- Texte visé : Proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, n° 2150
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 3 qui prévoit d’élargir les finalités permettant aux services de renseignement de recourir à la technique du renseignement dite de l’algorithme. Jusqu’alors, ce recours était strictement circonscrit aux « seuls besoins de la prévention du terrorisme ».
En vertu de l’élargissement de ces finalités, les services spécialisés de renseignement pourraient ainsi être autorisés à détecter des connexions susceptibles de révéler « toute forme d’ingérence étrangère ou de tentative d’ingérence étrangère ». Or, cette dernière notion est laissée trop floue, en l’absence de toute définition claire. La nouvelle rédaction de l’article L851-3 du code de la sécurité intérieure ainsi proposée pourrait ainsi ouvrir la voie à une confusion dangereuse entre ingérence étrangère, et simple influence ou intervention d’acteurs étrangers, y compris celle d’acteurs non-étatiques telles que les organisations non-gouvernementales, et quelles que soient les finalités de ces interventions.
En outre, si le seul recours élargi à ces traitements automatisés ne devrait pas permettre l’identification par les services spécialisés des personnes auxquelles les données détectées se rapportent, la nouvelle version de l'article L851-3 permettrait bien l' « identification de la ou les personnes concernées et le recueil des données y afférente » en cas de détection de « données susceptibles de caractériser l’existence d’une menace ». Or, cette nouvelle rédaction, qui ne précise pas le type de menace concernée soulève à nouveau le risque d’arbitraire et de probables violations aux droits et libertés mentionnés.
Plus généralement, l’élargissement de ces finalités apparait problématique, tant il a été maintes fois documenté que le recours aux techniques de renseignement algorithmiques est attentatoire aux les libertés individuelles. De façon générale, il a été montré que la surveillance, qu’il s’agisse de la collecte massive de données ou de la collecte ciblée de données, interfère directement avec la vie privée, dont le droit est constitutionnellement garanti, et la sécurité, nécessaires à la liberté d’opinion et d’expression. Cette interférence peut être directe ou indirecte, par exemple par un effet d’auto-censure des acteurs. C’est le constat émis dans une résolution A/C.3/71/L.39/Rev.1 l’Assemblée générale des Nations Unies sur le droit à la vie privée à l’ère numérique (2016), qui pointe que la crainte de la divulgation involontaire d’une activité en ligne, telles que la recherche et la navigation, dissuade probablement les individus d’accéder à des informations, en particulier lorsque cette surveillance conduit à des résultats répressifs. Cette même surveillance peut également avoir un effet paralysant sur la liberté du travail journalistique et sur le secret des sources, et donc sur la liberté de la presse, reconnue à valeur constitutionnelle.
Enfin, nous rappelons notre opposition ferme au recours à la surveillance algorithmique. Le développement de la « technopolice » qui s'est déployé ces dix dernières années : caméras-piétons, caméras embarquées, drones, transmission des images en temps réel, utilisation d’algorithmes « intelligents », etc., doit prendre fin. Notre programme l'Avenir en Commun propose de mettre un terme à cette fuite en avant et nous reviendrons à des méthodes de police et d’investigation qui mettent le savoir-faire humain au cœur du dispositif, dans le respect de la vie privée des citoyen·nes.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement propose la suppression de cet article 3.