- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 1855
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par :
Supprimer cet article.
Par cet amendement, nous nous opposons à l'article 10 du projet de loi gouvernemental qui réduit le champ des protections contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français (OQTF) en cas de menace grave pour l’ordre public.
Il s’agit de confier au préfet de département le soin d’examiner au cas par cas les situations individuelles et de décider d’OQTF en mettant en balance l’existence d’un comportement constituant une menace grave pour l’ordre public avec notamment le droit au respect de la vie privée et familiale.
Dans son avis le Conseil d’Etat souligne que ces dispositions ont substantiellement évolué depuis sa saisine initiale à la suite de deux saisines rectificatives suscitées par des objections, d’ordre constitutionnel et relatives notamment à la méconnaissance du principe d’égalité. La juridiction administrative relève également que la mise en place d’un dispositif aussi nouveau suppose un travail préalable important car les règles relatives à la reconduite à la frontière n’ont à l’origine pas été conçues en vue d’assurer l’éloignement des étrangers présentant une menace grave à l’ordre public, à la différence de celles de l’expulsion. “Le dispositif issu du projet de loi est en outre particulièrement complexe et peu lisible et appellerait une reconfiguration plus générale des deux régimes d’éloignement.” estime-t-il. Aussi faute de temps pour instruire ce nouveau dispositif, le Conseil d’Etat proposait de ne pas retenir cet article. Il n'en est rien.
Plus fondamentalement, rappelons ici que l'amalgame entre immigration et délinquance est au coeur de ce PJL. La priorité affichée ici n’en est donc pas moins d’améliorer l’effectivité des OQTF (créées en 2006 afin d’éloigner les étrangers sur la seule base d’un refus de titre de séjour) qui ne repose sur aucune réalité tangible, que de criminaliser les étrangers. Moins de 10% des OQTF sont d’ailleurs exécutées tous les ans tant l’administration ne dispose pas des moyens nécessaires que du fait de leur inflation (elles sont passées de 60 000 en 2011 à près de 120 000 en 2021). Alors que ce texte tente de complexifier le contentieux (en raccourcissant les délais par exemple - Titre V), c’est avant tout un problème de moyens et d’opportunités. Ce taux de non-exécution est brandi de longue date comme un indicateur de l’inefficacité de la politique migratoire et est donc devenu un totem aux yeux de l’opinion. Les vingt et une lois votées depuis 1990 sur l’immigration et l’asile n’ont pas suffi à régler le problème. La 22ème n’y changera rien.