XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du lundi 14 novembre 2022

Sommaire détaillé
partager
Première séance du lundi 14 novembre 2022

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Cessation de mandat et remplacement d’un député

    Mme la présidente

  • partager

    La présidente a pris acte de la cessation, le 9 novembre 2022 à minuit, du mandat de député de M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, au terme du délai d’un mois à compter de son élection.
    Elle a été informée par le ministre de l’intérieur et des outre-mer du remplacement de M. Barrot par Mme Anne Bergantz, élue en même temps que lui à cet effet.

    2. Comités sociaux et économiques de La Poste

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste (nos 373, 453).

    Présentation

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.

    Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels

  • partager

    Devenue une société anonyme en 2010, La Poste se caractérise par une histoire intimement liée aux évolutions de nos services publics. Cette particularité explique que parmi les travailleurs qui la font vivre au quotidien cohabitent plusieurs statuts : les agents publics représentent un tiers des effectifs, les deux tiers restants étant composés de salariés de droit privé. Leur régime de représentation, également hybride, relève à la fois du droit de la fonction publique et du droit du travail. Les instances représentatives du personnel (IRP) sont multiples et elles diffèrent selon les catégories de personnels : des comités techniques, ainsi que des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), assurent la représentation collective de tous ; des commissions administratives paritaires, la représentation individuelle des fonctionnaires ; des commissions consultatives paritaires, la représentation individuelle des salariés et des contractuels de droit public. En matière de droit syndical, les règles de la fonction publique sont applicables à l’ensemble du personnel.
    La proposition de loi vise à faire entrer ce régime de représentation dans le droit commun du code du travail, ce qui paraît souhaitable à plusieurs titres. Tout d’abord, les salariés de droit privé étant majoritaires au sein de La Poste, il apparaît logique de leur apporter les modalités de représentation concordante. Ensuite, la loi prévoit que les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT doivent s’appliquer à La Poste jusqu’à l’expiration des mandats en cours ; mais par la suite, ces instances cesseront juridiquement d’exister. Enfin, il s’agit de faire entrer La Poste dans le mouvement de fusion et de simplification des IRP engagé depuis 2017 par les entreprises de droit privé.
    Cette réforme permettra en outre d’unifier les règles en matière de dialogue social et de droit syndical au sein d’une même entreprise, quel que soit le statut des travailleurs concernés. Elle renouvellera également le cadre du dialogue social au sein de La Poste.
    La création du comité social et économique (CSE) constitue l’une des réformes majeures proposées par les ordonnances dites travail, prises en septembre 2017. Grâce à la proposition de loi, elle s’appliquera désormais à La Poste qui disposera, d’ici à fin octobre 2024, d’un CSE aux compétences pleines et entières, incluant celles relatives à l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail. C’est cohérent avec la part sans cesse croissante des salariés de droit privé dans les effectifs de l’entreprise. La proposition de loi prévoit bien sûr, à la marge, quelques adaptations destinées à tenir compte des spécificités des personnels.
    Il reste qu’elle permettra d’appliquer à tous des dispositions du code du travail relatives au droit syndical, à la négociation collective, aux IRP et aux salariés protégés. Cela clarifiera et renouvellera profondément, je le répète, le cadre du dialogue social quotidien, dans l’exercice duquel il reviendra aux partenaires sociaux de se saisir de ces nouveaux outils. J’en profite pour saluer le travail des sénateurs, qui a permis d’éclaircir et de préciser encore certaines dispositions du texte, dotant cette réforme d’un socle juridique solide.
    Mesdames et messieurs les députés, je suis convaincue que cette proposition de loi aboutira à renouveler et dynamiser le dialogue social au sein de La Poste, au service des droits des salariés, mais aussi de la performance économique et sociale de l’entreprise. Le Gouvernement y est par conséquent tout à fait favorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, et M. Stéphane Travert, rapporteur, applaudissent également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Stéphane Travert, rapporteur de la commission des affaires sociales

  • partager

    Il y a plus de trente ans, avec la loi du 2 juillet 1990, le législateur réformait en profondeur l’administration des postes et télécommunications, créant deux personnes morales de droit public distinctes : La Poste et France Télécom. Deux décennies plus tard, la loi du 9 février 2010 transformait La Poste, dont les activités s’étaient diversifiées au fur et à mesure que diminuait la place occupée par la distribution du courrier, en une société anonyme à capitaux publics.
    Société anonyme ayant le caractère d’un service public national, La Poste remplit quatre missions d’intérêt général : le service universel postal, la contribution à l’aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l’accessibilité bancaire. En raison de ses évolutions successives depuis le début des années 1990, son personnel relève d’une pluralité de statuts et mêle des agents contractuels de droit public, des fonctionnaires régis par des statuts particuliers – soit plus de 30 % des 170 000 collaborateurs de la maison mère – et des salariés – pour près de 70 % des effectifs.
    L’histoire de La Poste explique également l’originalité du régime de représentation du personnel, aux instances inspirées de celles de la fonction publique : 145 comités techniques locaux connaissent des questions touchant à la représentation collective ; 407 commissions administratives paritaires, des questions touchant à la situation individuelle des fonctionnaires ; 317 commissions consultatives paritaires, des questions touchant à celle des contractuels.
    La Poste héberge aussi 632 CHSCT, semblables à peu de chose près à ceux des entreprises privées avant la réforme de 2017. En outre, le conseil d’orientation et de gestion des activités sociales (Cogas) définit la politique et assure la gestion et le contrôle des activités de cette nature relevant de l’entreprise. Enfin, une commission d’échanges sur la stratégie informe les syndicats des perspectives d’évolution et recueille leurs analyses concernant les orientations stratégiques du groupe, tandis qu’une commission de dialogue social assure l’information de ces mêmes organisations syndicales et la concertation avec elles au sujet des projets d’organisation à portée nationale ou encore des questions d’actualité. Toutefois, la première de ces commissions ne se réunit plus depuis la création, par un accord en date du 21 juin 2017, du comité de dialogue social stratégique groupe, qui assume les mêmes fonctions. Du reste, le droit syndical de la fonction publique s’applique par principe à tous les personnels de La Poste.
    J’ai souhaité rappeler ces éléments de contexte avant d’évoquer les raisons qui justifient que le Parlement examine la proposition de loi. Les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques arrivent à leur terme le 31 janvier 2023, c’est-à-dire dans moins de trois mois. Or la loi ne rend applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT que jusqu’au prochain renouvellement des instances ; par ailleurs, elle prohibe que les prescriptions touchant aux CSE puissent y produire des effets. Il résulte de cet état de fait que, sans intervention du législateur, les IRP seront prochainement privées de base légale. Comment envisager dans ces conditions un dialogue social de qualité ?
    Voilà pourquoi des sénateurs ont pris l’initiative de déposer ce texte. L’article 1er proroge les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux futurs CSE, et au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024 – au lieu du 31 juillet 2024 qui avait été retenu dans la rédaction initiale.
    À compter de la même échéance, l’article 2 assujettit La Poste aux dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale, à la négociation collective et aux IRP, sous réserve des adaptations justifiées par la présence de fonctionnaires dans l’entreprise. Disparaîtront à la faveur de cette réforme le comité technique national, les comités techniques locaux, les CHSCT, le Cogas, la commission d’échanges sur la stratégie et la commission de dialogue social, dont les prérogatives ont vocation à revenir au CSE central et aux CSE d’établissement. En revanche, les commissions administratives paritaires et les commissions consultatives paritaires seront conservées.
    Enfin, l’article 3 permet à La Poste, à titre transitoire, de s’appuyer sur le code du travail aux fins de conclure des accords portant sur l’organisation des élections, sur le fonctionnement et les attributions des futurs CSE.
    Cette transformation du cadre juridique du dialogue social au sein de La Poste se justifie par le fait que les salariés représentent les deux tiers de ses effectifs et que, du fait de la suppression des CHSCT et de la très prochaine disparition des comités techniques dans la fonction publique, ses IRP n’ont plus d’équivalent dans le droit commun. Elle est en outre d’autant plus compréhensible que les filiales du groupe – La Banque postale, La Poste Immobilier, Mediapost, pour ne citer qu’elles – relèvent du code du travail et sont dotées de CSE.
    Le nouveau système devra cependant tenir compte des spécificités d’une entreprise qui exerce de multiples activités dans tout le territoire et continue d’employer près d’un tiers de fonctionnaires. La proposition de loi le prévoit expressément : la création d’un conseil des questions statutaires, sur le modèle retenu par Orange, est ainsi le gage d’un traitement approprié des questions intéressant ceux-ci.
    Au demeurant, le maillage territorial des IRP de demain devra permettre de répondre véritablement au besoin de proximité entre les personnels et leurs représentants. Pour des raisons parfaitement légitimes, les organisations syndicales y attachent une grande importance, le sujet étant d’autant plus sensible que le nombre d’élus va diminuer.
    La Poste doit prendre la mesure des enjeux en la matière : il est rassurant qu’elle envisage la création de près de 900 représentants de proximité qui serviront de relais entre élus et agents, et qu’elle admette la nécessité de l’installation d’un CSE dans chacun des départements ultramarins, de même qu’en Corse, où le risque d’éloignement des IRP suscite des inquiétudes compréhensibles. Au stade des discussions préliminaires, nous avons obtenu qu’elle s’engage de manière ferme en ce sens ; nous y tenons particulièrement, comme annoncé en commission. Cela dit, la détermination du périmètre des CSE relève de la négociation collective. Peut-on raisonnablement envisager que la loi détermine le nombre d’instances qu’une entreprise, fût-ce La Poste, doit créer ? Je ne le crois pas.
    Vous le savez, mes chers collègues, les discussions entre la direction et les organisations syndicales ont débuté ; un accord de méthode portant le projet de création des nouvelles instances a recueilli la signature de la majorité des syndicats. Il est normal que les positions des parties divergent sur certains points ; il est également bon qu’elles ne soient pas figées. Je crois pouvoir affirmer qu’elles ne le sont pas, ainsi que tendent à le démontrer les récentes évolutions de l’entreprise concernant le nombre de CSE à installer dans les territoires ultramarins.
    Pour conclure, j’insiste sur le fait que la proposition de loi fait œuvre utile. Elle adapte le régime de la négociation collective à la physionomie contemporaine de La Poste, tout en laissant aux acteurs du dialogue social un temps suffisant pour préparer la transformation majeure qui s’annonce. Je remercie le Sénat de s’être saisi de ce sujet, d’avoir enrichi le texte en commission et en séance publique. Au cours de notre propre travail en commission, nous avons promu l’exigence de la proximité ainsi que les valeurs du dialogue social ; bien évidemment, je souhaite que l’examen du texte se poursuive dans le même état d’esprit.
    La Poste accompagne notre quotidien depuis toujours. Elle est riche d’une longue histoire, messagère de nouvelles heureuses, de grands échanges épistolaires, d’informations. Chacun conserve un souvenir particulier de sa relation avec son facteur, sa factrice, son bureau de poste. Élément essentiel de notre patrimoine, La Poste est une entreprise de service public devenue entreprise à mission. Les Françaises et les Français sont attachés à ses missions de service public de proximité.

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    La Poste n’a cessé d’adapter ses structures pour communiquer également sur les symboles de la République que sont Marianne, notre emblème national, et le drapeau tricolore. Aujourd’hui, elle doit relever les défis contemporains : la diminution du courrier au profit du numérique, la transition énergétique, la logistique urbaine, le commerce électronique et la modernisation de l’action publique. Le législateur doit accompagner l’évolution liée à la suppression des CHSCT au profit de CSE, pour maintenir la capacité d’adaptation de La Poste aux défis de notre temps.
    Ainsi, mes chers collègues, nous ferons œuvre utile en permettant le dialogue social au bénéfice des missions de service public et en faveur des femmes et des hommes qui contribuent au quotidien à écrire l’histoire d’une institution à laquelle nous sommes tous et toutes très attachés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

  • partager

    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Christophe Bex.

    M. Bastien Lachaud

  • partager

    Joyeux anniversaire, cher collègue ! (Sourires.)

    M. Christophe Bex

  • partager

    C’est en tant qu’ancien postier que je m’adresse à vous aujourd’hui pour défendre une motion de rejet préalable qu’avec le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, nous avons décidé d’opposer à cette proposition de loi.
    Avant de revenir avec précision sur le fond et d’expliciter les raisons pour lesquelles nous nous opposons fermement à ce texte, je veux vous rappeler notre héritage commun. Même si nous avons de profondes divergences, nous partageons une histoire : celle de La Poste, celle du lien entre les femmes et les hommes qui perdure depuis la création des premiers relais de poste il y a plus de cinq siècles.
    Cette histoire a façonné notre pays, notre grammaire, notre culture… Il existe, comme l’a souligné le rapporteur, un attachement très fort à La Poste. C’est notre culture populaire cinématographique avec Jour de Fête, le film de Jacques Tati, ou Bienvenue chez les Ch’tis ; c’est le calendrier, l’almanach du facteur, objet de culture et de collection ; c’est la lettre au père Noël ; c’est la 2CV puis la 4L jaunes ; c’est le facteur ou la factrice qui entre dans toutes les logements et maisons, offrant à de nombreuses personnes leur seule visite et leur seule conversation quotidiennes.
    Pour beaucoup de jeunes des régions sinistrées économiquement, pour les territoires d’outre-mer, les PTT, c’était un statut et un revenu. C’était une fierté, une possibilité de s’insérer dans la société et de bénéficier de l’ascenseur social. J’étais l’un de ces jeunes en 1983. Si nous sommes en République aujourd’hui, nous le devons un peu, beaucoup même, à La Poste et à son organisation. Je rappelle un fait historique majeur qui a bouleversé à jamais notre destin national et changé la face du monde : le 21 juin 1791, à Sainte-Menehould, le maître de poste Jean-Baptiste Drouet reconnaît un passager lors d’une halte dans son relais. Cet homme, c’est le roi Louis le seizième, en fuite.
    Dès ma nomination aux PTT en 1983, j’assiste de l’intérieur à la mort lente d’une entreprise nationale, administration d’État et fleuron du service public français.

    M. Manuel Bompard

  • partager

    Eh oui !

    M. Christophe Bex

  • partager

    L’année 1984 sonne le glas, avec le rapport Chevallier qui préconise alors une scission des PTT, des réformes de structure et un recours massif au privé.
    Le mouvement de déréglementation du service postal en France s’accélère en 1987. Il s’appuie sur deux postulats étroitement liés : toujours plus d’Europe et toujours plus d’ouverture à la concurrence. Mais le démembrement de l’ancien édifice des Postes et télécommunications, symbole des services publics auquel la population a été et reste encore très attachée, n’a pu se faire que progressivement, dans la durée, et avec une certaine duplicité des différents gouvernements qui se sont succédé. C’est la stratégie de la grenouille que l’on place dans un récipient dont l’eau, chauffée progressivement pour mieux l’engourdir, finit par l’ébouillanter.
    La stratégie appliquée aux PTT et à ses 450 000 fonctionnaires sert de laboratoire pour d’autres secteurs comme l’énergie, les transports et désormais la santé et même l’éducation… Cette stratégie est directement inspirée des politiques néolibérales des pays voisins, qui ont érigé la concurrence effrénée en valeur cardinale de leur action.
    En mai 1990, l’Assemblée nationale adopte la réforme des PTT. Le 1er janvier 1991, La Poste et France Télécom perdent leur statut d’administration et deviennent deux établissements autonomes de droit public, des EADP. Cela permet de recruter des salariés de droit privé en lieu et place des fonctionnaires et des contractuels de droit public. Par la suite, en 2012, La Poste devient une société anonyme à capitaux publics. Le tout se fait bien évidemment sous l’impulsion néolibérale de l’Union Européenne, qui impose progressivement la privatisation et l’ouverture à la concurrence d’un grand nombre des missions de La Poste – comme la gestion des lettres dont le poids est supérieur à 100 grammes, pour ne citer qu’un seul exemple.
    Une nouvelle étape dans le processus de transformation de La Poste en un vaste groupe privé, déconnecté de ses missions de service public, est ensuite franchie en 2020 avec l’ouverture du capital de ladite entité : l’État ne possède plus qu’un tiers des parts, le reste appartenant désormais à la Caisse des dépôts et consignations.
    Vous serez d’accord avec moi, mes chers collègues, pour affirmer que nos services publics constituent le socle de notre quotidien et qu’ils sont issus de conquêtes sociales et de choix politiques émancipateurs. Pourtant, les exigences de rentabilité poussent La Poste à s’éloigner de plus en plus de cette philosophie au profit d’une logique de comptabilité dévastatrice, tant pour les usagers que pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Le courrier, qui est de fait non rentable, est ainsi méthodiquement dégradé. En témoignent les nombreuses fermetures de bureaux de poste de plein exercice, la réduction de la fréquence de distribution à un jour sur deux ou encore l’augmentation du délai de livraison : le J + 3 devient la norme.
    Avant vous, monsieur le rapporteur, nombre de ministres, d’experts, d’économistes et de directeurs nous ont expliqué qu’il fallait changer La Poste pour mieux la préserver, engager une accélération nécessaire des réformes – « Bougez avec La Poste ! », comme le proclamait le célèbre slogan de 1986. Mais pour quels résultats pour les usagers ? Mais pour quels résultats pour les salariés ? Mais pour quels résultats pour le service public ? Mais pour quels résultats pour le bien vivre ensemble ?
    Est-il réellement nécessaire, mes chers collègues, de rappeler que la privatisation de La Poste, comme celle de nombreux services publics, a été faussement présentée comme devant améliorer le service rendu aux usagers ? À cela s’ajoute un changement stratégique majeur de La Poste, qui se concentre désormais autour d’activités bien plus rentables – les colis et la finance –, au détriment du courrier qui ne représente que 20 % de son chiffre d’affaires. Les résultats financiers sont certes au rendez-vous, me direz-vous, mais ils ne sont évidemment plus alloués à un renforcement des missions de service public. Bien au contraire : plus d’un tiers des 2,1 milliards d’euros de bénéfices réalisés l’an passé, soit 724 millions, ont été distribués aux actionnaires. La Poste ne serait-elle devenue qu’une simple machine à faire de l’argent ? Permettez-moi de m’interroger.
    Ainsi, le démantèlement des services publics suit partout le même chemin, que ce soit à La Poste, à la SNCF ou à la RATP, justifiant la mise en œuvre de réformes aux mêmes effets dévastateurs. Il faut donc vous reconnaître une cohérence dans la manière de faire : vous laissez le service public se dégrader et vous venez ensuite nous expliquer la main sur le cœur que la privatisation est le seul remède capable de faire face à cette situation. Sauvons le service public en le détruisant !

    Mme Karen Erodi

  • partager

    C’est honteux !

    M. Christophe Bex

  • partager

    De plus, le processus de privatisation et d’ouverture à la concurrence a comme triste corollaire une véritable saignée dans les effectifs de La Poste, avec la suppression de près de 70 000 emplois en vingt ans. (« Honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Outre la situation dramatique des dizaines de milliers de personnes qui ont perdu leur emploi, ces innombrables suppressions de postes se traduisent par une augmentation de la charge de travail pour les postiers ainsi que par l’instauration d’un climat social délétère : le quotidien des salariés est rythmé par leur crainte de se faire licencier. C’est vrai, en particulier, pour les travailleurs précaires, en CDD ou intérimaires, qui sont les premiers sacrifiés lors des phases de restructuration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.– M. Benjamin Lucas applaudit également.)
    Les nombreuses coupes dans les effectifs, corrélées aux réorganisations successives ainsi qu’à la transformation du travail dans un objectif de rentabilité, ont engendré une exploitation de la misère des travailleurs et des conséquences meurtrières pour les postiers. L’ignominie a été atteinte en 2013, avec le suicide d’un cadre de La Poste sommé de travailler alors qu’il était en burn-out et contraint de réaliser un document de communication interne sur… les suicides au sein de l’entreprise !

    Mme Pascale Martin

  • partager

    C’est scandaleux !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Le syndicat Sud cite un recensement officieux de la direction faisant état de plus de 200 suicides entre 2008 et 2012. Au nom du libéralisme triomphant, la perversité des méthodes et la novlangue managériale brisent les vies, brisent les esprits et brisent les corps. Est-ce vraiment cela la vision si spécifique du service public à la française ? L’État est coupable, mes chers collègues, d’imposer de telles exigences de rentabilité et d’accepter de toucher des dividendes importants pendant que les salariés se suicident et que les services rendus aux usagers se dégradent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.– M. Pierre Dharréville applaudit également.)
    Dans ce contexte, votre choix de fusionner les instances de représentation du personnel au sein d’un unique Comité social et économique, dans cette entreprise qui bénéficiait jusque-là d’un statut sur-mesure, va aggraver la situation : il se traduira par une diminution du nombre de représentants du personnel sur le terrain, donc par une perte de proximité entre les salariés et leurs représentants. C’est bien un recul en matière de représentation et de défense des intérêts du personnel, qui aura des conséquences dramatiques.
    Cette réforme divisera par cinq le nombre d’instances représentatives par rapport au nombre de comités techniques préexistants. Il n’est pas acceptable que la sécurité et la santé du personnel soient sacrifiées sur l’autel de la rentabilité. C’est le « faire plus avec moins » au niveau syndical.
    Vous ne pouvez pas, mes chers collègues, me reprocher d’être dogmatique quand une étude du comité d’évaluation des ordonnances travail met elle-même en exergue, en décembre 2021, les risques que sous-tend la fusion des différentes institutions de représentation du personnel au sein d’une unique instance, le CSE. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) À titre d’illustration, le taux d’entreprises couvertes par une instance traitant de la santé et de la sécurité au travail est passé de 53,1 % avant la réforme à 21 % aujourd’hui.

    M. Manuel Bompard

  • partager

    Voilà !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Alors que les Français souffrent et que le repli des services publics vient saper la cohésion sociale dans notre pays, faisant bien souvent des postières et des postiers les principaux réceptacles de la misère sociale et du délitement dramatique des liens sociaux, vous faites le choix de dégrader encore plus le service de La Poste, déjà largement entaché par les choix politiques antérieurs guidés par une idéologie désastreuse.

    Mme Clémence Guetté

  • partager

    Tout à fait !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Il ne se passe pas une séance de questions au Gouvernement sans que le destin des territoires, des communes, des populations abandonnées soit évoqué sur tous les bancs de cette assemblée.

    M. Manuel Bompard

  • partager

    Il a raison !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Nous avons en France la chance d’avoir La Poste, alors faisons en sorte de construire un grand établissement national du lien et du service public, au plus près de la population. Faisons des postiers et des postières les hussards jaunes du service public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.)
    Cette proposition de loi, qui consiste à mettre fin au régime spécifique de représentation du personnel au sein de La Poste pour l’aligner sur le régime applicable au secteur privé, est un pas supplémentaire dans le processus rampant de privatisation de La Poste, au détriment du personnel et des plus fragiles, qui paieront le prix fort de cette nouvelle dégradation.
    Il n’y a pas de doute : la casse des services publics est bien la seule boussole de votre action. À travers cette loi, c’est la vie quotidienne de millions de personnes qui est mise à mal. En conséquence, pour le bien de toutes et de tous, nous demandons le rejet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Monsieur le député, à aucun moment, ni dans mon intervention ni dans le texte de la proposition de loi, il n’est question de privatisation.

    Mme Clémence Guetté

  • partager

    Vous n’en parlez jamais mais vous ne faites que ça !

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Souffrez qu’on vous réponde, après la motion qui vient d’être défendue. Nous partageons plusieurs idées sur ce qu’est La Poste, son histoire, sa tradition, ses salariés et ses agents ; je l’ai rappelé à l’instant. Cependant, il ne s’agit nullement de faire ici ce qui incombe aux organisations syndicales représentatives de La Poste. Ici, nous ne débattons pas de l’organisation de sa vie interne. Nous devons simplement établir un cadre légal car le cadre actuel n’existera plus à partir de 31 janvier 2023, les CHSCT et différents organes de représentation ayant été supprimés en 2017. (« Revenez dessus ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je vois bien que vous ne partagez pas cette idée,…

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Les travailleurs non plus ne partagent pas cette idée !

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    …mais la loi a été votée en 2017 par la majorité des députés de l’Assemblée nationale et il nous faut désormais nous mettre en conformité avec elle. Faut-il rappeler que dès 2017, La Poste aurait pu créer d’emblée un CSE ? Si cela n’a pas été fait, c’est parce qu’un processus électoral interne venait de s’achever et que tous les représentants syndicaux avaient été élus très peu de temps auparavant. Il aurait été difficile de les démettre de leur mandat quelques semaines seulement après leur élection.
    C’est pourquoi nous avons pris le temps nécessaire pour préparer la présente proposition de loi et pour qu’un accord sur la méthode, signé par plus de la moitié des organisations syndicales, soit mis en œuvre. Grâce à cette proposition de loi, nous disposerons donc à partir du 31 janvier du cadre légal qui régira le fonctionnement des CSE dont le groupe La Poste a besoin. Imaginez que nous soyons privés de base légale : le dialogue social ne pourrait plus avoir lieu au sein de l’entreprise, dont vous savez comme moi qu’elle s’est toujours distinguée par un dialogue social de qualité. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pourquoi je souhaite que nous puissions poursuivre le débat et examiner tous les amendements déposés. Parce que nous avons besoin de ce cadre légal, nous devons travailler ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe (HOR)

  • partager

    J’ai bien entendu votre long plaidoyer en faveur du service public, chers collègues, et on pourrait s’y retrouver, mais ne nous trompons pas : ce texte ne vise pas à remodeler l’organisation de La Poste mais simplement, vous l’avez compris, à transposer des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale. Il s’agit en effet d’appliquer à l’ensemble du personnel de La Poste, qu’il soit de droit privé ou de droit public, les dispositions concernant le comité social et économique en réformant les institutions représentatives, et non de se prononcer sur les qualités du CSE. Enfin et surtout, il faut aussi consacrer du temps aux discussions, qui doivent aboutir avant le 31 décembre 2022, sans quoi les instances et mandats en cours arriveraient à échéance ; La Poste serait alors privée d’un mécanisme de négociation collective, ce qui serait très dommageable. Voilà pourquoi les députés du groupe Horizons et apparentés s’abstiendront… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES)…pardon, voteront contre cette motion de rejet. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Ce n’est pas passé loin !

    M. Paul Christophe

  • partager

    Ne faites pas semblant de mal comprendre…

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani (LIOT)

  • partager

    Le groupe LIOT ne votera pas la motion de rejet préalable car nous estimons que le débat parlementaire doit avoir lieu. Cette réforme est attendue par les personnels de La Poste. Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la création des CSE, même si nous resterons vigilants sur plusieurs points que nous aborderons au fil du débat. L’enjeu est de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la mise en place des CSE dans le secteur privé et de tirer les leçons de cette expérience. Il est d’autant plus important de réussir cette transition que La Poste assure des missions de service public essentielles aux territoires. J’insiste également sur le fait que les négociations internes doivent se dérouler dans les meilleures conditions possibles ; c’est à nous de faire en sorte que ce soit le cas.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Vos facteurs vous remercient !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Fanta Berete.

    Mme Fanta Berete (RE)

  • partager

    La motion de rejet de La France insoumise est un couperet qui mettrait fin à toute négociation collective à La Poste. (Rires sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel paradoxe, alors que vous vous targuez d’exiger la conservation des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ! Comme le rapporteur l’a rappelé en commission – où les députés insoumis étaient peu nombreux, au reste (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) –, les échanges avec La Poste ont révélé que le dialogue social se poursuit dans les faits.

    M. Paul Midy

  • partager

    Elle a raison !

    Mme Fanta Berete

  • partager

    Grâce à cette démarche, un accord de méthode approuvé par plus de la moitié des organisations syndicales a été conclu. Il démontre que chacun est prêt à poursuivre le processus de discussion et de négociation.
    Comme vous le savez, les CSE ont été créés par la loi pour constituer de nouveaux espaces de dialogue social. Les filiales de La Poste, Mediapost et La Banque postale, disposent déjà de CSE. Comme toute entreprise d’au moins onze salariés, La Poste doit à son tour s’intégrer dans ce dispositif. Si nous adoptons votre motion de rejet, il n’y aura plus, au 31 janvier 2023, aucun cadre légal pour que le dialogue social puisse se développer à La Poste. Est-ce cela que veulent les députés qui ont déposé la motion ? Sur le fond de quels arguments La France insoumise souhaite-t-elle interrompre le processus ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Clémence Guetté

  • partager

    Cela vous a été brillamment expliqué pendant quinze minutes !

    Mme Fanta Berete

  • partager

    Pourquoi vouloir s’immiscer dans les négociations en cours – qui avancent – et surtout à quel titre ?

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Elle a raison ! Vous n’aimez pas le débat !

    Mme Fanta Berete

  • partager

    Nous vous prions d’être responsables et de cesser cette obstruction permanente qui manipule le dialogue social au profit d’intérêts purement politiciens. Le groupe Renaissance votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Victor Catteau.

    M. Victor Catteau (RN)

  • partager

    Cette proposition de loi vise à réduire drastiquement les moyens accordés aux instances représentatives du personnel au sein de l’entreprise La Poste. Lorsqu’on y regarde de plus près, on constate en effet les nombreuses conséquences néfastes qu’induit ce texte : baisse du budget global des instances, baisse du nombre d’élus, baisse du nombre d’heures de délégation, perte de proximité, et j’en passe. En conjuguant cela avec la forte baisse de 80 % du nombre de comités veillant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail des employés, ceux-ci seront bien moins protégés.
    Cela étant, nous comptons sur le débat à venir pour préserver avant tout les intérêts des employés. C’est pourquoi nous préférons nous abstenir de voter sur la motion de rejet, ne dérogeant pas à notre conduite qui consiste à être une opposition constructive plutôt qu’à se livrer à une obstruction inutile et stérile. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Les postiers vous remercient !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Bref, c’est pas bien mais on s’abstient ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Rachel Keke.

    Mme Rachel Keke (LFI-NUPES)

  • partager

    La proposition de loi que nous examinons est une véritable catastrophe sociale. C’est une catastrophe pour les fonctionnaires et les salariés mais aussi pour le service public de La Poste en général. En créant les CSE et en supprimant les CHSCT, le Gouvernement tourne le dos au dialogue social, ainsi qu’à la réalité du travail à La Poste. Pourtant, le climat social à La Poste est marqué par une réorganisation tous les deux ans, par le stress, les burn-out et même les suicides parmi les employés et les cadres.
    En 2017, les ordonnances Macron – ou ordonnances travail – ont mis en place les CSE dans les entreprises privées. Résultat : la représentation des salariés a reculé, la proximité a reculé, la santé et la sécurité au travail ont reculé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Vouloir faire la même chose à La Poste est la preuve que le Gouvernement est déconnecté des préoccupations des salariés et du monde du travail. C’est pourquoi je vous appelle à voter notre motion et, ainsi, à rejeter la proposition de loi.
    Voter cette loi serait un recul affreux pour les salariés et un recul du dialogue social. Surtout, cela tuerait le service public de La Poste ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant (Dem)

  • partager

    Le groupe Démocrate s’opposera évidemment à cette motion – tout simplement par principe. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sarah Legrain

  • partager

    Par dogmatisme !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Je n’ai encore rien dit, mais cela donne envie d’en dire plus ! En réalité, depuis le début de la législature, nous n’avons pas examiné un seul texte sans que vous ne déposiez une motion de rejet. Pas une fois ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    C’est vrai !

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Vous n’avez pas compris que vous n’avez plus la majorité ?

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Et à chaque motion de rejet, même argument : la Macronie refuse le débat.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Nous, nous n’avons pas le 49.3 !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    En fait, vous n’aimez pas le débat, voilà tout. Restons sérieux, car les salariés de La Poste en ont besoin. Si nous ne faisons rien, que se passera-t-il ? Le rapporteur l’a dit : il y aura un vide juridique et nous ne pourrons plus avancer. Le présent texte permet précisément d’avancer.
    Quant aux craintes que vous avez formulées lors de la suppression des CHSCT, elles sont infondées : le dialogue social se poursuit et marche très bien dans les entreprises, mieux même qu’auparavant ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)

  • partager

    Le groupe GDR-NUPES votera pour la motion de rejet. M. Balanant nous reproche d’avoir déposé une motion sur chaque texte mais la réalité, c’est que nous n’avons examiné aucun bon texte depuis le début de la législature ! Nous sommes donc amenés à nous y opposer car leur orientation ne convient pas à l’avenir du pays. C’est pourquoi nous nous associons à la présente motion.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Travaillons, débattons, amendons !

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix la motion de rejet préalable

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        116
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                28
                    Contre                66

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

  • partager

    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

  • partager

    La Poste n’est pas une entreprise comme une autre, comme mon collègue Christophe Bex l’a rappelé. À travers elle, c’est une certaine idée de l’organisation du service public à la française qui se joue : maillage territorial de proximité, qualité du service rendu, égalité devant le service public, régime mixte de l’organisation du travail. Nous pouvons la considérer comme l’un des lieux de mémoire du patrimoine républicain de la France.
    Cette belle maison rassemble 170 000 collaborateurs, dont 53 000 fonctionnaires, 110 000 personnes en CDI, d’autres en CDD, et des alternants et des apprentis. C’est de sa spécificité qu’il est question aujourd’hui.
    J’aimerais d’abord insister sur un point important : loin d’être purement technique, voire anecdotique ou mécanique – on n’aurait pas le choix –, cette proposition de loi participe à la fragilisation par petites touches de ce service public. La Poste fait partie de ces entreprises publiques qui ont su se moderniser. Elle cultive un lien particulier avec les Français. Sa qualité de service et son maillage territorial n’ont pas d’égal sur le marché, comme en atteste le service universel postal qui lui a été confié. Or elle a vu son statut juridique banalisé par les lois successives accompagnant l’instauration progressive de la concurrence dans le secteur postal.
    Ce texte aurait, selon vous, pour intérêt principal de répondre au vide juridique créé par la modification introduite par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. A priori, vos arguments sont solides : légiférer serait nécessaire car si aucune disposition législative n’est adoptée d’ici à la fin du mois de janvier 2023, les instances représentatives du personnel de La Poste n’auront plus de base légale pour effectuer leur mission. Belle histoire que vous nous racontez là mais histoire à dormir debout. En réalité, ce vide juridique n’est que l’effet de la bombe à retardement que la loi du 6 août 2019 a pris soin d’amorcer. Le Gouvernement lui-même et sa majorité en ont créé les conditions en instaurant une date butoir pour l’exercice des compétences que les instances représentatives du personnel de La Poste tirent de la loi !
    Mais venons-en au fond du présent texte qui propose de banaliser les conditions du dialogue social au sein de La Poste sur le modèle de l’entreprise privée. C’est bien là que le bât blesse.
    Comment une entreprise publique exerçant un service public national doit-elle organiser son dialogue social ? En tenant compte de ses spécificités – c’est ce que nous pensons – ou en copiant le modèle qui s’applique à l’entreprise privée ? C’est cette dernière position qu’adopte cette proposition de loi en considérant que La Poste est une entreprise privée qui doit s’organiser tout entière selon les règles du droit privé issues des ordonnances travail de 2017. Réponse un peu dogmatique, selon nous, puisqu’à l’évidence, La Poste est une entreprise publique particulière. Ne nous méprenons pas : le postier ne sera jamais un business developer anonyme de la start-up nation ; le postier, c’est le dernier rempart du service public quand l’État plateforme déserte les territoires ruraux et les petits bourgs (M. Benjamin Lucas applaudit), c’est une figure que les gens connaissent et qui rassure.
    Si votre réponse est dogmatique, c’est qu’elle ne tient pas compte des faits. Posons-nous d’abord la question de savoir si le dialogue social fonctionne au sein de La Poste. C’est bien le cas, même s’il n’est sans doute pas parfait. Preuve en est la création du comité de dialogue social stratégique du groupe à la suite de l’accord du 21 juin 2017. En ce moment même, la direction et les syndicats sont en train de négocier au sein de cette instance un accord de méthode et un accord de périmètre sur le dialogue social.
    Si ce n’est pas la qualité du dialogue social qui est en cause, nous devons donc nous demander s’il y a une nécessité impérieuse de revoir et de réduire le nombre des instances représentatives du personnel au sein de La Poste. En l’occurrence, il est question de passer de 145 comités techniques locaux à 28 CSE et de 637 CHSCT à 121 commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), réductions que nous considérons comme problématiques.
    Vous voulez banaliser les IRP de La Poste pour les faire entrer dans le droit commun des ordonnances de 2017. Or, contrairement ce que prétendait notre collègue, leur bilan est loin d’être bon.

    Mme Fanta Berete

  • partager

    C’est faux !

    M. Jérôme Guedj

  • partager

    Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) qui, dans une étude de juillet 2022, souligne que leur application s’est traduite par un affaiblissement de la représentation et une baisse de la présence syndicale. Nous vous alertons aussi sur le fait que la réduction du nombre d’IRP pourrait porter atteinte à la décentralisation effective du dialogue social et à la qualité de ce dernier.
    Pour notre part, nous considérons que ce n’est pas en nivelant l’organisation du dialogue social au sein de La Poste par le bas, c’est-à-dire en l’alignant sur ce qui prévaut dans le privé, que vous soutiendrez cette belle entreprise. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

  • partager

    Du fait de sa taille, de ses missions de service public et de son implantation territoriale, La Poste est une entreprise qui se singularise dans le paysage français. Elle se distingue par la pluralité des secteurs d’activité, fortement concurrencés, qu’elle couvre en tant qu’opérateur de services postaux et de téléphonie mobile, en tant que banque, assurance, fournisseur de services numériques et de commerce en ligne, et par la multiplicité des statuts de ses quelque 170 000 collaborateurs – fonctionnaires, agents contractuels de droit public et salariés de droit privé qui représentent les deux tiers des salariés. Elle dispose d’une représentation du personnel et d’un droit syndical dérogatoires, liés à son statut, aux particularités de ses agents et à son riche héritage historique.
    Dans ce contexte, la transposition à La Poste des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale paraît justifiée afin de répondre aux enjeux attachés à la modernisation de ses institutions. Cette proposition de loi, qui émane du groupe Union centriste du Sénat, vise ainsi à appliquer à l’ensemble de son personnel, de droit privé ou de droit public, les dispositions du code du travail relatives au CSE en réformant ses IRP qui relèvent aujourd’hui encore de la loi de 1990. Une loi paraît en effet nécessaire pour assurer leur mise à jour.
    Ce service public fondamental est en pleine mutation. Le passage à l’ère numérique, la concurrence accrue exercée par des acteurs dématérialisés et la définition de nouvelles missions nécessitent l’élaboration d’un cadre permettant un dialogue social constructif. En outre, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi est d’autant plus utile qu’au 31 décembre prochain, l’expiration des instances et mandats en cours privera La Poste d’un dispositif de négociation collective.
    Il convient donc d’assurer ici la permanence du cadre régissant le dialogue social, le temps que les négociations avec les représentants syndicaux puissent se dérouler de manière apaisée, en prenant notamment en compte le défi que constituent la proximité et la différenciation des besoins selon les territoires, en particulier dans les outre-mer.
    Il s’agit d’un chantier de grande ampleur, qui s’accompagne d’un changement culturel majeur. Pour préparer ces discussions et garantir le caractère apaisé de leur déroulement, a été conclu en septembre 2022 un accord sur la méthode définissant les modalités et les thèmes de la négociation en vue de la mise en place des nouvelles instances. Afin de laisser le temps à la négociation et d’assurer la bonne tenue du dialogue social, le groupe Horizons et apparentés soutiendra donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Benjamin Lucas.

    M. Benjamin Lucas

  • partager

    La poste est au cœur de l’histoire des services publics de notre pays puisqu’elle figure parmi les plus anciens d’entre eux. Elle constitue depuis si longtemps un modèle pour l’accomplissement des missions essentielles à la vie de nos concitoyens, de la nation et de notre pacte républicain qu’elle fait figure d’étendard. Par sa présence dans tous les territoires, elle a traduit en actes le principe d’indivisibilité de la République. Elle a façonné les paysages de nos villes et de nos villages, emblème rassurant d’une continuité territoriale et d’une égalité républicaine pour toutes, pour tous et partout. Depuis la création des relais de poste sous Louis XI et leur nationalisation sous Louis XIV, l’histoire de la poste est intimement liée à nos conquêtes techniques, à notre histoire, celle du progrès, celle des communications, celle des liens qui forgent une société et son contrat social.
    Permettez-moi, avant d’en arriver à la proposition de loi, de saluer tous les agents et salariés qui l’ont fait, la font et la feront vivre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérôme Guedj et M. Pierre Dharréville applaudissent également.)
    Depuis des décennies, le groupe La Poste n’a cessé de subir des restructurations délétères qui ont abîmé cet étendard des services publics. Un mouvement continu de privatisation, soutenu par des logiques comptables, l’a éloigné de ses missions de service public et le prive des moyens de les accomplir : disparition de milliers de bureaux de poste dits de plein exercice, réduction drastique du nombre de salariés, notamment des facteurs, sans parler de la suppression du si républicain timbre rouge orné de la figure de Marianne. Par les symboles et par les actes, La Poste est progressivement dépouillée, déshumanisée.
    Les cadences augmentent, les conditions de travail se dégradent, les risques psycho-sociaux se multiplient. Les tournées chronométrées par des logiciels retirent toute autonomie aux salariés et font perdre à leurs missions d’intérêt public tout leur sens.
    Cette déshumanisation prive les postiers de la maîtrise de leurs tâches, de l’estime qu’ils en retirent, elle nie leur intelligence et l’expression de la conscience du service d’intérêt commun qui est au cœur de leur mission, de leur vocation. Le langage des chiffres éloigne de la langue humaine, celle du lien social, des solidarités qui sont le corollaire d’un service public de qualité. Des chiffres, on ne prend d’ailleurs que ceux qui arrangent. C’est ainsi qu’on justifie ces restructurations néolibérales par la baisse du courrier, en masquant sciemment l’augmentation du nombre de colis.
    Parce que nous sommes les défenseurs d’une certaine idée de la République, de ses services publics et du modèle social qui les accompagne, nous ne pouvons que nous opposer à l’esprit de ce texte qui proroge les CHSCT avant de les enterrer définitivement. Nous ne saurions approuver un texte qui maltraite au point de l’anéantir le régime actuel de dialogue social au sein de La Poste. Ses dispositions nous font craindre, comme à de nombreux acteurs de terrain, un affaiblissement considérable et inacceptable du pouvoir déjà si faible dont disposent les salariés face la direction.
    Telle n’est pas notre conception de la démocratie sociale, particulièrement quand il s’agit d’une institution aussi symbolique et importante pour notre vie collective. Les CSE et les CSSCT qui doivent remplacer les CHSCT seront beaucoup moins nombreux et auront des prérogatives bien moindres. Ils ne protégeront donc pas aussi efficacement les droits et les conditions de travail des salariés.
    Notre vision du progrès social, de la justice sociale et de la dignité nous interdisent de soutenir une régression de cette nature. Concentration et éloignement des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes aux principes d’autonomie et de proximité dans une entreprise en restructuration et désorganisation permanentes, perte de la singularité des territoires : tout dans cette proposition de loi conduira le groupe Écologiste-NUPES à s’opposer à son adoption. Ses dispositions et sa philosophie la rendent incompatible avec les principes qui doivent selon nous régir les services publics et la république sociale que nous devons chérir et sans cesse bâtir. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Les mots pourraient paraître doux à l’oreille : « proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste ». En réalité, il s’agit de lui appliquer les ordonnances dites dialogue social de 2017. Pour ce faire, il faut soit vouloir du mal à La Poste, soit trouver ces ordonnances formidables. Or leur bilan est calamiteux. La Dares a établi en juillet 2022 un constat sans appel : recul de la représentation des salariés, perte de proximité des élus et effacement des questions relatives à la santé au travail dans les entreprises.

    M. Jérôme Guedj

  • partager

    Eh oui !

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Vous seriez plus inspirés de les remettre en cause plutôt que d’en pousser les feux à l’heure où nous avons besoin de reconstruire la démocratie au sein de l’entreprise, de déployer des outils pour améliorer la santé, la sécurité des salariés et leurs conditions de travail, de donner des droits aux collectifs de travail, de construire de nouveaux droits pour les salariés, de redonner force à la loi. L’épisode actuel autour des salaires montre toutes les limites de l’inversion de la hiérarchie des normes.
    De cela, vous ne tirez aucune leçon : quand le vin est tiré, il faut le boire et boire le calice jusqu’à la lie. C’est ainsi que vous considérez que La Poste doit passer à la moulinette des ordonnances de casse du code du travail. Sans les précédentes étapes de la privatisation de La Poste, il n’y aurait d’ailleurs pas eu besoin de cet ajustement mais il se trouve que vous avez aussi abîmé le code de la fonction publique. Rien n’échappe à l’orgueil qui vous pousse à tout remasteriser, sous l’emprise de vos pulsions néolibérales.
    Il faudrait au contraire défendre un grand projet contemporain pour La Poste car face aux défis climatiques et aux problématiques de logistique et d’égalité territoriale, face à l’enjeu que représente le droit à la communication et à l’information, face aux appétits de la finance, nous avons plus que jamais besoin d’un service public postal. Au lieu de cela, les fermetures de bureaux de poste se succèdent, provoquant la réprobation citoyenne, la distribution du courrier se dégrade et les personnels voient leurs métiers s’effilocher.
    La Poste, hier service public, est devenue une société anonyme, avec le lot de réductions drastiques d’emplois, la perte de sens pour les salariés et l’éloignement par rapport aux besoins des usagers que cela implique. Elle demeure une entité hybride, avec des missions de service public et près d’un tiers de fonctionnaires en son sein. Nul ne conteste le fait qu’il faille définir pour elle un régime particulier. Rien n’oblige néanmoins à le rapprocher le plus possible du mauvais modèle issu des ordonnances de 2017.
    Le projet de la direction de La Poste qui a inspiré la présente proposition de loi visait à diviser le nombre d’instances par cinq et, évidemment, à réduire le nombre de représentants du personnel. Ainsi, alors qu’un CHSCT représente en moyenne 290 salariés, une CSSCT en représentera demain 1 400 et ne disposera pas des mêmes prérogatives. Il n’est pas sûr, c’est le moins que l’on puisse dire, que La Poste aille si bien qu’elle puisse se le permettre. En effet, alors qu’avant 2011 les CHSCT se réunissaient en moyenne deux à trois fois par an, ils le font sept à huit fois aujourd’hui, après un pic jusqu’à quatorze fois au moment de la crise sanitaire.
    Dans une telle entreprise, qui assure la continuité de nombreuses activités, avec des régimes de travail très différents, des horaires atypiques et des salariés exposés à de nombreux risques professionnels, la suppression des CHSCT est grave et inquiétante.

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Exactement !

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Tous les deux ans, les tournées des facteurs sont réorganisées : en une dizaine d’années, ces derniers ont vu 30 000 postes disparaître et les effectifs de La Poste ont connu une baisse globale de 43 %. Ces réorganisations se basent sur une « modélisation de la charge », en vertu de laquelle les durées des tournées sont prédéfinies par un bureau des méthodes. C’est grâce aux CHSCT que les représentants du personnel ont pu agir sur les réorganisations postales, faire valoir leur connaissance concrète, recourir à des experts, voire ester en justice.
    Alors que le ratio était d’un CHSCT pour 1 200 salariés, il sera de 1 pour 6 500 salariés en ce qui concerne les CSE – malgré les engagements positifs obtenus, monsieur le rapporteur, pour les territoires ultramarins. Quant aux représentants de proximité, qui font figure de troisième instance, ils seront seuls, disposant de quelques heures de délégation par mois mais de bien peu de prérogatives. Résultat global : ce sera plus de pouvoir pour la direction et moins pour les agents et les salariés. Mais n’était-ce pas le but ?
    La période ouverte jusqu’en octobre 2024 par la proposition de loi doit permettre d’instaurer, par la négociation collective, des instances tenant compte des spécificités de La Poste. Pour une négociation sincère qui ne se déroule pas sur des sables mouvants, selon les mots des organisations syndicales, la direction de La Poste doit cesser les réorganisations entreprises dans le cadre du plan stratégique La Poste 2030, qui jouent sur les périmètres des établissements existants. Enfin, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES continuera à s’opposer aux ordonnances dites dialogue social, dont l’affichage en mots doux cache, en réalité, des maux durs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    M. Jérôme Guedj

  • partager

    Très bien !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

  • partager

    Aborder les conditions du dialogue social au sein d’une entreprise telle que La Poste n’a rien d’anodin. D’abord, cela nécessite de prendre en considération la pluralité des statuts des employés, qu’ils soient fonctionnaires, agents contractuels de droit public, salariés, mais aussi intérimaires. Cette coexistence a justifié l’instauration d’instances représentatives du personnel adaptées aux spécificités de l’entreprise.
    Surtout, au-delà de ces particularités statutaires, La Poste assure au quotidien des missions de service public, qu’il s’agisse du service postal, de l’accessibilité bancaire, de l’aménagement du territoire ou encore du transport de la presse : ces prérogatives sont essentielles pour l’ensemble des Français, en particulier ceux qui habitent dans des territoires géographiquement isolés.
    C’est pourquoi s’assurer de la qualité du dialogue social et des conditions de travail au sein de cette entreprise, c’est aussi participer à la qualité de son service public sur l’ensemble du territoire. Cela est d’autant plus important à l’heure actuelle que La Poste a connu, ces dernières années, de multiples difficultés, obligeant les usagers à s’adapter : présence territoriale en baisse, avec 5 300 bureaux de poste dits de plein exercice dans l’ensemble du pays contre 8 414 en 2017 ; fracture numérique, avec la dématérialisation des services postaux qui accroît les inégalités dans l’accès à ces services ; hausse tarifaire, avec le prix du timbre vert passé de 46 centimes en 2003 à 1,17 euro en 2022, enfin, bien entendu, augmentation de la pénibilité du travail, soulignée par les personnels des centres de tri et des agences postales.
    Malgré ces défis, La Poste est et reste un acteur indispensable dans la vie de nos territoires. Elle est vecteur de lien social car elle permet de lutter contre l’isolement des personnes âgées ou à mobilité réduite ; elle est utile et concrète. Pour résumer, elle aspire à traiter partout ses usagers comme des personnes et non comme des numéros et il est de notre responsabilité de lui en donner les moyens. C’est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires formule deux exigences concernant ce texte qui prévoit la mise en place des CSE au sein de La Poste.
    La première exigence est le respect de la négociation. Nous prenons acte des concertations en cours entre la direction et les organisations syndicales, mais il est indispensable de prolonger jusqu’à la fin 2024 la période de transition, car cette réforme constitue un chantier de grande ampleur. Le bilan provisoire des CSE est pour le moins mitigé : nous déplorons de nombreuses situations de carence, avec une majorité de CSE mis en place de manière unilatérale, et non à l’issue d’un accord. Afin d’éviter ces écueils, nous réaffirmons le besoin d’instances de représentation suffisamment nombreuses, suffisamment proches des personnels et armées pour aborder tous les sujets, en particulier la santé et la prévention des risques psycho-sociaux. La disparition des CHSCT ne doit pas faire passer ces questions au second plan.
    Notre seconde exigence est celle de la proximité. Nous devons préserver l’ancrage territorial, condition sine qua non de la bonne tenue du dialogue social au sein de La Poste. La réduction du nombre d’instances fera nécessairement perdre en proximité géographique et cette question se pose avec plus d’acuité encore dans les territoires ultramarins et en Corse : les premières propositions ne prévoyaient d’ailleurs qu’un seul CSE pour l’ensemble de l’outre-mer et aucun pour la Corse, ce qui n’est évidemment pas acceptable. Il semblerait que la direction soit prête à évoluer sur ce sujet et nous saluons l’engagement du rapporteur en la matière. Si nous sommes d’accord avec lui pour considérer que la loi ne doit pas être bavarde, nous regrettons la fâcheuse habitude qui consiste à faire des territoires insulaires les grands oubliés de ce genre de réforme – cela s’est vérifié une fois encore.
    C’est pourquoi nous proposerons par voie d’amendement que l’ancrage territorial soit inscrit dans la loi, sans préempter le résultat des négociations internes entre les syndicats et la direction. Il serait d’ailleurs incohérent qu’une entreprise qui a fait de la proximité son maître mot s’en affranchisse au moment d’organiser la représentation de son personnel.
    De la forte diversité des métiers, des missions et des territoires naît la nécessité d’instances représentatives suffisantes et proches des employés représentés. Par conséquent, nous défendrons une vision territorialisée de la réforme, dans l’intérêt des personnels de La Poste et de l’ensemble des usagers.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Fanta Berete.

    Mme Fanta Berete

  • partager

    La Poste emploie à l’heure actuelle 170 000 collaborateurs bénéficiant d’une pluralité de statuts, dont 31 % d’agents publics mais aussi et surtout 69 % de salariés de droit privé. Jusqu’à présent, l’entreprise a échappé à la réforme de ses instances représentatives parce qu’elle est expressément exclue du champ d’application du code du travail en la matière. Mais, en raison de sa nature juridique, elle n’entre pas non plus dans le champ des dispositions du code général de la fonction publique sur cette question.
    Je rappelle qu’un comité social et économique est une instance de représentation du personnel qui fusionne d’ordinaire les délégués du personnel, le CHSCT et le comité d’entreprise. Dans le cas de La Poste, la configuration en matière de représentation est inédite, fruit d’un héritage historique car, au-delà des CHSCT, on y trouve également aux niveaux national ou local, ou encore parfois à ces deux niveaux, des comités techniques, des commissions administratives paritaires ou encore des commissions consultatives paritaires. Pour réussir cette transformation – c’est bien de cela qu’il s’agit – et fusionner l’ensemble de ces instances, il est essentiel de mettre en place un dialogue intense, mais serein. (Mme Karen Erodi s’exclame.)
    C’est précisément l’ambition de la présente proposition de loi. Elle est fondamentale car, au 31 janvier prochain, il n’existera plus au sein de La Poste aucun espace de négociation collective. L’expiration prochaine des instances et des mandats en cours plongera l’entreprise dans un no man’s land juridique. Dans ce contexte, la transposition à La Poste des dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale paraît justifiée afin de tenir compte de sa physionomie actuelle.
    Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi prolonge les mandats en cours des membres des CHSCT et des comités techniques du personnel de La Poste jusqu’à la proclamation des résultats des élections aux CSE, au plus tard jusqu’au 31 octobre 2024. J’entends que se posent des questions humaines, mais elles relèvent du dialogue social au sein des instances : ce n’est pas notre rôle de les traiter ici.

    M. Christophe Bex

  • partager

    Mais si !

    Mme Fanta Berete

  • partager

    L’article 2 permet que les dispositions du code du travail relatives aux CSE et au droit syndical s’appliquent à l’ensemble des personnels de La Poste.
    Enfin, pour tenir compte de l’actuel système de représentation du personnel de La Poste, l’article 3 rend applicables, à titre transitoire, plusieurs dispositions du code du travail relatives à la négociation et à la conclusion d’accords en lien avec l’organisation des CSE.
    En séance au Sénat, le transfert aux CSE des droits et obligations des CHSCT de La Poste a été décidé. Lors de l’examen du texte par notre commission des affaires sociales mercredi dernier, douze amendements issus des groupes d’opposition ont été examinés. Ce faible nombre démontre qu’un esprit de consensus peut émerger sur ce texte qui n’a d’autre objectif que de donner à La Poste un cadre légal à ses négociations collectives en fusionnant des instances disparates, tout en conservant leurs prérogatives.
    Quelques amendements visaient toutefois à faire perdurer les CHSCT, dans la mesure où ces instances contribuent à la protection de la santé et de la sécurité du personnel, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Pourtant, vous le savez, ces compétences sont transférées au sein du CSE. Considérer que la mise en place du CSE permettrait à la direction de La Poste de réduire la protection et la sécurité des collaborateurs est donc totalement infondé. Ce type d’amendements vise sans doute à manifester une opposition à l’existence et au principe même des CSE. Mais cette question est tranchée depuis une ordonnance dite Macron du 22 décembre 2017, ce n’est donc pas le sujet.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Mais si !

    Mme Fanta Berete

  • partager

    La création d’un CSE par département, notamment en Corse et dans les territoires ultramarins, pourrait constituer une attente légitime. Comme l’a rappelé le rapporteur Stéphane Travert, l’installation d’un CSE dans chaque territoire d’outre-mer et en Corse n’est pas prévue dans le texte ; cependant, la direction de La Poste a déjà pris un engagement en ce sens. Faisons donc confiance aux partenaires sociaux !
    Mes chers collègues, La Poste est souvent citée en exemple pour ce qui est des négociations collectives. C’est pourquoi, afin de lui donner un cadre de fonctionnement transitoire, clair et réaliste pour un an et demi, je vous invite à voter la présente proposition de loi dans la version que le Sénat nous a transmise. Cela permettra, grâce à une prorogation des mandats actuels, de mener les concertations nécessaires, respectueuses de chacun, et d’aboutir à la mise en conformité avec le droit privé des instances représentatives du personnel, au plus tard pour le 31 octobre 2024. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Victor Catteau.

    M. Victor Catteau

  • partager

    La proposition de loi que nous examinons vise à accompagner la mise en place des comités sociaux et économiques au sein de La Poste. Cette entreprise publique, passée sous le statut de société anonyme en 2010, conserve sa mission historique de service public national qu’elle remplit inlassablement et qui fait d’elle l’un des plus anciens services publics au monde.
    Composée de fonctionnaires pour un tiers et de salariés de droit privé pour deux tiers, elle est actuellement régie par le droit syndical de la fonction publique. Vous en conviendrez, chers collègues, La Poste est loin, très loin, d’être une entreprise comme les autres. Toutefois, lorsque l’on s’y intéresse de plus près, on constate que son image semble bien différente de ce qu’y vivent les travailleurs au quotidien : cadences excessives, pressions sur le résultat, réorganisations successives, en raison d’une baisse continue des moyens et des effectifs. Ainsi, près de 150 000 postes ont été supprimés en vingt ans, alors même que la charge de travail n’a fait qu’augmenter en même temps que le groupe La Poste a multiplié ses activités. Les agents sont à bout.
    La situation est devenue difficile, voire insoutenable pour certains salariés : depuis 2008, La Poste a compté dans ses rangs plus d’une trentaine, voire une quarantaine, de suicides par an. Les familles de Charles, de Paula, de Murielle ou encore de Nicolas ont toutes dénoncé, et dénoncent encore aujourd’hui, les conditions de travail de plus en plus inhumaines auxquelles sont confrontés les employés de La Poste, conditions qui ont conduit au décès de leur proche.
    Pourtant, la réforme ne s’inscrit nullement dans un esprit d’amélioration : concentration et éloignement des centres de décision, appauvrissement du dialogue social, diminution de la représentation syndicale, atteintes à l’autonomie et à la proximité, perte de la singularité des territoires… tout y passe. La direction de La Poste envisage ainsi de convertir les 145 comités techniques actuels en seulement 28 comités sociaux et économiques, soit à peine un CSE pour trois, voire quatre départements – alors que nous affirmons qu’il faut au moins un comité social et économique pour chacun des 101 départements français.
    J’ai une pensée toute particulière pour les territoires ultramarins, qui sont une fois de plus les grands oubliés : parmi les 28 CSE souhaités initialement par la direction de La Poste, il n’en était prévu qu’un seul pour l’ensemble des territoires ultramarins. Comment peut-on imaginer qu’un unique CSE suffise à représenter l’intégralité des territoires d’outre-mer ? L’éloignement et les spécificités de ces territoires sont, une fois encore, ignorés par une réflexion budgétaire et bureaucratique. Rappelons que 11 000 kilomètres séparent la Guyane de Mayotte ! Comment peut-on penser qu’un employé de Cayenne est confronté aux mêmes difficultés qu’un de ses collègues travaillant à Mamoudzou ?
    Nous avons évidemment exprimé nos inquiétudes en commission, relayant la crainte de nos concitoyens de se trouver démunis. On nous a répondu qu’il fallait laisser la place au dialogue social, et que le rôle du législateur n’était pas d’intervenir dans ce domaine. Si la loi n’a pas vocation à se substituer au nécessaire dialogue social, le devoir du législateur est néanmoins d’en définir les conditions.
    Le projet de convertir 632 CHSCT en 121 CSSCT est également une aberration, particulièrement au regard de la situation que vivent les employés. En diminuant de plus de 80 % le nombre de comités veillant à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, je doute qu’on envoie le bon message : cela témoigne d’un manque de considération et amène à se demander si les motivations d’une réforme aussi rapide sont pertinentes. Malgré le report de trois mois de son entrée en vigueur, il semble évident qu’elle ne peut être conduite correctement dans un calendrier aussi serré. Permettez-moi de vous rappeler que le vote de cette proposition de loi est loin d’être une simple formalité : il y va de l’avenir de La Poste, qui reste malgré tout le premier employeur du pays après l’État.
    Le groupe Rassemblement national fera tout son possible pour préserver les intérêts des employés de La Poste – nous soutiendrons des amendements en ce sens. Comme nous le faisons depuis le 19 juin, nous continuerons à agir en cohérence avec la mission que nous ont confiée les Français : celle de penser avant tout aux intérêts de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Martine Etienne.

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Le mois dernier, les facteurs du centre de tri de Homécourt, en Meurthe-et-Moselle, ont fait grève pendant plusieurs semaines pour dénoncer – à juste titre – leurs conditions de travail déplorables et leurs salaires ridicules et insuffisants.
    J’évoquerai rapidement la situation que traverse La Poste, et sa lente et inexorable privatisation. Poussé par l’Union européenne, l’État a ouvert La Poste à la concurrence et s’est peu à peu désengagé de ce service public. Au prétexte d’une baisse des volumes du courrier et d’un prétendu recul de la fréquentation des bureaux de poste, des restructurations incessantes ont fait disparaître les bureaux et ont réorganisé les tournées des facteurs. Le tout-numérique a remplacé l’humain, et les conditions de travail se sont fortement dégradées. La Poste est entrée dans une logique de concurrence commerciale ; elle accentue la pression sur son personnel pour obtenir toujours plus de résultats. L’usager est devenu un client, et La Poste s’est éloignée de ses missions de service public.
    Depuis plusieurs décennies, des réorganisations incessantes ont conduit à supprimer des milliers d’emplois dans le groupe, au courrier comme à La Banque postale. Cette baisse drastique des effectifs entraîne une surcharge de travail pour ceux qui restent. De nombreux postes ne sont pas pourvus, et tous les départs en retraite ne sont pas remplacés. En définitive, les employés sont épuisés.
    Même en adoptant le paradigme néolibéral que chérit tant le Gouvernement, on ne peut qu’admettre qu’un tel modèle est loin d’être efficace. Quand on injecte des techniques de management privées dans des services publics, en général, cela finit d’ailleurs très mal. Exemple parmi d’autres, la tournée des facteurs s’allonge et se complexifie, à tel point qu’elle n’est plus à taille humaine. Les logiciels et la mécanisation obligent les facteurs à passer plus de temps à l’extérieur, alors qu’ils sont davantage chargés en courrier et qu’ils sont soumis aux intempéries et aux chaleurs excessives, comme ce fut le cas l’été dernier. Les bureaux de poste ferment progressivement, et les usagers doivent parfois parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour en trouver un ouvert.
    Afin de juguler l’hémorragie des bureaux, les collectivités territoriales, attachées à un service de proximité, n’ont d’autre choix que d’ouvrir des agences postales, se substituant à un État qui se désengage au nom de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée promue par son idéologie libérale.

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Libre et très faussée !

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Cette logique de rentabilité imposée depuis plusieurs années a de graves conséquences sur les employés. Leur sécurité est mise à mal par l’allongement des tournées, et leur santé morale et physique en prend un coup sévère. Le nombre de suicides explose, mais l’État ne semble pas s’en inquiéter outre mesure. En 2013 – M. Bex l’a rappelé –, un cadre s’est suicidé parce que La Poste l’avait obligé à travailler sur les suicides dans l’entreprise, alors qu’il était lui-même en burn-out.
    Les conditions d’hygiène et de sécurité s’étant dégradées depuis des années, sous l’effet des nouvelles techniques managériales et des réorganisations du travail, La Poste se retrouve dans une situation désastreuse. La proposition de loi entérine pourtant ce mode de fonctionnement néolibéral, en l’appliquant directement aux instances représentatives du personnel. Il s’agit d’appliquer les ordonnances Macron de 2017 à La Poste d’ici à 2024, en alignant l’entreprise sur le régime du secteur privé. L’objectif est de privatiser les instances internes de La Poste en limitant le poids des représentants du personnel. Les CSE absorberont toutes les instances qui existaient jusqu’alors, ce qui aura notamment pour effet de supprimer les CHSCT et de les remplacer par des commissions moins nombreuses, dotées de moyens réduits, et qui se réuniront moins souvent. Cela implique également la disparition des 145 comités techniques locaux, qui seront fusionnés dans seulement 28 CSE.

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Quel talent oratoire ! Allez, on avance !

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Cela implique enfin la suppression de plus de 400 instances dédiées à la santé au travail.
    Bien que les questions de souffrance, de pénibilité, de santé et de sécurité au travail soient aiguës dans un tel contexte, leur prise en compte reculera drastiquement : elles seront moins traitées, par moins de représentants du personnel et avec moins de moyens.
    Vous l’aurez compris, le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale votera contre ce texte. Le cœur de l’action de La Poste, ça n’est pas de faire du profit ni d’être parfaitement rentable et lucrative.

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Exactement !

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Le cœur de La Poste, c’est la proximité et la création de lien ; c’est de prendre le temps d’accompagner les usagers au quotidien. Nous voulons redonner aux citoyens cet espace de proximité, d’échanges et de services ; nous voulons rendre à La Poste ses missions de service public, et redonner du sens au métier des postiers en leur permettant de l’exercer dignement. Nous voulons placer la santé et la sécurité au travail au premier plan, ce qui passe par des CHSCT et des comités techniques de proximité.

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de bien vouloir conclure, madame la députée.

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Les instances inspirées du privé n’ont rien à y faire, et sont en totale contradiction avec ce que doit redevenir La Poste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Nous sommes réunis pour étudier une proposition de loi adoptée par le Sénat, visant à accompagner la création de comités sociaux et économiques à La Poste, et donc à y réformer la représentation salariale. Je tiens à remercier Stéphane Viry, qui a représenté le groupe Les Républicains à la commission des affaires sociales lors de l’examen du texte.
    Le groupe La Poste bénéficie d’un statut hybride, puisqu’il compte des salariés de droit privé et des agents publics. Comme cela a été rappelé en commission, son mode de représentation du personnel date de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom, qui a séparé ces deux opérateurs du service public de la communication. Les temps ayant changé, les instances représentatives de La Poste sont désormais composées de structures qui n’existent plus ni dans le public, ni dans le privé : comité technique national, comités techniques locaux, CHSCT… Tel est bien le problème.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    La NUPES n’a donc rien compris !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Ces instances comptent également un conseil d’orientation et de gestion des activités sociales, et des commissions de représentation individuelle du personnel, en particulier les commissions consultatives paritaires et commissions administratives paritaires. La proposition de loi vise à remplacer le comité technique national, les 145 comités techniques locaux et les 632 CHSCT par des CSE dont le nombre reste à définir.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Très bien !

    M. Ian Boucard

  • partager

    La loi de 1990, qui a 32 ans, exclut en outre les dispositions de droit commun relatives aux délégués syndicaux : elle exige par exemple qu’un accord collectif, pour être validé, soit signé par au moins un syndicat ayant recueilli 30 % des suffrages exprimés aux élections des comités techniques.
    Le secteur économique de La Poste est confronté à de multiples tensions : concurrence d’opérateurs comme Amazon, passage au numérique forcé… Le contexte professionnel de l’entreprise est en plein changement. Il importe de trouver un cadre dans lequel un dialogue social effectif puisse vivre, et dans lequel chacun puisse trouver sa place et son utilité.
    Dans un secteur d’activité en mutation, et en ayant à l’esprit l’intérêt de La Poste, comment associer les représentants du personnel aux choix de l’entreprise à la mobilisation des moyens et au management des ressources – le tout, dans l’intérêt collectif ?
    La modification des instances représentatives du personnel est toujours un sujet sensible. C’est ce que propose le texte lorsqu’il vise à accompagner la création d’un CSE, instance de dialogue entre employeur et salariés. Mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même souhaitons naturellement que ce travail de construction soit réalisé au plus près du terrain, et au plus près de la meilleure organisation économique pour le groupe La Poste.
    Lors du travail préliminaire à l’examen de la proposition de loi, nous avons été interpellés à de nombreuses reprises – comme la majorité de nos collègues – par des représentants d’organisations syndicales qui s’inquiètent d’une telle réforme et qui s’interrogent sur son opportunité. Ils auraient souhaité être davantage consultés, et demandent qu’un droit syndical de transition soit prévu pour défendre les intérêts des salariés. Nous entendons évidemment ces exigences ; elles devront être prises en considération dans le texte final.
    La Poste a été en constante évolution ces dernières années, qu’il s’agisse de ses missions ou des liens qu’elle entretient avec le service public de la communication. On ne le dit jamais assez : elle permet souvent de maintenir un lien entre le service public et les citoyens en zone rurale.
    Le dialogue social doit être maintenu pour préserver les missions de La Poste – car sans salariés et sans agents publics, elle ne pourrait remplir efficacement sa mission. Vu la taille de l’entreprise et le nombre d’établissements présents dans les territoires, en métropole comme en outre-mer, il est nécessaire d’enclencher une mutation des instances représentatives du personnel. Cette transition doit s’effectuer à l’aube d’un nouveau mandat de représentation. Pour permettre un dialogue social apaisé, la proposition de loi prévoit ainsi de prolonger le mandat des élus et le droit actuel jusqu’à l’entrée en vigueur des CSE, au plus tard le 31 octobre 2024.
    Nous comprenons que les calendriers choisis pour examiner ce texte et pour réformer les CSE puissent étonner. Certaines représentations syndicales estiment qu’il faut laisser du temps à la négociation, et que le calendrier proposé est trop serré. Or cette transition est nécessaire, et ne saurait attendre la prochaine élection des représentants. Dès lors, malgré nos quelques réserves, et dans l’attente des débats parlementaires à venir, nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. le rapporteur et Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudissent également.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Très bien, monsieur Boucard !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Sandrine Josso.

    Mme Sandrine Josso

  • partager

    La proposition de loi que nous examinons, et que le Sénat a adoptée en première lecture il y a quelques semaines, vise à préparer juridiquement la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste. En effet, le statut de cette institution, qui fait partie du patrimoine national, n’a cessé d’évoluer ces dernières décennies : d’abord administration publique, puis exploitant public, La Poste est devenue en 2010 une société anonyme à capitaux publics exerçant des missions de service public dans les domaines du courrier, de la banque et de l’assurance, mais aussi du numérique et de la téléphonie. Elle emploie des salariés de droit privé – qui représentent près de 70 % de ses effectifs – et des agents publics – pour un peu plus de 30 % de son personnel. De fait, elle dispose d’un régime hybride de représentation qui s’est adapté à ses évolutions statutaires, mais dont le socle reste régi par la loi du 2 juillet 1990.
    Toutefois, les bases législatives de la négociation collective et de la représentation du personnel ont connu de profondes modifications ces dernières années. Depuis les ordonnances de 2017, le CSE regroupe la plupart des instances, dont les anciens CHSCT. Ces derniers existeront encore à La Poste jusqu’à la fin des mandats en cours, comme l’autorise la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Cependant, la loi ne prévoit pas le cadre juridique du dialogue social futur, après l’échéance des mandats des membres des CHSCT et des comités techniques, le 31 janvier 2023. Sans intervention législative, les instances de représentation du personnel de La Poste ne pourraient plus fonctionner légalement dans trois mois. Ce n’est pas envisageable ; aussi faut-il légiférer dès à présent.
    Il convient donc de combler ce vide et de mettre les IRP de La Poste en conformité avec le droit commun, tout en tenant compte des spécificités de cette entreprise où travaillent des salariés et des fonctionnaires. C’est l’objet des trois articles de ce texte. Les prérogatives des nombreuses structures actuelles dont le comité technique national, les CHSCT ou encore la commission de dialogue social seront reprises par le CSE central et les CSE d’établissement. Il est utile de rappeler que les filiales du groupe, telles que La Banque postale ou La Poste Immobilier, qui relèvent du code du travail, sont dotées de CSE depuis plusieurs années sans que cela ait posé la moindre difficulté.
    La période transitoire introduite par le Sénat pour prolonger les mandats en cours jusqu’en octobre 2024 devra donc permettre de tenir les négociations nécessaires pour instaurer ces nouvelles instances avec sérénité.
    Nous nous réjouissons que les discussions entre la direction et les organisations syndicales aient pu débuter, menant à un accord de méthode sur le projet de création des nouvelles instances qui a été approuvé en septembre par la majorité de ces organisations.
    Il s’agit donc, en tant que législateur, de poser les jalons juridiques nécessaires à la mise en place de cette réforme, tout en ménageant suffisamment de temps pour le dialogue social préalable entre la direction de l’entreprise et les diverses organisations syndicales. Cette négociation devra traiter du périmètre des CSE, de leur nombre et de leur implantation territoriale. Son enjeu principal est sans doute le maillage territorial : il lui faudra aboutir à une juste répartition des instances en fonction des particularités des zones à couvrir – je pense notamment aux régions ultramarines.
    Le groupe Démocrate soutiendra donc l’adoption de cette proposition de loi telle que l’a transmise la chambre haute. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

  • partager

    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l’amendement no 24.

    M. Victor Catteau

  • partager

    Il vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2024 le mandat des membres des CHSCT et des comités techniques.
    La réforme des IRP est une profonde révolution pour la société anonyme La Poste. Initialement fixée au 31 juillet 2024, la date de fin de mandat a été reportée au 31 octobre 2024. Toutefois, elle reste incohérente au regard d’autres dates choisies comme celle de la clôture des comptes Cogas, qui a lieu au terme de l’année civile ; la date du 31 octobre ne permettra pas aux représentants du personnel d’effectuer correctement la transition.
    Par conséquent, il semble nécessaire de permettre aux élus de continuer à exercer leur mandat le temps de la transition entre l’ancien et le nouveau régime, en prorogeant ledit mandat jusqu’au 31 décembre 2024.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Nous avons évoqué ce sujet en commission. Le Sénat a fait le choix de reporter cette date au 31 octobre 2024. Comme vous le savez, la fin de l’année est une période d’activité très intense pour La Poste. La date du 31 octobre permet de bénéficier de trois mois supplémentaires pour la négociation, pour l’organisation des futures élections et pour la préparation de l’installation des CSE. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

  • partager

    Je vous prie de bien vouloir excuser mon absence au début de la séance : j’avais demandé à Mme la ministre déléguée, Carole Grandjean, de me remplacer.
    Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons qu’a présentées M. le rapporteur. Quant aux éventuelles difficultés évoquées par M. Catteau, nous savons que les services de La Poste sauront les surmonter et assureront une parfaite clôture des comptes. Nous considérons que la prorogation votée par le Sénat est suffisante pour que la négociation se déroule sereinement.

    (L’amendement no 24 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 15.

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Il vise à maintenir les CHSCT, non jusqu’aux prochaines élections, mais jusqu’à ce que le modèle promu dans cette proposition de loi soit aussi efficace que le modèle actuel.
    Les CHSCT permettent de mettre sur la table des sujets tels que la souffrance au travail, la pénibilité, la sécurité tant morale que physique, et de rémédier aux incidents, parfois dans l’urgence. À l’heure où les conditions de travail se dégradent toujours davantage, où le nombre de démissions et de suicides explose, où la pénibilité au travail concerne plus que jamais les agents de La Poste, la réduction du nombre d’instances compétentes en matière de santé et de sécurité au travail n’est pas envisageable.
    Cette proposition de loi vise en effet à remplacer les CHSCT par des CSSCT, qui ne seraient plus des instances à part entière, mais de simples commissions internes au CSE. Ces nouvelles commissions auraient moins de moyens et moins de pouvoir qu’auparavant. En outre, elles ne seraient obligatoires que dans les entreprises comptant au moins 300 salariés, alors que les CHSCT le sont à partir de 50 salariés.
    Depuis les ordonnances Macron de 2017, ce modèle a prouvé son inefficacité. Après leur entrée en vigueur, la proportion des entreprises de 50 à 300 salariés dotées d’une instance traitant de la santé et de la sécurité au travail est passée de 53,1 % à seulement 21 %. Nous ne voulons pas que La Poste subisse le même sort ; nous souhaitons donc maintenir ses CHSCT jusqu’à ce que les CSSCT aient fait leurs preuves ailleurs et se soient montrées au moins aussi efficaces.
    On ne remplace pas un modèle qui fonctionne par un modèle qui a prouvé son inefficacité : préservons les CHSCT, s’il vous plaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Mme Etienne a raison !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    La Poste dispose de ressources importantes en matière de sécurité et de santé au travail.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Pas assez pour prévenir les suicides !

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Des managers sont formés à la prévention, des responsables des ressources humaines sont formés aux sujets relatifs à la santé et à la sécurité au travail. Ils sont présents sur l’ensemble du territoire, à proximité des postiers, ainsi que des ressources spécialisées en SSCT – santé, sécurité et conditions de travail – parmi lesquelles on compte 400 préventeurs des services de santé au travail internes, 105 médecins du travail, 124 infirmiers en santé au travail, 111 assistants en santé au travail et plus de 200 assistants sociaux.
    Votre amendement pose plusieurs difficultés : vous faites notamment référence au taux de couverture par une CSSCT pour les seuls salariés du secteur privé, laissant de côté les autres catégories de personnel de l’entreprise, sans que le motif de ce choix apparaisse clairement. Il s’articule donc mal avec le reste de la proposition de loi. Par ailleurs, si nous l’adoptions, les dispositions relatives aux CHSCT pourraient continuer de produire leurs effets à La Poste quand bien même les mandats de leurs membres seraient arrivés à leur terme. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis que le rapporteur pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 15 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    En septembre, un accord de méthode a été signé par 54 % des organisations syndicales afin de mener au mieux, comme le rappelait M. le rapporteur, les négociations collectives relatives à la mise en place des CSE. Cet accord doit contribuer à garantir la bonne tenue de ces négociations.
    Toutefois, la poursuite de réorganisations territoriales par la direction de La Poste à l’heure même des négociations brouille les pistes et donne aux organisations syndicales le sentiment de négocier, pour ainsi dire, sur des sables mouvants. Ces réorganisations apparaissent ainsi comme une entorse à l’accord de méthode.
    Nous souhaitons donc inscrire dans la loi qu’il faudra impérativement procéder à une vérification du respect de l’accord de méthode pour garantir que les négociations collectives se déroulent conformément à cet accord. À cet effet, nous proposons, par cet amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant le bon respect de cet accord avant que soit entérinée l’instauration des CSE.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Si nous adoptions votre amendement, nous prendrions le risque que deviennent simultanément applicables les prescriptions relatives aux CHSCT et celles qui concernent les CSE. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    En n’adoptant pas l’amendement, monsieur le rapporteur, vous prenez le risque que l’accord de méthode ne soit pas respecté comme il se doit, y compris dans son esprit. Cela pose problème. Je pense que le législateur doit inscrire dans la loi la nécessité de le respecter sans échappatoire.

    (L’amendement no 6 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole reste à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Il nous semble important que la période ouverte jusqu’au 31 octobre 2024 soit véritablement mise à profit pour la négociation collective, dans le climat le plus serein possible, afin de permettre aux organisations syndicales et à la direction d’instaurer des IRP fondées sur les spécificités de La Poste et les besoins de ses salariés. Or cela ne sera possible que si, comme l’ont demandé les sept organisations syndicales – CGT, CFDT, FO, Sud, CFTC, CFE-CGC et Unsa –, la direction de La Poste suspend les réorganisations en cours dans l’entreprise, le temps que se tiennent les négociations relatives aux CSE. Sans cela persistera dans la discussion une forme d’insincérité franchement inacceptable, née de la possibilité pour La Poste de jouer sur plusieurs tableaux.
    Pour garantir non seulement le respect de l’accord de méthode, mais aussi la sincérité de la négociation, il convient d’affirmer dans la loi que les réorganisations territoriales en cours doivent cesser jusqu’au terme de la négociation qui revêt un caractère d’urgence – vous disiez vous-même qu’elle devait être prioritaire.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Cet amendement nous éloigne du cœur du texte, puisqu’il ne concerne pas la négociation collective relative aux IRP, mais l’organisation interne de l’entreprise. Il ne relève donc pas de la proposition de loi que nous examinons.
    Sur le fond, on peut se demander s’il est pertinent de figer jusqu’à la fin de l’année 2024 l’organisation de La Poste, alors même que des évolutions pourraient apparaître nécessaires d’ici à cette date.
    Votre proposition n’est pas du ressort de la loi ; elle relève du dialogue social, qui, je vous le rappelle, existe bel et bien à La Poste. L’accord de méthode signé par plus de 50 % des organisations syndicales montre la voie à ce qui pourrait se produire d’ici au 31 octobre 2024. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis. Ce sujet relève directement de la négociation et non de la loi.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Nous sommes en désaccord quant à la portée de ces réorganisations. Comment ne pas voir qu’elles ont un effet direct sur la nature des négociations, leur contour, leur périmètre, les sujets qu’il sera réellement possible d’aborder ? Il me semble qu’il est de notre devoir de fixer à ce dialogue les bonnes limites, de lui fournir les outils du succès.
    Je ne peux souscrire à votre argument, qui consiste à affirmer que cela relève du dialogue social et à rappeler que le dialogue social existe. Manifestement, quelque chose ne va pas, puisqu’au-delà de l’accord de méthode, les sept organisations syndicales demandent toutes la suspension des réorganisations. Il ne s’agit pas d’y mettre fin, mais de les différer le temps de la négociation relative aux IRP. À ma connaissance, la direction n’a pas donné suite à cette demande.
    Il y a donc un réel problème dont vous ne sauriez vous laver les mains en le renvoyant aux négociations internes à l’entreprise, en soutenant que le législateur n’a pas à s’en mêler. Au contraire, si nous voulons garantir, conformément à l’esprit de la proposition de loi, que la négociation se déroulera dans les meilleures conditions possibles, il convient d’inscrire dans la loi la suspension des réorganisations.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    En vous entendant parler, monsieur Dharréville, il me semble clair que nous avons affaire à deux champs différents. D’une part, la négociation syndicale au sujet d’une réorganisation des IRP est inscrite sans ambiguïté dans le texte, quand bien même on peut, comme le rappelait Ian Boucard, émettre quelques questions ou des doutes à son sujet. D’autre part, vous souhaitez inscrire dans la loi la notion de réorganisation territoriale de La Poste. Ce n’est absolument pas la même chose.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Très bien !

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Il s’agit de deux sujets totalement différents. Devrions-nous, selon vous, inscrire dans la loi l’interdiction pour tous les opérateurs de l’État de se réorganiser à l’avenir ? Cela n’a pas de sens.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Tout à fait !

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit. Ça n’a rien à voir !

    (L’amendement no 5 n’est pas adopté.)

    (L’article 1er est adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement de suppression no 11.

    M. Christophe Bex

  • partager

    Ce qui est bien, s’agissant de cette proposition de loi, c’est que l’on peut partir de l’existant. Ainsi, le rapport publié au mois de décembre 2021 par le comité d’évaluation des ordonnances travail met en lumière les risques que comporte la fusion des différentes institutions représentatives du personnel au sein d’un unique CSE : réduction du nombre des instances – effet d’aubaine pour les entreprises qui en profitent pour faire des économies –, diminution des moyens, moindre proximité entre les représentants du personnel et les salariés, et recul drastique de la santé et de la sécurité au travail.
    Qu’importe ! Malgré tous vos beaux discours, dans lesquels vous invoquez un meilleur service public et une meilleure représentation du personnel – utilisant toujours les beaux mots de dialogue social –, vous persévérez dans votre démarche et décidez d’appliquer à La Poste, qui a déjà énormément souffert, le régime minimaliste de représentation du personnel. Alors que le climat social y est délétère, vous faites le choix incompréhensible de fusionner les différentes instances.
    La mise en place des CSSCT, qui ne disposent pas des mêmes moyens d’action que les CHSCT, est un très mauvais signal envoyé aux postiers, qui souffrent quotidiennement de méthodes managériales brutales, exacerbées par une soif infinie de rentabilité.
    Il est urgent de prendre au sérieux la question de la sécurité et de la santé au travail, et de renforcer les structures à même de les garantir. C’est pourquoi nous refusons cette réforme que nous combattons depuis le début ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Défavorable à la suppression de l’article 2.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis que le rapporteur.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Fanta Berete.

    Mme Fanta Berete

  • partager

    Monsieur Bex, je ne peux pas vous laisser dire que les CSE ont réduit le dialogue social. Dans le rapport de 2021, coordonné par France Stratégie, sur les ordonnances de 2017, auquel vous faites référence, il est mentionné que, depuis la création des CSE, les accords signés dans les entreprises augmentent, ce qui témoigne de la vitalité du dialogue social dans ces instances.
    Des accords sont négociés. Il est vrai que certains syndicats ne les signent pas – nous savons quels sont ceux que vous soutenez et auxquels vous faites référence –, mais le dialogue social a lieu tous les jours en France. Nous ne pouvons pas vous laisser dire que les choses ne sont pas bien faites s’agissant des négociations et de La Poste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et Dem.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Elle a raison !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud

  • partager

    Je ne peux pas laisser dire qu’à La Poste, le dialogue social se passe bien, encore moins le jour où un syndicaliste, Gaël Quirante, membre de SUD PTT, comparaît devant une cour d’appel (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), où il encourt une peine de trois mois de prison avec sursis. Il a cumulé un an de mises à pied – un an ! – pour son action syndicale. Non, le dialogue social à La Poste ne se passe pas bien : tous les militants syndicaux sont pourchassés comme s’ils étaient des criminels ! (Murmures sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Ludovic Mendes

  • partager

    Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !

    M. David Guiraud

  • partager

    Je vous le dis, les postiers et les postières de ce pays ne vont pas bien parce que leur situation est précaire et qu’ils ont parfois peur de s’opposer à leur direction lorsqu’ils voient ce que celle-ci est prête à faire subir à ceux qui osent se battre – je pense notamment au syndicat extrêmement combatif SUD Poste 92.
    Nous avons un débat de fond sur le CSE, mais nous tenons à vous dire que, lors de la crise due au covid-19, nombre de postiers et de postières étaient assaillis – je dis bien « assaillis » – de petits colis car, pendant cette crise, beaucoup de gens ont eu recours au service de livraison. Or, pendant cette crise, les conditions de travail n’étaient pas durablement soutenables, faute notamment d’un comité d’entreprise fonctionnant correctement. De fait, le dialogue des syndicats avec la direction est extrêmement difficile, car celle-ci est soumise à des intérêts managériaux qui pourrissent toutes les discussions.
    Je n’accepte donc pas que l’on dise que cela se passe bien à La Poste, surtout le jour où un postier syndicaliste est en procès en appel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-François Coulomme

  • partager

    Bravo !

    (L’amendement no 11 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je suis saisie de cinq amendements, nos 21, 1, 10, 3 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 3 et 22 sont identiques.
    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Victor Catteau

  • partager

    Il s’agit d’instaurer un comité social et économique dans chaque département afin de réduire les effets néfastes de la limitation de leur nombre. En effet, dans le projet qu’elle a annoncé lors de son audition au Sénat, la direction de La Poste envisage de passer de 145 comités techniques à 28 CSE. La France comptant 101 départements, le ratio serait inférieur à un CSE pour trois, voire quatre départements. Pourtant, il est absolument nécessaire que les élus soient proches du personnel qu’ils représentent et qu’ils ont vocation à protéger. Si ce dernier est trop éloigné, il ne sera que trop peu écouté, donc trop peu protégé.
    Nonobstant la place qu’il faut évidemment laisser au dialogue social, il est de notre devoir de législateur de définir les conditions dans lesquelles il s’exerce. Or il paraît nécessaire de prévoir la présence d’un CSE dans chaque département pour garantir la nécessaire proximité entre les salariés et leurs élus.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Paul-André Colombani

  • partager

    J’aurais préféré ne pas avoir à écrire cet amendement, mais je me devais de relayer ici l’inquiétude des syndicats de La Poste implantés en Corse et outre-mer. En effet, il était question, dans le projet initial, de créer un seul CSE pour l’ensemble de l’outre-mer, aucun n’étant prévu pour la Corse. Vous imaginez donc l’inquiétude qu’un tel projet suscite dans ces territoires quant à la représentativité syndicale. Le sujet a été évoqué mais je maintiens l’amendement et j’attends que le rapporteur et le ministre s’expriment.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Murielle Lepvraud

  • partager

    Par cet amendement de repli, nous proposons de garantir la présence d’un CSE dans chaque département et région d’outre-mer. Le rapporteur a assuré, en commission, que le PDG de La Poste s’était engagé à garantir une juste représentation des personnels ultramarins au sein des instances représentatives du personnel. Nous préférons inscrire cette obligation dans la loi, dès lors que le mandat du PDG actuel a été marqué par la poursuite des suppressions de postes, le désengagement de l’État, qui n’est plus majoritaire au capital, et la dégradation drastique du service aux usagers. S’il compte tenir parole, il n’y a aucun inconvénient à inscrire cette garantie minimale dans la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 3.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Cet amendement, dont le premier signataire est M. Frédéric Maillot, vise à inscrire dans la loi qu’un comité social et économique est institué dans chaque collectivité territoriale d’outre-mer, régie par l’article 73 de la Constitution. Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous avez indiqué, à titre préventif – car, manifestement, vous ne souhaitez pas l’adoption de cet amendement –, que vous aviez discuté avec la direction de La Poste, que celle-ci était d’accord et qu’il n’y avait pas de problème. Si tel est bien le cas, nous vous proposons de préciser ce point dans la loi. Nous jouerons ainsi pleinement notre rôle de législateur ; il nous appartient de définir les limites que nous souhaitons fixer.
    Vous allez sans doute nous répondre qu’il faut surtout respecter le dialogue social, et cetera – on connaît : on vit cela depuis 2017. En réalité, c’est, à chaque fois, une manière de nous inviter à renoncer à notre rôle de législateur. Nous estimons qu’il y a là un point d’attention, minimal, certes, mais nécessaire et très attendu par nos compatriotes d’outre-mer.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Très bien !

    Mme la présidente

  • partager

    Sur les amendements identiques nos 3 et 22, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l’amendement no 22.

    M. Victor Catteau

  • partager

    Tout d’abord, je remercie nos collègues de la NUPES de reprendre en séance publique les amendements que nous avions défendus en commission. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    L’amendement no 22 a en effet également pour objet d’instaurer un comité social et économique dans chaque collectivité territoriale d’outre-mer, régie par l’article 73 de la Constitution. En effet, le projet annoncé par la direction est de passer de 145 comités techniques à 28 CSE ; on met ainsi une nouvelle fois de côté les collectivités territoriales d’outre-mer. Je l’ai rappelé tout à l’heure, la Martinique et Mayotte sont séparées de 12 000 kilomètres ; il n’est pas possible qu’un CSE couvre l’ensemble des territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    La question a été soulevée en commission et j’y ai déjà apporté des éléments de réponse factuels, après des échanges avec la direction générale de La Poste.
    Celle-ci a en effet pris l’engagement – qui a d’ailleurs été annoncé aux syndicats – qu’un CSE serait présent dans chacun des territoires d’outre-mer ; c’est une avancée qu’il faut saluer. La même proposition a été faite concernant la Corse, monsieur Colombani ; là encore, les organisations syndicales ont été avisées.
    Je ne vois pas la nécessité d’inscrire cela dans la loi, dès lors qu’il existe un engagement formel, factuel, de la direction générale de La Poste. Au demeurant, cette question reste du ressort de la négociation collective, de l’accord d’entreprise. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons. Des discussions ont permis d’amender le projet initial, et c’est une bonne chose. La définition du périmètre des CSE relève de la négociation sociale. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable aux amendements, tout en me félicitant des avancées obtenues dans le cadre du dialogue social sur la garantie d’une représentation de proximité.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

  • partager

    Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué qu’un CSE serait présent dans chacun des territoires d’outre-mer. Les mots ont un sens spécifique : de quoi parlez-vous ? Les départements sont-ils également concernés ? Je vous saurai gré de nous apporter cette précision, car elle est très importante.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Je vous réponds, chère collègue : c’est bien l’ensemble des départements et territoires d’outre-mer qui seront dotés d’un CSE. Le directeur général de La Poste en a pris l’engagement formel.

    (Les amendements nos 21, 1 et 10, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 22.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        79
            Nombre de suffrages exprimés                74
            Majorité absolue                        38
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                44

    (Les amendements identiques nos 3 et 22 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Murielle Lepvraud

  • partager

    Il vise à garantir que le nombre des futurs CSE ne sera pas inférieur à celui des comités techniques au 1er janvier 2023.
    La réforme des instances représentatives du personnel avait pour but d’en réduire le nombre afin de permettre aux employeurs de faire des économies sur le dialogue social et d’enlever des moyens aux représentants du personnel pour faire pencher le rapport de force en faveur de l’employeur. La fusion des instances au sein du CSE nuit à la représentation locale et territoriale. Appliquée à La Poste, la réforme pourrait conduire à diviser par cinq le nombre de CSE par rapport au nombre de comités techniques préexistants.
    Selon le rapport, les 900 représentants de proximité, soit 1 pour 180 salariés, compenseront la perte de maillage territorial et la baisse du nombre d’élus. Il n’en est rien. Il faut au moins que la réforme n’aboutisse pas à une réduction du nombre de CSE par rapport au nombre actuel de comités techniques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Vous proposez que le nombre de comités sociaux et économiques institués ne puisse pas être inférieur au nombre de comités techniques existant au 1er janvier 2023. Tout d’abord, il n’y a pas lieu d’aligner le nombre de CSE sur celui des comités techniques dans la mesure où ces instances disposent de prérogatives différentes. Rappelons que la création de CSE d’établissement dépend aussi du nombre d’établissements distincts dans l’entreprise, lequel est défini dans le cadre de la négociation collective.
    Ensuite, la question de la proximité entre les personnels et leurs représentants est un élément central de la discussion actuelle entre les organisations syndicales et la direction de La Poste. Les parties envisagent non seulement des représentants de proximité, dont le nombre n’est pas encore arrêté, mais aussi des délégués syndicaux – au nombre de 1 000 d’après les chiffres communiqués à la fois par les organisations syndicales et par la direction générale de La Poste.
    Vous le voyez, le dialogue social continue : des accords de méthode sont signés. Le dispositif que vous proposez n’a donc pas lieu d’être dans la présente proposition de loi. L’avis de la commission est donc défavorable.

    (L’amendement no 9, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 17.

    Mme Martine Etienne

  • partager

    Par cet amendement de repli, nous proposons que le nombre de commissions santé, sécurité et conditions de travail créées par la présente proposition de loi ne soit pas inférieur au nombre de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail que compte actuellement l’entreprise. Comme je l’ai dit précédemment, il ne faut pas remplacer un modèle qui fonctionne par un modèle qui n’a pas fait ses preuves.
    Les CSSCT sont bien moins efficaces que les CHSCT qu’elles sont censées remplacer. En effet, elles ne disposent pas des mêmes moyens, ni des mêmes pouvoirs que les CHSCT, en matière de recours à des expertises, par exemple. En outre, cette réforme réduit cruellement le nombre d’instances dédiées à la santé et la sécurité au travail, puisque le nombre de ces commissions sera largement inférieur à celui des CHSCT existant auparavant. Nous n’acceptons pas ce recul draconien des questions de santé et de sécurité au travail alors que le groupe La Poste a justement beaucoup de travail à mener sur ce sujet. Nous proposons donc de maintenir le nombre de ces commissions à un niveau au moins égal à celui des CHSCT existant.
    Rappelons l’importance des instances de proximité. En cas d’accident du travail ou de braquage dans un bureau de poste, l’urgence est de réunir les CHSCT et les comités techniques, car c’est primordial pour l’employé qui en a été victime. Là encore, les effets de votre réforme sont vraiment catastrophiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 17, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Christophe Bex

  • partager

    Depuis le début, la défense de M. le rapporteur consiste à dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! Il n’y a pas de problèmes à La Poste. » Pourtant, suicides, maltraitance managériale, pression du résultat, réorganisations en série, voilà à quoi ressemble La Poste de nos jours. Les nombreuses coupes dans les effectifs, inhérentes à la privatisation galopante de La Poste et couplées aux réorganisations intempestives ainsi qu’à la quête effrénée de rentabilité, ont provoqué une exploitation indigne de la misère des postiers. J’ai eu l’occasion de les rappeler, mais il est indispensable de garder en tête les chiffres alarmants rendus publics par le syndicat Sud : plus de 200 salariés de La Poste se seraient suicidés entre 2008 et 2012.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Une paille !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Nous revivons l’épisode dramatique de la gestion de France Télécom par M. Lombard. Mais, comme à France Télécom, vous ne voyez pas le problème. Il est temps de mettre un terme aux conditions de travail horribles des postiers, qui sont de surcroît soumis à des cadences infernales. C’est la raison pour laquelle nous proposons de créer une instance spécifique, un organisme de surveillance des suicides qui remettrait chaque année au comité social et économique un rapport faisant état du nombre de suicides ayant eu lieu et de leurs causes, lorsque celles-ci sont directement liées à l’entreprise. On ne peut pas sacrifier des vies, des esprits et des corps, sur l’autel d’une idéologie absurde. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Jamais vous ne m’entendrez, en tant que rapporteur ou simplement comme membre de la majorité, dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ! Il ne se passe rien. »
    Comme Jérôme Guedj l’a rappelé, le dialogue social, même s’il n’est pas parfait, existe actuellement à La Poste. Cherchons donc des solutions par son entremise, parce que La Poste – vous le savez d’autant mieux que vous en venez – est exposée, comme d’autres grandes entreprises, aux drames de la vie.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Ce ne sont pas des accidents !

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Ce sont des effets du néolibéralisme !

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Chaque année, le nombre de postiers décédés figure dans le bilan social de l’entreprise. Nous devons donc trouver des solutions pour que, grâce au dialogue social, la direction générale porte une très grande attention aux salariés qui sont en situation de fragilité, à leurs proches et à l’ensemble de leurs collègues. La direction de La Poste a réaffirmé sa volonté d’être en permanence en lien avec les acteurs locaux et les organisations syndicales. Il faut chercher les causes et en tirer tous les enseignements pour corriger ce qui peut l’être.
    Même si nous devons être très attentifs à cette question – nous l’avons rappelé lors de la discussion que nous avons eue avec la direction générale de La Poste –, je ne suis pas persuadé que le dispositif que vous proposez soit adéquat. Du reste, une telle évolution, si elle passait par la loi, ne pourrait intervenir qu’après une concertation avec les organisations syndicales, la direction et les organisations représentatives. L’avis de la commission sur l’amendement no 12 est donc défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud

  • partager

    Les suicides de salariés de La Poste ne sont pas le résultat de drames de la vie, mais d’une organisation sociale du travail qui dysfonctionne. L’État abandonne La Poste, pensant qu’Amazon et d’autres entreprises du même genre feront l’affaire et que, par conséquent, les postiers doivent subir des réorganisations et des décisions humiliantes.
    Je parle en connaissance de cause, car certains de mes amis et des membres de ma famille travaillent à La Poste. Ils subissent des allongements et des changements de tournée ; ils doivent ainsi passer d’un univers professionnel qu’ils connaissent bien à un autre qu’ils ne connaissent pas, ce qui allonge le travail. On ajoute à leur travail des missions dont certaines sont absurdes ou n’ont rien à voir avec ce qu’ils ont choisi en commençant d’exercer ce métier. La Poste a ainsi récemment annoncé que les postiers s’occuperaient désormais des personnes âgées, alors qu’ils n’ont ni les compétences ni le savoir-faire pour remplir cette mission. Les suicides à La Poste ne s’expliquent donc pas par les drames de la vie. Comme l’a souligné M. Bex, ils sont la conséquence de l’organisation managériale et du refus du dialogue.
    En effet, vous parlez du dialogue social, tandis que les syndicalistes de La Poste sont traînés au tribunal et subissent des sanctions administratives ou disciplinaires à chaque fois qu’ils osent hausser le ton. Or, malheureusement, ils n’ont pas d’autre moyen d’être entendus que celui-là. Bien sûr, nous aimerions ne pas voir le siège de La Poste occupé par des salariés, mais quels autres moyens ont-ils à leur disposition pour se faire entendre ? Aucun.
    Contrairement à Amazon ou aux entreprises semblables, les salariés de La Poste sont en première ligne dans les moments critiques que traverse notre pays. Quand il fallait garantir la satisfaction des besoins élémentaires des Français, notamment pendant la crise du covid-19, les postiers répondaient présent. Alors, les réorganisations à répétition, ça suffit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Christophe Bex et M. Laurent Alexandre

  • partager

    Bravo !

    (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l’amendement no 23.

    M. Victor Catteau

  • partager

    L’amendement vise à reporter au 31 décembre 2024 la date de l’entrée en vigueur des CSE. La réforme des institutions représentatives du personnel est une profonde évolution pour la société anonyme La Poste. Initialement fixée au 31 juillet 2024, cette date butoir a été repoussée au 31 octobre 2024. Toutefois, cette date reste incohérente par rapport à d’autres, par exemple à celle de la clôture des comptes du Cogas qui a lieu au terme de l’année civile. Par conséquent, il convient de sécuriser le processus de transition entre l’ancien régime et le nouveau en poursuivant la logique de report de la date mais en faisant concorder la date de mise en application avec la fin de l’année civile.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Pour les raisons que j’ai avancées dans mon propos liminaire et en réponse à la motion de rejet préalable déposée par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, la commission émet un avis défavorable.

    (L’amendement no 23, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Paul-André Colombani

  • partager

    J’espère que cet amendement bénéficiera du soutien du ministre de l’intérieur et des outre-mer. (Sourires.) À défaut de pouvoir inscrire dans la loi l’obligation d’un ancrage territorial pour tenir compte de la spécificité des territoires ultramarins et insulaires, cet amendement propose la remise d’un rapport au Parlement sur la création des CSE au sein de l’entreprise La Poste. Ce rapport devra notamment préciser le nombre de CSE instaurés sur chaque territoire et comporter un bilan qualitatif en matière de territorialisation et de proximité des différentes instances.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Vous le savez, le Gouvernement a beaucoup de travail. L’application de cette proposition de loi devra être évaluée mais, dans la mesure où celle-ci résulte d’une initiative sénatoriale, il semble cohérent que le Parlement en fasse lui-même l’évaluation dans quelque temps. Vous le savez aussi bien que moi, nous disposons d’outils pour la mener. L’avis de la commission est donc défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Le bilan social de l’entreprise et le compte rendu des négociations permettront d’obtenir directement ces informations sans qu’il y ait lieu de remettre un rapport du Gouvernement au Parlement. Du reste, ce rapport serait vu comme une forme d’ingérence du Gouvernement dans le fonctionnement de La Poste, en contradiction avec ce que nous avons déclaré précédemment. Le Gouvernement prêtera son concours autant que nécessaire, mais cette évaluation relève plutôt du contrôle de l’Assemblée sur les décisions de La Poste que d’un rapport du Gouvernement.
    Nous vous demandons donc de retirer l’amendement, sans quoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 2.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        99
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                55

    (L’amendement no 2 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    L’amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur les conséquences de l’institution de ces nouvelles instances représentatives du personnel en matière de représentativité des salariés, de proximité des élus et de santé au travail. Il nous semble que le Gouvernement, en s’appuyant sur les administrations, dispose des moyens nous permettant de faire la lumière sur tous ces enjeux. Comme j’ai entendu la réponse que vous venez de faire à M. Colombani, j’ajoute que, en réalité, le Parlement a largement fait sa part, à travers le dépôt de cette proposition de loi. Peut-être est-ce désormais au Gouvernement de faire la sienne et d’examiner dans un certain détail les conséquences de ces dispositions.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    J’entends bien la demande que vous formulez mais, pour les raisons qui ont motivé l’avis défavorable à l’amendement no 2, la commission émet un avis défavorable à l’amendement no 4. Le Parlement dispose de tous les moyens nécessaires pour faire l’évaluation des lois dont il est à l’initiative.

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    Il n’en a pas assez !

    (L’amendement no 4, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 3

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 26.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    L’amendement vise à exiger que les CHSCT et les comités techniques remettent aux CSE, qui se substitueront prochainement à eux, un rapport sur l’état de leurs finances, afin de garantir que ces derniers effectuent la transition dans les meilleures conditions possibles.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Je vais apporter des éléments de réponse qui devraient être de nature à satisfaire votre demande. L’article 3 prévoit bien que « l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des CHSCT de La Poste sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux CSE de La Poste ». Par ailleurs, toutes les informations relatives à la situation budgétaire du Cogas seront bien évidemment mises à la disposition des organisations syndicales représentatives, ainsi que le stipule l’accord de méthode. Les négociations concernant les activités sociales et culturelles ne débuteront qu’un mois après la communication aux organisations du diagnostic sur les prestations actuelles. Avis défavorable.

    (L’amendement no 26, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 25.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Les CSE, qui entreront prochainement en vigueur, se substitueront aux CHSCT. Par conséquent, il semble nécessaire que le Cogas remette aux CSE un rapport relatif à sa situation budgétaire, afin de garantir que ces derniers puissent effectuer la transition dans les meilleures conditions, en disposant du maximum d’éléments. C’est ce que demande cet amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Il est le même que sur le précédent amendement. Avis défavorable.

    (L’amendement no 25, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Après l’article 3

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 13 portant article additionnel après l’article 3.

    M. Christophe Bex

  • partager

    Il demande la remise d’un rapport sur les réductions d’effectifs au sein du groupe La Poste. Précédemment, j’ai évoqué les PTT, qui comptaient à l’époque 450 000 fonctionnaires : en matière d’effectifs, nous en sommes bien loin ! Nous l’avons dit, parmi les personnels restant au sein de La Poste, il ne reste plus qu’un tiers de fonctionnaires : deux tiers sont des personnels précaires, des intérimaires. Et le président du groupe envisage même de confier à des autoentrepreneurs la distribution du courrier ! Voilà ce qu’est devenu le service public de La Poste, qui est pourtant encensé sur tous les bancs de l’hémicycle. Comme je l’ai déjà souligné, à chaque séance de questions au Gouvernement, vous ne cessez de rendre hommage aux services publics,…

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

  • partager

    Bien sûr !

    M. Christophe Bex

  • partager

    …de déplorer l’abandon des territoires et des populations et de dire qu’il faut faire quelque chose pour eux ; or, au moment d’appuyer sur le bouton, vous votez tout le contraire.
    Depuis le début de son processus de privatisation, La Poste a connu une véritable saignée : près de 150 000 emplois ont été perdus en vingt ans. Ces suppressions de postes se traduisent concrètement, pour les postiers, par une augmentation de la charge de travail – forcément ! –, mais aussi par un climat social délétère. Le grand service public du courrier et de la logistique que devrait être La Poste ne pourra pas fonctionner longtemps de cette manière : nous devons mettre un terme aux suppressions d’emplois et à la dégradation du service. C’est pourquoi nous demandons un rapport sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Je veux vous rassurer, monsieur le député : nous continuerons chaque jour, ici, à l’Assemblée nationale, à soutenir l’ambition d’un service public fort et efficace, et à saluer le travail des agents de la fonction publique, en particulier celui des salariés de La Poste. Vous laissez au Gouvernement  un délai très courtpour la remise de ce rapport : trois mois !

    Mme Blandine Brocard

  • partager

    Impossible !

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Un tel calendrier s’accorde assez mal avec celui de la réforme qui est déjà engagée s’agissant des instances représentatives du personnel. Peut-être aurait-il fallu le faire auparavant : désormais, il semble préférable d’attendre que la réforme ait produit ses effets pour en faire l’évaluation. Celle-ci pourra être conduite par le Parlement, grâce aux outils dont il dispose. Avis défavorable.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    Vous achevez nos services publics !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

  • partager

    Même avis.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Nathalie Oziol.

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Je voudrais appuyer les propos de mon collègue, M. Bex. M. le rapporteur évoque le besoin d’un service public fort à La Poste, mais ce n’est pas en renforçant les CDD ou les missions en intérim que l’on agira en ce sens. Lorsqu’on discute avec des agents de La Poste, on découvre qu’il y a parmi eux des travailleurs qui cumulent des CDD depuis parfois des dizaines d’années : il suffit pour cela de changer un peu la nature ou la durée de leur mission. Voilà un exemple concret de l’ubérisation ou de « l’amazonisation » de La Poste : de moins en moins de CDI, de plus en plus de CDD ou de missions en intérim. Ce n’est pas cela, un service public fort !
    Selon nous, il faut renforcer à la fois le statut des travailleurs de La Poste et ce que symbolise cette institution dans notre pays, puisque c’est le plus vieux service public français : or ce n’est absolument pas ce que vous proposez. Le grand service public du courrier et de la logistique que devrait être La Poste ne peut plus fonctionner de cette manière ; il faut mettre un terme aux suppressions de postes et à la dégradation du service, qui s’accomplit depuis maintenant plusieurs quinquennats et qui n’a pas besoin d’être renforcée par une nouvelle proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 13 n’est pas adopté.)

    Explications de vote

    Mme la présidente

  • partager

    Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)

  • partager

    L’essentiel ayant déjà été dit, je serai relativement bref. Sur ce sujet, nous contestons votre politique depuis les ordonnances de 2017 qui, je le rappelle, ont été appliquées prétendument pour favoriser l’organisation du dialogue social, alors qu’elles l’ont plutôt désorganisé et détruit qu’autre chose. Elles ont surtout autorisé de nombreux reculs sociaux dans les entreprises. La présente proposition de loi vise à mettre en œuvre ces ordonnances dans l’entreprise qu’est La Poste. Nous, nous ne voulons pas de mal à La Poste :…

    M. Stéphane Travert, rapporteur

  • partager

    Personne ne veut de mal à La Poste !

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    …c’est pourquoi nous ne souhaitons pas que ces ordonnances soient appliquées. Il faudrait plutôt revenir sur ces mauvaises mesures et agir pour réorganiser les instances et faire en sorte de donner de véritables droits et un véritable poids aux salariés dans les entreprises, notamment en matière de santé au travail. On a vu les effets désastreux de la suppression des CHSCT sur la santé au travail : parce que c’est une question trop souvent cachée, nous devons en faire un sujet central dans le débat public et dans l’action publique, car nous avons beaucoup reculé, en la matière, au cours des dernières années. Nous pourrions commencer par rétablir des instances ayant un véritable pouvoir, notamment dans les entreprises classées en site Seveso – j’avais déposé une proposition de loi en ce sens –, mais il nous semble, en réalité, que ce devrait être le cas dans toutes les entreprises.
    Les mesures que vous proposez réduiront le lien entre les instances représentatives du personnel et les salariés de l’entreprise La Poste, puisque le nombre d’instances sera plus restreint pour le même nombre de salariés. Celles-ci auront donc davantage de difficultés à se faire entendre et à être véritablement en prise avec les enjeux de terrain.
    Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous opposerons au présent texte de loi car, selon nous, le législateur aurait pu proposer un tout autre cadre en tirant les leçons des mauvais résultats des ordonnances de 2017. (Mme Elsa Faucillon applaudit.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe (HOR)

  • partager

    Je veux exprimer notre soutien à ce texte. Sans refaire la discussion générale ni rappeler les arguments développés en opposition à la motion de rejet préalable, je dirai simplement que ce texte vise à donner – vous l’avez bien compris – le temps nécessaire pour faire aboutir la discussion dans le respect du dialogue social. Contrairement à ce que l’on a pu entendre, la présente proposition de loi n’a pas vocation à supprimer des emplois à La Poste en tant que tels – je m’inscris bien évidemment en faux par rapport à ces propos : elle promeut le dialogue social, en prolongeant les mandats qui arrivent à échéance au 31 décembre prochain. Il serait fortement dommageable de ne pas le faire, puisque nous nous retrouverions dans l’incapacité d’entretenir ce dialogue. De manière responsable, nous voterons donc pour ce texte.

    M. Thomas Mesnier

  • partager

    Excellent !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Fanta Berete.

    Mme Fanta Berete (RE)

  • partager

    Nous nous sommes tous exprimés, non sans émotion, en prenant bien évidemment en compte les cas de suicides qui ont été évoqués et que nous ne pouvons pas ignorer. Paradoxalement, vous voulez maintenir un système dans lequel de tels dysfonctionnements existent. Or c’est parce qu’ils existent que vous ne devez pas bloquer la mise en conformité de La Poste vis-à-vis des CSE. Face à ce constat que nous partageons, il est essentiel de poursuivre le dialogue social, que seul ce texte peut garantir. (Mme Karen Erodi proteste.) Il est ici uniquement question du transfert des compétences des instances aux CSE. Nous avons besoin de créer un cadre juridique pour que la négociation puisse se poursuivre. Le groupe Renaissance votera donc pour ce texte.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bex.

    M. Christophe Bex (LFI-NUPES)

  • partager

    Malgré notre esprit de dialogue (Sourires) et en référence à l’excellent livre de Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, qui traite du procès des responsables de France Télécom, nous avons fait des propositions, notamment lorsque j’ai présenté notre motion de rejet préalable. À chaque fois, vous nous avez parlé de « dialogue social » : il n’y a pas pire, en matière de novlangue, que cette expression.

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Oh là là !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Où est le « dialogue social » quand les salariés, au lieu d’être écoutés, sont licenciés, et que l’on détruit les services publics en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il n’y a pas de dialogue social à La Poste : sinon, nous n’en serions pas là ! Quant à moi, j’ai fait un rêve pour les services publics ; ce rêve, il s’appuyait précisément sur celui de La Poste, où j’ai travaillé pendant seize ans. Je suis un témoin privilégié : j’ai vu la casse de l’intérieur, avec toutes ces belles personnes nous assurant qu’il ne fallait pas nous inquiéter, que cela irait mieux demain. À chaque fois, les choses se sont dégradées. On voit désormais dans quelle situation se trouve le service de La Poste, anciennement les PTT ! Tout le monde loue nos services publics, mais les territoires sont en pleine déshérence. Il ne faut pas s’étonner que les gens, qui ne sont pas écoutés et qui se sentent abandonnés dans notre démocratie, se réfugient bien souvent dans un vote identitaire. (Mêmes mouvements.)
    Mon rêve, c’est un grand service public, un établissement public qui soit placé au plus près de la population et à son service. Je ne critiquerai pas les maisons de service public qui sont déployées petit à petit dans les territoires, mais elles sont financées aux deux tiers ou aux trois quarts par les collectivités locales.

    Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales

  • partager

    Ça s’appelle les maisons France Services !

    M. Christophe Bex

  • partager

    Or c’est à l’État de prendre en charge les services publics dans notre démocratie,…

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Exactement !

    M. Christophe Bex

  • partager

    …de prendre en charge le lien entre tous les citoyens et de faire en sorte qu’ensemble, nous puissions vivre paisiblement dans ce beau pays qu’est la France. Malheureusement, nous n’avons pas été écoutés. J’appelle donc, bien entendu, à voter contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz (LR)

  • partager

    Quelqu’un l’a rappelé tout à l’heure : l’organisation actuelle de la représentation syndicale au sein de La Poste a trente-deux ans : les textes qui régissent le dialogue social au sein de La Poste datent de 1990. On peut tout de même admettre qu’en trente-deux ans, le monde a évolué (Mme Karen Erodi s’exclame), que les missions de La Poste ont fortement évolué, qu’elles sont confrontées à des concurrences multiples et variées.
    Mais je vous l’accorde, La Poste est dotée d’une mission de service public ; elle reste un opérateur de service public essentiel. Cela dit, le présent texte doit justement permettre de faire triompher une autre vision du dialogue social en mettant fin à l’idée que le dialogue social ne sert à rien, parce qu’en plus de garantir la représentation syndicale, il a du sens. Je fais confiance au cheminement des négociations, pendant l’année 2023, pour trouver les bonnes voies permettant de concrétiser un réel dialogue social à La Poste. Malgré les doutes que nous continuons de nourrir, le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte…

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Très bien !

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    …qui, je le rappelle, émane à l’origine des sénateurs centristes et a aussi été voté par le groupe LR du Sénat. Nous le voterons avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Ian Boucard

  • partager

    Très bien !

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    3. Orientation et programmation du ministère de l’intérieur

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (nos 343, 436).
    Je vous informe qu’à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, la discussion de l’article 1er et du rapport annexé est réservée. Ils seront examinés après l’article 16.

    Présentation

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

  • partager

    Il y a un an et demi, monsieur Houlié, au lendemain de l’affaire dite Zecler, qui avait légitimement choqué une grande partie de nos concitoyens, la présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui vous a précédé à ce poste, m’avait demandé d’évoquer devant la commission les difficultés des policiers et des gendarmes.
    J’avais alors esquissé le triste tableau des sept péchés capitaux du ministère de l’intérieur, insistant en particulier sur le manque de moyens structurels dont il souffrait depuis plus de trente ans. J’avais aussi évoqué l’absence de réformes importantes dans un ministère qui, sans cesse confronté à l’actualité, ne peut pourtant ignorer les changements intervenus dans la société française – délinquance, criminalité, comportement des Français – ni l’évolution de la situation internationale. J’avais aussi souligné le manque de programmation dans un ministère trop souvent bousculé par les lois de circonstance inspirées par des faits divers, ce qui conduit à bousculer aussi ses agents dans tous les aspects de leur vie professionnelle – équipement, formation, immobilier.
    Avec le Président de la République, nous avons décidé d’engager un travail de concertation tout à fait original. Nous avons consulté les forces de sécurité, les représentants syndicaux de toutes les catégories d’agents, y compris les personnels administratifs, techniques et scientifiques, qui sont trop souvent oubliés lors des travaux entrepris au sein du ministère de l’intérieur. Nous avons travaillé avec les représentants élus des gendarmes, avec les magistrats – le garde des sceaux a participé à plusieurs réunions. Nous avons aussi rencontré la Défenseure des droits, des autorités étrangères, des élus – députés et sénateurs mais aussi des élus locaux –, des représentants du monde agricole, de la jeunesse de France et de divers secteurs économiques. En fait, nous avons discuté avec toutes les composantes de notre pays et avec tous ceux qui s’intéressent à la protection de nos concitoyens, c’est-à-dire à l’objet même du ministère de l’intérieur.
    À l’issue de ce long travail, qui s’inscrit dans la continuité des actions engagées par le gouvernement précédent et du Livre blanc de la sécurité intérieure lancé par mon prédécesseur, nous avons conclu à la nécessité d’une véritable programmation budgétaire, fondée sur une redéfinition des objectifs de notre politique publique en matière de protection, tenant compte des changements du monde qui sont à l’œuvre sous nos yeux, dans le domaine de la sécurité comme dans d’autres.
    En incipit de ce texte, j’ai proposé aux sénateurs de revenir sur les cinq crises qui traversent le ministère de l’intérieur et donc toute la société : terrorisme, ordre public, délinquance ou violence, climat, cybercriminalité.
    En tant que responsable politique, mon rôle est de dépasser le stade du fait divers pour constater ces crises et tenter d’y remédier par des moyens budgétaires, des adaptations législatives ou des changements de pratiques. Une fois définis ces besoins budgétaires ou législatifs, nous les présentons au Parlement.
    Le Sénat a suivi le Gouvernement, ce qui est loin d’être toujours le cas, et il l’a fait de façon quasi unanime, partant de l’idée que nous partageons le même intérêt pour la sécurité de nos concitoyens. C’est pourquoi il a adopté des amendements venant de tous les bancs. C’est ainsi qu’a été adopté, à vingt-sept voix près, ce texte qui prévoit d’octroyer aux forces de l’ordre 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans et qui, je crois, est très attendu par les agents du ministère de l’intérieur et même par tous nos concitoyens.
    Après les travaux de votre commission, monsieur le rapporteur, il me semble que le même esprit de concorde, en tout cas de discussion et de construction, souffle sur les bancs de l’Assemblée nationale. En vous remerciant pour ce travail accompli en commission, je vous assure que la même philosophie anime le Gouvernement au moment où j’ai l’honneur de m’exprimer devant votre assemblée, concernant un texte qui permettra d’améliorer très significativement le sort de nos concitoyens.
    J’ai évoqué sept péchés capitaux et cinq crises. Si vous approuvez ce texte qui prévoit 15 milliards de crédits supplémentaires, dont l’utilisation est détaillée dans le rapport annexé, si vous nous accordez les habilitations que nous vous demandons, vous aurez à vérifier que moi-même et mes successeurs réaliserons bien les douze travaux programmés.
    Le premier concerne la rémunération des agents du ministère de l’intérieur. Policiers, gendarmes, pompiers-militaires, agents de préfecture et personnels civils du ministère de l’intérieur font tous des métiers très difficiles, par passion et par vocation. En temps de paix, ils sont confrontés aux blessures, aux handicaps, parfois à la dépression ou même à la mort, plus que les autres agents de services publics. Ils ne perçoivent pourtant qu’une petite rémunération. Certes, comme tous les fonctionnaires de la République, ils ne cherchent pas le profit. Il n’en reste pas moins évident que nous ne nous sommes pas suffisamment penchés sur leurs conditions matérielles, ce que ce texte tend à corriger.
    Il est prévu, à l’article 2 de ce texte de programmation budgétaire, de consacrer un peu moins de 1 milliard d’euros à l’augmentation de la rémunération des policiers et gendarmes, ce qui est sans précédent au ministère de l’intérieur. Si vous adoptez ce texte, l’enveloppe représentera quasiment un treizième mois à la fin de ce quinquennat pour les gardiens de la paix de vos commissariats ou pour les gendarmes de vos brigades territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Très bien !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Cette augmentation de rémunération sans précédent a été validée par toutes les organisations syndicales du ministère de l’intérieur, qu’elles représentent des policiers ou des gendarmes. Pour la première fois dans l’histoire du ministère, elles ont signé le protocole d’engagement en matière de ressources humaines, ce qui nous permet d’affirmer que ce budget supplémentaire a été décidé avec l’ensemble des organisations.
    L’octroi de ce treizième mois nous a aussi permis de reconnaître certaines spécificités. Les CRS de haute montagne ou les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM), qui risquent leur vie chaque jour pour nous sauver, n’avaient pas de prime spécifique. Ce sera corrigé. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Les travailleurs de nuit de la police nationale bénéficieront d’une prime qui fera tripler la rémunération de leurs services de nuit. Quant à la prime des officiers de police judiciaire (OPJ), elle sera doublée.
    Je pourrais multiplier les exemples, et vous citer le cas des motards, maîtres-chiens, formateurs ou policiers aux frontières (PAF). Quoi qu’il en soit, les policiers ou gendarmes de base – pardonnez-moi cette expression simpliste mais beaucoup d’entre eux se définissent comme tels – recevront enfin la juste rémunération de leurs efforts et des risques qu’ils courent.
    Deuxième de ces travaux : l’augmentation des effectifs. Il manquait et il manque encore des policiers et des gendarmes sur le sol de la République. Grâce au Président de la République, 10 000 postes ont été créés sous le précédent quinquennat, dont 4 000 ont été alloués à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et au Service central du renseignement territorial (SCRT), ce qui représente un doublement des effectifs. Cela a peut-être contribué à ce que trente-neuf attentats islamistes aient été déjoués sur le sol de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
    Durant le précédent quinquennat, nous avons pu augmenter de façon significative le nombre de policiers présents dans les grandes métropoles françaises et partout sur le territoire national.

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Au moment où le Président de la République a été réélu, tous les commissariats de France avaient au minimum un policier de plus que cinq ans plus tôt. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Certaines villes comme Marseille, Lyon, Lille ou Nantes comptaient des centaines de policiers supplémentaires. Nous devons évidemment poursuivre cet effort en nous référant non plus aux effectifs de policiers en 2016, mais à l’importance de la délinquance qui est parfois trop présente dans certains quartiers.
    Dans ce texte, nous prévoyons de créer 8 500 postes, dont 52 % dans la police et 48 % dans la gendarmerie. Le texte est à la hauteur de la demande de nos gendarmes : 200 brigades de gendarmerie seront créées à partir de l’été prochain, alors que 500 brigades avaient été supprimées en quinze ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.) Vous serez sans doute ceux qui recréeront ces 200 brigades partout sur le territoire.
    Alors que quinze unités de forces mobiles (UFM) ont été supprimées depuis vingt ans, nous prévoyons d’en créer onze : sept escadrons de gendarmerie mobile et quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS), notamment dans la perspective de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques.
    Troisième de ces travaux : la formation. Ce chantier est en voie d’achèvement puisque nombre de mesures étaient de nature pratique ou réglementaire. Cependant, nous vous demandons les crédits pour pérenniser l’allongement de huit à douze mois de la durée de la formation initiale des gardiens de la paix et des brigadiers de gendarmerie (M. Erwan Balanant applaudit), pour leur permettre de passer le bloc OPJ, et, surtout, pour améliorer la formation continue.
    C’est sans doute sur ce dernier point que le ministère de l’intérieur doit porter le plus d’efforts, afin d’améliorer non seulement le traitement des violences intrafamiliales, mais aussi le maniement des armes ou la pratique du sport dans la police nationale et la gendarmerie. Pour y parvenir, nous prévoyons l’engagement de 500 nouveaux formateurs et des investissements immobiliers pour que chaque commissariat ait un stand de tir à proximité de ses locaux et pour que nous puissions multiplier les lieux de formation.
    Nous pensons notamment à un centre de formation en maintien de l’ordre pour la préfecture de police. Actuellement la plupart des policiers et gendarmes doivent aller ailleurs – ces derniers vont notamment se former à Saint-Astier. Il s’agit d’améliorer la formation continue de chacun d’entre eux, juste droit de leur engagement professionnel.
    Quatrième sujet : le numérique. Il faut faire au ministère de l’intérieur l’équivalent de ce qu’a été l’impôt à la source pour Bercy, c’est-à-dire engager une révolution numérique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Il a raison !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Nos commissariats n’ont pas beaucoup changé en quarante ans. On y trouve parfois le même mobilier, et l’on s’attendrait à y voir le Gérard Jugnot de Pinot simple flic, avec un uniforme peut-être légèrement différent (Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.) Les policiers souffrent de la dette numérique d’une administration qui n’a pas su répondre à leur demande de simplification et d’harmonisation notamment avec leurs compagnons ou camarades de l’autorité judiciaire. Il faut changer le rapport au numérique qu’entretiennent les citoyens avec la police nationale. Le citoyen doit pouvoir déposer une plainte en ligne, ce qu’il ne peut pas faire actuellement, en 2022. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et quelques bancs des groupes Dem et HOR.) Quand il le souhaite – et non pas de manière imposée par les forces de l’ordre –, il doit pouvoir demander à déposer sa plainte en visio. (M. Paul Midy applaudit.) Il ne serait alors plus obligé de prendre une demi-journée de congé ou d’attendre un hypothétique rendez-vous à vingt-deux heures pour signaler des dégradations sur son véhicule, par exemple. Les policiers pourraient alors utiliser leur temps de rendez-vous aux affaires de violences contre les personnes plutôt qu’aux atteintes contre les biens.
    Imaginons également la simplification numérique de la communication entre les agents du ministère de l’intérieur, entre les préfectures et les commissariats, entre les brigades de gendarmerie et la PAF, entre les administrations elles-mêmes et, surtout, entre le ministère de l’intérieur et l’autorité judiciaire.
    Qui ignore que des tonnes de papier s’accumulent parce qu’on impose aux agents du ministère de l’intérieur de respecter des procédures numériques alors même que, parfois, personne n’est en mesure de recevoir les fichiers à l’autre bout de la chaîne, ce qui leur impose de réimprimer tous les documents afin de les transmettre au parquet ou au juge d’instruction ? Le constat était le même il y a cinq ans, lorsque j’ai eu l’honneur d’être nommé ministre de l’action et des comptes publics : des tonnes de papier encombraient les trésoreries des directions générales des finances publiques (DGFIP). Malgré les quelques protestations et critiques qui se sont fait entendre à l’époque, qui nierait aujourd’hui combien la modernisation du paiement de l’impôt a permis aux agents de se concentrer sur le conseil ? C’est exactement ce qu’il faut faire au ministère de l’intérieur. J’ai donc l’honneur de demander que, sur les 15 milliards d’euros de dépenses prévus dans ce projet de loi de programmation, 7 milliards soient directement consacrés au numérique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Le cinquième enjeu est celui du cyber. Il ne s’agit pas d’une menace qui concernera vos enfants ou vos petits-enfants demain ou après-demain, mesdames et messieurs les députés : elle nous touche tous, ici et maintenant. Plus de la moitié des escroqueries individuelles sont des attaques cyber. Quand un de vos concitoyens se rend dans votre permanence pour signaler qu’il a reçu un courriel lui demandant d’envoyer de l’argent à l’étranger pour aider un camarade ou un compagnon, c’est déjà une attaque cyber. Chacun constate bien que les hôpitaux, les communes, les PME, les grandes entreprises et les citoyens sont attaqués tous les jours par des cyberdélinquants.
    Ces cyberdélinquants, nous devons les cybercombattre. C’est pourquoi le texte prévoit de créer 1 500 postes de cyberpatrouilleurs pour lutter contre la délinquance en ligne (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR), contre la pédopornographie, contre les appels au meurtre, contre les trafics de stupéfiants désormais ubérisés, ou contre les passeurs qui utilisent à présent TikTok ou Instagram pour promouvoir leur funeste commerce.
    La lutte contre la cybercriminalité suppose aussi de procéder aux évolutions législatives que nous vous demandons d’adopter. Pour la première fois, nous affirmons qu’il faut saisir l’argent là où il est. Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, nous pouvons effectuer des saisies dans le monde physique, mais non dans le monde numérique, alors même que les cryptomonnaies et les actifs numériques sont les nouveaux moyens de faire circuler de l’argent sale.
    La cyberdélinquance est la grande délinquance de demain. Elle ne remplace pas la délinquance physique, elle la complète et la transforme. Avec le cyber, il est par exemple possible de créer des points de deal numériques, de réaliser une partie des paiements avec des cryptomonnaies, ou encore de commander par ordinateur, partout dans le monde, des containers de drogue qui sont livrés physiquement dans les ports français. Nous faisons même déjà face à des livraisons de produits nuisibles par drone.
    Voilà la réalité de la police d’aujourd’hui. Il faut certes s’inspirer de Georges Clemenceau, mais sans doute le monde a-t-il changé en un siècle. C’est donc une politique digne d’un Clemenceau 2.0 que j’appelle de mes vœux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Le sixième défi est celui de la crise de l’investigation, qui touche la police nationale depuis très longtemps, pour de multiples raisons : parce que le métier est très fatigant ; parce qu’il n’y a pas assez d’OPJ – il en manque 5 000…

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    …pour atteindre l’objectif de 22 000 sur le territoire national en zone police ; parce que les enquêtes sont trop longues ; parce que les moyens technologiques ne sont pas au rendez-vous ; parce que le code de procédure pénal est parfois trop complexe.
    Le renforcement de l’investigation est au cœur des dispositions législatives que je vous propose d’adopter. Ainsi, la création de la fonction d’assistants d’enquête – véritables greffiers de police – permettra d’améliorer et de simplifier la vie des enquêteurs tout en promouvant les agents administratifs du ministère de l’intérieur, que nous devons chérir. De la même façon, le fait de faire passer le bloc OPJ aux policiers et gendarmes dès l’école permettra d’améliorer leur niveau juridique, tout en tenant compte du fait que certains candidats au concours de gardien de la paix – avocats, juristes, professionnels du droit – n’ont probablement pas besoin de recevoir le même type de formation que ceux qui s’engagent dans la police nationale à 18 ou 19 ans. Enfin, la violence contre les femmes et les enfants constitue désormais un terrible contentieux de masse – plus de 400 000 enquêtes ont été ouvertes en 2021 – auquel nos services enquêteurs doivent savoir pleinement répondre.
    Réussir l’investigation, c’est réussir la police de demain : il ne sert à rien de multiplier les policiers dans la rue si les enquêtes ne sont pas bien faites, car une réponse pénale décevante s’explique souvent en grande partie par un travail d’enquêteur qui n’a pas pu être mené parfaitement jusqu’au bout, faute de moyens. Avant de réclamer des lois plus dures au ministère de la justice, demandons déjà davantage de formation et plus d’OPJ à même de bien enquêter et de montrer clairement à l’autorité judiciaire qui est responsable de quoi dans une affaire.
    En septième lieu, vient la question de l’ordre public : nous sommes entrés dans l’ère des manifestations numériques, non déclarées, sans service d’ordre, et organisées en de multiples points du territoire national. Le temps où le ministre de l’intérieur discutait avec quelques centrales syndicales pour se mettre d’accord sur un parcours bien délimité, entre Bastille et Nation, avec un service d’ordre, est révolu. Il est vrai que des millions de personnes participaient parfois à ces manifestations, mais elles étaient encadrées, et les contestations, quand elles avaient lieu, étaient organisées.
    Désormais, depuis notamment le mouvement des gilets jaunes – mais le phénomène perdurera sous tous les gouvernements, malgré les cris d’orfraie de certains –, certaines manifestations ne sont même plus déclarées en préfecture et se déroulent simultanément en quinze, vingt, trente-cinq, cinquante-cinq, et même jusqu’à soixante-dix points du territoire national, dans des villes moyennes qui n’avaient jusque-là jamais connu ces mouvements de grande ampleur,…

    Mme Christine Arrighi

  • partager

    Et ça ne vous conduit pas à vous interroger ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    …lesquels se transforment parfois – pas toujours – en manifestations violentes contre les biens et les personnes, en particulier contre les forces de l’ordre.
    Il convient d’encadrer le droit à manifester, qui est un droit constitutionnel, dont la protection mobilise un nombre croissant de policiers et de gendarmes. Saluons d’ailleurs les forces de l’ordre, qui sont capables d’encadrer et de protéger ceux qui crient que la police tue, qu’elle assassine, ou qu’elle mérite d’être tuée ou assassinée : le calme des policiers qui encadrent ce genre de manifestations force le respect, vous en conviendrez. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR.)

    Mme Constance Le Grip

  • partager

    Tout à fait !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Reconnaissons que, pour garantir le maintien de l’ordre, qui est toujours un exercice démocratique très difficile et qui est la marque d’une nation civilisée et organisée, ce qui manque avant tout, ce sont des policiers et des gendarmes capables d’assurer cette mission. Quelle a été l’erreur structurelle – si j’ose dire – commise dans la gestion des manifestations que nous avons connues en 2018, en 2019 et, dans une moindre mesure, en 2020 ?

    M. Ian Boucard

  • partager

    Christophe Castaner !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    C’est la mobilisation de policiers ou de gendarmes qui n’étaient ni formés ni préparés au maintien de l’ordre public. Les moyens étaient insuffisants, quinze escadrons de gendarmerie mobile (EGM) et compagnies de CRS ayant été supprimés en vingt ans. La formation l’était également, personne n’ayant anticipé le mouvement des gilets jaunes, en tout cas la multiplication et la répétition des actions. Or le maintien de l’ordre est un métier.

    M. Olivier Marleix

  • partager

    La méthode de M. Lallement était douteuse !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Restons corrects à l’égard de tous les policiers et gendarmes. Le maintien de l’ordre est un métier qui nécessite une formation spécifique et des postes supplémentaires. Si nous n’avions pas supprimé quinze escadrons de gendarmerie mobile et compagnies de CRS, peut-être les choses auraient-elles été différentes. Nous proposons de réparer cette erreur en créant onze unités de forces mobiles et en remplaçant les sept unités affectées à Paris par des gardes statiques placées sous la responsabilité de M. le préfet de police. Ainsi, dix-huit unités de forces mobiles supplémentaires seront disponibles non seulement pour répondre aux graves questions que les manifestations répétées posent en matière de maintien de l’ordre, mais aussi pour organiser la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques dans de bonnes conditions. Si le texte est adopté, la création de ces onze escadrons sera effective dès l’été prochain. Chacun aura en outre compris qu’ils ne seront pas concentrés en région parisienne, puisque seule une unité sera basée à Melun, les autres ayant vocation à être déployées dans les régions.
    J’ai évoqué les violences intrafamiliales : elles constituent le huitième des grands défis du ministère de l’intérieur. Tout policier ou tout gendarme intégrant une école est désormais formé au traitement des violences faites aux femmes et aux enfants, qu’elles soient physiques ou psychologiques. (Mme Maud Petit applaudit.) Nous devons désormais former l’intégralité des policiers et des gendarmes qui sont sortis de l’école depuis parfois un certain temps. La majorité d’entre eux le sont déjà, mais 40 % doivent encore l’être. Pour cela, il faut des formateurs.
    Il faut également des assistants sociaux dans les commissariats, pour aider ceux qui en ont besoin à trouver un logement, pour les aider à comprendre le droit, ou encore pour leur garantir la présence d’un avocat dès la première heure suivant le dépôt de la plainte ou de la main courante – droit que nous réaffirmerons d’ailleurs dans le texte.
    Il faut aussi des brigades spécialisées. À l’heure actuelle, 70 % des commissariats sont pourvus d’une brigade spécialisée pour les familles. Il faut désormais en créer dans les 30 % restants – les plus petits –, qui doivent eux aussi gérer leur lot de violences intrafamiliales. Le présent texte prévoit de débloquer les moyens nécessaires pour que, dans chaque département, tous les commissariats et les brigades de gendarmeries les plus importantes disposent de brigades de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, qui iront de pair avec le nouvel office central de la police judiciaire chargé de cette question.
    Gageons que ces dispositifs compléteront les tribunaux spécialisés voulus par Mme la Première ministre et qui seront, j’en suis sûr, présentés à l’occasion d’un texte prochainement déposé par le garde des sceaux. Le présent projet de loi est donc aussi un grand texte de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
    Le neuvième défi concerne les inspections. Les participants au Beauvau de la sécurité ont formulé de nombreuses propositions de modernisation, qui sont détaillées dans le rapport annexé au projet de loi. Si aucune ne relève du domaine législatif, nous avons tiré toutes les conclusions de ces échanges, y compris des comparaisons internationales qui ont été effectuées.
    Nous publions ainsi désormais l’intégralité des rapports de l’IGPN – Inspection générale de la police nationale – et de l’IGGN – Inspection générale de la gendarmerie nationale. Nous demandons par ailleurs au DGGN – directeur général de la gendarmerie nationale –, au DGPN – directeur général de la police nationale – et au préfet de police de prendre une décision dans un délai maximal de deux mois après la remise du rapport des inspections. Enfin, nous avons tenu notre promesse, puisque, pour la première fois dans l’histoire du ministère de l’intérieur, l’IGPN est dirigée par une magistrate de l’ordre judiciaire.

    Mme Amélia Lakrafi

  • partager

    Il était temps !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Le numéro deux de l’IGGN est également un magistrat…

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    …et c’est aussi un magistrat qui prendra la tête de cette institution. Le ministère de l’intérieur n’a rien à cacher. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai donné un avis favorable de principe aux amendements de Mme Untermaier visant à créer un comité de déontologie compétent pour l’ensemble du ministère de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme Amélia Lakrafi

  • partager

    Excellent !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Le dixième défi concerne ce qui est communément appelé le rapprochement entre la police et la population – je n’apprécie pas cette expression, car la police fait partie de la population, mais chacun comprend bien de quoi il s’agit. La gendarmerie nationale a jadis créé une réserve. Ainsi, dans chacune de vos circonscriptions, des citoyens sont devenus réservistes de la gendarmerie nationale : des boulangers, des ouvriers, des cadres, des patrons de PME, après avoir été formés, donnent quelques jours de leur temps pour devenir gendarmes parmi les gendarmes. Ils mènent une action utile, qui leur permet aussi de mieux comprendre la vie de la société et, peut-être, les difficultés des gendarmes. Dans le cadre de la loi « sécurité globale » du 25 mai 2021, nous avons créé la réserve de la police nationale, dont les recrutements ont commencé.
    L’adoption de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) permettra deux nouvelles avancées. D’abord, nous nous engageons non seulement à augmenter considérablement les crédits de réserve pour l’ensemble des brigades territoriales de gendarmerie et de police, mais aussi à ne jamais les annuler : jusqu’à présent, ces crédits étaient malheureusement trop souvent annulés à partir du mois de septembre, ce qui privait parfois les commandants de groupement des crédits nécessaires pour terminer l’année. Le doublement de la présence de policiers et de gendarmes sur la voie publique nous oblige non seulement à augmenter ces crédits, mais aussi à ne pas les annuler.
    La deuxième avancée réside dans la création, par le ministère de l’intérieur, d’au moins cent classes préparatoires publiques et gratuites dans les quartiers de la République les plus touchés par la pauvreté, afin d’aider les jeunes en difficulté à passer les concours de la fonction publique – en premier lieu ceux de la police nationale, de la gendarmerie ou des préfectures, mais pas seulement. La vocation sociale du ministère est ainsi au cœur de notre action. Je tiens à souligner la place essentielle qu’y tiennent l’apprentissage, la formation et le stage, ainsi que le rôle du ministère de l’intérieur en matière de sensibilisation de la population à la sécurité routière. Si le rapport annexé au texte évoque les transformations à mener sur ces thèmes très importants, celles-ci n’ont pas vocation à figurer dans le projet de loi car elles ne relèvent pas du domaine législatif.
    Parce que ce texte ne s’attache pas uniquement aux forces de l’ordre, le onzième enjeu est celui du réchauffement climatique à l’heure de la modernisation de notre appareil de sécurité civile. Depuis le premier quinquennat du Président de la République, les intempéries et le changement climatique sont au centre de notre réflexion.
    Nous avons d’abord connu en 2017 la tempête qui a dévasté Saint-Martin puis, en 2020, celle qui a ravagé la Vésubie et la Roya. Cet été, les Français ont vu des mégafeux se propager, touchant, pour la première fois dans l’histoire de notre sécurité civile, plus d’hectares de forêt au nord qu’au sud de la Loire. Notre dispositif de sécurité civile, sans doute le plus performant de l’Union européenne, doté de la flotte la plus moderne, est parfois débordé par la multiplication des fronts de feu, par des incendies que l’on n’attendait pas, avec pour conséquences des milliers d’hectares brûlés dans le Maine-et-Loire, dans le Jura, dans les Vosges ou dans le Finistère.
    Avec ce projet de loi, nous proposons de gravir une première marche afin de se préparer à la saison des feux de l’an prochain, en attendant des améliorations encore plus significatives dans les années qui viennent – je sais que les assemblées y réfléchissent. Une des dispositions que nous vous proposerons de voter prévoit le renouvellement de l’intégralité de la flotte d’hélicoptères de notre sécurité civile, soit trente-six engins, afin d’intervenir plus rapidement et plus efficacement, ainsi que celui de notre flotte aérienne à la suite des annonces faites par le Président de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
    À coup sûr, la réflexion sur la sécurité civile, en particulier l’action des Sdis, les services départementaux d’incendie et de secours, est au cœur du défi climatique auquel nous devons faire face. Nous aurons plaisir à amender le texte à partir des annonces faites par le Président de la République – avant d’aller au bout de ce travail, nous attendrons de découvrir le rapport de M. Falco afin que nos mesures soient les plus pertinentes possible, aussi bien du point de vue budgétaire que, bien sûr, de celui de leur efficacité.
    Je précise, à l’intention des parlementaires qui s’interrogent sur le fait que nous disposions d’une seule base de sécurité civile, que nous avons accepté, lors de l’examen du texte au Sénat, qu’une étude soit menée à propos de l’éventuelle création d’une deuxième base. Nous voulons certainement prendre pour modèle, en le réinventant, la base de sécurité civile de Nîmes. Le Gouvernement souhaite d’ailleurs que celle-ci soit reconnue comme la base européenne de sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Le douzième et dernier des travaux abordés dans le projet de loi, ce sont nos préfectures. Les suppressions d’effectifs y ont été continues depuis vingt-cinq ans. Depuis que j’ai eu l’honneur d’être nommé ministre de l’intérieur, il y a deux ans, nous avons stoppé cette hémorragie. (Mme Maud Petit applaudit.) Aujourd’hui, pour la première fois, un ministre de l’intérieur vous propose de recréer des postes dans les préfectures de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem et sur le banc des commissions.) C’est aussi la première fois qu’un gouvernement recrée des sous-préfectures, que ce soit dans les outre-mer, comme celle de Saint-Georges-de-l’Oyapock en Guyane (Mme Maud Petit applaudit), ou en Mayenne, comme celle de Château-Gontier, inaugurée par le Président de la République le mois dernier.
    Les agents de nos préfectures accomplissent un travail difficile et discret. Pourtant, sans eux – nous l’avons vu à l’occasion de la crise du covid-19 et de la mise en place du plan de relance –, il n’y a pas d’action publique. Nous aurons une discussion très intéressante à propos de l’administration territoriale de l’État.
    Par ailleurs, une disposition très importante, issue des conclusions que nous avons tirées de la crise du covid-19, renforce l’autorité du préfet sur l’ensemble des services de l’État en cas de crise – non seulement sanitaire mais aussi cyber ou liée à la sécurité civile. Nous faisons confiance à tous nos agents, préfets et sous-préfets, quel que soit le Gouvernement qu’ils servent. Voilà pourquoi nous souhaitons désormais leur donner les moyens d’être au rendez-vous de la politique publique que les Français attendent d’eux.
    Je vous ai présenté les douze travaux qui doivent être mis en œuvre grâce à la Lopmi. Mais il faut d’abord que vous votiez cette loi. Or, évidemment, il y a toujours des grincheux.

    M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Il en faut !

    Mme Maud Bregeon et M. Sylvain Maillard

  • partager

    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    C’est bien normal car la perfection n’est pas de ce monde. De plus, la saison 2 de la présidence d’Emmanuel Macron risquerait de paraître un peu longue si nous faisions tout dès maintenant.
    Certains me disent que, dans ce projet de loi, il n’y a rien à propos de l’immigration ni de la justice. S’agissant du premier sujet, leur curiosité a dû être satisfaite puisque nous avons annoncé que, dès le 6 décembre, se tiendra ici même un débat et qu’un projet de loi sera présenté au cours du même mois en conseil des ministres, puis en janvier ou février prochain au Sénat et sans doute avant l’été à l’Assemblée nationale, en fonction du calendrier parlementaire.
    Certains prennent déjà position – en énonçant parfois des contre-vérités – à propos des dispositions que nous soumettons au débat s’agissant de l’immigration. Les discussions sur ce sujet s’annonçant donc longues et complexes, il aurait été un peu fou de proposer un projet de loi mêlant les questions relatives au ministère de l’intérieur et à l’immigration. Si nous l’avions fait, d’aucuns auraient aussi pu m’accuser de vouloir alourdir le travail des parlementaires et procéder par ordonnances. Ils auraient estimé qu’en évoquant trop de questions dans un seul texte, j’empêchais les parlementaires de travailler correctement. Au passage, je le précise ici et maintenant : aucune ordonnance ne figure – ni ne figurera – dans ce texte de loi. Nous aborderons donc le sujet de l’immigration en temps voulu. Tout vient à point à qui sait attendre.
    S’agissant de la justice, il est évident qu’on ne peut concevoir une très bonne politique de sécurité en l’absence d’un lien étroit avec la Chancellerie, notamment en matière de politique pénale. Il se trouve, cependant, que, depuis la création de la République, le ministère de l’intérieur ne se confond pas avec celui de la justice, ce qui est heureux non seulement pour nos débats mais aussi pour notre démocratie.
    Le garde des sceaux présentera dans quelques semaines un texte – qui lui appartient – dans lequel figurent plusieurs dispositions, visant à simplifier des procédures pénales, déjà annoncées par le Président de la République dans deux de ses discours, l’un prononcé à Roubaix, l’autre à Nice, mesures que nous avons défendues à l’occasion du Beauvau de la sécurité. Le projet de loi que nous présentons peut, certes, avoir des incidences, par exemple sur le travail des officiers de police judiciaire puisqu’il y est question des investigations ; cependant il ne prévoit aucune augmentation du quantum des sanctions ni aucune modification du code de procédure pénale. Si de telles mesures sont sans doute nécessaires, toutefois, ce texte n’est pas le véhicule législatif adapté.
    Je tiens à ajouter que, si un article prévoit bien des augmentations de quantum des peines, c’est parce que le Sénat a imposé ces mesures au Gouvernement, lequel est bien sûr respectueux de la Haute Assemblée : il laissera à l’Assemblée nationale le soin de savoir s’il faut, ou non, garder cet article qui ne figurait pas dans le texte initial.
    Je précise que ce texte très important pour les sécurités – j’insiste sur le pluriel – de nos concitoyens nous permettra aussi d’organiser, dans de bonnes conditions, la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Et les festivals de musique ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Rappelons que les Jeux olympiques se déroulent à Paris une fois par siècle. Mesurons le poids de l’histoire sur nos épaules. Rappelons-le aussi : une cérémonie d’ouverture qui se déroule en dehors d’un stade, cela arrive une fois tous les trois mille ans – puisque cela ne s’était jamais produit. Nous devons donc, au moment de l’organiser, avoir les moyens de notre ambition.

    Plusieurs députés du groupe RE

  • partager

    Il a raison !

    M. Jocelyn Dessigny

  • partager

    C’est « historique » !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Voilà pourquoi je vous présente ce projet de loi. Pour terminer, je veux bien sûr saluer, avec non seulement beaucoup d’énergie mais aussi de cœur, tous les policiers, gendarmes, pompiers et agents de préfecture et leur dire qu’ils sont l’honneur de la France. (Les députés des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR, LIOT, ainsi que des députés non inscrits, se lèvent et applaudissent – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Nous examinons aujourd’hui le premier projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur depuis onze ans – quatre textes seulement en trente ans. Son ambition est très simple : affirmer une trajectoire et construire une continuité pour toutes les missions du ministère de l’intérieur, la première étant d’assurer l’avenir de nos forces de l’ordre et de nos forces de sécurité civile, celles-ci ayant été durement éprouvées l’été dernier en raison des feux qui ont frappé notamment le département de la Gironde – je veux ici leur rendre hommage.
    Ce projet de loi était un engagement pris par le Président de la République l’an dernier à l’issue du Beauvau de la sécurité. Il prolonge et amplifie la démarche entreprise dès 2017, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. C’est cette démarche qui a donné naissance, en 2021, à la loi « sécurité globale », ainsi nommée parce qu’elle embrassait toutes les forces de sécurité – les forces d’État, les polices municipales ainsi que les entreprises de sécurité privées – pour mieux les encadrer et les professionnaliser. C’est cette même démarche qui a abouti à la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure de janvier 2022, laquelle a renforcé la protection des forces de l’ordre grâce à la création du délit de violences volontaires contre les policiers et les gendarmes et à l’encadrement de l’usage des caméras embarquées et des drones. C’est enfin cette même démarche qui a donné lieu, en 2021, à la loi Matras dont l’objet, avant même l’apparition des mégafeux, était de consolider notre modèle de sécurité civile.
    L’engagement pour la sécurité des Français s’est donc déjà déployé avec beaucoup de force au cours de la législature précédente, qu’il s’agisse du recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires ou encore d’un budget du ministère de l’intérieur en augmentation de 3,58 milliards d’euros entre 2017 et 2022.
    Le projet de loi de programmation accentue cet effort avec une progression attendue des engagements du ministère de l’intérieur tout au long du quinquennat, à hauteur de 21,6 % par rapport à l’année 2022 – c’est le chiffre retenu par le Conseil d’État dans son avis. Tel est le sens de l’article 2 de la loi d’orientation et de programmation.
    J’ai d’ailleurs souhaité, avec votre accord, monsieur le ministre, qu’un amendement au rapport annexé, que je présenterai, retrace la totalité des engagements budgétaires, non seulement les volumes par année ainsi que ceux affectés par missions budgétaires, mais également les volumes dégagés pour chacun des programmes budgétaires. Ce degré de transparence inédit démontre que la Lopmi n’a rien d’une simple déclaration d’intention.
    Présenté une première fois en mars, avant l’élection présidentielle, le projet de loi a été déposé, en septembre dernier, sur le bureau du Sénat. Nos collègues de la chambre haute l’ont adopté – vous l’avez dit, monsieur le ministre – à une très large majorité de 307 voix contre 27. Voilà un fait rare, s’agissant d’un texte portant sur le périmètre du ministère de l’intérieur, qui démontre qu’un accord étendu est possible s’agissant des politiques de protection de nos compatriotes.
    La commission des lois a préparé l’examen du texte avec la même volonté de dialogue. Pendant quatre semaines, vingt-cinq auditions ont été organisées, réunissant près de quatre-vingts personnes – hauts fonctionnaires, magistrats, spécialistes de la cybercriminalité ou encore représentants d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes – pour environ quarante heures d’échanges et d’approfondissements. J’ai veillé, en tant que rapporteur, à ce que, chaque fois, la confrontation des points de vue puisse avoir lieu.
    Sur les 582 amendements examinés en commission, 145 ont été adoptés. Parmi ceux-ci, 70 sont le fruit de mes propres travaux préparatoires – je dois confesser que plusieurs sont rédactionnels –, 5 proviennent de la commission de la défense nationale et des forces armées, dont je remercie au passage le rapporteur pour avis, Xavier Batut, 36 sont issus des rangs de la majorité et 34 des groupes d’opposition.
    Bien sûr, des divergences persistent – nous le constaterons dans quelques instants à l’occasion de l’examen de la motion de rejet préalable déposée par nos collègues du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale. Cependant, d’ores et déjà, les contributions à ce projet de loi d’orientation et de programmation, en commission, ont été plurielles.
    Ainsi, quarante-deux amendements au rapport annexé à l’article 1er ont été adoptés, avec cette particularité, propre aux lois de programmation, que le rapport annexé n’a pas de portée normative mais présente la feuille de route des objectifs de transformation que le ministère de l’intérieur entend défendre pour son propre fonctionnement et non – je me permets d’ajouter cette précision – pour le fonctionnement des autres services. Je pense, par exemple, au ministère de la justice ou aux polices municipales et aux collectivités territoriales, qui n’entrent pas dans le champ de ce texte. La loi « sécurité globale » concernait, en revanche, directement les polices municipales, sous le contrôle, très vigilant – on s’en souvient –, du Conseil constitutionnel.
    L’article 2, qui prévoit un engagement de 15 milliards d’euros, en cumulé, sur cinq ans, a, lui aussi, été complété, à propos des centres de rétention administrative et de la durée d’examen des demandes d’asile, à partir des propositions formulées par notre collègue Éric Ciotti, lesquelles se situaient – au moins sur ce point – dans la trajectoire voulue par l’exécutif.
    L’article 4, relatif à l’encadrement du marché de l’assurance des cyberattaques, a été largement retravaillé par notre commission : trois amendements, défendus par nos collègues Anne Le Hénanff, Philippe Latombe et Mounir Belhamiti, ont permis d’élargir le dispositif au-delà du seul sujet, très sensible, des rançongiciels.
    Par ailleurs, trois nouveaux articles ont été introduits après l’article 4, sur proposition de nos collègues Benjamin Haddad et Jean-Pierre Cubertafon, pour déployer des moyens d’enquête plus puissants en cas de cyberattaques sur les systèmes de traitement automatisé de données.
    Le dispositif de l’article 6, qui prévoit de créer une nouvelle procédure de plainte par vidéoconférence, a été fortement enrichi, avec l’adoption de neuf amendements défendus par nos collègues Cécile Untermaier, Ugo Bernalicis et Jérémie lordanoff, dans le but de préciser les règles procédurales et le libre choix – qui reste absolu – des victimes. Par ailleurs, cet article traduit l’engagement constant de la majorité dans la lutte contre les violences intrafamiliales.
    J’ajoute qu’à l’initiative de notre collègue Sandra Regol, nous avons complété le code de procédure pénale afin que les victimes aient le droit d’être reçues, entendues et prises en charge par un agent formé à l’accompagnement des personnes victimes de discriminations liées à leur identité de genre ou à leur orientation sexuelle.

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Dans le même esprit, nous avons adopté à l’article 7 des amendements de nos collègues Raphaël Gérard, Sabrina Sebaihi, Erwan Balanant et de votre rapporteur pour étendre le délit d’outrage sexiste et sexuel aux faits commis à raison de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime.
    Nous avons par ailleurs choisi de modifier la rédaction de la première partie de l’article 8 concernant l’usage des techniques spéciales d’enquête en adoptant un amendement de notre collègue Marie-France Lorho. De même, à l’initiative de notre collègue Ian Boucard, notre commission a introduit un nouvel article 12 bis qui étend, de façon encadrée, les hypothèses de consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel de la police et de la gendarmerie.
    Enfin, concernant les amendes forfaitaires délictuelles, dont je rappelle qu’elles ont été créées en 2016 et qui sont étendues à l’article 14 du projet de loi, nous avons confirmé l’approche ciblée retenue par le Sénat plutôt, monsieur le ministre, que la généralisation souhaitée par le Gouvernement dans la version initiale du texte.
    Voilà, mes chers collègues, le texte que votre commission des lois livre à nos débats. Il est très attendu par les policiers, par les gendarmes et par les sapeurs-pompiers pour renforcer leurs capacités d’action et pour tenir les engagements forts que vous avez renouvelés à l’instant à cette tribune, monsieur le ministre, à savoir la création nette de 8 500 emplois au sein du ministère, dont 7 612 seront affectés aux policiers et aux gendarmes – 3 051 dès les deux premières années d’application de la loi –, ainsi que la création de 200 brigades territoriales de gendarmerie dans les zones rurales, un engagement sans précédent sur une aussi courte période, et la création de 11 unités de forces mobiles dans la perspective, en particulier, des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
    J’ai noté également votre volonté de construire la révolution numérique du ministère de l’intérieur, dans son fonctionnement quotidien comme dans sa lutte contre les délinquances qui s’affirment chaque jour un peu plus dans le cyber : je rappelle qu’une entreprise sur cinq déclarait en 2021 avoir été frappée par une cyberattaque. De nombreuses dispositions sont à cet égard annoncées dans le rapport annexé et nous pourrons bien sûr en débattre.
    Tels sont les défis qui sont devant nous et auxquels répond la trajectoire du Gouvernement détaillée dans ce texte. Je suis convaincu que nous pourrons les aborder pendant cette semaine, peut-être longue, d’examen dans l’hémicycle dans le même esprit que celui qui a présidé aux travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre : cela fait deux ans que nous préparons ce texte, deux ans depuis que, devant notre commission, vous avez égrené les enjeux et les difficultés de la police, les sept péchés capitaux selon votre expression, à savoir le manque d’encadrement, de formation et des moyens matériels et humains indispensables, les conditions insuffisantes du recours à la vidéo, la nécessité du renforcement non seulement de la confiance dans les inspections mais aussi de la confiance des citoyens dans leur police, et l’amélioration des relations entre la police et la justice. Ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prend ces enjeux en compte, et surtout est la réponse aux légitimes demandes de nos concitoyens à voir leur sécurité garantie.
    Pour des raisons d’intelligibilité de la loi et pour qu’aucune force politique n’ait de pudeur à la voter, vous avez accédé à ma demande estivale en découpant cette future Lopmi, l’amputant ainsi à la fois de son volet immigration – volet que nous étudierons bientôt et pour lequel vous avez bien voulu faire des ajouts à la demande de la commission des lois – et des dispositions relatives aux Jeux olympiques qui concernent davantage les questions de vidéoprotection. Accéder à ma demande vous a permis de présenter un texte bref, bref mais riche : 15 milliards d’euros, 8 500 policiers et gendarmes qui vont s’ajouter aux 10 000 déjà recrutés lors du dernier quinquennat, 200 brigades de gendarmerie supplémentaires et un treizième mois pour les agents du ministère de l’intérieur.
    Un texte bref, disais-je, mais qui n’en est pas moins clair puisque, comme le disait le directeur départemental de la sécurité publique de Haute-Garonne, c’est le retour de la police de proximité, le retour de la police et de la gendarmerie qui réinvestissent le terrain. Je pense non seulement à ces cités marseillaises où sont menées des opérations de pilonnage des points de deal, ou à ces campagnes où nous réimplantons des brigades de gendarmerie aux côtés des maires, là ou d’autres les avaient avant nous fermées, mais aussi à Cayenne où votre ministère répond présent face aux bandes violentes qui empoisonnent la vie de nos compatriotes ultramarins. Il y a ainsi 300 policiers supplémentaires à Marseille, 160 à Montpellier et à Béziers, 160 à Lille et 70 à Nantes – je pourrais citer toutes les villes socialistes qui bénéficient de cette nouvelle répartition des effectifs de policiers ou de gendarmes. (Mouvements divers sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – Mme Emmanuelle Ménard s’exclame.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Comme quoi !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

  • partager

    Me vient une question, chers collègues : quel responsable politique pourrait s’opposer à un retour en force du service public ? Cette Lopmi sera donc un plus, mais aussi un mieux car elle sera d’abord la garantie d’une lutte implacable contre le sentiment d’impunité, la garantie d’un combat acharné contre les arnaques et la cybercriminalité, laquelle frappe autant les particuliers que nos grands services publics comme, dernièrement, l’hôpital de Corbeil-Essonnes. Les policiers, les gendarmes et les pompiers seront mieux équipés – tout en restant loin du fantasme RoboCop colporté par certains –, avec la généralisation des caméras, des fichiers accessibles depuis toutes les tablettes sur place et la possibilité de mener des opérations pour mieux appréhender les catastrophes, car il s’agit d’assurer la performance des outils mis entre les mains des agents publics.
    Mieux aussi, car la Lopmi aggravera et rendra plus effectives les sanctions contre les outrages sexistes, ainsi que les sanctions à l’encontre de tous ces petits larcins qui restaient jusqu’à présent impunis en raison d’une procédure trop complexe et trop longue et d’un enrayement de la chaîne judiciaire. À cet égard, qui peut se plaindre que l’amende forfaitaire délictuelle permette dorénavant de sanctionner le trafic des stupéfiants qui demeurait largement impuni ?
    Mieux enfin, car elle permettra d’assouplir la rigidité procédurale et, par voie de conséquence directe, de libérer des forces de l’ordre pour les déployer dans la rue, alors qu’elles sont trop souvent enfermées dans les commissariats à taper des procès-verbaux. J’espère de ce point de vue que cette Lopmi préfigure les états généraux de la justice au cours desquels la procédure pénale sera intégralement repensée.
    Certes, il y a bien des esprits chagrins pour juger que ce texte serait trop peu de chose. Mais ils considèrent déjà que l’État de droit est trop de choses en lui-même. Je m’attends aussi à entendre des propos outranciers qui tenteront de salir l’uniforme, et les femmes et les hommes qui le portent.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Énorme !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

  • partager

    J’en appelle donc à tous les collègues qui croient dans la nécessité d’assurer à nos concitoyens une vie paisible, à ceux qui pensent que nous devons protéger les Français et rapprocher les forces de sécurité intérieure de la justice et des citoyens, et je leur demande de prendre leurs responsabilités en leur disant :…

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    N’ayez pas peur.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

  • partager

    …soyez à nos côtés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

  • partager

    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Nous n’allons pas voter ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ou, pour être plus précis, nous allons voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – « Ah ! » sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Florent Boudié, rapporteur et M. Sylvain Maillard

  • partager

    Il faut discuter !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Dans le titre de ce texte, il y a le mot « orientation », et cela nous intéresse de connaître l’orientation donnée au ministère de l’intérieur pour les cinq prochaines années, d’autant qu’elle concerne non seulement les policiers et les gendarmes mais également – même si on se focalise souvent, à juste titre d’ailleurs, sur les questions de sécurité publique – la sécurité civile, les préfectures et les sous-préfectures, le ministre l’a longuement développé. Évidemment, notre groupe est opposé à l’orientation définie par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ici présent, ainsi qu’à l’annexe à laquelle renvoie l’article 1er, parce que le compte n’y est pas, notamment en matière de programmation – je sais, c’est mon côté pointilleux qui me conduit à chercher quel euro sera consacré à quoi. Nous restons sur notre faim au vu des éléments que nous a pourtant obtenus le rapporteur et qui figurent dans son amendement détaillé. J’ai ouï dire qu’il y avait un ministre assez brillant pour obtenir 15 milliards d’euros, mais non pas suffisamment, tout de même, pour savoir comment les dépenser, puisque cette question n’est venue qu’ensuite, un plan de carrière 2027 étant peut-être dans le viseur. (Protestations sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem. – M. Antoine Léaument applaudit.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Quel niveau !

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Ce n’est pas à la hauteur !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est sûrement tout à votre honneur, monsieur le ministre, mais un peu dommage s’agissant de la vision que ce texte devrait nous apporter des objectifs assignés au ministère de l’intérieur.
    Pourtant, avec l’ensemble de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, nous aurions, nous aussi, proposé une loi d’orientation et de programmation, mais avec une autre orientation et une autre programmation. Je ne sais pas si elle aurait prévu 15 milliards, peut-être plus, vu que nous, nous prévoyons évidemment d’en prendre beaucoup plus dans la poche de vos amis les riches, afin de renforcer les services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Je vous rappelle, monsieur le ministre, que nous avons produit un livret sur la sécurité et la sûreté, qui est toujours disponible en ligne – une belle feuille de route –, et que nous vous proposons d’ailleurs sous la forme d’un amendement à l’annexe pour réécrire intégralement l’orientation ici présentée – si, d’aventure, vous le votiez, chers collègues, je prendrais volontiers les 15 milliards pour mettre en œuvre notre programme politique.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Tout à fait !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Nous en rediscuterons le moment venu. Si j’avais été à Beauvau (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem),…

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    C’est votre plan de carrière !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

  • partager

    Il faut d’abord gagner les élections !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …nous n’aurions pas les fameux policiers augmentés que nous vend le ministre dans son annexe, une sorte de synthèse entre Terminator et RoboCop. Je ne sais pas si vous avez revu ces classiques récemment, monsieur le ministre, mais on ne voit pas le scénario de ces films, qui prêtent à sourire même si l’on peut les trouver intéressants, appliqué dans le monde réel – ce serait un peu angoissant, n’est-ce pas ? Avec nous, vous n’auriez pas une fausse police de proximité – je vais y revenir –, ni des amendes forfaitaires délictuelles délivrées à la chaîne, concernant toujours les mêmes populations, ciblées dans les quartiers populaires ou perçues comme étant racisées – Noirs ou Arabes notamment. On connaît le mode de fonctionnement, aujourd’hui discriminatoire, de la police, qu’il s’agisse des contrôles d’identité qu’elle effectue ou des amendes qu’elle dresse.
    Nous n’aurions pas non plus, monsieur le ministre, une réserve opérationnelle comme celle que vous prévoyez. Nous étions pour le principe, mais non pour une réserve formée en dix jours, arme à la ceinture ! Mais qu’est-ce que c’est que ces histoires ? Vous ne vous êtes même pas aligné sur le minimum syndical du mois de formation pour être gendarme volontaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Nous, nous aurions construit la police de proximité qui est nécessaire dans ce pays, forte de milliers de policiers au plus proches de la population, sur des aires géographiques données, des policiers qui connaissent les gens autant que les gens les connaissent, ce qui permettrait une forme de contrôle réciproque de la police sur la population et de la population sur sa propre police. Mais, pour parvenir à une véritable police de proximité, il faudrait dissoudre les brigades anticriminalité (BAC) (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), car si la proximité, c’est être à la portée d’un tonfa ou d’une gazeuse, non merci ! Or c’est la politique que vous poursuivez tout en venant régulièrement ici vous plaindre que les chiffres ne sont pas bons, que c’est de pire en pire,…

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Ce n’est pas ce que j’ai dit.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …que tout va mal. Mais c’est votre bilan, monsieur le ministre,…

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    Eh oui !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …et vous continuez dans la même ligne. Par conséquent, nous ne voulons ni de cette orientation, ni même de la programmation qui l’accompagne. Il nous faudrait au contraire des policiers de terrain dont on mette en avant la dimension humaine et la capacité de discernement. Il ne s’agirait pas de les fliquer eux-mêmes avec je ne sais quelle caméra, quel drone, quelle tablette ou quel formulaire dont la case à cocher aurait la rapidité numérique, non, rien de tout cela. Nous, nous pensons que nous devons retrouver les gardiens de la paix, qui sont là pour maintenir la tranquillité publique (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES),…

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Il a raison !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …en liaison évidemment avec des comités locaux de sécurité et de prévention de la délinquance dont il n’est pas du tout question dans ce projet de loi d’orientation, alors que lesdits comités pourraient habilement mettre en place, au niveau local, un contrôle direct des citoyens sur la politique publique de sécurité.
    Mais pour faire la police de proximité que nous appelons de nos vœux, il faut un haut niveau de formation et de qualification. Quand Pierre Joxe augmenta la durée de la formation à un an, ce fut un progrès non seulement pour la France mais aussi par rapport au reste de l’Europe, le signal que notre pays voulait une police républicaine formée – je rappelle que la mesure avait été accompagnée d’un code de déontologie. Or la durée de la formation a été abaissée à huit mois en 2015, sous François Hollande, parce qu’il fallait rendre les nouvelles recrues rapidement disponibles. Et maintenant, vous arrivez en disant : « Regardez comme je suis beau, comme je suis fort, preuve en est que je vais allonger la formation à douze mois. C’est un grand progrès. » Ah, vraiment ?… Non, on revient seulement à la situation antérieure à 2015.

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Mais c’est bien alors !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Je me dois de préciser que la situation sera moins bonne qu’en 2015 puisqu’à l’époque, la formation d’un mois dite bloc OPJ s’ajoutait à l’année de formation, alors qu’elle va y être intégrée, ce qui revient à supprimer un mois au passage.

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Ça, c’était dans le texte du début de l’année !

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Il n’est jamais content.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Pour que les policiers aient un haut niveau de qualification, il faudrait porter la formation initiale au moins à deux ans. C’est le minimum dans de nombreux pays voisins qui ont compris qu’être policier, en 2022, ne consiste pas à être suréquipé de technologies dernier cri – un exosquelette ou des lunettes augmentées pour contrôler les migrants à la frontière : ceux qui pensent que je plaisante ont mal lu l’annexe. Non, ce n’est pas de cela que nous avons besoin.
    Nous avons besoin d’un policier qui sache s’adapter aux différentes situations auxquelles il sera confronté : un appel au 17, une intervention dans le cadre de violences intrafamiliales, d’une bagarre ou d’un trafic de stupéfiants, ou encore une manifestation – autant de tâches qui font la diversité du métier de policier. Je me suis penché sur le texte pour savoir – autant que faire se peut, car le niveau de détail n’est pas extraordinaire –…

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Si, si !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …combien d’écoles de police seraient construites grâce à ces 15 milliards. C’est un bon indicateur : avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), la droite en avait supprimé dix, tout en réduisant les effectifs de policiers et de gendarmes d’une bonne dizaine de milliers de postes. Puisqu’on repasse à douze mois de formation et qu’on envisage des embauches, on devrait logiquement ouvrir des écoles : mais non, rien de tel n’est prévu. En revanche, on prévoit bien de créer des centres de rétention administrative, réclamés depuis longtemps par M. Ciotti – il en a parlé dans le cadre de la campagne pour la présidence du parti Les Républicains comme dans le cadre parlementaire.

    M. Ian Boucard

  • partager

    On en a besoin !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Là, pas de problème : il y a le détail, il y a le chiffrage, il y a les places. On voit bien, monsieur le ministre, où est la priorité : la formation – initiale et continue – n’est que la variable d’ajustement, le truc qu’on finance en dernier, alors qu’elle devrait constituer l’un des postes de dépenses les plus importants du ministère de l’intérieur.
    Si j’avais occupé la Place Beauvau (Murmures sur les bancs du groupe RE),…

    Mme Maud Bregeon

  • partager

    On nous a épargné ça !

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    C’est la faute de Mélenchon, qui n’est pas devenu Premier ministre !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …nous n’aurions pas réorganisé la police en la départementalisant, comme vous êtes en train de le faire, monsieur le ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous aurions renforcé drastiquement la police judiciaire, mais non pas grâce à votre système de filières, imaginé sur un coin de table, où on ne sait plus qui est chef de quoi, ni à quel niveau – zonal, départemental, national ou intergalactique. Nous aurions doublé les effectifs de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), les faisant passer de 6 000 à 12 000, et nous y aurions rattaché les 17 000 officiers de police judiciaire qui relèvent actuellement de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP). Nous les aurions détachés, de sorte à faire la réforme de 1995 à l’envers – en 1995, on a supprimé la filière investigation et les corps des enquêteurs et des inspecteurs de police. Cette police en civil, par opposition à la police en tenue, représentait un premier niveau de séparation des pouvoirs au sein du ministère de l’intérieur : il faut retrouver cette séparation.
    Il faudrait également renforcer la police technique et scientifique. Si vous voulez augmenter les effectifs, mettez-les là : ces spécialistes résolvent les enquêtes et sont utiles aux investigations. Nous serions bien inspirés de doubler leurs effectifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    C’est ce qu’on fait !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Non, ce n’est pas ce que vous faites : 3 500 postes sont dévolus à la police, 3 500 à la gendarmerie, sans plus de détails ; débrouillez-vous avec ça !
    Quant aux assistants d’enquête que vous allez créer, ce sera à effectifs constants. On prendra donc, pour ce rôle, des personnels administratifs qui assument déjà une tâche au ministère de l’intérieur. Qui fera leur boulot ? On verra bien. Je ne suis pas sûr que ce soit là une programmation habile. En tout cas, nous aurions agi différemment : nous serions partis des besoins du ministère de l’intérieur pour en déduire un budget, et non le contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Clémence Guetté

  • partager

    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Si on remettait en place une véritable filière investigation séparée de la DCSP et du reste des missions de police, on pourrait détacher la police judiciaire auprès de l’autorité judiciaire pour garantir l’indépendance dans les enquêtes et une véritable séparation des pouvoirs, comme il se doit dans une démocratie aboutie. La politique pénale ne doit plus être définie par le ministre de l’intérieur, en catimini et en toute hypocrisie. Car oui, c’est le ministre de l’intérieur qui définit la politique pénale : c’est lui qui décide qu’on va faire du stup telle semaine, du rodéo la semaine suivante ; les parquets, eux, absorbent ce qu’ils peuvent d’enquêtes.
    Il nous faut évidemment une police républicaine.

    M. Robin Reda

  • partager

    Elle l’est déjà !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Pour cela, il ne suffit pas de mettre un magistrat à la tête de l’IGPN. Il faut un contrôle externe, indépendant, effectif et efficace. Ce contrôle existe déjà, il est effectué par le Défenseur des droits. Il faudrait renforcer ses moyens en y ajoutant ceux qui sont aujourd’hui dévolus à l’IGPN et l’IGGN. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Le ministre de l’intérieur doit s’engager à prendre les sanctions demandées par les services du Défenseur des droits – actuellement de la Défenseure des droits –, qui, eux, sont indépendants.
    Il faut également rompre avec la doctrine dite de maintien de l’ordre, car ce n’est pas le sujet. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe Dem.) Eh oui ! De quel ordre parle-t-on ? Du vôtre ? (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Marina Ferrari

  • partager

    De l’ordre républicain !

    Mme Estelle Folest

  • partager

    Ça ne vous parle pas beaucoup, mais nous, ça nous parle !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    De l’ordre capitaliste – cet ordre qui fait qu’il y a 12 millions de pauvres dans ce pays ? (Mêmes mouvements.) Non, la seule mission que la Constitution confère aux policiers, aux gendarmes et au ministre de l’intérieur, c’est de garantir la liberté de manifester. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Voilà ce qu’il faut protéger.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Mais pas la liberté de casser, la liberté de détruire, la liberté d’être violent !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il n’y a pas de forces de l’ordre, il y a des gardiens de la paix, et ce n’est pas la même chose.

    Un député du groupe LR

  • partager

    Il y a des gauchistes casseurs !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Dans votre texte, on n’a rien trouvé sur la délinquance économique et financière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Cela ne doit pas être une priorité pour les cinq prochaines années. C’est dommage : j’ai pourtant fait deux rapports sur le sujet. Nous nous étions vus, monsieur le ministre, quand vous étiez encore à Bercy. Malheureusement, rien n’a changé, ou si peu. La fête peut continuer pour ceux qui fraudent en matière économique et financière.
    Certes, vous ouvrez des sous-préfectures, mais faut-il vous donner une médaille pour cela ? Vous continuez la politique qui a conduit à la destruction de l’accueil physique dans les sous-préfectures et dans les préfectures – engagée par la RGPP, continuée par Action publique 2022. Durant le mandat précédent, vous aviez laissé faire, vous aviez dit : la dématérialisation, c’est génial ; en trois clics, on peut avoir un service public ! Les voyous, eux, en ont profité pour monnayer des rendez-vous pour des titres de séjour aux malheureux et aux malheureuses qui en avaient besoin, s’enrichissant sur leur dos. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Lionel Royer-Perreaut

  • partager

    Quel cinéma !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Cela a duré pendant quatre ans. Pour résoudre le problème, avez-vous pourchassé les délinquants en question ? Non, vous avez supprimé la possibilité de prendre des rendez-vous avec des cases : désormais, une boîte fonctionnelle attribue un créneau de rendez-vous. Tout ça pour ça ! Si la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale l’avait emporté (Murmures),…

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Ce n’est pas le cas ! Avec des « si », on refait le monde.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …nous aurions remis au cœur de l’action l’accueil physique par des agents dans les préfectures et les sous-préfectures. Ce ne sont pas les 350 postes que vous prévoyez dans la Lopmi qui combleront les 4 000 emplois supprimés depuis dix ans. Faudrait-il vous décerner des médailles ? Ce n’est pas une bonne programmation politique, y compris en matière budgétaire. Voilà pourquoi nous défendons cette motion de rejet préalable : c’est toute la copie qui est à revoir, ce ne sont pas juste quelques alinéas à la marge. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Je terminerai en remettant à l’endroit un slogan qui m’a été souvent opposé par la majorité, la droite et l’extrême droite, pour vous rappeler que la première des sécurités, c’est la liberté. Je dirai même plus : la première des sécurités, ne l’oublions jamais, c’est la sécurité sociale. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Monsieur Bernalicis, je ne vous reconnais pas. Que vous arrive-t-il ? Je vous ai senti frustré : Ugo n’est pas à Beauvau, Ugo est dans l’opposition. (Rires sur les bancs des groupes RE et Dem.) Il se répète donc et, parfois, il confond même les discours : un bon tiers de son intervention était consacré au texte de l’année dernière.

    M. Erwan Balanant

  • partager

    Exactement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Avec le président de la commission des lois, nous nous sommes dit que c’est le jour sans fin, sans cesse recommencé : M. Bernalicis reparle de la loi « sécurité globale ». Pour ceux qui n’étaient pas là l’année dernière, c’était certainement intéressant mais, monsieur Bernalicis, il faut savoir terminer une guerre !

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Il faut savoir tirer le bilan de ce que vous faites !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Madame, je n’ai crié sur personne ; permettez-moi de parler sans que vous me criiez dessus. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous allons passer une semaine ensemble. Nous l’avons déjà fait, et nous avons écouté nos arguments respectifs. Je n’aime pas beaucoup qu’on me crie dessus, et c’est normal : je présume que vous ne l’aimez pas plus.
    Monsieur Bernalicis, je vous ai donc senti frustré, je vous ai senti répétitif, je vous ai senti approximatif – on y reviendra. Je vous ai surtout senti mauvais joueur. En effet, qu’est-ce qu’une motion préalable sinon le refus de parler des sujets dont vous voulez qu’on parle ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Clémence Guetté

  • partager

    Et le 49.3, c’est quoi ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Vous ne voulez même pas des 15 milliards. Vous auriez pu dire : prenons cette somme, mais faisons une programmation budgétaire différente ; mais vous refusez carrément, ou plutôt vous fuyez le débat. C’est normal : le projet de La France insoumise, on le sait, était de désarmer la police. (« Oui ! » sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous partez d’un postulat simple – certains pourraient dire simpliste : la police tue, donc il faut la désarmer pour qu’elle ne tue plus. (Signes d’approbation sur les bancs des groupes RE et Dem.) C’est tautologique. Sans doute avez-vous noté quelques impairs : on a même vu, hier, M. Mélenchon saluer un policier. L’hégémonie gramscienne avance ! Peut-être finira-t-il par récompenser et remercier les policiers, voire par embrasser un flic ? Il y a des gens qui crachent sur les policiers et, à la fin de leur vie politique (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) – c’est normal, on devient toujours un peu conservateur à la fin de sa vie politique –, ils se disent : finalement, les policiers sont des gens bien.
    Comme dirait M. Roussel – il n’est pas là, mais peut-être arrivera-t-il pour voter votre motion de rejet… (Protestations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) « M. Roussel », ce n’est pas une insulte, c’est un de vos camarades ! Comme il n’est pas là, il vote avec les pieds, comme on dirait dans votre parti. Comme le dirait M. Roussel, donc, il faut respecter les ouvriers de la sécurité.

    Mme Nathalie Oziol

  • partager

    Respectez l’opposition !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Vous avez un autre projet, plus dissimulé encore. Vous n’êtes pas pour la réforme de la police ou du ministère de l’intérieur, vous êtes pour le démantèlement de la police. (« Oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Voilà votre vrai projet. On se demande d’ailleurs où vous mettriez vos 15 milliards ou plus, puisque vous dites qu’il faut d’abord désarmer les policiers, puis mettre la police judiciaire – une composante très importante du ministère de l’intérieur, à laquelle vous oubliez d’ajouter la gendarmerie nationale, qui exerce également cette mission – sous l’autorité du ministre de la justice. Votre souhait est, au fond, de détruire le ministère de l’intérieur. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Bastien Lachaud

  • partager

    Le ministère de l’intérieur n’est pas la police !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    Vous prétendez vous inspirer des grandes démocraties abouties. Prenons les États-Unis, où la police judiciaire est placée sous l’autorité exclusive d’une entité indépendante. Je ne savais pas que c’était votre modèle ! Certes, la police judiciaire y obéit aux magistrats, comme c’est le cas dans certains autres pays, mais dans ce cas les juges sont élus – est-ce là votre proposition ? – et il existe des services de police des États fédérés, qui s’occupent de la sécurité publique – est-ce là ce que vous souhaitez ? Le modèle robespierrien (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES)

    M. Alexis Corbière

  • partager

    Il l’a dit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

  • partager

    …comprendrait donc une police décentralisée et l’élection des juges ? Mais vous n’allez pas jusqu’au bout de votre propos.
    Enfin, monsieur Bernalicis, après vous être montré répétitif, approximatif, aigri et mauvais joueur, vous avez été insultant envers les policiers. (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez dit – le compte rendu en attestera – qu’il nous fallait désormais une police républicaine. C’est une blessure au cœur de tous les policiers et de tous les gendarmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Je crains qu’il ne faille prendre votre intervention pour ce qu’elle est : une capsule vidéo de plus affichée sur les réseaux sociaux, qui viendra alimenter le feuilleton un peu pitoyable qui porte, hélas, votre prénom. (Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

  • partager

    Jaloux !

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Vous avez dit des choses grotesques – pardon pour ce terme, mais j’emploie votre propre vocabulaire. Vous prétendez ainsi que, face aux délinquants, il ne faut pas des forces de l’ordre, mais des gardiens de la paix. Y compris pour la délinquance économique et financière, en col blanc ? Nous pensons pour notre part que, face aux délinquants, il faut de la puissance d’État et un État de droit, et nous nous employons à les raffermir avec la Lopmi.
    Vous affirmez qu’avec les 15 milliards d’euros, vous auriez fait autre chose. Mais dans votre amendement tendant à supprimer l’article 2, que nous examinerons peut-être ce soir,…

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    À ce rythme-là, certainement pas !

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    …vous affirmez une chose étonnante : « Nous estimons que ces crédits sont beaucoup trop élevés. » Votre argument, c’est que l’achat de matériel est très cher. Oui, 200 brigades de gendarmerie en plus et 1 500 personnels recrutés, cela coûte cher. Idem lorsqu’il s’agit de réformer l’administration préfectorale et de la remettre dans les territoires. Pardon de vous le dire, mais 15 milliards d’euros, c’est une trajectoire dont nous sommes fiers. Nous allons la défendre avec beaucoup de ténacité, face à vos arguments qui ne sont pas à la hauteur. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. Erwan Balanant, pour une durée de deux minutes.

    M. Erwan Balanant (Dem)

  • partager

    Je suis assez surpris car, en commission, nous avons eu de bons débats et avons bien travaillé : je vous ai sentis peu opposés au texte – d’ailleurs, vous n’aviez pas voté contre. Mais maintenant que nous sommes en séance, parce qu’il y a les caméras (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES), vous déposez une fois de plus une motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    Mme Caroline Fiat

  • partager

    Il y a aussi des caméras en commission !

    M. Erwan Balanant

  • partager

    M. Bernalicis nous a parlé de RoboCop et de Terminator. Cet après-midi, j’ai découvert « Rejettator » : Bernalicis qui rejette tout ! (Rires. – M. Ugo Bernalicis lève le poing en signe de victoire.) Franchement, c’est un peu décevant. J’étais à côté de vous en commission, monsieur Bernalicis. À un moment, je vous ai entendu dire : « Il n’y a pas vraiment de quoi s’opposer à ce texte. » Je suis donc assez surpris. Je pensais réellement que nous allions passer une bonne semaine à travailler ensemble à la consolidation des forces de l’ordre et à leur adaptation. C’est en tout cas ce que je retiens des propos du ministre : il est important que les forces de l’ordre s’adaptent, évoluent, et c’est grâce à ce texte qu’elles y parviendront.
    Encore une motion de rejet ! Décidément, on pourrait les inscrire à un compteur. À la fin de la législature, le nombre des motions que vous aurez déposées sera probablement hallucinant. Car vous, c’est le rejet sur tout, le rejet tout le temps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier (SOC)

  • partager

    Je pense que nous partageons tous ce constat : nous avons besoin d’une grande loi d’orientation et de programmation pour la sécurité et le ministère de l’intérieur. Rejoignant les propos d’Ugo Bernalicis, notre groupe déplore l’absence d’un tel texte et le manque de vision d’ensemble concernant la police et la gendarmerie, en particulier la police de proximité. Cette dernière ne peut pas se réduire à la présence sur la voie publique des policiers et des gendarmes – vous le savez très bien, monsieur le ministre. Nous sommes également très inquiets du sort qui est réservé à la police judiciaire, puisque les magistrats pourraient être éventuellement privés d’un recours à ces forces d’enquête spécialisées. Nous nous efforcerons de travailler sur ces questions dans le cadre d’un débat qui, je l’espère, sera constructif.
    Toutefois, nous reconnaissons que les crédits sont là et que ce texte promet certaines avancées intéressantes. Sur tout le territoire, les forces de l’ordre nous attendent, notamment en ce qui concerne leurs équipements, leurs rémunérations et leurs modalités et facilités de travail. Parallèlement aux actions que vous menez – il s’agit moins d’une vision d’ensemble que d’une liste d’actions, ce que nous regrettons –, nous avons la place pour un débat afin de travailler sur ces sujets. Vous faites certaines promesses : nous devons les analyser et sans doute les préciser ensemble. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas cette motion de rejet préalable. (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Erwan Balanant

  • partager

    C’est le retour de la social-démocratie !

    M. Laurent Jacobelli

  • partager

    Et les communistes, ils sont où ce soir ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal (HOR)

  • partager

    C’est le second texte et la seconde motion de rejet que nous examinons cet après-midi. L’adopter reviendrait à dire que nous sommes revenus de nos circonscriptions pour rien. Par ailleurs, ce serait manquer de respect à au moins à trois catégories de personnes.
    Premièrement, ce serait manquer de respect aux Français. Le ministre et le rapporteur ont détaillé les moyens qui sont prévus dans ce texte. Ces moyens, les Français les veulent et les attendent car ils en ont besoin. Il n’est donc pas acceptable que nous n’en débattions pas.
    Deuxièmement, ce serait manquer de respect aux personnels du ministère de l’intérieur qui, grâce à l’ensemble du texte et au rapport annexé à l’article 1er, pourront suivre une feuille de route claire et étayée, qui fixera un cadre d’action amélioré. Les moyens techniques mis en œuvre leur permettront de mieux accomplir leur travail au service de la population.
    Troisièmement – c’est sans doute ce qui a le moins d’importance aux yeux de ceux qui ont déposé la motion –, ce serait manquer de respect au travail accompli non seulement par les députés en commission mais aussi par les sénateurs, qui ont examiné le texte avant nous. Approuver cette motion, ce serait jeter tout ce travail à la poubelle et accepter d’ouvrir un débat sur un tout autre sujet et sur une tout autre politique. Vous comprendrez que le groupe Horizons et apparentés votera contre, car il souhaite débattre. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon (GDR)

  • partager

    En commission, nous avons voté contre ce texte – je tiens à rétablir la vérité, monsieur Balanant. Nous l’avons suffisamment rappelé : nous ne partageons pas les orientations proposées par le Gouvernement pour les cinq ans à venir car, selon nous, elles s’inscrivent dans la droite ligne des débats que nous avons eus sous la précédente législature pour l’élaboration de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés. Le ministre, sans rien changer, ne fait que poursuivre des orientations déjà définies. La ligne qu’il veut faire sienne est revenue de façon récurrente ces vingt dernières années : les lois sur la sécurité se sont amoncelées et ont pris un tournant sécuritaire très fort.
    Le présent texte s’inscrit dans ces logiques qui sont, je le répète, les mêmes depuis vingt ans et suscitent des slogans politiques. On en trouve d’ailleurs la marque dans les avis favorables que le ministre a émis en commission sur certains amendements – ils ont été rappelés tout à l’heure. Il a, certes, approuvé deux amendements par lesquels le groupe GDR demandait des rapports. Parallèlement, toujours en commission, le ministre s’est dit favorable à la création de 1 500 nouvelles places en centres de rétention administrative, proposée par un amendement d’Éric Ciotti. Vous avez donc fait un choix, monsieur le ministre, qui s’inscrit dans ce texte et relève d’une logique de droite d’orientation et de sécurité. Je ne comprends même pas que vous vous étonniez que les députés de gauche que nous sommes…

    M. Florent Boudié, rapporteur

  • partager

    Ne parlez pas pour tous les députés de gauche !

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    …tentent ici, de la même façon qu’en commission, de dessiner ce que devrait être la police : une police au service du peuple qui œuvre à la sûreté,…

    Mme la présidente

  • partager

    Veuillez conclure, chère collègue.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    …et non pas une police qui tente de se protéger du pouvoir du peuple. Voilà pourquoi nous voterons cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (LIOT)

  • partager

    Les députés du groupe LIOT voteront contre cette motion de rejet, pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que nous pensons que le débat doit avoir lieu dans l’hémicycle. Même après les travaux en commission, il est clair que des désaccords persistent sur ce texte. Mais si nous voulons l’améliorer, c’est ici que nous devons le faire, dans l’enceinte de cet hémicycle.
    Nous avons l’occasion de travailler régulièrement avec notre collègue Bernalicis sur des textes régaliens : nous pouvons lui reconnaître une certaine cohérence dans ses propos. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Certaines motions de rejet déposées par le groupe La France insoumise ne sont que des actes politiques et ne reflètent qu’une volonté d’obstruction. Or, dans ce cas précis, c’est une véritable différence philosophique, touchant à la conception même de nos forces de police et de gendarmerie, qui conduit nos collègues à rejeter le texte.

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Merci de le reconnaître !

    M. Christophe Naegelen

  • partager

    Ensuite, si nous nous opposons à cette motion, c’est tout simplement parce que ce texte va dans le bon sens – nous aurons toute la semaine pour en parler : en témoignent la hausse budgétaire de 15 milliards d’euros, la création de nouvelles brigades de gendarmerie et l’extension de l’amende forfaitaire délictuelle. Il prend tout simplement acte du fait que le monde évolue. C’est pourquoi il prévoit tout à la fois d’autoriser la saisie de cryptoactifs et de renforcer la lutte contre le cyberharcèlement. Ce texte est donc une chance pour les policiers et les gendarmes. Leur chance, c’est surtout que Mélenchon ne soit pas à Matignon et qu’Ugo ne soit pas place Beauvau. (Sourires.) Bref, nous voterons contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marie Lebec.

    Mme Marie Lebec (RE)

  • partager

    Je rejoins les propos de notre collègue Balanant. Pourquoi déposer encore une motion de rejet, si ce n’est par décision politique ? Au fond, je n’ai pas bien compris votre analyse, monsieur Bernalicis. Êtes-vous contre l’allocation de moyens budgétaires supplémentaires destinés à mieux équiper les forces de l’ordre et à mieux contrer la menace cyber ? Êtes-vous contre des recrutements supplémentaires, qui permettront d’accompagner nos concitoyens au quotidien ?

    M. Sylvain Maillard

  • partager

    Eh oui !

    Mme Marie Lebec

  • partager

    Êtes-vous contre le renforcement du maillage territorial, alors même que les députés de l’Isère issus de vos rangs parlaient ce matin du redéploiement dans les casernes iséroises des forces de l’ordre ? Êtes-vous contre la modernisation des équipements des forces de l’ordre et l’unification de notre modèle de gestion de crise ? En définitive, vous êtes contre tout dans ce texte.

    M. Bastien Lachaud

  • partager

    C’est un bon résumé !

    Mme Marie Lebec

  • partager

    Monsieur Bernalicis, il faut sortir de l’image d’Épinal du Gendarme de Saint-Tropez pour se projeter dans la réalité de ce que sont aujourd’hui les forces de l’ordre et l’intervention de nos gendarmes et policiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Il faut que nous puissions travailler en séance sur ce texte. C’est pourquoi, bien entendu, le groupe de la majorité votera contre cette motion de rejet. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton (RN)

  • partager

    Encore une fois, les membres de la NUPES déposent une motion de rejet. Là où nous sommes une opposition de construction, eux sont une opposition de destruction (« Oh ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ils sont contre l’augmentation des crédits, alors que les forces de l’ordre travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles et que notre pays fait face à une augmentation constante de l’insécurité. La NUPES, comme toujours, est totalement déconnectée de la réalité : elle est pour la disparition de la BAC mais contre les augmentations de peine pour les violences faites aux forces de l’ordre et les rodéos urbains et contre les caméras-piétons et la vidéoprotection. Bref, la NUPES est opposée à tout,…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Surtout à vous !

    M. Jordan Guitton

  • partager

    …notamment au bon fonctionnement des forces de l’ordre. Pourtant, ce sont des héros du quotidien qui œuvrent à la protection des Français. Certains faits d’actualité récents méritent d’être rappelés. Bayonne, 24 septembre : cinq policiers sont blessés lors d’un refus d’obtempérer. Anzin, 19 septembre : un policier est percuté et se retrouve sérieusement blessé après un refus d’obtempérer. Angers, 15 septembre : des policiers interviennent contre un rodéo urbain et se font caillasser. Marcq-en-Barœul, 8 septembre : cinq policiers sont blessés après un refus d’obtempérer. Les Mureaux, 6 septembre : un policier est traîné par une voiture après un refus d’obtempérer. Que leur proposez-vous ? Une motion de rejet !
    Les forces de l’ordre ont plus que besoin d’être réarmées moralement, physiquement et juridiquement. Nos collègues ont oublié les multiples actions héroïques de nos fonctionnaires, comme celle du colonel Arnaud Beltrame, assassiné après s’être volontairement substitué à un otage au cours de l’attaque terroriste perpétrée le 23 mars 2018 à Trèbes. Les policiers sont nos héros du quotidien, tout comme les gendarmes et les pompiers.
    Évidemment, et comme toujours, nous soutenons les policiers et les gendarmes. Par cette motion, la NUPES propose de rejeter des crédits et des moyens supplémentaires pour les forces de l’ordre. C’est pourquoi notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Laurence Cristol et M. Philippe Fait applaudissent également.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument (LFI-NUPES)

  • partager

    Nous voterons bien évidemment la motion de rejet préalable, pour toutes les raisons données par mon collègue Bernalicis. Pour ma part, je veux concentrer mon intervention sur les amendes forfaitaires délictuelles, par lesquelles un policier pourra se substituer au juge en déclarant coupable une personne seulement soupçonnée d’avoir commis un délit et inscrire les faits à son casier judiciaire. C’est en totale opposition avec les principes du droit français.

    M. Ian Boucard

  • partager

    Pas quand la personne est prise en flagrant délit !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Le droit français prévoit la présomption d’innocence : elle disparaît. Il prévoit le droit au contradictoire, c’est-à-dire le fait d’être défendu par un avocat : cela aussi disparaît. Il prévoit l’individualisation des peines en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes, et même – je sais, ça vous défrise – la possibilité de reconnaître les gens innocents : tout cela disparaît.
    Le deuxième problème, c’est que ces amendes sont discriminatoires : elles frappent d’abord les jeunes des quartiers populaires, sans possibilité pour eux de se défendre de ce dont on les accuse. (« Oh… » sur les bancs du groupe RN.) Je vais vous dire ce que vous faites, chers collègues : vous préparez la répression du mouvement contre votre réforme des retraites à 65 ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Et je le prouve.

    Mme Estelle Folest

  • partager

    Arrêtez !

    M. Antoine Léaument

  • partager

    Vous voulez infliger une amende de 500 à 1 000 euros aux lycéens et aux étudiants qui occuperont leur lieu d’études. Vous voulez infliger une amende de 800 à 1 600 euros à ceux qui bloqueront la circulation, comme le faisaient les gilets jaunes et comme le font les militants écologistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous dites créer ces amendes pour désengorger les tribunaux, mais quels tribunaux sont engorgés par des lycéens et des étudiants qui ont occupé leur fac ? Quels tribunaux sont engorgés par des personnes qui ont bloqué la circulation pour défendre leurs droits ? Vous ne voulez pas désengorger les tribunaux, vous préparez un arsenal législatif pour faire peur à ceux qui utiliseront ces modes d’action parce que vous savez que ce sont les plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Voilà ce que vous faites.
    Si jamais notre motion de rejet préalable n’est pas adoptée, j’invite ceux qui nous écoutent à l’extérieur de l’hémicycle à signer la pétition que nous avons lancée sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard (LR)

  • partager

    Cela ne surprendra personne : le groupe Les Républicains ne votera pas en faveur de la motion de rejet préalable. Celle-ci a cependant l’intérêt de caractériser ce qui nous sépare idéologiquement de nos collègues de La France insoumise : nous, Républicains, défendons en permanence les forces de l’ordre car nous respectons ceux, policiers et gendarmes qui, chaque jour, revêtent l’uniforme pour défendre les citoyens et les lois de la République. Notre collègue a défendu de manière très claire le désordre ainsi que ceux qui veulent menacer, voire casser les forces de l’ordre. (Mme Anne Le Hénanff applaudit.)

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Eh oui !

    M. Ian Boucard

  • partager

    Nous ne serons jamais de votre côté, collègue Bernalicis : nous serons toujours du côté des forces de l’ordre.
    Comme nous l’avons souligné en commission, ce projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est nécessaire mais pas suffisant. Ces 15 milliards d’euros alloués aux forces de l’ordre sur cinq ans sont en effet nécessaires, tout comme les 8 500 recrutements de policiers et de gendarmes. Mais, au cours des débats, nous proposerons d’aller plus loin en renforçant la Lopmi pour permettre aux gendarmes, aux policiers et aux douaniers de faire plus efficacement leur travail au service de la République, des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et Dem.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix la motion de rejet préalable

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        180
            Nombre de suffrages exprimés                174
            Majorité absolue                        88
                    Pour l’adoption                35
                    Contre                139

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
    (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

  • partager

    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra