Fabrication de la liasse

Amendement n°CS709

Déposé le vendredi 15 septembre 2023
Discuté
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Après l’article 131‑35‑2 du code pénal, il est inséré un article 131‑35‑3 ainsi rédigé :

« Art. 131‑35‑3. – I. – a personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de commission d’une des infractions mentionnées au II de l’article 131‑35‑1.

« Le manquement de la personne titulaire de l’accès à l’obligation définie au précédent alinéa n’a pas pour effet d’engager la responsabilité pénale de l’intéressé, sous réserve du II.

« II. – Lorsque l’une des infractions visées au II de l’article 131‑35‑1 est commise au moyen d’un service de communication au public en ligne, les personnes coupables des infractions prévues au II peuvent en outre être condamnées à la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.

« Lorsque ce service est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services.

« La suspension de l’accès n’affecte pas, par elle-même, le versement du prix de l’abonnement au fournisseur du service. L’article L. 121‑84 du code de la consommation n’est pas applicable au cours de la période de suspension.

« Les frais d’une éventuelle résiliation de l’abonnement au cours de la période de suspension sont supportés par l’abonné.

« Lorsque la décision est exécutoire, la peine complémentaire prévue au présent article est portée à la connaissance de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui la notifie à la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne afin qu’elle mette en œuvre, dans un délai de quinze jours au plus à compter de la notification, la suspension à l’égard de l’abonné concerné.

« Le fait, pour la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne, de ne pas mettre en œuvre la peine de suspension qui lui a été notifiée est puni d’une amende maximale de 5 000 euros.

« Le 3° de l’article 777 du code de procédure pénale n’est pas applicable à la peine complémentaire prévue par le présent article.

« III. – Pour les contraventions de la cinquième classe prévues par le code pénal, lorsque le règlement le prévoit, la peine complémentaire définie au II peut être prononcée selon les mêmes modalités, en cas de négligence caractérisée, à l’encontre du titulaire de l’accès à un service de communication au public en ligne auquel l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, en application du IV, a préalablement adressé, par voie d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date de présentation, une recommandation l’invitant à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à internet.

« La négligence caractérisée s’apprécie sur la base des faits commis au plus tard un an après la présentation de la recommandation mentionnée à l’alinéa précédent.

« Dans ce cas, la durée maximale de la suspension est d’un mois.

« Le fait pour la personne condamnée à la peine complémentaire prévue par le présent article de ne pas respecter l’interdiction de souscrire un autre contrat d’abonnement à un service de communication au public en ligne pendant la durée de la suspension est puni d’une amende d’un montant maximal de 3 750 euros.

« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique agit sur la base d’informations qui lui sont transmises par un officier de police judiciaire, le procureur de la République, d’un signaleur de confiance tel que mentionné à l’article 22 du règlement UE 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE, ou sur la base du signalement d’une victime.

« Elle ne peut être saisie de faits remontant à plus de six mois. Ce délai est de douze mois s’agissant des informations transmises par le procureur de la République.

« V. – Lorsqu’elle est saisie de faits susceptibles de constituer un manquement à l’obligation définie au I, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut envoyer à l’abonné, sous son timbre et pour son compte, par la voie électronique et par l’intermédiaire de la personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec l’abonné ou ou par lettre simple, une recommandation lui rappelant les dispositions du I, lui enjoignant de respecter l’obligation qu’elles définissent et l’avertissant des sanctions encourues en application des II et III.

« En cas de renouvellement, dans un délai de six mois à compter de l’envoi de la recommandation visée au premier alinéa, de faits susceptibles de constituer un manquement à l’obligation définie au III, l’autorité peut adresser une nouvelle recommandation comportant les mêmes informations que la précédente par la voie électronique dans les conditions prévues au premier alinéa. Elle doit assortir cette recommandation d’une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date de présentation de cette recommandation.

« Les recommandations adressées sur le fondement du présent article mentionnent la date et l’heure auxquelles les faits susceptibles de constituer un manquement à l’obligation définie au III ont été constatés. Elles indiquent les coordonnées postales et électroniques où leur destinataire peut adresser, s’il le souhaite, des observations à l’autorité.

« VI. – Les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne font figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, la mention claire et lisible des dispositions du I et des mesures qui peuvent être prises par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Elles font également figurer, dans les contrats conclus avec leurs abonnés, les sanctions pénales et civiles encourues pour les infractions visées au II de l’article 131‑35‑1.

« VII. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut conserver les données techniques mises à sa disposition pendant la durée nécessaire à l’exercice des compétences qui lui sont confiées au présent article.

« La personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne est tenue d’informer l’autorité de la date à laquelle elle a débuté la suspension ; l’autorité procède à l’effacement des données à caractère personnel relatives à l’abonné dès le terme de la période de suspension.

« VIII. – Est autorisée la création, par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, d’un traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur les personnes faisant l’objet d’une procédure dans le cadre du présent article.

« Ce traitement a pour finalité la mise en œuvre, par l’autorité, des mesures prévues au présent paragraphe, de tous les actes de procédure afférents.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application du présent article. Il précise notamment :

« - les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation ;
« -les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ;
« - les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer, auprès de l’autorité, leur droit d’accès aux données les concernant conformément à la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« IX. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »

Exposé sommaire

Cet amendement vise à créer un mécanisme d’avertissement aux auteurs de propos illicites. L’actualité récente l’a encore rappelé, la lutte contre le cyber-harcèlement doit continuer à être une priorité. Les plateformes mettent en œuvre des mesures, et ce sujet sera particulièrement traité par la Commission européenne et les diverses plates-formes dans le cadre de la mise en œuvre du DSA.

La mesure envisagée de créer une peine complémentaire d’interdiction « de réseau social » peut être saluée - les juges ayant déjà dans le passé prononcé des mesures similaires en faisant usage de leur pouvoir général de personnalisation de la peine. Néanmoins, au regard du nombre de personnes concernées, c’est-à-dire du nombre de procédures judiciaires entamées, le nombre de délinquants qui seraient condamnés va demeurer très faible. Si les données du ministère de la Justice montrent que l’on compte quelques dizaines de personnes poursuivies chaque année, les plates-formes suppriment, elles, de nombreux contenus. Sur YouTube, ce sont ainsi quelques 160 000 vidéos, mis en ligne depuis la France, qui sont supprimées chaque année. Ce chiffre est à mettre au regard des 54 condamnations pour « harcèlement au moyen d’un service de communication au public en ligne » en 2021.

En outre, quand on regarde les mesures existantes, l’action mise en œuvre par l’HADOPI et aujourd’hui par l’ARCOM, en matière de lutte contre le piratage a porté ses fruits. Ainsi, si aujourd’hui, on est en mesure d’envoyer des avertissements à des personnes qui piratent des contenus en ligne, on ne le fait pas pour des contenus haineux. Si aujourd’hui, on est capable de mettre une contravention pour des propos sexistes tenus dans la rue, on ne le fait pas pour les mêmes contenus sur internet.

Il est sans doute venu le moment de se poser la question de mettre en œuvre un mécanisme, similaire à celui prévu en matière de piratage, permettant d’adresser des avertissements voire des amendes forfaitaires de nature contraventionnelle aux personnes dont l’accès à internet est utilisé pour diffuser de tels propos.

Cette proposition est également reprise par le CNR lors duquel plusieurs participants ont partagé la nécessité de réfléchir à l’instauration de mesures contraventionnelles inspirées du dispositif Hadopi.

Cette approche aurait le mérite de rendre la lutte contre le cyber-harcèlement, et éventuellement d’autres délits, plus efficace, et aurait pour effet de montrer aux auteurs de propos haineux en ligne qu’ils ne sont pas anonymes.