Deuxième séance du mardi 04 mai 2021
- Présidence de M. Richard Ferrand
- 1. Hommage à Stéphanie Montfermé
- 2. Bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte
- 3. Questions au Gouvernement
- Irresponsabilité pénale
- Assassinat de Stéphanie Montfermé
- Politique écologique
- Règles de visite dans les EHPAD
- Prix des vaccins
- Affaire Sarah Halimi
- Lutte contre les paradis fiscaux
- Violences urbaines dans la Drôme
- Réouverture des lieux de culture
- Stratégie vaccinale
- Proposition de loi relative aux langues régionales
- FerroPem
- Stratégie de déconfinement
- Réforme de l’assurance chômage
- Sanctions diplomatiques de la Russie
- Coût des matières premières dans le secteur du BTP
- Aides aux agriculteurs de la Drôme
- Déprogrammation d’un documentaire sur France Télévisions
- Situation au Tchad
- Débat national sur la consommation de drogue
- Lutte contre la dengue et le covid-19 à La Réunion
- Négociations sur la pêche dans le cadre du Brexit
- Sauvegarde de l’emploi sur le site General Electric de Belfort
- Situation de la pédopsychiatrie
- Réforme de l’irresponsabilité pénale
- 4. Lutte contre le dérèglement climatique
- 5. Action de l’État à l’égard des plus précaires durant la crise sanitaire
- M. Belkhir Belhaddad (LaREM)
- M. Philippe Benassaya (LR)
- M. Christophe Naegelen (UDI-I)
- M. Alain David (SOC)
- M. Paul Christophe (Agir ens)
- M. Luc Geismar (Dem)
- Mme Martine Wonner (LT)
- M. Adrien Quatennens (FI)
- Mme Elsa Faucillon (GDR)
- Mme Fadila Khattabi (LaREM)
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles
- Mme Danièle Hérin (LaREM)
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
- Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe (LaREM)
- M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
- 6. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Richard Ferrand
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Hommage à Stéphanie Montfermé
M. le président
Le 23 avril dernier, alors qu’elle venait de reprendre son service au commissariat de Rambouillet, Mme Stéphanie Montfermé a été sauvagement assassinée. La police nationale a été une nouvelle fois victime du terrorisme islamiste et la nation tout entière est endeuillée. Au nom de l’Assemblée nationale, je salue la mémoire de Mme Stéphanie Montfermé et j’adresse à ses proches et à ses collègues nos plus sincères condoléances. Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes
2. Bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte
M. le président
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, avant d’ouvrir les questions au Gouvernement, je vous propose d’interroger notre histoire. Demain, vous le savez, la France commémorera le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, qui s’est éteint le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène.
Cet anniversaire, depuis quelques mois, donne lieu à de multiples discussions et controverses. Tant mieux, car ces débats prouvent la vitalité démocratique de notre pays ainsi que le goût des Français pour les analyses historiques. C’est au fond la gloire de Napoléon que de pouvoir ainsi susciter tant d’intérêt deux siècles après sa disparition. Nul ne règne innocemment, nul ne réforme un pays sans se faire d’ennemis, et puis il y a de bonnes raisons d’adresser des reproches aux mânes de Napoléon Bonaparte – le rétablissement de l’esclavage, à lui seul, entache gravement sa mémoire. Nous autres, députés, ne pouvons non plus approuver l’homme du 18 brumaire, qui bouscula le Parlement.
Mais reconnaissons que nous lui devons aussi la colonnade du palais Bourbon, qui est devenue aujourd’hui l’emblème de notre démocratie, par l’un de ces détours de l’histoire qui en montre toute la complexité. De même, nous aimons nos lycées, créations de Napoléon, nous respectons nos préfets, la Cour des comptes, le Conseil d’État, la Légion d’honneur, le code civil,…
M. Stéphane Peu
Pourquoi ne pas commémorer aussi la Commune ?
M. le président
…toutes ces masses de granit qu’il jeta sur le sol de France et sur lesquelles s’est bâtie notre modernité.
Bien sûr, et c’est heureux, les lycées actuels sont plus ouverts qu’en 1802. Bien sûr, le code civil de 2021 donne aux femmes plus de droits que l’ancien code Napoléon. Bien sûr, nous sommes en paix avec nos voisins européens, qui partagent maintenant nos idéaux. C’est là le résultat d’autres batailles, d’autres combats, parce que notre république démocratique et sociale ne s’est pas construite en un jour.
En 1840 déjà, dans cet hémicycle même, les députés s’affrontaient sur la mémoire de Napoléon. J’ai demandé la réédition de ces débats si éclairants d’intelligence et j’ai souhaité que soient exposés à la bibliothèque de l’Assemblée nationale les documents exceptionnels qui sont conservés au palais Bourbon pour la mémoire de Napoléon, comme sa lettre d’abdication, une abdication parlementaire, et le plan de son tombeau.
En 1840, il était demandé à nos collègues d’approuver des crédits pour le retour des cendres de l’ancien empereur. Bonapartistes et anti-bonapartistes ferraillèrent magnifiquement par de superbes envolées oratoires qui célébraient « le grand capitaine » ou fustigeaient son despotisme, tandis qu’Alphonse de Lamartine, pourtant très critique, invitait ses collègues à accueillir le souvenir de Napoléon avec recueillement, mais sans fanatisme. C’est la bonne méthode. Au nom de la représentation nationale, je souhaite qu’elle soit appliquée au citoyen Napoléon Bonaparte, général de la Révolution, emprisonné en 1794 pour robespierrisme et empereur de la complexité historique.
À notre tour, sachons nous pencher sur notre passé avec mesure et discernement, sachons reconnaître les mérites et, dans cette vaste fresque de la France moderne que nous nous efforçons de poursuivre, sachons ne pas réduire les grandes dates et les grands hommes à de petits slogans. (Applaudissements
3. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Irresponsabilité pénale
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
Monsieur le président, avec l’ensemble des députés du groupe Les Républicains, je veux tout d’abord m’associer avec force et émotion à l’hommage que vous avez rendu à Stéphanie Montfermé. (Applaudissements
Monsieur le garde des sceaux, le meurtre antisémite, abject, de Sarah Halimi, battue et défenestrée en 2017, a choqué tous les Français. Aujourd’hui, il les choque doublement, par son extrême sauvagerie et parce que son auteur ne sera pas jugé. La cour d’appel de Paris, puis la Cour de cassation, le 14 avril dernier, en ont décidé ainsi. L’expertise psychiatrique a conclu à son irresponsabilité, car il a agi consécutivement à la consommation de cannabis.
Cette décision pose la question des conditions de l’abolition du discernement ; elle a suscité un débat controversé, et de nombreuses critiques sur le fonctionnement de notre justice. Comme l’insécurité alimente un sentiment d’insécurité, cette décision injuste alimente un sentiment de défiance envers l’institution judiciaire et d’impunité. Comment admettre, en effet, monsieur le garde des sceaux, que la consommation volontaire d’une quelconque substance altérant le comportement puisse exempter de toute responsabilité ?
Il est des limites morales qui appellent à des évolutions légales. Ce que vous qualifiez pudiquement de vide juridique ne confine-t-il pas plutôt tout simplement à l’absurdité ? Parce que le droit n’est rien sans les faits, parce qu’il doit s’en nourrir, il est impératif de clarifier, à l’aune de cette dramatique affaire, les causes et les conditions de l’irresponsabilité pénale et de prendre toutes les dispositions permettant de faire évoluer la loi. Jamais la consommation volontaire de drogue ne pourra servir de rempart à un procès. Aussi les Français…
M. le président
Merci, monsieur le député.
M. Éric Pauget
…attendent du Gouvernement des mesures qui renforcent notre pacte républicain, qui renforcent notre justice et sa vocation : la rendre. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous…
M. le président
Merci, monsieur le député. (Applaudissements
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Je veux tout d’abord m’incliner avec respect devant le chagrin des familles Attal et Halimi. J’ai mesuré comme vous, bien sûr, l’émoi suscité dans notre pays par la décision rendue par la Cour de cassation. Le Président de la République m’a demandé d’intervenir et de préparer un texte. Doit-on distinguer entre le fou, qu’il n’est pas question de juger – ce serait une régression, un retour au Moyen-Âge – et celui qui doit sa folie à la consommation de produits psychotropes ? Je le dis ici, devant la représentation nationale : oui, il faut distinguer ces deux situations. (Applaudissements
Pour autant, bien sûr, deux lignes rouges doivent limiter notre réflexion. Premièrement, je l’ai déjà dit, on ne juge pas les fous ; deuxièmement, bien évidemment, on ne peut condamner un homme pour un crime si son discernement est aboli. (M. Erwan
Je vous l’ai dit, le Président de la République m’a demandé d’intervenir, je consulte des psychiatres, des magistrats, des avocats,…
M. Pierre Cordier
Il faut d’abord du bon sens !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
…des représentants des cultes. Je me suis nourri du travail des anciens députés Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, de l’avis de l’avocat général, de la lecture, bien sûr, de l’arrêt, et j’aurai l’honneur, fin mai, de présenter un texte que j’espère, vous voterez. (Applaudissements
Un député
C’était nul !
Assassinat de Stéphanie Montfermé
M. le président
La parole est à Mme Aurore Bergé.
Mme Aurore Bergé
Monsieur le Premier ministre, Stéphanie Montfermé avait quarante-neuf ans. Elle était une épouse, une mère, une amie, une collègue. Elle a travaillé pendant vingt-huit ans au service de la France et des Français. Elle était fonctionnaire de police au commissariat de Rambouillet et, il y a dix jours, elle a été assassinée par le terrorisme islamiste, endeuillant une nouvelle fois le territoire des Yvelines, après les attentats de Magnanville et de Conflans-Sainte-Honorine.
Monsieur le Premier ministre, le format de cette prise de parole impose à chaque parlementaire de formuler une question. J’avoue avoir beaucoup hésité quant à la manière de vous la poser, tant elle l’a déjà été. D’autres présidents de la République, d’autres premiers ministres se sont rendus dans des territoires ensanglantés par le terrorisme islamiste ; ils ont consolé des familles, pris des engagements, changé la loi. Pourtant, cette question perdure.
Cette question, nous nous la posons et vous vous la posez, monsieur le Premier ministre. C’est la question que notre peuple, au plus profond de lui-même, se pose. C’est une question que chaque Français, soucieux du destin de son pays et amoureux de la France, se pose. C’est la question qui assombrit nos joies et taraude les foules qui défilent au lendemain des crimes ignobles. C’est une question qui devrait nous unir, quand, trop souvent, elle nous sépare. C’est une question que les populistes ne se posent pas – ils ont déjà des réponses toutes faites. C’est une question que l’extrême gauche ne se pose pas – pour elle, la question n’existe pas. Mais cette question perdure, car, à la fin de la journée, qui meurt ? Des serviteurs de l’État, des fonctionnaires, des militaires, des policiers, des gendarmes, des journalistes, des enseignants, des jeunes aux terrasses des cafés, des Français juifs, sur lesquels on a tiré à bout portant dans une école, ou qu’on a défenestrés.
Monsieur le Premier ministre, cette question est simple et je vous la pose avec toute la solennité qui s’impose : quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer nos moyens de lutte contre le terrorisme islamiste ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Avec vous, madame Aurore Bergé, et avec la représentation nationale, je veux évidemment, au nom du Gouvernement et à la suite du Premier ministre – qui est intervenu dans une très digne et très belle cérémonie honorant cette policière de Rambouillet, sa famille et ses collègues – rendre hommage à Stéphanie Montfermé, à son parcours et condamner une nouvelle fois le terrorisme islamiste qui, comme vous l’avez dit, touche la France.
Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy et les ignobles attentats de l’école juive de Toulouse, depuis le quinquennat du président Hollande – chacun se souvient des horreurs qu’ont alors connues Paris et d’autres villes de France –, jusqu’à la présidence d’Emmanuel Macron aujourd’hui, tous les pays européens et, si j’ose d’ire, tous les pays du monde, ont connu la barbarie islamiste.
Madame Bergé, nous nous posons les mêmes questions que vous. Nous constatons, malgré les trente-cinq attentats déjoués par les services de renseignement français depuis janvier 2017, malgré le doublement du budget de la DGSI – Direction générale de la sécurité intérieure –, malgré le recrutement de 1 900 policiers supplémentaires dans les services de renseignement, malgré les textes importants votés sous plusieurs majorités, qui nous aident à déjouer ces attentats, que l’hydre islamiste continue à tuer à travers le monde et singulièrement en France.
Les neuf derniers attentats ont été commis par des individus qui n’étaient pas connus des services de renseignement. C’est cette confluence vers le terrorisme que nous devons empêcher, par le travail de lutte contre le séparatisme – le « djihadisme d’atmosphère », comme le dit Gilles Kepel –, mais aussi en promouvant « la société de vigilance », à la suite de M. le Président de la République, en luttant contre l’islamisme radical, et en même temps, évidemment, en assurant une meilleure détection, une meilleure maîtrise de nos frontières et un soutien encore renforcé aux forces de l’ordre. (Applaudissements
Politique écologique
M. le président
La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien Quatennens
Monsieur le Premier ministre, de retour de son voyage sur la Station spatiale internationale, où il se trouve de nouveau en ce moment, l’astronaute français Thomas Pesquet disait combien, depuis là-haut, la fragilité de la planète devenait très concrète. De là-haut, on ne distingue pas de frontières, pas de conflits ethniques, pas de différences d’appartenance religieuse. De là-haut, on ne voit que le grand bateau sur lequel l’humanité, une et indivisible, est embarquée.
Ce bateau fait naufrage, nous le savons : le changement climatique est commencé ; l’écosystème compatible avec la vie humaine est menacé. Nous sommes entrés dans la décennie décisive pour l’humanité.
Pour contenir le réchauffement climatique dans la limite acceptable définie par les accords de Paris sur le climat, il nous faut diviser par cinq, d’ici à 2030, les émissions de gaz à effet de serre dues à nos activités. Si nous faisons moins bien, nous franchirons des points de bascule irréversibles ; ce sera un grand saut dans l’inconnu.
Le 29 juin dernier, dans les jardins de l’Élysée, Emmanuel Macron s’engageait devant les 150 citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat à reprendre 146 de leurs 149 propositions. Mais, depuis lors, vos amis les lobbys et votre volonté de ne jamais déranger les puissants sont passés par là.
L’écologie sans lutte des classes, c’est du jardinage ! Votre projet de loi ne s’attaque pas à la responsabilité des grandes entreprises, ni à celle des plus riches. Cet après-midi, avec le vote de ce projet de loi, vous carboniserez les espoirs que vos engagements avaient suscités. (Applaudissements
Monsieur le Premier ministre, devant l’Assemblée nationale, douze personnes se sont attachées.
M. Charles de la Verpillière
Qu’elles aillent à Caracas !
M. Adrien Quatennens
Elles représentent douze mesures phares qui ne figurent pas dans votre projet de loi. Les clés sont à votre disposition ; les détacherez-vous ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique
Vous avez rappelé les enjeux, monsieur Quatennens, et ils sont énormes. Nous sommes en train de travailler pour l’avenir de nos enfants, je dirais même pour l’avenir de l’humanité.
Mme Marie-Christine Dalloz
Rien que ça ?
M. Pierre Cordier
Quelle modestie !
Mme Barbara Pompili, ministre
Face à cela, il y a plusieurs possibilités. L’une d’elles est de chercher une nouvelle fois à engager des débats stériles, de parler du « tout ou rien ». En général, vous le savez, quand on demande tout, on n’obtient rien.
Vous avez évoqué Thomas Pesquet et rappelé que nous vivons tous sur la même planète, que nous sommes tous sur le même bateau. Si nous voulons avancer, il faut le faire tous ensemble. Si nous voulons que nos réformes fonctionnent, si nous voulons lutter contre le réchauffement climatique, nous ne pouvons pas laisser des personnes sur le bord du chemin.
C’est pourquoi, pour notre part, plutôt que de faire de grandes phrases, plutôt que de fixer des objectifs immenses qui, à la fin, n’aboutissent à rien (Protestations
Je me suis rendue hier à Marseille. Les élus sont venus me voir et m’ont.parlé de la création des zones à faibles émissions mobilité, les ZFE-m. On va demander à des gens de ne plus entrer dans les agglomérations avec une vieille voiture polluante. Pourquoi ? Parce que, dans notre pays, 40 000 personnes meurent encore chaque année à cause de la pollution. (Applaudissements
Il est facile de dire cela. Et si on ne prend pas, à côté, les mesures nécessaires pour aider les personnes à conserver une mobilité, pour aider nos artisans à changer de véhicule de sorte qu’ils puissent entrer dans les agglomérations, pour développer les livraisons à vélo, pour favoriser l’accès aux transports en commun ; si on n’accorde pas près de 14 000 euros d’aide à toute personne qui a besoin de changer de véhicule, eh bien, on se paye de mots, monsieur le député.
Pour chaque mesure que nous avons introduite dans ce texte, un accompagnement est prévu. C’est de cette manière que nous avancerons et que nous protégerons la planète et, surtout, nos concitoyens. (Applaudissements
Règles de visite dans les EHPAD
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
Monsieur le Premier ministre, alors que notre pays sort progressivement des mesures les plus contraignantes prises pour ralentir l’épidémie de covid-19, nos EHPAD sont encore dans des situations humaines et psychologiques tendues. Sur le plan national, l’allégement que vous avez présenté la semaine dernière est justifié par la montée en puissance de la vaccination. Or, dans nos EHPAD, près de 95 % des résidents sont vaccinés, tout comme les trois quarts des personnels. Malgré ces taux de vaccination exceptionnels, il n’est toujours pas permis de revenir à une vie plus normale dans les maisons de retraite.
Vous le savez, depuis plus d’un an, les résidents des EHPAD sont assignés à résidence, privés de toutes leurs libertés fondamentales : privés de sortie à l’extérieur ; privés de lien physique avec leurs enfants ; privés de rencontres avec leurs familles ; privés, souvent, de l’entourage des leurs au moment de la mort. Les familles, quant à elles, sont privées des derniers instants de vie avec leurs proches, des dernières étreintes avec leurs parents, des derniers adieux et rites permettant de faire le deuil.
Le dernier protocole, prétendument allégé, envoyé par les agences régionales de santé et le ministère n’est pas assez clair sur ce retour indispensable à la vie normale.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Jérôme Nury
Surtout, il indique que la restriction est la règle et que, selon les cas, la liberté peut être accordée. Or c’est l’inverse qu’il faut : la liberté doit redevenir la règle pour tous, et la restriction, l’exception.
Ouvrir les EHPAD, c’est aussi soulager les personnels de ces établissements, qui ont été en première ligne durant des mois. Ils ont maintenu de l’humanité, de l’affection, du soin, de la vie, dans des circonstances angoissantes et pesantes. (Mme Caroline
Monsieur le Premier ministre, pour les résidents, les familles et les personnels, il est donc impératif que des mesures nationales claires soient prises, non pas pour alléger faussement le protocole, mais pour libérer totalement les EHPAD et faire cesser cette situation quasi inhumaine, où les personnes âgées ne meurent pas du covid, certes, mais meurent de chagrin. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Permettez-moi de m’inscrire en faux contre ce que vous venez de dire. Les protocoles ont été allégés au fil de l’eau, en fonction de la crise sanitaire et de la campagne vaccinale. Pour rencontrer très régulièrement les personnes concernées, je peux vous dire que cet allègement est appliqué la plupart du temps. (Protestations
M. Damien Abad
Ce n’est pas la réalité !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
La crise sanitaire a conduit à des mesures de confinement. Je vous remercie d’avoir évoqué l’importance et la sensibilité du sujet dans les EHPAD, et d’avoir rendu hommage aux personnels. Le droit de visite est, dans les EHPAD, l’incarnation immédiate de la liberté d’aller et venir. Celle-ci est particulièrement cruciale, vous avez raison, à l’heure où la vaccination protège 80 % à 90 % des résidents.
En temps ordinaire, les professionnels des EHPAD ont à cœur de faire de ces établissements des lieux de vie – croyez-moi, ils s’y emploient –, où la personne est accompagnée de manière collégiale, globale et personnalisée, en recherchant autant que possible le consentement, en reconnaissant aussi le rôle et la place de la famille.
En temps de pandémie, vous avez raison, il a été difficile de préserver ces valeurs et cette culture de l’accompagnement. Pour répondre à ces enjeux, j’ai installé, dès le mois de juillet dernier, un groupe éthique, qui se réunit très régulièrement.
Mme Caroline Fiat
Ah, tout va bien !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Il a travaillé sur l’adaptation des protocoles, sur les sorties, sur les visites pour Noël, sur la vaccination et le consentement et, plus récemment, sur le droit de visite. Sur ce sujet, je travaille aussi, en lien avec les collectifs de famille – que je reçois, pour ma part, très régulièrement –, avec les représentants des organismes gestionnaires des visites et avec des éthiciens, à l’élaboration d’un cadre juridique précis qui garantisse aux familles la possibilité de rendre visite à leurs proches en EHPAD, bien sûr,…
M. Michel Herbillon
Il serait temps d’agir !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
…tout en garantissant aux résidents une réelle liberté de choix. (Un
Soyez assuré, monsieur Nury, que j’ai entendu les souffrances des familles et des résidents ; je sais les sacrifices auxquels ils ont consenti. Les familles, que je reçois très régulièrement, m’en sont reconnaissantes et me le disent. (Protestations
Prix des vaccins
M. le président
La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien Roussel
Monsieur le Premier ministre, l’industrie pharmaceutique va-t-elle profiter de cette crise pour augmenter les tarifs des vaccins contre la covid, gonfler ses dividendes et siphonner nos finances publiques ? La question est légitime, d’autant que ces groupes ont touché beaucoup d’argent public, alors même qu’ils fixent les prix.
Pfizer aurait d’abord vendu sa dose de vaccin à 15 euros, puis la négocierait désormais à 19 euros. Nous en parlons au conditionnel, car le secret est total. Ce que nous savons, c’est que les prix augmentent. On parle même aujourd’hui d’un prix de 50 euros la dose.
Le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a annoncé des marges de 20 % à 30 % sur les premiers contrats, mais ses actionnaires en veulent plus. On les connaît bien : ils s’appellent Goldman Sachs, BlackRock, Morgan Stanley, etc.
.L’Union européenne est en train de finaliser son troisième accord avec Pfizer. Celui-ci prévoit l’achat de 1,8 milliard de doses supplémentaires. Combien allons-nous les payer ? De grâce, épargnez-nous le sacro-saint secret des affaires ! Quand l’argent public est investi aussi massivement, le minimum est d’associer le Parlement.
Des pays comme l’Inde et l’Afrique du Sud, des prix Nobel de la paix, des chercheurs réclament la possibilité de produire librement ces vaccins et d’en faire des génériques à des prix accessibles, comme le fit Nelson Mandela avec le traitement contre le sida. C’est le seul moyen de ne pas être les otages du Big
En France, la vaccination est prise en charge par la sécurité sociale, grâce aux cotisations que nous payons sur nos salaires. Nos cotisations doivent servir à financer la santé, non pas à gonfler les dividendes des fonds de pension américains.
Monsieur le Premier ministre, les députés communistes vous demandent simplement de la transparence ; c’est la moindre des choses que nous devons aux Français. Combien allons-nous payer ces vaccins ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Vous m’interrogez sur le prix des vaccins et sur l’impact pour nos finances publiques. Je tiens d’abord à souligner que la vaccination avance en France et à rappeler que nous tiendrons les objectifs de primo-vaccination : 10 millions de personnes ayant reçu une première dose à la mi-avril, c’est fait ; 20 millions à la mi-mai, c’est pour bientôt ; 30 millions pour le début de l’été, c’est la cible fixée par le Président de la République et le Premier ministre.
M. Pierre Cordier et M. Stéphane Peu
Ce n’est pas la question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Cette vaccination est permise par l’approvisionnement et la fabrication des doses de vaccin en Europe. En France, près de 75 millions de doses seront livrées au premier semestre ; près de 300 millions sur l’ensemble de l’année 2021.
À quel prix ? Vous le savez.
M. Fabien Roussel
Bah, non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Ces informations sont confidentielles, néanmoins le groupe Pfizer communique lui-même sur un prix de 19,50 dollars pour les doses vendues aux États-Unis. On peut donc penser que l’ordre de grandeur est le même pour nous.
M. Jean-Paul Dufrègne et M. Stéphane Peu
Combien ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
On a d’ailleurs suffisamment reproché à l’Union européenne d’avoir trop négocié le prix des vaccins.
Nous savons également que, pour les nouvelles négociations, il n’a jamais été question d’un prix de 150 ou 175 dollars, comme j’ai pu l’entendre. Nous en restons très exactement aux chiffres que vous avez vous-même évoqués ; il s’agit du prix d’un vaccin classique, et c’est bien normal.
M. Jean-Paul Dufrègne, M. Jean-Paul Lecoq et M. Stéphane Peu
Combien ? C’est d’argent public qu’il s’agit !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
J’ajoute que ces vaccins ne sont pas ceux que nous administrons en ce moment, car il convient de développer de nouveaux vaccins contre les variants et contre les réinfections. C’est également cette innovation que nous finançons au travers du prix du vaccin, dont j’ai indiqué l’ordre de grandeur de manière assez précise, ce qui, je pense, vous satisfera.
Notre objectif est de protéger le plus rapidement possible l’ensemble de la population. Au vu du coût des mesures que nous avons prises pour protéger les Français, à savoir 424 milliards d’euros, le prix du vaccin est bel et bien notre meilleur investissement. (Applaudissements
Affaire Sarah Halimi
M. le président
La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer Habib
Monsieur le garde de sceaux, sans justice, pas de République. Parce que juive, Sarah Halimi, médecin, a été torturée et défenestrée à Paris, le 4 avril 2017. Le meurtrier, son voisin musulman radicalisé, ne sera pas jugé en France. Par un arrêt rendu le 14 avril dernier par la Cour de cassation, il a été jugé irresponsable car pris d’une bouffée délirante aiguë. Parce qu’il ne souffre d’aucune pathologie, cet islamiste, placé dans une unité psychiatrique, sortira tôt plutôt que tard. Sa bouffée délirante n’est autre qu’un cocktail morbide d’antisémitisme et de cannabis, volontairement consommé à haute dose. Cette décision soulève le cœur autant qu’elle suscite l’effroi.
Trois mois après le crime, en juillet 2017, je dénonçais déjà, depuis ces bancs, un déni. Jamais je n’aurais pu imaginer que s’ajouterait, quatre ans plus tard, ce déni supplémentaire ! Déni face à l’antisémitisme arabo-musulman ; déni de la justice, qui ne distingue pas entre folie provoquée volontairement et maladie psychiatrique réelle.
La justice est indépendante ; elle nous oblige, mais n’est pas infaillible. Le docteur Zagury l’admet : l’irresponsabilité se décide en fonction de facteurs très aléatoires. Certes, on ne doit pas juger les fous dont la maladie seule éclaire le crime. Mais le procès doit être automatique si les stupéfiants ont été pris volontairement.
M. Pierre Cordier
C’est pour ça qu’il ne faut pas légaliser le cannabis !
M. Meyer Habib
Monsieur le ministre, à la demande du Président de la République, vous présenterez un projet de loi pour modifier le code pénal. Vous remédierez ainsi au problème juridique soulevé par ce meurtre, non à son infamie morale. L’absence de renvoi de l’assassin devant une cour d’assises laisse pour le peuple français une frustration abyssale.
Pourquoi les neuf policiers présents ne sont-ils pas intervenus ? Pourquoi le juge d’instruction a-t-il refusé la reconstitution et refusé de recevoir les avocats des victimes ? Pourquoi le téléphone de l’assassin n’a-t-il pas été examiné ? Pourquoi, en désespoir de cause, la famille de la victime a-t-elle décidé de porter l’affaire en Israël, décision à laquelle je ne me résous pas ?
C’est à la représentation nationale, comme pour l’affaire Dutroux, de faire la lumière sur les dysfonctionnements éventuels. C’est pourquoi, avec Constance Le Grip, nous demandons la création d’une commission d’enquête parlementaire. Monsieur le ministre, le Gouvernement et la majorité soutiendront-ils cette initiative ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Je voudrais tout d’abord vous dire que je partage votre émotion. Nous vivons dans un État de droit et la création d’une commission d’enquête parlementaire relève des pouvoirs exclusifs du Parlement. En vertu des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, le Gouvernement n’a pas à s’immiscer dans les décisions souveraines de l’Assemblée nationale. De la même façon, en raison des règles constitutionnelles, le ministre de la justice ne peut pas commenter une décision de justice ; cela lui est impossible.
Mme Cécile Untermaier
Merci !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Comme l’a exprimé le procureur général près la Cour de cassation, l’une des grandes difficultés de cette affaire, c’est que le juge ne peut pas opérer de distinction là où la loi ne le fait pas. C’est le sens du travail qui m’a été confié par le Président de la République, pour lequel je procède à des consultations. J’ai entendu tout à l’heure quelqu’un, derrière le masque, dire « c’est nul ». Qu’est-ce qui est nul ? De travailler, de consulter, de ne pas agir sous le coup de l’émotion, de recevoir des magistrats, des avocats et des psychiatres ? (Applaudissements
Pour le reste, monsieur Meyer Habib, j’entends bien sûr votre émotion. Vous ferez ce que votre choix parlementaire vous dicte et le Gouvernement respectera ce choix. (Mêmes
Lutte contre les paradis fiscaux
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Le groupe Socialistes et apparentés veut partager son émotion avec tous les députés, autour du visage de la République, incarné par Stéphanie Monfermé. (M. Florian
Je voudrais vous dire à quel point nous sommes dans un moment de vérité pour la démocratie. Le 12 mars 2020, le Président de la République prononçait un discours qui a fait date : « […] il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. »
Le 23 avril 2021, une note de Bercy, alimentée en première main par le MEDEF, montrait une position de la France pour le moins ambiguë dans la lutte contre les paradis fiscaux, dans le cadre de la directive en préparation depuis le scandale des LuxLeaks. À l’instar de ce que nous avons fait en 2014 sous la présidence de François Hollande, cette directive vise à contraindre les multinationales et les holdings à la même transparence par rapport aux paradis fiscaux.
C’est aujourd’hui l’heure de vérité : le Parlement européen s’est prononcé pour une transparence totale ; le Conseil européen a émis des réserves ; la France est dans l’ambiguïté. Au-delà de l’épisode de la note du MEDEF, pouvez-vous nous dire avec clarté si la France défend une clause de sauvegarde qui protégerait pendant six ans, sur la base de données accessibles, des pratiques fiscales illégales représentant 10 à 20 milliards qui manquent aux PME et à la puissance publique pour faire face aux défis du temps présent ? (Mme Christine
Au-delà de cet argent qui manque, au-delà du débat sur l’agrégation ou la désagrégation des données, qui assurent une véritable transparence, au-delà des milliards, c’est une question de démocratie. À l’heure où les États-Unis s’affranchissent enfin du dogme de la compétition fiscale, serions-nous la vieille Europe incapable d’inventer la nouvelle économie fondée sur la transparence, la vérité et la démocratie ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
M. Jean-Paul Lecoq
Combien ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Il n’y a aucune ambiguïté dans notre attitude concernant la fraude fiscale ; nous l’avons démontré ces trois dernières années par l’intensification des contrôles fiscaux, par leur plus grande efficacité et par l’obtention de retours plus importants. Je veux saluer le travail qu’a réalisé Gérald Darmanin lorsqu’il était ministre des comptes publics et celui désormais effectué par Olivier Dussopt. Chaque année, notre main ne tremble pas en matière de contrôle fiscal des entreprises.
Je veux également saluer le travail que nous avons fait sur la TVA intracommunautaire, au sujet de laquelle la fraude fiscale est importante, ainsi que le travail effectué concernant les paradis fiscaux et les conventions fiscales bilatérales ; nous avons systématiquement poussé des positions de plus grande transparence. Enfin, il n’y a pas d’ambiguïté : nous soutenons la directive que vous mentionnez, qui est en voie de finalisation sous la présidence du Portugal. Ceci ne doit pas nous amener à être naïfs :…
M. Jean-Paul Lecoq
Ah !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…communiquer des éléments commerciaux, qui fourniront des informations précieuses à nos concurrents asiatiques (Protestations
M. Fabien Roussel
On protège le secret des affaires !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…au moment où tout le monde s’étonne de la naïveté de l’Europe, voilà une manière bien négligente de soutenir les entreprises. Notre position est claire : transparence fiscale certainement, mais pas pour livrer les informations commerciales de première main et nous retrouver dans des situations de pertes de contrats et de marchés. C’est de l’emploi français dont il est question. (Applaudissements
Violences urbaines dans la Drôme
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.
Mme Emmanuelle Anthoine
Monsieur le Premier ministre, cette semaine, les villes de Romans-sur-Isère et de Valence, dans la Drôme, ont connu plusieurs nuits de violences urbaines.
M. Michel Herbillon
Que fait Darmanin ?
Mme Emmanuelle Anthoine
Depuis le début de l’année, de tels faits, pourtant graves, ont tendance à se multiplier dans la Drôme et partout en France. Des coups de feu ont même été échangés sur la voie publique entre bandes rivales, énième manifestation d’une actualité qui nous est insupportable. Nous éprouvons tous une grande lassitude vis-à-vis de cette délinquance et des incivilités qui meurtrissent le vivre-ensemble. Les aspirations légitimes au calme sont sans cesse brisées par des scènes de violence urbaine, de nouveau, par un sentiment d’insécurité, de nouveau, et par une situation qui vous échappe, de nouveau.
Au-delà des graves troubles subis par nos concitoyens, les forces de l’ordre ont essuyé jets de pierre et tirs de mortiers d’artifice. Dans de trop nombreux quartiers, les services de secours ne peuvent plus intervenir sans protection policière, sans se faire attaquer. Ce sont d’ailleurs des guets-apens à l’encontre des sapeurs-pompiers sous escorte policière qui constituent le point de départ des violences de cette semaine. Mais où est donc passée l’autorité de l’État ? Alors que nous déplorions la violence dont les forces de l’ordre font l’objet, suite à l’assassinat de Stéphanie Monfermé, il est temps de réagir face à cette réalité quotidienne intolérable. Les bandes qui n’hésitent pas à prendre à partie les forces de l’ordre sont un phénomène que le Gouvernement semble incapable d’enrayer. Vous avez beau jeu de vous parer de vos nouveaux habits sécuritaires, mais les Français ne se laisseront pas abuser par un tel déguisement. Vous ne pouvez pas masquer votre bilan calamiteux en matière de sécurité au regard de la situation dans notre pays. Quand allez-vous enfin garantir aux Français le droit à vivre en toute sécurité ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Madame la députée Anthoine, on peut être d’accord avec beaucoup de vos propos, mais vous oubliez sans doute le principal : s’il y a des troubles dans certains quartiers, notamment à Valence, c’est parce que depuis le mois de janvier, il y a eu 495 interpellations et vingt-cinq réseaux de trafic de stupéfiants démantelés ; c’est parce que la police de la République fait son travail. (Applaudissements
Madame, j’aurais également souhaité que vous formuliez, comme vous l’avez pu faire dans le courrier que vous m’avez envoyé, des remerciements au Gouvernement pour les quinze policiers supplémentaires arrivés à Valence, et que vous souligniez le travail extrêmement précis du préfet – que vous connaissez bien – et des services de police. Ce midi encore, trois interpellations supplémentaires de responsables des violences contre les policiers ont eu lieu.
M. Pierre Cordier
Vous êtes exceptionnel, monsieur le ministre !
M. Gérald Darmanin, ministre
Voyez-vous, madame, je pense qu’il y a deux façons de voir cette question très compliquée du trafic de stupéfiants : soit on veut la tranquillité et on ne dérange pas les trafics, soit on considère que la police est partout chez elle et qu’elle doit les démanteler. Pour ce faire, des centaines de personnes sont interpellées,…
M. Pierre Cordier
Ça ne se voit pas.
M. Gérald Darmanin, ministre
…nous menons la guerre contre la drogue, nous renforçons les policiers et nous travaillons avec les procureurs de la République. Nous faisons un travail qui réglera bien des problèmes pour les prochains ministres de l’intérieur. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.
Mme Emmanuelle Anthoine
Vous vous félicitez de votre action, mais quel décalage avec ce que vivent les Français ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Je regrette qu’il ne vous reste pas quelques instants pour nous faire des propositions…
Plusieurs députés du groupe LR
Oh !
M. Gérald Darmanin, ministre
…mais mon bureau est ouvert, je les écouterai avec grand plaisir. Madame la députée, vous auriez peut-être pu accompagner l’une des 270 interventions de police effectuées depuis deux mois.
M. Florian Bachelier
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre
Soixante CRS supplémentaires resteront plusieurs jours dans la commune de Valence : n’hésitez pas à faire des sorties avec les policiers, vous verrez à quel point la fermeté de la République est de retour. (Applaudissements
Réouverture des lieux de culture
M. le président
La parole est à M. Pascal Bois.
M. Pascal Bois
Ma question s’adresse à madame la ministre de la culture, que j’ai plaisir à revoir en meilleure santé de jour en jour (Applaudissements
La culture est essentielle pour tous, elle est une part de l’art de vivre à la française. Les Français en sont friands, en témoignent les succès de la chaîne publique culturebox ; ils en ont grand besoin pour dépasser la période pénible que nous subissons depuis plus d’un an.
M. Maxime Minot
On ne comprend rien !
M. Pascal Bois
C’est dire si le monde culturel a appris ce calendrier avec soulagement. Si les professionnels peuvent se projeter dans le temps avec l’échelonnement des ouvertures et les jauges, des questions subsistent toutefois sur leur application concrète : en effet, la réouverture des musées et des cinémas semble beaucoup moins complexe que celle des théâtres, des cabarets et des salles de spectacles, voire des festivals qui, ici ou là, ont fait le choix d’annuler ou de reporter. Après des mois de suspension, le redémarrage du spectacle vivant nécessite la relance préalable des répétitions et la prise en compte des jauges limitées, du couvre-feu et de la période creuse des mois d’été. Certains professionnels ne pourront redémarrer avant l’automne, voire au-delà. Il y a aussi les écoles de musique et les conservatoires, qui attendent des précisions. Madame la ministre, après que l’État, se tenant au chevet de la culture, a apporté par votre ministère des aides massives et inédites à l’échelle mondiale…
M. Maxime Minot
Historique !
M. Pascal Bois
…pouvez-vous préciser les conditions que vous envisagez pour déconfiner et relancer la culture ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Je crois que nous sommes unanimes, sur ces bancs et au-delà, pour nous réjouir de la réouverture des lieux culturels, annoncée vendredi dernier par le Président de la République. Celle-ci obéit à trois principes. C’est d’abord une réouverture générale, qui concerne tous les lieux de culture : les musées, les théâtres, les salles de cinéma, les galeries d’art, etc.
C’est aussi une réouverture progressive et prudente, qui s’effectue par étapes. Vous les avez rappelées : le 19 mai, l’ensemble des lieux culturels rouvre, avec au maximum dans les salles de spectacle, 800 personnes en intérieur et 1 000 personnes en extérieur ; le couvre-feu est repoussé de 19 heures à 21 heures. Le 9 juin, on élargit encore, avec une limite maximum fixée à 5 000 personnes et le couvre-feu reporté de 21 heures à 23 heures, ce qui permettra les séances en soirée. Le 1er juillet, les jauges seront finalement abolies et nous pourrons avoir des spectacles et des spectateurs en grand nombre.
Enfin, la réouverture doit être respectueuse de la santé des Français. Elle est responsable et il n’est pas possible à ce stade d’envisager de renoncer aux mesures barrières. Je préfère les appeler des mesures de protection, qui respectent notre santé – j’y suis très sensible – et celle de ceux qui nous accompagnent dans les salles de spectacles : lavage des mains, distanciation et port du masque absolument obligatoire dans tous les lieux de culture.
Nous nous réjouissons, parce que les lieux de culture participent aussi à l’animation de nos territoires ; nous allons regagner les salles de spectacle et de cinéma, et j’encourage les Français à retrouver dès le 19 mai le monde de la culture – nous en avons été trop longtemps privés. (Applaudissements
Stratégie vaccinale
M. le président
La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.
M. Jean-Jacques Gaultier
Ma question, s’adresse à monsieur le ministre des solidarités et de la santé et concerne la stratégie vaccinale. Pour tout dire, j’hésite à employer l’expression : encore eût-il fallu qu’il y eût une stratégie et qu’il y eût des vaccins. (Applaudissements
M. Pierre Cordier
Ça, ça fait mal !
M. Jean-Jacques Gaultier
Le Gouvernement a présenté le calendrier des réouvertures : une valse à quatre temps, avec un Président de la République qui bat la mesure. Cependant, la situation sanitaire est toujours très incertaine, et les Français manquent de vaccins. Il y avait zéro mort à Londres et 60 % de la population étaient vaccinés lorsque les Anglais ont rouvert, ce qui est loin d’être le cas chez nous.
Alors que nous abordons la rentrée scolaire, combien d’enseignants sont vaccinés ? Quel pourcentage de la population des collèges et des lycées est vacciné ? Quel pourcentage de la population des établissements du premier degré est vacciné ? Pourquoi ne pas avoir anticipé et profité des vacances scolaires pour vacciner ? C’est toujours le même manque d’anticipation. Oui, il faut élargir la vaccination à plus d’enseignants, comme il faut l’élargir à plus de Français. Arrêtez de saucissonner la population : sept catégories et dix-neuf sous-catégories de patients ; douze catégories et vingt sous-catégories de comorbidité ; quarante maladies rares – et ça change tout le temps !
Masques, tests, vaccins, vous êtes toujours en retard. Au début, les masques n’étaient pas pour tout le monde – n’est-ce pas monsieur le ministre ? Selon vos propres mots, ça ne servait à rien. Ensuite, ce sont les tests qui n’étaient pas pour tout le monde. Aujourd’hui, c’est au tour des vaccins. C’est toujours l’absence d’anticipation et la gestion de la pénurie. On a des patients sans vaccins et des vaccins sans patients. Quand serez-vous enfin clairs, efficaces et rapides, afin de permettre à tous ceux qui le souhaitent d’être vaccinés ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Merci pour cette question, qui n’est en rien, bien sûr, caricaturale. (Applaudissements
M. Patrick Hetzel
Sortez de l’amateurisme !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Pouvons-nous enfin sortir des caricatures et des anathèmes, s’il vous plaît, pour parler des faits ?
Je remercie les Français de leur résilience, de leur façon de réagir et de s’adapter à la crise sanitaire de manière tout à fait responsable. Nous pouvons les féliciter et nous féliciter du grand engouement pour la vaccination. Il n’était d’ailleurs pas évident au départ qu’il ait lieu. Plus de 16 millions de Français ont reçu au moins une injection de vaccin, soit trois adultes sur dix.
Cette réussite est le fruit de plusieurs décisions. D’abord, nous privilégions en toutes circonstances la sécurité des vaccins. Nous favorisons la mobilisation exceptionnelle de tous les professionnels de santé, que je salue, pour accélérer chaque jour le rythme. Dans la seule journée d’hier, plus de 420 000 personnes ont été vaccinées.
La priorisation que nous avons établie constitue en effet une stratégie, que nous déployons progressivement mais rapidement. Il s’agit de nous assurer que nos concitoyens qui en ont le plus besoin, parce qu’ils sont les plus sensibles au virus, disposent des vaccins les premiers. C’est un choix de santé publique, un choix politique clair, que nous assumons pleinement. Il porte ses fruits, puisque la part des catégories de personnes vaccinées dans les services de réanimation est en baisse continue, ce dont vous devriez être satisfaits.
Une députée du groupe LR
Vous déformez ce qu’il a dit !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
C’est un indicateur clair : la vaccination marche, elle protège contre les formes graves du virus.
Avec l’augmentation du nombre de doses disponibles et l’élargissement progressif des publics éligibles, nous atteindrons notre objectif de protéger toute la population. Samedi, nous avons ouvert la vaccination à 4 millions de Français supplémentaires, qui souffrent de maladies chroniques, en particulier d’obésité. Le Président de la République a présenté un cap clair à nos concitoyens : dès le 15 juin, tous les Français majeurs qui le souhaitent, et j’espère que chacun le souhaitera, pourront se faire vacciner. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.
M. Jean-Jacques Gaultier
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, qui n’est pas là, court après le virus ; les Français courent après les vaccins. La vérité est que 70 % des Français n’ont pas reçu la première dose et que 90 % n’ont pas reçu la seconde. (Applaudissements
Proposition de loi relative aux langues régionales
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, le 8 avril, le Parlement a adopté à une très large majorité une loi relative aux langues régionales. Je tiens à remercier l’ensemble de mes collègues qui l’ont soutenue, notamment ceux de la majorité. Bravo à vous tous ! (Applaudissements
Ce vote est un symbole de l’affirmation du rôle du Parlement, Assemblée nationale et Sénat, dans l’élaboration transpartisane de la loi. Il s’agissait du premier vote définitif d’une loi relative aux langues régionales sous la Ve République ! Pourtant, un recours au Conseil constitutionnel a été déposé par des membres de la majorité, que vous y avez vous-même incités ! (Exclamations
M. David Habib
Exactement !
M. Paul Molac
Car c’est bien un membre de votre cabinet qui a rédigé le recours. La presse s’est fait l’écho des conditions très obscures de cette saisine. Certains collègues signataires témoignent d’ailleurs avoir été trompés sur la démarche.
Je ne remets pas en cause le pouvoir des parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel et je reste très serein quant à l’issue de l’examen. Toutefois, l’influence que vous avez exercée auprès de ces parlementaires pose la question de la séparation des pouvoirs,…
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Paul Molac
…puisque ni le Premier ministre, ni le Président de la République n’ont souhaité user de leur droit de saisine.
M. Vincent Descoeur
C’est cousu de fil blanc !
M. Paul Molac
Dès lors, ce recours nous place une situation ubuesque, relativement au respect des règles démocratiques et des droits du Parlement. En effet, il revient normalement au secrétariat général du Gouvernement, placé sous l’autorité du Premier ministre, de défendre la loi devant le Conseil constitutionnel ; or le recours a été rédigé de l’intérieur même d’un cabinet ministériel !
M. Vincent Descoeur
Eh oui !
M. Paul Molac
Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement défendra devant le Conseil constitutionnel la position du Parlement, notamment de sa majorité, qui a voté le texte ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Je vous remercie de votre question qui permet de rappeler le processus législatif. Il s’agit d’une proposition de loi que vous avez vous-même déposée, donc issue de l’opposition. Votre texte était intéressant, je m’y suis d’ailleurs montré favorable lors de sa première lecture à l’Assemblée nationale. Il a ensuite été examiné au Sénat, où la majorité, qui appartient au parti Les Républicains, a adopté deux dispositions, qui ont ensuite été débattues à l’Assemblée nationale. Il est vrai qu’à leur égard, j’ai formulé dans l’hémicycle des questions de nature constitutionnelle. En effet, de telles questions se posent – j’ai bien exprimé des questions, et non des réponses –, au titre de la conformité à l’article 2 de la Constitution. Le sujet n’est pas négligeable, puisqu’il s’agit de l’affirmation du français comme langue de la République.
Comme vous l’avez dit vous-même, je crois qu’il faut être très serein. Il est normal en démocratie, dans notre République, de poser une question au Conseil constitutionnel. Il y a deux semaines, le Premier ministre lui-même a déféré au Conseil constitutionnel la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, d’origine gouvernementale. Il est classique que des députés ou une autorité institutionnelle posent des questions au Conseil constitutionnel.
En tant que proposition de loi, votre texte n’a pu être examiné auparavant par le Conseil d’État ; s’il est validé par le Conseil constitutionnel, il en sortira renforcé,…
Mme Laurence Dumont
C’est pour rendre service !
M. Patrick Hetzel
Et la séparation des pouvoirs, qu’en faites-vous ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
…ce qui vaut beaucoup mieux que s’il était contesté dans quelques mois par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. En matière de sécurité juridique comme de démocratie, on doit tous s’en réjouir.
Permettez-moi donc répéter les propos que j’ai déjà tenus dans l’hémicycle : nous devons être tous militants de la Constitution. Il est normal de poser des questions constitutionnelles. Bien entendu, chacun tiendra son rôle ; l’administration défendra la position qu’elle doit défendre. En outre, vous le savez, quasiment tout groupe, ou tout citoyen, peut faire parvenir au Conseil constitutionnel une argumentation. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Le droit est une question d’interprétation. Vous n’avez pas répondu à ma question relative à ce que fera le secrétariat général du Gouvernement.
M. Maxime Minot
Ils ne répondent à rien !
M. Paul Molac
Je le regrette : j’aurais bien aimé le savoir. J’ai un peu l’impression, monsieur le ministre, que vous devenez le Premier ministre – je trouve ça inquiétant. (Applaudissements
M. Fabien Di Filippo
Quelle hypocrisie !
FerroPem
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée, chargée de l’industrie.
M. Fabien Di Filippo
Qui est chargé de l’industrie ?
Mme Marie-Noëlle Battistel
Le 1er mai, journée internationale des travailleurs, j’étais à nouveau aux côtés des salariés et des syndicats de FerroPem sur le site des Clavaux en Isère. L’esprit n’était pas à la fête. Une industrie de pointe, fierté de l’électrométallurgie française, installée depuis 120 ans, s’y meurt sur fond de turbulences économiques mondiales.
La direction de Ferroglobe menace d’arrêter la production, malgré la forte motivation et le comportement exemplaire des employés, sur lesquels pèse un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), alors qu’ils produisent à un prix compétitif du silicium de qualité. Les résultats des mois de mars et avril démontrent un net rebond de compétitivité, une marge dégagée largement positive et une forte amélioration du prix de revient. Si rien n’est fait, l’ensemble de ces emplois et un joyau industriel français disparaîtront.
Une députée du groupe LR
Encore un ! Quel gâchis !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Pourtant, il est possible de diversifier les activités, et les débouchés sont nombreux. Nous avons besoin de silicium pour des filières d’avenir – pour le matériel médical, la production de batteries électriques ou de panneaux photovoltaïques. Le granulé de silicium n’est produit que dans un seul endroit au monde, c’est le site des Clavaux.
Il n’y aura ni relance de l’économie ni défense de notre patrimoine industriel si nous ne prenons pas toutes les mesures pour préserver l’emploi, quand les débouchés existent. Élus de tous bords et nombre de nos concitoyens soutiennent les salariés dans leur combat pour sauver les emplois et garder cette production dans nos vallées de montagne, au lieu de l’importer de l’autre bout du monde.
La crise sanitaire nous montre chaque jour l’importance de la souveraineté et de la relocalisation de l’industrie : soyons cohérents, gardons nos entreprises en France. Madame la ministre déléguée, je vous sais mobilisée. Comment le Gouvernement entend-il sauver ces 357 emplois, asseoir la compétitivité de l’entreprise et accompagner les filières d’avenir qui dépendent du silicium, que nous avons la chance d’avoir en France ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
M. Jean-Paul Lecoq
Combien pour les vaccins ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Vous le savez, nous avons déjà parlé de ce dossier, ensemble et avec les élus locaux, dont je connais la forte mobilisation, aux Clavaux et à Château-Feuillet. Vous connaissez mon attachement aux vallées alpines. Je sais combien les annonces de cette nature sont douloureuses ; dans ce cas, elles le sont d’autant plus qu’elles concernent une industrie qui a un rôle à jouer dans la transition écologique et énergétique,…
M. Jean-Paul Lecoq
Tendez la main, alors !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
…comme en matière de souveraineté économique – nous connaissons trop bien le coût social et environnemental de délocaliser ce type de production à l’autre bout du monde. Il serait tout à fait inapproprié de perdre tous les sites de FerroPem en France.
M. Jean-Paul Lecoq
Qu’est-ce que vous attendez ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Ils appartiennent à Ferroglobe, entreprise espagnole, qui possède six sites en France, dont deux sont menacés de fermeture.
Nous sommes collectivement mobilisés, mais je veux dire en premier lieu que Ferroglobe doit assumer ses responsabilités. Nous le leur avons dit, vous le leur avez dit. Il s’agit d’une ligne rouge, et nous serons particulièrement vigilants à ce qu’elle ne soit pas franchie. En second lieu, nous devons agir en parallèle. Ainsi, le 23 mars, j’ai saisi la Commission européenne, dans le cadre de l’ouverture d’une procédure de défense commerciale relative au silicium de calcium, que le site des Clavaux produit, afin d’apporter une réponse appropriée aux frontières de l’Europe.
Il faut également actionner tous les leviers de soutien dont nous disposons. Nous avons eu recours au dispositif relatif aux chocs industriels du plan territoires d’industrie, qui permet d’aller chercher des projets sur les territoires. Nous en avons repéré six, susceptibles de créer de l’emploi industriel. Au total, trente-sept projets sont accompagnés dans le cadre du plan de relance.
M. Jean-Paul Lecoq
Osez nationaliser !
Stratégie de déconfinement
M. le président
La parole est à Mme Josy Poueyto.
Mme Josy Poueyto
Le 1er mai, j’ai reçu un mail d’un habitant de ma circonscription. Il m’interroge sur la crise sanitaire, mais en fait sa question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre. Je vous la pose donc directement. Pourquoi ce Gouvernement déconfine-t-il les Pyrénées-Atlantiques au même rythme que Paris, malgré des chiffres totalement différents ?
Que dois-je répondre à mon correspondant, comme à celles et ceux qui m’interpellent régulièrement à ce sujet ? Mon département connaît un des taux d’incidence les plus bas de France, d’autres sont dans des situations comparables ; vous le savez, je vous épargne les chiffres.
Alors que nous nous engageons dans un déconfinement progressif, nous sommes nombreux à penser qu’il est encore temps d’appliquer, en profondeur, la différenciation territoriale dont les Français entendent beaucoup parler. Il est encore temps d’innover en la matière.
Tel est le sens de la démarche transpartisane engagée à l’initiative de notre collègue David Habib, que je salue, et portée par l’ensemble des parlementaires des Pyrénées-Atlantiques, que j’associe à mon intervention. Par un courrier commun, nous avons en effet saisi le Président de la République, dans le but d’engager un déconfinement expérimental en Béarn et au Pays Basque, compte tenu de leur situation, bien meilleure qu’ailleurs.
L’activation d’un tel déconfinement, encadré et localisé, permettrait par ailleurs de mesurer toutes les conséquences d’une relance des activités de service, commerciales, culturelles et sportives. Notre pays pourrait en tirer des enseignements riches pour l’avenir, et il serait toujours temps de mettre un terme à l’expérience, en cas de reprise de la circulation du virus. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager les Pyrénées-Atlantiques dans cette voie ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
M. David Habib
De l’autonomie pour le Pays basque ! (Sourires.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Chaque semaine, le Gouvernement dresse un état des lieux de la situation sanitaire dans notre pays. Une situation que vous connaissez, madame la députée : nous sommes désormais dans une phase de baisse de la pression épidémique. À la prise des dernières mesures de freinage renforcé, nous faisons face à un taux d’incidence de plus de 400 cas pour 100 000 habitants et à une pression maximale dans les services de soins critiques.
La situation s’améliore pourtant de jour en jour. J’en veux pour preuve que ce taux a chuté, notamment depuis hier, au niveau national, à 250 cas pour 100 000 personnes.
Mme Frédérique Meunier
Et si vous répondiez à la question ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Très clairement, les efforts des Français payent. Le sérieux et l’impact de notre campagne de vaccination, puisque 16 millions de Français ont désormais reçu une première dose, contribuent à l’amélioration de la situation.
Comme nous le faisons depuis le début de la crise sanitaire, nous en tirons les conséquences et adaptons finement les mesures. Le Président de la République a dressé, vendredi dernier, un cap clair sur l’allégement des mesures sanitaires, dont la première étape a débuté hier par la levée des restrictions de déplacement.
Le ministre des solidarités et de la santé viendra dès ce soir vous présenter un projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dont la vocation est très claire : offrir un cap pour un retour à la vie normale, tout en permettant d’avoir recours à des mesures préventives pendant la période estivale, en cas de reprise épidémique nationale ou localisée.
Nous ne pouvons en effet pas exclure qu’une dégradation localisée puisse intervenir et déclencher, de fait, un état d’urgence sanitaire dans cette région.
Mme Frédérique Meunier
Ce n’est pas la question !
M. David Habib
Monsieur le Premier ministre, adaptez !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Je n’ai pas de réponse concernant la région particulière que vous mentionnez, bien sûr, car nous parlons d’un cadre général et global. Dans ce nouveau cadre, un décret pourrait, le cas échéant, prolonger l’état d’urgence sanitaire de deux mois, période au terme de laquelle une prorogation par la loi serait nécessaire. La place du Parlement est donc garantie. Nous faisons par ailleurs le choix politique de la confiance en notre Parlement pour régler cette question dans nos débats de tout à l’heure. (M. Rémy
Mme Frédérique Meunier
Répondez à la question, pour une fois !
Réforme de l’assurance chômage
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Monsieur le Premier ministre, vous êtes des champions ! En France, le patrimoine des ultra-riches, multiplié par cinq en dix ans, est le plus indécent du monde. Si le SMIC avait suivi, il serait de 4 800 euros par mois.
En France, les entreprises du CAC40 versent 51 milliards d’euros aux actionnaires, soit une augmentation de 22 % en un an. Le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation des Nations unies (ONU) plaident pour une hausse de l’impôt sur les riches et les profiteurs de crise. Le Royaume-Uni va augmenter ses impôts sur les sociétés. Les États-Unis veulent taxer les plus riches. Et vous, que faites-vous ? Vous voulez faire 2,3 milliards d’euros d’économies sur les personnes privées d’emploi, et plonger plus de 1 million de Français dans la misère.
Plusieurs députés du groupe FI
Et voilà !
Mme Mathilde Panot
Vous tripatouillez donc notre système d’assurance chômage. Certes, le Conseil d’État a d’abord censuré une bonne partie de vos mesures, en vous reprochant des inégalités d’allocations allant de un à quatre. Vous avez revu votre copie et les écarts iront désormais de un à cinquante !
M. Loïc Prud’homme
Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon
De un à cinquante ! Affameurs !
Mme Mathilde Panot
Bravo ! Des champions, vous dis-je : déjà six chômeurs sur dix non indemnisés, des licenciements à gogo depuis le covid-19, 1 million de chômeurs en plus, mais vous continuez à servir les riches et à voler les pauvres.
Avec votre réforme, Thomas, qui a travaillé dix mois en continu avec un salaire de 2 800 euros, percevra 1 492 euros de chômage. Laura, qui elle aussi a travaillé dix mois avec le même salaire, mais a alterné avec des périodes de chômage, recevra quant à elle 31 euros d’indemnité.
M. Alexis Corbière
Incroyable !
Mme Mathilde Panot
Les 7 millions de chômeurs de notre pays devront non seulement deviner quelle rue traverser pour trouver un emploi,…
M. Jean-Luc Mélenchon
Alors !
Mme Mathilde Panot
…mais ils devront aussi penser à commencer leur chômage le premier du mois ! Attention, selon que vous serez au chômage à partir du premier, du sept ou du quatorze du mois, vos indemnités pourront drastiquement baisser. Jamais un Gouvernement n’aura porté une attaque aussi grave sur le fondement même de l’assurance chômage !
M. Jean-Luc Mélenchon
Jamais ! Même vos prédécesseurs n’avaient pas osé !
Mme Mathilde Panot
Monsieur le Premier ministre, on ne joue pas aux apprentis sorciers quand on ne sait pas compter sur ses dix doigts !
M. Jean Castex, Premier ministre
Oh !
Mme Mathilde Panot
Abandonnez cette réforme indigne dont personne ne veut ! Luttez enfin contre le chômage, et non contre les chômeurs ! Et sachez une chose : le seul chômeur que l’on espère en 2022, c’est Emmanuel Macron ! (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites et de la santé au travail
L’aspect polémique de votre question ne m’a pas échappé, et ses nombreuses caricatures non plus. (Exclamations
Regardons les faits : le système d’assurance chômage tel qu’il existait précédemment encourageait les entreprises à recourir à de nombreux contrats courts. Rendez-vous compte, madame la députée : plus de 250 % d’augmentation des contrats de moins d’un mois sur les dix dernières années, telle est la réalité de la situation que fabriquait le système de protection chômage qui était jusqu’à présent le nôtre. Les indemnités chômage étaient radicalement différentes, selon que vous aviez travaillé quinze jours d’affilée ou que vous travailliez un jour sur deux.
M. Loïc Prud’homme
Interdisez les CDD, alors !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État
La réalité, c’est que le système était profondément inéquitable. (Protestations
Mme Mathilde Panot
Vous êtes des amateurs !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État
Quant à la situation que vous évoquez concernant l’activité partielle, madame la députée, vous faites sans doute référence à une conférence de presse tenue récemment par un syndicat, dans laquelle celui-ci a tout simplement présenté des chiffres partiellement erronés, puisqu’il a oublié d’expliquer que l’activité partielle permet de cumuler l’indemnité chômage et le revenu. Or on ne peut apprécier l’importance du montant de l’allocation chômage qu’au regard du montant du revenu qui est perçu.
M. Jean-Luc Mélenchon
Vous embrouillez tout !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État
En matière de comptabilité et de lecture de la réalité, je crois donc que nous n’avons pas beaucoup de leçons à recevoir, madame la députée ! (Applaudissements
Mme Elsa Faucillon
Vous mentez !
Sanctions diplomatiques de la Russie
M. le président
La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques Maire
Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Alexeï Navalny est en détention depuis le 17 janvier 2021, au titre d’un jugement que la Cour européenne des droits de l’homme a considéré comme non fondé en droit. Cette détention a fait l’objet d’un rapport que j’ai présenté, au nom de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), le 22 avril dernier.
Ce rapport prend en compte le point de vue des Russes et démontre le caractère illégal de sa détention et les atteintes aux droits qu’il subit en prison. L’Assemblée parlementaire a donc voté sa libération immédiate, l’accès à des soins de médecins indépendants, la visite du comité contre la torture, et a recommandé au Comité des ministres de recourir à tous les moyens juridiques pour conduire la Russie à respecter ses obligations.
Je rappelle que la Russie a tout fait, en 2019, pour revenir comme membre à part entière du Conseil de l’Europe. Je rappelle aussi que la délégation française, à l’unanimité de ses bancs, a voté en faveur de ce retour, dans une démarche collective engagée avec sa présidente, Nicole Trisse, ici présente.
Ainsi, les Français de l’APCE ne sont pas anti-russes. Mais accepter le retour des Russes n’était pas un chèque en blanc : c’était vouloir assurer la protection des citoyens russes par la Cour européenne des droits de l’homme. Or, depuis 2019, la Russie n’a pas tenu sa promesse : Navalny en est le symbole.
Vendredi dernier, elle s’est reniée une fois de plus en m’interdisant l’accès à son territoire, tout comme à sept autres Européens. Dès lors, je m’interroge : pourquoi la Russie sanctionne-t-elle le rapporteur, alors que le Conseil de l’Europe n’a, à ce jour, pris aucune décision contre la Russie ?
Une telle sanction n’a aucun effet sur mon mandat. Elle ne fait qu’une victime : la Russie, qui s’interdit de défendre pleinement son point de vue. Face à l’escalade des sanctions contre la Russie, il existe encore un lieu où le dialogue est possible : le Conseil de l’Europe. Dans un mois, son Comité des ministres sera un moment de vérité : que fera la France si la Russie ne fait aucun geste ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes
Monsieur le député Jacques Maire, je veux d’abord réitérer notre plein soutien à la suite des mesures inacceptables dont vous avez été l’objet en fin de semaine dernière. (Applaudissements
Vous l’avez rappelé, cette mesure touche aussi un certain nombre de responsables politiques européens, dont le président du Parlement européen et la vice-présidente de la Commission européenne en charge des valeurs et de la transparence : cela n’est pas innocent.
Cette mesure intervient aussi dans un contexte de dégradation très grave, d’abord marqué par l’engrenage que vous avez décrit. La République tchèque, notre partenaire de l’Union européenne, a pris des mesures d’expulsion justifiées à l’égard de diplomates russes, à la suite d’ingérences très sérieuses, et la Russie y a répondu de manière disproportionnée, par différentes expulsions et par les mesures que vous avez rappelées, lesquelles vous concernent également.
Bien sûr, cela intervient aussi dans le contexte de l’affaire Navalny, de l’emprisonnement dont la France a redit à plusieurs reprises, par la voix de Jean-Yves Le Drian, le caractère inacceptable, je le répète aujourd’hui, ainsi que dans celui de la détention parfaitement arbitraire d’un certain nombre de personnes qui n’ont commis pour seul crime ou délit que de soutenir M. Navalny dans sa volonté d’expression.
Nous continuerons à porter cette voix avec la plus grande fermeté, notamment après les événements de la fin de semaine. Le Conseil de l’Europe est en effet une enceinte essentielle, et je veux à cet égard saluer votre action de rapporteur en son sein : elle doit se poursuivre, tout comme l’action de Nicole Trisse, qui a écrit ce matin même au président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à la secrétaire générale du Conseil de l’Europe pour tenir cette ligne de fermeté absolue tout en laissant ouvert un espace de dialogue. Vous en avez d’ailleurs été l’acteur avec vos collègues français, notamment en permettant le retour de la Russie pour protéger les droits des Russes à travers l’action de la Convention et de la Cour européenne des droits de l’homme.
Cette ligne de fermeté, nous la défendrons en examinant toutes les options, à la fin du mois, lors d’un sommet de l’Union européenne auquel participera le Président de la République. (Applaudissements
Coût des matières premières dans le secteur du BTP
M. le président
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. La France connaît, depuis le début de l’année, une augmentation faramineuse du coût des matériaux et des problèmes d’approvisionnement en matériaux.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
Mme Véronique Louwagie
Il s’agit encore, hélas, d’une conséquence de la crise sanitaire : plus 30 % à 40 % pour les prix de l’acier et plus 10 % à 15 % pour ceux du cuivre, du zinc de l’aluminium. Et je ne parle pas du prix du plastique polyuréthane.
M. Jean-Paul Lecoq
Eh oui, c’est la loi du marché !
Mme Véronique Louwagie
Les entreprises font aussi face à des ruptures d’approvisionnement : en bois de construction par exemple, alors qu’il s’agit pourtant une filière préférentielle. Dans l’Orne, à l’Aigle, à Mortagne-au-Perche ou à Vimoutiers, comme partout en France, c’est tout le secteur du BTP qui est touché.
Les artisans doivent réaliser des chantiers à des prix qui n’avaient pas anticipé cette envolée des coûts. De plus, faute d’approvisionnement, des retards indépendants de la volonté des entreprises entraînent l’application de pénalités. De nombreux constructeurs ne peuvent tout simplement pas travailler. Certains chantiers sont à l’arrêt. L’équation est simple : sans visibilité sur les coûts, il n’y a pas de devis ; sans visibilité sur les délais de livraison, il n’y a pas de préparation de chantiers.
M. Maxime Minot
Exactement !
Mme Véronique Louwagie
De la même façon, s’il n’y a pas de matière, il n’y a pas de chantier. Et s’il n’y a pas de chantier, il n’y a pas d’emploi. À quoi sert un plan de relance si les entreprises ne peuvent pas répondre à la demande ?
M. Jean-Paul Lecoq
L’État est aux abonnés absents, comme d’habitude !
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le Premier ministre, je sais que vous souhaitez une relance rapide, alors ma question est simple : que comptez-vous faire pour remédier à cette problématique, pour permettre au secteur du bâtiment de travailler et, tout simplement, pour éviter d’empiler les crises ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Oh non, pas elle ! On ne va encore rien comprendre…
M. Damien Abad
Il y a urgence !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Vous avez raison, madame la députée Louwagie, nous sommes dans des circonstances très particulières d’augmentation des prix des matières premières des intrants chimiques, du plastique, ainsi que des matériaux de construction, alors que la reprise mondiale a été beaucoup plus rapide que ne l’anticipaient tous ceux qui produisent ces différents intrants critiques pour le secteur du bâtiment, mais également pour l’ensemble de l’industrie.
Depuis le mois de janvier, nous avons mis en place un suivi avec France Industrie : d’abord sur les semi-conducteurs, puis sur l’ensemble des filières, afin de faire, jour après jour, un point sur les délais d’approvisionnement et d’accélérer les choses, qu’il s’agisse de dispositions douanières, de coups de téléphone pour faire remonter des commandes sur la liste d’approvisionnement ou de mesures diplomatiques.
Mais ce qu’il y a derrière cette situation, c’est la remise à niveau de l’économie, le redémarrage de son moteur. Selon les experts que je voyais encore aujourd’hui, notamment Alexandre Saubot, président de France Industrie, ces difficultés conjoncturelles devraient être résolues d’ici à la fin de l’année, avec un probable point haut durant cet été.
M. Damien Abad
Il y a urgence !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée
Au-delà, le plan France relance a anticipé les facteurs structurels de ce phénomène ; nous devons relocaliser la production des intrants critiques de l’électronique et des semi-conducteurs. Nous travaillons à leur retour en France, puisque nous avons déjà financé plus de 273 projets de relocalisation depuis septembre dernier.
Enfin, s’agissant de la commande publique, nous ferons tout notre possible pour passer des messages de bienveillance : c’est essentiel pour le bâtiment comme pour les artisans. (Applaudissements
M. Maxime Minot
Ça rame, ça rame !
M. le président
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Merci de vos réponses, madame la ministre déléguée. Avant de penser à relocaliser, il faut répondre à l’urgence. J’aurai trois suggestions : évaluer la possibilité de neutraliser les pénalités de retard ; évaluer la possibilité de réviser les contrats, sur le point précis de l’indexation des prix de chantier ; enfin, si les entreprises doivent avoir recours au chômage partiel, leur dire très vite si c’est dans le cadre de la crise sanitaire ou dans un cadre de droit commun. Elles attendent. (Applaudissements
Aides aux agriculteurs de la Drôme
M. le président
La parole est à Mme Alice Thourot.
Mme Alice Thourot
Ma question est celle des agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs de la Drôme ; elle s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Ma circonscription, c’est pour beaucoup celle des vacances, l’entrée en Provence, les villages classés dans les champs de lavande. Mais pour nos agriculteurs, c’est leur gagne-pain et l’investissement de toute une vie.
On ne peut rien quand la nature se met en colère et quand le gel anéantit, au printemps naissant, toute une année de travail. Dans la vallée de la Drôme notamment, à Livron, à Loriol, à Mirmande ou à Cliousclat, ce sont jusqu’à 100 % des abricots et 80 % des kiwis qui ont été perdus. Les vignes ont aussi beaucoup souffert. Seules les amandes ont un peu mieux résisté.
Vous avez débloqué 1 milliard d’euros pour nos agriculteurs. C’est une très bonne nouvelle.
M. Fabrice Brun
C’est insuffisant !
Mme Alice Thourot
Mais ces aides doivent être versées très rapidement : il y va de la survie de nos exploitations.
Par ailleurs, les salariés saisonniers – certains de nationalité étrangère – sont nombreux dans la Drôme pour ramasser, tous les ans, les fruits de la vallée du Rhône. Ils sont installés depuis des années, parfaitement formés et appréciés ; ils sont devenus indispensables à l’agriculture drômoise. Ils étaient là, les nuits de gel, pour tenter de sauver, à la bougie, les vergers transis. Avec nos agriculteurs, ils n’ont pu que constater, lorsque l’aube a pointé, l’ampleur des dégâts. Il n’y aura pas de fruits, donc pas de travail cet été : une saison de précarité, puis une autre, à l’automne.
Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis de ceux qui cultivent la Drôme et seront au rendez-vous l’année prochaine pour des jours meilleurs.
Monsieur le ministre, quel est le calendrier de versement des aides d’un montant historique que vous avez annoncées ? Des dispositifs d’accompagnement sont-ils prévus pour les salariés agricoles saisonniers ? Enfin, des réflexions sont-elles en cours pour permettre aux agriculteurs de faire face, à plus long terme, à ces phénomènes météorologiques devenus récurrents ? Au nom de nos agriculteurs, de nos saisonniers et de toute la Drôme, je vous remercie de votre réponse. (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Vous avez raison de souligner la détresse de nombre de nos agriculteurs, notamment dans votre beau département de la Drôme où je me suis rendu, à vos côtés, dans une exploitation d’arbres fruitiers, plus précisément d’abricotiers, où la récolte a été entièrement détruite malgré une bataille acharnée des agriculteurs contre le gel.
Face à cette situation exceptionnelle, le Gouvernement, vous l’avez dit, répond de manière exceptionnelle. Nous avons d’abord consenti une aide de 1 milliard d’euros. Ensuite, vous l’avez dit, c’est une course contre la montre. Les premières mesures d’urgence s’appliquent dès maintenant ; les consignes sont passées aux préfets depuis le début de la semaine. Ce sera également le cas pour ce qui concerne les dispositifs d’assurance chômage, les exonérations fiscales, les charges sociales.
Il nous faudra également compenser les pertes de production. En moyenne, dans notre pays, cette compensation, dans le cadre du régime des calamités agricoles, prend neuf mois. C’est beaucoup trop long, et totalement inadapté à la situation.
Les premières aides doivent arriver dès cet été, notamment pour les arbres fruitiers, car c’est dès cet été que le manque à gagner se fera sentir ; je m’y engage.
Une question fondamentale nous est posée : l’adaptation de notre agriculture. Nous devons mieux prévenir et mieux gérer les risques. Je salue notamment, à cet égard, le travail de votre collègue Frédéric Descrozaille. Ce travail doit commencer dès maintenant : il y va de la souveraineté de notre pays, dans laquelle l’agriculture joue un rôle fondamental. (Applaudissements
Déprogrammation d’un documentaire sur France Télévisions
M. le président
La parole est à Mme Marianne Dubois.
Mme Marianne Dubois
« Liberté, égalité, fraternité » : telle est notre devise républicaine. Liberté d’aller et venir, liberté de parole, liberté de conscience, liberté de pensée – et cette liberté a été bien mise à mal ces derniers temps.
Ces dernières semaines, nous vivons une tentative de polémique sur la commémoration du bicentenaire du décès de l’empereur Napoléon Ier, et je ferai miennes – une fois n’est pas coutume – les paroles du président de notre assemblée : « Commémorer n’est pas célébrer. »
M. Maxime Minot
Bravo !
Mme Marianne Dubois
Plus localement, mais de façon tout aussi symptomatique, il y a quelques jours, une télévision du service public, France 3, décide de ne pas honorer son engagement de diffuser un documentaire consacré aux fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans, au motif qu’une des voix off du film est celle d’une journaliste jugée trop à droite. Les bras nous en tombent.
C’est là une grave atteinte à notre devoir de mémoire, une censure qui ne dit pas son nom, une insidieuse police de la pensée.
M. Maxime Minot
Eh oui !
Mme Marianne Dubois
Le maire d’Orléans Serge Grouard a annoncé qu’il ne céderait en rien à ces pressions et que le documentaire en question, financé à hauteur de 25 000 euros par la mairie, serait tourné et diffusé sur le site de la ville d’Orléans.
L’Assemblée nationale est le cœur battant de notre vie démocratique. Elle ne peut rester sans réaction face à ce comportement choquant d’une chaîne du service public censée être garante du pluralisme et de la liberté d’expression. (Applaudissements
Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal le comportement de cette chaîne publique ? Comment entendez-vous faire respecter non seulement la mémoire des femmes et des hommes qui ont fait l’histoire de France, mais aussi les valeurs du service public ? (Mêmes
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Vous avez, en filigrane de votre intervention, rappelé les principes de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. D’abord, l’audiovisuel, et en particulier celui de service public, doit respecter tous les courants de pensée et d’opinion. Ensuite, et de façon tout aussi fondamentale, le service public est indépendant ; il n’est plus sous le contrôle du ministère de la culture. Les fonctions de régulation et de sanction ont été confiées à une autorité administrative indépendante, aujourd’hui le Conseil supérieur de l’audiovisuel, bientôt, si vous en décidez ainsi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
M. Maxime Minot
Votre avis !
Mme Roselyne Bachelot, ministre
France Télévisions s’est exprimée sur les raisons qui l’ont amenée à ne pas diffuser le documentaire qui avait été financé par la mairie d’Orléans. Il ne revient pas au Gouvernement, et encore moins à la ministre de la culture, de commenter les déclarations de France Télévisions. (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme Marianne Dubois.
Mme Marianne Dubois
Croyez-vous, madame la ministre, que nous puissions nous contenter d’une telle réponse ? Vous ne pouvez pas vous défausser de cette façon !
Nous le voyons : la déconstruction de l’histoire est en marche ! (Applaudissements
Situation au Tchad
M. le président
La parole est à Mme Aina Kuric.
Mme Aina Kuric
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Le 20 avril dernier, nous apprenions le décès d’Idriss Déby Itno, au pouvoir au Tchad depuis trente et un ans, dans des circonstances encore non élucidées. Depuis, Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président maréchal, a pris la tête d’un Conseil militaire de transition, qui a nommé par décret ce dimanche 2 mai quarante ministres et secrétaires d’État, créant notamment un nouveau ministère de la réconciliation nationale. Dans le même temps, l’Assemblée nationale a été dissoute et de nouvelles élections doivent avoir lieu dans un délai de dix-huit mois. Un gouvernement militaire continuera donc d’exercer le pouvoir d’ici là, contrevenant ainsi au cadre démocratique légitime en cas de vacance du pouvoir, ce qui a entraîné des manifestations qui ont été réprimées dans le sang en plusieurs endroits du pays.
Le Tchad est un pilier essentiel de la lutte antiterroriste au Sahel et le plus grand contributeur de la force alliée G5 Sahel ; l’opération Barkhane y dispose de sa base d’état-major et de ses forces aériennes. Sa déstabilisation pourrait avoir de lourdes conséquences sur le dispositif sécuritaire local, alors que les attaques terroristes ne semblent pas décroître dans les pays voisins, au Burkina Faso, où une trentaine de civils furent tués ce week-end, ou au Mali.
Or les engagements de la France dans la région, plus que de tout autre pays, sont scrutés de près par l’ensemble de nos partenaires étatiques mais également par les partis d’opposition, les acteurs de la société civile ou encore les ONG qui ne manquent pas de rappeler à notre pays son exigence démocratique.
Alors que la France accueillera en juillet prochain le sommet Afrique-France à Montpellier, événement majeur devant incarner le renouvellement de nos partenariats avec ce continent, quelle est la position de la France sur la situation politique au Tchad ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes
Le Tchad vit en effet une situation très grave, exceptionnelle, porteuse de risques pour sa propre sécurité, pour celle de toute sa région, et au-delà pour notre propre sécurité.
Sous l’impulsion du Président de la République et du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’action de notre pays est guidée par trois principes essentiels.
La France a d’abord réaffirmé son très ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad. Le décès du président Déby, le 20 avril, est intervenu alors qu’il s’était porté à la tête des forces armées qui combattaient une incursion venue du territoire libyen. Nous condamnons la menace que ces groupes armés font peser sur la stabilité du Tchad et sur la sécurité des Tchadiens ; cette menace se perpétue, puisque Boko Haram continue de menacer les forces tchadiennes dans la région du lac Tchad.
Le Tchad, vous l’avez dit, est pour nous un partenaire majeur dans la lutte contre le terrorisme, dans le cadre du G5 Sahel comme dans celui de la Force multinationale mixte et dans celui de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali.
M. Thibault Bazin
Heureusement que nos soldats sont présents !
M. Clément Beaune, secrétaire d’État
Le Conseil militaire de transition a réaffirmé les engagements du Tchad en matière de lutte contre le terrorisme : c’est un point essentiel.
La France a également souligné d’emblée l’importance d’une transition pacifique, d’une durée limitée, qui s’appuie sur un gouvernement civil d’union nationale et sur un dialogue avec l’ensemble des parties prenantes. L’objectif doit être de revenir rapidement à des institutions démocratiquement élues.
C’est ce double message, soutien à la stabilité et vigilance sur les conditions de la transition, que le Président de la République a délivré lui-même en se rendant aux obsèques du président Déby le 23 avril dernier. Nous avons rappelé ces principes avec la plus grande fermeté lors de la répression inacceptable des manifestations.
Quant au gouvernement de transition, je rappelle qu’il est présidé par un Premier ministre civil, M. Padacké.
Nous soutenons également les efforts de l’Union africaine pour accompagner ce processus.
Nous restons enfin extrêmement vigilants quant à la situation de la communauté française du Tchad. (Applaudissements
Débat national sur la consommation de drogue
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Le Président de la République a annoncé un grand débat national sur la consommation de drogue. Ce débat est nécessaire : notre pays compte 5 millions de consommateurs de cannabis, dont 1 million de consommateurs quotidiens. Cette consommation a des conséquences importantes sur la santé publique, notamment parce que les dealers vendent des produits frelatés. Elle est également une source d’insécurité. Pourtant, la seule réponse est une politique de prohibition. Le tout-répressif est un échec total. D’autres pays ont fait le choix d’une politique de légalisation, comme les États-Unis ou le Luxembourg ; ils ont fait le choix d’affronter le problème plutôt que la politique de l’autruche.
Demain, une mission parlementaire d’information sur le cannabis rendra son rapport, lequel défendra la légalisation contrôlée du cannabis. Je salue mes collègues députés pour ce travail de qualité. Cette proposition n’est pas laxiste : la légalisation contrôlée par l’État, outre qu’elle garantirait aux consommateurs des produits contrôlés, permettrait d’assécher les trafics tout en générant des recettes fiscales et en créant des emplois. Elle s’accompagnerait d’une véritable politique de prévention auprès des jeunes pour réduire la consommation et les risques. C’est d’ailleurs le choix qui a été fait pour les autres drogues légales que sont le tabac ou l’alcool. Ce débat est donc crucial pour la santé des jeunes.
Le simple fait de montrer ce gobelet (M. François-Michel
Plusieurs députés du groupe LR
C’est interdit !
M. le président
S’il vous plaît, arrêtez, monsieur Lambert !
M. François-Michel Lambert
Le simple fait de sortir ce joint (M. François-Michel
M. le président
Monsieur Lambert, il est interdit par notre règlement de brandir ce type d’objet.
M. François-Michel Lambert
Alors, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à ouvrir un débat sans l’instrumentaliser, un débat rationnel, loin des émotions ?
M. Thibault Bazin
Il n’y a plus d’ordre ici ! On va bientôt fumer du cannabis !
M. le président
Monsieur Lambert, je vous rappelle à l’ordre avec inscription au procès-verbal.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
La différence entre vous et moi, monsieur Lambert, c’est que je ne peux pas montrer toutes les dépressions que les drogues occasionnent et qui enragent les familles de France, ni ces mères et ces pères de famille qui se battent tous les jours pour expliquer à leurs enfants que c’est de la merde qu’ils prennent dans leurs veines et qu’ils fument. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR ainsi que sur quelques bancs des groupes Agir ens et UDI-I.) Je ne peux pas montrer toutes ces personnes qui luttent contre des cancers, contre des maladies dépressives, et qui ne résistent pas à cette difficulté ! Car il y a des discours permissifs, comme il y a, pardonnez-moi de le dire, un peu de démagogie dans vos propos.
Très franchement, voyez-vous de la cohérence entre le début du quinquennat, quand vous avez voté pour l’augmentation du prix du paquet de cigarettes à 10 euros parce que vous vouliez lutter contre les cancers, et la légalisation du cannabis ? Voyez-vous de la cohérence du point de vue de la santé publique ? Pensez-vous que les trafiquants, qui font jusqu’à 60 000, 80 000 ou 100 000 euros d’argent liquide par semaine, vont ouvrir une échoppe, déclarer leur argent aux impôts et rentrer chez eux en respectant le code du travail ?
M. Pierre Cordier
Très bien, Darmanin !
M. Gérald Darmanin, ministre
Sortez de la naïveté, combattez la drogue et ne baissez pas les bras ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groups LaREM, Dem et LR ainsi que sur quelques bancs des groupes Agir ens et UDI-I.)
M. le président
La parole est à M. François-Michel Lambert.
M. François-Michel Lambert
Monsieur le ministre, la naïveté, c’est de croire que vous protégez la santé des Français quand vous laissez tous les jours 1 million d’entre eux aux mains des trafiquants. (Mme Mathilde
Lutte contre la dengue et le covid-19 à La Réunion
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Outre la nécessité de régler très vite, et par le haut, la situation ubuesque du service d’urologie de son centre hospitalier universitaire (CHU) menacé de fermeture en raison de querelles entre praticiens, La Réunion doit affronter une double urgence sanitaire.
Lorsque la covid-19 s’est abattue sur la planète, nous subissions déjà depuis de très longs mois une épidémie de dengue d’une rare virulence, si bien que, depuis plus d’un an et surtout en ce moment, la lutte épidémique à La Réunion doit être menée sur deux fronts. Alors que le variant sud-africain se propage vite dans l’île et que notre environnement géographique nous exposé à une circulation très forte de la covid-19, la dengue connaît, de son côté, une nouvelle intensité. Chaque semaine, plus de 1 000 nouveaux cas sont enregistrés – j’ai été l’un d’eux au début du mois. Aucune commune n’est épargnée ; celles de ma circonscription sont particulièrement touchées. Cette virulence s’accompagne de formes graves et de nouvelles complications. Plusieurs décès sont déjà à déplorer.
Cette double circulation virale n’est pas sans conséquences sur les structures hospitalières. Les urgences sont saturées, les hospitalisations de plus en plus nombreuses, tandis que la réanimation est à la limite de ses capacités, sans oublier le risque de pénurie des deux principaux antalgiques contre la dengue, dont la distribution est surtout assurée par les laboratoires et par leurs dépositaires, lesquels ne sont pas soumis à l’obligation de tenir des stocks d’avance.
Aussi, j’ai deux questions. Comment allez-vous amplifier la lutte contre les deux épidémies ? Seuls 40 % des plus de 70 ans et 21 % des plus de 50 ans ont été vaccinés contre la covid-19 à La Réunion. Vacciner dès le 24 mai tous les adultes qui le souhaitent dépendra du nombre de doses qui seront disponibles. Pour la dengue, contre laquelle il n’existe ni traitement ni vaccin, la lutte antivectorielle doit être intensifiée, notamment en réactivant le plan ravines. Comptez-vous traiter le sous-dimensionnement de nos moyens hospitaliers que cette double épidémie a mis en évidence ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Si la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 n’attend pas pour se développer, les maladies vectorielles, elles, continuent de se propager, à l’image de la dengue que vous décrivez. Comme chaque année, cette maladie frappe, notamment à La Réunion dont la situation préoccupe pleinement notre ministère et celui des outre-mer. Des cas ont été signalés dans toutes les communes ; la partie ouest de l’île concentre plus de deux tiers des cas. Depuis le début de l’année, 7 864 cas ont été confirmés par l’ARS – Agence régionale de santé – de La Réunion, et 245 personnes ont dû être hospitalisées. Nous déplorons également le décès récent de deux personnes de cette maladie.
L’Agence régionale de santé se charge de la lutte antivectorielle sur le territoire. Elle est à pied d’œuvre et agit auprès de la population réunionnaise pour réduire les risques de propagation de maladies transmises par les moustiques comme la dengue. Ce travail s’appuie sur plusieurs leviers et comprend des actions de sensibilisation et d’information qui sont essentielles pour le grand public. Mais, on ne le rappellera jamais assez, l’action de l’ARS ne se limite pas à ce travail préalable de sensibilisation. Pour limiter le risque, le service de lutte antivectorielle coordonnée dispose aujourd’hui de près de 150 agents déployés au quotidien sur le terrain pour effectuer des missions de surveillance de la densité de population des moustiques sur l’ensemble de l’île et contrôler régulièrement les ravines en zone urbaine, ainsi que pour mener de nécessaires opérations régulières de démoustication. C’est un travail minutieux et consciencieux, que ces agents effectuent en toute responsabilité ; toutefois, celui-ci ne peut être qu’un complément aux équipements utiles pour protéger les habitations, notamment les moustiquaires.
Soyez assurée que nous suivons de très près cette situation en lien avec l’ARS et que je vous donnerai des compléments d’information.
Négociations sur la pêche dans le cadre du Brexit
M. le président
La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la mer. J’y associe mes collègues Stéphane Travert et Sonia Krimi.
Depuis le 1er janvier, date de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les pêcheurs professionnels doivent détenir une licence qui les autorise à pêcher dans les eaux de l’île anglo-normande de Jersey, lesquelles relèvent de la souveraineté du Royaume-Uni. Le 26 janvier, quelques jours après votre venue dans notre département de la Manche, le Royaume-Uni a publié une première liste de navires autorisés à pêcher provisoirement jusqu’au 30 avril. Vendredi dernier, les licences définitives pour 2021 ont été octroyées à quarante et un navires de plus de douze mètres – seulement quarante et un navires – par le Royaume-Uni, en accord avec Jersey.
C’est d’abord une satisfaction pour ces professionnels, puis, très vite, c’est la stupéfaction pour eux : ces licences étaient accompagnées de nouvelles mesures restrictives, sans la moindre explication. Limitation des engins de pêche, des zones de pêche, des espèces autorisées à la capture, et même du nombre de jours de pêche ! Par exemple, un pêcheur de Granville qui a pour habitude de pêcher dans ces eaux des coquilles Saint-Jacques et des bulots en moyenne quarante jours par an a obtenu sa licence définitive pour 2021 avec seulement onze jours de pêche pour l’année entière, et uniquement pour la coquille. Disparu, le bulot !
Ces mesures nouvelles décidées unilatéralement et sans concertation sont en totale violation des dispositions prévues dans le traité. Elles sont illégales et totalement inadmissibles. Les femmes et les hommes de la filière pêche sont, par nature, résilients, mais ils sont aujourd’hui inquiets, ulcérés aussi, de devoir faire face aux pratiques abusives du Royaume-Uni, lesquelles mettent à mal leur activité et celle de toute la filière. Alors, vous vous en doutez, sur la côte ouest de la Manche, de Granville à Carteret en passant par Cherbourg, la colère gronde et l’envie d’en découdre est palpable.
Madame la ministre, nous connaissons votre engagement sans faille et nous savons que vous multipliez les échanges avec le commissaire européen pour faire valoir les droits des pêcheurs. Mais, aujourd’hui, ceux-ci attendent une action forte. Que comptez-vous faire pour que les pêcheurs français ne subissent plus les décisions abusives du Royaume-Uni et de Jersey et puissent se projeter durablement et sereinement ? (Applaudissements
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la mer.
Mme Annick Girardin, ministre de la mer
Pour avoir été souvent aux côtés des pêcheurs, y compris avec vous, je sais combien les professionnels de la Manche, mais aussi ceux de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-d’Armor, sont dépendants des eaux de Jersey. Les pêcheurs de Grandville ne sont qu’à deux heures de leur lieu de pêche. On comprend pourquoi nous avons entretenu, pendant plus de 150 ans, de très bonnes relations avec Jersey.
Comme vous, au soir du 30 avril, j’étais révoltée – oui, révoltée, c’est le mot – d’apprendre que ces quarante et une licences définitives étaient accompagnées de critères spécifiques, comme le nombre de jours de pêche. Ces conditions d’accès ont été décidées unilatéralement et sans explication. C’est tout à fait inadmissible. Vous savez que je me bats au quotidien pour dire : « L’accord, et rien que l’accord. » J’ai dénoncé immédiatement le non-respect de l’accord du Brexit auprès de la Commission européenne car, si nous l’acceptons à Jersey, nous créons un précédent dangereux pour l’ensemble de nos accès.
Mme Émilie Bonnivard
Exactement !
Mme Annick Girardin, ministre
Comme je l’ai dit aux professionnels, ces nouvelles conditions sont nulles et non avenues. Elles n’ont pas à être mises en application. Je resterai inflexible là-dessus ; il faut les dénoncer, et nous le faisons régulièrement, Clément Beaune et moi. Comme vous le savez, l’accord prévoit des mesures de rétorsion, et nous sommes prêts à les utiliser. L’Europe, la France ont des moyens à leur disposition. En ce qui concerne Jersey, il s’agit, par exemple, du transport d’électricité par câble sous-marin. Je regretterais de devoir en arriver là, mais nous le ferons s’il faut le faire. Régulièrement, Clément Beaune et moi montons au créneau au nom du Gouvernement. Nous ne lâcherons rien : l’accord, rien que l’accord de décembre dernier. (Applaudissements
Sauvegarde de l’emploi sur le site General Electric de Belfort
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard