- Texte visé : Proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, n° 2150
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Après l’alinéa 5, insérer les deux alinéas suivants :
« I bis. – Le second alinéa de l’article L. 821‑3 est complété par les mots : « , sauf en ce qui concerne les techniques de renseignement prévues à l’article L. 851‑3. »
« I ter. – Le deuxième alinéa de l’article L. 821‑4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas d’avis défavorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, concernant les techniques de renseignement prévues à l’article L. 851‑3, le Premier ministre ne peut pas délivrer l’autorisation. »
"Le présent amendement de repli, du groupe LFI-NUPES, vise à introduire des garanties contre les techniques de renseignement algorithmiques.
En l’état, l’article 3 ne permet pas de rendre compte de la conciliation entre ces deux impératifs et la réalisation d’un objectif légitime donné. Il est dès lors indispensable de garantir à tous une protection adéquate et effective contre l’arbitraire et le risque d’abus notamment en vue du respect de la vie privée et familiale, et du droit à la liberté d’expression. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme dispose que toute restriction à la liberté d’expression doit en effet avoir un objectif légitime, être prévue par la loi, demeurer strictement proportionnée à cet objectif et être essentielle dans une société démocratique.
Or, l’article 3 proposé, en ce qu’il élargit le périmètre de la surveillance, aussi bien sous l’angle de la collecte massive de données que de la collecte ciblée de données, est traversé de dispositions à même de restreindre les libertés publiques, dont la liberté d’expression, par ailleurs constitutionnellement consacrée. Une telle restriction pourrait être indirecte, par exemple par un effet d’auto-censure des acteurs. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs eu l’occasion de rappeler que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif (décision n° 2012-652 DC, 22 mars 2012).
Ces appréciations de la nécessité et de la proportionnalité des mesures prises doivent dès lors intervenir dès l’étape de la détection des connexions « susceptibles de révéler une menace terroriste ou toute forme d’ingérence ou de tentative d’ingérence étrangère ». Elles devront également intervenir au moment de la prise de décision, par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements d’une autorisation de mise en œuvre de ces traitements automatisés, et au moment de son possible renouvellement. Nous proposons à ce titre, à l'instar des avis du Défenseur des droits n°21-07 et de l'avis de l'ARCEP n° 2021-0643, que l'avis de la CNCTR soit contraignant pour le Premier ministre.
La France insoumise-NUPES considère que ces garde-fous sont d’autant plus indispensables que l’objectif poursuivi, ici « les finalités », devant justifier de telles restrictions aux libertés fondamentales ne sont pas toutes définies clairement. C’est le cas de la notion de « toute forme d’ingérence étrangère », qui, en l’absence de définition claire, pourrait être confondue avec l’intervention d’acteurs étrangers, y compris légitimes.
Nous rappelons notre opposition ferme au recours à la surveillance algorithmique. Le développement de la « technopolice » qui s'est déployé ces dix dernières années : caméras-piétons, caméras embarquées, drones, transmission des images en temps réel, utilisation d’algorithmes « intelligents », etc., doit prendre fin. Notre programme l'Avenir en Commun propose de mettre un terme à cette fuite en avant et nous reviendrons à des méthodes de police et d’investigation qui mettent le savoir-faire humain au cœur du dispositif, dans le respect de la vie privée des citoyen·nes.
Cette proposition d'amendement permet, a minima, un avis conforme de la CNCTR.