- Texte visé : Proposition de loi relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise, n° 2033
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Après l’alinéa 10, insérer l’alinéa suivant :
« Tous les ans au bilan d’activité des entreprises est attachée une annexe qui dresse la liste de l’ensemble des consultations ayant bénéficié du privilège de la confidentialité. Cette liste dresse l’objet général, la date, l’heure et le lieu de la consultation. »
"Le présent amendement présenté par le groupe de la France Insoumise-NUPES vise à intégrer une liste de l’ensemble des consultations réalisées par le juriste d’entreprise et bénéficiant du privilège de la confidentialité au rapport annuel d’activité de l’entreprise ayant bénéficié de ces consultations.
Une telle liste permettrait de lever en partie la nébulosité qui entoure ces documents confidentiels, en permettant d’abord d’identifier clairement l’objet des consultations tombées sous le sceau de la confidentialité. Par extension, elle lèverait le flou quant à la nature des échanges concernés que cette proposition de loi entretient. Surtout, en formalisant davantage ces échanges, cette liste intégrée au rapport d’activité de l’entreprise pallierait le risque que ce nouveau privilège de la confidentialité n’ouvre à la tentation, pour les entreprises, d’estampiller “legal privilege” des documents non juridiques, en y ajoutant quelques éléments de droit artificiels, dans le seul but de les soustraire au regard des autorités de contrôle.
Surtout, cette liste permettrait de faciliter le travail des juridictions civiles, commerciales et administratives notamment dans le cadre de procédures prudhommales et syndicales, ou encore des enquêtes des autorités de contrôle telles l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou l’Agence française anticorruption. En effet, cette proposition de loi entrave considérablement le travail de ces juridictions en ouvrant la possibilité aux grandes entreprises, seules qui ont les moyens de s’entourer de juristes, de leur opposer la confidentialité de leurs échanges avec ces derniers dans de très larges cas, notamment dans le cadre de leurs pouvoirs d’instruction, les possibilités de référé étant circonscrites aux litiges.
Faute d’accès complet à ces documents, cette liste permettrait a minima aux autorités et aux justiciables une meilleure lisibilité des enjeux ayant fait l’objet de consultations confidentielles. Cette transparence est d’autant plus impérieuse que la confidentialité implique par essence que la partie adverse soit privée d’informations clés – une rupture d’égalité renforcée par l’insuffisance du délai applicable pour contester la confidentialité alléguée par une entreprise dans le cadre d’un litige civil ou commercial, qui n’est que de 15 jours, le même que celui dans lequel le juge des libertés et de la détention peut être saisi par une autorité administrative.
L’intégration de cette liste dans le rapport annuel d’activité de l’entreprise viserait donc à rétablir un semblant de transparence, alors que le privilège de la confidentialité crée de graves ruptures d’égalité, y compris dans l’accès à la preuve, pourtant reconnu de manière prétorienne par la CEDH, comme étant issu de l’article 6-1 (droit à un procès équitable) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, puis consacré par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 5 avril 2012, n° 11-14177)."