- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 1855
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par :
Après l’alinéa 23, insérer l’alinéa suivant :
« 21° Une évaluation de la situation démocratique et des caractéristiques propres à un État de droit dans les pays d’origine sûrs. »
Par cet amendement, nous souhaitons nous saisir de l'outil du rapport annuel que le gouvernement est censé remettre au parlement avant le 1er juin pour y inclure des éléments d'évaluation plus pertinents, en l'occurence ici une évaluation de la situation démocratique et des caractéristiques propres à l'Etat de droit dans les "pays d'origine sûrs".
Rappelons que les demandeurs d'asile originaires de pays sûrs font l’objet d’un examen accéléré de leurs demandes. Si la procédure de demande ne diffère pas de celle des autres demandeurs, les candidats disposent de moins de temps pour introduire un recours en cas de rejet de leur demande, ce qui ne suspend pas non plus leur expulsion.
Rappelons également que cette liste a été pensée pour priver d’une partie de leurs droits les demandeurs d’asile qui en sont ressortissants. Pire, depuis la loi Collomb de 2018, ils sont privés du droit au séjour lors de l’examen de leur recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), c’est-à-dire qu’ils sont expulsables avant le terme de leur demande d’asile. Par ailleurs, sauf avis contraire de la CNDA, les demandeurs d’asile de ces pays ne peuvent se défendre que face à un juge unique, et non devant une formation composée d’un juge et de deux assesseurs.
Cet outil de liste de pays d'origine sûr est largement utilisé en Europe dans un but de restriction du droit d'asile. Ainsi par exemple l'Allemagne a souhaité en août dernier introduire sur sa liste de pays d'origine sûrs la Géorgie et la Moldavie dans une période où le pays se disait être sous la pression de l'immigration clandestine. (Selon la police fédérale les entrées illégales dans le pays auraient augmenté d'un tiers par rapport à la même période l'année précédente.) Pourtant comme le rapportent les organisation de défense de droits civils, telle que Pro Asyl, ces pays sont loin d'être sûrs pour tout le monde. En Géorgie, la communauté LGBTIQ+ subit des pressions et n’est pas protégée contre les attaques violentes de l’État. La situation des journalistes est également préoccupante. En Moldavie, les Roms sont exclus et discriminés.
En France, en juillet 2021, le Conseil d'Etat, saisi par plusieurs organisations a décidé d'annuler la décision du conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui maintenait sur la liste des pays d'origine sûrs le Bénin, le Ghana et le Sénégal. Désormais, c'est acté, les persécutions que subissent les personnes LGBTQ+ dans ces pays et les manquements démocratiques font que ceux-ci ne peuvent pas être considérés comme sûrs par l'OFPRA.
Aussi, il nous semble pertinent, à défaut de supprimer ce principe de pays d'origine sûr délétère pour le droit d'asile et en méconnaissance du principe fondamental de non-refoulement prévu par la Convention de Genève de 1951 selon lequel un réféugié ne devrait pas être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté sont gravement menacées.