les NEET – neither in employment nor in education or training – , qui ne sont ni en formation ni en emploi ? Taux tout aussi alarmant : 34 % des jeunes bacheliers professionnels sont au chômage sept mois après l’obtention de leur diplôme, alors que, paradoxalement, embellie économique aidant, de nombreuses entreprises peinent à trouver des jeunes.
En fait, nous sommes confrontés à de nombreuses problématiques : la voie professionnelle, scolaire ou par apprentissage, souffre d’une image dégradée ; si certaines voies professionnelles sont attractives, comme le bac professionnel gestion administration, elles n’insèrent pas ; d’autres voies, enfin, sont très « insérantes », comme les métiers de l’industrie, mais elles n’attirent pas.
Devant cette complexité, nous comprenons que les familles et les enseignants hésitent à choisir la voie professionnelle lors de la phase d’orientation. Pourtant, que de belles réussites ont été bâties grâce à cette voie ! La voie professionnelle, en axant sa pédagogie sur le faire pour apprendre, permet à de nombreux jeunes de retrouver un sens à leur scolarité.
Avec plus d’un jeune sur quatre au chômage, il est urgent de réagir. J’en appelle à la mobilisation générale ! Il est urgent que tous les acteurs concernés, État, branches et régions, se mobilisent et se concertent, pour actualiser les diplômes et organiser les passerelles entre les lycées et les CFA – les centres de formation d’apprentis –, mais aussi les entreprises, afin qu’elles prennent leur responsabilité sociétale de formation et de transmission des savoir-faire.
Pouvez-vous nous exposer, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez mettre en place pour transformer la voie professionnelle et lui redonner la place qu’elle mérite, celle d’une orientation d’excellence qui permettra à nos jeunes de s’insérer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. Madame Charrière, je vous remercie pour cette question, portant sur un des sujets que je classe parmi les plus importants que j’aie à traiter. Dès que j’ai pris mes fonctions, j’ai annoncé que l’enseignement professionnel serait, après l’école primaire, ma deuxième priorité, pour toutes les raisons que vous venez d’exposer parfaitement.
Lundi dernier, j’ai annoncé la réforme de la voie professionnelle que nous avons élaborée, à la suite du rapport de la députée Céline Calvez et du chef cuisinier Régis Marcon, et après concertation avec les organisations syndicales et les régions. Cette réforme répondra aux enjeux que vous avez évoqués.
Premièrement, nous encouragerons l’attractivité, tout d’abord concrète et physique, de l’enseignement professionnel. Ainsi, chaque lycée professionnel fera désormais partie d’un campus et/ou d’un réseau thématique national, en lien avec les branches, ou d’un réseau thématique géographique, en lien avec les régions, afin d’offrir un large éventail de possibilités aux élèves. Les élèves auront envie d’aller dans ces campus, qui seront dotés d’espaces verts, d’équipements sportifs et d’internats. Dans un même lieu, il y aura donc le lycée professionnel, le centre d’apprentissage, l’incubateur d’entreprises et une partie d’université. Ces campus feront envie parce qu’ils seront des lieux d’interaction entre des acteurs différents liés à la vie économique et académique.
Deuxièmement, nous ferons évoluer les diplômes, dans un sens pragmatique, adapté au XXIe siècle, tenant compte de la révolution numérique et des enjeux de la transition écologique, laquelle transforme ou crée des métiers.
Troisièmement, nous ferons également évoluer la pédagogie, en tenant compte du savoir-faire splendide et recherché, à la française, de nos 50 000 professeurs de lycée professionnel, un savoir-faire qui va du concret à l’abstrait et est susceptible de mener à des réels métiers pour nos jeunes, qui trouveront ainsi un emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Très bien ! La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise. « Après le travail il retire toujours son uniforme. Mais là, il est parti, il a sauté d’un pont en tenue de travail. C’est symbolique, ça veut dire : je saute pour montrer que c’est mon travail qui m’a tué mais pas le reste. » Ces propos sont d’Élodie, la compagne d’Alexandre. « Mon fils est un héros », dit son père. Alexandre Gonneau, jeune Réunionnais de vingt-sept ans, a choisi le suicide pour attirer les feux des projecteurs sur le sort de ses collègues de travail. Dix jours auparavant, c’était Natacha, mère de famille de quarante ans, qui se suicidait. Ces deux fonctionnaires ultramarins travaillaient à Fleury-Mérogis. À ces deux suicides, il faut ajouter ceux de sept détenus qui, eux aussi, méritent l’attention. Combien en faut-il encore ?
C’est su de tous : les conditions de travail sont déplorables dans les prisons de France. C’est pourquoi ces suicides devraient vous alerter sur la nécessité de débloquer des moyens pour permettre aux surveillants de travailler dans des conditions dignes. Les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. À Fleury-Mérogis, 60 % des membres du personnel viennent des outre-mer. Nos jeunes arrivent ici, à cause du chômage de masse, mais le désenchantement arrive vite trop vite. Pour l’administration pénitentiaire, les outre-mer sont une chance, comme l’était l’esclavage avant 1848. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est honteux ! Vous devez réagir ! Oui, il est urgent de réagir et de mettre un terme à la gestion coloniale des ultramarins dans la fonction publique ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.) Il faut tout faire pour permettre aux jeunes ultramarins de travailler sur leurs différents territoires. En février 2018, l’administration pénitentiaire a annoncé la création d’un groupe de travail sur la question ultramarine, annonce contrainte et forcée. Qu’en est-il maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Très bien ! La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Ratenon, je tiens en tout premier lieu à exprimer ma profonde compassion et ma solidarité envers les familles des personnes qui ont connu un tel drame. Ma solidarité et ma compassion vont également aux personnels de Fleury-Mérogis, tant à leurs collègues surveillants qu’aux équipes de direction, qui ont vécu très durement ces situations.
Monsieur le député, il faut se montrer très vigilant s’agissant des informations qui circulent à propos d’événements aussi douloureux et de ce qu’il en est réellement de décisions souvent très complexes et très personnelles. La lecture des réseaux sociaux, qui diffusent parfois des informations non vérifiées, exige, de notre part à tous, un minimum de distance et de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.) J’ai eu au téléphone le père d’Alexandre Gonneau hier ! Pour répondre précisément à votre question, je tiens à rappeler que nous avons pris trois dispositions, qui, je l’espère, réussiront à éviter ce type de drames.
La première, qui sera inscrite dans le projet de loi de programmation pour la justice que je défendrai devant vous, visera à diminuer la surpopulation carcérale, qui est, nous le savons tous, un des facteurs contribuant à la difficulté d’exercice des personnels pénitentiaires.
La deuxième réponse résulte du protocole d’accord signé au mois de janvier dernier avec l’une des organisations syndicales représentatives, qui contient, pour les personnels de surveillance, des mesures de sécurité très précieuses.
La troisième réponse réside dans la mise en place, au mois de mars dernier, d’un groupe de travail sur les risques psychosociaux ; il contribuera également à trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Nadia Essayan, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Madame la ministre chargée des transports, vous allez prochainement devoir vous prononcer sur le projet de schéma directeur de la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT. Au nom de mon groupe et de la plupart de mes collègues concernés par cet axe important, et en lien avec le président de l’association Urgence Ligne POLT, M. Jean-Claude Sandrier, je souhaite appeler votre attention sur l’enjeu majeur que revêt pour nos territoires cette ligne classique qui relie Paris à Toulouse par le centre de la France. Il s’agit d’une ligne que l’État avait classée dans les trois lignes de trains d’équilibre du territoire structurantes, la troisième radiale française et la plus longue, qui dessert près de 20 % du territoire national. Elle traverse des territoires trop longtemps délaissés, qui espèrent aujourd’hui se redynamiser avec l’aide et l’accompagnement de l’État.
Nous demandons un investissement complémentaire, relativement modéré, sur les infrastructures, afin de contribuer à mettre Limoges à deux heures trente de Paris et de gagner quarante-cinq minutes jusqu’à Toulouse. Nous demandons aussi la rénovation des matériels roulants, afin qu’ils soient en mesure de se déplacer sur une ligne de 712 kilomètres, à la vitesse de 220 kilomètres-heure, dans des conditions de confort et de service dignes de notre pays et de notre époque.
La visite prolongée du Premier ministre dans le Cher, au début du mois de mai, montre que les efforts sont nécessaires de toutes parts pour que l’on parle non plus de diagonale du vide, mais d’un cœur battant lorsque l’on regarde le centre d’une carte de France.
Madame la ministre, nous connaissons votre attachement à la modernisation du réseau classique et au développement de la cohésion territoriale. Cela implique une plus grande facilité de circulation, ainsi qu’une proximité accrue de nos territoires entre eux et avec Paris. Nous comptons donc sur vous pour nous présenter un schéma directeur à la hauteur des enjeux économiques auxquels la France est aujourd’hui confrontée, et ce jusque dans les parties les plus reculées du territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, je vous réponds à la place d’Élisabeth Borne, retenue au Sénat.
La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse va, dans les dix ans à venir, bénéficier de nombreux investissements afin de renouveler son infrastructure et ses trains. Vous le savez, le fait de désenclaver les territoires et de les relier aux métropoles est une priorité du Gouvernement. C’est pourquoi une desserte de qualité sera proposée, à l’horizon 2025, à l’ensemble des voyageurs de l’axe – qualité en termes non seulement de régularité, mais aussi de temps de parcours. D’ici à 2025, nous prévoyons d’allouer une enveloppe de 1,6 milliard d’euros au réaménagement de la ligne POLT et de remplacer la totalité des trains de la ligne. Un appel d’offres a été lancé à la fin de l’année 2016 et les offres viennent d’être remises ; la signature du marché est prévue au printemps 2019 et la livraison des nouvelles rames pourrait intervenir dès 2023.
Vous le voyez donc, madame la députée : dès 2025, les voyageurs de cette ligne bénéficieront d’un service plus fiable, avec une infrastructure renouvelée. Les incidents devraient être réduits de moitié. Le service sera plus rapide – le temps de trajet entre Paris et Limoges diminuera de quinze minutes – et plus confortable, puisque les rames seront entièrement neuves. C’est le sens du schéma directeur de la ligne qui vous sera proposé en juillet prochain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à M. Michel Delpon, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse à M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
L’hydrogène, à condition qu’il soit vert, permet de répondre aux enjeux de la transition énergétique tout en garantissant l’indépendance de la France face aux Chinois qui contrôleront 90 % de la production mondiale de batteries en 2030.
Si les industriels et les usagers commencent à prendre conscience de la nécessité de sortir du diesel et de l’essence – je tiens, monsieur le ministre d’État, à saluer votre détermination lorsque vous avez annoncé, en juillet dernier, la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici à 2040 –, il nous faudra aussi repenser notre stratégie face aux véhicules hybrides et au « 100 % batterie » pour passer à la mobilité avec des piles à combustible.
La mobilité, c’est aussi le train. Alors que seule la moitié du réseau français est électrifiée, l’autre moitié, soit 15 000 kilomètres de voies ferrées, fonctionne en général avec des trains tirés par des motrices diesel. Nos voisins allemands, puis italiens et maintenant autrichiens, ont fait le choix du train à hydrogène. Nous devons leur emboîter le pas sans tarder. Pour adopter l’hydrogène, il faut l’essayer : je vous propose donc, monsieur le ministre d’État, de passer de la parole aux actes en faisant circuler notre premier train à hydrogène sur la ligne TER reliant Bordeaux à Bergerac et Sarlat.
Les applications de l’hydrogène sont nombreuses : alimentation électrique des data centers , camions réfrigérés avec pile à combustible au Japon, stockage sous forme d’hydrogène de l’électricité produite à partir de l’énergie solaire à La Réunion, prototype d’ascenseur permettant de supprimer l’utilisation du plomb et du cadmium, développement par le Centre national de la recherche scientifique – CNRS – de bio-piles remplaçant le catalyseur chimique par des enzymes bactériennes. Je pense aussi à la découverte surprenante de chercheurs australiens qui ont développé une peinture solaire pouvant générer de l’hydrogène, ou encore à l’invention d’une start-up que j’ai rencontrée hier, ici même, dans mon bureau de l’Assemblée nationale, et qui a mis au point des capsules à hydrogène basse pression qui fonctionnent sur le même principe qu’une éponge.
Je termine ma question… Merci, monsieur le député.
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l’occasion de parler d’un sujet qui me tient à cœur, car je suis intimement convaincu – et vous m’aiderez à en convaincre les uns et les autres – que l’hydrogène jouera un rôle important dans la transition énergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)
C’est une révolution potentielle pour les systèmes énergétiques. Aujourd’hui, en effet, compte tenu de la baisse spectaculaire des prix des énergies renouvelables, comme vous l’avez dit, il devient enfin possible de produire des quantités importantes d’hydrogène à bas coût et, évidemment, sans émission de gaz à effet de serre.
L’hydrogène peut aussi devenir une solution majeure pour notre mix énergétique de demain, tout d’abord en rendant possible le stockage à grande échelle des énergies renouvelables, permettant ainsi de rendre crédible un monde où l’hydrogène vient se substituer, petit à petit, au fossile et au nucléaire pour combler les intermittences du solaire et de l’éolien.
Enfin, l’hydrogène, s’il est produit à base d’énergies renouvelables, peut contribuer à la mobilité sans émission de gaz à effet de serre des trains, des flottes de camions, des flottes municipales et des bus, permettant ainsi d’apporter une réponse aux problèmes de qualité de l’air. Vous le savez mieux que moi, l’Allemagne et les Pays-Bas expérimentent en ce moment même des trains à hydrogène fabriqués en France ; je pense que ces trains auront également vocation à circuler sur les petites lignes françaises.
Dans cet esprit, je présenterai vendredi un plan pour l’hydrogène qui visera à faire de notre pays un leader mondial de cette technologie. Pour ce faire, j’ai proposé de fixer à 10 % la part d’hydrogène produit à base de sources renouvelables à l’horizon 2023. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) Par ailleurs, parce que nous avons besoin d’innovations, de démonstrateurs et de champions économiques du stockage de l’électrolyse, j’ai décidé de mobiliser 100 millions d’euros pour accompagner les premiers déploiements de ces technologies de production et de transport dans les territoires.
Toute la filière industrielle de l’hydrogène existe en France. Ne loupons pas cette transition énergétique ! Soyons les premiers dans cette filière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.) La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le Premier ministre, François Molins, procureur de Paris, que tout le monde a malheureusement appris à connaître à cause des événements des trois dernières années, nous alertait, voilà quelques jours, en direct à la télévision. Il expliquait que, en 2018, 2019 et 2020, seraient respectivement remises en liberté, à l’issue de leur peine, vingt-cinq, dix-sept et vingt-deux personnes condamnées pour terrorisme, et que, dans les années suivantes, une cinquantaine de terroristes seraient à nouveau remis en liberté. Il déclarait clairement que, loin d’avoir expié, si j’ose dire, leur erreur, ceux-ci, en prison, s’étaient sans doute renforcés dans leur radicalisation.
Ils sont, en réalité, les précurseurs de 500 autres personnes condamnées pour terrorisme qui se trouvent en prison et y resteront dans les années à venir, et de 1 200 condamnés de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Ce problème est évidemment très préoccupant et le procureur Molins explique qu’il sera nécessaire de s’adapter à une menace inédite et qui s’est sans doute renforcée malgré la prison.
Monsieur le Premier ministre, ne doutant pas que le Gouvernement ait voulu anticiper, je souhaiterais savoir quels sont les moyens mis en place pour que nous ayons la certitude de pouvoir suivre toutes celles et tous ceux qui, sortant de prison, deviennent sans doute un danger bien plus grand pour la société qu’ils ne l’étaient avant d’y entrer.
Deuxième question : une organisation spécifique a-t-elle été prévue ou imaginée pour que tous les services de police, de gendarmerie et de justice puissent, comme je le souhaiterais, travailler ensemble, ainsi qu’avec les maires et les collectivités locales, qui disposent souvent d’éléments d’alerte précurseurs, même à propos de personnes qui viennent de sortir de prison et se répartissent sur le territoire ?
Troisième question : existe-t-il de nouveaux moyens juridiques, nécessaires pour faire face à cette menace inédite ? En effet, la surveillance accrue demande parfois des droits accrus pour nos services. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. le Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, la France est confrontée à une menace durable, endogène, diffuse et élevée – nous le savons, et François Molins, qui exerce avec brio des responsabilités éminentes dans la lutte contre le terrorisme et la répression de celui-ci, le sait mieux que quiconque. À l’occasion d’un entretien télévisé, il a effectivement indiqué – ce qui est la réalité – qu’après exécution de leur peine, un certain nombre de détenus recouvreront la liberté, en application du droit et des termes de la condamnation dont ils ont fait l’objet. Vous en avez donné les ordres de grandeur : sur environ 70 000 détenus, 1 500 ou 1 600 font l’objet d’un suivi pour radicalisation ; 500 ont été condamnés ou sont poursuivis pour des faits liés au terrorisme ; une vingtaine d’individus environ seront libérés au cours de l’année 2018 et une vingtaine d’autres au cours de l’année 2019.
Premier élément de réponse à votre question : par deux lois, respectivement de juin et juillet 2016, les conditions d’exécution des peines et de libération conditionnelle ont été durcies et renforcées, adaptées à la spécificité terroriste.
Par ailleurs, des procédures, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, ont été mises en place pour que les services du renseignement pénitentiaire et l’ensemble des services intéressés – préfectures, gendarmerie et police nationale – puissent assurer un suivi particulier des individus qui entrent dans ces catégories et sont, le moment venu, remis en liberté.
Pour ce qui est des mineurs – car il existe des mineurs détenus ou, du moins, suivis pour des faits comparables –, un dispositif spécifique d’accompagnement permanent a été mis en place.
Avec le renforcement très net des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police, de gendarmerie et de la DGSI – la direction générale de la sécurité intérieure –, dans le cadre de l’augmentation des effectifs que l’Assemblée nationale et le Sénat ont votée, ce dispositif nous permet de mettre en place un suivi effectif des personnes se trouvant dans la situation que vous indiquez. C’est un suivi extrêmement attentif, respectueux de la loi, bien entendu, mais dénué de naïveté, qu’il faut mettre en œuvre et pour lequel l’ensemble des services de l’État se sont organisés.
Vous appelez de vos vœux, monsieur le député, une meilleure coordination ou de meilleurs échanges d’informations entre les services de l’État et les maires. Vous savez comme moi, et pour les mêmes raisons que moi, que, lorsque l’État et une municipalité entretiennent de bonnes relations, lorsque leurs échanges sont fluides, cela peut apporter un plus très net en matière de sécurité. Le procureur Molins a lui-même indiqué qu’il jugeait nécessaire d’aller encore au-delà dans la qualité et l’intensité des relations entre les services de l’État et les maires.
Je crois qu’il a raison, mais vous savez comme moi, monsieur le député, que cet échange d’informations est très compliqué à mettre en œuvre. Il exige une confiance, qui ne se décrète pas, et une volonté telle que certains élus ont dit – et je le respecte – qu’ils ne souhaitaient pas s’inscrire dans cette logique, car ils ne sauraient pas forcément quoi faire des informations susceptibles d’être échangées.
Il faut donc « protocoliser » – pardon pour ce terme –, organiser de la meilleure façon possible la relation entre les maires, qui jouent un rôle éminent en matière de sécurité et ont accès à certaines informations, et les services de l’État. Nous y sommes prêts mais je sais – et je ne veux pas en cacher la difficulté – que cet exercice est redoutablement délicat et exigera des discussions longues avec chacun de maires concernés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) La parole est à Mme Caroline Janvier, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en qualité de présidente du groupe d’amitié France-Russie, j’ai eu l’honneur d’accompagner le Président de la République lors de sa visite à Saint-Pétersbourg, les 24 et 25 mai,… Quelle chanceuse ! … qui a permis une avancée réelle sur plusieurs sujets majeurs.
Le dialogue des civilisations, des cultures, des économies et des religions est une nécessité, une condition sine qua non de la paix comme de la prospérité. (« Allô ! » sur quelques bancs du groupe LR.) Le Président de la République a souhaité, dès le début de son mandat, inscrire ce dialogue – celui des sociétés civiles – au cœur de sa politique extérieure, en mettant en place le dialogue de Trianon.
De même, dans le cadre du groupe d’amitié, qui réunit des parlementaires de tous bords, nous nous sommes attachés, à la place qui est la nôtre, à échanger fréquemment, sans faire d’impasse sur nos divergences, avec nos homologues de la Douma comme avec d’autres acteurs politiques, économiques ou universitaires.
La visite du Président de la République à Saint-Pétersbourg, si elle s’inscrit dans la continuité de cette volonté de dialogue, revêt une dimension plus forte et plus stratégique. S’il est indispensable d’évoquer certains sujets complexes, comme l’accord sur le nucléaire iranien, la Syrie, l’Ukraine ou les cyberattaques, il convient de replacer les relations bilatérales franco-russes dans un contexte géopolitique plus large, qui met en lumière la place de l’Union européenne et du multilatéralisme dans notre stratégie.
Dans un contexte international chargé d’aléas et d’incertitudes, la France, forte de son indépendance et des valeurs qu’elle incarne, a un rôle majeur à jouer. Quel équilibre pouvons-nous et devons-nous trouver avec la Russie, en Europe orientale, au Moyen-Orient, où nous assistons actuellement à une recomposition des équilibres régionaux, et vis-à-vis de l’Asie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame Janvier, comme vous l’avez rappelé, depuis son élection, le Président de la République tient au président Poutine un langage exigeant, un langage de vérité ; ce sont les principes qui ont dominé sa visite officielle à Saint-Pétersbourg, la semaine dernière. Comme vous l’avez rappelé aussi, notre politique étrangère est autonome et indépendante ; elle n’est ni soumise aux décisions unilatérales du président américain (Exclamations sur les bancs du groupe FI) ni naïve quant aux positions du président Poutine. (Mêmes mouvements.) Le président Macron l’a d’ailleurs rappelé publiquement à Saint-Pétersbourg, appelant la Russie à respecter nos intérêts, notre souveraineté et le fait que nous nous situons dans une solidarité sans faille avec nos partenaires européens.
Vous avez eu raison de souligner que des avancées ont été concrétisées au cours de cette rencontre, dans le domaine de la sécurité internationale. Nous avons progressé à propos de l’Iran, non seulement dans la constatation de la nécessité de poursuivre la mise en œuvre de l’accord de Vienne, mais aussi en vue de l’élargir aux autres questions de sécurité.
Nous avons aussi progressé à propos de la Syrie – c’est le point le plus important –, par la mise en place d’un dispositif de coordination entre les puissances.
Nous avons aussi progressé à propos de l’Ukraine, avec la nécessité de relancer au mois de juin prochain le processus de Minsk.
Nous avons aussi progressé dans le dialogue culturel et économique : une cinquantaine de contrats et d’accords-cadres ont été signés, y compris dans le domaine culturel et dans celui de la revitalisation du processus de dialogue de Trianon, tout cela dans une volonté de suivi, car les présidents ont décidé ensemble que le dialogue se poursuivrait pour vérifier la bonne mise en œuvre des engagements importants qu’ils ont pris ensemble à Saint-Pétersbourg. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, l’émotion est vive, à Fleury-Mérogis et à La Réunion où Alexandre Gonneau voulait repartir vivre et travailler. Ce 22 mai, ce jeune homme de 27 ans s’est suicidé ; dix jours plus tôt, une de ses collègues avait mis fin à ses jours ; dans l’intervalle, un gardien avait été blessé par un détenu radicalisé. Tous trois travaillaient au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis ; tous trois sont originaires des outre-mer.
Ces drames renvoient, une fois de plus, aux conditions de travail des surveillants pénitentiaires. Une surpopulation carcérale en augmentation constante, un personnel en sous-effectif chronique ont fini par provoquer un climat de violence et d’insécurité inouï. L’angoisse et le stress sont devenus le lot quotidien des surveillants.
Ces drames font aussi s’interroger sur des méthodes de management qualifiées de toxiques par celles et ceux qui les subissent et qui dénoncent la pression insoutenable et aveugle qu’on leur impose.
Avant de se jeter du haut du pont de Tancarville, Alexandre a donné plusieurs signes d’alerte. Après une agression dégradante de la part d’un détenu du quartier disciplinaire, il n’a même pas bénéficié du protocole de prise en charge prévu. Personne ne l’a accompagné à l’examen médical et il a dû se présenter seul à l’hôpital. Quinze jours d’arrêt maladie lui ont alors été prescrits pour cause de burn-out mais il ne terminera jamais sa première journée de reprise.
Fleury-Mérogis est la plus grande prison d’Europe. Elle est aussi celle où sont affectés de très jeunes fonctionnaires et où plus de la moitié des surveillants viennent des outre-mer. Les personnels comme leurs familles comptent sur vous, madame la ministre, pour faire toute la lumière sur ces suicides. Tous vous demandent de tirer fortement les leçons de ces drames. Je souhaite avec eux que le sort de nos jeunes ne soit pas oublié. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI, sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, votre question fait écho à la fois à des drames individuels et à une interpellation collective. Les drames individuels, vous les avez énoncés fort justement en évoquant la situation d’une surveillante qui a mis fin à ses jours une semaine environ avant la disparition de M. Gonneau. Elle était atteinte d’une longue et douloureuse maladie et son entourage a expressément demandé à notre administration d’être silencieuse et d’observer la plus grande discrétion sur ce sujet.
Alexandre Gonneau a lui été la victime collatérale d’une agression contre un autre détenu, ayant été atteint par un jet de liquide. Il n’a pas voulu porter plainte immédiatement et c’est sa hiérarchie et ses collègues présents qui ont dû insister pour qu’il accepte de déclarer l’incident en accident du travail. Il a alors fait l’objet de l’accompagnement qui s’impose et il n’a pas jugé immédiatement nécessaire d’être accompagné à l’hôpital.
En toute hypothèse, il s’agit bien de drames individuels (Exclamations sur les bancs du groupe FI) , qui évidemment nous interpellent collectivement, et j’en ai pleinement conscience, madame la députée.
Au-delà de ces situations individuelles, il est certain que la difficulté particulière et les risques entourant les métiers pénitentiaires méritent notre plus grande attention : c’est ce que nous faisons avec la plus grande vigilance. La direction de l’administration pénitentiaire, eu égard aux difficultés inhérentes au contexte carcéral, travaille de longue date sur la question des suicides. Un accompagnement pluridisciplinaire autour d’un réseau de psychologues a été mis en place, des outils d’information et de formation sont déployés et des travaux sont conduits sur les rythmes de travail et la qualité de vie au travail. Vous pouvez être assurée, madame la députée, de mon engagement personnel pour que ces questions collectives ne débouchent pas sur des souffrances personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Michel Fanget, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Madame la ministre chargée des transports, vous avez récemment évoqué les grandes lignes de la nouvelle loi sur les mobilités. Les mesures que vous entendez prendre devraient conduire à la suppression de la gratuité des autoroutes, et ce dans la perspective de financer de nouveaux aménagements. Cela correspondrait à privatiser encore plus notre réseau autoroutier, mesure à laquelle François Bayrou s’oppose depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.) Un frondeur ! Même si l’intention d’amélioration du réseau routier est louable, je souhaite aujourd’hui me faire l’écho de nombreux territoires particulièrement inquiets de cette décision. L’A75, entre Clermont-Ferrand et Béziers, a été construite dans les années 90, à l’initiative du président Giscard d’Estaing, pour désenclaver les territoires ruraux du Massif central. Elle est la colonne vertébrale de ma circonscription puisqu’elle la traverse de part en part. Chaque jour, près de 80 000 véhicules l’empruntent gratuitement, permettant ainsi à des milliers de nos concitoyens de se rendre au travail et aux entreprises de nos territoires de fonctionner.
Rendre cette autoroute payante, ce serait mettre un coup d’arrêt au désenclavement de nos territoires, certaines communes ne disposant pas de réseaux secondaires pour rejoindre les principaux centres urbains.
Rendre cette autoroute payante, c’est inciter des milliers d’automobilistes à utiliser le réseau secondaire, dont nous savons que, sur certaines portions, l’état de la chaussée laisse à désirer. Je vous ferai grâce des conséquences que cela peut avoir sur la mortalité routière, les réseaux secondaires comptabilisant la majeure partie des accidents.
Rendre cette autoroute payante, c’est toucher au pouvoir d’achat de nos concitoyens dans une période où ce dernier doit au contraire être soutenu, au-delà même du fait que cette autoroute a déjà été financée une première fois par le contribuable.
Pouvez-vous nous assurer que l’A75 restera gratuite, comme l’avaient promis vos prédécesseurs, en échange d’un allongement de la durée des concessions octroyées aux sociétés autoroutières, et ce afin de ne pas pénaliser encore plus les territoires du Massif central ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je tiens à vous rassurer sur la situation des autoroutes A75 et A20 : comme vous le dites à juste titre, ces grands axes de désenclavement des territoires doivent être préservés – c’est bien le cas du Massif central. Le Gouvernement n’envisage donc pas de soumettre au péage les automobilistes utilisant ces autoroutes.
Cependant, le code de la voirie routière autorise déjà la mise à péage des voiries du réseau routier national sous statut autoroutier. C’est pour cela que l’on y recourt, quand c’est nécessaire et en particulier lorsque nous devons faire des travaux d’aménagement importants et indispensables à la sécurité des usagers ou à la réduction de la congestion du trafic routier.
L’État conduit aussi des mises en concession quand le coût d’un investissement important doit être assuré par l’usager. Ainsi, un appel d’offres a été lancé par l’État pour une mise en concession de la RCEA – route Centre-Europe Atlantique – dans le département de l’Allier : cela a permis d’accélérer les travaux de transformation de cette route, qui est reconnue par tous comme dangereuse.
Pour ce qui est spécifiquement de l’autoroute A75, soyez rassuré : il s’agit d’une autoroute récente, conçue pour désenclaver les territoires ruraux et notamment le Massif central. Il n’y a donc absolument aucune intention de l’État de mettre cette autoroute à péage pour les automobilistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.).) La parole est à M. David Habib, pour le groupe Nouvelle Gauche. Je souhaite interroger M. le Premier ministre sur les aides sociales. Je débuterai mon propos par une citation : « Ce que je vois chaque jour ne ressemble en rien à ce que décrivent les nouveaux pourfendeurs de la supposée générosité de notre modèle social. » Ainsi s’exprimait le vice-président du conseil général de Saône-et-Loire chargé de la solidarité, Benjamin Griveaux, en 2012. À l’époque, il était de gauche ! En 2018, le même Benjamin Griveaux, devenu ministre évoquant l’État providence dans la presse parisienne stigmatise « l’aumône républicaine ». Et en même temps ! On aura noté, mes chers collègues, une légère inflexion… Très légère ! Les propos de M. Griveaux s’ajoutent aux pas de danse de M. Darmanin et M. Le Maire sur la même question, et au rapport de Bercy qui entend réduire les aides sociales.
Monsieur le Premier ministre, il est temps que vous vous exprimiez car, pour les cadeaux aux plus riches, les Français ont compris : instauration de la flat tax , suppression de l’impôt sur la fortune et bientôt de l’ exit tax . (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Même François Bayrou, jamais avare de conseils, s’inquiète, dans Sud-Ouest , qu’Emmanuel Macron ne soit perçu comme le président des riches. Pour les Français aux revenus moyens ou modestes, vous êtes plus confus. Certes, ils savent que vous avez augmenté la CSG – la contribution sociale généralisée –, réduit l’APL – l’aide personnalisée au logement – et refusé de revaloriser les retraites, notamment agricoles. Toutefois, pour l’avenir, selon qu’ils écoutent les uns ou les autres, ils ne savent pas, même s’ils commencent à comprendre que, sur la prime d’activité ou les allocations chômage, vous préparez quelque chose en catimini.
Il ne s’agit pas de la question de l’efficience des aides sociales : là-dessus, il y a accord. Il s’agit du maintien d’un niveau de solidarité à l’égard de tous les Français. Sur cette question, nous entendons, monsieur le Premier ministre, que vous vous exprimiez. (Mmes et MM. les membres du groupe NG se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Habib, je tiens d’abord à vous féliciter pour la qualité de vos lectures. (Sourires.)
Le Premier ministre a eu l’occasion de s’exprimer ce matin et il faut avoir une écoute attentive du compte rendu du séminaire gouvernemental qui s’est tenu.
Les politiques sociales conduites dans ce pays depuis trente ans ont échoué, vous le savez. Un seul chiffre le résume : 9 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, un enfant sur cinq, et c’est aussi le bilan du quinquennat durant lequel vous souteniez le Gouvernement ! (Huées sur les bancs des groupes LR et NG.) Vous aussi ! Hypocrite ! Mes chers collègues ! Je vous en prie ! Derrière ces chiffres, monsieur le député, il y a une autre réalité, pire encore, bien plus insupportable : l’assignation sociale, l’impossibilité, pour des millions de nos concitoyens, de choisir leur vie, de la construire librement et même d’imaginer qu’il soit possible de sortir de la précarité pour eux-mêmes et plus encore pour leurs enfants. Il est là, le caractère insupportable de l’échec des politiques sociales qui ont été conduites ! (Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.) Quel cynisme ! Vous les souteniez ! Que proposez-vous ? De l’indignation, des bons mots, de continuer comme si de rien n’était, de poursuivre dans la même direction, quand nous, nous avons un objectif clair : en finir avec les inégalités de destin, en finir avec les inégalités à cause desquelles, parce qu’on naît dans un mauvais quartier ou un milieu social défavorisé, on y est condamné à vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Écœurant de tartufferie et de cynisme ! C’est ce que nous faisons, en investissant dans l’éducation et dans la formation professionnelle (Exclamations sur les bancs des groupes NG, FI et GDR) , en mettant en place l’allocation chômage universelle ! C’est tout cela que vous n’avez pas voté, monsieur le député, et c’est ce que nous faisons, en jouant non pas la prochaine élection mais la prochaine génération ! C’est la différence entre vous et nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Huées sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.) Zéro ! Le revirement c’est maintenant ! Que ne ferait-on pas pour un poste ! Mes chers collègues, pourrions-nous écouter les réponses des membres du Gouvernement dans le calme et le respect, quels que soient les avis qu’elles suscitent ? La parole est à M. Alexandre Freschi, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, ma question concerne l’une des étapes clé des obligations annuelles de nos agriculteurs.
Depuis le 16 mai et jusqu’au 11 juin 2018, les agriculteurs doivent faire état des caractéristiques de leur exploitation et de la nature de leurs activités, via la plate-forme numérique TelePAC. De cette déclaration, dépendra l’obtention et le montant de leur aide au titre de la PAC, la politique agricole commune. Or, chaque année, nombre d’agriculteurs ne perçoivent pas les aides auxquelles ils peuvent prétendre, du fait de difficultés techniques liées à l’utilisation de cette plate-forme.
Dans le cadre de la préparation du rapport que j’ai rédigé avec mon collègue André Chassaigne, « Une agriculture durable pour l’Europe », que je présenterai demain matin en commission des affaires européennes, j’ai rencontré, dans ma circonscription, un agriculteur qui, simplement pour avoir oublié de cocher une case de la télédéclaration, a vu son aide amputée de 10 000 euros. Un autre a vu la sienne tout bonnement annulée.
Alors qu’en France, les aides directes représentent en moyenne 46 % du revenu des agriculteurs – elles dépassent 100 % des revenus des éleveurs bovins et ovins, et 40 % de ceux des producteurs de céréales –, il est fort déplorable qu’un outil numérique engendre de telles conséquences économiques pour la profession. Vous vous réveillez ? Ça fait trois ans que ça dure ! Conscientes des enjeux de cette télédéclaration, les chambres d’agriculture proposent des services d’accompagnement qui, s’ils permettent de réaliser au mieux ces démarches, restent néanmoins payants.
Ma question est donc la suivante : monsieur le ministre, alors que le Gouvernement porte l’exigence de simplification dans les échanges entre l’usager et l’administration, quelles mesures seront prises pour améliorer la qualité des services rendus et garantir à nos agriculteurs l’accès à leurs aides sans freins techniques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Freschi, permettez-moi tout d’abord de saluer la qualité du travail que vous menez, avec le président Chassaigne, en préparation de la nouvelle PAC. Demain, vous venez de le rappeler, vous présenterez votre résolution européenne en commission des affaires européennes ; sachez que j’y souscris pleinement.
Vous m’interrogez à propos des déclarations TelePAC. Je suis particulièrement attentif, bien entendu, aux outils développés pour permettre aux agriculteurs d’avoir accès aux aides, qu’ils soient facilement utilisables et qu’ils ne les pénalisent pas.
La campagne de télédéclaration a été, à ce titre, exemplaire. Je vais vous donner quelques chiffres. Au niveau national, 347 252 dossiers ont été télédéclarés entre le 1er avril et le 15 mai ; la cible estimée, de l’ordre de 350 000 dossiers, est ainsi atteinte – c’est d’ailleurs la première fois qu’on atteint un tel niveau dans ce délai. La dernière journée de télédéclarations a été importante : plus de 30 000 dossiers ont été déposés ce seul jour. Ce résultat positif traduit les bonnes conditions de déroulement de la campagne des télédéclarations. Des améliorations ont porté sur l’ergonomie du dispositif, les outils de déclaration et la mise en place d’alertes qui guident les usagers et permettent de fiabiliser les déclarations et ainsi d’éviter certaines erreurs.
Le Gouvernement s’était engagé, le 21 juin 2007, à un retour normal du calendrier de paiement des aides de la PAC pour la campagne 2018. Le bon déroulement de la campagne de déclarations achève la première étape de la réalisation de cet objectif, attendu par tous nos agriculteurs. Il reste possible de déposer des dossiers pendant la période de dépôt tardif, du 16 mai au 11 juin 2018 ; les dossiers déposés pendant cette période seront soumis à des pénalités de retard d’1 % par jour. En outre, les dossiers déposés avant le 15 mai peuvent être modifiés jusqu’au 31 mai inclus sans application de pénalités de retard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard.) La séance est reprise.
Le choc, nous l’avons eu, mais il a surtout fait baisser la construction des logements neufs et du logement social. Malheureusement, les chiffres ne sont pas bons. Ils ne l’ont pas été pour les six derniers mois : avec une baisse de 8,2 %, la construction de logements collectifs a diminué de 5,6 % et, pour 2017, on prévoit entre 8 % et 10 % de ventes en moins. Tout à fait ! Pourquoi observe-t-on tant de craintes, en particulier s’agissant de la construction de logements ?
Tout d’abord, les opérateurs de logements sociaux : si vous prenez 2 milliards d’euros dans leur poche, ils n’investiront évidemment pas beaucoup jusqu’en 2020. Il a raison ! Ensuite, il faut avoir envie d’être propriétaire. Lorsque vous avez les moyens et que vous sentez que vous êtes une cible pour le Gouvernement, croyez-moi, vous n’allez pas beaucoup investir parce que l’on vous promet de fiscaliser vos biens ou d’augmenter les frais de succession.
Mais le pire, c’est lorsque vous êtes une famille démunie et que vous souhaitez devenir propriétaire. À ce moment-là, on vous enlève la seule possibilité que vous ayez : l’accession sociale à la propriété que vous avez supprimée dans une grande partie des territoires métropolitains et outre-mer. Oui ! Il a raison ! Alors, monsieur le ministre, vous allez sans doute me répondre que la loi dite ELAN – portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – effacera tout cela… Merci beaucoup, monsieur Lorion.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le député, quelle est la situation ? Aujourd’hui, en France, on construit à peu près autant de logements qu’au début des années 80. Or, nous comptons 12 millions de Français de plus, de plus en plus de familles divorcent, et la pression sur le logement est donc incroyablement forte.
Au moment où nous nous parlons, près de 1,8 million de ménages attendent un logement social. Alors, que fait-on ? On reste les bras croisés, on attend que cela se passe ? Ce serait très mal nous connaître. Que va-t-on faire, concrètement ?
D’abord, oui, nous allons transformer le logement social. Oui, on va permettre aux personnes et aux bailleurs sociaux de se regrouper. Oui, on va permettre à ces derniers d’avoir plus de financement avec 10 milliards d’euros apportés par la Caisse des dépôts. Oui, on va créer plus de mobilité dans le logement social grâce à la révision des situations familiales sur la base de propositions, tous les six ans, pour faire en sorte que les logements soient bien adaptés. Oui, on va réécrire le code de la construction et de l’habitation – je vous l’accorde, c’est plus dur, on sort de la simplification que vous avez engagée, on va réécrire complètement le code de la construction pour en arracher une page sur cinq ! Oui, on va prendre des mesures que personne n’a jamais prises sur les bancs de cette assemblée pour lutter contre les recours abusifs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
En même temps, on va apporter des solutions pour protéger les plus faibles, on va lutter sans relâche contre les marchands de sommeil – je me félicite à cet égard de tout le travail réalisé, par exemple, avec le député Peu – ou va lutter contre l’habitat indigne, en particulier dans les territoires ultramarins (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) , on va revitaliser les centres-villes – à La Réunion il y en a quatre, de ces villes moyennes qui ont été les parents pauvres de votre politique (Protestations sur les bancs des groupes LR et NG) – qui recevront 5 milliards pendant ce quinquennat. Alors oui, monsieur le député, et c’est peut-être cela notre différence, on va s’attaquer à la racine des problèmes pour apporter des solutions aux Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Parlez-en à M. Macron ! La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe La République en marche. La crise des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, révélée dès l’été 2017, a mis en évidence les insuffisances de la politique du grand âge au cours des dernières années, qui a été essentiellement axée sur la question du financement, sans qu’aucun des choix fondamentaux n’ait été tranché, bien que de nombreux rapports aient évoqué le sujet.
Notre modèle de prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie est dépassé. D’une part, il ne répond plus à l’attente de nos concitoyens et, d’autre part, il désespère des personnels très investis mais trop peu nombreux et soumis à des conditions de travail particulièrement difficiles. Cela suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes, entretenues par une vision de notre société peu valorisante pour ceux qui avancent en âge, dont le nombre est pourtant appelé à augmenter.
Au-delà des enjeux démographiques et financiers, qui ont toute leur importance, un véritable défi sociétal et humain est devant nous. Il concerne tous les citoyens et évidemment la sphère politique dans son ensemble, qui ne saurait éviter le débat ou se contenter de mesures à effets limités, comme celles qui ont été prises ces dernières années.
Ce gouvernement, particulièrement la ministre des solidarités et de la santé, Mme Agnès Buzyn, ont très rapidement pris la mesure des problèmes qui se posent, dès le mois de septembre 2017, après la mission flash que m’avait confiée la commission des affaires sociales. C’est incohérent avec le début de votre question ! En outre, nous avons voté, dès le mois de décembre, un certain nombre de mesures dans la loi de financement de la sécurité sociale pour répondre dans l’urgence à la situation que cette majorité a constatée.
Aujourd’hui, le Gouvernement veut aller plus loin sur cette question, avec l’ensemble des pouvoirs publics, afin de traiter non pas les symptômes mais les effets. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame Iborra, je vous prie d’excuser Agnès Buzyn, retenue en ce moment même au Sénat.
Quatre générations vont cohabiter, c’est une première dans l’histoire de l’humanité. Il faut donc repenser notre modèle social et, en son sein, la prise en charge du vieillissement, pour répondre au mieux aux besoins des personnes âgées mais également à ceux de leurs familles. C’est un modèle qui ne doit pas être seulement sanitaire mais qui doit garantir aussi la meilleure qualité de vie possible à nos aînés et leur pleine inclusion au sein de la société. Tout l’enjeu, au fond, est de savoir quelles sont nos priorités et comment nous pouvons nous assurer de leur financement, un financement juste et solidaire.
Nous ne partons pas de rien puisque de nombreux rapports existent sur le sujet. Mais les rapports et les mesures techniques, vous le savez, ne suffisent pas. Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites que le modèle des EHPAD doit évoluer, mais il en va de même du modèle des services à domicile. Il faut penser les deux sujets en même temps, autour de la personne âgée, mais aussi des aidants naturels que sont les membres de sa famille.
C’est la raison pour laquelle la ministre des solidarités et de la santé présente cet après-midi même une feuille de route sur la question des personnes âgées et de l’autonomie. Il s’agit d’une feuille de route globale, qui présente des mesures immédiates tout en traçant des perspectives à plus long terme.
Parmi les mesures immédiates figure notamment le renforcement de la médicalisation des EHPAD, y compris la nuit, avec la généralisation des infirmières de nuit. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Plusieurs mesures visent également à favoriser la prévention de la perte d’autonomie. Ces mesures s’ajoutent à la décision déjà annoncée de neutralisation des effets négatifs de la réforme de tarification pour les EHPAD. Le Gouvernement poursuivra également deux autres priorités transversales : mieux soutenir les aidants ; mieux former, mieux recruter et mieux fidéliser les professionnels qui travaillent chaque jour auprès des personnes âgées. Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est extrêmement déterminé à agir sur ce sujet, qui est majeur pour des millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Avec quels moyens ? La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, voici un an que le Gouvernement est installé. Vous y avez la noble mission de conduire l’agriculture française. Il paraît donc important que vous nous exposiez votre vision de l’avenir de l’agriculture française et de son rôle en Europe et dans le monde, d’une part, et que vous dessiniez la ligne d’horizon et les objectifs précis que vous assignez à la profession agricole, d’autre part.
Dans un contexte européen de discussion de la nouvelle politique agricole commune, alors que l’Assemblée nationale s’apprête à s’exprimer sur votre projet de loi en faveur du rééquilibrage des relations commerciales dans le secteur agricole, les défis sont de plusieurs natures : la souveraineté alimentaire de la France, question hautement stratégique ; le renouvellement des générations en agriculture, grâce à un métier qui doit assurer un revenu digne, car toute peine mérite salaire ; l’aménagement harmonieux du territoire ; enfin, la nécessaire protection de la biodiversité.
La France, en Europe, reste l’un des principaux pays agricoles et doit le demeurer ! Sa fonction exportatrice doit être réaffirmée ! Je souhaite donc connaître votre feuille de route pour l’agriculture française, en particulier la conjugaison des enjeux de politique nationale avec les enjeux de politique européenne et internationale. À titre d’exemple, le Président de la République a annoncé, il y a quelques mois, un plan de 5 milliards d’euros d’investissements pour l’agriculture. Bien ! Quelle est, monsieur le ministre, votre stratégie pour mettre ce plan en œuvre ? Quelle est votre vision pour l’avenir de l’agriculture française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) Très bien ! Excellent ! La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Benoit, je veux d’abord vous remercier, vous et tout votre groupe, pour votre mobilisation pendant ces huit jours de débat à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LR.)
Je veux vous dire, comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire pendant l’examen du projet de loi – au cours duquel nous avons examiné plus de 2 600 amendements –, que tout ne relève pas de la loi. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, nous avons ouvert de nombreux chantiers dans le domaine de l’agriculture : le grand plan d’investissement, que vous avez évoqué ; le grand programme ambition bio ; une réflexion sur le foncier agricole : les ateliers conduits avec Bruno Le Maire sur la fiscalité agricole. Nous avons ouvert ces chantiers pour répondre aux besoins de nos agriculteurs, notamment en ce qui concerne la fiscalité sur l’épargne de précaution, vous le savez.
Le projet de loi que nous avons examiné durant ces huit derniers jours, issu des États généraux de l’alimentation, vise quant à lui à rééquilibrer le rapport de force entre les différents maillons de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur. Pour ce faire, nous avons inversé la logique de la construction du prix, revu le SRP – le seuil de revente à perte –, encadré les promotions, renforcé le rôle des organisations de producteurs, des interprofessions et du médiateur.
Nous devons également garantir à tous nos concitoyens une alimentation sûre, saine, durable et accessible, en « boostant » l’approvisionnement local et les produits bio dans la restauration collective, en luttant contre le gaspillage alimentaire et en nous donnant les vrais moyens d’une réduction des produits phytosanitaires en agriculture.
Cette loi est le fruit d’un long travail, que nous avons mené ici dans l’hémicycle, et votre groupe politique y a apporté une pierre très importante, notamment au sujet de la lutte contre la concentration des centrales d’achat. Je vous en remercie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) La parole est à Mme Carole Grandjean, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse à Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes.
Hier, le Parlement européen a adopté définitivement la révision de la directive sur le détachement des travailleurs avec 70 % de votes favorables. Cet accord européen est une victoire après plus de deux ans de négociations avec nos partenaires. Je tiens à saluer le travail de l’eurodéputée française, et co-rapporteure du texte, Mme Élisabeth Morin-Chartier.
Ce vote consacre des avancées majeures : l’établissement des règles salariales pour un travail égal à salaire égal, la limitation de la durée de détachement à douze mois, le renforcement de la lutte contre les fraudes, la clarification des démarches administratives. Ces règles garantissent des conditions de travail et des droits équivalents pour tous les travailleurs dans un même pays.
Chers collègues, nous partions de loin : la directive de 1996 n’était plus adaptée, car construite sur une mobilité européenne qui s’est accélérée en vingt ans. Pas moins de 16 millions d’Européens travaillent dans un autre pays de l’Union européenne que le leur aujourd’hui, dont plus de 510 000 travailleurs détachés, et 130 000 Français sont des travailleurs détachés en Europe.
En dix ans, le nombre de travailleurs détachés a été multiplié par neuf en Europe. En France, le travail détaché répond parfois à des besoins en recrutement pour des secteurs en pénurie de candidatures – BTP, récoltes agricoles ou viticoles.
Nous examinons actuellement, en commission des affaires sociales, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel : le titre III dispose de mesures nationales pour mieux encadrer la fraude au détachement et lutter contre. Nous souhaitons en effet mettre fin à certaines irrégularités.
Madame la ministre, comment, au sein de l’Union européenne, protéger mieux encore les travailleurs et lutter contre les fraudes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes. Madame la députée, j’étais hier au Parlement européen où le succès fut au rendez-vous, puisque le Parlement européen a voté à une majorité de 70 % des députés en faveur de la réforme du régime des travailleurs détachés.
C’est un succès d’abord en termes de calendrier puisque, en un an, nous avons remis à plat les termes de la négociation, qui nous paraissaient insuffisants, et nous avons réussi à convaincre le Conseil européen comme le Parlement européen.
C’est un succès en termes de méthode. Le Président de la République s’est personnellement beaucoup impliqué, le Gouvernement également, en particulier Mme Pénicaud. Vous avez raison de rendre hommage à Élisabeth Morin-Chartier, la co-rapporteure française du projet. Quand des députés européens s’investissent avec sérieux et conviction dans leur mission, ils ont du poids !
Qui plus est, nous avons réussi à convaincre très au-delà du camp des pays d’accueil des travailleurs détachés. Beaucoup de pays d’origine ont compris qu’il n’y aurait que des gagnants à réformer ce régime avec ambition et tirer l’Europe sociale vers le haut.
Vous l’avez dit, nous avons aujourd’hui concrétisé le principe « à travail égal, salaire égal » sur un même lieu de travail. Nous avons réduit à douze mois la durée du travail détaché et la transposition se fera en deux ans. Et les cotisations sociales ? Nous avons donc obtenu tout ce que nous souhaitions. Mais nous devons aller plus loin. Il ressort des consultations citoyennes que les Français attendent de l’Europe sociale des progrès. Nous sommes ainsi favorables à la mise en place d’une autorité européenne du travail qui permette de lutter efficacement contre les fraudes et nous avons passé de nombreux accords avec les pays d’origine des travailleurs détachés pour lutter contre ces fraudes, témoignant par là même de ce en quoi nous croyons profondément : une Europe qui protège. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Jean-Jacques Ferrara, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, vous revenez d’un déplacement de quatre jours en Corse, qui, je vous le souhaite, ne sera pas le dernier. J’ai regretté que vous n’ayez pu visiter la circonscription dont je suis l’élu et sa ville centre, Ajaccio, capitale régionale, où je vous aurais accueilli pour échanger à propos de la gestion des déchets, même si cette compétence échoit à la collectivité de Corse, nous le savons.
En effet, c’eût été pour vous une expérience enrichissante compte tenu de l’engagement du pays ajaccien dans la recherche d’une solution technique efficace et pérenne aux crises itératives des déchets qui frappe notre territoire, cette problématique qui concerne toutes les régions, plus aiguë chez nous du fait de l’insularité et de l’absence de choix qui perdure…
En effet, depuis 2015, époque à laquelle je présidais la communauté d’agglomération, rien n’a avancé. Le projet d’une unité de tri et de valorisation que nous portions, conforme à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte chère à votre prédécesseure, Mme Royal, projet au service d’un tiers de la population de l’île, permettant de réduire d’au moins 50 % la part dévolue à l’enfouissement, ce projet en est encore au stade de l’assistance à maîtrise d’ouvrage alors qu’il aurait pu être opérationnel dès 2019.
La prochaine crise se profile en juillet, en l’absence de solution à court terme compte tenu de l’urgence, à savoir la saturation et la fermeture prochaines des deux centres d’enfouissement, des centres de stockage comme l’on dit pudiquement. Je ne me résous pas à l’exportation des déchets vers le continent ou la Sardaigne pour qu’ils y soient incinérés ou, pire, enfouis. C’est une non-solution. Pourtant, nous nous y préparons.
Que pensez-vous, monsieur le ministre, de la gestion des déchets, problématique qui dépasse largement le cadre de l’Île ?
Sachant que la nécessité de renforcer le tri sélectif à la source fait l’unanimité, que la solution retenue, quels que soient les moyens engagés, prendra du temps, de l’argent et qu’il restera toujours des déchets ultimes, que préconisez-vous à court et moyen terme : thermolyse et valorisation énergétique, poursuite de l’enfouissement à tous crins, ou autre ?
Êtes-vous prêts à initier une réunion des acteurs régionaux concernés, collectivité de Corse, intercommunalités, pour définir une ou plusieurs solutions techniques efficaces, susceptibles d’être mises en place le plus rapidement possible avec le concours et la diligence des services de l’État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je me suis en effet rendu en Corse hier et avant-hier pour faire le point sur l’ensemble des dossiers relatifs à la transition écologique et solidaire.
Bien évidemment, nous avons longuement évoqué le sujet crucial des déchets sur l’île, qui est une situation préoccupante, héritage malheureux de nombreuses années d’inaction. Mais moi, je ne cherche pas les responsables, comme vous je vais essayer de trouver les solutions.
Le dialogue avec les élus du territoire a permis d’esquisser une sortie de crise et j’ai confié à la préfète de région la mission de la mettre en œuvre. Pour résoudre cette crise, un consensus fort s’est dégagé sur la priorité absolue à donner au tri sélectif, où la Corse a encore, malheureusement, beaucoup de retard. Ce n’est pas, comme vous l’avez évoqué, parce que le sujet ne relève pas de la compétence de l’État que nous allons rester à l’écart et indifférents.
J’ai donc décidé que l’État accompagnerait les intercommunalités dans la mise en œuvre de solutions pratiques, y compris grâce à des financements de l’ADEME, à condition que les résultats puissent être mesurables et que des objectifs clairs soient fixés.
Par ailleurs, tout le monde s’accorde sur le fait que la Corse, vous l’avez rappelé, n’a pas vocation à exporter ses déchets sur le continent et qu’elle doit trouver des solutions à long terme aux déchets résiduels. Plusieurs options sont possibles et il ne doit pas y avoir de tabou. Je ne veux pas me substituer aux collectivités à qui il reviendra de choisir l’option qui leur convient le mieux mais, sans écarter aucune hypothèse, il ne me semble pas interdit de penser que les déchets ultimes puissent participer du bouquet énergétique.
En tout cas, je suis convaincu que, comme ce fut le cas pour les sacs plastiques, la Corse peut enfin prendre en charge, avec l’aide de l’État, ce sujet crucial. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Sylvie Charrière, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, une société qui néglige sa jeunesse n’a pas d’avenir. Comment accepter que, chaque année, 100 000 jeunes sortent de notre système scolaire et universitaire sans diplôme, alors que, nous le savons, la meilleure garantie contre le chômage reste le diplôme ?
En effet, 48,4 % des jeunes sortis sans diplôme ou avec uniquement le brevet des collèges sont au chômage. Et que dire des 1,3 million de jeunes, qu’on appelle les NEET – neither in employment nor in education or training – , qui ne sont ni en formation ni en emploi ? Taux tout aussi alarmant : 34 % des jeunes bacheliers professionnels sont au chômage sept mois après l’obtention de leur diplôme, alors que, paradoxalement, embellie économique aidant, de nombreuses entreprises peinent à trouver des jeunes.
En fait, nous sommes confrontés à de nombreuses problématiques : la voie professionnelle, scolaire ou par apprentissage, souffre d’une image dégradée ; si certaines voies professionnelles sont attractives, comme le bac professionnel gestion administration, elles n’insèrent pas ; d’autres voies, enfin, sont très « insérantes », comme les métiers de l’industrie, mais elles n’attirent pas.
Devant cette complexité, nous comprenons que les familles et les enseignants hésitent à choisir la voie professionnelle lors de la phase d’orientation. Pourtant, que de belles réussites ont été bâties grâce à cette voie ! La voie professionnelle, en axant sa pédagogie sur le faire pour apprendre, permet à de nombreux jeunes de retrouver un sens à leur scolarité.
Avec plus d’un jeune sur quatre au chômage, il est urgent de réagir. J’en appelle à la mobilisation générale ! Il est urgent que tous les acteurs concernés, État, branches et régions, se mobilisent et se concertent, pour actualiser les diplômes et organiser les passerelles entre les lycées et les CFA – les centres de formation d’apprentis –, mais aussi les entreprises, afin qu’elles prennent leur responsabilité sociétale de formation et de transmission des savoir-faire.
Pouvez-vous nous exposer, monsieur le ministre, les mesures que vous comptez mettre en place pour transformer la voie professionnelle et lui redonner la place qu’elle mérite, celle d’une orientation d’excellence qui permettra à nos jeunes de s’insérer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. Madame Charrière, je vous remercie pour cette question, portant sur un des sujets que je classe parmi les plus importants que j’aie à traiter. Dès que j’ai pris mes fonctions, j’ai annoncé que l’enseignement professionnel serait, après l’école primaire, ma deuxième priorité, pour toutes les raisons que vous venez d’exposer parfaitement.
Lundi dernier, j’ai annoncé la réforme de la voie professionnelle que nous avons élaborée, à la suite du rapport de la députée Céline Calvez et du chef cuisinier Régis Marcon, et après concertation avec les organisations syndicales et les régions. Cette réforme répondra aux enjeux que vous avez évoqués.
Premièrement, nous encouragerons l’attractivité, tout d’abord concrète et physique, de l’enseignement professionnel. Ainsi, chaque lycée professionnel fera désormais partie d’un campus et/ou d’un réseau thématique national, en lien avec les branches, ou d’un réseau thématique géographique, en lien avec les régions, afin d’offrir un large éventail de possibilités aux élèves. Les élèves auront envie d’aller dans ces campus, qui seront dotés d’espaces verts, d’équipements sportifs et d’internats. Dans un même lieu, il y aura donc le lycée professionnel, le centre d’apprentissage, l’incubateur d’entreprises et une partie d’université. Ces campus feront envie parce qu’ils seront des lieux d’interaction entre des acteurs différents liés à la vie économique et académique.
Deuxièmement, nous ferons évoluer les diplômes, dans un sens pragmatique, adapté au XXIe siècle, tenant compte de la révolution numérique et des enjeux de la transition écologique, laquelle transforme ou crée des métiers.
Troisièmement, nous ferons également évoluer la pédagogie, en tenant compte du savoir-faire splendide et recherché, à la française, de nos 50 000 professeurs de lycée professionnel, un savoir-faire qui va du concret à l’abstrait et est susceptible de mener à des réels métiers pour nos jeunes, qui trouveront ainsi un emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Très bien ! La parole est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour le groupe La France insoumise. « Après le travail il retire toujours son uniforme. Mais là, il est parti, il a sauté d’un pont en tenue de travail. C’est symbolique, ça veut dire : je saute pour montrer que c’est mon travail qui m’a tué mais pas le reste. » Ces propos sont d’Élodie, la compagne d’Alexandre. « Mon fils est un héros », dit son père. Alexandre Gonneau, jeune Réunionnais de vingt-sept ans, a choisi le suicide pour attirer les feux des projecteurs sur le sort de ses collègues de travail. Dix jours auparavant, c’était Natacha, mère de famille de quarante ans, qui se suicidait. Ces deux fonctionnaires ultramarins travaillaient à Fleury-Mérogis. À ces deux suicides, il faut ajouter ceux de sept détenus qui, eux aussi, méritent l’attention. Combien en faut-il encore ?
C’est su de tous : les conditions de travail sont déplorables dans les prisons de France. C’est pourquoi ces suicides devraient vous alerter sur la nécessité de débloquer des moyens pour permettre aux surveillants de travailler dans des conditions dignes. Les syndicats ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. À Fleury-Mérogis, 60 % des membres du personnel viennent des outre-mer. Nos jeunes arrivent ici, à cause du chômage de masse, mais le désenchantement arrive vite trop vite. Pour l’administration pénitentiaire, les outre-mer sont une chance, comme l’était l’esclavage avant 1848. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est honteux ! Vous devez réagir ! Oui, il est urgent de réagir et de mettre un terme à la gestion coloniale des ultramarins dans la fonction publique ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.) Il faut tout faire pour permettre aux jeunes ultramarins de travailler sur leurs différents territoires. En février 2018, l’administration pénitentiaire a annoncé la création d’un groupe de travail sur la question ultramarine, annonce contrainte et forcée. Qu’en est-il maintenant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Très bien ! La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Ratenon, je tiens en tout premier lieu à exprimer ma profonde compassion et ma solidarité envers les familles des personnes qui ont connu un tel drame. Ma solidarité et ma compassion vont également aux personnels de Fleury-Mérogis, tant à leurs collègues surveillants qu’aux équipes de direction, qui ont vécu très durement ces situations.
Monsieur le député, il faut se montrer très vigilant s’agissant des informations qui circulent à propos d’événements aussi douloureux et de ce qu’il en est réellement de décisions souvent très complexes et très personnelles. La lecture des réseaux sociaux, qui diffusent parfois des informations non vérifiées, exige, de notre part à tous, un minimum de distance et de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, sur plusieurs bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.) J’ai eu au téléphone le père d’Alexandre Gonneau hier ! Pour répondre précisément à votre question, je tiens à rappeler que nous avons pris trois dispositions, qui, je l’espère, réussiront à éviter ce type de drames.
La première, qui sera inscrite dans le projet de loi de programmation pour la justice que je défendrai devant vous, visera à diminuer la surpopulation carcérale, qui est, nous le savons tous, un des facteurs contribuant à la difficulté d’exercice des personnels pénitentiaires.
La deuxième réponse résulte du protocole d’accord signé au mois de janvier dernier avec l’une des organisations syndicales représentatives, qui contient, pour les personnels de surveillance, des mesures de sécurité très précieuses.
La troisième réponse réside dans la mise en place, au mois de mars dernier, d’un groupe de travail sur les risques psychosociaux ; il contribuera également à trouver des solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à Mme Nadia Essayan, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Madame la ministre chargée des transports, vous allez prochainement devoir vous prononcer sur le projet de schéma directeur de la ligne ferroviaire Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dite POLT. Au nom de mon groupe et de la plupart de mes collègues concernés par cet axe important, et en lien avec le président de l’association Urgence Ligne POLT, M. Jean-Claude Sandrier, je souhaite appeler votre attention sur l’enjeu majeur que revêt pour nos territoires cette ligne classique qui relie Paris à Toulouse par le centre de la France. Il s’agit d’une ligne que l’État avait classée dans les trois lignes de trains d’équilibre du territoire structurantes, la troisième radiale française et la plus longue, qui dessert près de 20 % du territoire national. Elle traverse des territoires trop longtemps délaissés, qui espèrent aujourd’hui se redynamiser avec l’aide et l’accompagnement de l’État.
Nous demandons un investissement complémentaire, relativement modéré, sur les infrastructures, afin de contribuer à mettre Limoges à deux heures trente de Paris et de gagner quarante-cinq minutes jusqu’à Toulouse. Nous demandons aussi la rénovation des matériels roulants, afin qu’ils soient en mesure de se déplacer sur une ligne de 712 kilomètres, à la vitesse de 220 kilomètres-heure, dans des conditions de confort et de service dignes de notre pays et de notre époque.
La visite prolongée du Premier ministre dans le Cher, au début du mois de mai, montre que les efforts sont nécessaires de toutes parts pour que l’on parle non plus de diagonale du vide, mais d’un cœur battant lorsque l’on regarde le centre d’une carte de France.
Madame la ministre, nous connaissons votre attachement à la modernisation du réseau classique et au développement de la cohésion territoriale. Cela implique une plus grande facilité de circulation, ainsi qu’une proximité accrue de nos territoires entre eux et avec Paris. Nous comptons donc sur vous pour nous présenter un schéma directeur à la hauteur des enjeux économiques auxquels la France est aujourd’hui confrontée, et ce jusque dans les parties les plus reculées du territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, je vous réponds à la place d’Élisabeth Borne, retenue au Sénat.
La ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse va, dans les dix ans à venir, bénéficier de nombreux investissements afin de renouveler son infrastructure et ses trains. Vous le savez, le fait de désenclaver les territoires et de les relier aux métropoles est une priorité du Gouvernement. C’est pourquoi une desserte de qualité sera proposée, à l’horizon 2025, à l’ensemble des voyageurs de l’axe – qualité en termes non seulement de régularité, mais aussi de temps de parcours. D’ici à 2025, nous prévoyons d’allouer une enveloppe de 1,6 milliard d’euros au réaménagement de la ligne POLT et de remplacer la totalité des trains de la ligne. Un appel d’offres a été lancé à la fin de l’année 2016 et les offres viennent d’être remises ; la signature du marché est prévue au printemps 2019 et la livraison des nouvelles rames pourrait intervenir dès 2023.
Vous le voyez donc, madame la députée : dès 2025, les voyageurs de cette ligne bénéficieront d’un service plus fiable, avec une infrastructure renouvelée. Les incidents devraient être réduits de moitié. Le service sera plus rapide – le temps de trajet entre Paris et Limoges diminuera de quinze minutes – et plus confortable, puisque les rames seront entièrement neuves. C’est le sens du schéma directeur de la ligne qui vous sera proposé en juillet prochain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) La parole est à M. Michel Delpon, pour le groupe La République en marche. Ma question s’adresse à M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
L’hydrogène, à condition qu’il soit vert, permet de répondre aux enjeux de la transition énergétique tout en garantissant l’indépendance de la France face aux Chinois qui contrôleront 90 % de la production mondiale de batteries en 2030.
Si les industriels et les usagers commencent à prendre conscience de la nécessité de sortir du diesel et de l’essence – je tiens, monsieur le ministre d’État, à saluer votre détermination lorsque vous avez annoncé, en juillet dernier, la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici à 2040 –, il nous faudra aussi repenser notre stratégie face aux véhicules hybrides et au « 100 % batterie » pour passer à la mobilité avec des piles à combustible.
La mobilité, c’est aussi le train. Alors que seule la moitié du réseau français est électrifiée, l’autre moitié, soit 15 000 kilomètres de voies ferrées, fonctionne en général avec des trains tirés par des motrices diesel. Nos voisins allemands, puis italiens et maintenant autrichiens, ont fait le choix du train à hydrogène. Nous devons leur emboîter le pas sans tarder. Pour adopter l’hydrogène, il faut l’essayer : je vous propose donc, monsieur le ministre d’État, de passer de la parole aux actes en faisant circuler notre premier train à hydrogène sur la ligne TER reliant Bordeaux à Bergerac et Sarlat.
Les applications de l’hydrogène sont nombreuses : alimentation électrique des data centers , camions réfrigérés avec pile à combustible au Japon, stockage sous forme d’hydrogène de l’électricité produite à partir de l’énergie solaire à La Réunion, prototype d’ascenseur permettant de supprimer l’utilisation du plomb et du cadmium, développement par le Centre national de la recherche scientifique – CNRS – de bio-piles remplaçant le catalyseur chimique par des enzymes bactériennes. Je pense aussi à la découverte surprenante de chercheurs australiens qui ont développé une peinture solaire pouvant générer de l’hydrogène, ou encore à l’invention d’une start-up que j’ai rencontrée hier, ici même, dans mon bureau de l’Assemblée nationale, et qui a mis au point des capsules à hydrogène basse pression qui fonctionnent sur le même principe qu’une éponge.
Je termine ma question… Merci, monsieur le député.
La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l’occasion de parler d’un sujet qui me tient à cœur, car je suis intimement convaincu – et vous m’aiderez à en convaincre les uns et les autres – que l’hydrogène jouera un rôle important dans la transition énergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM ainsi que sur quelques bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)
C’est une révolution potentielle pour les systèmes énergétiques. Aujourd’hui, en effet, compte tenu de la baisse spectaculaire des prix des énergies renouvelables, comme vous l’avez dit, il devient enfin possible de produire des quantités importantes d’hydrogène à bas coût et, évidemment, sans émission de gaz à effet de serre.
L’hydrogène peut aussi devenir une solution majeure pour notre mix énergétique de demain, tout d’abord en rendant possible le stockage à grande échelle des énergies renouvelables, permettant ainsi de rendre crédible un monde où l’hydrogène vient se substituer, petit à petit, au fossile et au nucléaire pour combler les intermittences du solaire et de l’éolien.
Enfin, l’hydrogène, s’il est produit à base d’énergies renouvelables, peut contribuer à la mobilité sans émission de gaz à effet de serre des trains, des flottes de camions, des flottes municipales et des bus, permettant ainsi d’apporter une réponse aux problèmes de qualité de l’air. Vous le savez mieux que moi, l’Allemagne et les Pays-Bas expérimentent en ce moment même des trains à hydrogène fabriqués en France ; je pense que ces trains auront également vocation à circuler sur les petites lignes françaises.
Dans cet esprit, je présenterai vendredi un plan pour l’hydrogène qui visera à faire de notre pays un leader mondial de cette technologie. Pour ce faire, j’ai proposé de fixer à 10 % la part d’hydrogène produit à base de sources renouvelables à l’horizon 2023. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) Par ailleurs, parce que nous avons besoin d’innovations, de démonstrateurs et de champions économiques du stockage de l’électrolyse, j’ai décidé de mobiliser 100 millions d’euros pour accompagner les premiers déploiements de ces technologies de production et de transport dans les territoires.
Toute la filière industrielle de l’hydrogène existe en France. Ne loupons pas cette transition énergétique ! Soyons les premiers dans cette filière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et UDI-Agir.) La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Monsieur le Premier ministre, François Molins, procureur de Paris, que tout le monde a malheureusement appris à connaître à cause des événements des trois dernières années, nous alertait, voilà quelques jours, en direct à la télévision. Il expliquait que, en 2018, 2019 et 2020, seraient respectivement remises en liberté, à l’issue de leur peine, vingt-cinq, dix-sept et vingt-deux personnes condamnées pour terrorisme, et que, dans les années suivantes, une cinquantaine de terroristes seraient à nouveau remis en liberté. Il déclarait clairement que, loin d’avoir expié, si j’ose dire, leur erreur, ceux-ci, en prison, s’étaient sans doute renforcés dans leur radicalisation.
Ils sont, en réalité, les précurseurs de 500 autres personnes condamnées pour terrorisme qui se trouvent en prison et y resteront dans les années à venir, et de 1 200 condamnés de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Ce problème est évidemment très préoccupant et le procureur Molins explique qu’il sera nécessaire de s’adapter à une menace inédite et qui s’est sans doute renforcée malgré la prison.
Monsieur le Premier ministre, ne doutant pas que le Gouvernement ait voulu anticiper, je souhaiterais savoir quels sont les moyens mis en place pour que nous ayons la certitude de pouvoir suivre toutes celles et tous ceux qui, sortant de prison, deviennent sans doute un danger bien plus grand pour la société qu’ils ne l’étaient avant d’y entrer.
Deuxième question : une organisation spécifique a-t-elle été prévue ou imaginée pour que tous les services de police, de gendarmerie et de justice puissent, comme je le souhaiterais, travailler ensemble, ainsi qu’avec les maires et les collectivités locales, qui disposent souvent d’éléments d’alerte précurseurs, même à propos de personnes qui viennent de sortir de prison et se répartissent sur le territoire ?
Troisième question : existe-t-il de nouveaux moyens juridiques, nécessaires pour faire face à cette menace inédite ? En effet, la surveillance accrue demande parfois des droits accrus pour nos services. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. le Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, la France est confrontée à une menace durable, endogène, diffuse et élevée – nous le savons, et François Molins, qui exerce avec brio des responsabilités éminentes dans la lutte contre le terrorisme et la répression de celui-ci, le sait mieux que quiconque. À l’occasion d’un entretien télévisé, il a effectivement indiqué – ce qui est la réalité – qu’après exécution de leur peine, un certain nombre de détenus recouvreront la liberté, en application du droit et des termes de la condamnation dont ils ont fait l’objet. Vous en avez donné les ordres de grandeur : sur environ 70 000 détenus, 1 500 ou 1 600 font l’objet d’un suivi pour radicalisation ; 500 ont été condamnés ou sont poursuivis pour des faits liés au terrorisme ; une vingtaine d’individus environ seront libérés au cours de l’année 2018 et une vingtaine d’autres au cours de l’année 2019.
Premier élément de réponse à votre question : par deux lois, respectivement de juin et juillet 2016, les conditions d’exécution des peines et de libération conditionnelle ont été durcies et renforcées, adaptées à la spécificité terroriste.
Par ailleurs, des procédures, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, ont été mises en place pour que les services du renseignement pénitentiaire et l’ensemble des services intéressés – préfectures, gendarmerie et police nationale – puissent assurer un suivi particulier des individus qui entrent dans ces catégories et sont, le moment venu, remis en liberté.
Pour ce qui est des mineurs – car il existe des mineurs détenus ou, du moins, suivis pour des faits comparables –, un dispositif spécifique d’accompagnement permanent a été mis en place.
Avec le renforcement très net des moyens opérationnels mis à la disposition des services de police, de gendarmerie et de la DGSI – la direction générale de la sécurité intérieure –, dans le cadre de l’augmentation des effectifs que l’Assemblée nationale et le Sénat ont votée, ce dispositif nous permet de mettre en place un suivi effectif des personnes se trouvant dans la situation que vous indiquez. C’est un suivi extrêmement attentif, respectueux de la loi, bien entendu, mais dénué de naïveté, qu’il faut mettre en œuvre et pour lequel l’ensemble des services de l’État se sont organisés.
Vous appelez de vos vœux, monsieur le député, une meilleure coordination ou de meilleurs échanges d’informations entre les services de l’État et les maires. Vous savez comme moi, et pour les mêmes raisons que moi, que, lorsque l’État et une municipalité entretiennent de bonnes relations, lorsque leurs échanges sont fluides, cela peut apporter un plus très net en matière de sécurité. Le procureur Molins a lui-même indiqué qu’il jugeait nécessaire d’aller encore au-delà dans la qualité et l’intensité des relations entre les services de l’État et les maires.
Je crois qu’il a raison, mais vous savez comme moi, monsieur le député, que cet échange d’informations est très compliqué à mettre en œuvre. Il exige une confiance, qui ne se décrète pas, et une volonté telle que certains élus ont dit – et je le respecte – qu’ils ne souhaitaient pas s’inscrire dans cette logique, car ils ne sauraient pas forcément quoi faire des informations susceptibles d’être échangées.
Il faut donc « protocoliser » – pardon pour ce terme –, organiser de la meilleure façon possible la relation entre les maires, qui jouent un rôle éminent en matière de sécurité et ont accès à certaines informations, et les services de l’État. Nous y sommes prêts mais je sais – et je ne veux pas en cacher la difficulté – que cet exercice est redoutablement délicat et exigera des discussions longues avec chacun de maires concernés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) La parole est à Mme Caroline Janvier, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en qualité de présidente du groupe d’amitié France-Russie, j’ai eu l’honneur d’accompagner le Président de la République lors de sa visite à Saint-Pétersbourg, les 24 et 25 mai,… Quelle chanceuse ! … qui a permis une avancée réelle sur plusieurs sujets majeurs.
Le dialogue des civilisations, des cultures, des économies et des religions est une nécessité, une condition sine qua non de la paix comme de la prospérité. (« Allô ! » sur quelques bancs du groupe LR.) Le Président de la République a souhaité, dès le début de son mandat, inscrire ce dialogue – celui des sociétés civiles – au cœur de sa politique extérieure, en mettant en place le dialogue de Trianon.
De même, dans le cadre du groupe d’amitié, qui réunit des parlementaires de tous bords, nous nous sommes attachés, à la place qui est la nôtre, à échanger fréquemment, sans faire d’impasse sur nos divergences, avec nos homologues de la Douma comme avec d’autres acteurs politiques, économiques ou universitaires.
La visite du Président de la République à Saint-Pétersbourg, si elle s’inscrit dans la continuité de cette volonté de dialogue, revêt une dimension plus forte et plus stratégique. S’il est indispensable d’évoquer certains sujets complexes, comme l’accord sur le nucléaire iranien, la Syrie, l’Ukraine ou les cyberattaques, il convient de replacer les relations bilatérales franco-russes dans un contexte géopolitique plus large, qui met en lumière la place de l’Union européenne et du multilatéralisme dans notre stratégie.
Dans un contexte international chargé d’aléas et d’incertitudes, la France, forte de son indépendance et des valeurs qu’elle incarne, a un rôle majeur à jouer. Quel équilibre pouvons-nous et devons-nous trouver avec la Russie, en Europe orientale, au Moyen-Orient, où nous assistons actuellement à une recomposition des équilibres régionaux, et vis-à-vis de l’Asie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame Janvier, comme vous l’avez rappelé, depuis son élection, le Président de la République tient au président Poutine un langage exigeant, un langage de vérité ; ce sont les principes qui ont dominé sa visite officielle à Saint-Pétersbourg, la semaine dernière. Comme vous l’avez rappelé aussi, notre politique étrangère est autonome et indépendante ; elle n’est ni soumise aux décisions unilatérales du président américain (Exclamations sur les bancs du groupe FI) ni naïve quant aux positions du président Poutine. (Mêmes mouvements.) Le président Macron l’a d’ailleurs rappelé publiquement à Saint-Pétersbourg, appelant la Russie à respecter nos intérêts, notre souveraineté et le fait que nous nous situons dans une solidarité sans faille avec nos partenaires européens.
Vous avez eu raison de souligner que des avancées ont été concrétisées au cours de cette rencontre, dans le domaine de la sécurité internationale. Nous avons progressé à propos de l’Iran, non seulement dans la constatation de la nécessité de poursuivre la mise en œuvre de l’accord de Vienne, mais aussi en vue de l’élargir aux autres questions de sécurité.
Nous avons aussi progressé à propos de la Syrie – c’est le point le plus important –, par la mise en place d’un dispositif de coordination entre les puissances.
Nous avons aussi progressé à propos de l’Ukraine, avec la nécessité de relancer au mois de juin prochain le processus de Minsk.
Nous avons aussi progressé dans le dialogue culturel et économique : une cinquantaine de contrats et d’accords-cadres ont été signés, y compris dans le domaine culturel et dans celui de la revitalisation du processus de dialogue de Trianon, tout cela dans une volonté de suivi, car les présidents ont décidé ensemble que le dialogue se poursuivrait pour vérifier la bonne mise en œuvre des engagements importants qu’ils ont pris ensemble à Saint-Pétersbourg. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, l’émotion est vive, à Fleury-Mérogis et à La Réunion où Alexandre Gonneau voulait repartir vivre et travailler. Ce 22 mai, ce jeune homme de 27 ans s’est suicidé ; dix jours plus tôt, une de ses collègues avait mis fin à ses jours ; dans l’intervalle, un gardien avait été blessé par un détenu radicalisé. Tous trois travaillaient au centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis ; tous trois sont originaires des outre-mer.
Ces drames renvoient, une fois de plus, aux conditions de travail des surveillants pénitentiaires. Une surpopulation carcérale en augmentation constante, un personnel en sous-effectif chronique ont fini par provoquer un climat de violence et d’insécurité inouï. L’angoisse et le stress sont devenus le lot quotidien des surveillants.
Ces drames font aussi s’interroger sur des méthodes de management qualifiées de toxiques par celles et ceux qui les subissent et qui dénoncent la pression insoutenable et aveugle qu’on leur impose.
Avant de se jeter du haut du pont de Tancarville, Alexandre a donné plusieurs signes d’alerte. Après une agression dégradante de la part d’un détenu du quartier disciplinaire, il n’a même pas bénéficié du protocole de prise en charge prévu. Personne ne l’a accompagné à l’examen médical et il a dû se présenter seul à l’hôpital. Quinze jours d’arrêt maladie lui ont alors été prescrits pour cause de burn-out mais il ne terminera jamais sa première journée de reprise.
Fleury-Mérogis est la plus grande prison d’Europe. Elle est aussi celle où sont affectés de très jeunes fonctionnaires et où plus de la moitié des surveillants viennent des outre-mer. Les personnels comme leurs familles comptent sur vous, madame la ministre, pour faire toute la lumière sur ces suicides. Tous vous demandent de tirer fortement les leçons de ces drames. Je souhaite avec eux que le sort de nos jeunes ne soit pas oublié. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, NG et FI, sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, votre question fait écho à la fois à des drames individuels et à une interpellation collective. Les drames individuels, vous les avez énoncés fort justement en évoquant la situation d’une surveillante qui a mis fin à ses jours une semaine environ avant la disparition de M. Gonneau. Elle était atteinte d’une longue et douloureuse maladie et son entourage a expressément demandé à notre administration d’être silencieuse et d’observer la plus grande discrétion sur ce sujet.
Alexandre Gonneau a lui été la victime collatérale d’une agression contre un autre détenu, ayant été atteint par un jet de liquide. Il n’a pas voulu porter plainte immédiatement et c’est sa hiérarchie et ses collègues présents qui ont dû insister pour qu’il accepte de déclarer l’incident en accident du travail. Il a alors fait l’objet de l’accompagnement qui s’impose et il n’a pas jugé immédiatement nécessaire d’être accompagné à l’hôpital.
En toute hypothèse, il s’agit bien de drames individuels (Exclamations sur les bancs du groupe FI) , qui évidemment nous interpellent collectivement, et j’en ai pleinement conscience, madame la députée.
Au-delà de ces situations individuelles, il est certain que la difficulté particulière et les risques entourant les métiers pénitentiaires méritent notre plus grande attention : c’est ce que nous faisons avec la plus grande vigilance. La direction de l’administration pénitentiaire, eu égard aux difficultés inhérentes au contexte carcéral, travaille de longue date sur la question des suicides. Un accompagnement pluridisciplinaire autour d’un réseau de psychologues a été mis en place, des outils d’information et de formation sont déployés et des travaux sont conduits sur les rythmes de travail et la qualité de vie au travail. Vous pouvez être assurée, madame la députée, de mon engagement personnel pour que ces questions collectives ne débouchent pas sur des souffrances personnelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Michel Fanget, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Madame la ministre chargée des transports, vous avez récemment évoqué les grandes lignes de la nouvelle loi sur les mobilités. Les mesures que vous entendez prendre devraient conduire à la suppression de la gratuité des autoroutes, et ce dans la perspective de financer de nouveaux aménagements. Cela correspondrait à privatiser encore plus notre réseau autoroutier, mesure à laquelle François Bayrou s’oppose depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.) Un frondeur ! Même si l’intention d’amélioration du réseau routier est louable, je souhaite aujourd’hui me faire l’écho de nombreux territoires particulièrement inquiets de cette décision. L’A75, entre Clermont-Ferrand et Béziers, a été construite dans les années 90, à l’initiative du président Giscard d’Estaing, pour désenclaver les territoires ruraux du Massif central. Elle est la colonne vertébrale de ma circonscription puisqu’elle la traverse de part en part. Chaque jour, près de 80 000 véhicules l’empruntent gratuitement, permettant ainsi à des milliers de nos concitoyens de se rendre au travail et aux entreprises de nos territoires de fonctionner.
Rendre cette autoroute payante, ce serait mettre un coup d’arrêt au désenclavement de nos territoires, certaines communes ne disposant pas de réseaux secondaires pour rejoindre les principaux centres urbains.
Rendre cette autoroute payante, c’est inciter des milliers d’automobilistes à utiliser le réseau secondaire, dont nous savons que, sur certaines portions, l’état de la chaussée laisse à désirer. Je vous ferai grâce des conséquences que cela peut avoir sur la mortalité routière, les réseaux secondaires comptabilisant la majeure partie des accidents.
Rendre cette autoroute payante, c’est toucher au pouvoir d’achat de nos concitoyens dans une période où ce dernier doit au contraire être soutenu, au-delà même du fait que cette autoroute a déjà été financée une première fois par le contribuable.
Pouvez-vous nous assurer que l’A75 restera gratuite, comme l’avaient promis vos prédécesseurs, en échange d’un allongement de la durée des concessions octroyées aux sociétés autoroutières, et ce afin de ne pas pénaliser encore plus les territoires du Massif central ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.) La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, je tiens à vous rassurer sur la situation des autoroutes A75 et A20 : comme vous le dites à juste titre, ces grands axes de désenclavement des territoires doivent être préservés – c’est bien le cas du Massif central. Le Gouvernement n’envisage donc pas de soumettre au péage les automobilistes utilisant ces autoroutes.
Cependant, le code de la voirie routière autorise déjà la mise à péage des voiries du réseau routier national sous statut autoroutier. C’est pour cela que l’on y recourt, quand c’est nécessaire et en particulier lorsque nous devons faire des travaux d’aménagement importants et indispensables à la sécurité des usagers ou à la réduction de la congestion du trafic routier.
L’État conduit aussi des mises en concession quand le coût d’un investissement important doit être assuré par l’usager. Ainsi, un appel d’offres a été lancé par l’État pour une mise en concession de la RCEA – route Centre-Europe Atlantique – dans le département de l’Allier : cela a permis d’accélérer les travaux de transformation de cette route, qui est reconnue par tous comme dangereuse.
Pour ce qui est spécifiquement de l’autoroute A75, soyez rassuré : il s’agit d’une autoroute récente, conçue pour désenclaver les territoires ruraux et notamment le Massif central. Il n’y a donc absolument aucune intention de l’État de mettre cette autoroute à péage pour les automobilistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.).) La parole est à M. David Habib, pour le groupe Nouvelle Gauche. Je souhaite interroger M. le Premier ministre sur les aides sociales. Je débuterai mon propos par une citation : « Ce que je vois chaque jour ne ressemble en rien à ce que décrivent les nouveaux pourfendeurs de la supposée générosité de notre modèle social. » Ainsi s’exprimait le vice-président du conseil général de Saône-et-Loire chargé de la solidarité, Benjamin Griveaux, en 2012. À l’époque, il était de gauche ! En 2018, le même Benjamin Griveaux, devenu ministre évoquant l’État providence dans la presse parisienne stigmatise « l’aumône républicaine ». Et en même temps ! On aura noté, mes chers collègues, une légère inflexion… Très légère ! Les propos de M. Griveaux s’ajoutent aux pas de danse de M. Darmanin et M. Le Maire sur la même question, et au rapport de Bercy qui entend réduire les aides sociales.
Monsieur le Premier ministre, il est temps que vous vous exprimiez car, pour les cadeaux aux plus riches, les Français ont compris : instauration de la flat tax , suppression de l’impôt sur la fortune et bientôt de l’ exit tax . (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Même François Bayrou, jamais avare de conseils, s’inquiète, dans Sud-Ouest , qu’Emmanuel Macron ne soit perçu comme le président des riches. Pour les Français aux revenus moyens ou modestes, vous êtes plus confus. Certes, ils savent que vous avez augmenté la CSG – la contribution sociale généralisée –, réduit l’APL – l’aide personnalisée au logement – et refusé de revaloriser les retraites, notamment agricoles. Toutefois, pour l’avenir, selon qu’ils écoutent les uns ou les autres, ils ne savent pas, même s’ils commencent à comprendre que, sur la prime d’activité ou les allocations chômage, vous préparez quelque chose en catimini.
Il ne s’agit pas de la question de l’efficience des aides sociales : là-dessus, il y a accord. Il s’agit du maintien d’un niveau de solidarité à l’égard de tous les Français. Sur cette question, nous entendons, monsieur le Premier ministre, que vous vous exprimiez. (Mmes et MM. les membres du groupe NG se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Habib, je tiens d’abord à vous féliciter pour la qualité de vos lectures. (Sourires.)
Le Premier ministre a eu l’occasion de s’exprimer ce matin et il faut avoir une écoute attentive du compte rendu du séminaire gouvernemental qui s’est tenu.
Les politiques sociales conduites dans ce pays depuis trente ans ont échoué, vous le savez. Un seul chiffre le résume : 9 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, un enfant sur cinq, et c’est aussi le bilan du quinquennat durant lequel vous souteniez le Gouvernement ! (Huées sur les bancs des groupes LR et NG.) Vous aussi ! Hypocrite ! Mes chers collègues ! Je vous en prie ! Derrière ces chiffres, monsieur le député, il y a une autre réalité, pire encore, bien plus insupportable : l’assignation sociale, l’impossibilité, pour des millions de nos concitoyens, de choisir leur vie, de la construire librement et même d’imaginer qu’il soit possible de sortir de la précarité pour eux-mêmes et plus encore pour leurs enfants. Il est là, le caractère insupportable de l’échec des politiques sociales qui ont été conduites ! (Exclamations sur les bancs des groupes LR et NG.) Quel cynisme ! Vous les souteniez ! Que proposez-vous ? De l’indignation, des bons mots, de continuer comme si de rien n’était, de poursuivre dans la même direction, quand nous, nous avons un objectif clair : en finir avec les inégalités de destin, en finir avec les inégalités à cause desquelles, parce qu’on naît dans un mauvais quartier ou un milieu social défavorisé, on y est condamné à vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Écœurant de tartufferie et de cynisme ! C’est ce que nous faisons, en investissant dans l’éducation et dans la formation professionnelle (Exclamations sur les bancs des groupes NG, FI et GDR) , en mettant en place l’allocation chômage universelle ! C’est tout cela que vous n’avez pas voté, monsieur le député, et c’est ce que nous faisons, en jouant non pas la prochaine élection mais la prochaine génération ! C’est la différence entre vous et nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Huées sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes NG, FI et GDR.) Zéro ! Le revirement c’est maintenant ! Que ne ferait-on pas pour un poste ! Mes chers collègues, pourrions-nous écouter les réponses des membres du Gouvernement dans le calme et le respect, quels que soient les avis qu’elles suscitent ? La parole est à M. Alexandre Freschi, pour le groupe La République en marche. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, ma question concerne l’une des étapes clé des obligations annuelles de nos agriculteurs.
Depuis le 16 mai et jusqu’au 11 juin 2018, les agriculteurs doivent faire état des caractéristiques de leur exploitation et de la nature de leurs activités, via la plate-forme numérique TelePAC. De cette déclaration, dépendra l’obtention et le montant de leur aide au titre de la PAC, la politique agricole commune. Or, chaque année, nombre d’agriculteurs ne perçoivent pas les aides auxquelles ils peuvent prétendre, du fait de difficultés techniques liées à l’utilisation de cette plate-forme.
Dans le cadre de la préparation du rapport que j’ai rédigé avec mon collègue André Chassaigne, « Une agriculture durable pour l’Europe », que je présenterai demain matin en commission des affaires européennes, j’ai rencontré, dans ma circonscription, un agriculteur qui, simplement pour avoir oublié de cocher une case de la télédéclaration, a vu son aide amputée de 10 000 euros. Un autre a vu la sienne tout bonnement annulée.
Alors qu’en France, les aides directes représentent en moyenne 46 % du revenu des agriculteurs – elles dépassent 100 % des revenus des éleveurs bovins et ovins, et 40 % de ceux des producteurs de céréales –, il est fort déplorable qu’un outil numérique engendre de telles conséquences économiques pour la profession. Vous vous réveillez ? Ça fait trois ans que ça dure ! Conscientes des enjeux de cette télédéclaration, les chambres d’agriculture proposent des services d’accompagnement qui, s’ils permettent de réaliser au mieux ces démarches, restent néanmoins payants.
Ma question est donc la suivante : monsieur le ministre, alors que le Gouvernement porte l’exigence de simplification dans les échanges entre l’usager et l’administration, quelles mesures seront prises pour améliorer la qualité des services rendus et garantir à nos agriculteurs l’accès à leurs aides sans freins techniques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur Freschi, permettez-moi tout d’abord de saluer la qualité du travail que vous menez, avec le président Chassaigne, en préparation de la nouvelle PAC. Demain, vous venez de le rappeler, vous présenterez votre résolution européenne en commission des affaires européennes ; sachez que j’y souscris pleinement.
Vous m’interrogez à propos des déclarations TelePAC. Je suis particulièrement attentif, bien entendu, aux outils développés pour permettre aux agriculteurs d’avoir accès aux aides, qu’ils soient facilement utilisables et qu’ils ne les pénalisent pas.
La campagne de télédéclaration a été, à ce titre, exemplaire. Je vais vous donner quelques chiffres. Au niveau national, 347 252 dossiers ont été télédéclarés entre le 1er avril et le 15 mai ; la cible estimée, de l’ordre de 350 000 dossiers, est ainsi atteinte – c’est d’ailleurs la première fois qu’on atteint un tel niveau dans ce délai. La dernière journée de télédéclarations a été importante : plus de 30 000 dossiers ont été déposés ce seul jour. Ce résultat positif traduit les bonnes conditions de déroulement de la campagne des télédéclarations. Des améliorations ont porté sur l’ergonomie du dispositif, les outils de déclaration et la mise en place d’alertes qui guident les usagers et permettent de fiabiliser les déclarations et ainsi d’éviter certaines erreurs.
Le Gouvernement s’était engagé, le 21 juin 2007, à un retour normal du calendrier de paiement des aides de la PAC pour la campagne 2018. Le bon déroulement de la campagne de déclarations achève la première étape de la réalisation de cet objectif, attendu par tous nos agriculteurs. Il reste possible de déposer des dossiers pendant la période de dépôt tardif, du 16 mai au 11 juin 2018 ; les dossiers déposés pendant cette période seront soumis à des pénalités de retard d’1 % par jour. En outre, les dossiers déposés avant le 15 mai peuvent être modifiés jusqu’au 31 mai inclus sans application de pénalités de retard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance est suspendue. (La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Carole Bureau-Bonnard.) La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (nos 627, 902, 838).
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le vote solennel de ce jour revêt un sens tout particulier pour ceux qui défendent depuis longtemps la ferme France et s’investissent pour une agriculture plus compétitive, plus rémunératrice, mais aussi plus attentive aux questions environnementales. Premier projet de loi agricole de la législature, le texte a suscité chez nos agriculteurs et nos concitoyens des attentes nouvelles et fortes, que nous nous sommes efforcés de ne pas décevoir.
Ce projet de loi est celui – je dois bien l’avouer – qui m’a le plus marqué : huit jours et huit nuits de débats intenses, sans discontinuer. Toutefois, malgré la longueur des échanges, les débats ont été posés, intéressants, et j’ai éprouvé un réel plaisir à écouter les discours et les argumentations de tous les députés, d’où qu’ils viennent sur ces bancs.
Je vois dans cette loi agricole un véritable tournant, car elle conduit à un renversement complet de la méthode : l’inversion de la logique de construction des prix d’abord pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs, afin que chaque agriculteur soit rémunéré au juste prix payé ; la valorisation de produits alimentaires de qualité ensuite, tout particulièrement à travers la restauration collective.
Toutefois, si je reste convaincu que cette démarche est la bonne, il importe de convaincre nos agriculteurs du bien-fondé du texte, sans stigmatiser leurs pratiques, qui ont leur histoire et leurs raisons. Si nous n’emmenons pas les producteurs avec nous, je crains que ce projet de loi ne reste lettre morte. C’est pourquoi, au groupe MODEM et apparentés, nous sommes pour des temps d’adaptation, pour l’élaboration de plans de filière, pour un renforcement du rôle des interprofessions, pour une transformation du système, et non pour une opposition entre les uns et les autres.
Les questions du bien-être animal ou des produits phytopharmaceutiques sont légitimes et doivent être posées. Sur beaucoup de sujets, j’ai été frappé par la prise de conscience partagée sur tous les bancs de l’hémicycle. Les agriculteurs savent désormais qu’un changement de pratiques est non seulement nécessaire, mais inéluctable.
Nous avons, je crois, trouvé un équilibre sur les sujets qui ont fait les unes médiatiques : savoir dire non tout de suite aux néonicotinoïdes face à la chute dramatique des populations d’abeilles ; savoir dit non aux nouveaux projets de bâtiments d’élevage de poules en cage, mais laisser à la filière le temps de rentabiliser les investissements qui viennent d’être faits ; et savoir rappeler à nos agriculteurs les engagements forts du Président de la République sur le glyphosate, même si nous ne pouvions, à la fois, affirmer notre confiance à l’égard des agriculteurs qui se sont engagés et inscrire son interdiction dans la loi. Nous devons être collectivement, avec les agriculteurs, garants de l’engagement de notre majorité.
Je crois sincèrement que le travail parlementaire, que ce soit en commission ou en séance, a contribué à étendre la portée et la profondeur du texte. Cet enrichissement a été possible grâce à votre ouverture et à votre écoute, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, dont je vous remercie sincèrement, sans oublier le président Lescure. Mais j’ai eu aussi un grand plaisir à écouter des argumentations de qualité. Je vais saluer ici – je prie ceux que je ne citerai pas de m’excuser – Laurence Maillart-Méhaignerie, Monique Limon et Célia de Lavergne avec lesquelles nous avons bien travaillé. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.)
Cette semaine, Thierry Benoit et Antoine Herth ; de nombreux députés Les Républicains comme Vincent Descoeur, Arnaud Viala ou Véronique Louwagie ; Dominique Potier, Guillaume Garot, André Chassaigne ou Sébastien Jumel – pour ne citer qu’eux – m’ont fait progresser dans mes réflexions. J’associe également mes collègues du groupe MODEM, dont Marc Fesneau bien sûr, et tout particulièrement Richard Ramos dont le verbe nous a plusieurs fois convaincus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Nous attendions tous beaucoup de ce projet de loi, car il y va de l’avenir de notre agriculture. C’est une première étape. Nous attendons désormais, monsieur le ministre, les rendez-vous à venir sur l’installation des jeunes agriculteurs, le foncier agricole, la fiscalité, le stockage de l’eau, la nécessaire simplification des normes, le Mercosur ou encore la réforme de la politique agricole commune. Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM et apparentés votera avec enthousiasme ce projet de loi, mais avec l’exigence qu’il trouve sa pleine mesure avec tous les acteurs.
Permettez-moi d’émettre un regret pour finir mon propos, relatif au déroulement de la séance de cette nuit : des amendements de qualité ont été examinés trop rapidement en raison de l’heure tardive. C’est vrai ! Certains en ont même profité pour dénaturer les débats, donnant ainsi une très mauvaise image du travail parlementaire dans un débat qui avait été jusque-là de qualité et très bien mené. J’aimerais qu’il en soit tenu compte dans les réflexions sur l’évolution du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Mon cher ministre, mon cher président de la commission des affaires économiques, mon cher rapporteur, chers collègues, des États généraux de l’alimentation au texte de loi, le compte n’y est pas. Nous voilà au terme d’un marathon législatif, qui s’est achevé cette nuit. Je veux saluer la mobilisation des députés sur ce texte pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Je tiens à souligner votre parfaite implication dans ce temps législatif, monsieur le ministre, ainsi que celle de notre vaillant rapporteur, Jean-Baptiste Moreau ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM, LR et MODEM.) C’est sûr ! Même si nous n’étions pas toujours d’accord avec lui. J’ai également une pensée amicale pour Laurence Maillart-Méhaignerie. Vous vous êtes efforcé, monsieur le ministre, de répondre objectivement à l’ensemble des amendements soumis à la discussion par les députés. Tout au long des débats, les députés du groupe UDI-Agir ont pris, en responsabilité, leur part de travail et ont soutenu, au cours du débat, une agriculture moderne, qui rémunère dignement les agriculteurs et place l’enjeu social et humain au premier rang des préoccupations. Naturellement, l’enjeu environnemental est une exigence. Contrairement à ce que certains disent, je ne connais aucun député qui n’ait pris conscience de l’urgence écologique dans laquelle se trouve notre planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM, LR et MODEM.)
Les élus de bon sens sont unanimes pour arrêter l’usage du glyphosate et des néonicotinoïdes. Le Président de la République a fixé le terme de 2021 ; vous, monsieur le ministre, avez défini la méthode : concertation et mobilisation sans faille de tous les acteurs, pour trouver le plus vite possible des méthodes alternatives qui assureront résolument la protection de la biodiversité et augmenteront plus encore les critères de sécurité sanitaire.
S’agissant de la prise en compte du bien-être animal, c’est la même chose : diagnostic partagé avec les filières d’élevage afin d’accélérer les plans de filière et d’échafauder des programmes de mutation des techniques d’élevage. L’exemple de la filière de la poule pondeuse est emblématique de la volonté des éleveurs d’améliorer les conditions d’élevage et de prendre ainsi en compte cette réalité, inscrite dans la loi de 2015, que l’animal est un être sensible. Tout doit être mis en œuvre pour que, de leur naissance à leur mort, les animaux d’élevage aient une vie la plus paisible possible avec le moins de souffrance.
La qualité des denrées alimentaires françaises est, depuis toujours, tourné vers l’excellence. Le texte encourage encore plus tous les acteurs, de la terre à l’assiette, à prendre la nécessaire mesure de la notion d’alimentation saine et durable. C’est ainsi que le concept d’agriculture et de nutrition à vocation santé doit être repéré et valorisé. Il y va du bon état sanitaire des populations. L’acte de se nourrir, dans notre beau pays qui a inscrit la gastronomie au patrimoine mondial de l’UNESCO, doit rester un geste culturel noble, qui renforce le lien social entre les hommes.
Monsieur le ministre, depuis le début de nos travaux, je n’ai cessé de répéter que le cœur du sujet qui nous réunit aujourd’hui demeure le revenu des agriculteurs français,… Eh oui ! …car toute peine mérite salaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Maud Petit applaudit également.)
Je doute que les mesures inscrites dans ce projet de loi permettent une meilleure répartition de la valeur ajoutée et assurent un meilleur revenu aux agriculteurs. Eh oui ! C’était l’engagement du Président de la République que d’inverser le processus de construction du prix en proclamant que, dorénavant, les agriculteurs, à partir des indicateurs de coût de production, fixeraient les prix de négociation des produits agricoles. Mais le texte qui nous est proposé ne donne pas suffisamment de souveraineté aux producteurs pour améliorer l’équilibre des rapports de force entre les différents acteurs de la chaîne. Absolument ! Les relations commerciales doivent être moralisées. Monsieur le ministre, vous avez identifié, grâce aux actions du groupe UDI, Agir et indépendants conduites depuis de nombreuses années, le rôle et la place des centrales d’achat dans les relations commerciales. Il faut résoudre le problème de la concentration de la grande distribution, alors que la puissance publique a tardé à accompagner les agriculteurs dans une nécessaire structuration de l’offre en organisations de producteurs et en associations d’organisations de producteurs.
Enfin, les débats ne nous ont pas permis de mettre plus en avant la corrélation entre votre texte, monsieur le ministre, et la politique agricole commune en cours de discussion. En effet, avec 28 millions d’hectares de surface agricole utile, la France est, et doit rester, le premier pays agricole d’Europe. Cette fonction exportatrice ne doit pas être négligée. Merci de conclure, Monsieur Benoit. Quel plus beau métier que celui de nourrir des hommes ? Je le redis, nous avons les meilleurs agriculteurs du monde. Le métier d’agriculteur est certainement le plus beau métier, avec celui d’enseignant et de soignant. Veuillez conclure. Monsieur le ministre, je le répète, le groupe UDI, Agir et indépendants s’abstiendra sur ce texte. C’est une abstention d’alerte et de vigilance, car nous dénonçons des défaillances : le coût de la main-d’œuvre, la politique agricole commune, le foncier, et le plan de 5 milliards d’euros, qui n’est pas suffisamment développé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. Guillaume Garot. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, que reste-t-il des mois d’échanges dans le cadre des États généraux de l’alimentation ? Des agriculteurs, des responsables des entreprises de l’alimentation, des représentants syndicaux, des militants associatifs, des élus ont joué le jeu,… Absolument ! …formulé des propositions, esquissé des solutions, pour contribuer à une politique de l’alimentation qui puisse à la fois redonner du revenu aux agriculteurs et de la confiance aux consommateurs. C’était ça, le souffle des États généraux de l’alimentation ! C’est vrai ! C’était aussi l’espoir que la loi qui suivrait apporterait des réponses et tracerait un chemin pour la transition agricole et alimentaire dont notre pays a besoin.
Hélas, aujourd’hui, après les huit jours et huit nuits de débats, souvent de qualité – je tiens, à cet égard, à saluer M. le ministre et les deux rapporteurs –, qui se sont tenus sous le regard des Français, c’est la déception qui l’emporte, le sentiment d’une occasion manquée et d’un élan brisé. Eh oui ! Concernant le revenu des agriculteurs, les dispositions contenues dans le projet de loi s’inscrivent dans le prolongement de la loi Sapin 2, et visent à rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Nous espérons sincèrement qu’elles rempliront leur office.
Cependant, il ne faut pas bercer les agriculteurs d’illusions. Nous savons bien que les prix dépendent, le plus souvent, des marchés mondiaux, et que sans outil de régulation de ces marchés et de ces productions au plan européen, le relèvement du seuil de revente à perte ou l’inversion de la construction du prix n’auront que peu d’effet. Exactement ! Allons plus loin : nous sommes, hélas, bien loin de l’ambitieuse politique de l’alimentation que le Président de la République avait lui-même appelée de ses vœux à Rungis, en octobre dernier, en parlant d’une « nouvelle France agricole » et d’une transformation profonde de nos façons de produire et de consommer. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une confiance retrouvée des Français dans leur alimentation, après des années où se sont succédé des crises alimentaires et sanitaires. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une alimentation de qualité pour tous, qui puisse vraiment rémunérer ceux qui font l’alimentation.
Je ne reviens pas sur le trouble créé par les contradictions du Gouvernement et de la majorité sur le glyphosate. Je ne reviens pas sur cette curieuse idée selon laquelle avant vous, monsieur le ministre, rien n’aurait été fait sur le bien-être animal, car c’est Stéphane Le Foll lui-même qui avait posé les fondements des mesures développées aujourd’hui. Eh oui ! Je veux plutôt vous présenter la démarche qui a été la nôtre : proposer pour avancer. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons fait des propositions très claires pour accompagner les filières et les industriels vers une alimentation plus saine, plus favorable à la santé. Vous avez refusé nos amendements en ce sens. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé d’encadrer la publicité à destination des enfants et des adolescents. Cela a aussi été refusé. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé une vraie éducation à l’alimentation, à l’école, avec un parcours éducatif dédié, pour transmettre des repères, en particulier nutritionnels, et pour rappeler la valeur culturelle, patrimoniale de l’alimentation, au-delà de sa valeur marchande. Cette disposition n’a pas trouvé davantage d’écho.
Nous avons également proposé, à l’initiative de notre collègue Dominique Potier, des mesures d’urgence pour lutter contre l’accaparement des terres, dont l’adoption aurait été un signal fort, dans l’attente d’une loi foncière. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Nouveau refus. Enfin, nous avons proposé, toujours sous l’impulsion de notre collègue Dominique Potier, un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires, qui attendent une réparation. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Cette proposition a été votée à l’unanimité de nos collègues sénateurs, mais vous l’avez également refusée.
Nous avons proposé, vous avez rejeté. Nous avons tenu une comptabilité très simple : 2 310 amendements étaient en discussion, et sur les 110 déposés par le groupe Nouvelle Gauche, vous n’en avez retenu que 7. La promesse de travailler avec tous, gauche et droite, sans parti pris, est loin d’avoir été tenue. C’était une promesse manifestement sans lendemain. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) C’est évident ! Monsieur le ministre, chers collègues, nous continuerons de proposer pour avancer, mais vous ne nous laissez pas d’autres choix, aujourd’hui, que de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Loïc Prud’homme. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, lors de la discussion générale, j’ai cité deux exemples concrets, deux avancées possibles pour notre agriculture et notre alimentation qui représentaient, pour la majorité, deux d’occasions d’apporter la preuve de sa volonté de changer les choses ou, au contraire, de sa persistance à nous enfermer dans l’impasse sociale et environnementale dans laquelle nous nous trouvons. Il s’agissait de l’interdiction du glyphosate et de la fin des contenants plastiques dans les cantines scolaires. Sur ces deux sujets, vous avez refusé de prendre les décisions qui vont dans le sens de l’intérêt général – et ce ne sont pas là vos seuls renoncements. Tout à fait ! Votre projet de loi devait changer radicalement la répartition de la valeur produite par les agriculteurs, afin d’assurer à ces derniers un revenu décent. Il n’en sera rien.
Vous avez ainsi rejeté la proposition d’instituer des prix planchers pour garantir un revenu aux paysans. Exactement ! Vous avez surtout refusé de sanctionner l’achat d’un produit en dessous de son coût de production. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe FI.) Il n’y aura donc pas de revenu décent garanti pour les agriculteurs. Ceux-ci seront toujours les dindons de la farce.
Le titre de votre loi traduisait la volonté de promouvoir une alimentation saine et durable, mais quelle réalité qui cache derrière un tel discours ? Certes, l’article 11 prévoit d’inclure 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. Je reconnais cette timide avancée, même si son application est suspendue à la publication d’un décret. Cependant, vous refusez l’interdiction des contenants en plastique dans les cantines, laissant ainsi les perturbateurs endocriniens polluer les repas de nos enfants. Vous refusez notre proposition de rendre obligatoire l’étiquetage Nutri-Score, moyen pourtant simple et efficace de faire accéder toute la population à une information nutritionnelle. Vous ne faites aucun effort pour introduire des repas végétariens à la cantine, ni pour y réduire de 20 % la consommation de protéines animales. Mais le plus symptomatique de vos renoncements est sans doute votre refus d’encadrer la publicité pour la malbouffe à destination des enfants. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe FI.)
Par ailleurs, votre projet ne répond pas à une demande sociétale forte, partagée par de nombreux citoyens et députés : la prise en compte du bien-être animal. Dans ce domaine aussi, vous avez rejeté nos amendements, qu’il s’agisse de la fin des fermes usines, de l’interdiction de la castration à vif des porcelets ou de celle du broyage des poussins mâles – pour ne citer que ces exemples. Que d’horreurs ! Certes, l’Assemblée a voté l’interdiction de « la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cages ». Cependant, cela fait déjà bien longtemps qu’il ne se crée plus de telles exploitations, car plus personne ne choisit ce mode de production. Il fallait donc interdire dès aujourd’hui tous les élevages en cage, et accompagner les producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Vendredi dernier, monsieur le ministre, je vous entendais, en direct à la radio, fustiger « les petits marquis de l’écologie, ceux qui ont mis l’écologie politique par terre depuis dix ans, ceux qui ont fait en sorte que rien n’avance dans le domaine de l’écologie ». J’assume ! Regardons quelles sont les dispositions écologiques de votre projet de loi. D’abord, le glyphosate ne sera pas interdit dans trois ans, ni même dans cinq ou dix ans, contrairement aux promesses du Président de la République. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Menteur ! C’est une posture ! C’est de la désinformation ! Les populations ne seront toujours pas à l’abri des produits chimiques cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques répandus près de chez eux. En outre, vous entérinez un recul : le projet de loi prévoit de consacrer 15 % de la surface agricole utile à la culture biologique en 2022, alors qu’une loi de 2009 prévoyait d’y consacrer 20 %.
Monsieur le ministre, après huit jours et huit nuits de discussions, nous sommes fatigués. Nous sommes lassés de votre refus de comprendre les enjeux majeurs, environnementaux, sociaux ou de santé publique, qui se jouent actuellement dans nos prés et nos assiettes.
Beaucoup d’entre nous sont en colère, car l’influence des lobbies a, une fois de plus, inspiré une loi vide de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Ce texte n’a réussi qu’une chose : nous faire perdre du temps à tous, depuis les États généraux de l’alimentation jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, du temps, nous n’en avons plus, ni vous, ni nous, ni les agriculteurs, ni les consommateurs, ni les citoyens, ni les enfants, ni même les industriels – car lorsque les terres, nos ressources et nos propres organismes seront épuisés, il ne restera plus personne pour voter vos lois ni pour acheter leurs poisons.
Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et sur plusieurs bancs des groupes NG et GDR.) Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je veux moi aussi souligner la qualité de nos débats – sur la forme au moins –, mais voilà un texte bien fragile, qui déçoit profondément les agriculteurs de France, ces mêmes agriculteurs qui l’attendaient avec beaucoup d’espoir après les heures de co-élaboration dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Les députés communistes ont abordé le débat sur ce projet de loi avec certaines priorités : permettre aux agriculteurs de vivre dignement du fruit de leur travail, redonner espoir à la jeune génération, mettre un terme à la course à l’agrandissement au profit d’une agriculture constituée de petites et moyennes fermes, pourvoyeuses d’emploi, et reconnaître la spécificité des outre-mer. En définitive, votre texte ne répond pas aux attentes ni inquiétudes les plus profondes sur la question du prix rémunérateur. Rien ne permet d’affirmer que les agriculteurs auront la main sur la définition des prix et obtiendront demain un revenu décent. Vous avez une nouvelle fois fait le choix de privilégier la loi du marché et non la loi qui protège. Alors qu’à l’image de tous les groupes de cet hémicycle, nous étions venus animés d’une volonté constructive, votre majorité a une nouvelle fois fait la démonstration de son dogmatisme en refusant le principe d’une loi qui régule, au niveau national comme européen.
Lorsque nous avons proposé de protéger les agriculteurs lors des négociations par la création d’indicateurs publics, vous avez crié à l’économie administrée, sombrant quelquefois dans la caricature. Les arbitrages de Paris-Bruxelles ont eu le dessus, à quelques aménagements près, comme sur le régime de sanctions. La grande distribution et les industries de la transformation peuvent se frotter les mains : aucune mesure ne vient en effet bousculer le rapport de forces actuel entre les géants de la grande distribution et de la transformation d’un côté, et les centaines de milliers de producteurs atomisés de l’autre. L’élévation du seuil de revente à perte pour les promotions ne changera rien, sinon que la facture des consommateurs augmentera sans la moindre retombée bénéfique pour les agriculteurs. C’est faux ! Les bonnes intentions qui vous animent, monsieur le ministre, ne suffisent pas. Nos agriculteurs sont aujourd’hui la proie des logiques mortifères de la libre concurrence. Chers collègues, pouvez-vous gagner vos places en faisant moins de bruit, car c’est compliqué pour M. Jumel de s’exprimer ? Respectez ceux qui ont assisté aux débats ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes UDI-Agir et NG.)
La négociation des traités de libre-échange comme le CETA – l’accord économique et commercial global, auquel vous avez trinqué – ou l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur aggravent la menace, tandis que la politique agricole commune se réduit progressivement comme peau de chagrin. Vous appelez à la patience et à la concertation, mais nos agriculteurs n’ont plus le temps. Ils sont pris à la gorge : 30 % d’entre eux gagnent moins de 350 euros par mois.
Sur la seconde partie du texte en débat, Gouvernement et majorité nous ont offert un florilège de mesures d’affichage qui n’étaient assorties d’aucune disposition d’accompagnement. Le texte fixe l’objectif louable de 50 % de produits bios ou du terroir dans les cantines d’ici 2022, mais la loi ne prévoit aucun dispositif d’accompagnement pour les communes et les familles défavorisées. C’est également le cas pour les mesures relatives au bien-être animal et aux produits phytosanitaires. Pourtant nos paysans sont pris au piège des logiques de dumping social et environnemental. On ne peut sortir de ces difficultés avec des mesures symboliques, sans harmonisation européenne et sans mieux protéger les frontières de l’Europe. Discuter des phytosanitaires sans parler de la façon dont on accompagne concrètement nos agriculteurs relève de la gesticulation. Nous sommes convaincus de l’exigence de sortir du glyphosate dans un délai de trois ans. Ce délai doit être tenu, mais la loi dont nous avons débattu et les amendements proposés en pleine nuit… Il a raison ! …ne prévoient aucun plan de sortie pour les agriculteurs de nature à faciliter la transformation des modes de culture, ni de plan de soutien à l’Institut national de la recherche agronomique. Au bout du compte, cette loi ne prévoit pas les moyens de cette sortie du glyphosate en trois ans, et nous le déplorons.
Nos paysans et nos concitoyens attendent du concret, non des positions de principe sans lendemain soutenues à grand renfort de communication. Nous attendons du Gouvernement qu’il soumette à la représentation nationale le plan de sortie du glyphosate promis, à la hauteur des défis du monde agricole, et nous le voterons à condition qu’il prévoie un accompagnement des agriculteurs et de la recherche fondamentale. (M. Jean-Yves Bony applaudit.)
Un constat s’impose : du côté des agriculteurs comme de celui des ONG, vous avez failli aux attentes, vous avez failli aux espérances. Où est passée la loi qui protège ? Qu’est devenue la volonté qui animait les États généraux de l’alimentation ? Pourquoi cette obstination à ne pas entendre la frustration et la colère de nos agriculteurs ? Monsieur le ministre, la révolution promise n’est manifestement pas au rendez-vous ; vous lui avez substitué un paquet de mesures de marketing, un écran de fumée destiné à camoufler les souffrances de la France rurale. Toutes ces raisons nous conduiront à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.) La parole est à Mme Monique Limon, pour le groupe La République en marche. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, chers collègues, au terme d’un travail sans égal en commission et après huit jours et huit nuits au sein de cet hémicycle, c’est avec – je dois l’avouer – un peu de fatigue, mais surtout une grande fierté et beaucoup de bonheur que je défends aujourd’hui le vote du groupe La République en marche en faveur du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Je tiens à souligner et à saluer la qualité de nos débats sur des sujets divers et complexes, ainsi que la mobilisation et l’engagement des députés sur tous les bancs de cet hémicycle. Nos débats ont été passionnés car l’agriculture est au cœur de ce qu’est la France. L’agriculture nous nourrit, elle est un formidable atout économique pour nos territoires, elle transforme nos paysages, elle nous concerne tous, de près ou de loin, et je crois que les sujets dont nous avons débattu au cours de ces derniers jours le démontrent.
Le 20 juillet 2017, nous étions nombreux à Bercy pour le lancement des États généraux de l’alimentation. Le constat était alors multiple : des agriculteurs en souffrance, un modèle en perte de compétitivité, une volatilité des prix, mais également des attentes de plus en plus fortes des consommateurs. Après plusieurs mois de consultations et de travail, tant au niveau national que dans nos territoires, le texte que nous allons voter aujourd’hui représente la traduction législative de ces efforts. Il s’articule autour de deux piliers qu’il me semble essentiel de rappeler. Le premier est le juste prix pour nos agriculteurs : c’est l’objet même du titre I, avec l’inversion de la construction du prix pour prendre en compte les coûts de production, l’encadrement des promotions pour stopper la guerre des prix, toujours tirés au plus bas pour les producteurs, le rehaussement de 10 % du seuil de revente à perte ou encore les nouvelles clauses de renégociation. Le deuxième pilier renvoie à une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec l’objectif des 50 % de produits bios et locaux dans la restauration collective d’ici 2022, une meilleure prise en compte du bien-être animal afin de répondre à la demande de plus en plus forte de nos concitoyens, mais également la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires grâce à la séparation de la vente et du conseil. Ce projet de loi met en œuvre de nombreux engagements du Président de la République, la marque de fabrique de notre majorité étant le respect de la parole donnée pour restaurer la confiance.
Ils seront nombreux à trouver que nous ne sommes pas allés assez loin, mais il faut reconnaître que ce texte opère un tournant. Nous devons tous nous féliciter des nombreuses avancées que les parlementaires ont introduites dans le projet de toi, et je veux en citer quelques-unes : le renforcement du rôle du médiateur ; la modulation des sanctions en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires – c’était la demande de l’ensemble des groupes parlementaires en commission et nous devons nous réjouir que cette évolution ait été adoptée en séance ; le renforcement du contrôle des rapprochements de centrales d’achat. Nous avons également adopté de nombreuses mesures pour permettre à tous les Français d’avoir accès à une alimentation saine, sûre et durable, avec en particulier l’introduction d’un plan de diversification des protéines pour répondre à la demande toujours plus forte des citoyens ; l’interdiction de toute nouvelle installation d’élevage de poules en cages ; l’introduction d’un dispositif expérimental de contrôle par vidéo dans les abattoirs ; ou encore l’interdiction de l’utilisation de bouteilles en plastique dans le cadre des services de restauration collective d’ici le 1er janvier 2020.
Ce texte est une première étape autour d’autres chantiers qui se concrétiseront dans les mois à venir : la feuille de route de l’alimentation, la question du foncier agricole ou encore la réforme de la fiscalité. La loi apporte des outils pour traduire les objectifs, mais ceux-ci ne pourront être atteints que si les professionnels s’en emparent. Nous serons à leurs côtés pour réussir la transformation de notre modèle agricole.
Vous l’aurez donc compris, le groupe La République en marche se félicite des nombreuses avancées obtenues en commission et en séance publique et soutient avec enthousiasme ce projet de loi ambitieux… Ambitieux ? Certainement pas ! …et tourné vers l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Plusieurs députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. Jérôme Nury, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, après des heures, des jours et des nuits de travail… Des week-ends, même ! …en commission et en séance publique, dignes des vêlages les plus critiques, nous voici arrivés au terme de l’examen en première lecture de ce texte tant attendu par la profession agricole. Je veux d’abord vous remercier, monsieur le ministre, pour la qualité de votre écoute tout au long du processus de l’examen de ce projet de loi et pour votre implication personnelle dans la bonne tenue de nos débats. Très bien ! Alors que nous allons devoir nous prononcer sur ce texte, je dois avouer être plus Normand que jamais. Entre la philosophie générale plutôt positive du titre I et les fortes contraintes supplémentaires imposées aux agriculteurs dans le titre II, entre les avancées intéressantes pour redéfinir les relations contractuelles et le manque criant de volontarisme pour redonner du poids aux agriculteurs, je suis partagé, dubitatif et inquiet.
Ce texte, dans la version que nous transmettrons au Sénat, n’est pas à la hauteur des enjeux. Les enjeux, monsieur le ministre, vous les connaissez : il s’agit ni plus ni moins que de sauver notre modèle agricole, l’agriculture française, celle qui irrigue nos campagnes, celle qui façonna notre histoire et notre géographie, celle qui se transmet souvent de génération en génération, celle que nous avons tous dans notre ADN. Il s’agit de redonner de l’espoir à ces centaines de milliers d’hommes et de femmes qui, dans nos territoires ruraux, désespèrent de travailler dix à douze heures par jour, souvent sept jours sur sept, sans vacances ni week-ends, pour seulement quelques centaines d’euros par mois. Il s’agit de donner des perspectives positives à des cultivateurs qui – notamment dans mon département de l’Orne – produisent du blé à perte, à des éleveurs qui voient ce mois-ci le prix de la tonne de lait passer à moins de 300 euros – une évolution dramatique. Beaucoup ne croient plus en leur métier, qu’ils aiment pourtant profondément ; beaucoup souhaitent même le quitter. Ce texte, c’est la dernière bouée de sauvetage que nous pouvons leur tendre dans cette tempête de détresse qui s’abat sur le monde agricole. Or j’ai le sentiment qu’on leur lance une bouée dégonflée, car une fois encore, avec la méthode habituelle que nous connaissons depuis près d’un an, le verbe est haut mais les actes sont faibles.
Oui, monsieur le ministre, il est à craindre que les états généraux n’aboutissent qu’à des déceptions. Au début de nos débats, nous avions pourtant tiré la sonnette d’alarme sur les risques d’un texte insuffisamment volontariste pour inverser le rapport de forces entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. Et à l’issue de nos discussions, nous ne sommes pas plus rassurés. Certes, nous avons pu introduire, grâce aux députés Les Républicains, des améliorations importantes dans l’article 1er, d’abord en prévoyant la neutralité des indicateurs de coûts, ce qui évite les indicateurs tronqués ou subjectifs établis par des acteurs dominants peu respectueux de nos agriculteurs…, Il a raison, c’est important ! …et ensuite – avancée stratégique pour redonner du poids aux agriculteurs dans les négociations – en renforçant les organisations de producteurs dont les accords-cadres primeront et ne pourront pas être contournés. C’est bien aussi ! Malgré ces dispositions que nous avons défendues, la suite du texte apparaît comme un ensemble de mesures généralement inutiles, et souvent beaucoup trop contraignantes pour nos agriculteurs. C’est le cas de l’encadrement des promotions et de l’augmentation du seuil de revente à perte, qui augmenteront les marges des distributeurs sans apporter quoi que ce soit aux producteurs. Pire encore, l’interdiction des ristournes et la séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques augmenteront sérieusement les coûts de production des exploitants. Alors que ce texte est censé leur redonner de l’oxygène, on leur rajoute des contraintes, des charges, des normes.
Comment comprendre, par ailleurs, le manque d’entrain flagrant du Gouvernement et de la majorité à encadrer les centrales d’achat et leurs regroupements ? Aujourd’hui, il y a seulement quatre acheteurs : ils font la loi dans les négociations et imposent des prix indécents à nos agriculteurs. Comment comprendre encore, que malgré nos demandes répétées, le médiateur des relations commerciales agricoles n’ait pas été doté de pouvoirs dissuasifs pour asseoir son autorité dans les discussions entre acteurs de la filière ?
Monsieur le ministre, ce texte n’est pas satisfaisant : entre les mesures données en gage à l’aile écolo-boboïsante de la majorité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) , celles, funestes, qui contribuent à accroître les charges de nos agriculteurs et celles qui ne serviront à rien, vous ne répondez pas de façon adaptée à la crise agricole.
C’est d’autant plus grave que l’avenir de notre agriculture est incertain : entre la possible diminution du budget de la politique agricole commune, sur laquelle le Président de la République est dramatiquement muet, et l’entrée en vigueur du CETA puis de l’accord avec le Mercosur, les menaces planent !
À ce stade de la discussion, compte tenu des éléments négatifs que j’ai évoqué, des quelques points positifs que nous avons pu ajouter au texte, mais aussi de notre espoir de voir le Sénat l’améliorer encore, notre groupe s’abstiendra. (« Quel courage ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nous manquons d’un cap clairement fixé pour l’avenir de notre agriculture. Il vous manque peut-être aussi, monsieur le ministre, une majorité volontaire et unie sur les questions agricoles. C’est pourquoi, en dépit de votre bonne volonté, vous avez manqué votre rendez-vous avec la profession agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Avant de mettre aux voix le projet de loi, je précise que nous avons consacré soixante-dix-sept heures et onze minutes de séance à ce texte, au cours desquelles nous avons examiné 2 310 amendements, dont 207 ont été adoptés.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi. (Il est procédé au scrutin.) (Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – De nombreux députés de ces mêmes groupes se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Après le vote du projet de loi, je tiens à remercier la représentation nationale pour la qualité des débats et des échanges que nous avons eus pendant ces soixante-dix-sept heures. En dépit des désaccords qui n’ont pu être surmontés, des inquiétudes qui peuvent subsister, nous avons travaillé dur, avec espoir, pour une agriculture fière d’elle-même, innovante et compétitive. Je salue celles et ceux qui se sont engagés aux côtés du Gouvernement pour défendre ce texte, l’amender, le transformer.
Permettez-moi de remercier Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, qui a fait un travail exceptionnel. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
Je remercie également Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. (Nouveaux applaudissements.)
Je remercie enfin Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. (Mêmes mouvements.)
Ce moment ressemble presque à une fin d’année scolaire : nous allons nous quitter, vous participerez à d’autres débats. Nous allons échanger nos adresses, et nous promettre de nous écrire en attendant de nous retrouver. (Sourires sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Parce que nous nous retrouverons, je vous le garantis : nous avons encore des choses à faire sur ce projet de loi, nous pouvons encore l’enrichir. Nous avons encore à travailler pour notre agriculture, dans la perspective des négociations commerciales qui s’ouvriront en octobre prochain.
Les ministres qui passent dans ce beau ministère suivent chacun leur voie, mais apportent leur pierre à un édifice commun : aucun n’y manque. Sauf Le Foll ! En cela, nous nous inscrivons dans une certaine continuité. L’agriculture française est unique :… Très bien ! …elle est l’honneur de notre pays et la fierté de l’Europe. Nous voulons continuer à la défendre, en rendant nos agriculteurs fiers d’eux-mêmes et la France fière de son agriculture, en travaillant au service de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.) La séance est reprise.
Ce projet de loi est celui – je dois bien l’avouer – qui m’a le plus marqué : huit jours et huit nuits de débats intenses, sans discontinuer. Toutefois, malgré la longueur des échanges, les débats ont été posés, intéressants, et j’ai éprouvé un réel plaisir à écouter les discours et les argumentations de tous les députés, d’où qu’ils viennent sur ces bancs.
Je vois dans cette loi agricole un véritable tournant, car elle conduit à un renversement complet de la méthode : l’inversion de la logique de construction des prix d’abord pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les acteurs, afin que chaque agriculteur soit rémunéré au juste prix payé ; la valorisation de produits alimentaires de qualité ensuite, tout particulièrement à travers la restauration collective.
Toutefois, si je reste convaincu que cette démarche est la bonne, il importe de convaincre nos agriculteurs du bien-fondé du texte, sans stigmatiser leurs pratiques, qui ont leur histoire et leurs raisons. Si nous n’emmenons pas les producteurs avec nous, je crains que ce projet de loi ne reste lettre morte. C’est pourquoi, au groupe MODEM et apparentés, nous sommes pour des temps d’adaptation, pour l’élaboration de plans de filière, pour un renforcement du rôle des interprofessions, pour une transformation du système, et non pour une opposition entre les uns et les autres.
Les questions du bien-être animal ou des produits phytopharmaceutiques sont légitimes et doivent être posées. Sur beaucoup de sujets, j’ai été frappé par la prise de conscience partagée sur tous les bancs de l’hémicycle. Les agriculteurs savent désormais qu’un changement de pratiques est non seulement nécessaire, mais inéluctable.
Nous avons, je crois, trouvé un équilibre sur les sujets qui ont fait les unes médiatiques : savoir dire non tout de suite aux néonicotinoïdes face à la chute dramatique des populations d’abeilles ; savoir dit non aux nouveaux projets de bâtiments d’élevage de poules en cage, mais laisser à la filière le temps de rentabiliser les investissements qui viennent d’être faits ; et savoir rappeler à nos agriculteurs les engagements forts du Président de la République sur le glyphosate, même si nous ne pouvions, à la fois, affirmer notre confiance à l’égard des agriculteurs qui se sont engagés et inscrire son interdiction dans la loi. Nous devons être collectivement, avec les agriculteurs, garants de l’engagement de notre majorité.
Je crois sincèrement que le travail parlementaire, que ce soit en commission ou en séance, a contribué à étendre la portée et la profondeur du texte. Cet enrichissement a été possible grâce à votre ouverture et à votre écoute, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, dont je vous remercie sincèrement, sans oublier le président Lescure. Mais j’ai eu aussi un grand plaisir à écouter des argumentations de qualité. Je vais saluer ici – je prie ceux que je ne citerai pas de m’excuser – Laurence Maillart-Méhaignerie, Monique Limon et Célia de Lavergne avec lesquelles nous avons bien travaillé. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.)
Cette semaine, Thierry Benoit et Antoine Herth ; de nombreux députés Les Républicains comme Vincent Descoeur, Arnaud Viala ou Véronique Louwagie ; Dominique Potier, Guillaume Garot, André Chassaigne ou Sébastien Jumel – pour ne citer qu’eux – m’ont fait progresser dans mes réflexions. J’associe également mes collègues du groupe MODEM, dont Marc Fesneau bien sûr, et tout particulièrement Richard Ramos dont le verbe nous a plusieurs fois convaincus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Nous attendions tous beaucoup de ce projet de loi, car il y va de l’avenir de notre agriculture. C’est une première étape. Nous attendons désormais, monsieur le ministre, les rendez-vous à venir sur l’installation des jeunes agriculteurs, le foncier agricole, la fiscalité, le stockage de l’eau, la nécessaire simplification des normes, le Mercosur ou encore la réforme de la politique agricole commune. Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM et apparentés votera avec enthousiasme ce projet de loi, mais avec l’exigence qu’il trouve sa pleine mesure avec tous les acteurs.
Permettez-moi d’émettre un regret pour finir mon propos, relatif au déroulement de la séance de cette nuit : des amendements de qualité ont été examinés trop rapidement en raison de l’heure tardive. C’est vrai ! Certains en ont même profité pour dénaturer les débats, donnant ainsi une très mauvaise image du travail parlementaire dans un débat qui avait été jusque-là de qualité et très bien mené. J’aimerais qu’il en soit tenu compte dans les réflexions sur l’évolution du travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM, sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI, Agir et indépendants. Mon cher ministre, mon cher président de la commission des affaires économiques, mon cher rapporteur, chers collègues, des États généraux de l’alimentation au texte de loi, le compte n’y est pas. Nous voilà au terme d’un marathon législatif, qui s’est achevé cette nuit. Je veux saluer la mobilisation des députés sur ce texte pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Je tiens à souligner votre parfaite implication dans ce temps législatif, monsieur le ministre, ainsi que celle de notre vaillant rapporteur, Jean-Baptiste Moreau ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM, LR et MODEM.) C’est sûr ! Même si nous n’étions pas toujours d’accord avec lui. J’ai également une pensée amicale pour Laurence Maillart-Méhaignerie. Vous vous êtes efforcé, monsieur le ministre, de répondre objectivement à l’ensemble des amendements soumis à la discussion par les députés. Tout au long des débats, les députés du groupe UDI-Agir ont pris, en responsabilité, leur part de travail et ont soutenu, au cours du débat, une agriculture moderne, qui rémunère dignement les agriculteurs et place l’enjeu social et humain au premier rang des préoccupations. Naturellement, l’enjeu environnemental est une exigence. Contrairement à ce que certains disent, je ne connais aucun député qui n’ait pris conscience de l’urgence écologique dans laquelle se trouve notre planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM, LR et MODEM.)
Les élus de bon sens sont unanimes pour arrêter l’usage du glyphosate et des néonicotinoïdes. Le Président de la République a fixé le terme de 2021 ; vous, monsieur le ministre, avez défini la méthode : concertation et mobilisation sans faille de tous les acteurs, pour trouver le plus vite possible des méthodes alternatives qui assureront résolument la protection de la biodiversité et augmenteront plus encore les critères de sécurité sanitaire.
S’agissant de la prise en compte du bien-être animal, c’est la même chose : diagnostic partagé avec les filières d’élevage afin d’accélérer les plans de filière et d’échafauder des programmes de mutation des techniques d’élevage. L’exemple de la filière de la poule pondeuse est emblématique de la volonté des éleveurs d’améliorer les conditions d’élevage et de prendre ainsi en compte cette réalité, inscrite dans la loi de 2015, que l’animal est un être sensible. Tout doit être mis en œuvre pour que, de leur naissance à leur mort, les animaux d’élevage aient une vie la plus paisible possible avec le moins de souffrance.
La qualité des denrées alimentaires françaises est, depuis toujours, tourné vers l’excellence. Le texte encourage encore plus tous les acteurs, de la terre à l’assiette, à prendre la nécessaire mesure de la notion d’alimentation saine et durable. C’est ainsi que le concept d’agriculture et de nutrition à vocation santé doit être repéré et valorisé. Il y va du bon état sanitaire des populations. L’acte de se nourrir, dans notre beau pays qui a inscrit la gastronomie au patrimoine mondial de l’UNESCO, doit rester un geste culturel noble, qui renforce le lien social entre les hommes.
Monsieur le ministre, depuis le début de nos travaux, je n’ai cessé de répéter que le cœur du sujet qui nous réunit aujourd’hui demeure le revenu des agriculteurs français,… Eh oui ! …car toute peine mérite salaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Maud Petit applaudit également.)
Je doute que les mesures inscrites dans ce projet de loi permettent une meilleure répartition de la valeur ajoutée et assurent un meilleur revenu aux agriculteurs. Eh oui ! C’était l’engagement du Président de la République que d’inverser le processus de construction du prix en proclamant que, dorénavant, les agriculteurs, à partir des indicateurs de coût de production, fixeraient les prix de négociation des produits agricoles. Mais le texte qui nous est proposé ne donne pas suffisamment de souveraineté aux producteurs pour améliorer l’équilibre des rapports de force entre les différents acteurs de la chaîne. Absolument ! Les relations commerciales doivent être moralisées. Monsieur le ministre, vous avez identifié, grâce aux actions du groupe UDI, Agir et indépendants conduites depuis de nombreuses années, le rôle et la place des centrales d’achat dans les relations commerciales. Il faut résoudre le problème de la concentration de la grande distribution, alors que la puissance publique a tardé à accompagner les agriculteurs dans une nécessaire structuration de l’offre en organisations de producteurs et en associations d’organisations de producteurs.
Enfin, les débats ne nous ont pas permis de mettre plus en avant la corrélation entre votre texte, monsieur le ministre, et la politique agricole commune en cours de discussion. En effet, avec 28 millions d’hectares de surface agricole utile, la France est, et doit rester, le premier pays agricole d’Europe. Cette fonction exportatrice ne doit pas être négligée. Merci de conclure, Monsieur Benoit. Quel plus beau métier que celui de nourrir des hommes ? Je le redis, nous avons les meilleurs agriculteurs du monde. Le métier d’agriculteur est certainement le plus beau métier, avec celui d’enseignant et de soignant. Veuillez conclure. Monsieur le ministre, je le répète, le groupe UDI, Agir et indépendants s’abstiendra sur ce texte. C’est une abstention d’alerte et de vigilance, car nous dénonçons des défaillances : le coût de la main-d’œuvre, la politique agricole commune, le foncier, et le plan de 5 milliards d’euros, qui n’est pas suffisamment développé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.) La parole est à M. Guillaume Garot. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, chers collègues, que reste-t-il des mois d’échanges dans le cadre des États généraux de l’alimentation ? Des agriculteurs, des responsables des entreprises de l’alimentation, des représentants syndicaux, des militants associatifs, des élus ont joué le jeu,… Absolument ! …formulé des propositions, esquissé des solutions, pour contribuer à une politique de l’alimentation qui puisse à la fois redonner du revenu aux agriculteurs et de la confiance aux consommateurs. C’était ça, le souffle des États généraux de l’alimentation ! C’est vrai ! C’était aussi l’espoir que la loi qui suivrait apporterait des réponses et tracerait un chemin pour la transition agricole et alimentaire dont notre pays a besoin.
Hélas, aujourd’hui, après les huit jours et huit nuits de débats, souvent de qualité – je tiens, à cet égard, à saluer M. le ministre et les deux rapporteurs –, qui se sont tenus sous le regard des Français, c’est la déception qui l’emporte, le sentiment d’une occasion manquée et d’un élan brisé. Eh oui ! Concernant le revenu des agriculteurs, les dispositions contenues dans le projet de loi s’inscrivent dans le prolongement de la loi Sapin 2, et visent à rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Nous espérons sincèrement qu’elles rempliront leur office.
Cependant, il ne faut pas bercer les agriculteurs d’illusions. Nous savons bien que les prix dépendent, le plus souvent, des marchés mondiaux, et que sans outil de régulation de ces marchés et de ces productions au plan européen, le relèvement du seuil de revente à perte ou l’inversion de la construction du prix n’auront que peu d’effet. Exactement ! Allons plus loin : nous sommes, hélas, bien loin de l’ambitieuse politique de l’alimentation que le Président de la République avait lui-même appelée de ses vœux à Rungis, en octobre dernier, en parlant d’une « nouvelle France agricole » et d’une transformation profonde de nos façons de produire et de consommer. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une confiance retrouvée des Français dans leur alimentation, après des années où se sont succédé des crises alimentaires et sanitaires. Le défi que nous avons à relever, c’est celui d’une alimentation de qualité pour tous, qui puisse vraiment rémunérer ceux qui font l’alimentation.
Je ne reviens pas sur le trouble créé par les contradictions du Gouvernement et de la majorité sur le glyphosate. Je ne reviens pas sur cette curieuse idée selon laquelle avant vous, monsieur le ministre, rien n’aurait été fait sur le bien-être animal, car c’est Stéphane Le Foll lui-même qui avait posé les fondements des mesures développées aujourd’hui. Eh oui ! Je veux plutôt vous présenter la démarche qui a été la nôtre : proposer pour avancer. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons fait des propositions très claires pour accompagner les filières et les industriels vers une alimentation plus saine, plus favorable à la santé. Vous avez refusé nos amendements en ce sens. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé d’encadrer la publicité à destination des enfants et des adolescents. Cela a aussi été refusé. Dans le droit fil des États généraux de l’alimentation, nous avons proposé une vraie éducation à l’alimentation, à l’école, avec un parcours éducatif dédié, pour transmettre des repères, en particulier nutritionnels, et pour rappeler la valeur culturelle, patrimoniale de l’alimentation, au-delà de sa valeur marchande. Cette disposition n’a pas trouvé davantage d’écho.
Nous avons également proposé, à l’initiative de notre collègue Dominique Potier, des mesures d’urgence pour lutter contre l’accaparement des terres, dont l’adoption aurait été un signal fort, dans l’attente d’une loi foncière. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Nouveau refus. Enfin, nous avons proposé, toujours sous l’impulsion de notre collègue Dominique Potier, un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires, qui attendent une réparation. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) Cette proposition a été votée à l’unanimité de nos collègues sénateurs, mais vous l’avez également refusée.
Nous avons proposé, vous avez rejeté. Nous avons tenu une comptabilité très simple : 2 310 amendements étaient en discussion, et sur les 110 déposés par le groupe Nouvelle Gauche, vous n’en avez retenu que 7. La promesse de travailler avec tous, gauche et droite, sans parti pris, est loin d’avoir été tenue. C’était une promesse manifestement sans lendemain. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG.) C’est évident ! Monsieur le ministre, chers collègues, nous continuerons de proposer pour avancer, mais vous ne nous laissez pas d’autres choix, aujourd’hui, que de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) La parole est à M. Loïc Prud’homme. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, lors de la discussion générale, j’ai cité deux exemples concrets, deux avancées possibles pour notre agriculture et notre alimentation qui représentaient, pour la majorité, deux d’occasions d’apporter la preuve de sa volonté de changer les choses ou, au contraire, de sa persistance à nous enfermer dans l’impasse sociale et environnementale dans laquelle nous nous trouvons. Il s’agissait de l’interdiction du glyphosate et de la fin des contenants plastiques dans les cantines scolaires. Sur ces deux sujets, vous avez refusé de prendre les décisions qui vont dans le sens de l’intérêt général – et ce ne sont pas là vos seuls renoncements. Tout à fait ! Votre projet de loi devait changer radicalement la répartition de la valeur produite par les agriculteurs, afin d’assurer à ces derniers un revenu décent. Il n’en sera rien.
Vous avez ainsi rejeté la proposition d’instituer des prix planchers pour garantir un revenu aux paysans. Exactement ! Vous avez surtout refusé de sanctionner l’achat d’un produit en dessous de son coût de production. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe FI.) Il n’y aura donc pas de revenu décent garanti pour les agriculteurs. Ceux-ci seront toujours les dindons de la farce.
Le titre de votre loi traduisait la volonté de promouvoir une alimentation saine et durable, mais quelle réalité qui cache derrière un tel discours ? Certes, l’article 11 prévoit d’inclure 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. Je reconnais cette timide avancée, même si son application est suspendue à la publication d’un décret. Cependant, vous refusez l’interdiction des contenants en plastique dans les cantines, laissant ainsi les perturbateurs endocriniens polluer les repas de nos enfants. Vous refusez notre proposition de rendre obligatoire l’étiquetage Nutri-Score, moyen pourtant simple et efficace de faire accéder toute la population à une information nutritionnelle. Vous ne faites aucun effort pour introduire des repas végétariens à la cantine, ni pour y réduire de 20 % la consommation de protéines animales. Mais le plus symptomatique de vos renoncements est sans doute votre refus d’encadrer la publicité pour la malbouffe à destination des enfants. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe FI.)
Par ailleurs, votre projet ne répond pas à une demande sociétale forte, partagée par de nombreux citoyens et députés : la prise en compte du bien-être animal. Dans ce domaine aussi, vous avez rejeté nos amendements, qu’il s’agisse de la fin des fermes usines, de l’interdiction de la castration à vif des porcelets ou de celle du broyage des poussins mâles – pour ne citer que ces exemples. Que d’horreurs ! Certes, l’Assemblée a voté l’interdiction de « la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cages ». Cependant, cela fait déjà bien longtemps qu’il ne se crée plus de telles exploitations, car plus personne ne choisit ce mode de production. Il fallait donc interdire dès aujourd’hui tous les élevages en cage, et accompagner les producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Vendredi dernier, monsieur le ministre, je vous entendais, en direct à la radio, fustiger « les petits marquis de l’écologie, ceux qui ont mis l’écologie politique par terre depuis dix ans, ceux qui ont fait en sorte que rien n’avance dans le domaine de l’écologie ». J’assume ! Regardons quelles sont les dispositions écologiques de votre projet de loi. D’abord, le glyphosate ne sera pas interdit dans trois ans, ni même dans cinq ou dix ans, contrairement aux promesses du Président de la République. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Menteur ! C’est une posture ! C’est de la désinformation ! Les populations ne seront toujours pas à l’abri des produits chimiques cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques répandus près de chez eux. En outre, vous entérinez un recul : le projet de loi prévoit de consacrer 15 % de la surface agricole utile à la culture biologique en 2022, alors qu’une loi de 2009 prévoyait d’y consacrer 20 %.
Monsieur le ministre, après huit jours et huit nuits de discussions, nous sommes fatigués. Nous sommes lassés de votre refus de comprendre les enjeux majeurs, environnementaux, sociaux ou de santé publique, qui se jouent actuellement dans nos prés et nos assiettes.
Beaucoup d’entre nous sont en colère, car l’influence des lobbies a, une fois de plus, inspiré une loi vide de sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Ce texte n’a réussi qu’une chose : nous faire perdre du temps à tous, depuis les États généraux de l’alimentation jusqu’à aujourd’hui. Pourtant, du temps, nous n’en avons plus, ni vous, ni nous, ni les agriculteurs, ni les consommateurs, ni les citoyens, ni les enfants, ni même les industriels – car lorsque les terres, nos ressources et nos propres organismes seront épuisés, il ne restera plus personne pour voter vos lois ni pour acheter leurs poisons.
Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et sur plusieurs bancs des groupes NG et GDR.) Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je veux moi aussi souligner la qualité de nos débats – sur la forme au moins –, mais voilà un texte bien fragile, qui déçoit profondément les agriculteurs de France, ces mêmes agriculteurs qui l’attendaient avec beaucoup d’espoir après les heures de co-élaboration dans le cadre des États généraux de l’alimentation. Les députés communistes ont abordé le débat sur ce projet de loi avec certaines priorités : permettre aux agriculteurs de vivre dignement du fruit de leur travail, redonner espoir à la jeune génération, mettre un terme à la course à l’agrandissement au profit d’une agriculture constituée de petites et moyennes fermes, pourvoyeuses d’emploi, et reconnaître la spécificité des outre-mer. En définitive, votre texte ne répond pas aux attentes ni inquiétudes les plus profondes sur la question du prix rémunérateur. Rien ne permet d’affirmer que les agriculteurs auront la main sur la définition des prix et obtiendront demain un revenu décent. Vous avez une nouvelle fois fait le choix de privilégier la loi du marché et non la loi qui protège. Alors qu’à l’image de tous les groupes de cet hémicycle, nous étions venus animés d’une volonté constructive, votre majorité a une nouvelle fois fait la démonstration de son dogmatisme en refusant le principe d’une loi qui régule, au niveau national comme européen.
Lorsque nous avons proposé de protéger les agriculteurs lors des négociations par la création d’indicateurs publics, vous avez crié à l’économie administrée, sombrant quelquefois dans la caricature. Les arbitrages de Paris-Bruxelles ont eu le dessus, à quelques aménagements près, comme sur le régime de sanctions. La grande distribution et les industries de la transformation peuvent se frotter les mains : aucune mesure ne vient en effet bousculer le rapport de forces actuel entre les géants de la grande distribution et de la transformation d’un côté, et les centaines de milliers de producteurs atomisés de l’autre. L’élévation du seuil de revente à perte pour les promotions ne changera rien, sinon que la facture des consommateurs augmentera sans la moindre retombée bénéfique pour les agriculteurs. C’est faux ! Les bonnes intentions qui vous animent, monsieur le ministre, ne suffisent pas. Nos agriculteurs sont aujourd’hui la proie des logiques mortifères de la libre concurrence. Chers collègues, pouvez-vous gagner vos places en faisant moins de bruit, car c’est compliqué pour M. Jumel de s’exprimer ? Respectez ceux qui ont assisté aux débats ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes UDI-Agir et NG.)
La négociation des traités de libre-échange comme le CETA – l’accord économique et commercial global, auquel vous avez trinqué – ou l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur aggravent la menace, tandis que la politique agricole commune se réduit progressivement comme peau de chagrin. Vous appelez à la patience et à la concertation, mais nos agriculteurs n’ont plus le temps. Ils sont pris à la gorge : 30 % d’entre eux gagnent moins de 350 euros par mois.
Sur la seconde partie du texte en débat, Gouvernement et majorité nous ont offert un florilège de mesures d’affichage qui n’étaient assorties d’aucune disposition d’accompagnement. Le texte fixe l’objectif louable de 50 % de produits bios ou du terroir dans les cantines d’ici 2022, mais la loi ne prévoit aucun dispositif d’accompagnement pour les communes et les familles défavorisées. C’est également le cas pour les mesures relatives au bien-être animal et aux produits phytosanitaires. Pourtant nos paysans sont pris au piège des logiques de dumping social et environnemental. On ne peut sortir de ces difficultés avec des mesures symboliques, sans harmonisation européenne et sans mieux protéger les frontières de l’Europe. Discuter des phytosanitaires sans parler de la façon dont on accompagne concrètement nos agriculteurs relève de la gesticulation. Nous sommes convaincus de l’exigence de sortir du glyphosate dans un délai de trois ans. Ce délai doit être tenu, mais la loi dont nous avons débattu et les amendements proposés en pleine nuit… Il a raison ! …ne prévoient aucun plan de sortie pour les agriculteurs de nature à faciliter la transformation des modes de culture, ni de plan de soutien à l’Institut national de la recherche agronomique. Au bout du compte, cette loi ne prévoit pas les moyens de cette sortie du glyphosate en trois ans, et nous le déplorons.
Nos paysans et nos concitoyens attendent du concret, non des positions de principe sans lendemain soutenues à grand renfort de communication. Nous attendons du Gouvernement qu’il soumette à la représentation nationale le plan de sortie du glyphosate promis, à la hauteur des défis du monde agricole, et nous le voterons à condition qu’il prévoie un accompagnement des agriculteurs et de la recherche fondamentale. (M. Jean-Yves Bony applaudit.)
Un constat s’impose : du côté des agriculteurs comme de celui des ONG, vous avez failli aux attentes, vous avez failli aux espérances. Où est passée la loi qui protège ? Qu’est devenue la volonté qui animait les États généraux de l’alimentation ? Pourquoi cette obstination à ne pas entendre la frustration et la colère de nos agriculteurs ? Monsieur le ministre, la révolution promise n’est manifestement pas au rendez-vous ; vous lui avez substitué un paquet de mesures de marketing, un écran de fumée destiné à camoufler les souffrances de la France rurale. Toutes ces raisons nous conduiront à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jérôme Lambert applaudit également.) La parole est à Mme Monique Limon, pour le groupe La République en marche. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, chers collègues, au terme d’un travail sans égal en commission et après huit jours et huit nuits au sein de cet hémicycle, c’est avec – je dois l’avouer – un peu de fatigue, mais surtout une grande fierté et beaucoup de bonheur que je défends aujourd’hui le vote du groupe La République en marche en faveur du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. Je tiens à souligner et à saluer la qualité de nos débats sur des sujets divers et complexes, ainsi que la mobilisation et l’engagement des députés sur tous les bancs de cet hémicycle. Nos débats ont été passionnés car l’agriculture est au cœur de ce qu’est la France. L’agriculture nous nourrit, elle est un formidable atout économique pour nos territoires, elle transforme nos paysages, elle nous concerne tous, de près ou de loin, et je crois que les sujets dont nous avons débattu au cours de ces derniers jours le démontrent.
Le 20 juillet 2017, nous étions nombreux à Bercy pour le lancement des États généraux de l’alimentation. Le constat était alors multiple : des agriculteurs en souffrance, un modèle en perte de compétitivité, une volatilité des prix, mais également des attentes de plus en plus fortes des consommateurs. Après plusieurs mois de consultations et de travail, tant au niveau national que dans nos territoires, le texte que nous allons voter aujourd’hui représente la traduction législative de ces efforts. Il s’articule autour de deux piliers qu’il me semble essentiel de rappeler. Le premier est le juste prix pour nos agriculteurs : c’est l’objet même du titre I, avec l’inversion de la construction du prix pour prendre en compte les coûts de production, l’encadrement des promotions pour stopper la guerre des prix, toujours tirés au plus bas pour les producteurs, le rehaussement de 10 % du seuil de revente à perte ou encore les nouvelles clauses de renégociation. Le deuxième pilier renvoie à une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec l’objectif des 50 % de produits bios et locaux dans la restauration collective d’ici 2022, une meilleure prise en compte du bien-être animal afin de répondre à la demande de plus en plus forte de nos concitoyens, mais également la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires grâce à la séparation de la vente et du conseil. Ce projet de loi met en œuvre de nombreux engagements du Président de la République, la marque de fabrique de notre majorité étant le respect de la parole donnée pour restaurer la confiance.
Ils seront nombreux à trouver que nous ne sommes pas allés assez loin, mais il faut reconnaître que ce texte opère un tournant. Nous devons tous nous féliciter des nombreuses avancées que les parlementaires ont introduites dans le projet de toi, et je veux en citer quelques-unes : le renforcement du rôle du médiateur ; la modulation des sanctions en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires – c’était la demande de l’ensemble des groupes parlementaires en commission et nous devons nous réjouir que cette évolution ait été adoptée en séance ; le renforcement du contrôle des rapprochements de centrales d’achat. Nous avons également adopté de nombreuses mesures pour permettre à tous les Français d’avoir accès à une alimentation saine, sûre et durable, avec en particulier l’introduction d’un plan de diversification des protéines pour répondre à la demande toujours plus forte des citoyens ; l’interdiction de toute nouvelle installation d’élevage de poules en cages ; l’introduction d’un dispositif expérimental de contrôle par vidéo dans les abattoirs ; ou encore l’interdiction de l’utilisation de bouteilles en plastique dans le cadre des services de restauration collective d’ici le 1er janvier 2020.
Ce texte est une première étape autour d’autres chantiers qui se concrétiseront dans les mois à venir : la feuille de route de l’alimentation, la question du foncier agricole ou encore la réforme de la fiscalité. La loi apporte des outils pour traduire les objectifs, mais ceux-ci ne pourront être atteints que si les professionnels s’en emparent. Nous serons à leurs côtés pour réussir la transformation de notre modèle agricole.
Vous l’aurez donc compris, le groupe La République en marche se félicite des nombreuses avancées obtenues en commission et en séance publique et soutient avec enthousiasme ce projet de loi ambitieux… Ambitieux ? Certainement pas ! …et tourné vers l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Plusieurs députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. Jérôme Nury, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, après des heures, des jours et des nuits de travail… Des week-ends, même ! …en commission et en séance publique, dignes des vêlages les plus critiques, nous voici arrivés au terme de l’examen en première lecture de ce texte tant attendu par la profession agricole. Je veux d’abord vous remercier, monsieur le ministre, pour la qualité de votre écoute tout au long du processus de l’examen de ce projet de loi et pour votre implication personnelle dans la bonne tenue de nos débats. Très bien ! Alors que nous allons devoir nous prononcer sur ce texte, je dois avouer être plus Normand que jamais. Entre la philosophie générale plutôt positive du titre I et les fortes contraintes supplémentaires imposées aux agriculteurs dans le titre II, entre les avancées intéressantes pour redéfinir les relations contractuelles et le manque criant de volontarisme pour redonner du poids aux agriculteurs, je suis partagé, dubitatif et inquiet.
Ce texte, dans la version que nous transmettrons au Sénat, n’est pas à la hauteur des enjeux. Les enjeux, monsieur le ministre, vous les connaissez : il s’agit ni plus ni moins que de sauver notre modèle agricole, l’agriculture française, celle qui irrigue nos campagnes, celle qui façonna notre histoire et notre géographie, celle qui se transmet souvent de génération en génération, celle que nous avons tous dans notre ADN. Il s’agit de redonner de l’espoir à ces centaines de milliers d’hommes et de femmes qui, dans nos territoires ruraux, désespèrent de travailler dix à douze heures par jour, souvent sept jours sur sept, sans vacances ni week-ends, pour seulement quelques centaines d’euros par mois. Il s’agit de donner des perspectives positives à des cultivateurs qui – notamment dans mon département de l’Orne – produisent du blé à perte, à des éleveurs qui voient ce mois-ci le prix de la tonne de lait passer à moins de 300 euros – une évolution dramatique. Beaucoup ne croient plus en leur métier, qu’ils aiment pourtant profondément ; beaucoup souhaitent même le quitter. Ce texte, c’est la dernière bouée de sauvetage que nous pouvons leur tendre dans cette tempête de détresse qui s’abat sur le monde agricole. Or j’ai le sentiment qu’on leur lance une bouée dégonflée, car une fois encore, avec la méthode habituelle que nous connaissons depuis près d’un an, le verbe est haut mais les actes sont faibles.
Oui, monsieur le ministre, il est à craindre que les états généraux n’aboutissent qu’à des déceptions. Au début de nos débats, nous avions pourtant tiré la sonnette d’alarme sur les risques d’un texte insuffisamment volontariste pour inverser le rapport de forces entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs. Et à l’issue de nos discussions, nous ne sommes pas plus rassurés. Certes, nous avons pu introduire, grâce aux députés Les Républicains, des améliorations importantes dans l’article 1er, d’abord en prévoyant la neutralité des indicateurs de coûts, ce qui évite les indicateurs tronqués ou subjectifs établis par des acteurs dominants peu respectueux de nos agriculteurs…, Il a raison, c’est important ! …et ensuite – avancée stratégique pour redonner du poids aux agriculteurs dans les négociations – en renforçant les organisations de producteurs dont les accords-cadres primeront et ne pourront pas être contournés. C’est bien aussi ! Malgré ces dispositions que nous avons défendues, la suite du texte apparaît comme un ensemble de mesures généralement inutiles, et souvent beaucoup trop contraignantes pour nos agriculteurs. C’est le cas de l’encadrement des promotions et de l’augmentation du seuil de revente à perte, qui augmenteront les marges des distributeurs sans apporter quoi que ce soit aux producteurs. Pire encore, l’interdiction des ristournes et la séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques augmenteront sérieusement les coûts de production des exploitants. Alors que ce texte est censé leur redonner de l’oxygène, on leur rajoute des contraintes, des charges, des normes.
Comment comprendre, par ailleurs, le manque d’entrain flagrant du Gouvernement et de la majorité à encadrer les centrales d’achat et leurs regroupements ? Aujourd’hui, il y a seulement quatre acheteurs : ils font la loi dans les négociations et imposent des prix indécents à nos agriculteurs. Comment comprendre encore, que malgré nos demandes répétées, le médiateur des relations commerciales agricoles n’ait pas été doté de pouvoirs dissuasifs pour asseoir son autorité dans les discussions entre acteurs de la filière ?
Monsieur le ministre, ce texte n’est pas satisfaisant : entre les mesures données en gage à l’aile écolo-boboïsante de la majorité (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM) , celles, funestes, qui contribuent à accroître les charges de nos agriculteurs et celles qui ne serviront à rien, vous ne répondez pas de façon adaptée à la crise agricole.
C’est d’autant plus grave que l’avenir de notre agriculture est incertain : entre la possible diminution du budget de la politique agricole commune, sur laquelle le Président de la République est dramatiquement muet, et l’entrée en vigueur du CETA puis de l’accord avec le Mercosur, les menaces planent !
À ce stade de la discussion, compte tenu des éléments négatifs que j’ai évoqué, des quelques points positifs que nous avons pu ajouter au texte, mais aussi de notre espoir de voir le Sénat l’améliorer encore, notre groupe s’abstiendra. (« Quel courage ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nous manquons d’un cap clairement fixé pour l’avenir de notre agriculture. Il vous manque peut-être aussi, monsieur le ministre, une majorité volontaire et unie sur les questions agricoles. C’est pourquoi, en dépit de votre bonne volonté, vous avez manqué votre rendez-vous avec la profession agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Avant de mettre aux voix le projet de loi, je précise que nous avons consacré soixante-dix-sept heures et onze minutes de séance à ce texte, au cours desquelles nous avons examiné 2 310 amendements, dont 207 ont été adoptés.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi. (Il est procédé au scrutin.) (Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – De nombreux députés de ces mêmes groupes se lèvent et applaudissent.) La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Après le vote du projet de loi, je tiens à remercier la représentation nationale pour la qualité des débats et des échanges que nous avons eus pendant ces soixante-dix-sept heures. En dépit des désaccords qui n’ont pu être surmontés, des inquiétudes qui peuvent subsister, nous avons travaillé dur, avec espoir, pour une agriculture fière d’elle-même, innovante et compétitive. Je salue celles et ceux qui se sont engagés aux côtés du Gouvernement pour défendre ce texte, l’amender, le transformer.
Permettez-moi de remercier Jean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques, qui a fait un travail exceptionnel. (Mmes et MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
Je remercie également Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. (Nouveaux applaudissements.)
Je remercie enfin Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques. (Mêmes mouvements.)
Ce moment ressemble presque à une fin d’année scolaire : nous allons nous quitter, vous participerez à d’autres débats. Nous allons échanger nos adresses, et nous promettre de nous écrire en attendant de nous retrouver. (Sourires sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Parce que nous nous retrouverons, je vous le garantis : nous avons encore des choses à faire sur ce projet de loi, nous pouvons encore l’enrichir. Nous avons encore à travailler pour notre agriculture, dans la perspective des négociations commerciales qui s’ouvriront en octobre prochain.
Les ministres qui passent dans ce beau ministère suivent chacun leur voie, mais apportent leur pierre à un édifice commun : aucun n’y manque. Sauf Le Foll ! En cela, nous nous inscrivons dans une certaine continuité. L’agriculture française est unique :… Très bien ! …elle est l’honneur de notre pays et la fierté de l’Europe. Nous voulons continuer à la défendre, en rendant nos agriculteurs fiers d’eux-mêmes et la France fière de son agriculture, en travaillant au service de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La séance est suspendue. (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.) La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (nos 846, 971, 881, 942, 944).
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de cinquante heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : pour le groupe La République en marche, douze heures et cinquante-cinq minutes ; pour le groupe Les Républicains, douze heures et vingt minutes ; pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, quatre heures et cinq minutes ; pour le groupe UDI, Agir et indépendants, cinq heures et cinquante-cinq minutes ; pour le groupe Nouvelle Gauche, cinq heures et quarante-cinq minutes ; pour le groupe La France insoumise, quatre heures et trente-cinq minutes ; pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, quatre heures et trente minutes. Les députés non inscrits, quant à eux, disposent d’un temps de parole d’une heure. Rappel au règlement, madame la présidente ! La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 55, alinéa 6, pour demander des précisions sur la date et l’heure auxquelles ont été déposés les amendements du Gouvernement. En effet, je souhaiterais savoir si ses quelque vingt et un amendements, qui portent sur neuf articles du projet de loi, ont bien tous été déposés avant l’expiration du délai de dépôt opposable aux députés, c’est-à-dire au plus tard samedi à dix-sept heures, et sans rectification après l’expiration dudit délai. L’article 55, alinéa 6, précise que si des amendements ont été déposés par le Gouvernement ou la commission saisie au fond après ce délai, « un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe […] », à raison de dix minutes par article concerné. Cela serait pour nous extrêmement intéressant puisque chaque groupe disposerait jusqu’à une heure et demie de plus pour pouvoir échanger sur ce projet de loi, voire plus encore si la commission saisie au fond en a déposés après l’expiration du délai sur d’autres articles. J’ai bien conscience, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, que cela ne vous permettrait sans doute pas de rentrer assez tôt dans votre très beau département du Cantal, en Auvergne, mais nous sommes prêts, s’il le faut, à prolonger les débats pour aller au fond des choses. Très bien ! Monsieur Chassaigne, après vérifications des services, il s’avère que les amendements que vous évoquez ont bien tous été déposés avant l’expiration du délai. Il n’y a donc pas pour votre groupe de temps de parole supplémentaire attribué. J’aimerais savoir si certains de ces amendements ont été rectifiés – scindés en deux par exemple – postérieurement, et si cela entraînerait alors l’attribution d’un temps de parole supplémentaire au titre de l’article concerné. Je suppose que ce cas a dû déjà se produire ou cette éventualité étudiée sur le fond, et que la présidence est en mesure de me répondre. Un des amendements a en effet été scindé après le délai, mais par les services et pour des raisons uniquement légistiques, et cela ne vous offre pas de temps supplémentaire. Ah bon ? La parole est à M. François Pupponi, pour un rappel au règlement. Sur le fondement du même article. On aimerait savoir à quelle heure ces amendements ont été déposés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Eh oui ! D’accord, on va commencer… et nous, on va même durer, mais si vous, les députés de La République en marche, pouviez arrêter vos réflexions avant même que ne commencent les débats, ce serait bien. Au bout de deux minutes, on entend déjà des réflexions ! Vous pouvez parler, non ? Je ne vais pas m’en priver.
Je réitère ma question : à quelle heure ont-ils été déposés et sont-ils encore en traitement, car si c’est le cas – ce que je suppose –, cela rouvre un droit d’amendement sur les mêmes articles pour les députés. Il a raison ! Il y a confirmation par les services que tous les amendements ont été déposés avant l’expiration du délai.
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de cinquante heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : pour le groupe La République en marche, douze heures et cinquante-cinq minutes ; pour le groupe Les Républicains, douze heures et vingt minutes ; pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés, quatre heures et cinq minutes ; pour le groupe UDI, Agir et indépendants, cinq heures et cinquante-cinq minutes ; pour le groupe Nouvelle Gauche, cinq heures et quarante-cinq minutes ; pour le groupe La France insoumise, quatre heures et trente-cinq minutes ; pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, quatre heures et trente minutes. Les députés non inscrits, quant à eux, disposent d’un temps de parole d’une heure. Rappel au règlement, madame la présidente ! La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 55, alinéa 6, pour demander des précisions sur la date et l’heure auxquelles ont été déposés les amendements du Gouvernement. En effet, je souhaiterais savoir si ses quelque vingt et un amendements, qui portent sur neuf articles du projet de loi, ont bien tous été déposés avant l’expiration du délai de dépôt opposable aux députés, c’est-à-dire au plus tard samedi à dix-sept heures, et sans rectification après l’expiration dudit délai. L’article 55, alinéa 6, précise que si des amendements ont été déposés par le Gouvernement ou la commission saisie au fond après ce délai, « un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe […] », à raison de dix minutes par article concerné. Cela serait pour nous extrêmement intéressant puisque chaque groupe disposerait jusqu’à une heure et demie de plus pour pouvoir échanger sur ce projet de loi, voire plus encore si la commission saisie au fond en a déposés après l’expiration du délai sur d’autres articles. J’ai bien conscience, monsieur le ministre de la cohésion des territoires, que cela ne vous permettrait sans doute pas de rentrer assez tôt dans votre très beau département du Cantal, en Auvergne, mais nous sommes prêts, s’il le faut, à prolonger les débats pour aller au fond des choses. Très bien ! Monsieur Chassaigne, après vérifications des services, il s’avère que les amendements que vous évoquez ont bien tous été déposés avant l’expiration du délai. Il n’y a donc pas pour votre groupe de temps de parole supplémentaire attribué. J’aimerais savoir si certains de ces amendements ont été rectifiés – scindés en deux par exemple – postérieurement, et si cela entraînerait alors l’attribution d’un temps de parole supplémentaire au titre de l’article concerné. Je suppose que ce cas a dû déjà se produire ou cette éventualité étudiée sur le fond, et que la présidence est en mesure de me répondre. Un des amendements a en effet été scindé après le délai, mais par les services et pour des raisons uniquement légistiques, et cela ne vous offre pas de temps supplémentaire. Ah bon ? La parole est à M. François Pupponi, pour un rappel au règlement. Sur le fondement du même article. On aimerait savoir à quelle heure ces amendements ont été déposés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Eh oui ! D’accord, on va commencer… et nous, on va même durer, mais si vous, les députés de La République en marche, pouviez arrêter vos réflexions avant même que ne commencent les débats, ce serait bien. Au bout de deux minutes, on entend déjà des réflexions ! Vous pouvez parler, non ? Je ne vais pas m’en priver.
Je réitère ma question : à quelle heure ont-ils été déposés et sont-ils encore en traitement, car si c’est le cas – ce que je suppose –, cela rouvre un droit d’amendement sur les mêmes articles pour les députés. Il a raison ! Il y a confirmation par les services que tous les amendements ont été déposés avant l’expiration du délai.