XVIe législature
Session extraordinaire de 2022-2023

Troisième séance du jeudi 06 juillet 2023

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Troisième séance du jeudi 06 juillet 2023

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 1110 à l’article 6.

    Article 6 (suite)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1110 n’est pas défendu.
    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 1215.

    Mme Naïma Moutchou

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    S’inscrivant dans la continuité des échanges que nous avons eus avant la pause, il concerne le périmètre du tribunal des affaires économiques (TAE). Je propose d’exclure les associations, les fondations et les fonds de dotation de sa compétence. On sait en effet que la principale activité de ces structures ne relève pas du commerce : elle repose sur la non-lucrativité et présente un caractère désintéressé. Ces caractéristiques sont celles du monde de la générosité, qui n’a rien à voir avec le champ de compétences qu’aura le TAE dans le cadre de la future expérimentation.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Philippe Pradal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Après avoir longuement évoqué le sujet des agriculteurs tout à l’heure, nous abordons le deuxième sujet important de l’article 6, celui des associations. Nous avons adopté, à l’initiative des rapporteurs, des amendements identiques visant à exclure certaines d’entre elles du champ de compétences du TAE. Reste le sujet des fondations et des fonds de dotation faisant appel à la générosité du public – qui pourraient être couverts par les amendements adoptés, mais en partie seulement, car ils ont un champ plus vaste – et celui des autres associations. Je reste convaincu que l’expérimentation du TAE serait trop large si elle englobait l’ensemble des associations. Il aurait fallu qu’elle puisse être limitée à celles qui ont une activité économique, dont la définition est bien connue par le code général des impôts notamment. Ce n’est pas la rédaction à laquelle nous avons abouti. Le présent amendement n’ayant pas été soumis à la commission des lois, je ne peux donner l’avis de celle-ci, mais à titre personnel, j’y suis favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je vous invite à retirer votre amendement, celui du rapporteur ayant déjà exclu une partie des associations.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    J’avais déposé un sous-amendement à l’amendement no 1110, non soutenu, qui visait également à exclure les fondations et fonds de dotation. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra donc l’amendement de Mme Moutchou.

    (L’amendement no 1215 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 1016.

    Mme Mathilde Hignet

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    La profession nous alerte depuis des mois : nous devons maintenir une justice civile pour l’instruction des procédures collectives agricoles. Les TAE suscitent la crainte de Solidarité Paysans, une association qui accompagne les agriculteurs qui en font la demande, jusqu’au tribunal si nécessaire. Voici ce que dit Jean-Marie, agriculteur en retraite : « Nous avons été accompagnés de manière remarquable. La procédure nous a permis de poursuivre notre activité jusqu’à notre retraite, avec la satisfaction d’installer un jeune sur notre ferme. » L’association considère à juste titre que l’expérimentation pourrait accroître le nombre de liquidations judiciaires et accentuer le risque suicidaire. Le système actuel est pourtant satisfaisant : il permet à de nombreuses procédures collectives d’aboutir et à des fermes de se maintenir.
    Issue moi-même du monde agricole, je peux vous dire que les paysans sont déjà particulièrement sensibles au regard de leurs collègues. En cas de difficultés sur leur ferme, le sentiment de culpabilité et parfois de honte accroît souvent leur détresse. N’y ajoutons pas la possibilité d’être jugé par un pair, d’autant plus que le risque de conflit d’intérêts est important. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater la compétition pour le foncier lorsque des terres se libèrent. La décision d’orienter une ferme vers la liquidation ou la sauvegarde doit appartenir à un juge professionnel et non à un agriculteur nommé par la chambre d’agriculture – c’est-à-dire en fait à une couleur syndicale, quelle qu’elle soit. En outre, l’expérimentation serait menée dans des régions d’élevage, auprès des agriculteurs connaissant les plus grandes difficultés. Nous demandons donc la suppression de cette disposition dangereuse et inutile. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Je m’associe bien sûr aux propos que vous avez tenus quant aux difficultés psychologiques que peut susciter une procédure collective dans le monde agricole. Mon avis sur l’amendement est néanmoins défavorable. D’abord, l’agriculteur ne sera pas seul pour statuer : il sera accompagné d’autres juges non professionnels, qui l’aideront à prendre en compte l’ensemble des enjeux. Ne négligeons pas non plus le fait que les tribunaux de commerce ont développé au fil du temps une culture de l’accompagnement des personnes en situation de détresse à la suite d’une telle procédure.

    (L’amendement no 1016, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 135 de M. Philippe Pradal, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 135, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 97 tombe.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 1008.

    Mme Murielle Lepvraud

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    Cet amendement de repli vise à s’assurer que les personnes exerçant une activité agricole ne seront pas concernées par la délégation aux TAE des compétences en matière de procédures collectives. Ces compétences relèvent aujourd’hui de juridictions civiles, qui assurent des procédures suffisamment efficaces ; c’est ce que nous disent les agriculteurs. De nombreuses exploitations en danger parviennent à être redressées. Pourquoi mettre en péril ce qui fonctionne ? Pourquoi mettre les procédures collectives sous le joug d’un TAE, qui peinerait à garantir des jugements impartiaux et signerait une offensive contre les petites exploitations qui – par exemple – ne se conformeraient pas au modèle agro-industriel ?
    L’activité agricole ne doit pas être considérée comme une activité commerciale. Elle doit être régie par une justice judiciaire classique. Elle n’est pas non plus une activité économique comme les autres : elle est soumise aux aléas sanitaires et climatiques, ainsi qu’à la saisonnalité. Elle s’inscrit dans un temps long. Or la réforme que vous proposez risque d’entraîner des jugements expéditifs, voire dégagistes, alors que du temps est nécessaire pour surmonter les difficultés. Les agriculteurs et les associations qui leur viennent en aide sont unanimes : les juridictions civiles accompagnent déjà correctement les exploitations en difficulté grâce à des procédures de sauvegarde ou de redressement. Les liquidations judiciaires sont rares. Cette réforme n’est donc pas nécessaire et serait même contre-productive. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Pour les raisons déjà exposées, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous sommes très surpris, chère collègue, de la présentation que vous faites du milieu agricole, dont vous parlez comme d’un secteur arriéré ! Il y a aujourd’hui des entreprises agricoles établies sous une forme sociétaire, employant des salariés, exploitant plusieurs dizaines d’hectares, concluant des baux, disposant d’un fonds agricole… Bref, l’agriculture moderne telle que nous l’aimons et telle que nous l’avons développée en France ! Aujourd’hui, ces entreprises ont une activité économique. Si elles rencontrent des difficultés, elles méritent que leur procédure de sauvegarde, de liquidation ou de redressement soit traitée par un tribunal des activités économiques. Franchement, je ne partage pas votre vision arriérée et passéiste de l’agriculture.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Exactement !

    M. Antoine Léaument

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    Non, ne dites pas ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Nous pouvons opposer nos visions, monsieur le rapporteur. Les agriculteurs ont besoin du regard de leurs pairs, mais aussi d’aides ou d’accompagnements spécifiques – qu’il s’agisse d’accompagner dans leurs opérations économiques les petites structures ou bien les énormes établissements industriels qui vivent du travail très temporaire de prestataires extérieurs, généralement sans papiers, et qui financent en grande partie la chimie qui détruit nos terres ! Dans le contexte actuel de lutte pour la préservation du climat, nous ne pouvons pas omettre de le souligner ! Ceci étant, je ne jette l’opprobre sur personne. Je souligne simplement que l’agriculture a besoin aujourd’hui d’un cadre particulier. C’est justement ce que propose le présent amendement, qui ne vise absolument pas à la réduire à une vision passéiste. C’est une fille de paysans qui vous le dit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 1008 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 136 de M. Philippe Pradal, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 136, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 625.

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Ce nouvel amendement des rapporteurs du texte vise à répondre à une question soulevée sur différents bancs : il propose d’assouplir les conditions d’accompagnement des entreprises qui iront devant le TAE, en supprimant notamment l’obligation du recours au ministère d’avocats dans un certain nombre de cas. Cela permettra aux entreprises agricoles d’être accompagnées par ceux qu’elles estiment les plus à même de les soutenir – un autre agriculteur, un salarié d’une chambre d’agriculture ou d’un syndicat, par exemple – au cours de ces procédures qui peuvent être éprouvantes sur le plan humain et complexes sur le plan technique.

    (L’amendement no 625, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir les amendements nos 1344 et 1345, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jérémie Iordanoff

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    L’amendement no 1344 est un amendement de repli inspiré du travail de notre collègue sénateur Guy Benarroche. Il propose une évaluation spécifique de l’expérimentation du TAE dans le monde agricole, qui associerait des représentants des syndicats agricoles représentatifs et d’associations d’aide aux agriculteurs. Les syndicats agricoles soulèvent un problème spécifique. Nous avons commencé à en parler tout à l’heure lorsque nous avons évoqué l’envoi de représentants par la chambre d’agriculture : nous savons en effet qu’il se fera au profit du syndicat majoritaire. Cela pourrait ne pas être un problème si le syndicat majoritaire et les autres syndicats, minoritaires dans le secteur agricole, n’étaient pas en conflit et s’ils n’avaient pas des visions radicalement opposées. Il est vraiment essentiel de traiter la question de la représentativité des syndicats pour que l’expérimentation soit acceptable par l’ensemble des agriculteurs. L’évaluation que nous proposons permettrait de mesurer l’impact de celle-ci, ainsi que le maintien de l’emploi dans ce secteur indispensable à notre souveraineté alimentaire.
    L’amendement no 1345 est relatif quant à lui aux conflits d’intérêts, qui nous semblent également devoir être étudiés de façon très précise. On sait en effet que les agriculteurs peuvent se retrouver en situation de conflit d’intérêts avec d’autres représentants du monde économique. Le rapporteur Terlier a évoqué tout à l’heure la possibilité de déport. Il n’empêche que la question doit tout de même être étudiée car, au niveau local, les cas vont être nombreux. Nous demandons donc simplement une étude spécifique sur ce point dans le rapport d’évaluation de l’expérimentation.

    Mme la présidente

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    Sur l’article 6, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    L’amendement no 1344 me paraît satisfait ; l’amendement no 1345 me paraît impossible à satisfaire, dans la mesure où il est impossible de conduire une étude objective sur des jugements jugés impartiaux. J’émets donc un avis défavorable pour chacun de ces deux amendements.

    (Les amendements nos 1344 et 1345, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 6.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        46
            Nombre de suffrages exprimés                46
            Majorité absolue                        24
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                20

    (L’article 6, amendé, est adopté.)

    Article 7

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes, inscrite sur l’article.

    Mme Pascale Bordes

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    L’article 7 prévoit de mettre en place à titre expérimental, dans certains tribunaux de commerce, une contribution financière pour chaque instance introduite devant le TAE. Le Gouvernement précise dans l’étude d’impact que l’objectif de cette contribution est de lutter contre les recours abusifs et dilatoires, de responsabiliser les parties dans l’engagement des procédures et l’épuisement des voies de recours, de dégager des ressources et de contribuer au financement de la justice.
    Très sincèrement, je ne pense pas que ce soit en matière de droit du commerce qu’on trouve le plus de recours abusifs et dilatoires, mais plutôt aux affaires familiales, où les habitués multiplient les procédures, ou en droit des étrangers,…

    Mme Andrée Taurinya

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    Allez, c’est parti !

    Mme Pascale Bordes

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    …où on assiste à un empilement de recours en tous genres, les personnes allant jusqu’au bout des voies de recours.
    Il y a une solution pour lutter contre les recours abusifs, c’est l’amende civile. La contribution pour la justice économique va entraîner une rupture d’égalité des citoyens devant la loi ; elle porte atteinte aussi au principe de la gratuité de la justice.
    Certes, monsieur le rapporteur, il y a déjà eu des exceptions à ce principe, telle l’instauration du timbre à 35 euros. Mais cette somme est sans commune mesure avec celle de 100 000 euros que peut atteindre la contribution financière – disons que nous n’avons peut-être pas les mêmes valeurs !
    Monsieur le ministre, vous avez indiqué en commission que bon nombre de pays européens avaient institué une justice économique payante. C’est vrai, mais aucun d’entre eux ne connaît un niveau de prélèvements sociaux et fiscaux aussi élevé qu’en France. Nos impôts sont tels que nous sommes quand même en droit d’attendre un retour sur investissement !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    La contribution pour la justice économique est une innovation importante. Cette mesure est bien sûr fondée sur un motif d’intérêt général. Seuls les contentieux commerciaux sont visés ; les procédures collectives n’entrent pas dans le périmètre et, grâce à un amendement de Philippe Gosselin adopté en commission, les petites entreprises et les artisans qui chercheraient seulement à récupérer le règlement d’une facture sont exonérés. Ce dispositif n’est plus l’usine à gaz qu’il était – on progresse lentement et j’espère que le texte final sera plus clair.
    Je voudrais profiter de ce temps de parole pour vous interroger sur l’état des tribunaux de commerce. Un président de tribunal m’a parlé d’une misère criante des équipements. Comment l’expliquer, alors que ce sont des tribunaux où l’on paie beaucoup ? Les avocats doivent régler des frais pour déposer une assignation. Quant aux greffiers, leur niveau de revenu est de très loin supérieur à celui des greffiers des tribunaux judiciaires, au point que leur rémunération a été pointée du doigt par l’inspection générale des finances (IGF) dans un rapport bien connu, à l’origine de la loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances. L’autre face de ces tribunaux, c’est la vétusté des équipements et le caractère bénévole du mandat des juges consulaires. J’aimerais savoir où se situe la vérité.
    Pour finir, je ne vois pas ce qu’il y a d’insultant à demander aux grosses entreprises de payer un peu plus que 70 euros lorsqu’elles introduisent une instance visant à obtenir une réparation financière, dans le cadre d’un contrat s’élevant à plusieurs millions.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements no 65 et identiques, je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de plusieurs amendements de suppression de l’article, nos 214, 516, 608, 944 et 102.
    L’amendement no 214 de Mme Pascale Bordes est défendu.
    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 516.

    M. Philippe Schreck

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    Comme l’a indiqué Pascale Bordes, cet article vise à instaurer, même de façon expérimentale, une justice à péage. Rien ne justifie pourtant que des justiciables demandeurs devant un TAE aient à acquitter une contribution proportionnelle à l’intérêt du litige qu’ils souhaitent voir prospérer.
    Pour nous, créer une justice moderne du XXIe siècle, cela ne veut pas dire lever l’impôt. D’autant que la France, dans ce domaine, occupe un des premiers rangs au niveau planétaire.
    Nous considérons que cette expérimentation introduira aussi une inégalité territoriale entre les justiciables, à savoir entre ceux qui seront concernés par le dispositif et ceux qui ne le seront pas. Comme beaucoup, nous craignons la généralisation de cette expérimentation, dans le domaine du droit commercial et dans d’autres, tant il est vrai qu’expérimenter l’impôt en France, c’est l’adopter définitivement.
    On parle de gratuité de la justice, mais il ne faut pas oublier qu’elle a un coût pour le contribuable – qu’on le veuille ou non.
    En commission, des amendements importants ont été adoptés pour tenter de neutraliser le dispositif, dont les effets nous semblent scandaleux. N’oublions pas qu’à l’origine, les indépendants, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) devaient acquitter la contribution. Ce n’est plus le cas, mais bien des risques demeurent.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 608.

    Mme Sandra Regol

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    Les services publics sont nos biens communs : l’école permet de s’émanciper ; la justice permet de faire respecter le droit partout. Ce qui en fait l’un des piliers de notre société, c’est que nous mutualisons leur financement par l’impôt. Or cet article voudrait nous faire payer deux fois : c’est un peu comme si, pour avoir le droit à une éducation, on devait financer l’école, ou comme si on devait payer un supplément pour avoir le droit de porter plainte après une agression.
    Cette contribution introduit une inégalité qu’on ne peut que déplorer. Nous pensons qu’il convient de supprimer l’article, car celui-ci pourrait constituer un précédent et faire jurisprudence. Ainsi, les exemples que je viens d’imaginer – payer pour l’éducation, payer pour porter plainte – pourraient trouver à se réaliser.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 944.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Avec la défense de ces amendements de suppression, nous assistons à l’affrontement de deux conceptions de la justice, de deux conceptions du service public. Nous savons bien qu’un service public, quel qu’il soit, a un coût pour l’État, donc pour l’ensemble de la population. Pourtant, ces services publics ne doivent pas être financés comme le seraient une entreprise ou un prestataire de services. Ils demeurent des services publics.
    Nous, nous sommes attachés à la gratuité de la justice. Dans cet article, on ne parle pas de 13 euros de droit de plaidoirie ou de 225 euros de droit de timbre, mais d’une somme qui peut aller jusqu’à 100 000 euros ! J’ai été soulagée de voir que les entreprises de moins de 250 salariés étaient exonérées – les conséquences seront donc moins graves qu’attendu. Mais imaginez une entreprise de plus de 250 salariés, en situation financière difficile mais pas au point d’être en procédure collective : elle devra choisir entre aller en justice pour recouvrer ses factures, quitte à payer 100 000 euros, et engager une procédure collective. Il s’agit là d’une inégalité flagrante.
    Nous sommes d’autant plus inquiets que le produit de cette contribution n’est pas affecté. Alors que le droit de timbre avait été validé par le Conseil constitutionnel pour financer la réforme sur la garde à vue et que la contribution de 150 euros était destinée au financement du fonds d’indemnisation de la profession d’avoué, on ne sait pas où iront ces sommes.

    Mme Cécile Untermaier

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    Elles iront au budget de l’État !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1023.

    Mme Andrée Taurinya

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    Il faut défendre les services publics, c’est ce que nous préconisons dans notre programme. Les services publics sont gratuits et doivent le rester. Or la contribution – en fait, le paiement – peut atteindre la coquette somme de 100 000 euros.
    Rappelons que le Syndicat de la magistrature voit dans la contribution pour la justice économique une forme de dissuasion qui incitera les entreprises à ne pas ester en justice.
    De par sa forme, non seulement l’expérimentation entraîne une rupture d’égalité du fait que les règles ne s’appliquent pas uniformément dans l’ensemble des territoires, mais cette rupture d’égalité a une incidence financière non négligeable pour ceux qui vont devoir s’acquitter de la contribution. C’est doublement honteux. Pour ces raisons, nous souhaitons supprimer cet article.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Je vais essayer, si vous m’autorisez cette expression triviale, de remettre l’église au milieu du village.
    La première objection porte sur le caractère éventuellement inconstitutionnel de l’expérimentation, en tant qu’elle serait susceptible de créer une inégalité. Le Conseil d’État a rendu un avis très clair sur cette question : la Constitution ne fait en rien obstacle à un traitement différencié des territoires dans le cadre d’une expérimentation.
    Autre objection : l’institution d’une contribution reviendrait à créer une justice à péage – jolie formule à laquelle je ne souscris pas – et exclurait de l’accès à la justice des gens ayant besoin d’y avoir recours. Rappelons que l’article prévoit plusieurs types d’exonération : pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, ce qui couvre un large panel de justiciables (« Encore heureux ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; pour le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective, autrement dit les entreprises en difficulté, madame K/Bidi ; pour l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements, car on estime qu’incarnant l’intérêt général, ils n’ont pas à verser cette contribution destinée à lutter contre les recours abusifs ; pour les entreprises de moins de 250 salariés, ajout que nous avons fait à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Gosselin qui souhaitait voir les petites et moyennes entreprises dispensées afin de leur permettre d’ester en justice lorsqu’elles s’estiment lésées – je défendrai dans quelques instants un amendement étendant le champ des exonérations, au-delà des seules entreprises, à toutes les personnes physiques et morales comptant moins de 250 salariés.
    Globalement, la justice reste gratuite et son accès reste libre pour ceux qui ont besoin d’y accéder. Je ne trouve pas gênant que de très grandes entreprises utilisant les litiges commerciaux pour dissuader leurs concurrents de faire des recours contre elles ou pour peser sur des clients ou fournisseurs s’acquittent du paiement de cette contribution, dont le montant, plafonné à 100 000 euros, sera fixé selon un barème défini par décret en Conseil d’État en fonction des sommes concernées par le litige.

    M. Antoine Léaument

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    Effectivement, 100 000 euros, ce n’est rien !

    Mme Élisa Martin

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    Une paille !

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    L’article 7 repose sur un dispositif équilibré : il permet à tout le monde de continuer à ester en justice et crée une barrière contre les recours abusifs, en rendant la demande irrecevable en cas de défaut de versement de la contribution. Avis défavorable à ces amendements de suppression.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous l’imaginez bien, je suis défavorable à ces amendements de suppression pour différentes raisons que M. le rapporteur a déjà exposées de manière très claire. Des exonérations sont en effet prévues, notamment pour les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle et pour les entreprises de moins de 250 salariés, conformément à votre souhait d’élargir les dispenses aux entreprises en fixant des seuils, souhait que nous avons entendu.
    Lorsque nous avons fait un tour des justices économiques commerciales européennes, il nous a été dit très clairement que la nôtre était moins bien considérée que d’autres parce qu’elle était gratuite. C’est le syndrome de la marque. La justice britannique ou la justice allemande font ainsi l’objet de davantage de considération, au motif qu’elles sont payantes. Ce n’est pas juste, mais je n’y peux rien.
    Rappelons par ailleurs que la création du TAE et l’instauration de la contribution pour la justice économique répondent aux préconisations des états généraux de la justice, dont le comité a souligné que « l’application sans aucun tempérament du principe de la gratuité de la justice économique conduit à un défaut de responsabilisation ».
    J’ajoute que, sous réserve d’une limitation de son objet et de sa durée, le régime de l’expérimentation permet de déroger au principe d’égalité.
    Enfin, dans son avis, le Conseil d’État « considère qu’en tant que telle une contribution de cette nature ne vient heurter aucun principe d’ordre constitutionnel ou conventionnel, dès lors que la mesure est fondée sur un motif d’intérêt général ».

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Notre collègue Untermaier vous a posé une question très pertinente au sujet des moyens dont disposent les tribunaux de commerce, question à laquelle vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre. C’est un problème que les professionnels concernés avec lesquels nous échangeons soulèvent de manière récurrente. Permettez-moi donc de relayer cette demande légitime.

    Mme Cécile Untermaier

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    Merci, monsieur Hetzel.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 214, 516, 608, 944 et 1023.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        71
            Nombre de suffrages exprimés                71
            Majorité absolue                        36
                    Pour l’adoption                29
                    Contre                42

    (Les amendements identiques nos 214, 516, 608, 944 et 1023 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 303.

    M. Patrick Hetzel

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    Cet amendement de mon collègue Ian Boucard vise à ne plus faire du versement de la contribution une condition de recevabilité de la demande devant le tribunal des affaires économiques. En effet, cette contribution crée une inégalité d’accès au droit et éloigne de la justice les entreprises n’ayant pas les fonds nécessaires pour faire une demande devant le TAE.
    De plus, il est prévu que « le recouvrement de cette contribution est assuré gratuitement, le cas échéant par voie électronique, par les greffiers des tribunaux de commerce, lesquels émettent à cet effet un titre exécutoire. Le président de la juridiction ou le magistrat délégué à cet effet statue par ordonnance en cas de contestation. ». Si cette contribution doit être versée sous peine d’irrecevabilité, il y a fort à parier qu’il y aura de très nombreuses contestations.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Cette contribution fait-elle obstacle au recours à la justice ? C’est une question à laquelle nous avons répondu en prévoyant de larges exonérations qui favorisent l’accès du plus grand nombre aux tribunaux.
    Par ailleurs, si le versement de la contribution était exigé en fin de procédure, après le jugement, plutôt qu’au stade de l’introduction de l’instance, cela enlèverait toute efficacité au dispositif qui a pour objet d’éviter les recours abusifs. Il faut donc maintenir l’irrecevabilité de la demande comme conséquence du non-versement de la contribution.
    Mon avis sera donc défavorable.

    (L’amendement no 303, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 742, 754 et 756 de M. Philippe Schreck sont défendus.

    (Les amendements nos 742, 754 et 756, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur le vote de l’article 7, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 304.

    M. Patrick Hetzel

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    Il prévoit que seuls les litiges supérieurs à 500 000 euros seront assujettis à la contribution financière. Les critères figurant à l’article 7, trop larges, s’éloignent de la volonté que vous avez vous-même exprimée, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous précisiez que « la contribution économique expérimentale ne sera due que par les grandes entreprises et pour les litiges les plus importants ». Nous espérons que vous donnerez un avis favorable, puisque nous ne faisons que vous prendre au mot.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Si nous n’avons pas retenu de seuils pour les recours, c’est par souci d’efficacité : les services juridiques des très grandes entreprises savent multiplier les petits recours. Adopter votre amendement reviendrait à favoriser ce genre de pratiques beaucoup plus déstabilisatrices pour les PME que les recours portant sur des sommes élevées. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    J’ai l’esprit d’escalier et je viens seulement de penser au cas suivant : le demandeur paie les 100 000 euros au greffe du tribunal, puis gagne, mais son débiteur est insolvable. Il subit alors une double peine, puisque non seulement il a immobilisé cette somme, mais il ne peut pas récupérer l’argent qui lui est dû.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Non, parce qu’il se fait rembourser les 100 000 euros s’il gagne !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous n’avez pas été attentive, madame Bordes.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Il manquait apparemment une marche à l’escalier de Mme Bordes, ce qui explique qu’elle ait trébuché (Sourires)… Quand nous avons introduit en commission l’exonération pour les entreprises, nous avons fixé le seuil à moins de 250 salariés afin que toutes les petites entreprises soient dispensées, et nous avons réussi, grâce à une écoute partagée, à faire avancer les choses sur ce point.
    Ce que nous souhaitons, c’est faire en sorte que la contribution ne soit due, sous peine d’irrecevabilité, que pour les affaires les plus importantes. Comme toujours, fixer des seuils est délicat et peut-être le montant de 500 000 euros n’est-il pas un bon choix. Toujours est-il que cette somme représente de sacrés marchés pour les entreprises de plus de 250 salariés, qui constituent le tissu économique de nos départements ruraux, provinciaux – et je dis cela sans aucun dédain, car nous en sommes issus. Comment avancer sur ce point ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Monsieur Gosselin, quand une entreprise compte 250 salariés ou plus, ce n’est pas une petite PME. Dans les circonscriptions rurales d’où nous venons, de telles entreprises se comptent sur les doigts de la main.

    M. Philippe Gosselin

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    Il y a une avancée, j’en conviens.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Par ailleurs, quand le montant de la contribution est fixé à 100 000 euros, c’est que le litige porte sur 2 millions d’euros, ce qui représente une demande indemnitaire particulièrement élevée.
    Madame Bordes, vous savez bien ce qu’est le mécanisme des dépens : lorsque le demandeur gagne, même si son débiteur est insolvable, les 100 000 euros qu’il a déposés en consignation lui sont restitués. Je pense que cela est de nature à vous rassurer.

    (L’amendement no 304 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 757.

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Grâce à M. Gosselin, en commission, nous avons fixé à moins de 250 salariés le seuil pour les entreprises. Nous souhaitons par cet amendement élargir le champ de l’exonération à « toutes les personnes physiques et [aux]personnes morales de droit privé » employant moins de 250 salariés, ce qui nous paraît moins limitatif.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je m’associe à cet amendement du rapporteur. J’avais, en accord avec lui, tenté de déposer un sous-amendement, mais je constate qu’il n’a pas passé les fourches caudines de l’irrecevabilité. C’est donc bien volontiers que je me joins à cet effort qui n’est plus collectif, mais individuel ; il représentera toutefois la collectivité.

    (L’amendement no 757 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1346 tombe.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 1443.

    M. Pierrick Berteloot

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    Il vise à permettre au juge de mettre à la charge d’une autre partie la totalité ou une fraction de la contribution due au titre de l’introduction d’une instance devant le tribunal des activités économiques, sans qu’il ait à motiver sa décision.
    Si l’on comprend aisément le parallélisme qui justifie l’application des dispositions du code de procédure civile relatives aux dépens à la contribution prévue au présent article, la partie qui succombe n’a pas nécessairement les mêmes ressources que son ou ses adversaires. À plus forte raison, la contribution est fixée en tenant compte de la capacité contributive des parties, certaines en étant même exonérées. Le contentieux traité par le tribunal des activités économiques est, par ailleurs, très spécifique.
    Il est donc proposé de faciliter le travail du juge en lui permettant de répartir la charge de la contribution comme il l’entend, selon les éléments qui lui sont apportés et sans qu’il ait à motiver sa décision.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Il faut certes faciliter le travail du juge, mais il faut aussi favoriser la compréhension des décisions de justice. Je suis toujours favorable à ce qu’une décision ou un jugement soient motivés. Avis défavorable.
    J’en profite pour évoquer un cas supplémentaire d’exonération de la contribution, dont nous n’avons pas beaucoup parlé jusqu’à présent : lorsque le litige se règle de façon amiable – ces procédures doivent d’ailleurs être encouragées –, la contribution est restituée au demandeur – qu’il succombe ou non, puisqu’en cas de règlement amiable, il n’y a pas de jugement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Je profite de ce rebond pour m’étonner que mon amendement no 1346, qui vient de tomber, n’ait pas fait l’objet d’une discussion commune avec celui du rapporteur, puisqu’il venait en complément. Permettez-moi donc de l’expliquer rapidement : il visait à substituer au critère des 250 salariés celui du chiffre d’affaires. En effet, il existe aussi des entreprises de 50 salariés qui sous-traitent énormément ; le nombre de salariés n’est donc pas forcément le bon critère pour mesurer la santé économique d’une entreprise. C’est pourquoi nous préférerions fixer un seuil à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

    Mme Élisa Martin

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    Tout à fait !

    Mme la présidente

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    Je vous remercie. Pour répondre à votre remarque sur votre amendement, celui de M. le rapporteur concernait bien le même alinéa, qu’il a réécrit.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Ils auraient donc pu faire l’objet d’une discussion commune.

    Mme la présidente

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    Je ne peux que constater, comme vous, que cela n’a pas été le cas.

    (L’amendement no 1443 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 674 de M. Philippe Pradal, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 674, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1020 de M. Philippe Schreck est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Défavorable, puisque le cas visé par cet amendement est déjà réglé à la fois par la disposition visant à exonérer les PME et par celle concernant les entreprises à l’ouverture d’une procédure. S’agissant d’entreprises importantes faisant l’objet d’une procédure, les frais de recours sont inclus dans le cadre de la gestion opérée avec l’administrateur judiciaire.

    (L’amendement no 1020, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 215.

    Mme Pascale Bordes

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    Il vise à supprimer l’alinéa 11, qui concerne l’instauration d’une amende civile d’un montant de 10 000 euros en cas de comportement dilatoire ou abusif. Vous nous dites souvent, monsieur le rapporteur, que tel ou tel amendement est satisfait : j’ai envie de vous dire que votre alinéa est déjà satisfait par les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, qui prévoit que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive » – c’est exactement les cas que vous mentionnez – « peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts ».

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Même si l’amende civile existe déjà en effet, l’objet du présent article est de réécrire l’ensemble du cheminement qui sera appliqué au demandeur défaillant. Il est donc important de le rappeler, d’autant que cela permettra de disposer d’une source unique et donnera une meilleure lisibilité au texte. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

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    À l’heure où l’on parle de réécrire le code de procédure pénale – je sais bien que nous sommes ici dans le domaine commercial – pour éviter d’avoir des textes qui se multiplient à l’infini, cet argument n’est pas sérieux. (M. Pierrick Berteloot applaudit.)

    (L’amendement no 215 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 971 de Mme Delphine Lingemann est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Même si l’avis a été défavorable en commission, et à l’instar de ce qu’a fait tout à l’heure le rapporteur Balanant, je donnerai un avis favorable à votre souhait de substituer aux mots « Six mois au moins » les mots « Au moins six mois ».

    (L’amendement no 971, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 7.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        60
            Nombre de suffrages exprimés                60
            Majorité absolue                        31
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                22

    (L’article 7, amendé, est adopté.)

    Article 8

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    L’article 8 aborde la question des prud’hommes et nous considérons que les dispositions y afférentes sont très insuffisantes. Pourtant, l’enjeu est de taille : ce sujet concerne la vie quotidienne des Français, en particulier le contentieux prud’homal qui touche une grande partie de la population, notamment les plus précaires.
    Les auditions menées par mon groupe ont été édifiantes s’agissant de l’état de cette juridiction. Le projet de loi n’aborde pas, par exemple, la question de la longueur des délais – un sujet qui vous tient pourtant à cœur, monsieur le garde des sceaux. La situation est telle que les salariés peuvent attendre jusqu’à cinq ans avant d’obtenir un jugement du conseil des prud’hommes. En cas d’appel ou d’éventuel recours en cassation, cette durée peut atteindre dix ans. Cette situation s’explique, entre autres, par un délai d’un an environ constaté entre l’audience et la notification du jugement.
    Par ailleurs, le projet de loi ne prend à aucun moment en considération la complexité des formulaires nécessaires pour saisir cette juridiction en cas de litige, ce qui constitue un véritable obstacle dissuasif pour les salariés. La justice ne peut pas se satisfaire de ce bilan et je trouve outrageant, en définitive, que l’on puisse inscrire dans le texte un article 8 sur la juridiction prud’homale sans régler ces questions. Le présent texte ne répond pas à ces problèmes et nous le déplorons, estimant qu’il serait nécessaire de légiférer davantage.
    Enfin, dans le même esprit, j’ajouterai que nous ne disposons d’aucune analyse des résultats des pôles sociaux des tribunaux qui ont remplacé, depuis le 1er janvier 2019, les anciens tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS). Nous ne devons pas oublier, dans un projet de loi de programmation, les pôles sociaux et les prud’hommes.

    Mme la présidente

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    Je vous informe que sur l’article 8, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1300.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le problème des vacances de sièges a conduit les partenaires sociaux à envisager des évolutions du texte qui permettraient d’assouplir et de fluidifier le processus de désignation complémentaire et de pourvoir plus rapidement au remplacement des conseillers prud’hommes ayant quitté leurs fonctions en cours de mandat.
    Les propositions paritaires pour une justice prud’homale renforcée recommandent, dans un paragraphe 1.1 visant à faciliter la désignation des conseillers prud’hommes et soutenir leur engagement, de « mettre en place un portail permanent qui permette de désigner tout au long du mandat et en dehors de toute opération de désignation complémentaire spécifique des conseillers prud’hommes ».
    Dans l’intérêt du bon fonctionnement de la justice du travail, de telles pistes de réflexion devraient pouvoir être examinées par le Conseil supérieur de la prud’homie. C’est l’objet du présent amendement, élaboré en collaboration avec la CFDT.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Puisqu’il s’agit du premier article traitant de la justice prud’homale, je voudrais rendre hommage aux près de 15 000 conseillers prud’hommes,…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Eh oui !

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    …dont j’ai moi-même fait partie – même s’il ne faut pas le dire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme Caroline Abadie et M. Jean Terlier, rapporteur

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    Bravo !

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Je sais donc bien ce qu’ils font. Cet amendement demande que le Conseil supérieur de la prud’homie dresse un bilan du processus de désignations complémentaires. Je vous remercie, monsieur Iordanoff, d’avoir cité cet organisme, avec lequel nous sommes en contact régulier, et souligné la qualité du travail qu’il accomplit. Il produit déjà les informations sollicitées et je ne vois pas d’intérêt particulier à demander un rapport spécifique sur ces désignations complémentaires. Plusieurs articles permettront de mieux pourvoir les postes vacants, notamment en instituant des dérogations tant en matière de localisation qu’en matière de parité. À ce titre, les informations étant déjà produites, votre amendement me paraît satisfait. C’est pourquoi je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même position : demande de retrait ou avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Je soutiens les amendements qui visent à améliorer la justice prud’homale. Et je suis navrée de constater que ce texte ne prend pas à bras-le-corps la situation alarmante dans laquelle se trouve la justice sociale en général, en particulier la justice prud’homale. Plus de 60 % des demandeurs font appel à la suite de décisions du conseil de prud’hommes. Certains d’entre nous ont évoqué la difficulté qu’il y a à redonner confiance en la justice : cette confiance est quasi inexistante en matière de justice prud’homale. À cet égard, la formation des conseillers prud’homaux est un vrai sujet, qui explique d’ailleurs en partie cette défiance et le taux d’appels, particulièrement élevé.
    Bien sûr, l’objectif n’est pas de professionnaliser ce domaine ni de lui apporter un peu plus de professionnalisation, puisque nous manquons déjà de magistrats partout. Néanmoins, cela nous empêche de conférer à cette justice la qualité indispensable qu’elle mériterait. J’ai, pour ma part, beaucoup de respect pour les conseillers prud’homaux, dont certains sont excellents.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Moi aussi !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Malheureusement, trop souvent, ils manquent d’une véritable formation pour assumer leurs fonctions. Lorsque le droit n’y est pas, forcément les gens vont en appel, où les délais sont encore plus longs qu’en première instance. Ce n’est pas par quelques articles de saupoudrage visant à pourvoir aux remplacements de conseillers vacants que l’on arrivera à faire de cette justice une justice de qualité. Il faut prendre le problème à bras-le-corps et revoir la formation des conseillers prud’homaux si vous ne souhaitez pas y instaurer plus de professionnalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Iordanoff, maintenez-vous votre amendement ?

    M. Jérémie Iordanoff

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    Oui, tout à fait.

    (L’amendement no 1300 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 8.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        50
            Nombre de suffrages exprimés                44
            Majorité absolue                        23
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                6

    (L’article 8 est adopté.)

    Article 8 bis A

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 1080 et 1081 rectifié de M. Philippe Pradal, rapporteur, sont rédactionnels.

    (Les amendements nos 1080 et 1081 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’article 8 bis A, amendé, est adopté.)

    Article 8 bis

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 59 et sur l’article 8 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 59 tendant à supprimer l’article.

    M. Patrick Hetzel

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    L’article 8 bis vise à instaurer une obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’homaux dans les deux mois suivant leur prise de fonction. La remise de cette déclaration qui se veut exhaustive donnera lieu à un entretien déontologique du conseiller prud’homal avec le président ou le vice-président du conseil de prud’hommes auquel il est rattaché.
    Cette disposition ne tient pas compte, à mon sens, des difficultés pratiques relatives à sa mise en œuvre. En effet, les tribunaux manquent déjà de moyens humains ; il suffit d’assister à une rentrée solennelle pour s’en rendre compte. Cette nouvelle obligation déclarative risque de créer une réelle difficulté de fonctionnement, sans pour autant écarter les conflits d’intérêts, qui peuvent être liés à des raisons tant professionnelles que personnelles.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    En introduisant par voie d’amendement cette obligation de déclaration d’intérêts pour les conseillers prud’homaux, le Sénat a strictement transposé une disposition applicable à d’autres magistrats non professionnels comme les magistrats consulaires des tribunaux de commerce et des TAE. Il s’agit donc d’une simple harmonisation.
    En revanche, je vous concède que le délai de mise en œuvre de la mesure est quelque peu brutal. C’est pourquoi les rapporteurs ont déposé l’amendement no 1088 à l’article 29, visant à reporter l’application de cette obligation et d’autres dispositions à la date du prochain renouvellement général, ce qui donnera le temps aux tribunaux de se préparer et d’organiser les entretiens déontologiques.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable, pour les raisons exposées avec éloquence par M. le rapporteur.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Il est bien sûr difficile de s’opposer sur le principe à une déclaration d’intérêts ; ce n’est d’ailleurs pas là mon propos. Naturellement, il importe d’appliquer une obligation de transparence pour limiter le risque de conflit d’intérêts. Toutefois, en l’occurrence – je le dis d’autant plus facilement que, contrairement à M. le rapporteur, je n’ai jamais été conseiller prud’homal –, je trouve que cette mesure relève, pour ainsi dire, de l’artillerie lourde. Les conseillers prud’homaux sont près de 15 000, et vous savez bien qu’il est souvent difficile d’en recruter de nouveaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas une raison !

    M. Philippe Gosselin

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    Cette mesure risque de faire renoncer certains titulaires à leur engagement. Le report de l’échéance permettra sans doute une accalmie, mais l’obligation de déclaration, si son principe est louable, me semble tout de même excessive. L’article méconnaît les enjeux.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Nous sommes favorables à l’article et voterons contre l’amendement de suppression. Je suis étonné de la position des députés du groupe Les Républicains, car il me semble que la confiance en la justice dans tous ses aspects constitue un enjeu majeur. Or la transparence est nécessaire au rétablissement de la confiance. L’obligation de déclaration d’intérêts s’applique déjà dans de nombreux domaines ; je peine à comprendre pourquoi on en exempterait la justice prud’homale. L’obligation d’impartialité et la prévention des conflits d’intérêts sont un enjeu pour l’ensemble des institutions, y compris pour la justice prud’homale. L’article me semble donc relever du bon sens, contrairement à l’amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 59.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        48
            Nombre de suffrages exprimés                48
            Majorité absolue                        25
                    Pour l’adoption                9
                    Contre                39

    (L’amendement no 59 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 60.

    M. Patrick Hetzel

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    Il est motivé par les mêmes préoccupations que l’amendement précédent, mais vise cette fois à dissocier la déclaration d’intérêts et l’entretien déontologique, afin d’éviter d’alourdir la charge des présidents et des vice-présidents de conseil de prud’hommes. Contentons-nous de la déclaration et supprimons l’entretien déontologique obligatoire. Sachant que les conseillers prud’homaux sont au nombre de 15 000, imaginez le nombre de personnes que devrait recevoir chaque président de conseil ! Cela représenterait un travail supplémentaire considérable pour les présidents et vice-présidents qui, il convient de le rappeler, exercent généralement par ailleurs une activité professionnelle. M. le rapporteur a certainement conscience de l’ampleur de la charge. Cet amendement déposé par Véronique Louwagie me semble donc relever du bon sens.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    À vos arguments de bon sens, monsieur Hetzel, j’opposerai d’autres arguments de bon sens. Premièrement, supprimer la condition d’exhaustivité de la déclaration d’intérêts revient à supprimer l’obligation de déclaration. Une déclaration d’intérêts partielle étant inutile, l’adoption de l’amendement rendrait la mesure inopérante.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Évidemment !

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Deuxièmement, lorsque j’étais conseiller prud’homal, j’allais voir au moins deux fois par mois mon président de section ou le président de la formation, même sans y être obligé. L’entretien déontologique permet de fixer un cadre à ces entrevues ; la chancellerie définira les sujets qui devront y être abordés. Il s’agit certes d’une obligation plus formelle, mais les conseillers prud’homaux se parlent déjà, et sont ravis d’avoir la possibilité de consulter leurs confrères quant à l’opportunité d’un déport.
    Je suis donc défavorable à l’amendement car le dispositif, même s’il comporte certaines lourdeurs, me paraît utile pour renforcer la confiance en la justice. N’oublions pas que les conseils de prud’hommes, eux aussi, rendent la justice au nom du peuple français.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Je m’associe aux propos de M. Iordanoff. Il est vrai que certains candidats sont dissuadés de briguer la fonction de conseiller prud’homal parce qu’ils se sentent insuffisamment qualifiés, qu’ils ont besoin de davantage de formation et d’étayage. Néanmoins, j’estime que si un candidat renonce à exercer cette fonction parce qu’il refuse de se plier à des obligations telles qu’une déclaration d’intérêts ou un entretien déontologique, il vaut sans doute mieux qu’il ne devienne pas conseiller prud’homal…

    M. Philippe Gosselin

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    Il faut tout de même reconnaître que des questions d’attractivité se posent, comme pour les maires !

    (L’amendement no 60 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 8 bis.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        61
            Nombre de suffrages exprimés                59
            Majorité absolue                        30
                    Pour l’adoption                50
                    Contre                9

    (L’article 8 bis est adopté.)

    Article 8 ter

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 61 et 311, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 61 et 311, tendant à supprimer l’article.
    L’amendement no 61 de Mme Véronique Louwagie est défendu.
    La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 311.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous souhaitons élargir le recrutement des conseillers prud’homaux. Quoi qu’en disent certains collègues, les candidats à cette fonction ne se bousculent pas, de même que le poste de maire, dans de nombreuses communes, n’attire plus. Les tâches qui y sont associées demandent du temps, de l’investissement et relèvent généralement du bénévolat, même si elles donnent parfois lieu à des indemnités kilométriques ou à un défraiement. On ne fait pas fortune en devenant conseiller prud’homal – cela se saurait.
    L’article 8 ter vise à instaurer des dates couperets, sous la forme d’une limitation du nombre de mandats consécutifs et d’une limite d’âge fixée à 75 ans. Certes, l’âge de 75 ans marque le départ à la retraite des membres de la Curie romaine (M. Philippe Pradal, rapporteur, sourit), ce qui a peut-être inspiré le choix des sénateurs, car l’Esprit souffle où et quand il veut. Néanmoins, cette limite peut sembler arbitraire : pourquoi 75 ans et non 70 ou 80 ? Certaines personnes conservent toutes leurs facultés à l’âge de 70 ans, d’autres n’ont pas cette chance. Laissons les électeurs trancher au cas par cas.
    De même, on peut se demander pourquoi les sénateurs ont fixé à cinq le nombre de mandats consécutifs, plutôt qu’à trois, quatre ou tout autre chiffre. Là encore, laissons aux électeurs la liberté de choisir. Nous courrons certes le risque de voir certains conseillers prud’homaux s’incruster pendant plusieurs générations – je le dis sur le ton de la plaisanterie –, mais nous aurons surtout la chance de pouvoir nous appuyer sur la sagesse et sur l’expérience de personnes compétentes disposées à donner de leur temps à la société et à la justice, au nom du peuple français. (M. Davy Rimane applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Cet article introduit par le Sénat prévoit de limiter l’exercice de la fonction prud’homale à cinq mandats consécutifs dans le même conseil de prud’hommes et d’instaurer une limite d’âge à 75 ans.

    M. Philippe Gosselin

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    Les sénateurs eux-mêmes s’appliqueront-ils la même discipline ? (Sourires.)

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Je vous laisse régler cette question avec les sénateurs de votre parti ! En tout cas, ces dispositions sont cohérentes avec le projet de loi organique relative à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire, qui fixera à 75 ans la limite d’exercice de certaines fonctions dévolues par exemple aux magistrats honoraires, comme vous l’expliquera le rapporteur Didier Paris. La limite d’âge s’explique donc par une volonté d’harmonisation.
    La limite de cinq mandats consécutifs permet d’exercer jusqu’à vingt ans dans le même conseil de prud’hommes. En outre, les zones les mieux dotées comportent généralement plusieurs conseils de prud’hommes, ce qui laissera la possibilité à ceux qui le souhaitent d’accéder à un sixième mandat, à condition de changer de conseil.
    Le seul problème que posent ces dispositions est celui du couperet – je souscris à votre terme – de la date d’application. C’est pourquoi le collège des rapporteurs a déposé l’amendement no 1088 à l’article 29, visant à faire appliquer ces mesures à partir du prochain renouvellement général. En effet, les organisations syndicales et les présidents de conseil de prud’hommes que j’ai consultés m’ont indiqué qu’il leur serait impossible de s’adapter immédiatement à de tels changements, mais qu’ils le pourraient s’ils disposaient de deux ans pour s’y préparer. Cela donnera également le temps aux conseillers prud’homaux les plus expérimentés, notamment chargés des audiences de référé, de transmettre leur savoir-faire et leur savoir-être. Faisons-leur confiance pour cela. Il est bien sûr possible de continuer à faire profiter les autres de son expérience après l’âge de 75 ans, mais cela peut s’inscrire dans un autre cadre. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    J’ai occupé la fonction de conseiller prud’homal, comme M. le rapporteur, ainsi que celle de défenseur syndical devant les conseils de prud’hommes. Je ne comprends pas la décision du Sénat, car je peux vous assurer que les candidats à cette fonction ne se bousculent pas au portillon. Il s’agit d’un engagement bénévole qui demande beaucoup de temps.

    M. Philippe Gosselin

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    Exactement !

    M. Davy Rimane

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    Plus longtemps un conseiller prud’homal exerce, plus il devient compétent. Il est très difficile de maîtriser le code du travail dans des délais contraints.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Davy Rimane

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    Je ne comprends donc pas l’intérêt de limiter le nombre de mandats. Sachant que les mandats parlementaires ne font pas l’objet de telles restrictions, je ne vois pas pourquoi nous les imposerions à des personnes qui prennent sur leur temps libre pour réaliser des tâches bénévoles. Il n’y a aucune raison non plus de les empêcher de transmettre leur savoir à leurs successeurs au sein de leur fédération syndicale.
    Je vous assure que c’est la croix et la bannière pour trouver des candidats à la fonction prud’homale ! De grâce, adoptons ces amendements de suppression. L’avis défavorable du Gouvernement n’a aucun sens à mes yeux.

    M. Philippe Gosselin

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    Merci de ce soutien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La limite de 75 ans ne me paraît tout de même pas excessive…

    M. Philippe Gosselin

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    Cela reste une exception ! Il s’agit même peut-être d’une discrimination liée à l’âge !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Nous sommes favorables à l’article 8 ter et voterons contre les amendements de suppression. La limitation des mandats consécutifs vise à renouveler la profession.
    Si l’on ne veut pas fixer de limite, qu’il s’agisse de l’âge ou du nombre de mandats, et que l’on fait fi de la déontologie, c’est le signe qu’il y a un problème. Si cette fonction n’attire pas, il faut se demander pourquoi.

    M. Davy Rimane

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    Parce que c’est du bénévolat ! Et que c’est fastidieux !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Peut-être est-ce également dû aux conditions de travail.
    Nous ne résoudrons pas le problème du nombre insuffisant de conseillers prud’hommes en comptant uniquement sur les personnes qui ont consacré leur vie à cette activité et qui restent au même poste ad vitam æternam. À nos yeux, c’est le respect de la déontologie qui doit primer dans un tel domaine car in fine, ce sont les droits des salariés qui sont en cause.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 61 et 311.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        60
            Nombre de suffrages exprimés                59
            Majorité absolue                        30
                    Pour l’adoption                16
                    Contre                43

    (Les amendements identiques nos 61 et 311 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 62.

    M. Patrick Hetzel

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    Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à laisser un peu plus de souplesse, aussi bien s’agissant de l’âge que du nombre de mandats. Au passage, il est assez paradoxal et surprenant qu’au moment où l’on annonce le report de l’âge de départ à la retraite, on décide d’aller dans le sens inverse pour les conseillers prud’hommes. Il faut laisser davantage de liberté.
    Puisque vous souhaitez mettre en place un dispositif contraignant, il serait souhaitable de prévoir davantage de souplesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Défavorable pour les mêmes raisons que celles qui ont été avancées à propos des amendements de suppression de l’article.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    Je viens de discuter de cette question avec mes collègues qui me disaient qu’il ne faudrait pas que les conseillers prud’hommes se comportent comme les élus et exercent cette activité toute leur vie. Je les rassure : les conseillers prud’hommes ne le restent pas toute leur vie – au contraire, le problème, c’est qu’ils s’en vont !
    C’est étrange : alors que leur travail est fastidieux et qu’ils l’exercent bénévolement, on leur fixe une limite d’âge et de nombre de mandats. Dans ce cas, pourquoi n’imposerait-on pas à tous les élus une limitation du nombre de mandats, sachant qu’ils perçoivent, eux, des indemnités ? D’ailleurs c’est bien parce qu’ils touchent de l’argent que certains d’entre eux cherchent à conserver leur mandat à vie et ne veulent pas quitter leur siège. En revanche, il ne faut pas s’imaginer que des conseillers prud’hommes qui ne touchent pas un euro exercent cette activité toute leur vie.
    Je peux comprendre qu’on veuille s’assurer que les conseillers expérimentés transmettent leur savoir, mais cette transmission nécessite d’être organisée, au niveau collectif, en passant par les fédérations et par les syndicats. Il ne me semble pas pertinent d’imposer une limite d’âge et un nombre de mandats maximum, d’autant que, comme l’a souligné ma collègue K/Bidi, en matière de justice sociale et de droit du travail, sans les conseillers prud’hommes, tout le système s’effondre.
    Les mesures que vous proposez dans cet article sont très dangereuses. J’espère pour tous les députés ici présents que l’on est bien certain que le renouvellement des conseillers aura lieu. Car je vous mets tous en garde ce soir : si jamais il y a des lacunes en la matière, des travailleurs se retrouveront en grande difficulté.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je suis très heureux d’entendre notre collègue Rimane s’exprimer ainsi. Comme vous le savez, nos points de vue s’opposent souvent mais, en l’espèce, nous nous rejoignons autour d’une approche pragmatique.
    J’ai bien compris que vous souhaitiez organiser, classer et remodeler le système pour en faire un jardin à la française, sous prétexte que c’est ainsi qu’il faudrait procéder, que c’est préférable et que nous le devons à la justice rendue au nom du peuple français. Cependant vous devez aussi tenir compte de la réalité. Il se trouve que les postes ne sont pas attractifs, notamment s’agissant du collège des employeurs. Je ne voudrais pas être maladroit mais, pour un salarié, la situation est un peu différente – cela étant dit sans aucun dédain – car il existe une décharge syndicale et des heures d’absence sont autorisées. L’activité de conseiller, pour un employeur, en revanche, représente autant de temps passé hors de son entreprise. Celle-ci se retrouve alors privée de compétences dont elle a besoin. Or toutes les entreprises ne sont pas adossées à un grand groupe capable de mettre des moyens à disposition pour l’intérêt collectif et au nom de la justice.
    Nous manquons de candidats. Les chiffres mentionnés dans l’exposé sommaire de l’amendement à propos du conseil de prud’hommes de Paris illustrent bien cette difficulté. Or lorsque, demain, la règle prévue à l’article 8 ter sera appliquée, nous nous priverons de dizaines de personnes. Il faut en être conscient. On se fera peut-être plaisir et la mesure peut sembler louable, mais elle aboutira au blocage du système.
    C’est cette dimension très pragmatique du problème qui me préoccupe. Je suis ravi que mon collègue Davy Rimane partage ce point de vue alors que nos approches idéologiques sont parfois très différentes. Ce qui nous guide, c’est l’intérêt des salariés et le bon fonctionnement de cette justice très particulière qui a toute sa raison d’être. N’allez pas la sacrifier avec des mesures qui nous rappellent – et ce sera ma conclusion – que le mieux est l’ennemi du bien.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal, rapporteur.

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Tout d’abord, je suis heureux de partager avec M. Rimane l’expérience de conseiller prud’homme.
    J’ajoute que l’on fait également preuve de pragmatisme – puisque M. Gosselin a employé ce terme – en constatant que, dans les syndicats de salariés comme dans les syndicats patronaux, lorsqu’une personne abandonne ses fonctions, elle ne s’en va pas pour autant. Elle reste présente dans l’organisation pour assurer la transmission des savoirs, des compétences et des savoir-être. C’est ce processus qu’il faut instaurer dans les conseils de prud’hommes.
    Certes, la notion de clause d’âge peut choquer parce que, jusqu’à présent, aucune limite n’avait été fixée. Mais, dans la pratique, la transition se passe très bien. Je peux en témoigner en vous donnant l’exemple du conseil de prud’hommes de Nice. À sa tête figure une jeune présidente qui a bénéficié d’un accompagnement étroit de la part d’un président plus âgé. L’un comme l’autre sont très heureux aujourd’hui – le premier parce que son activité est moins intense, la seconde parce qu’elle a été bien accompagnée.
    L’idée n’est pas d’effacer les conseillers qui siègent depuis longtemps, mais de permettre une transition. Dès lors, il faut bien fixer une limite. L’âge de 75 ans me semble un seuil tout à fait acceptable puisqu’il correspond à la limite fixée pour les magistrats professionnels. (Mme Caroline Abadie applaudit.)

    Mme Cécile Untermaier

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    Très bien !

    M. Philippe Gosselin

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    Sauf que ce ne sont pas des magistrats professionnels ! Comparaison n’est pas raison !

    (L’amendement no 62 n’est pas adopté.)

    (L’article 8 ter est adopté.)

    Article 8 quater

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 1084 et 1085 de M. Philippe Pradal, rapporteur, sont rédactionnels.

    (Les amendements nos 1084 et 1085, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’article 8 quater, amendé, est adopté.)

    Après l’article 8 quater

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1298 portant article additionnel après l’article 8 quater.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Cet amendement de mon collègue Aurélien Taché a été proposé par la CFDT.
    En l’état actuel du droit, seule la formation initiale est obligatoire pour les conseillers prud’hommes. Le code du travail précise en effet que « tout conseiller prud’homme qui n’a pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret est réputé démissionnaire ».
    Il n’existe aucun équivalent pour la formation continue des conseillers prud’hommes, pourtant tout aussi fondamentale. Aussi proposons-nous de rendre le suivi de la formation continue pour partie obligatoire – un point qui figure au début de la partie 1.2 des « Propositions paritaires pour une justice prud’homale renforcée » de 2021 –, et de prévoir que le conseiller prud’homme ne puisse plus présenter sa candidature au mandat suivant en cas de non-respect de cette obligation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Il est défavorable, même si vous évoquez une question importante : la formation continue des conseillers prud’hommes. Celle-ci est, en réalité, très souvent assurée en interne par les organisations syndicales. Le dialogue social, dans lequel j’ai confiance, doit permettre de construire un référentiel, sous le contrôle et l’œil vigilant de l’exécutif, afin de fixer un cadre. Je ne suis pas sûr qu’il soit souhaitable que la loi s’en mêle, qui plus est de façon brutale – puisque, si votre amendement était adopté, elle pourrait interdire à un conseiller prud’homme de se présenter une nouvelle fois, ce qui va trop loin selon moi.
    Même si je souscris à l’idée selon laquelle il faut mettre en place une formation continue et s’interroger sur la meilleure méthode pour y parvenir, notamment dans le cadre du dialogue social et en lien avec les organisations syndicales, j’émets un avis défavorable à votre amendement, dont la rédaction me semble trop contraignante.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    À titre personnel, je suis favorable à cet amendement. J’établirai un parallèle avec l’obligation de formation continue qui existe dans d’autres professions, par exemple celle d’avocat. Lorsque l’un d’entre eux ne respecte pas cette obligation, il encourt une sanction pouvant aller jusqu’à la radiation du barreau.
    Les conseillers prud’hommes bénéficient de cinq jours de formation initiale. Une telle durée ne permet évidemment pas de maîtriser le code du travail. Les avocats qui sortent de l’école après dix-huit mois de formation doivent d’ailleurs passer un examen supplémentaire pour obtenir un certificat de spécialisation en droit du travail. Cinq jours de formation ne sont donc absolument pas suffisants.
    Puisque, en tant que députés, nous sommes particulièrement proactifs et changeons très souvent les lois, nous devons prévoir une formation continue obligatoire pour que les conseillers prud’hommes puissent se mettre à niveau. Certes, c’est en forgeant qu’on devient forgeron et plus on pratique, plus on s’améliore. Par ailleurs, il est vrai que la formation continue est assurée dans certains syndicats ou confédérations. Il n’empêche que si nous inscrivons dans la loi une obligation sans l’assortir de sanctions, c’est comme si nous n’avions rien écrit.

    (L’amendement no 1298 n’est pas adopté.)

    Article 9

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 308, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Les amendements nos 1086 et 1087 rectifié de M. Philippe Pradal, rapporteur, sont défendus.

    (Les amendements nos 1086 et 1087 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 308.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Je veux tout d’abord remercier le Gouvernement ainsi que les députés qui nous ont permis d’aboutir à la rédaction actuelle de l’article 9. Celui-ci reprend en effet exactement le contenu d’une proposition que j’avais formulée en commission. J’en suis satisfaite.
    Cet amendement vise simplement à insérer les mots « par deux fois ». Je m’explique : auparavant, les juges consulaires des tribunaux de commerce qui ne venaient pas siéger n’étaient pas sanctionnés. Aujourd’hui ils le sont et je m’en félicite, car cet absentéisme perturbait évidemment le fonctionnement desdits tribunaux. La demande émanait d’ailleurs des présidents des tribunaux de commerce eux-mêmes.
    Cependant, les juges consulaires étant bénévoles, je propose que, s’ils refusent de siéger sans juste motif, ils soient sanctionnés au bout de la seconde fois seulement.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Ce n’est pas un peu laxiste, ça ? (Sourires sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Philippe Pradal, rapporteur

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    Contrairement, peut-être, aux apparences, votre proposition est plus sévère que ce qui est prévu par la rédaction actuelle de l’article, lequel prévoit qu’à la première absence non justifiée, le président de la juridiction reçoit le juge, écoute ses explications et évalue la situation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Le dialogue que vous évoquez, monsieur le rapporteur, pourrait tout à fait avoir lieu lors de la première entrevue. Mon amendement n’est donc pas plus sévère que votre rédaction.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 308.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        57
            Nombre de suffrages exprimés                57
            Majorité absolue                        29
                    Pour l’adoption                13
                    Contre                44

    (L’amendement no 308 n’est pas adopté.)

    (L’article 9, amendé, est adopté.)

    Article 10

    (L’article 10 est adopté.)

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je demande une suspension de séance, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    La suspension est de droit.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Après l’article 10

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Ghomi, pour soutenir l’amendement no 758 portant article additionnel après l’article 10.

    M. Hadrien Ghomi

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    Cet amendement, que je présente au nom du groupe Renaissance, vise à introduire deux mesures de simplification et d’amélioration des conditions de candidature des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires.
    Premièrement, il prévoit la suppression de la distinction opérée entre les assesseurs titulaires et les assesseurs suppléants. Le code de l’organisation judiciaire prévoit notamment que les assesseurs ont la qualité de titulaire ou de suppléant. Toutefois, cette qualification n’emporte aucune conséquence sur leur mandat ni sur l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, assesseurs titulaires et suppléants sont désignés selon la même procédure et soumis aux mêmes règles de recevabilité, conformément au code susmentionné. La modification ici proposée fait consensus au sein des organisations syndicales et professionnelles ; elle a été proposée dans le cadre d’un groupe de travail sur les assesseurs des pôles sociaux.
    La seconde mesure prévoit de remplacer la référence aux conditions d’aptitude pour être juré par la vérification de l’absence, au bulletin no 2 du casier judiciaire du candidat, de toute mention incompatible avec les fonctions d’assesseur des pôles sociaux, à l’instar de ce qui existe pour les conseillers prud’hommes. Il apparaît en effet particulièrement important de veiller à ce que ces assesseurs n’aient pas été condamnés pour des infractions incompatibles avec l’exercice de leurs fonctions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Cet amendement n’a pas été examiné en commission mais, à titre personnel, j’émets un avis favorable.

    M. Sylvain Maillard

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    Excellent !

    (L’amendement no 758, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Article 10 bis

    (L’article 10 bis est adopté.)

    Article 11

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny, inscrit sur l’article.

    M. Jocelyn Dessigny

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    L’article 11 prévoit la suppression de la fonction de juriste assistant au profit de celle d’attaché de justice. Titulaire d’un diplôme sanctionnant cinq ans d’études de droit, ce dernier pourra être fonctionnaire ou contractuel. Il exercera des prérogatives plus larges, l’article 11 étendant également la fonction d’assistant spécialisé à la matière civile. En ces temps de déficit structurel de recrutement dans la fonction publique, le groupe Rassemblement national est favorable aux dispositions qui participent d’un élargissement des profils des professionnels de la justice et de leur mode de recrutement. Il s’agit d’une solution pragmatique. Un contractuel pourra facilement valoriser une expérience d’attaché de justice au sein du secteur privé, par exemple auprès d’un cabinet d’avocats.
    Toutefois, il ne faut pas se méprendre : la nouvelle fonction d’attaché de justice ne fait ni une profession à part entière ni une trajectoire professionnelle. De plus, il convient que l’attaché de justice dispose d’une formation au métier solide et exhaustive. Enfin, à l’instar de la chambre haute, nous regrettons que cet article, qui porte sur l’équipe entourant le magistrat, ne fasse pas mention du greffier, ce qui renvoie plus largement à la faible ambition du texte quant à la nécessaire revalorisation de cette profession.
    Nous voterons cet article, mais nous serons particulièrement vigilants quant à la bonne exécution des décrets d’application.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est très bien.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 1029, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Je tiens à manifester mon grand intérêt pour cet article qui crée une nouvelle équipe autour du magistrat. Il s’inscrit dans cette réforme systémique dont la nécessité a été relevée pendant les états généraux de la justice, en particulier par le vice-président honoraire du Conseil d’État Jean-Marc Sauvé.
    Nous avions déjà, en 2016, créé les juristes assistants. L’introduction de cette nouvelle fonction dans le monde de la magistrature avait donné lieu à des résistances et s’était révélée assez difficile. Le chemin a néanmoins été tracé et vous parvenez, monsieur le ministre, à mettre en place un dispositif beaucoup plus ambitieux, puisque le profil de l’attaché de justice est de nature à permettre la formation d’une équipe auprès du magistrat. C’est vraiment indispensable si nous voulons que les magistrats rendent leurs décisions beaucoup plus vite et que les stocks diminuent. Nous avons déjà l’expérience de la création des assistants de justice dans la justice administrative, et cela se passe très bien. Je pense donc qu’il faut absolument avancer dans cette voie. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, monsieur le ministre, hélas,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est bien normal.

    Mme Cécile Untermaier

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    …mais, en l’occurrence, je pense que l’article 11 est porteur d’une vraie ambition pour une vraie réforme et qu’il est réellement important.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vous remercie.

    Mme Cécile Untermaier

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    Je conclurai en rappelant, comme notre collègue Dessigny, l’importance de la question des greffiers. On ne peut pas introduire un dispositif organisationnel sans tenir compte de l’existant, donc sans prendre des précautions vis-à-vis de personnes déjà en place, qui ont beaucoup donné et qui s’inquiètent évidemment des modifications qu’induira la création de cette équipe. Il faut que les greffiers soient totalement associés à cette réforme et que ces équipes soient constituées dans une logique gagnant-gagnant, parce que la cohésion est tout à fait essentielle au sein de la magistrature et des tribunaux judiciaires.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 1029 tendant à supprimer l’article 11.

    Mme Danièle Obono

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    Nous souhaitons en effet la suppression de cette politique de pansements…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est pathétique !

    Mme Danièle Obono

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    …que le Gouvernement applique à travers la création des attachés de justice. Il s’agit de pallier la pénurie de magistrats et l’excès de travail qui leur incombe de façon purement gestionnaire, en recrutant des contractuels pour leur prêter main-forte. Mais le respect des garanties procédurales en matière de contradictoire sera-t-il assuré dans le cadre de ces nouvelles équipes, comme le demande notamment le Syndicat de la magistrature ? Nous en doutons et lui aussi. La principale nouveauté de ces attachés de justice est qu’ils pourront assister aux délibérés. L’Union syndicale des magistrats (USM) est favorable à ce que les attachés puissent assister aux audiences non publiques, sans y prendre la parole, mais estime qu’ils n’ont « ni vocation ni intérêt particulier à assister aux délibérés, sachant qu’en outre, le délibéré est au cœur du métier spécifique du magistrat. C’est une ligne à ne pas franchir : le secret des délibérés doit être préservé et personne d’autre que les magistrats et les auditeurs de justice, futurs magistrats, ne doit y participer. »
    Pour notre part, nous défendons la fin de la précarisation de la justice par un recrutement bien plus massif : 13 000 nouveaux fonctionnaires magistrats sur cinq ans, 10 000 personnels administratifs et 20 000 greffiers,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Votez le budget, ce serait mieux !

    Mme Danièle Obono

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    …greffiers auxquels nous adressons d’ailleurs tout notre soutien dans leur mobilisation, puisqu’ils sont en grève et ne cessent de vous interpeller, monsieur le ministre. Voilà une politique de programmation qui serait un véritable atout pour l’exercice de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est cela, oui !

    Mme Danièle Obono

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    C’est cela en effet !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ma chère collègue Obono, j’avoue que je ne comprends pas pourquoi vous défendez cet amendement de suppression. Je tiens à rappeler le soutien apporté aussi bien par le groupe Socialistes – par la voix de Mme Untermaier – que par le Rassemblement national à la création des attachés de justice. Vous savez que ce texte nourrit un plan ambitieux qui va faire la part belle aux recrutements : 10 000 personnels de justice, 1 500 magistrats, 1 500 greffiers, mais aussi des attachés de justice. Nous voulons opérer une petite révolution en introduisant la notion d’équipe autour du magistrat, sous l’autorité duquel se trouveront les greffiers, qui tiendront leur rôle habituel de soutien et d’aide à la procédure, et les attachés de justice qui assureront une réelle assistance à la décision. Cette complémentarité autour du magistrat est évidemment la bienvenue.
    Les prédécesseurs des attachés de justice, les juristes assistants, ont fait leur preuve durant leurs quelques années d’existence. Il suffit de poser la question aux présidents des tribunaux judiciaires : ils vous diront que cette aide est fondamentale pour leur permettre de se recentrer sur leur cœur de métier. Supprimer cette disposition, qui viendra soulager les juridictions de notre pays, me semble contre-productif.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais oui, c’est terrifiant…

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nos magistrats l’attendent, car pouvoir s’entourer d’une équipe d’attachés de justice facilitera leur travail. Ces attachés pourront être contractuels – dans ce cas, comme le précisera l’amendement no 1225, ils seront recrutés au niveau bac + 5 –, mais aussi fonctionnaires.

    Mme Andrée Taurinya

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    Ils seront recrutés à bas coût, pas à bac + 5 !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Ils pourront, par le biais de la passerelle, devenir un jour eux-mêmes magistrats, donc voir leur carrière évoluer.
    Pour l’ensemble de ces raisons, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si vous voulez aider les greffiers, madame Obono, votez les budgets ! Vous n’en avez voté aucun. Aucun ! (Mme Blandine Brocard applaudit.)
    Le recrutement de contractuels a permis de réduire les stocks d’affaires en matière civile de 30 %, pour la première fois de notre histoire. Le Syndicat de la magistrature, que vous avez évoqué, ne voulait initialement pas de contractuels ; finalement, les chefs de juridiction m’ont demandé de pérenniser leurs emplois.

    Mme Danièle Obono

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    Forcément, ils n’ont rien d’autre sous la main !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On va donc les cédéiser, on va les former, ils vont prêter serment. Ils sont utiles à la justice. Vous, vous êtes simplement contre tout : contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre ; c’est votre stratégie. Seulement, les juridictions ont besoin des contractuels : ce n’est pas une lubie ministérielle mais une réalité.
    Si vous voulez aider la justice de notre pays, plutôt que de vous enfermer dans une posture, votez les budgets ! Vous êtes le mur des « non », madame Obono ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Sans vouloir faire un procès à Mme Obono, revenons sur l’intérêt de l’article. Nous ne nous sommes pas contentés d’écouter le Syndicat de la magistrature : nous sommes allés sur le terrain pour parler aux magistrats. Ce sont eux qui demandent à disposer d’une équipe qui puisse les aider, les accompagner et les décharger d’une série de tâches.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai.

    Mme Andrée Taurinya

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    Mais non ! Ce n’est pas ce que disent les syndicats !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Nous pensons, au groupe Rassemblement national, que cet article va dans le bon sens.

    Mme Andrée Taurinya

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    On la voit bien, l’union entre la Macronie et le RN ! (Murmures sur les bancs du groupe RE.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    On peut certes avancer qu’il faut 13 000 magistrats supplémentaires ; encore faut-il arriver à les recruter.

    Mme Andrée Taurinya

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    Pour cela, il faut bien les payer !

    Mme la présidente

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    Madame Taurinya, s’il vous plaît…

    M. Jocelyn Dessigny

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    Annoncer des chiffres, c’est bien beau, mais que faire si on ne trouve pas de candidats ? Le premier recruteur, dans notre pays, c’est la Fédération hospitalière de France (FHF) : elle recrute à tout va, mais la pénurie de candidats est réelle.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Il y a les médecins étrangers, monsieur Dessigny, qu’on va régulariser grâce au projet de loi « immigration » – vous allez le voter, naturellement !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Il en va de même pour la magistrature. Le dispositif introduit n’est peut-être pas satisfaisant à 100 %, mais il a le mérite d’assurer la formation des personnes qui pourront, ensuite, devenir magistrats.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Pour voter le budget, monsieur le ministre, encore faut-il ne pas subir un 49.3 qui nous empêche de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Mais il a été voté ! Jusque sur ce point-là vous êtes de mauvaise foi. Quelle honte !

    Mme Danièle Obono

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    C’est votre responsabilité. Nous verrons cet automne si on nous donne la possibilité de débattre du budget de la justice et de faire des propositions alternatives. Ne vous inquiétez pas, nous les avons chiffrées ; nous faisons simplement des choix différents.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais bien sûr.

    Mme Danièle Obono

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    Je rappelle également que vous êtes ministre depuis plusieurs années ; c’est votre bilan qui met aujourd’hui les greffiers et les greffières en grève. Ce n’est pas à nous que les greffiers ont tourné le dos, mais à vous, lors de votre récent déplacement sur le terrain. (Mme Élisa Martin applaudit.) Ce n’est pas un garde des sceaux insoumis qui a provoqué le plus grand mouvement de mobilisation du monde judiciaire et qui a subi les protestations des magistrats et des avocats.

    Mme Andrée Taurinya

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    Exactement !

    Mme Blandine Brocard

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    En quoi ça fait avancer les débats ?

    Mme Danièle Obono

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    Vos références douteuses au « mur des cons », vous pouvez vous les garder. En vérité, vous précarisez le monde de la justice. Vous expliquez que les magistrats sont heureux d’avoir des attachés de justice, dans un contexte où il est difficile de recruter ; mais avez-vous écouté les revendications des greffiers et des greffières ? S’ils sont en grève, c’est parce que le métier pâtit d’un manque de considération, tant du point de vue des salaires que de celui des conditions de travail. Si vous voulez que des personnes s’engagent dans le monde judiciaire, faites en sorte que les professionnels arrêtent de crouler sous les dossiers à traiter ; ne les obligez pas à se rendre coupables de maltraitance judiciaire parce qu’ils n’ont pas les moyens de traiter dignement des situations parfois très difficiles.

    M. Sylvain Maillard

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    Vous allez voter le texte, alors ?

    Mme la présidente

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    Merci de conclure.

    Mme Danièle Obono

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    Ils sont bien obligés d’accepter ces conditions et les chefs de juridiction vous remercient, dites-vous, de leur envoyer des attachés de justice ; mais il n’y a pas de quoi être fier, car c’est de la mauvaise justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Alors ne prétendez pas qu’ils vous sont reconnaissants… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme Élisa Martin et Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1029.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        48
            Nombre de suffrages exprimés                45
            Majorité absolue                        23
                    Pour l’adoption                12
                    Contre                33

    (L’amendement no 1029 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1225.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Rédactionnel, il vise à préciser que la condition de diplôme pour les attachés de justice, fixée à bac + 5, ne s’applique pas aux candidats fonctionnaires, mais uniquement aux contractuels.

    (L’amendement no 1225, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1347 tombe.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1349.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le niveau de recrutement des futurs attachés de justice ne doit pas être inférieur à celui des juristes assistants actuels. Le magistrat doit certes s’appuyer sur une équipe ; encore faut-il que celle-ci soit constituée de profils diplômés et expérimentés. L’amendement tend donc à exiger des candidats qu’ils justifient d’au moins une année d’expérience professionnelle dans le domaine juridique – travail en cabinet d’avocat, chargé de travaux dirigés à l’université, juriste en entreprise, etc.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    C’est déjà le cas. L’amendement étant satisfait, j’en suggère le retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 1349, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements, nos 229, 1025 et 1348, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 229.

    M. Pierrick Berteloot

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    Le projet de loi prévoit la possibilité, pour les attachés de justice, de recevoir une délégation de signature pour certaines réquisitions prévues par le code de procédure pénale, qui recouvrent un champ très vaste : les réquisitions en matière de données informatiques ou de données nominatives, par exemple, sont susceptibles de déclencher des actes particulièrement intrusifs et attentatoires aux libertés individuelles. Il nous paraît par conséquent nécessaire de ne pas étendre le champ d’application de la délégation de signature aux attachés de justice.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 1025.

    Mme Élisa Martin

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    Pour revenir sur les propos de Danièle Obono, je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que nous attendons toujours des éléments précis relatifs à la programmation financière de la justice. Par ailleurs, nous sommes fortement opposés à une disposition prévue par le texte, à savoir l’activation à distance des appareils connectés. Voilà deux raisons qui nous conduiront à voter contre votre projet de loi.
    S’agissant de l’amendement, la justice manque cruellement de moyens humains. Si tous les bras et toutes les têtes sont évidemment les bienvenus, la création des attachés de justice suit clairement une logique d’expédient. C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de bien distinguer les fonctions des magistrats de celles des attachés de justice, cette distinction devant s’incarner dans les actes que les uns et les autres peuvent effectuer. Ainsi, pas plus que les attachés de justice ne doivent participer au secret des délibérés, ils ne doivent pouvoir engager leur signature pour le compte du magistrat. Cela ne nous paraît pas raisonnable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1348.

    M. Jérémie Iordanoff

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    La rédaction actuelle autorise les procureurs à donner aux attachés de justice des délégations de signature pour toutes sortes de réquisitions, par exemple l’entrée dans un système d’information ou de traitement de données nominatives, en somme pour des actes intrusifs dont certains relèvent des prérogatives du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette confusion des rôles entre attachés et magistrats est problématique. Seuls les magistrats, qui disposent des garanties d’indépendance statutaire, doivent pouvoir effectuer ces actes. Nous proposons donc de supprimer la délégation de signature en matière pénale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Défavorable. On crée la fonction d’attaché de justice ; on va cédéiser les contractuels embauchés à bac + 5 et recruter des fonctionnaires. Ces personnes vont ensuite monter en compétence au fil des années pendant lesquelles elles travailleront dans l’équipe entourant le magistrat. Il est normal que le magistrat puisse procéder à une délégation de signature au bénéfice d’un attaché de justice, sous son contrôle évidemment. Cette disposition va dans le bon sens : elle participera au renforcement des compétences des attachés de justice. Bien sûr, la vigilance du magistrat sera requise : c’est lui qui décidera de déléguer ou non sa signature. Si on veut, par le biais de la passerelle, faire des attachés de justice les magistrats de demain, il faut bien qu’on les forme et qu’on leur confie des responsabilités. La délégation de signature y contribue.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable à tous les amendements en discussion commune.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    La montée en compétences est une bonne chose, tout comme le travail en équipe autour du magistrat. Mais la délégation de signature est une question de responsabilité.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Oui.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Les attachés de justice peuvent préparer des actes ; mais si ces derniers sont signés par des contractuels, qui ne présentent pas les mêmes garanties d’indépendance que les magistrats, qui en sera responsable ? Ce ne sera pas le magistrat,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Si !

    M. Jérémie Iordanoff

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    …mais la personne qui aura apposé sa signature. Le magistrat n’aura pas le temps de tout contrôler, c’est son équipe qui préparera le dossier et l’attaché de justice qui signera. Nous restons opposés à la délégation de signature.

    Mme Andrée Taurinya

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    Bravo !

    (Les amendements nos 229, 1025 et 1348, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 359 et 1024.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 359.

    Mme Cécile Untermaier

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    Dans le même registre, mais dans un autre domaine – le sujet a déjà été évoqué en commission, mais je mise sur les vertus de la ténacité –, les attachés de justice ne doivent pas participer aux délibérés. Les assistants de justice ne le font pas – je parle d’expérience. Quand les attachés de justice deviendront des magistrats, ils participeront aux délibérés.
    Vous nous avez fait valoir, monsieur le ministre, que l’entre-soi était problématique. Mais la collégialité n’implique pas l’entre-soi : elle réunit des individus qui essaient de se convaincre les uns les autres, sous l’autorité du président de chambre. Il est très embêtant d’introduire dans les délibérés des personnes extérieures, qui ne sont pas soumises aux mêmes règles déontologiques, aux mêmes exigences de secret que les magistrats. On a trop souffert des fuites atteignant au secret de l’instruction pour se permettre d’introduire un tel dispositif.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1024.

    Mme Andrée Taurinya

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    Nous ne souhaitons pas, nous l’avons dit, la création d’attachés de justice. Comme on envisage de recourir à des contractuels, il s’agit à l’évidence d’une façon de gérer la pénurie en perpétuant la précarité. Monsieur le ministre, nous avons un programme ; si vous ne l’avez pas déjà, nous pouvons vous offrir le livret de l’Avenir en commun qui concerne la justice. Vous verrez alors que nous avons bien des propositions intéressantes.
    Vous dites que nous ne votons pas les budgets. Mais comme l’a rappelé ma collègue Obono, vous ne nous en donnez pas l’occasion ! Par ce projet de loi, vous annoncez un budget inédit, historique. Or, comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il ne représente que la moitié de celui qui est dédié à la police, et nous ne savons même pas vraiment comment les crédits seront ventilés.
    Vous indiquez vouloir recruter des attachés de justice en qualité de contractuels : voilà encore des gens qui seront mal payés ! Au terme des auditions que nous avons menées – car nous avons tout de même accompli un travail sérieux –, le Syndicat de la magistrature et même l’USM, qui n’est pourtant pas un syndicat de gauchistes, nous ont alertés du fait que la présence des attachés de justice au délibéré était une ligne à ne pas franchir.
    Alors, que faisons-nous ? Notre travail, en tant que parlementaires, consiste à mener des auditions et à nous rendre sur le terrain pour consulter les principaux concernés. Or ces derniers nous alertent et expliquent qu’une telle disposition n’est pas envisageable. Nous nous devons de porter leur voix.
    Par cet amendement, nous vous invitons à revenir à la raison et à ne pas donner aux attachés de justice la possibilité d’assister au délibéré.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis très défavorable. J’entends vos propos, mais franchement, j’ai du mal à comprendre.

    Mme Andrée Taurinya

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    Je pourrais vous expliquer, si on me laissait deux minutes ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et RN.)

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je vais essayer de vous répondre, chère collègue. Vous affirmez que nous contribuons à la pénurie des personnels de la justice. Mais si vous aviez été un peu plus assidue aux auditions que nous avons menées…

    Mme Andrée Taurinya

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    J’étais là !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Non, ce n’est pas vrai ! Vous avez notamment manqué – comme c’est bizarre – celle des représentants de l’École nationale de la magistrature (ENM) et de l’École nationale des greffes. (Sourires sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Élisa Martin

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    Vous n’avez pas à juger ce que chacun fait ou ne fait pas ici !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Si vous aviez été là, ils vous auraient dit (Mme Andrée Taurinya s’exclame),…

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, madame Taurinya !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …que l’objectif consistant à former 1 500 magistrats et 1 500 greffiers en cinq ans est déjà très ambitieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Danièle Obono

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    Cela fait six ans que vous êtes au pouvoir !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Jamais, sous la Ve République, on n’a vu des crédits budgétaires qui permettent de former autant de magistrats ! Dès lors, j’avoue que j’ai un peu de mal à vous entendre parler de pénurie. Encore une fois, à l’horizon 2027, ce sont 4 000 attachés de justice qui seront recrutés. (Mmes Danièle Obono et Andrée Taurinya s’exclament.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, mesdames !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    J’en viens au fond de l’amendement. Vous vous inquiétez de la délégation de signature et de la présence des attachés de justice au délibéré. Ceux-ci seront recrutés précisément pour assister le magistrat dans sa prise de décision, mais ils ne s’y substitueront en aucune manière – soyons sérieux deux secondes !

    Mme Andrée Taurinya

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    Alors pourquoi les magistrats sont-ils inquiets ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous voudriez, prétendument en bonne intelligence, qu’ils ne participent pas au délibéré, ce qui n’a bien évidemment aucun sens.

    Mme Élisa Martin

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    Ce n’est pas nous qui le voulons, ce sont les syndicats !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je me permets de vous rappeler que les attachés de justice prêteront serment et seront tenus au secret professionnel. Et si vous souhaitez, comme nous, qu’ils puissent un jour devenir magistrats, grâce à la passerelle que nous allons créer, de grâce, ne les privez pas de la possibilité d’assister au délibéré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Blandine Brocard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Comprenez que nous soyons inquiets. Vous souhaitez créer des attachés de justice qui aident le magistrat dans toutes les étapes de la procédure jusqu’au rendu de la décision, reçoivent sa délégation de signature et assistent au délibéré : la frontière entre magistrats et attachés de justice devient de plus en plus ténue, au point de devenir presque imperceptible.
    Nous comprenons que vous souhaitiez former de nouveaux magistrats mais que vous n’ayez pas le temps,…

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Bien sûr que si !

    Mme Emeline K/Bidi

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    …au vu des ambitions que vous vous êtes données, de passer par l’ENM. Vous cherchez donc, en créant les attachés de justice, à constituer un vivier de magistrats en devenir qui ne sortiront pas de cette école. Nous nous inquiétons non seulement du défaut de formation, laquelle se trouve revue à la baisse, mais aussi de l’émergence d’un corps intermédiaire, celui des attachés de justice, qui seront en quelque sorte des sous-juges et des sur-greffiers.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous dites n’importe quoi !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Les greffiers vous demandent une revalorisation, mais vous préférez créer des attachés de justice ! Si nous voulons améliorer la qualité de la justice, il faut que les tâches et les modalités de formation de chacun soient claires. (M. Davy Rimane et Mme Sandra Regol applaudissent.)

    (Les amendements identiques nos 359 et 1024 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 360.

    Mme Cécile Untermaier

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    Notre groupe soutient la création des attachés de justice. Toutefois, nous souhaitons que les greffiers – qui nous écoutent peut-être en ce moment, ou reliront nos débats demain – puissent être rassurés en se voyant proposer une passerelle pour devenir attachés de justice. Dès lors qu’ils ont les capacités pour exercer ces fonctions, cela me paraît tout à fait légitime. Je suppose qu’il faut travailler en ce sens et j’espère que vous adopterez mon amendement avec une sagesse bienveillante. (Sourires.)

    M. Philippe Gosselin

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    Le ton y est, en tout cas !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je crains que nous ne répondions pas à votre demande, chère collègue… Votre amendement est en partie satisfait, car l’article 28 prévoit des dispositions transitoires permettant aux juristes assistants de devenir attachés de justice. S’agissant de la passerelle que vous souhaitez ouvrir aux greffiers, je laisserai le ministre s’exprimer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je partage cette analyse et émets donc le même avis.

    M. Davy Rimane

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    Vous ne prenez même pas la peine de répondre concernant les greffiers !

    (L’amendement no 360 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frantz Gumbs, pour soutenir l’amendement no 804.

    M. Frantz Gumbs

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    Il y a quelques années, une greffière du tribunal de ma circonscription, composée de deux îles distinctes, est partie à la retraite. Il a fallu plusieurs mois pour la remplacer, car ces îles, quoique paradisiaques, manquent d’attractivité pour certaines professions, compte tenu de l’éloignement, de l’isolement, de la cherté de la vie et de la logistique à déployer pour prendre ces postes. Dans ces territoires isolés, le problème n’est pas tant dans le défaut d’existence des postes que le fait qu’ils ne sont pas toujours pourvus en temps et en heure ; ce problème concerne les fonctionnaires du système judiciaire, mais aussi les personnels de santé ou d’éducation.
    C’est pour y répondre que je propose d’instituer un dispositif incitatif de priorité d’affectation dans les zones de l’Hexagone et des outre-mer qui rencontrent des difficultés particulières de recrutement d’attachés de justice et d’assistants spécialisés, ou pour des fonctions exercées dans les services de greffe des juridictions judiciaires et des tribunaux de proximité. Un décret en Conseil d’État fixera les conditions à remplir pour bénéficier du dispositif.
    J’insiste : au-delà du présent texte, le service public se révèle trop souvent de moindre qualité pour les publics de certaines îles éloignées de l’Île-de-France, non pas tant pour des raisons budgétaires que du fait d’une mauvaise organisation administrative, puisque les postes existent mais qu’ils ne sont pas pourvus. C’est précisément cette difficulté que le présent amendement vise à résoudre.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Votre demande me semble clairement satisfaite. J’ai expliqué tout à l’heure que les attachés de justice pourront être recrutés soit en qualité de contractuels sur la base de contrats locaux, soit comme fonctionnaires pouvant être affectés à vos juridictions. Cette complémentarité dans les recrutements, telle qu’elle est envisagée, va clairement dans le sens de votre amendement. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais vous dire quelque chose d’important : nous souhaitons que les contractuels soient recrutés sur place, là où ils ont obtenu leur diplôme. Cela permettra d’ailleurs, lorsqu’on ira puiser dans ce vivier d’attachés de justice pour en faire des magistrats – dont nous avons besoin –, d’assurer une plus grande représentativité des territoires, en particulier ultramarins, dans la magistrature. Il y a fort à parier que ces attachés de justice, une fois devenus magistrats, demanderont à rentrer là où ils sont nés, ont été élevés et ont vécu. Voilà une mesure forte pour les territoires ultramarins !
    Mais pour pallier l’urgence, nous avons créé, avec l’autorisation du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), des brigades, d’ailleurs appelées « brigades de soutien d’urgence ». Ce dispositif a permis d’embaucher – en quelque sorte – très rapidement des magistrats et des greffiers : des professionnels déjà en poste en métropole ont accepté d’exercer, pendant six mois et un jour, dans des territoires qui, en dépit de leur caractère paradisiaque, manquent d’attractivité.
    Ces brigades ont notamment été déployées à Mayotte et à Cayenne. Sachez que lorsque nous avons lancé l’appel d’offres – si j’ose dire –, nous avons reçu beaucoup de candidatures. Évidemment, nous avons veillé à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul et à faire en sorte qu’il reste suffisamment de magistrats dans les tribunaux judiciaires métropolitains. À la suite de cette expérience, nous avons été amenés à inclure ces brigades d’urgence dans le présent texte.
    Bref, tant pour les attachés de justice que pour les magistrats et les greffiers qui se rendent dans les territoires ultramarins, nous avons pris un certain nombre de dispositions, outre les mesures classiques que vous connaissez, notamment en matière de salaire. Au fond, nous avons fait en sorte que votre demande soit d’ores et déjà satisfaite.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je m’associe, au nom de mon groupe, à la demande de notre collègue. Même si je veux bien croire que l’amendement soit satisfait, monsieur le ministre – en tout cas, l’esprit est là, sans conteste –, la question de l’attractivité de certains postes soulevée par notre collègue Gumbs comme par d’autres députés ultramarins, qu’ils soient ou non issus du groupe LIOT, est récurrente. C’est vrai des postes de magistrats, d’enseignants universitaires, mais aussi de nombreux services publics ou au public.
    Au-delà des recrutements à venir, tels qu’ils sont envisagés dans le présent texte, nous devons avoir en permanence le souci de la continuité des services publics et d’une forme de continuité territoriale. Trop souvent, les outre-mer sont traités à part. Or, chaque fois que nous traitons de questions qui touchent, entre autres, à la justice et à l’éducation, nous devons avoir le réflexe de penser aux territoires et collectivités d’outre-mer, en tenant compte de leur diversité. Vous avez cité à juste titre Mayotte et la Guyane. M. Kamardine n’est pas présent ce soir, mais je me permettrais de parler en son nom : Dieu sait que les problèmes sont importants et récurrents à Mayotte ! D’autres difficultés se font ressentir à Cayenne ou dans le reste de la Guyane. En réalité, chaque collectivité est sui generis et est confrontée à ses difficultés propres, qu’il est bon de prendre en compte.

    Mme la présidente

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    Monsieur Gumbs, l’amendement no 804 est-il retiré ?

    M. Frantz Gumbs

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    Je ne crois pas que les explications que j’ai reçues soient totalement convaincantes. La réalité sur le terrain ne correspond pas à celle que vous décrivez, monsieur le ministre. Dans mon territoire, que je connais bien, il n’y a pas d’université ni d’offre de formation, si bien qu’on ne pourra pas recruter des personnes formées sur place. Il faudra donc bien que ces professionnels de justice viennent de quelque part, ce qui suppose de les inciter à se rendre dans des endroits où la vie est plus chère et où les contraintes logistiques – la nécessité de trouver un appartement sur place, par exemple – sont plus fortes qu’il n’y paraît.
    Je comprends parfaitement votre logique, monsieur le ministre, mais la réalité du terrain, que je connais, est sans doute légèrement différente de ce qu’un tel raisonnement pourrait laisser penser. Je suis donc assez embêté, mais quitte à perdre un vote, je préfère maintenir cet amendement. (M. Davy Rimane applaudit.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 11, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    (L’amendement no 804 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 11, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        49
            Nombre de suffrages exprimés                37
            Majorité absolue                        19
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                6

    (L’article 11, amendé, est adopté.)

    Article 12

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 1035.

    Mme Danièle Obono

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    L’article 12 prévoit la participation des parlementaires aux conseils de juridiction placés auprès des tribunaux judiciaires et des cours d’appel, en fonction de l’ordre du jour ou lorsque leur consultation est requise de droit.
    Ces conseils sont actuellement désinvestis par les citoyens et citoyennes à destination desquels ils avaient été conçus. Aussi la mesure visant à intégrer les parlementaires est-elle positive. Il s’agissait d’une des propositions du rapport de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, présidée par notre collègue Bernalicis et dont le collègue Paris était le rapporteur.
    Il est intéressant de noter que l’USM, qui a elle aussi des doutes concernant la participation des attachés de justice aux délibérés et qui est habituellement opposée aux conseils de juridiction, indique, non sans sarcasme, qu’une telle disposition serait utile « dans la mesure où il arrive que les lois soient votées sans véritable étude d’impact » et qu’elle permettrait « une information des parlementaires ainsi associés, au plus près des réalités et des difficultés des juridictions ».
    Comme l’USM, nous pensons que cette disposition va dans le bon sens. Toutefois, nous souhaitons renforcer l’ancrage territorial des conseils de juridiction en élargissant leur composition aux représentants syndicaux du tribunal judiciaire, aux représentants des collectivités territoriales, aux représentants des professionnels du droit, aux associations partenaires régulières des juridictions et aux citoyens jurés du ressort, dont les pouvoirs seront également élargis. Il nous semble que cela contribuerait à en faire véritablement des lieux d’échanges et de communication entre la juridiction et la cité, tels qu’ils sont définis dans l’article du code de l’organisation judiciaire qui a présidé à leur création.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme Danièle Obono

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    C’est bien dommage !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous souhaitez préciser la composition du conseil de juridiction en indiquant que les représentants syndicaux du tribunal judiciaire, les parlementaires, les représentants des collectivités territoriales, les associations partenaires régulières des juridictions et les citoyens jurés du ressort en sont membres. Vous demandez également que les pouvoirs du conseil de juridiction soient élargis, sans donner de précisions sur cet élargissement.
    Je ne suis pas favorable à la participation systématique de l’ensemble des personnes que vous évoquez : cela conduirait à créer une usine à gaz.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Totalement défavorable. Le conseil de juridiction n’est ni un lieu de dialogue social ni le prolongement de la cour d’assises.

    (L’amendement no 1035 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin, pour soutenir l’amendement no 1032.

    Mme Élisa Martin

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    Nous sommes très attachés au conseil de juridiction, qui est un lieu d’échange, d’information et de transparence. Peut-être permettra-t-il de lever des incompréhensions. Ses travaux ont un caractère général et il ne s’immisce pas dans les affaires individuelles dont la juridiction concernée est saisie.
    Nous apprécions tellement ce dispositif – même si, je le reconnais, il fonctionne plus ou moins bien – que nous souhaitons le transposer dans les juridictions administratives. C’est d’autant plus nécessaire que celles-ci sont encore plus méconnues que les juridictions judiciaires. Pourtant, ce sont des lieux de jugement et de contrôle des administrations, où se règlent les litiges entre les administrations et les usagers : ce n’est pas une paille !
    Notre idée est de créer des conseils de juridiction à tous les niveaux de l’ordre administratif : Cour de cassation, Conseil d’État, tribunal administratif et cour administrative d’appel. Nous précisons en outre dans l’amendement comment les parlementaires seraient associés à ces juridictions. Pourraient ainsi participer au conseil de juridiction placé auprès de la Cour de cassation les présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale ainsi qu’un parlementaire par groupe politique.
    Nous insistons sur ce point, car, parmi les problèmes actuels de la justice, y compris administrative, figure la difficulté qu’ont les parlementaires à s’y retrouver.

    Mme la présidente

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    Merci, chère collègue.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous voulez qu’un parlementaire de chaque groupe politique siège dans les conseils de juridiction.

    Mme Élisa Martin

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    Pour ceux placés auprès du Conseil d’État et de la Cour de cassation.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    J’y suis défavorable. Je pense que notre rédaction est plus satisfaisante que la vôtre.
    En outre, vous voulez instituer un conseil de juridiction auprès de toutes les juridictions administratives, Cour de cassation et Conseil d’État inclus. Je n’y suis pas non plus favorable.

    Mme Élisa Martin

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    Pourquoi ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je présenterai sur l’amendement no 1030 un sous-amendement visant à étendre les conseils de juridiction aux seuls tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
    Demande de retrait pour que nous puissions discuter de l’amendement no 1030 ; à défaut, mon avis serait défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    J’aurais aimé avoir plus d’explications pour ce qui concerne le Conseil d’État et la Cour de cassation. Je rappelle que les conseils de juridiction sont des lieux d’échange ; il n’est pas question de s’immiscer dans le cœur des affaires. Je reste convaincue qu’il est absolument nécessaire de créer des lieux d’explication, de clarification et de transparence entre la cité, la polis, et la justice administrative, et ce à tous les niveaux. Il est dommage de ne pas oser une telle expérimentation.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Les conseils de juridiction, que ce soit dans l’ordre judiciaire ou dans l’ordre administratif, sont assez nouveaux et bousculent les habitudes, notamment celles des magistrats. Traditionnellement, une fois par an, lors de l’audience solennelle de rentrée, l’activité de l’année passée était exposée. Il n’y avait pas d’échanges : c’était une présentation brute des chiffres, sans beaucoup d’explications.
    Si l’on veut rapprocher la justice et la cité, il faut des instances d’échange. Il existe bien des conseils départementaux de l’accès au droit, qui marchent plus ou moins bien selon les départements et, soyons clairs, selon les personnalités impliquées. Je crois que les conseils de juridiction pourraient être, sans bien évidemment qu’ils interfèrent dans les nominations et sans que l’opinion publique pèse sur le fonctionnement des juridictions,…

    Mme Élisa Martin

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    Bien sûr !

    M. Philippe Gosselin

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    …des lieux d’écoute et d’échange, qui rapprocheraient les citoyens de la justice par l’intermédiaire de leurs représentants ou de représentants d’associations.
    Peut-être n’avons-nous pas préparé assez d’amendements sur cette question – mais le rapporteur puis le Sénat compléteront éventuellement cet oubli. Il importe en tout cas de creuser cette idée neuve, susceptible de remettre la justice au cœur de la cité. (Mme Danièle Obono applaudit.)

    Mme Élisa Martin

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    La justice, et non l’église ! (Sourires.)

    (L’amendement no 1032 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 1030, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 1459.

    Mme Murielle Lepvraud

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    Par cet amendement, nous souhaitons réintroduire plusieurs dispositions adoptées par le Sénat concernant la création de conseils de juridiction auprès des juridictions administratives. Concrètement, il s’agit de transposer en les adaptant les conseils de juridiction existant dans les juridictions judiciaires aux juridictions administratives : Cour de cassation, Conseil d’État, tribunaux administratifs, cours administratives d’appel.
    Le rapporteur Terlier a considéré que cela représenterait une trop grande complexité et qu’il n’y aurait pas d’intérêt à transposer ces instances à la justice judiciaire. Pour notre part, nous estimons que ces lieux d’échange entre les juridictions et la cité ont toute leur place auprès des juridictions administratives, dont le fonctionnement est souvent méconnu des justiciables. Leur intérêt serait d’autant plus grand que la matière paraît aride et complexe à nombre de nos concitoyens, alors même que s’y jugent des affaires qui les concernent au plus près : les litiges entre l’administration et les particuliers, dont on sait l’asymétrie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 1459.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Contrairement à ce que vous avez dit, les conseils de juridiction existent déjà pour les juridictions de l’ordre judiciaire.

    Mme Élisa Martin

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    Nous n’avons jamais dit le contraire !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    En revanche, ils n’existent pas pour les juridictions de l’ordre administratif.

    Mme Élisa Martin

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    C’est bien ce que nous disons.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous voulez en créer auprès du Conseil d’État, de la Cour de cassation, du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel. Par mon sous-amendement, je souhaite les limiter aux juridictions administratives de premier et de second degrés.

    Mme Élisa Martin

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    Pourquoi ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    La présence de parlementaires à ces niveaux me semble en effet essentielle. Ces juridictions traitent, on le sait, du contentieux du droit des étrangers, du droit de l’environnement et de l’urbanisme. Je pense que nous avons toute notre place dans des conseils auprès d’elles. En revanche, il me paraît compliqué de prévoir la présence de parlementaires auprès du Conseil d’État et de la Cour de cassation.

    Mme Élisa Martin

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    Pourquoi ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Il me semble suffisant d’étendre les conseils de juridiction aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel.
    Avis favorable sur l’amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ma position est un peu différente.
    Si le conseil de juridiction a du sens au niveau local, on peut s’interroger sur la légitimité d’une telle instance auprès d’une cour à compétence nationale. Par construction, les sujets qui y seront abordés seront d’ampleur nationale. Est-il légitime de le faire dans le huis clos d’un conseil dont sera exclu le pouvoir exécutif ?
    En outre, je crois savoir que la Cour de cassation souhaite affiner sa réflexion concernant l’instauration d’un conseil de juridiction auprès d’elle.
    Enfin, les juridictions administratives souhaitent maintenir leur spécificité par rapport à l’ordre judiciaire – ce qui ne signifie pas, bien évidemment, qu’elles ne doivent pas échanger avec la cité.
    C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement – et du sous-amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous avons été d’une clarté limpide : nous avons bel et bien dit que les conseils de juridiction existaient dans l’ordre judiciaire. La meilleure preuve en est que nous avons écrit, dans l’exposé sommaire de l’amendement no 1035, que ces conseils fonctionnent de façon hétérogène selon les juridictions. Merci de m’écouter, monsieur le rapporteur, car je m’adresse précisément à vous ! Faites-nous la grâce de considérer que nous connaissons à peu près les sujets à propos desquels nous nous exprimons.
    En ce qui concerne la création de conseils de juridiction dans l’ordre administratif, vous n’avancez que des arguments d’autorité. Bien évidemment, les insoumis que nous sommes ne peuvent que les refuser. Nous aimerions entendre une argumentation construite. Au moins M. le garde des sceaux a-t-il précisé que la Cour de cassation avait encore besoin de réfléchir et que, s’agissant de cours à compétence nationale, la question de la place de l’exécutif se posait, ce que je peux comprendre.
    Vous avez raison, monsieur le garde des sceaux : les questions abordées dans les conseils de juridiction placés respectivement auprès de la Cour de cassation et du Conseil d’État seraient d’ampleur nationale. C’est pour cette raison que nous proposons que le président de la commission des lois du Sénat et son homologue de l’Assemblée nationale en soient membres. Nous avons cherché à ajuster les choses afin qu’il y ait une correspondance entre les missions de ces conseils de juridiction et les fonctions exercées par les parlementaires appelés à y siéger.
    Nous voudrions plus, mais nous sommes capables de nous contenter d’un peu moins. J’ai pris note avec un grand intérêt des propos de M. le garde des sceaux, en particulier à propos de la Cour de cassation. Si vous le voulez bien, prenons rendez-vous pour revenir sur ce point. Mais de grâce, monsieur le rapporteur, veuillez concevoir que nous puissions savoir de quoi nous parlons !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    De même que le rapporteur, je ne suis pas favorable, en tout cas à ce stade, à la création d’un conseil de juridiction auprès du Conseil d’État, ni auprès de la Cour de cassation. Gardons-nous de bâtir une grande usine à gaz ou un organisme où s’exprimeraient les contestations ! L’objectif est de dialoguer et de travailler ensemble, non pas de créer une caisse de résonance pour des sujets nationaux.

    Mme Élisa Martin

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    Certes.

    M. Philippe Gosselin

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    Tel n’est pas l’état d’esprit, loin de là. Comme cela ressort de travaux précédents relatifs aux conseils de juridiction, le but est de rapprocher la justice de la cité – nous l’avons dit les uns et les autres. Dès lors, il doit s’agir d’instances de proximité. La justice est certes rendue au nom du peuple français, qui est un, mais, puisqu’il existe différents ressorts et plusieurs degrés de juridiction, il importe que ces instances soient au plus près des territoires, du terrain et des décisions, jugements ou arrêts rendus. Selon moi, il faut se limiter à cela.
    En revanche, pour ma part, je vois d’un bon œil le parallélisme établi entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif. En la matière, le fonctionnement peut parfaitement être analogue dans les deux ordres de juridiction que compte la France. Dans tous les cas, les citoyens ont besoin d’être proches de leur justice. Je crois donc que la mesure envisagée va dans le bon sens.

    (Le sous-amendement no 1459 est adopté.)

    (L’amendement no 1030, sous-amendé, est adopté.)
    (Applaudissements sur quelques bancs.)

    M. Emmanuel Pellerin

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    Bravo à M. Bernalicis, auteur de l’amendement, même s’il n’est pas présent !

    (L’article 12, amendé, est adopté.)

    M. Philippe Gosselin

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    Nous terminons la séance par un vote unanime !

    Mme la présidente

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    Effectivement, monsieur Gosselin.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, lundi 10 juillet, à seize heures :
    Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le vendredi 7 juillet, à zéro heure cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra