- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 1855
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par :
Après l’article L. 110‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 110‑1‑1 ainsi rédigé :
« Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas applicable aux décisions et mesures prises en matière de droit des étrangers en France. »
L’article 8 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme prévoit que : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Dans les faits, la jurisprudence de la CEDH offre une grille de lecture des atteintes à l'article 8 en fonction d'une série de critères, mais elle ne prescrit pas, critère par critère, les seuils à partir desquels une violation de l'article 8 pourrait être constatée. Chaque situation est examinée in concreto avec un bilan de l'ensemble des paramètres du cas d'espèce et laisse une grande marge de manœuvre du législateur pour fixer les règles générales.
Dans l’arrêt Slivenko c. Lettonie de 2003, la CEDH a réaffirmé que les autorités nationales gardent une marge d'appréciation pour se prononcer sur la nécessité, dans une société démocratique, d'une ingérence dans l'exercice d'un droit protégé par l'article 8 et sur la proportionnalité de la mesure en question au but légitime poursuivi.
Le Conseil d’Etat s’est appuyé sur cet article pour dégager une jurisprudence en matière de droit des étrangers.
Pourtant, à plusieurs reprises (Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 1985) la CEDH a confirmé qu’un État a le droit, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour lui des traités, de contrôler l’entrée et le séjour des non-nationaux sur son sol. En outre, la Convention ne garantit pas le droit pour un étranger d’entrer ou de résider dans un pays particulier. Les autorités nationales n’ont donc pas l’obligation d’autoriser un étranger à s’installer dans leur pays (Jeunesse c. Pays-Bas 2014). La Cour a néanmoins admis que l’éloignement d’immigrants établis et d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire d’un État membre peut porter atteinte au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et, dans certaines circonstances, être incompatible avec les droits découlant pour eux de l’article 8 de la Convention (Üner c. Pays-Bas).
En conséquence, le présent amendement des députés Les Républicains vise à revenir à l’esprit initial de la CEDH en inscrivant dans la loi que l’article 8 de la CEDH n’est pas applicable au droit des étrangers.