XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du lundi 12 juin 2023

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Deuxième séance du lundi 12 juin 2023

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Frédéric Valletoux et plusieurs de ses collègues visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels (nos 1175, 1336).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Nous le savons tous ici, la crise de notre système de santé et les difficultés d’accès aux soins qui en résultent prennent malheureusement, pour nos concitoyens comme pour les soignants, des allures de jour sans fin. Cette crise est ancienne : c’est un long délitement aux ressorts complexes, qui doit autant au manque d’anticipation qu’à la vision malthusienne et conservatrice longtemps partagée par de nombreux gouvernements et par de nombreux acteurs représentatifs de la profession. Au-delà des causes, sur lesquelles on pourrait disserter longtemps mais qui ne sont pas le sujet ce soir, cette crise menace l’un des ciments de notre pacte républicain : la promesse d’un égal accès pour tous à une prise en charge médicale qui allie la proximité, la qualité et la gradation des soins en fonction des besoins, tout cela dans un système universel qui doit assurer la protection de chacun.
    La proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter devant vous procède de convictions que nous sommes nombreux, je le sais, à partager sur ces bancs. C’est la conviction qu’il est temps de faire davantage confiance aux acteurs de terrain, pour faire émerger une organisation des soins à la mesure des besoins et des aspirations de chaque territoire. C’est la conviction qu’il est temps de faciliter, au plus près du terrain, le partage et les coopérations entre tous ceux qui, directement ou indirectement, participent à cette mission du soin – non seulement, bien sûr, les professionnels de tout statut, mais aussi les collectivités locales, les administrations et les associations de patients.
    Le temps est venu d’accélérer un virage déjà amorcé ces dernières années, notamment par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite loi Ma santé 2022, voulue par le président Emmanuel Macron et son premier ministre d’alors, Édouard Philippe. Il s’agit de considérer que l’avenir de notre système de santé passe autant par des réformes structurelles nationales – à l’exemple de celle du financement, annoncée pour le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – que par la responsabilisation des acteurs de proximité, pour faire émerger des réponses adaptées aux spécificités de chaque territoire.
    Il revient à l’État, au Gouvernement et à la représentation nationale de définir les règles générales et les priorités attendues de notre système d’assurance maladie, tout en veillant au financement de l’ensemble. Mais il revient aux acteurs de terrain de réfléchir et d’imaginer ensemble, en fonction des besoins propres à chacun, la déclinaison territoriale de ces priorités nationales. Je pense au virage vers la prévention, au meilleur partage de la permanence des soins ou encore à la meilleure répartition des forces soignantes dans les territoires. Qui connaît, mieux que les acteurs de terrains, les besoins en santé de la population dont ils ont la charge ?
    Les Français sont inquiets face à ce délitement de leur système de santé, les soignants sont soumis aux contraintes d’un système trop administré et les patients sont déboussolés. Le temps est donc venu que, de ces bancs, émergent des mesures pragmatiques, concrètes et utiles, d’abord pour nos concitoyens, qui nous interpellent en permanence à ce sujet, mais aussi pour les professionnels de santé, qui, en ville comme à l’hôpital, attendent des évolutions.
    Pour rénover un système de santé trop atomisé, cloisonné et déséquilibré – les acteurs n’ayant pas tous les mêmes obligations, les secteurs de la ville et de l’hôpital ne communiquant pas assez, de trop nombreux professionnels exerçant encore de façon isolée –, nous sommes appelés à prendre des mesures fortes. Toutefois, personne n’a de baguette magique et il n’y a pas de solution miracle ; tout le monde le sait, notamment ici. Néanmoins, les débats au sein de la commission des affaires sociales nous ont montré que, sur ce thème primordial, nous pouvions converger vers des réponses concrètes, pouvant être tant des mesures ciblées que des réformes structurelles.
    Place désormais à l’action et à l’impulsion d’une dynamique nouvelle, pour renforcer l’accès aux soins et rénover notre système de santé, qui compte encore, quoi que certains en disent, parmi nos trésors nationaux. Il nous faut faciliter la coopération entre les différents acteurs – soignants du public et du privé, élus locaux et services des collectivités, agents de l’État et des organismes sociaux, représentants des patients –, en les faisant travailler ensemble, de manière plus efficace, pour améliorer la prise en charge et le parcours des patients.
    Nous devons ainsi nous inspirer de la démarche du Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé, souhaité par le Président de la République, en réunissant dans les bassins de vie l’ensemble des parties prenantes de la santé. La vocation de la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner est d’abord de faire confiance à l’intelligence collective et à la créativité du terrain pour faire émerger des stratégies en santé adaptées à chaque territoire. Ces principes sont l’ADN du texte.
    L’article 1er tend à organiser le dialogue, la concertation et le partage de stratégies communes en santé, en donnant du poids et du sens aux conseils territoriaux de santé (CTS). Créés par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, les CTS demeurent souvent des coquilles vides. Tel ne sera plus le cas demain, puisqu’ils auront pour mission d’élaborer le projet territorial de santé, d’assurer son suivi et d’évaluer sa mise en œuvre, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS). Afin de donner du sens à la gouvernance territoriale, ils définiront les objectifs prioritaires en matière de permanence des soins, d’accès aux soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.
    Le dispositif tendra ainsi à responsabiliser les acteurs de terrain quant à la nécessité de réduire les inégalités de densité démographique. C’est une mesure importante, à l’heure où plus de 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux. La composition du CTS sera renforcée : tous les acteurs du territoire devront se coordonner autour de stratégies qu’ils mettront ensuite en œuvre.
    Nous souhaitons aussi donner un coup d’accélérateur aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), organisation propre aux soins de ville, en y rattachant automatiquement les professionnels de santé et les centres de santé du territoire considéré. D’ores et déjà, certaines CPTS ont construit des projets aboutis en proposant une prise en charge plus efficace des patients, comme c’est le cas dans ma circonscription du sud de la Seine-et-Marne. Il convient désormais d’aller plus loin : les CPTS doivent fédérer davantage de soignants libéraux, et il faut accélérer leur déploiement partout en France. C’est toute l’ambition de l’article 3.
    Vingt ans après la suppression de l’obligation de garde pour les médecins de ville, il est temps que nous opérions un rééquilibrage entre tous les professionnels, de sorte qu’ils puissent mieux participer à la permanence des soins. La permanence des soins en ambulatoire a été précisée par la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi Rist. Complémentaire de cette disposition récente, l’article 4 de la présente proposition de loi prévoit que les établissements de santé privés participeront davantage à la permanence des soins, aux côtés des hôpitaux. Il s’agit d’une mesure de bon sens, soutenue par les représentants des établissements privés.
    La principale difficulté de notre système de santé tient aussi à la démographie médicale : nous n’avons pas assez de professionnels de santé pour répondre aux besoins, et les années qui viennent s’annoncent plus difficiles encore, des tensions extrêmes étant à craindre, notamment dans les zones sous-dotées.

    M. Pierre Dharréville

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    Il y a donc des zones sous-dotées ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Aussi l’article 5 vise-t-il à étendre le contrat d’engagement de service public (CESP) à tous les professionnels en médecine, en odontologie, en maïeutique et en pharmacie, à l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé. Cela constituera un plus pour lutter contre la désertification médicale.
    Parce que le maintien de l’offre de soins dans un territoire donné est une priorité, les articles 9 et 10 visent à renforcer l’intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Ces dispositions ont d’ailleurs fait l’objet d’un dialogue étroit avec l’ensemble des ordres concernés et les syndicats de Padhue. L’exercice de ces derniers sera facilité grâce à l’octroi, selon les cas, d’une autorisation d’exercice provisoire ou d’une nouvelle carte de séjour pluriannuelle.
    L’article 7 tend à interdire l’exercice de l’intérim en début de carrière pour tous les soignants. Ce dispositif permettra aux jeunes professionnels d’accéder à des modes d’exercice stables, sans que l’on aggrave la pénurie sur les postes de titulaires dans les établissements de santé ou dans les cabinets de ville.
    Nous savons également que la refonte du système de santé doit passer par une évolution du fonctionnement de l’hôpital. C’est pourquoi l’article 6 prévoit de simplifier la conduite de projets à l’échelle du groupement hospitalier de territoire (GHT). À ce propos, je me réjouis de l’adoption par la commission des affaires sociales d’un amendement qui vise à étendre les pouvoirs de délibération du conseil de surveillance, afin de réaffirmer le rôle stratégique de cette instance dans la gouvernance hospitalière.
    Nous avons tous en tête l’affaire Orpea. Elle a mis en lumière la complexité des montages juridiques utilisés par les établissements privés, qui avaient rendu les autorités de régulation aveugles face à des pratiques contraires à l’éthique, voire frauduleuses. C’est pourquoi nous proposons de renforcer le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent.
    Je sais à quel point le sujet de la santé nous touche tous, chers collègues, dans nos circonscriptions respectives. Le nombre d’amendements déposés, par des députés de tous les groupes, le montre bel et bien. L’amélioration de l’accès aux soins ne peut être l’œuvre d’un seul parti politique, et je me réjouis de la coconstruction que nous avons engagée sur ce texte, en amont de sa discussion en séance publique. Ainsi, j’ai procédé à de nombreuses auditions et j’ai eu des discussions nourries et fructueuses avec le groupe de travail Accès aux soins, animé par Guillaume Garot, Philippe Vigier et tant d’autres. Ces discussions ont permis de dessiner de nombreuses convergences.
    Je remercie mes collègues pour la qualité des débats en commission des affaires sociales : à l’heure où la santé est la préoccupation majeure des Français, ils ont montré leur volonté de faire bouger les lignes, en proposant des solutions concrètes, et sans faire d’obstruction. Nous avons adopté de nombreuses mesures, et je m’en réjouis, car il s’agit d’avancées. Je pense par exemple à l’instauration d’un préavis de six mois pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui ont l’intention de quitter leur lieu d’exercice. Cela doit permettre aux autorités d’anticiper chaque situation et de disposer du temps nécessaire pour s’organiser afin que l’accès aux soins continue d’être assuré.
    L’investissement de mes collègues du groupe Horizons et apparentés a été entier. Nous leur devons notamment l’adoption d’un amendement qui vise à ouvrir aux maisons de santé et aux cabinets libéraux situés en zone sous-dense le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux. Ce sera, pour les collectivités territoriales, un outil supplémentaire dans la lutte contre la désertification médicale.
    J’en ai la conviction, de nombreux points feront encore l’objet de débats, et ce texte sera certainement amélioré par l’examen en séance publique. Bien sûr, la proposition de loi ne résoudra pas l’ensemble des problèmes auxquels est confronté notre système de santé – bien malade, je l’ai dit –, mais elle constitue une réponse utile et concrète pour l’ensemble des soignants et, surtout, pour l’ensemble des Français. Le système de santé est à genoux et nos concitoyens en sont, ne l’oublions pas, les premiers perdants. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et RE. – M. Nicolas Turquois applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

    M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention

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    Le fonctionnement de notre système de santé est complexe, trop administré, trop centralisé. Il y a eu, je crois, deux temps dans l’histoire de ce système et, plus largement, dans celle de nos institutions. J’ai un immense respect pour ceux qui ont bâti notre système national de protection sociale, à une époque où nous avions besoin d’un pouvoir central, directeur et exhaustif pour reconstruire un pays meurtri. Faire aujourd’hui le constat des limites de ce modèle ne revient pas à nier la grandeur des choses érigées.

    M. Nicolas Sansu

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    Ambroise Croizat !

    M. François Braun, ministre

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    Moderniser le fonctionnement de notre système de santé pour l’adapter aux défis et aux réalités de notre temps est, au contraire, une nécessité pour le préserver, et pour que la promesse intangible de soins adaptés et de qualité, accessibles à tous et partout, continue de bénéficier aux générations actuelles et futures ; c’est réunir les deux temps de notre histoire.
    La crise sanitaire de la covid-19, moment tout à fait exceptionnel, a imposé ce fait avec une acuité nouvelle : au fil des vagues épidémiques ont été inventées, partout en France, de nouvelles solutions ; localement se sont tissées des solidarités nouvelles. Ce dont notre pays et notre système de santé ont besoin, en 2023, c’est d’ouverture, d’agilité et de confiance, pour les acteurs de santé et dans les territoires, tout cela au service des Françaises et des Français.
    J’y reviendrai, rien ne serait pire que de lier, dans la loi, les mains des acteurs de la santé, ce qui les empêcherait de déployer cette agilité si essentielle face aux défis que nous connaissons. En effet, si l’État doit rester le garant des valeurs qui fondent notre système, et si c’est au niveau national que doivent être définies les grandes priorités, l’enjeu est de faciliter l’émergence de réponses territoriales, l’unique horizon devant être l’amélioration de l’accès aux soins et la lutte contre toutes les inégalités de santé, notamment géographiques.
    Pour transformer le fonctionnement et l’organisation territoriale de notre système de santé de sorte qu’il réponde à ces objectifs, il n’y a pas de solution miracle – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur. Nous faisons face à une crise démographique. Il s’agit ici non pas de régler des comptes a posteriori, mais d’énoncer un fait. Trop longtemps nous avons voulu rationner l’offre pour réduire les coûts, notamment au moyen du numerus clausus. Sa suppression, au cours de la législature précédente, est un acquis important de cette majorité : progressivement, nous formons davantage de professionnels, en moyenne 15 % de plus par an. Je le sais, ce n’est pas encore assez. Je sais aussi combien la situation pèse sur les soignants, dont certains font face à des situations de véritable épuisement. J’en suis bien conscient, et nous allons poursuivre collectivement l’effort. Je pense notamment à l’action que nous menons avec les régions pour former davantage.
    Toutefois, je tiens à le dire, ce n’est pas d’un coup de baguette que nous supprimerons les déserts médicaux et que nous réglerons les difficultés structurelles qui affectent notre système de santé ! L’affirmer serait faux ; le faire croire serait malhonnête.
    À propos de l’hôpital, par exemple, j’entends ou je lis souvent, notamment dans les lettres que vous m’envoyez : « Mais pourquoi ne recrutez-vous pas tant de milliers d’infirmiers ou d’aides-soignants ? » Des postes sont bel et bien ouverts, et nous travaillons sur l’attractivité de ces métiers,…

    M. Yannick Monnet

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    Et les salaires ?

    M. François Braun, ministre

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    …mais nous n’avons pas encore suffisamment de professionnels de santé pour couvrir ces postes.
    Je crois qu’avec constance et ambition, nous arriverons, tous ensemble, à créer les outils et les organisations qui permettent, dans chaque territoire, de trouver les solutions aux défis et aux besoins de la population. Telle est la méthode que je déploie depuis mon arrivée au ministère de la santé et de la prévention. Elle s’incarne notamment dans la démarche du CNR santé, qui a permis, par le rassemblement des citoyens, des élus et des professionnels de santé autour de la coconstruction de ces solutions locales, de donner un souffle nouveau à l’idée de « démocratie en santé ».
    Cette méthode, elle prend corps aussi dans toutes les réformes que nous travaillons avec vous, au Parlement. Ma politique n’est pas celle de l’immobilisme, mais celle de la recherche de l’adhésion à un projet collectif.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Des paroles, des paroles !

    M. François Braun, ministre

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    Je pense, bien sûr, à la loi récemment adoptée, sur la proposition de Stéphanie Rist, portant sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Cette loi permettra d’accélérer le décloisonnement de notre système de santé dans le respect de la place centrale du médecin généraliste. Je le répète : nous lancerons rapidement les expérimentations sur l’accès direct à certaines professions en CPTS ainsi que l’expérimentation permettant aux infirmiers de réaliser des certificats de décès. Je sais que le groupe Renaissance y est particulièrement attaché.
    Cela nous amène au texte dont nous débutons l’examen ce soir : la proposition de loi dite Valletoux, du nom de son rapporteur, que je salue et que je remercie pour le travail constructif que nous menons. Ce texte porte, lui aussi, sur l’amélioration de l’accès aux soins, cette fois-ci par l’engagement territorial des professionnels de santé. Je veux avoir un mot pour les responsables de texte des différents groupes ainsi que pour le travail important de coconstruction qui a été mené entre le rapporteur, les groupes parlementaires et le Gouvernement. Ce travail m’a amené à lever le gage de plusieurs amendements proposant des mesures attendues dans les travées de cet hémicycle. Je pense, par exemple, à la suppression, sous certaines conditions car nous devons conserver le principe du médecin traitant, de la majoration liée à l’absence de celui-ci dans le parcours de soins.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ah, enfin !

    M. François Braun, ministre

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    C’est un apport bienvenu au texte que nous devons à l’ensemble des groupes, de la majorité comme de l’opposition. Je pense aussi à la création de l’infirmier référent, en lien avec le médecin traitant, pour les patients en affection de longue durée. Monsieur le rapporteur, avec le groupe Horizons, mais aussi avec le groupe Renaissance, vous y teniez ; si l’amendement est voté en séance, cela se traduira dans la loi. C’est un apport important.
    Refondation, confiance, engagement territorial. En donnant corps à nos principes directeurs, nous progressons dans la transformation de notre système de santé. Les dispositions du texte nous permettent de concrétiser plusieurs avancées afin d’aller plus loin dans ce qu’il y a de plus important pour notre système de santé : la mobilisation collective de tous les acteurs autour du besoin de santé de chaque territoire. Lors de la dernière réunion plénière du CNR santé, au début du mois dernier, je m’y suis engagé : « Parce que la santé a besoin de ce lieu où les parties prenantes peuvent porter ensemble des solutions au niveau de chaque territoire, avec les parlementaires, nous allons travailler à pérenniser ces CNR territoriaux, dans tous les bassins de vie. »
    Grâce à ce texte, le conseil territorial de santé, qui est l’organe de démocratie sanitaire du territoire, est précisé dans sa définition, élargi dans sa composition, renforcé dans ses missions et ses responsabilités, ceci pour lui permettre de répondre aux objectifs prioritaires du territoire en matière d’amélioration de l’accès à la santé et d’organisation de la continuité des soins. Un exemple très concret d’un domaine où le CTS aura tout son rôle à jouer est la mise en place et l’amélioration des guichets uniques pour fournir des ressources, informer sur les aides disponibles et accompagner les professionnels dans leurs démarches. C’est essentiel pour unifier les efforts de toutes les institutions en faveur de l’installation et de l’amélioration des conditions d’exercice des professionnels de santé. À ce titre, je salue le travail de Jean-François Rousset, ancien élu local et responsable de groupe sur ce texte, très mobilisé, et qui est pour moi un appui important dans ce dossier. Je signale aussi l’amendement cosigné par nombre de parlementaires – je citerai, sans être exhaustif, Philippe Vigier, Fabrice Brun et Guillaume Garot – visant à préciser et étendre le champ de ce guichet unique, qui a été adopté en commission.
    Dans notre effort d’appui aux professionnels, je veux souligner l’important travail que nous menons en faveur de la simplification. Ce travail m’a permis d’annoncer, en février dernier, un plan de quinze mesures concrètes pour réduire les tâches administratives des médecins et redonner du temps médical. Nous en ferons un premier bilan cet été.
    La notion d’engagement territorial, qui est le fil rouge de cette proposition de loi, recouvre bien sûr la volonté d’embarquer tous les acteurs d’un territoire et de les impliquer plus largement. Mais l’engagement territorial est aussi synonyme de responsabilité. Parce que les problèmes sont collectifs et que la santé est résolument l’affaire de tous, il faut que chacun partage le diagnostic sur l’évolution des besoins et participe à la réponse. C’est une condition sine qua non du succès de la démarche. Cette démarche d’engagement et de responsabilité, j’y crois fermement et, surtout, je suis convaincu que c’est la seule qui soit de nature à apporter une réponse efficace et durable.
    Cette démarche, je l’oppose à tous ceux qui appellent de leurs vœux des mesures de coercition empêchant les médecins de s’installer à tel ou tel endroit. Si elles peuvent sembler un remède attractif à court terme – et politiquement porteur –, créer des rigidités et des contraintes serait totalement contre-productif et ne ferait que détourner plus encore de l’exercice de la médecine, et en particulier de la médecine générale, dont nous savons qu’elle constitue un pilier incontournable de l’accès à la santé de nos concitoyens.
    Ces débats heurtent nos médecins. La semaine dernière encore, à Mauguio, dans l’Hérault, j’ai pu échanger avec des médecins généralistes de terrain qui m’ont dit leur désarroi devant les débats nationaux. Ils s’impliquent pourtant sans compter au service de leurs patients. Ils sont les premiers meurtris quand ils doivent refuser un patient. Ils ne sont pas responsables des choix du passé, tout comme les jeunes étudiants, et n’ont pas vocation à résoudre toutes les carences causées par d’autres. J’ai du respect pour les médecins généralistes et pour les médecins libéraux de France. Je connais les difficultés et les frustrations qu’ils vivent au quotidien, mais aussi le lien privilégié qu’ils ont avec leurs patients. Les médecins généralistes assurent plus de 230 millions de consultations prises en charge par la sécurité sociale. Ne privons pas les Français de l’accès à des soins remboursés dont ils ont besoin.
    Alors que nous déployons, avec l’assurance maladie, notre plan pour faire en sorte que chaque patient en affection de longue durée (ALD) puisse retrouver un médecin traitant ou une équipe traitante, je tiens à souligner qu’en favorisant l’exercice collectif et coopératif avec les autres professions de santé – je sais que c’est un combat mené par Mme Rist – ainsi que le travail aidé, notamment grâce à l’assistant médical, nous pouvons faire en sorte que chaque Français ait un médecin traitant, où qu’il réside.
    Nous élargissons, en outre, la responsabilité collective d’organisation de la permanence des soins, qui revient aux établissements et aux professionnels qui les composent, dans le public comme dans le privé. Il s’agit de mettre en œuvre cette responsabilité collective, y compris en rééquilibrant le dispositif entre le secteur public et le secteur privé pour réduire la pression sur l’hôpital, qui est trop souvent la seule lumière allumée du territoire. Concrètement, si vous votez les amendements proposés par M. Valletoux et le Gouvernement, vous permettrez au directeur général de l’ARS de lancer un appel à candidatures dans chaque territoire, pour que tous les établissements puissent se positionner en favorisant des schémas de coopération.
    Les établissements sont prêts à alterner et à partager la contrainte quand ils ne peuvent pas assurer seuls une ligne de garde ; ainsi, un établissement public pourrait assumer la permanence des soins une semaine et, la semaine suivante, ce serait la clinique voisine qui prendrait le relais. Si et seulement si aucune organisation n’est proposée par les acteurs locaux du territoire, le directeur général de l’ARS pourra solliciter tout établissement de santé et les professionnels qui y exercent pour assurer ou contribuer à la permanence des soins, en établissement ou au sein d’autres structures soumises à autorisation. Cela s’inscrit dans notre effort global pour assurer à chacun de nos concitoyens une réponse à son besoin de santé, quelle que soit l’heure et quel que soit le lieu.
    Par ailleurs, j’ai présenté ce matin la réforme créant une quatrième année pour le DES – diplôme d’études spécialisées – de médecine générale, qui vise à faciliter l’exercice et l’installation des jeunes médecins en zone sous-dense.

    M. Pierre Dharréville

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    Que de contorsions !

    M. François Braun, ministre

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    Ce sont environ 3 600 futurs médecins qui vont bientôt se mobiliser dans vos circonscriptions.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce ne seront pas des médecins en plus !

    M. François Braun, ministre

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    Ce texte vient également renforcer le lien entre les études de santé et l’installation en territoire sous-doté. Nous élargissons aussi le contrat d’engagement de service public en ouvrant ce dispositif à tous les professionnels en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie.

    M. Pierre Dharréville

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    Il faut aller plus loin !

    M. François Braun, ministre

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    En outre, j’ai entendu l’appel à ouvrir le CESP dès la deuxième année, lancé par plusieurs groupes de la majorité et de la gauche de l’hémicycle. J’y suis favorable. Nous allons donc lever le gage.

    M. Guillaume Garot

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    Merci !

    M. François Braun, ministre

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    Puisque nous parlons des études en santé, j’entends la volonté de Mme Rist et du groupe Renaissance de mieux protéger les internes. J’y suis sensible et nous y reviendrons lors des débats.
    Je tiens à dire, puisque nous parlons de protection, que plusieurs parlementaires de la majorité ont accompagné le Gouvernement dans le dépôt d’un amendement pour mieux lutter contre les violences faites aux soignants et aux agents de santé. Cet amendement a été travaillé avec la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo, que je remercie. Je l’ai dit : tolérance zéro ! Si vous votez l’amendement, les établissements pourront directement porter plainte lorsqu’ils connaîtront des faits de violence.
    Plus largement, je veux saluer le débat mené en commission des affaires sociales et les apports pertinents venus d’horizons divers. Je pense, par exemple, au fait de préciser dans la loi que c’est le besoin de santé du territoire qui prime pour structurer l’offre de formation et je serai favorable à l’amendement déposé par M. Neuder visant à renforcer juridiquement ce principe. Je pense aussi à la mesure instaurant un préavis de six mois en cas de départ du lieu d’exercice pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, ce qui permettra aux acteurs locaux de préparer et d’organiser plus sereinement leur remplacement. Je pense enfin, sans être exhaustif, à l’inclusion des professionnels de médecine scolaire dans les CPTS ou encore à la simplification des autorisations. Bref, le travail de tous a nourri et continuera de nourrir le texte.
    La proposition de loi comporte également un important volet permettant d’avancer dans la modernisation du fonctionnement de notre hôpital, conformément à ce qui avait été annoncé par le Président de la République à Corbeil-Essonnes, lors de ses vœux aux acteurs de la santé. Nous donnons la possibilité aux groupements hospitaliers de territoire d’acquérir la personnalité morale, pour permettre aux hôpitaux d’un territoire d’aller encore plus loin dans la coopération interétablissements. Nous renforçons l’information disponible au sein du conseil de surveillance, pour impliquer davantage les parties prenantes dans la gouvernance hospitalière. Je tiens à saluer votre amendement, monsieur le rapporteur, qui a permis de renforcer le conseil en tant que lieu de débat tout en empêchant les blocages administratifs ; je sais que M. Peytavie y était attentif, au vu de l’amendement qu’il avait proposé en commission.
    Puisque je parle de blocage administratif, permettez-moi une courte incise que m’inspirent certains autres amendements. Oui, l’accès à la santé est un enjeu majeur et difficile, mais prenons garde : une loi trop fermée, trop rigide, peut nous empêcher d’agir efficacement dans les territoires. Ne raidissons pas et ne suradministrons pas la santé ; gardons des souplesses, par exemple, sur la composition du CTS, ses moyens et son cadre d’action, ou encore sur les liens entre les ARS, les hôpitaux et les universités. J’entends néanmoins, à travers ces amendements, la demande que vous formulez d’une puissance publique forte qui protège nos concitoyens. C’est aussi mon ambition. Construisons, ensemble, un texte qui la rende possible sans ankyloser inutilement nos cadres d’action.
    J’ai été sensible au débat ouvert par M. Clouet, entre autres, sur la cartographie de l’offre de santé. Je me satisfais du compromis que nous avons collectivement trouvé et j’espère que les amendements qui le traduisent seront adoptés. Ces amendements nous donneront les moyens de construire un indicateur pertinent et, surtout, réalisable.

    M. Guillaume Garot

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    Très bien !

    M. François Braun, ministre

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    En outre, et vous savez que c’est une disposition qui me tient à cœur, nous actons l’interdiction de l’intérim en début de carrière soignante, dans la droite ligne de l’entrée en vigueur du plafonnement des rémunérations. Cela nous permet de stabiliser et de renforcer les collectifs de travail hospitaliers, mais aussi de mieux accompagner les jeunes soignants dans le passage du statut d’étudiant à celui de professionnel de santé.
    Mesdames et messieurs les députés, il est possible de trouver des solutions aux difficultés de notre système de santé par la confiance donnée aux acteurs de terrain, pour susciter leur engagement, encourager leur meilleure coordination et renforcer leurs responsabilités avec, comme pierre angulaire, une meilleure organisation territoriale des soins. Je l’ai dit d’emblée, ce texte s’inscrit dans un chantier plus large au service de nos concitoyens et des professionnels. Il s’inscrit dans la continuité des travaux que nous menons ensemble et qui ont déjà permis l’aboutissement de plusieurs textes importants, qui participent de cette action globale. J’ai cité la loi Rist, mais il y a aussi la loi Khattabi du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, qui a servi de modèle pour le contrôle des cliniques privées et de leurs sociétés satellites que nous mettons en place dans ce texte.
    Aussi, avant de passer le relais à Agnès Firmin Le Bodo, je tiens à saluer tous les députés qui se mobilisent autour de ce texte important pour améliorer la santé et renforcer l’accès aux soins de nos concitoyens. Nous avons mis au point des apports pertinents et nous l’avons fait ensemble, aussi bien avec la majorité qu’avec les oppositions constructives, preuve que, sans renier nos différences politiques, nous pouvons travailler au service de l’intérêt général – au fond, le seul qui compte. Je ne doute pas que cet état d’esprit sera le nôtre pour les débats à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé

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    Nous partageons le constat lucide à l’origine de cette proposition de loi : la santé et l’accès aux soins sont devenus la première préoccupation des Français. Trop souvent, nos concitoyens s’inquiètent, à juste titre, des difficultés et des délais pour obtenir un rendez-vous. Parfois aussi, et c’est particulièrement le cas pour les patients atteints de maladies chroniques, ils s’inquiètent de ne pouvoir trouver le médecin traitant dont ils ont besoin.
    Ces difficultés, le Gouvernement les mesure pleinement. C’est tout l’enjeu de notre action. Aux côtés de François Braun, la ministre de l’organisation territoriale et des professions de santé que je suis est pleinement mobilisée, depuis bientôt un an, avec la majorité, pour apporter des solutions. Le temps n’est plus aux constats, lesquels sont largement partagés, mais aux réponses. Notre cap est très clair : trouver des solutions concrètes pour améliorer le quotidien des Français et continuer de réformer notre système de santé pour un accès aux soins de qualité.
    Depuis le 4 juillet dernier, j’ai réalisé plus d’une centaine de déplacements au plus près des professionnels de santé. J’ai parcouru notre pays avec une méthode, celle d’avancer pour les territoires, avec les territoires et à partir des territoires.
    Ces nombreux témoignages de terrain ont conforté ma conviction selon laquelle il n’existe pas de solution unique, miraculeuse, qui pourrait résoudre nos problèmes. À cet égard, je sais que nous débattrons ici même, dans les prochains jours, de la liberté d’installation des médecins.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Un vrai débat !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    La régulation des médecins constitue typiquement une fausse bonne solution, qui peut paraître miraculeuse en théorie mais qui, dans la pratique, n’apportera pas de réponses pour nos concitoyens.

    M. Nicolas Sansu

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    Vous faites comme si vous saviez tout ! C’est vrai que vos solutions, elles fonctionnent très bien !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Réguler le manque ne résoudra malheureusement pas nos problèmes. On m’a toujours appris que zéro fois zéro fait toujours zéro, et c’est bien la situation à laquelle nous sommes confrontés. Il n’existe pas de territoires où il y aurait trop de médecins : ce n’est pas vrai ! Et vous qui êtes sur le terrain, au plus proche de vos administrés, vous le savez.

    M. Guillaume Garot

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    C’est un syllogisme !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Je serais curieuse de savoir qui est prêt à me dire : « Oui, il y a trop de médecins dans mon territoire ! ».

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il y en a qui en ont plus que d’autres !

    M. Pierre Dharréville

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    Ça fait dix ans qu’on nous dit ça !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Oui, je voudrais bien savoir qui serait prêt à l’affirmer. Il n’y a pas de solution miracle, disais-je. C’est bien un ensemble de réponses, territorialisées et adaptées aux problématiques locales, qu’il nous faut apporter.
    C’est dans cette philosophie que s’inscrit la présente proposition de loi. Je tiens à saluer le rapporteur du texte – cher Frédéric Valletoux – pour ce travail ambitieux qui mobilise de nouveaux leviers en faveur de l’accès aux soins, ainsi que l’ensemble des parlementaires ayant contribué à enrichir ce texte en commission des affaires sociales, de façon transpartisane et constructive.
    Permettez-moi donc de m’arrêter quelques instants sur quelques-unes de ces solutions nouvelles sur lesquelles nous travaillons au quotidien : la proposition de loi que vous allez examiner introduit à leur propos des évolutions intéressantes.
    Notre premier objectif est primordial : il vise à dégager du temps médical pour offrir plus de solutions à nos concitoyens. Cela passe bien entendu par une meilleure utilisation de toutes les compétences des professionnels de santé et par un plus grand partage des tâches entre professionnels médicaux et paramédicaux.
    Nous avons réalisé, avec votre aide, des avancées majeures en ce sens, et l’ensemble des travaux que nous avons engagés quant à la refonte du métier infirmier ou aux protocoles de coopération doivent nous permettre de continuer à avancer dans cette direction.
    Cela passe aussi par le déploiement massif d’assistants médicaux. Un assistant médical, ce sont deux consultations libérées par jour et par médecin : voilà une solution concrète et pragmatique. Vous le savez, nous avons pour objectif de faire passer leur nombre à 10 000 d’ici la fin de l’année ; c’est ambitieux, bien sûr, mais nécessaire. Je présenterai dans les prochains jours un plan « 10 000 assistants médicaux » qui détaillera de nouveaux leviers pour atteindre cet objectif.
    Dégager du temps médical, c’est également travailler sur la situation des Padhue, qui font l’objet des articles 9, 10 et 10 bis de la proposition de loi. Nous en débattrons lors de leur examen, mais je souhaite présenter la philosophie desdits articles, car si le Gouvernement les soutient pleinement, les interrogations qu’ils suscitent au sein de la représentation nationale sont légitimes.
    Vous le savez, j’ai souhaité, dès mon arrivée au ministère, engager une action résolue pour mieux accompagner les Padhue dans leur parcours d’autorisation d’exercice. La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé avait créé une procédure dérogatoire visant à régulariser les Padhue travaillant dans nos hôpitaux – parfois depuis longtemps. La procédure avait connu des retards, essentiellement liés à la crise du covid. Dès le mois de juillet, j’ai souhaité accélérer le processus pour permettre à l’ensemble des praticiens s’inscrivant dans ce cadre de voir leurs dossiers aboutir rapidement. Ce sont ainsi près de 3 800 situations qui, au titre de la procédure « stock », ont été sécurisées au 30 avril 2023.
    Mais nous ne devons pas nous arrêter là. Il nous faut apporter des réponses pérennes, efficaces et structurées à chacune des situations individuelles de ces Padhue. L’objectif n’est pas, contrairement à ce que j’ai parfois entendu, de créer un appel d’air vers une immigration incontrôlée : c’est bien de permettre à ces professionnels de santé de participer pleinement à maintenir ou à améliorer l’accès aux soins, notamment dans les zones sous-dotées. Il ne s’agit pas non plus – je l’ai aussi entendu – de vider les pays d’origine de ces professionnels.
    Les articles 9, 10 et 10 bis de la proposition de loi permettront de mieux encadrer l’autorisation d’exercice de ces professionnels, en introduisant une procédure de vérification de leurs compétences couplée avec l’attribution d’un titre de séjour adapté. C’est une avancée majeure qui nous permettra de garantir une prise en charge de qualité, tout en évitant certaines situations de blocage sur le terrain. Le Gouvernement soutiendra donc ces articles.
    Le deuxième objectif prioritaire que nous visons est une coopération et une coordination accrues entre les professionnels de santé. Cela fait l’objet d’une demande forte de leur part et devrait apporter des résultats visibles, immédiats et concrets sur le terrain. C’est particulièrement vrai s’agissant de la permanence des soins, pour laquelle la coopération et l’engagement collectif des professionnels du territoire sont essentiels ; la proposition de loi y consacre un article.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Encore faut-il qu’il y en ait, des professionnels de santé !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    C’est aussi vrai en ce qui concerne l’exercice des professionnels au quotidien : une meilleure coordination entre eux permet d’apporter plus de temps de soins à nos concitoyens.
    Les maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP, en sont un exemple frappant ; c’est pourquoi nous souhaitons accélérer leur développement. J’étais ce matin à Sisteron pour présenter notre plan d’action « 4 000 MSP fin 2027 ». Nous en sommes convaincus : il faut tout faire pour accélérer massivement le développement de cette forme d’exercice, afin de disposer de 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles sur le territoire. Un médecin installé en MSP, c’est en moyenne 130 patients de plus vus chaque année.
    À terme, ce plan devrait ainsi permettre à plus de 1 million de patients supplémentaires d’être vus chaque année par un médecin. Lors de l’examen des articles, nous défendrons d’ailleurs deux amendements visant à soutenir les MSP en difficulté et à accroître l’attractivité de ce modèle pour les professionnels. Là encore, vous le voyez, nous soutenons des solutions concrètes, qui auront des résultats visibles pour les patients.
    Cette meilleure coordination doit aussi se faire à l’échelle des territoires, grâce aux CPTS. Leur généralisation sur l’ensemble du territoire d’ici la fin de l’année est l’un de nos objectifs prioritaires. À cette fin, j’ai confié en mars à trois personnalités qualifiées la mission de réaliser un tour de France des CPTS, afin qu’ils identifient ce qui marche et ce qui marche peut-être un peu moins bien dans les structures déjà existantes.
    D’après les points d’étape dont nous disposons, les professionnels de terrain dressent un état des lieux très positif des CPTS ; ils évoquent aussi des pistes d’évolutions intéressantes. Ces pistes nourriront le plan d’action plus global que je présenterai en juillet prochain, et l’article 3 de la proposition de loi sera l’occasion de revenir sur ce sujet.
    Pour conclure, je souhaite réaffirmer qu’il n’existe pas de solution miracle. C’est tous ensemble, en faisant preuve de confiance et grâce à la mobilisation de tous les acteurs sur les territoires, que nous trouverons des réponses.

    M. Nicolas Sansu

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    Mais sans rien changer !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    C’est le sens de la démarche que nous avons engagée avec François Braun dans le cadre des volets territoriaux du Conseil national de la refondation, et c’est tout particulièrement le sens de l’article 1er du texte. À l’échelle de chaque territoire, il est essentiel que tous les acteurs concourant à l’accès aux soins – élus, professionnels de santé, établissements, patients – partagent des objectifs et des engagements pour apporter des solutions.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Si ça ne marche pas, ce sera de leur faute !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Il ne s’agit pas de nier les difficultés. Au contraire – nous le savons –, la situation du monde de la santé est compliquée. En témoignent d’ailleurs les premiers résultats du grand chantier que j’ai engagé sur la santé des professionnels de santé, mais aussi les différentes atteintes à la sécurité de soignants, qui ne cessent de croître ces dernières semaines. Un amendement du Gouvernement permettra d’apporter une réponse à ce problème ; par ailleurs, fin juin, comme nous nous y étions engagés, François Braun et moi-même présenterons un plan faisant suite à la mission qui avait été lancée en février sur ce sujet. En effet, mieux prendre soin de ceux qui nous soignent et mieux les protéger est une impérieuse nécessité.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mieux les payer, c’est bien aussi !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    Accompagner les étudiants, comme souhaite le faire Stéphanie Rist, est aussi un enjeu majeur. Nous travaillons d’ailleurs aussi avec les étudiants de toutes les professions médicales.
    Il ne s’agit pas de nier les difficultés, donc, mais bien d’avancer de façon pragmatique et efficace. Nous ne nous contentons pas de grands discours :…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pour l’instant, il n’y a que les discours !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    …comme vous le voyez à travers les quelques exemples que j’ai cités, nous proposons un ensemble de solutions concrètes, susceptibles d’apporter des résultats tangibles. Cela résume bien toute l’action du Gouvernement et de la majorité depuis 2017. Ensemble, nous y arriverons.

    M. Pierre Dharréville

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    Quel slogan !

    Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée

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    La mobilisation et l’engagement sans faille des professionnels de santé que je rencontre sur le terrain m’invitent à être raisonnablement optimiste. Notre objectif – et je crois qu’il est unanimement partagé sur ces bancs –, c’est de tout faire pour favoriser l’accès aux soins de nos concitoyens. La présente proposition de loi y participe pleinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Laurent Marcangeli

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    Bravo !

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Rousset.

    M. Jean-François Rousset

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    Nous devons toutes et tous regarder la vérité en face : l’offre médicale est aujourd’hui insuffisante en France, comme chacun ici peut le constater dans sa circonscription. Chaque année, 700 000 malades sont atteints d’une ALD et 1,6 million de Français renoncent aux soins : le constat est indéniable.
    Au-delà des chiffres, cette situation entraîne des retards dans la prise en charge de pathologies lourdes, mais aussi dans la réalisation des examens de dépistage, ainsi qu’un encombrement des services d’urgences : ce sont autant de pertes de chance, avec les conséquences que l’on connaît sur la santé des patients, notamment les plus fragiles. Le diagnostic est établi, mais quelles en sont les causes ?
    La première est incontestablement la pénurie de médecins, elle-même provoquée par la diminution constante du numerus clausus entre 1970 et 2000. Chacun se souviendra qui était aux affaires durant cette période ; chacun se souviendra aussi que c’est à l’initiative de la majorité présidentielle que le numerus clausus a été supprimé en 2018. En mettant un terme à cette léthargie politique, nous avons fait augmenter de 24 % le nombre d’étudiants admis en deuxième année de médecine entre 2018 et 2021. C’est une hausse historique, qui surpasse même les chiffres précédant l’instauration du numerus clausus.
    Si notre initiative porte ses fruits dans les universités, il faudra néanmoins attendre l’horizon 2030 avant d’en voir les effets sur le terrain. Les études de médecine sont longues ; c’est une donnée immuable avec laquelle il nous faut composer aujourd’hui. Est-ce à dire que nous devons rester patiemment les bras croisés, comme certains le suggèrent ? Nous ne le pensons pas, et nous avons d’ores et déjà agi afin de rationaliser le système de santé.
    En effet, la seconde cause du mal dont souffre l’accès aux soins en France, c’est l’insuffisance de temps médical à disposition des professionnels. Il y a quatre ans, nous lancions un dispositif de soutien à l’emploi d’assistants médicaux, afin de libérer les médecins des tâches administratives qui les empêchent de remplir leurs missions principales. Plus de 3 500 contrats ont été conclus avec l’aide de l’assurance maladie, et 10 000 assistants seront en activité d’ici 2025.
    Plus récemment, nous avons renforcé le partage de compétences entre professionnels de santé ainsi que les accès directs, afin que chacun puisse répondre efficacement aux besoins des patients. Je tiens à cet égard à saluer le travail mené par la rapporteure générale Stéphanie Rist, ainsi que les annonces faites aujourd’hui par le ministre de la santé et de la prévention concernant la quatrième année de DES de médecine générale. Nous agissons avec pragmatisme et méthode, conscients des problèmes rencontrés par nos concitoyens, mais soucieux de ne pas leur tenir un discours flatteur, pour ne pas dire malhonnête.
    Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais la régulation de l’installation des médecins libéraux – peu importe sa forme – ne fera pas apparaître des oasis dans les déserts médicaux : elle ne donnera lieu qu’à des mirages. Les travaux de la Drees – direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques –, ceux du Sénat et les études internationales publiées sur le sujet concluent tous au mieux à l’inefficacité de la méthode, au pire à une aggravation du problème. Il n’y a là aucun corporatisme, comme on peut l’entendre dire,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Si, quand même !

    M. Jean-François Rousset

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    …mais simplement le constat que j’évoquais plus tôt : à ce moment, nous ne disposons pas de suffisamment de médecins pour pourvoir tous les territoires en fonction de leurs besoins. C’est un discours de vérité que nous devons aux Français.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Justement, il faut mettre des médecins là où il y a des malades !

    M. Jean-François Rousset

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    Nous devons également leur dire que si la liberté d’installation est remise en cause, les jeunes médecins refuseront simplement d’exercer la médecine générale en libéral ;…

    Mme Annie Genevard

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    Ce n’est pas faux !

    M. Jean-François Rousset

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    …ils préféreront rejoindre les laboratoires ou les entreprises du secteur de la santé, voire, pour 10 % d’entre eux, partir à l’étranger. Ce n’est pas moi qui le dis : ce sont eux, comme le montre une étude récemment menée auprès des jeunes professionnels.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Payons leurs études !

    M. Jean-François Rousset

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    Chacun peut entendre dans mes propos la ligne claire que nous suivons : celle qui consiste à donner à chacun l’accès aux soins dont il a besoin, sans pour autant recourir à des solutions qui créeraient plus de difficultés qu’elles n’en régleraient.
    La présente proposition de loi reflète parfaitement cette position. Parce qu’elle responsabilisera les professionnels de santé sans les contraindre, parce qu’elle développera l’exercice coordonné de la médecine sans y enfermer les praticiens, parce qu’au fond, elle permettra de concilier les droits à l’accès aux soins dont doivent jouir les patients et les aspirations légitimes des professionnels de santé à bénéficier de meilleures conditions de travail, nous la voterons résolument. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Philippe Vigier applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Frappé.

    M. Thierry Frappé

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    Voici le constat : 6 millions de Français sont actuellement sans médecin généraliste traitant ; 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux ; 49 % des médecins généralistes se disent en situation de burn-out. Est-ce alarmant ? Bien évidemment ! À cela s’ajoutent 20 à 30 % de charge administrative et une augmentation inédite des déclarations d’agressions – de plus en plus violentes – sur l’ensemble des professionnels de santé.
    Dans ce contexte, monsieur le rapporteur, votre texte ressemble à un cocktail bureaucratique qui ne résoudra en rien la désertification médicale. Vous allez dire : « Que proposez-vous ? » Nous regrettons que cette proposition de loi ne propose pas la levée totale du numerus apertus et la rémunération de la consultation modulée selon le lieu d’installation, deux idées défendues par Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle. C’est avec des actions simples et immédiates que nous mettrons un terme à la désertification médicale en France.
    Face à cette urgente nécessité, votre proposition de loi présente trois axes d’action.
    En premier lieu, vous proposez le rattachement de tous les professionnels de santé aux CPTS. Or un tel rattachement enfermerait l’exercice libéral et ajouterait une nouvelle charge administrative au sein de notre système de santé. En outre, cette proposition est contraire au droit commun des contrats.
    Le deuxième axe est la création d’un CTS pour rendre responsables les professionnels de santé en matière d’égalité d’accès aux soins. Avec cet article, votre majorité minoritaire entend se défausser de sa responsabilité et faire porter le poids de la désertification médicale sur les professionnels de santé, en leur donnant la lourde responsabilité de déterminer les conditions d’égalité d’accès aux soins, ce qui n’est pourtant pas leur profession initiale.
    Troisième axe : l’assouplissement des conditions d’exercice pour les médecins étrangers sur le territoire national. Cette mesure, directement inspirée de l’article 7 du projet de loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, constate le caractère inopérant de la politique gouvernementale en matière de santé et vient priver certains pays de leurs forces vives en matière médicale.
    Le médecin que je suis vous le dit, et je ne suis pas le seul : une telle proposition de loi démontre une méconnaissance du quotidien des médecins et professionnels de santé libéraux.
    Nous pouvons cependant nous satisfaire de certains points : d’abord, la possibilité pour les étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie de se voir accorder une allocation mensuelle en contrepartie d’un engagement à exercer au moins deux ans au sein d’un territoire donné après la fin de leur formation ; ensuite, la possibilité de contrôler les cliniques privées afin d’éviter les fraudes.
    En outre, votre proposition de loi pourrait évoluer dans un sens favorable si certaines de nos idées, qui relèvent de l’évidence, étaient adoptées : exempter les femmes enceintes de la permanence de soins ; limiter l’interdiction de l’intérim médical aux deux années qui suivent le début de la carrière ; requérir le niveau C1 en langue française pour les médecins étrangers ; réintroduire dans la boucle le conseil départemental de l’Ordre des médecins, trop souvent écarté ; enfin, prendre en considération les rendez-vous médicaux non honorés, qui représentent l’équivalent du temps de travail journalier de 4 000 médecins. Si cela va sans le dire, cela va nettement mieux en le disant.
    Pour le long terme, il faut apporter des solutions sur l’ensemble du territoire national. En effet, la désertification médicale résulte de l’abandon par l’État, pendant de nombreuses années, des territoires éloignés des métropoles. Il est nécessaire de restaurer l’attractivité de nos territoires en améliorant les services de transport, l’accès à l’éducation et aux études supérieures, et j’en passe. Toutes ces thématiques font fuir les professionnels de santé de leur territoire d’origine vers les métropoles, qui répondent à des besoins évidents en matière de vie personnelle et familiale.
    Oui, il existe un urgent besoin d’agir. Oui, nous devons légiférer pour améliorer l’accès aux soins sur notre territoire. Les Français comptant sur nous, il nous revient d’être à la hauteur. En conséquence, mon groupe, le Rassemblement national, se déterminera au vu des discussions que nous aurons dans cet hémicycle. Suivant la qualité du texte final, nous déciderons de voter pour ou contre, ou bien de nous abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Dans notre pays, le principe d’égalité n’existe pas en matière de santé.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est vrai !

    M. Hadrien Clouet

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    Si vous cherchez un ou une dermatologue, vous en trouverez un pour 100 000 habitants dans l’Ain ou l’Ariège, mais quinze fois plus à Paris. Si vous cherchez un ou une dentiste, vous en trouverez trente pour 100 000 habitants dans la Somme ou la Seine-Saint-Denis, trois fois plus dans les Alpes-Maritimes ou à Paris. Si vous cherchez un ou une gynécologue dans les trois prochains jours, Doctolib vous proposera 140 rendez-vous dans la circonscription de M. Ciotti, à Nice, 45 dans la mienne en Haute-Garonne et 2 dans la circonscription de ma collègue Mathilde Hignet, en Ille-et-Vilaine.
    Face à ce constat, que propose ce texte pour garantir l’accès aux soins ? Transformer la gouvernance du système de santé : qu’une instance de démocratie sanitaire, réunissant autour de la table l’ensemble des acteurs locaux, se mette à piloter l’organisation des soins. À ce stade, nous y voyons quelques risques que le débat doit permettre d’encadrer. Aucune garantie d’égalité des soins n’est en effet possible si chaque territoire s’occupe de ses propres affaires – de manière privative, dirais-je.

    M. Damien Maudet

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    Eh oui, il a raison !

    Mme Delphine Batho

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    Absolument !

    M. Hadrien Clouet

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    Si l’ARS n’intervient qu’en second rang, les territoires s’éloigneront les uns des autres, selon que les professionnels concernés ont déjà l’habitude de travailler ensemble ou, au contraire, que tout est à bâtir. Cependant, même si nous n’avons pas une analyse convergente, nous jouerons le jeu : nos propositions – d’un nombre très réduit, vous l’aurez noté – ont pour objet de remettre votre intuition dans les rails de la démocratie sanitaire française.
    En définitive, ce texte soulève une question de méthode. Nous sommes plus de 200 parlementaires à avoir signé une proposition de loi contre les déserts médicaux (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) dans le cadre d’un groupe de travail transpartisan réunissant les groupes républicains de cet hémicycle. Elle n’a pas pu être examinée. Ce soir, monsieur Valletoux, vous nous offrez l’occasion de le faire, par le biais de quelques amendements qui en sont issus et font l’objet d’un large consensus autour de trois propositions simples.
    Première proposition : réguler l’installation des médecins, comme on le fait pour les pharmacies ou les sages-femmes, comme on le fait en Allemagne ou au Royaume-Uni, afin que chacune et chacun dispose d’une offre de soins à proximité de son domicile. C’est tout. C’est le principe plein et entier de la régulation de l’installation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES).

    Mme Béatrice Piron

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    Non !

    M. Hadrien Clouet

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    La méthode n’a rien de brutal ni de bureaucratique.

    Mme Béatrice Piron

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    Si !

    M. Hadrien Clouet

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    Chacun aurait le droit de s’installer dans toute zone sous-dotée de notre pays. J’entends dire que la France ne serait qu’un grand désert médical : tant mieux, ils pourront aller partout si cela est vrai. Chacun aurait aussi le droit de remplacer un départ dans une zone bien dotée. La proposition ne ferait donc que des gagnantes et des gagnants : il y aurait un maintien dans les zones où la couverture est la plus avancée, et de nouvelles arrivées dans les zones où elle plus défaillante.
    Deuxième proposition : démocratiser le système de santé afin que les jeunes de milieu populaire – souvent issus eux-mêmes de déserts médicaux et désireux d’y faire leur vie car ils y ont leur famille, leurs proches et leurs habitudes et qu’ils y ont commencé leur parcours scolaire – puissent enfin accéder aux différentes professions médicales et paramédicales. Rappelons que les études de médecine sont les plus sélectives socialement, qu’elles n’accueillent que 5 % d’enfants d’ouvriers – moins que l’école de commerce la plus élitiste ! Dès lors, la démocratisation du système de santé est une condition sine qua non de l’installation sur tout le territoire de professionnels qui connaissent les lieux, souhaitent s’y installer et ont besoin d’un accompagnement public pour le faire. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
    Troisième proposition : adapter les pratiques de soins à la vie réelle des professionnels. Les jeunes médecins veulent voir leurs enfants grandir, avoir des congés et du repos. Pour cela, ils plébiscitent l’exercice salarié et en réseau, le fait de travailler avec des collègues pour discuter des pathologies, y trouver un intérêt, élever le niveau des connaissances et de la recherche médicale. En résumé, ils font de la médecine un travail collectif.
    Nous devons soutenir ce genre d’exercice à la fois pour le bien des médecins et celui des patients : un médecin reposé et heureux dans son existence ne peut que mieux accueillir et soigner ses patients ; le travail en réseau permet un meilleur suivi, car il favorise les échanges entre professionnels qui se connaissent et facilite la réorientation du patient vers tel ou tel spécialiste ; les patients sont en confiance avec des professionnels installés sur le territoire et qui y restent.
    Sur ce texte, notre vote sera déterminé par la capacité à s’écouter et à intégrer ces propositions. C’est pourquoi nous ferons aboutir la discussion autant que faire se peut. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Neuder.

    M. Yannick Neuder

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    Les crises successives ont bouleversé et mis à l’épreuve les fondements du système de santé français. Si celui-ci a tenu le choc des vagues épidémiques à répétition, les symptômes de ses dysfonctionnements sont de plus en plus vifs, au premier rang desquels une désertification médicale qui inquiète nos concitoyens.
    Quelque 87 % du territoire national font partie du désert médical. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, alors qu’elle gagnait 2,5 millions d’habitants. Pour remplacer un médecin, il en faut désormais deux ou trois, en raison du vieillissement de la population, des avancées sociales comme la semaine de 35 heures, de la féminisation de la profession, du rapport à la parentalité et au travail.

    Mme Stéphanie Rist

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    Pas de la féminisation !

    M. Yannick Neuder

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    Le temps où le médecin travaillait jour et nuit, week-end compris, est révolu. Nous devons le comprendre et surtout l’anticiper. Alors oui, monsieur Valletoux, comme vous le dites vous-même dans votre exposé des motifs : « La question de l’accès aux soins étant la première préoccupation des Français, elle doit être la première préoccupation du législateur. »
    Toutefois, nous sommes contre la coercition proposée aux articles 3 et 4 : nous lui préférons l’incitation. De même, nous sommes opposés à la surcharge administrative et à l’empilement des couches de gouvernance prévues à l’article 1er : nous préférons libérer du temps médical pour les médecins. Si le constat est sans appel sur le manque de professionnels de santé, nous devons prendre garde à ce que le remède ne soit pas pire que le mal. Ces mesures pourraient en effet avoir des conséquences encore plus graves sur l’attractivité des métiers du soin : nous ne pouvons pas nous permettre de prendre le risque du déconventionnement, par exemple.
    Le vrai problème de notre système de soins est d’ordre quantitatif : le nombre de médecins est insuffisant pour le nombre de Français. Toute mesure coercitive visant à déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est donc que pacotille et ne réglera jamais le problème à long terme. D’ailleurs, les propos tenus hier par la Première ministre dans les médias démontrent parfaitement l’incapacité du Gouvernement et de sa majorité à s’accorder sur ce sujet si important. « Ce n’est pas en empêchant des médecins de s’installer dans des zones où il y en aurait trop que l’on va répondre aux difficultés des Français », a-t-elle notamment déclaré.
    C’est pourquoi les députés du groupe Les Républicains plaident pour faire émerger des mesures nouvelles, solides et pérennes afin de renforcer l’accès aux soins.
    En premier lieu, il faut impérativement revaloriser la rémunération des professionnels de santé – et le faire correctement, pas au prix d’un café. S’agissant de la formation, rendons effective la suppression du numerus clausus, en faisant en sorte que le nombre de candidats admis soit déterminé d’abord en fonction des besoins des territoires et en concertation avec les élus. Mais donnons surtout les moyens aux universités : créons plus de terrains de stage dans les cliniques et les cabinets sans pour autant déshabiller l’hôpital, et revalorisons la fonction de médecin maître de stage universitaire. À plus court terme, misons sur les paramédicaux qui connaissent les métiers du soin. Proposons-leur des passerelles afin qu’ils puissent reprendre un cursus accéléré d’études de médecine, et renforçons les aides à l’installation.
    Enfin, favorisons davantage la coopération entre professionnels de santé pour dégager du temps médical. Accompagnons les structures d’exercice coordonné et soutenons le recrutement d’assistants médicaux : les médecins libéraux doivent pouvoir être de vrais employeurs à la tête de leurs cabinets. Je regrette d’ailleurs que nous ne sachions toujours pas reconnaître ni valoriser davantage les compétences spécialisées de certains infirmiers qui apportent pourtant beaucoup à la prise en charge des patients. Sans les infirmiers de bloc opératoire, les infirmiers anesthésistes et les puéricultrices, nos unités de chirurgie et nos structures mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) ne fonctionneraient pas.
    Voilà certaines de nos ambitions. Nous les construisons au contact des professionnels du soin que nous rencontrons chaque semaine. J’en profite pour saluer l’ensemble des collectivités territoriales que nous savons très engagées contre la désertification médicale. Elles financent des idées novatrices au service de la santé des Français. Je pense à la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui depuis 2016 a multiplié par cinq son budget d’investissement consacré à la santé, et qui est la première région de France en termes de maisons de santé. Mais l’État ne peut plus compter sur ces initiatives locales. Il doit prendre toute sa responsabilité dans ce combat et s’approprier les mots d’Hippocrate : rétablir, préserver et promouvoir la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Vigier.

    M. Philippe Vigier

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    Sur la question qui nous occupe ce soir, je crois que les uns et les autres, sur tous les bancs, dressent à cette tribune le même constat depuis de longues années.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Au moins vingt-cinq ans, c’est vrai !

    M. Philippe Vigier

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    Du fait d’un pilotage dont la responsabilité incombe à l’État, des décisions dramatiques ont été prises il y a trente ans.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est vrai !

    M. Philippe Vigier

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    Je ne les oublie pas. Depuis 2000, néanmoins, nous avons inversé le cours des choses, en assouplissant le numerus clausus – reconnaissons d’ailleurs au moins à cette majorité le mérite d’avoir instauré le numerus apertus –, en créant la fonction d’assistant médical et en prenant un certain nombre d’autres mesures. Cependant, les chiffres sont là, violents, brutaux : 6 millions de Français, dont 700 000 personnes souffrant d’une ALD, n’ont pas de médecin traitant et certains, c’est vrai, renoncent à se soigner.
    C’est là un échec collectif, auquel nous devons remédier. Au cours des dernières législatures, plusieurs parlementaires, de tous horizons, ont d’ailleurs déposé des propositions de loi en vue d’améliorer l’offre de soins. Je tiens donc d’abord à dire au ministre et au rapporteur que le travail que nous avons accompli au sein du groupe transpartisan a été mené dans un but purement constructif. Comme le ministre l’a très bien souligné, nous ne pouvons pas nous affronter sur ces questions – sinon, j’aurai la violence de rappeler qu’en 1999, Mme Aubry, alors ministre de l’emploi et des solidarités, assurait à cette tribune que grâce à la réforme du mécanisme d’incitation à la cessation d’activité (Mica) encourageant les médecins à partir à la retraite plus tôt, tout irait bien.

    M. Yannick Monnet

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    Et avec la tarification à l’activité, qui a mis l’hôpital à genoux ?

    M. Philippe Vigier

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    Il me semble donc que la responsabilité de chacun est engagée. Partant de ce constat, nous devons avancer tous ensemble. Malheureusement, les chiffres ont la tête dure ; ils sont brutaux et indéniables.
    L’organisation des professionnels de santé sur le territoire, qui est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi transpartisane que nous avions déposée – à ce propos, je tiens à souligner une nouvelle fois l’état d’esprit qui a animé les membres du groupe de travail : si tout le monde n’a certes pas raison, faire des pas les uns vers les autres est le seul moyen d’évoluer –, a montré son efficacité, les fameuses CPTS couvrant désormais 34 % du territoire. Il faut aller plus vite, plus fort et plus loin pour poursuivre dans cette voie, donner des moyens aux professionnels de santé et leur épargner la suradministration qui caractérise le système et dont chacun ici, notamment Mme la ministre déléguée, a bien conscience : de grâce, simplifions-leur la vie !
    Les délégations de tâches sont désormais encouragées, grâce à la loi Rist que nous avons adoptée dernièrement. Si les médecins sont la clef de voûte du système de santé, ils travaillent en équipe, comme c’est d’ailleurs le cas dans tous les autres métiers. Permettre aux patients d’accéder directement à certains professionnels facilitera les choses. Plus largement, redonner du temps médical aux médecins est indispensable : si nous ne le faisons pas, dès lors que le nombre d’heures travaillées par les médecins est moins élevé qu’il y a quarante ans alors même que la population a augmenté et que 82 % des Français ont vu un médecin l’année dernière, nous allons au-devant de grandes difficultés.
    Ce constat implique également de renforcer l’attractivité de ces métiers. C’est la position que nous défendons. À cet égard, le fait que M. le ministre ait prolongé les contrats d’engagement de service public défendus par Marisol Touraine est une très bonne chose. Il faut aller plus loin. Jean-François Rousset évoque fréquemment les internats au sein desquels les formateurs s’efforcent de sensibiliser les jeunes afin qu’ils embrassent les carrières médicales. Dans le même état d’esprit, nous souhaitons que soient un jour créées des écoles des métiers de la santé, car c’est précisément à un très jeune âge que cette sensibilisation doit intervenir.
    S’agissant des soins non programmés et de la permanence des soins, reconnaissons-le : il y a vingt ans, nous avons tout lâché. Or on ne peut pas déplorer que les hôpitaux soient surchargés tout en admettant que la prise en charge par la médecine de ville s’arrête à partir de dix-neuf heures et que plus rien ne s’y passe. Il faut donc trouver un moyen d’agir. Je le dis toutefois aux représentants du Gouvernement, les rémunérations issues des négociations relatives à la nouvelle convention médicale ne sont pas satisfaisantes : les médecins doivent être rémunérés convenablement. Peut-être m’est-il plus facile de le dire qu’à vous, mais un praticien qui accepte de recevoir un nouveau patient dans le cadre de soins non programmés devra lui consacrer un temps de consultation bien plus long qu’à un patient qu’il a l’habitude de soigner et dont il connaît le dossier médical.
    Je tiens également à saluer l’action entreprise concernant les Padhue. À notre collègue du Rassemblement national, M. Frappé, je rappelle d’ailleurs qu’en supprimant les Padhue, qui font tourner les hôpitaux depuis tant d’années, nous renoncerions à tout !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Nicolas Sansu

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    Il a raison !

    M. Philippe Vigier

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    Nous venons de régulariser 3 000 d’entre eux, ce qui n’avait jamais été fait. Si nous devions nous rallier à la position que vous avez défendue en commission, nous fermerions tout ! Ce serait un renoncement absolu.
    Enfin, s’agissant de la régulation des installations, ne racontons pas n’importe quoi, monsieur le ministre : il ne s’agit nullement d’imposer une mesure de coercition absolue, mais simplement, dans les zones qui connaissent encore une certaine surdensité médicale,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Très bien !

    M. Philippe Vigier

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    …de faire en sorte qu’un nouveau praticien ne puisse installer sa plaque que si un autre retire la sienne. D’abord – et ceux qui défendent les professions libérales devraient être sensibles à cet argument –, le médecin ainsi remplacé aurait au moins l’assurance de revendre sa clientèle, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ensuite, la densité médicale n’en serait pas affectée, puisque, par définition, le nombre de professionnels resterait stable. Enfin, une telle disposition concernerait au maximum 400 ou 500 professionnels, qui devraient alors simplement s’installer 10 ou 20 kilomètres plus loin : ceux qui connaissent les réalités géographiques à l’œuvre savent très bien qu’une telle mesure ne jouerait qu’à la marge.
    À l’aube du débat qui s’engage, je souhaite que l’état d’esprit constructif qui nous anime tous et qui ressort des premières réponses que vous avez apportées perdure, car nous devons tous être au rendez-vous. N’ayons pas peur et avançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur de nombreux bancs du groupe RE.)

    M. Nicolas Sansu

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Garot.

    M. Guillaume Garot

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    Nous sommes appelés, cette semaine, à légiférer sur une question qui touche au cœur de la vie des Français : celle des déserts médicaux. Nous parlons ici de la vie des gens ; d’une réalité, d’une angoisse, parfois d’une détresse, qui touchent au moins 8 millions de Français, lorsqu’ils ne parviennent pas à trouver un médecin généraliste, qu’ils attendent des mois pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste ou qu’ils désespèrent d’être pris en charge par un dentiste. Trois fois plus de généralistes par habitant dans les Hautes-Alpes que dans l’Eure, dix-huit fois plus d’ophtalmologues par habitant à Paris que dans la Creuse, vingt-trois fois plus de dermatologues par habitant à Paris que dans la Nièvre : voilà la réalité de l’inégalité dans l’accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES. – M. Yannick Monnet applaudit également.)
    Ces écarts, nous le savons, creusent une entaille béante dans le pacte social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) et dans la promesse d’égal accès aux soins qui est au fondement de notre sécurité sociale et, j’ose le dire, de notre République. Ils constituent même une nouvelle insécurité sociale, exacerbant le sentiment d’abandon dans les territoires directement concernés. (MM. Arthur Delaporte et Jean-Louis Bricout applaudissent.) Je l’ai dit et je le répète : chaque fois que les déserts médicaux avancent, c’est la République qui recule. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Yannick Monnet applaudit également.)
    La France n’a pas su anticiper ni apporter les bonnes réponses : c’est un échec collectif, admettons-le. Mais désormais, nous ne pouvons plus temporiser ni prétendre que ce n’est qu’un mauvais moment à passer : il y a urgence ! Face à cette urgence, nous, députés, avons voulu nous unir et proposer ensemble des solutions. C’est ce que nous faisons dans le cadre du groupe de travail transpartisan que nous avons constitué sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je remercie ici publiquement tous ses membres pour l’engagement résolu, infaillible et solidaire dont ils ont fait preuve depuis maintenant près d’un an. Nos échanges se sont nourris de l’audition de près de quarante parties prenantes. Nos travaux ont abouti, cela a été rappelé, à une proposition de loi transpartisane, qui n’a hélas jamais été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Nous ne nous sommes toutefois pas découragés et en avons repris les articles à travers plusieurs amendements, que nous défendrons ce soir et dans les jours à venir. Nous plaiderons ainsi, avec plus de 200 collègues députés issus des rangs de la gauche, de la droite et du centre, en faveur de la régulation de l’installation des médecins – généralistes et spécialistes – et des chirurgiens-dentistes. (M. Jean-Louis Bricout applaudit.) D’autres l’ont très bien dit avant moi : il n’y a bien sûr ni remède miracle, ni baguette magique. Mais nous vous demandons de prendre en considération toutes les solutions à notre disposition et de les articuler : l’incitation, le travail en équipe, l’engagement territorial des professionnels, la démocratisation des études, mais aussi la régulation.
    Nos débats en commission des affaires sociales ont été constructifs. Je tiens à remercier le rapporteur pour son ouverture d’esprit, ainsi que le Gouvernement, représenté par le ministre Braun, pour avoir bien voulu lever le gage sur certains amendements, nous permettant d’intégrer au texte plusieurs avancées proposées par le groupe transpartisan. Nous souhaitons évidemment poursuivre ce travail en séance et vous convaincre de la nécessité d’avoir le courage d’instaurer une régulation, pour donner de la force et de l’efficacité aux mesures que nous proposons et que, pour certaines, vous soutenez également.
    Nous sommes tous des représentants de la nation : c’est à nous qu’il revient de définir l’intérêt général.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, cher collègue.

    M. Guillaume Garot

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    Or l’intérêt général nous commande d’agir. Les Français nous regardent et nous attendent.

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur le député.

    M. Guillaume Garot

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    Votre vote sera décisif : soyons à la hauteur de nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Arthur Delaporte

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    Nous le serons !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon

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    Nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, déposée par Frédéric Valletoux. Il s’agit d’un texte ambitieux, sur lequel tous les groupes ont travaillé, qui fut enrichi avant son adoption par la commission des affaires sociales la semaine dernière, et qui vise à répondre à un objectif majeur : faciliter l’accès aux soins de nos concitoyens, partout en France, alors que la démographie médicale fait l’objet d’une tension croissante sur le territoire.
    La proposition de loi, défendue par la majorité présidentielle – dont fait partie le groupe Horizons et apparentés –, s’inscrit dans la droite ligne de l’investissement en matière de santé et de l’engagement pour les territoires qui ont été les nôtres depuis le début de la législature. Ce travail a été mené conjointement avec le Gouvernement, afin de franchir une nouvelle étape dans la refonte de notre système de santé et de le rendre plus proche de ceux qu’il sert. Il fait suite aux mesures défendues par de nombreux députés de la majorité – notamment celles prévues dans la loi Rist – et à l’augmentation du budget consacré à la santé de près de 50 milliards d’euros en trois ans, qui permet, entre autres choses, d’encourager l’exercice coordonné des soins.
    Ce texte permettra d’amorcer un virage important dans l’organisation des soins : il constitue une occasion précieuse d’opérer un décloisonnement entre médecine de ville et hôpital, mais aussi de donner la parole à ceux qui sont en première ligne, à savoir les acteurs de terrain. L’objectif est simple : redonner du pouvoir aux parties prenantes, qui n’ont plus à prouver leur dévouement quotidien, afin qu’elles concourent ensemble à trouver des solutions adaptées aux réalités locales. Il s’agit de leur donner un gage de confiance en leur permettant d’apporter une réponse territorialisée, définie en fonction des besoins locaux et des forces en présence dans les territoires, selon des modalités qu’elles définiront. Nous franchirons en outre ainsi un pas supplémentaire vers la concrétisation des engagements pris par le Président de la République lors de ses vœux aux soignants en janvier 2023.
    En faisant du conseil territorial de santé l’organe de gouvernance principal, la proposition de loi permettra de mettre en exergue l’importance du territoire dans l’organisation des soins. Tous les acteurs de santé – médecins libéraux, soignants exerçant dans le public comme dans le privé, État, assurance maladie, patients, élus – sont invités à travailler ensemble à l’organisation des soins. Le rattachement des professionnels aux CPTS engagera tous les acteurs dans des politiques de coopération vertueuses et solidaires.
    Le texte vise également à approfondir le contrôle de l’intérim et des cliniques privées, à faciliter l’exercice des praticiens diplômés hors de l’Union européenne et à renforcer les liens entre la ville et l’hôpital. Les élus locaux seront appelés à s’impliquer davantage dans la vie hospitalière de leur territoire, ce qui contribuera à consolider le lien entre les soignants et les citoyens.
    Le texte vise également à renforcer la juste participation des établissements de santé, publics et privés, à la permanence des soins – ce partage de l’effort devant réduire la pression sur les hôpitaux publics, qui en assurent 87 %. Il prévoit également, afin de le rendre plus attractif et efficace, d’ouvrir à d’autres professionnels, et plus tôt au cours des études, le CESP, dispositif grâce auquel les étudiants en médecine peuvent percevoir une aide financière et s’engagent en contrepartie à exercer, une fois leur formation achevée, dans des zones où l’offre de soins est insuffisante, ce qui contribue à réduire les inégalités territoriales en matière d’accès aux soins. Pour inciter à la titularisation des néodiplômés, qui tendent à s’installer de plus en plus tard, l’intérim médical et paramédical sera interdit durant les premières années de carrière ; par ailleurs, une nouvelle autorisation temporaire d’exercice sera créée à l’intention des Padhue, dont elle favorisera l’intégration au sein de notre système de soins.
    Enfin, le groupe Horizons soutiendra, entre autres, la création du statut d’infirmier référent pour les patients atteints d’ALD, afin de renforcer leur suivi, ainsi que le recul à 75 ans de la limite d’âge en matière de cumul emploi-retraite pour les médecins salariés, ce qui améliorera l’accès aux soins des Français, d’autant que, dans les prochaines années, le nombre des médecins sur le départ sera supérieur à celui des primo-installations.
    Il est évident que l’organisation des soins doit être guidée par les réalités, par les besoins des territoires et de leurs habitants. Les enjeux sont immenses : ils demandent des solutions à la hauteur des défis que nous devons relever. Cette proposition de loi constitue l’une de ces solutions ; c’est pour cela que nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et celui des commissions, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Peytavie.

    M. Sébastien Peytavie

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    Nous siégeons aujourd’hui afin de statuer sur une proposition de loi concernant l’un des piliers de notre modèle de protection sociale : l’accès aux soins. Si ce pilier se fissure et menace tous les jours un peu plus de se dérober, c’est parce que nous cumulons plus de quarante ans de politiques d’asphyxie budgétaire de la santé : diminution du nombre de médecins par l’institution du numerus clausus, transformation de l’hôpital suivant le modèle de l’entreprise, lits supprimés faute de moyens, sans aucune amélioration des conditions de travail ni valorisation sérieuse des métiers du soin.
    Dès lors, comment s’étonner d’une pénurie de soignants aux conséquences gravissimes dans les territoires les plus abandonnés ? La crise du coronavirus a enfin ouvert les yeux du Gouvernement sur la détresse du personnel soignant, mais les décisions politiques ne suivent pas. Alors que le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 est assorti de 413 milliards d’euros, la majorité n’a même pas pu proposer un budget de l’assurance maladie qui fasse plus que compenser l’inflation. Des miettes pour l’hôpital, 413 milliards pour l’armée : cela en dit long sur la place accordée aux soins !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    M. Pierre Dharréville

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    C’est vrai !

    M. Sébastien Peytavie

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    Dans un tel contexte, cette proposition de loi constitue une modeste tentative de répondre à la crise du modèle de santé et de déterminer quelle gouvernance nous souhaitons pour notre système de soins. Il vise à faire du territoire de santé l’échelon privilégié en matière de pilotage des politiques de santé et d’accès aux soins : en ce sens, il va dans la bonne direction, celle d’une logique populationnelle, d’une offre en fonction des besoins locaux. Reste qu’il constitue une version revue à la baisse d’une précédente proposition de loi, dont M. Valletoux était déjà rapporteur. Le groupe Écologiste s’interroge donc et réitère sa question posée en commission : où est passée la suppression de la majoration infligée aux patients n’ayant pas de médecin traitant ? Que s’est-il passé, pourquoi avoir fait volte-face ? Ne comptez-vous plus lutter contre cette injustice supplémentaire à l’égard de ceux qui habitent dans des déserts médicaux ?
    La gouvernance du système de santé a pourtant fait l’objet d’un travail transpartisan ambitieux qui, mené par notre collègue socialiste Guillaume Garot, a permis l’adoption en commission de propositions comme le préavis de six mois pour les départs de médecins ; il a également été l’occasion d’aborder le débat fondamental sur la liberté d’installation de ces mêmes médecins, alors que leur répartition sur le sol national est très inégale.
    Nous nous réjouissons également de la création d’un indicateur territorial de l’offre de soins : la cartographie précise des besoins permettra une meilleure orientation des politiques de santé. Le groupe Écologiste proposera d’ailleurs de nouveau, en séance, d’enrichir cette cartographie en prenant en compte l’espérance de vie en bonne santé, qui doit devenir une boussole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Vivre dignement consiste à vivre le plus longtemps et le mieux possible en bonne santé : c’est autour de cet axe que devrait s’organiser notre système de soins. Nous appellerons également au développement d’initiatives telles qu’une option « santé » dans les lycées, en vue de faire émerger des vocations médicales au sein des jeunes générations.
    Cependant, chers collègues, alors que la démographie médicale ne retrouvera pas avant 2030 son niveau minimal exigé, ces propositions nous invitent avant tout à considérer avec lucidité l’extrême détresse dans laquelle se trouve notre système de santé, devenu un système à deux vitesses. Pendant que les riches, moyennant un abonnement de 12 euros par mois, ont désormais droit à des téléconsultations médicales à volonté, pendant que nous mobilisons pour le tournoi de Roland-Garros un hôpital privé et pas moins de neuf médecins, dans ma circonscription, les quatre services d’urgences sont régulés jusqu’à fin septembre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) et la maternité en péril, si bien que les femmes risquent de devoir aller accoucher à plus d’une heure de route ! Dès lors, ne nous étonnons pas bêtement de l’arrivée sur le marché d’entreprises voraces, comme le groupe Ramsay Santé, qui table sur l’affaissement du service public pour générer chaque année des milliards de bénéfices. Si cette longue descente aux enfers se poursuit, 27 millions de personnes, soit presque la moitié de la population, seront bientôt potentiellement privées de médecin généraliste !
    Dans un moment si grave, où nous devons gérer la pénurie de médecins et le manque d’attractivité des métiers du lien et du soin, il nous faut mobiliser toute notre énergie pour éviter l’écroulement du système, pour tenir la promesse d’un égal et digne accès aux soins pour toutes et tous. Face à un service public de la santé à bout de souffle, le groupe Écologiste ne soutiendra cette proposition de loi qu’à condition qu’elle tienne compte de l’urgence de la situation et intègre les propositions les plus ambitieuses en vue de refaire de la santé un bien public à soutenir, à protéger coûte que coûte.  (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC, et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    Après avoir examiné en janvier une proposition de loi issue du groupe Renaissance et visant à lutter contre la désertification médicale « par la confiance aux professionnels de santé », il nous faut renouveler l’exercice en en appelant à « l’engagement territorial des professionnels ». Félicitons-nous tout d’abord que le texte soit brillamment passé sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution,…

    M. Pierre Dharréville

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    C’est vrai !

    M. Yannick Monnet

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    …alors qu’il crée de nouvelles charges. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Pierre Dharréville applaudit également.) Mais peut-être y a-t-il désormais des sujets dont nous sommes autorisés à débattre, comme l’accès aux soins, et d’autres qui nous sont interdits, comme les retraites, la ligne qui sépare les deux catégories étant tracée par le Gouvernement.
    Dans l’hémicycle se tiennent désormais des débats à géométrie variable, signe d’une démocratie parlementaire en souffrance et en sursis : disant cela, j’en suis déjà arrivé au cœur du sujet qui nous réunit, puisque la proposition de loi vise notamment à substituer au concept de territoire de démocratie sanitaire celui de territoire de santé. Ce choix n’est pas anodin. La démocratie sanitaire a sans aucun doute rencontré ces dernières années de nombreux écueils : est-ce suffisant pour la raturer du code de la santé publique ? Puisqu’il s’agit de s’appuyer sur l’engagement des professionnels de santé, notre ambition ne devrait-elle pas plutôt résider dans le fait d’identifier et de surmonter ce qui fait obstacle à cette démocratie sanitaire ?
    Renforcement des conseils territoriaux de santé, où seraient désormais représentées les tutelles financières ; obligation d’adhérer aux communautés professionnelles territoriales de santé ; possibilité de modifier la délimitation des territoires de santé selon des règles non précisées, et dont on ignore à ce stade si elles seront les mêmes pour tous ; volonté d’attiser la rivalité entre les groupements hospitaliers de territoire, en permettant à certains de devenir des superpuissances administratives : aucune de ces dispositions ne va dans le sens de la démocratie sanitaire. Aussi n’est-il pas certain que le système de santé en sera moins suradministré et favorisera davantage les coopérations entre professionnels. Plutôt que la simplification promise, ces mesures ne risquent-elles pas d’aboutir à une dérégulation qui aggraverait les déséquilibres ? Cette réorganisation locale aura-t-elle un effet bénéfique pour les patients ? Obtiendront-ils plus vite un rendez-vous ? La coordination de leur parcours de soins s’en trouvera-t-elle renforcée ?
    Enfin, la décisive question des moyens nécessaires à une meilleure organisation locale de la santé n’est évoquée nulle part au sein du texte, alors qu’il est impossible de l’ignorer – s’agissant par exemple de rétablir une permanence des soins obligatoire, puisque les professionnels ne suffisent plus à répondre à la demande. Plus généralement, ce n’est pas en cherchant à améliorer l’organisation territoriale sans discuter d’une meilleure répartition des praticiens, d’un conventionnement sélectif suivant la zone d’installation, de mesures plus contraignantes, visant non seulement à permettre mais à garantir un accès aux soins, que l’on réglera le problème d’un désert médical qui représente désormais 87 % du territoire. L’urgence est telle qu’il convient d’agir plus profondément, de repenser le système de santé, depuis l’accès à la formation jusqu’au renforcement de l’hôpital public.
    Bien sûr, le texte comporte quelques dispositions utiles ; celles-ci restent malheureusement souvent à mi-chemin, comme la possibilité pour les étudiants en santé de signer un CESP, mais seulement à l’issue de la deuxième année de leur premier cycle. Certes, l’examen en commission a permis de l’enrichir de quelques dispositions transpartisanes, comme l’instauration d’un préavis pour les professionnels quittant leurs fonctions.
    Aussi, sans négliger ce contenu, je renouvelle mes réserves sur le fond. L’état de notre système de santé est tel, partout dans le pays, que les députés communistes et ultramarins du groupe GDR attendaient de vous, monsieur le ministre, un projet de loi, un véritable plan Marshall d’accès aux soins, inspiré par un regard lucide et comprenant des mesures fortes en vue de soigner nos concitoyens, de garantir partout et à tous l’accès aux soins, de revaloriser la formation, le salaire, la reconnaissance des personnels soignants.
    Au lieu de cela, vous faites mine de vous en préoccuper, vous effleurez les problèmes, quand vous ne regardez pas ailleurs – à croire que vous n’avez pas conscience de la situation. Dans la première circonscription de l’Allier, où j’ai été élu, plus de 8 000 personnes de plus de 16 ans n’ont pas de médecin traitant. Ce texte répondra-t-il plus que les précédents à leur désespérance ? Je ne le crois pas, et c’est fort regrettable pour nos concitoyens, pour les professionnels de santé, pour ceux auxquels le Gouvernement demande sans cesse confiance et engagement, cependant qu’il est de plus en plus manifeste que lui-même se désengage, ignore, voire méprise la situation en matière d’accès aux soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

    M. Nicolas Sansu

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    Ça devrait s’arrêter là ! Article 40 !

    M. Jean-Louis Bricout

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    L’accès aux soins est bien évidemment le premier service attendu par nos concitoyens. Pour les plus fragiles, les plus précarisés, les difficultés d’accès à un médecin traitant ou à un spécialiste constituent une double peine, donnant lieu à des situations de détresse insupportables : il n’y va pas seulement de la santé publique, mais de la cohésion sociale. L’accès aux soins devrait être un droit acquis à tous et partout ! Les faiblesses de l’hôpital public nous avaient déjà alertés lors de la crise du covid-19 – on ne remerciera d’ailleurs jamais assez nos soignants de leur engagement, qui résiste à leur abandon par les gouvernements de gauche comme de droite.
    Aujourd’hui, la situation de l’offre commerciale dans nos territoires nous contraint à trouver des solutions rapides et efficaces. Ce sont des vies qui sont en jeu, et notre responsabilité est pleinement engagée. Il n’y a de place dans nos débats d’aujourd’hui, monsieur le ministre, ni pour le corporatisme, ni pour le dogmatisme, ni pour Bercy. La santé a un coût mais certainement pas de prix.
    C’est la raison pour laquelle je veux saluer l’initiative de notre collègue Guillaume Garot, son état d’esprit collectif et sa volonté de nous rassembler, au-delà des clivages politiques, pour proposer des solutions cohérentes, efficaces et justes visant à en finir avec les déserts médicaux. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas là pour vous contrarier ; nous sommes là pour vous aider, pour compléter et conforter votre texte. Nous admettons bien volontiers que cette proposition de loi introduit des dispositions bienvenues, que nous soutiendrons, comme le renforcement des permanences de soins par les cliniques privées ou la généralisation des CPTS.
    Mais convenez-en : on est encore loin du compte, tout cela est bien trop timide. Nous devons nous attaquer au cœur du sujet. Monsieur le ministre, allons-nous encore laisser croire aux médecins qu’ils appartiennent à une profession libérale comme les autres ? Non : nos médecins sont formés et payés par la collectivité, rémunérés par la sécurité sociale. Cela est juste, parce qu’ils remplissent une mission de service public. C’est donc au nom du service public que je m’adresse à vous. L’urgence de la situation et les échecs rencontrés nous incitent à prendre de nouvelles mesures, dont la régulation ; celle-ci est de plus en plus souhaitée sur nos bancs, et plus encore dans les territoires carencés.
    Vous le savez, nous faisons face à un double problème : le manque de médecins et leur mauvaise répartition dans les territoires. Une première réponse y a enfin été apportée avec l’augmentation du numerus clausus – ou numerus apertus. Mais à quoi servirait-il de former davantage de médecins pour les entasser là où il y en a déjà trop ? Quel autre outil que la régulation, utilisé d’ailleurs – cela a été rappelé par mes collègues – par d’autres professions et dans d’autres pays ? Vous appelez cela de la coercition ; moi, j’appelle cela du bon sens et de la solidarité territoriale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) En plus, monsieur le ministre, il reste tout de même 87 % du territoire où les médecins peuvent s’installer en toute liberté, en étant largement accompagnés par les collectivités.
    Enfin, au-delà des mesures d’urgence et d’organisation, nous appelons à réinvestir les territoires et à renforcer l’accès aux études de santé partout et pour tous. C’est en ce sens que je vous propose d’expérimenter des écoles normales des métiers de la santé : ces lycées spécialisés accueilleraient, motiveraient et accompagneraient dès la seconde une jeunesse qui aspire à soigner l’autre, une jeunesse issue de familles modestes pour qui les études longues, difficiles et coûteuses peuvent paraître inaccessibles. Ces lycées épouseraient deux modèles : celui de la formation par filière, comme les lycées agricoles qui font référence dans nos territoires, et celui des écoles normales, qui ont donné naissance à tant de générations d’enseignants. À notre jeunesse qui veut s’engager, nous devons l’exigence et l’excellence : des études gratuites et une bourse de vie, mais aussi l’engagement d’exercer à terme sur notre territoire. De quoi, en fin de compte, désamorcer en amont l’attachement à la liberté d’installation que demandent nos médecins.
    Au cours de ces débats, monsieur le ministre, nous souhaitons simplement vous convaincre de répondre à l’urgence sanitaire à court comme à long terme, et de faire ce pour quoi nous avons été élus : prendre soin de nos concitoyens, tout simplement. Aujourd’hui, vous engagez votre responsabilité. Je vous invite, chers collègues, à engager la nôtre ; je vous invite à concilier liberté, égalité et santé. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Besse.

    Mme Véronique Besse

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    La situation est hors de contrôle, notre système de santé est à bout de souffle. C’est malheureusement la conséquence de l’absence de vision des gouvernements successifs. Mais qu’attend-on pour agir ? Les Français en ont plus qu’assez d’entendre toujours les mêmes discours, pleins d’espoir et de promesses. Ils les écoutent depuis des années mais constatent que rien ne change. Au contraire, leur désespoir augmente et les promesses semblent toujours plus illusoires. L’accès aux soins est de plus en plus difficile. Il est urgent de passer aux actes.
    Aujourd’hui, plus de 30 % de la population française vit dans un désert médical ; 11 % des Français n’ont pas de médecin traitant ; 45 % des médecins généralistes présentent des symptômes de burn-out. Enfin, le nombre de généralistes a reculé de 1 % par an depuis 2017, selon un récent rapport du Sénat. Il semblerait même que ce mouvement aille s’accélérant, eu égard au vieillissement de la population des médecins généralistes. La situation est dramatique !
    Que peut-on faire ? Voici quelques actions qu’il conviendrait d’entreprendre en urgence pour que les Français puissent se soigner au plus vite. Premièrement, la médecine générale ne doit pas être le parent pauvre des études de médecine. En sixième année, quand les étudiants doivent choisir leur spécialité, 40 % des postes sont réservés à la médecine générale, mais cette dernière peine à séduire. Cela ne fait que trois ans que les postes réservés à la médecine générale sont tous pourvus ; c’est bien mais c’est trop tard, quand on sait qu’il faut dix ans pour former un médecin. La médecine générale n’aurait jamais dû perdre ses lettres de noblesse. Il aurait en outre fallu supprimer beaucoup plus tôt le numerus clausus qui, selon les experts, a entraîné un déficit cumulé de 117 000 médecins en cinquante ans. Encore une fois, l’État a agi dans l’urgence, sans anticipation aucune. Je crains par ailleurs que l’interdiction de l’intérim médical en début de carrière, proposée par le présent texte, ne fasse que renforcer le problème. Il faudrait trouver un compromis entre le besoin de médecins pour l’accès aux soins et une rémunération juste.
    Deuxièmement, je fais partie des élus qui pensaient que la régulation des médecins sur notre territoire était un atout pour que les Français puissent avoir un médecin traitant. Ç’aurait été un atout si nous n’étions pas aujourd’hui dans un contexte de crise démographique.

    Mme Stéphanie Rist

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    Eh oui, elle a raison.

    Mme Véronique Besse

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    Le problème est en effet le manque de médecins, et non leur répartition sur le territoire. Les chiffres de la Drees le confirment : contrairement à ce que l’on aurait pu croire, les médecins généralistes sont globalement assez bien répartis sur le territoire, mais en nombre insuffisant. À ce titre, la régulation pourrait jouer un rôle pervers ; une répartition trop contraignante pourrait détourner les étudiants de la médecine générale.
    Troisièmement, il faut naturellement faire un diagnostic clair de la désertification médicale. Aujourd’hui, les ARS réactualisent tous les quatre ans les zonages relatifs à l’offre de soins pour définir les territoires les plus en difficulté. En effet, le code de la santé publique ne prévoit aucune fréquence de révision de ces zonages. J’ai donc déposé un amendement pour que cette réactualisation se fasse annuellement, avec pour objectif de réagir au mieux et au plus vite face à l’évolution de l’offre de soins.
    Quatrièmement, il faut libérer la santé de la suradministration. Les procédures technocratiques des ARS étouffent nos praticiens. Les médecins croulent véritablement sous la paperasse – homologations ou papiers incompréhensibles à remplir, entre autres. C’est une perte de temps monumentale, et autant de temps qui n’est pas consacré aux patients. Il faut aussi que les ARS accompagnent davantage les élus locaux pour faciliter les installations et accompagner les initiatives des collectivités en matière de santé.
    Cinquièmement, les médecins ont raison d’exiger une hausse substantielle des tarifs des consultations. Cela fait six ans que le tarif d’une consultation est fixé à 25 euros. Ce n’est pas la récente hausse de 1,50 euro qui permettra de résoudre le problème. Il est vrai qu’un tarif de 50 euros serait peut-être trop élevé, mais un juste milieu doit être trouvé. Il faut une véritable incitation financière pour attirer les jeunes médecins vers la médecine générale.
    L’heure est grave. Nous ne pouvons plus nous contenter de rester spectateurs. Chaque jour, sur le terrain, nos concitoyens nous interpellent pour nous parler du problème de l’accès aux soins. Les collectivités s’échinent au quotidien à trouver des solutions – télémédecine, incitations financières et matérielles – pour attirer des médecins. Elles s’activent du mieux qu’elles peuvent mais sans volonté politique forte de l’État, tous les efforts sont voués à l’échec. (Mmes Emmanuelle Anthoine et Emmanuelle Ménard applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Je vous remercie, chers collègues, pour la discussion nourrie que nous venons d’avoir en ouverture de nos débats, sur un sujet dont les uns et les autres ont rappelé qu’il était majeur. Je voudrais revenir sur quelques points que j’ai relevés en vous écoutant.
    D’après Thierry Frappé et Yannick Neuder, des mesures trop coercitives figureraient dans la proposition. Je voudrais les rassurer : le texte n’a rien de coercitif. Certains articles encouragent à faire bouger les lignes pour inciter les libéraux à pousser les feux de la coopération dans les CPTS, par exemple. Mais, grâce aux clauses de non-adhésion, personne ne sera contraint de rejoindre un dispositif s’il ne le souhaite pas. Le but est simplement de favoriser, comme vous le souhaitez vous-mêmes, chers collègues, une médecine plus coopérative, travaillant de façon plus ouverte dans les territoires, au bénéfice de nos concitoyens.
    Vous avez également évoqué le risque de bureaucratie. Pourtant, le texte ne crée aucun nouvel étage de bureaucratie qui rigidifierait le système de santé. Il ne prévoit que des instances de dialogue et d’échange, dans lesquelles les stratégies pourront être partagées. Il y a suffisamment à dire sur l’administration en matière de santé pour imaginer que ce texte aurait un autre objectif que de permettre à des acteurs de travailler ensemble, au plus près des territoires. Les conseils territoriaux de santé seront simplement le lieu où l’ensemble des acteurs pourront dialoguer. Au-delà de la bonne volonté des uns et des autres, il n’existe en effet aujourd’hui aucun lieu où ils puissent échanger, de façon institutionnelle, pour penser l’avenir et les stratégies de coopération. Tel est l’état d’esprit qui a présidé à la rédaction de ce texte ; il ne s’agit aucunement de créer de nouveaux étages de bureaucratie.
    Certains d’entre vous ont pointé – c’est normal – les sujets non traités par le texte. Comme si, en quelques articles, au détour d’une proposition de loi, on pouvait traiter l’ensemble des sujets ! Cela m’aurait tenté, mais cela ne correspondait pas à l’exercice. Le sujet des études de médecine, par exemple, a été abordé par Véronique Besse, Yannick Neuder, Thierry Frappé et Yannick Monnet – ce dernier évoquant aussi un plan Marshall pour la santé. On peut bien sûr envisager des moyens importants, et l’on aurait pu aborder les questions du fonctionnement et de l’accès aux études de médecine, voire de l’organisation même des études dans l’ensemble des filières de santé. On sait que ces sujets devront être pris à bras-le-corps dans les mois à venir. Le présent texte, quant à lui, n’a pas pour objet d’aborder l’ensemble des questions touchant à notre système de santé : son objectif, plus modeste, consiste à faire avancer dans les territoires les coopérations entre les professionnels, au bénéfice des Français.
    Je voudrais insister sur les points positifs soulignés par plusieurs intervenants, notamment sur le fait que ces espaces de dialogue sont susceptibles de faire évoluer non pas seulement les mentalités mais aussi les pratiques, les modes d’exercice et la manière dont on conçoit la prise en charge des Français. Je remercie Jean-François Rousset, Philippe Vigier et François Gernigon d’avoir insisté sur l’importance de l’approche par les territoires. Merci aussi à Sébastien Peytavie d’avoir souligné qu’il s’agissait de reconnaître un principe nouveau et utile, s’agissant de notre système de santé : celui de responsabilité populationnelle. Les soignants doivent être rendus acteurs et responsables de l’organisation des soins pour la population dont ils ont la charge ; c’est le sens de ce texte.
    Je voudrais aussi rassurer, si besoin, Hadrien Clouet et Yannick Monnet, qui pointent le risque que cette démocratie sanitaire n’aboutisse paradoxalement à un désengagement de l’État face aux acteurs ainsi responsabilisés : l’État reste le financeur du système. Le financement ne change pas ; les règles en sont discutées chaque année dans le cadre du PLFSS. Il ne s’agit pas de déresponsabiliser l’État pour responsabiliser trop lourdement les acteurs du soin dans les territoires. Soyez rassurés chers collègues, nous posons au contraire un acte très fort en organisant une démocratie sanitaire qui, aujourd’hui, n’existe pas dans les territoires. Je le redis : au-delà des bonnes volontés et des rencontres dont il nous arrive d’être témoins et qui permettent de faire émerger des projets, il n’existe pas de lieux pour organiser, de façon institutionnelle, le dialogue, la coopération et le partage de projets. Avec ce texte, nous créons et installons une vraie démocratie sanitaire, ce qui va plutôt dans le bon sens. Pour ma part en tout cas, j’y crois.
    Je voudrais insister aussi sur le besoin évoqué par Jean-François Rousset et Yannick Neuder d’associer les professionnels de santé aux réformes que nous allons mener : ils ont évidemment raison d’insister sur cette dimension. Si nous faisons des réformes pour nous, dans l’hémicycle, sans nous assurer de l’adhésion et de la participation à la démarche de l’ensemble des professionnels de santé, nous ne réglerons aucun des problèmes d’accès aux soins que rencontrent les Français. Il faut que les dispositions dont nous allons discuter dans les jours à venir aient une portée suffisante et qu’elles soient suffisamment utiles pour que les professionnels de santé aient envie d’y participer.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    C’est aussi pour cette raison que les articles relatifs aux Padhue, sur lesquels M. Vigier a insisté à juste titre, sont si importants, même si tout le monde n’est malheureusement pas d’accord sur ce point dans l’hémicycle. Ces articles simplifieront un système complexe qui s’appuie parfois sur des professionnels ayant obtenu leurs diplômes hors d’Europe ; quoique fort utiles à nos établissements de santé, ceux-ci n’obtiennent pas la reconnaissance qui leur est due. Outre un problème d’ordre administratif, c’est donc le problème de l’insuffisante reconnaissance du rôle des Padhue dans notre système de santé que nous allons résoudre.
    Je conclus en remerciant l’ensemble des intervenants d’avoir fait preuve d’un état d’esprit très constructif, malgré des nuances bien normales. Certaines mesures semblent en effet recueillir le consensus, comme le contrat d’engagement de service public – nous y reviendrons. J’ai notamment apprécié l’intervention constructive de Guillaume Garot, qui a reconnu que, lorsque les analyses et les points de vue convergent, on peut aboutir à des solutions pratiques et concrètes consensuelles, sans avoir à brandir telle idéologie ou à faire preuve de dogmatisme ; au contraire, il faut s’employer à trouver les points de passage permettant de bâtir des solutions utiles pour les soignants et pour les Français. Une fois de plus, je vous remercie tous pour cet état d’esprit positif, qui nous permettra d’avancer ensemble.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. François Braun, ministre

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    Je remercie à mon tour les intervenants en soulignant l’importance du moment : nous partageons tous au moins une chose – le diagnostic. Ce jour est à marquer d’une pierre blanche : nous sommes tous d’accord sur les problèmes que connaît notre système de santé. Peut-être avons-nous en revanche des divergences quant au traitement à prescrire, même si certaines mesures recueillent l’accord de tous. Nous aurons notamment à débattre de la question de la régulation de l’installation et je m’en réjouis, car ce débat n’oppose pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, les partisans de telle solution et les partisans de telle autre. Je constate au contraire une volonté commune de chercher une solution pragmatique et efficace. Je ne désespère pas de vous convaincre que la solution que vous proposez pour réguler l’installation est contre-productive, mais nous aurons le débat, argument contre argument.
    Je reviendrai sur quelques points abordés dans les interventions des uns et des autres. Vous nous reprochez, monsieur Frappé, de laisser aux professionnels de santé la responsabilité de s’organiser dans les territoires, mais c’est exactement ce qu’ils nous demandent ! Au fil des quelque 200 déplacements qu’Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons effectués, une demande nous a été systématiquement adressée : ne pas fixer de règles trop contraignantes et laisser les acteurs s’organiser dans des territoires qu’ils connaissent.
    S’agissant de l’accès des jeunes aux professions de santé, monsieur Clouet, rappelons un point important : 50 % des jeunes qui s’orientent vers le métier d’infirmier sont issus des classes les plus populaires, et c’est une situation qu’il faut préserver. Il ne vous a pas échappé que j’ai lancé une grande réforme du métier d’infirmier ainsi que de la formation et des compétences correspondantes. C’est une dynamique essentielle qu’il faut poursuivre.
    M. Neuder a évoqué le cas des Iade – infirmiers anesthésistes diplômé d’État –, des IDE – infirmiers diplômés d’État – et des Ibode – infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État. Je le rassure : après cette réforme, ils exerceront une profession d’infirmier spécialisé en pratique avancée – leur formation actuelle ne leur permettant pas d’exercer strictement en pratique avancée, mais nous pourrons en débattre.
    Oui, il faut former davantage de médecins, mais encore faut-il bien les former. Chacun convient que nous manquons de médecins mais, hélas, nous manquons aussi d’enseignants dans les facultés de médecine. Il faut donc également former des enseignants pour former davantage de médecins ; nous nous y sommes attelés pour améliorer la situation.
    Vous avez entièrement raison, monsieur Clouet : la meilleure chance qu’un jeune s’installe dans un territoire est qu’il en soit lui-même issu. Dans sept cas sur dix, les jeunes s’installent en effet dans leur territoire d’origine. Dans la logique des cordées, nous faisons en sorte de les prendre en charge au plus tôt, et le service de santé nous aidera à les convaincre dans les lycées afin de les orienter vers les professions de santé. Nous y travaillons avec les élus locaux et les régions, afin de faciliter leur inscription dans les facultés de médecine.
    M. Vigier me donne l’occasion de rappeler un point que je juge important : 700 000 de nos concitoyens souffrant d’une ALD n’ont pas de médecin traitant. C’est précisément pourquoi nous avons lancé un plan les concernant, et je peux vous annoncer que, dans les départements pilotes, plus de 30 % d’entre eux ont déjà trouvé un médecin traitant grâce à l’action qu’a menée la Cnam – Caisse nationale de l’assurance maladie – à ma demande.
    Comme l’a dit le rapporteur, il ne faut pas suradministrer la santé. Je ne reviens pas sur l’explication qu’il a donnée au sujet du conseil territorial de santé, mais je rappellerai que, dans la même logique, nous avons accordé aux directeurs des ARS un droit dérogatoire, à l’instar des préfets, qui leur permet de simplifier les procédures lorsqu’elles répondent à des besoins de santé.
    S’agissant enfin de l’exercice salarié, monsieur Clouet, nous donnons, à l’article 1er, la possibilité à l’ARS de décider de salarier des médecins dès lors qu’aucun médecin ne souhaite ou ne peut s’installer dans un territoire. Le service public pourra alors reprendre la main et installer une maison de santé dans laquelle exerceront des médecins salariés.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Plusieurs décennies de décisions politiques, que nous qualifierons de contestables, ont mis notre système de santé sous tension, même s’il demeure l’un des meilleurs du monde. Ce soir, nous abordons une nouvelle réforme à propos de laquelle les arguments s’affrontent, y compris sur la philosophie générale du texte.
    Je m’en tiendrai à une observation sur l’article 1er, dont la portée n’est que relative. Objectivement, on peut se demander quelle peut être la plus-value du territoire de santé par rapport au territoire de démocratie sanitaire. En tout état de cause, il faut écarter le risque de suradministration que craignent certains et qui produirait in fine l’effet inverse de celui initialement souhaité en compliquant le millefeuille administratif.
    Je souhaite que le Gouvernement réponde de façon pédagogique et argumentée à l’inquiétude dont plusieurs médecins m’ont fait part, comme à chacun d’entre nous, face à ce qu’ils perçoivent comme une véritable contrainte administrative avec, à la clé, une régulation des installations qui ne dirait pas son nom. C’est pourquoi je souhaite la discussion et la pédagogie.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 40, 490, 792 et 1004, visant à supprimer l’article 1er.
    Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Yannick Neuder, pour soutenir l’amendement no 40.

    M. Yannick Neuder

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    Globalement, monsieur le ministre, nous partageons en effet un même diagnostic, mais je vous confirme que nous ne partageons pas l’ensemble du traitement préconisé. Vous l’avez dit : lorsque vous allez à leur rencontre dans les territoires, vous entendez les soignants vous dire qu’ils souhaitent s’organiser eux-mêmes dans les CPTS, sur la base du volontariat. Je ne crois pas, néanmoins, qu’une conférence territoriale de santé réglera le problème. L’outil existe déjà : lorsque nous avons été saisis de la proposition de loi de M. Valletoux, j’ai cherché de quel CTS mon territoire dépendait et, soyons clairs, je l’ai découvert, alors que je suis élu local depuis vingt ans et médecin depuis vingt-cinq. J’ai également découvert qui en exerce la présidence et la vice-présidence. Or je ne crois aucunement qu’à l’échelon d’un département, dans toute sa diversité géographique et populationnelle, une mégastructure associant l’ARS, la préfecture, les parlementaires, les élus locaux et les usagers permette de décider convenablement des solutions les plus efficaces pour l’organisation des professionnels.
    C’est une fausse bonne mesure qui aura pour effet de suradministrer la santé en France et, surtout, qui n’est absolument pas demandée par les professionnels de santé. Aucun de ceux qui viennent dans ma permanence en Isère ne me demande l’établissement d’une conférence territoriale de santé – j’y insiste : aucun. En revanche, ils demandent des passerelles pour devenir médecin et la suppression de l’inscription des infirmiers à Parcoursup.
    Encore une fois, il s’agit d’une fausse bonne mesure, raison pour laquelle le groupe LR propose de supprimer l’article.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Frappé, pour soutenir l’amendement no 490.

    M. Thierry Frappé

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    Comme M. Neuder avant moi, je m’étonne, monsieur le ministre, que vous ayez rencontré des médecins très favorables aux CTS. Je n’ai pas rencontré les mêmes, où peut-être les catégories professionnelles sont-elles différentes dans mon territoire. Les médecins que je rencontre, au contraire, sont surchargés par les tâches bureaucratiques, d’où cet amendement de suppression de l’article 1er. La création des CTS fait très peur aux médecins, notamment aux médecins libéraux, qui craignent un surcroît de travail administratif. Ce nouvel organe s’ajouterait aux CPTS et aux ESP – équipes de soins primaires – qui existent déjà et n’apporterait aucune solution pérenne à la désertification médicale. On peut donc s’interroger sur l’utilité d’un tel article, qui confie aux professionnels de santé la responsabilité de l’offre de santé territoriale, comme je le pensais. Cela ne correspond pas à leur mission et ne répond pas à leurs besoins ; déjà surchargés, ils demandent au contraire un allégement de leurs tâches. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 792.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il vise également à supprimer l’article 1er, qui fait du territoire de santé, déjà défini dans le code de la santé publique, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le conseil territorial de santé en est l’organe de gouvernance ; il définit et met en œuvre le projet territorial de santé.
    Or nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que la création des CTS alourdira le travail administratif des professionnels de santé, qui sont déjà débordés – nous entendons ce reproche presque chaque jour. Même si les CTS permettent une mise en réseau intéressante, la structuration administrative serait contraignante, voire perçue comme « castratrice » – selon le terme employé par des professionnels de santé que j’ai rencontrés. C’est l’inverse du résultat auquel nous souhaitons tous ici parvenir.
    De plus, on ne peut que regretter le caractère assez flou du dispositif. Enfin, j’avoue ne pas bien comprendre, moi non plus, en quoi la création de ce nouvel organe permettra de lutter contre les déserts médicaux – qui sont la véritable urgence à laquelle il faut apporter une réponse pragmatique et efficace en rendant les professions de santé plus attractives.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l’amendement no 1004.

    Mme Nathalie Serre

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    Comme l’ont dit les précédents intervenants, le CTS n’est pas ce que demandent les médecins des territoires. Comme mes collègues, j’en ai rencontré beaucoup : ils demandent plus de flexibilité et plus de temps pour soigner, non du temps pour administrer. C’est pourquoi je propose à mon tour la suppression de l’article 1er.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Avis défavorable. Supprimer l’article 1er reviendrait à supprimer l’une des principales dispositions de ce texte, qui témoigne aux acteurs de santé locaux la confiance que nous leur faisons afin qu’ils s’organisent de manière autonome.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    J’aimerais ensuite dissiper certaines incompréhensions dont font l’objet les CTS. Premièrement, ils ne constituent pas une nouveauté : ils existent depuis 2016.
    Deuxièmement, s’ils s’apparentent aujourd’hui à des coquilles vides, ce n’est pas une raison pour partir du principe qu’ils ne fonctionneront pas demain. Cet article 1er va contribuer à muscler ce dispositif en vue de nourrir un dialogue de terrain qui permettra de faire émerger des projets communs et cohérents. Il ne sert à rien d’encourager les acteurs à s’organiser pour élaborer des projets de territoire si à aucun moment on ne leur donne la possibilité de réfléchir ensemble.
    Troisièmement, cette structure n’accueillera pas tous les médecins d’un territoire donné. Les CTS n’ont pas vocation à réunir mille personnes, ça n’aurait pas de sens ! Les médecins libéraux ont déjà commencé à s’organiser territorialement autour des CPTS, lesquelles sont présidées par l’un d’entre eux. Ils délégueront peut-être un vice-président pour participer aux réunions des CTS dans le cadre desquelles collectivités locales, soignants, administrations et associations de patients élaboreront des projets communs. Grâce aux dispositions de l’article 1er, ces conseils, dépourvus jusqu’alors de missions, auront la responsabilité sur leur territoire de la mise en place des politiques d’accès aux soins, de l’organisation de la permanence des soins et de l’équilibre territorial de l’offre de soins. Ce sont autant de projets concrets que les parties prenantes vont pouvoir faire mûrir ensemble.
    Quatrièmement, le texte ouvre la possibilité de revoir les périmètres. Ceux-ci ont été définis il y a quelques années par les ARS sans concertation avec les acteurs de terrain.

    Mme la présidente

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    Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Le présent article prévoit qu’à compter du dixième mois suivant la promulgation de la loi, il sera possible de redéfinir les délimitations des territoires de santé afin de les faire correspondre aux contours des bassins de vie.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François Braun, ministre

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    Avis défavorable. Les CTS existent déjà et vous, parlementaires, en faites partie. Ces instances permettent de rassembler dans une même enceinte professionnels de santé, citoyens et élus, en vue d’élaborer une politique à l’échelle des territoires. Elles ne sont pas suffisamment fonctionnelles et font figure de coquilles vides. Cet article 1er vise à leur donner du contenu, dans l’esprit du CNR santé, en mettant toutes les parties prenantes autour de la table. Nous souhaitons laisser aux acteurs la responsabilité d’organiser au mieux les soins parce que c’est ce qu’ils nous demandent et parce que c’est la meilleure façon de résoudre les problèmes à l’échelle des territoires.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faut savoir de quel territoire il est question. Pour parler de mon cas, je dirai que c’est à l’échelle de l’agglomération havraise, élargie à Fécamp, Pont-Audemer et Honfleur, que nous effectuons un travail de coordination pour essayer de mettre l’offre de soins en adéquation avec les besoins de la population. Toutefois, il y a d’autres expériences à prendre en compte pour comprendre comment des acteurs territoriaux peuvent se coordonner en vue d’une plus grande efficacité. Je citerai l’exemple des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) réunissant représentants de la police, de la justice et municipalités. Qu’a-t-on observé ? Si les parties prenantes participent aux réunions au Havre – et ce d’autant plus que le maire a été premier ministre –, dans les autres communes, certaines sont absentes, tout simplement parce que c’est chronophage. J’ai l’impression que vous n’avez pas intégré cette dimension. Vous allez rendre du temps médical d’un côté en en prenant de l’autre, sans que l’on sache dans quelles proportions.
    L’organisation des CTS pose une multitude de questions auxquelles vous ne répondez pas dans ce texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Turquois.

    M. Nicolas Turquois

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    Je prends part aux réunions du CTS de mon département quand notre agenda parlementaire me le permet. J’ai notamment suivi ses travaux sur l’offre de soins psychiatriques et le handicap qui m’ont paru avoir beaucoup de sens. J’invite mes collègues à faire de même dans leurs territoires car cette expérience méconnue est très enrichissante en termes d’analyse et de compréhension mutuelle des acteurs.
    Précisons que les professionnels de santé ne sont pas appelés à participer à titre individuel à ces conseils ; ce sont plutôt les représentants des différents ordres qui y siègent. Les territoires qu’ils couvrent ne sont pas aussi homogènes que ceux des CPTS, dont la logique de maillage est plus fine. Ce sont avant tout des instances de dialogue et de partage qui ne génèrent pas de surcharge administrative. Il leur faudrait toutefois plus de moyens en matière d’organisation et de prescription et, à cet égard, l’article 1er est intéressant. Certes, il ne résout pas tous les problèmes, mais je trouverais dommage de nous priver des outils qu’il offre.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 40, 490, 792 et 1004.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        113
            Nombre de suffrages exprimés                108
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                78

    (Les amendements identiques nos 40, 490, 792 et 1004 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements, nos 823, 824 et 429, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 823.

    M. Hadrien Clouet

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    Nous proposons de procéder à une expérimentation des dispositions de l’article 1er. Pour ce qui est du financement, M. le rapporteur a voulu nous rassurer en précisant que l’argent proviendrait toujours de l’État. L’ensemble de cette politique publique est donc sécurisé, nous ne le contestons pas.
    Nous avons toutefois des interrogations sur l’organisation et le pilotage au jour le jour des CTS. Au moment de la création des territoires de santé, un tiers ont repris les délimitations de schémas régionaux préexistants et deux tiers ont tenté d’inventer de nouveaux découpages, ce qui a conduit à remettre en cause des équilibres. Cela a abouti dans certains cas à une amélioration, dans d’autres, à la recherche d’un nécessaire second souffle. Si chacun s’organise en ne prenant en compte que son territoire, la mutualisation des dotations et des moyens peut en effet être mise à mal. Cela met aussi en question la possibilité pour certains territoires de reprendre les initiatives développées par d’autres et de suivre leur exemple. Cela suscite en outre des interrogations sur le rôle des ARS et leur capacité à répartir les moyens dont tout le monde a besoin. Bref, nous nous inquiétons des conséquences de la fragmentation des territoires de santé.
    Faute d’étude d’impact, nous souhaiterions que le dispositif prévu fasse d’abord l’objet d’une expérimentation afin que nous puissions juger ensemble de ses effets.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 824.

    Mme Mathilde Hignet

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    Cet amendement complète le précédent. Il prévoit d’expérimenter la gouvernance des territoires de santé par les CTS et de fonder les interventions de l’ARS non sur le diagnostic territorial de santé mais sur le plan régional de santé, qui fixe les objectifs et les mesures permettant de répondre aux besoins définis par le plan territorial de santé.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 429.

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Il vise à clarifier le rôle du conseil territorial de santé, dont la mission sera de proposer des solutions aux problématiques spécifiques du territoire révélées par le diagnostic qu’il aura préalablement établi. Il est d’abord proposé que l’initiative de la délimitation du territoire de santé revienne aux acteurs, l’ARS ne se substituant à eux dans cet exercice qu’en cas de carence. La définition du projet territorial de santé sera ensuite confiée à une équipe plus réduite et opérationnelle, qui présentera des solutions concrètes à l’ensemble des membres du CTS. La participation active des financeurs permettra de s’assurer, dès la présentation du projet, que les propositions sont financées. Ce n’est qu’après leur validation par le CTS que le directeur général décidera de les mettre en œuvre ou non.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Je demanderai à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements, qui me semblent contraires à l’esprit et à l’ambition de l’article 1er.
    Monsieur Clouet, pourquoi expérimenter alors que l’article 1er permet aux CTS de se saisir d’emblée de l’accès aux soins, question assez urgente pour que l’on n’attende pas six mois ou un an avant de généraliser le dispositif ? Il faut décloisonner le plus rapidement possible.
    Madame Hignet, vous vous interrogez sur la cohérence de l’action des CTS avec le plan régional de santé, lequel apparaît souvent aux acteurs de terrain comme lointain, surtout depuis que la réforme territoriale a créé des régions de plus grande taille. L’objectif du texte est de faire confiance à ces acteurs pour définir ensemble un projet de santé à l’échelle d’un territoire, qui peut avoir les dimensions d’un département, s’il répond à une cohérence géographique, ou être plus réduit, par exemple, se confondre avec le territoire d’une métropole. En réalité, la définition du périmètre ne regarde pas notre hémicycle ; il revient aux acteurs de terrain de déterminer ce qui leur permet d’être à l’aise pour parler des problèmes de santé. L’esprit du texte est de leur donner des outils et non pas de les inciter à décalquer localement des objectifs régionaux pouvant leur apparaître éloignés de leurs préoccupations.
    Madame Anthoine, laissons au pouvoir réglementaire le soin de préciser l’organisation des CTS. Si nous voulons que les acteurs de terrain s’emparent de ces dispositifs et règlent eux-mêmes les problèmes, n’allons pas trop loin et ne tenons pas le stylo à leur place. Nous devons leur donner la liberté de concevoir leurs propres projets, sans qu’ils aient quelqu’un sur le dos. Le reproche que l’on adresse au système de santé d’être tatillon pourrait s’appliquer à votre amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François Braun, ministre

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    Avis défavorable. Comme l’a souligné le rapporteur, il n’y a plus de temps à perdre, nous sommes tous d’accord sur ce point. L’expérimentation est inutile d’autant qu’une grande souplesse est laissée aux CTS dans leur fonctionnement, ne serait-ce que parce qu’on met à leur disposition la boîte à outils des CNR territoriaux, ce qui leur ouvre un vaste champ de possibilités.
    Il existe actuellement en France 1 000 à 1 200 territoires de population qui comptent des structures préexistantes, libérales ou hospitalières. Elles ont créé des habitudes de travail entre les gens, et c’est autour d’elles que va être définie l’échelle de territoire qui sera la plus opérationnelle.
    J’ajouterai une précision sur les plans régionaux de santé. En aucun cas, ils ne s’imposent de manière dogmatique aux territoires censés les décliner localement. Ils sont alimentés par les projets territoriaux de santé, eux-mêmes alimentés par les projets locaux de santé, et la cohérence d’ensemble est assurée par un mouvement d’aller et retour.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On a l’habitude, c’est comme ça que fonctionne le parti communiste ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Il est préférable que cela se passe comme vous venez de le décrire, monsieur le ministre, plutôt que de manière descendante. Nous demeurons toutefois dubitatifs quant aux effets concrets des dispositions de l’article 1er sur les déserts médicaux et l’accès aux soins. Nous le sommes également s’agissant de votre volonté de supprimer la notion de territoires de démocratie sanitaire, pour les transformer en territoires de santé. Nous nous interrogeons, je l’avais évoqué en réunion de commission, sur le sens et la portée de cette modification et j’aimerais vous entendre à ce sujet parce que je n’ai pas été complètement convaincu par votre logique d’harmonisation des noms, d’autant que nous pourrions les harmoniser dans l’autre sens.
    Que devient la démocratie sanitaire ? Progressera-t-elle réellement ? Qui convoquera et dirigera, d’une certaine façon, les CTS ? Nous avons le sentiment qu’en faisant porter la responsabilité sur les acteurs locaux, l’État se dédouane de sa propre responsabilité – même si je sais que ce n’est pas votre volonté, comme vous l’avez expliqué en commission. Toutefois, c’est bien l’État qui est responsable, en premier lieu, de l’accès aux soins et de l’égalité à cet accès. Nous restons donc assez circonspects en la matière. C’est pourquoi la proposition de notre collègue Hadrien Clouet de tendre vers une expérimentation des dispositions de l’article 1er permettrait d’identifier plus clairement l’intérêt de telles mesures.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Vous vous interrogiez, monsieur le rapporteur, sur la raison pour laquelle nous souhaitons une expérimentation, plutôt que d’entrer dans le vif du sujet. C’est en effet une vraie question et, pour y répondre, je citerai trois raisons qui plaident en faveur de mon amendement : tout d’abord, l’expérimentation permettrait de comparer ce qui marche ou non et de prendre le temps, plutôt que d’entrer précipitamment dans le vif du dispositif ; ensuite, nous disposerions d’un premier bilan de la transformation des schémas d’organisation sanitaire en territoires de santé et pourrions tirer les leçons de la manière dont les périmètres ont été conçus et ce qu’ils apportent – nous serions donc mieux informés ; enfin, cela permettrait de préparer la généralisation du dispositif, en évitant les expériences malheureuses. (M. Sébastien Delogu applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Neuder.

    M. Yannick Neuder

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    J’ai du mal à comprendre vos réponses, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, à l’amendement de la députée Emmanuelle Anthoine. M. Dharréville a rappelé que l’accès aux soins, pour lequel il est question de définir un périmètre, relève du régalien. Néanmoins, si l’objectif est bien de regagner la confiance des professionnels de santé du territoire, il est normal que ceux-ci aient leur mot à dire sur le périmètre du conseil territorial de santé. Or, sauf si j’ai mal compris, c’est bien le sens de l’amendement de Mme Anthoine, et il serait dommage de le rejeter alors qu’il vise précisément à renforcer cette confiance.
    Je rappelle que les professionnels de santé seront loin d’être majoritaires au sein des conseils territoriaux de santé, même si leurs instances représentatives seront effectivement présentes. Il y a de meilleures façons de leur faire comprendre qu’ils ont toute notre confiance que de prévoir des CTS dans lesquels ils ne seraient pas majoritaires et dont ils ne pourraient même pas définir le périmètre.

    (Les amendements nos 823, 824 et 429, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 603, je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 122.

    M. Nicolas Ray

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    Il s’agit d’un amendement de repli proposé par mon collègue Philippe Juvin, à la suite du rejet des amendements de suppression de l’article 1er. Il vise à supprimer les alinéas 2 à 5, afin de conserver la rédaction actuelle de l’article L. 1434-9 du code de la santé publique, qui fait référence aux territoires de démocratie sanitaire. Le conseil territorial de santé est une structure légère de démocratie participative en matière de santé publique, ni trop lourde ni chronophage pour les soignants. Il est donc essentiel de conserver cette référence.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Avis défavorable. J’en profite pour répondre à la question de Pierre Dharréville, qui anticipait quelque peu sur la discussion d’amendements encore à venir. Nous favorisons la démocratie – et il n’est peut-être pas utile de le préciser – là où il n’y en avait pas jusqu’à présent, alors même que ces territoires étaient qualifiés de territoires de démocratie sanitaire. Désormais, elle sera rendue possible car nous mettrons tous les acteurs autour de la table, y compris les financeurs, le régulateur et la puissance publique, à travers les ARS et l’assurance maladie pour le volet sanitaire, et grâce à la présence du préfet. Le dialogue sera donc très ouvert, et chacun pourra confronter ses points de vue et ses ambitions par rapport aux réalités territoriales. Territoire de santé, projet territorial de santé, conseil territorial de santé ; il n’est pas besoin de conserver la notion de démocratie sanitaire, puisqu’elle est incarnée dans le fonctionnement proposé.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François Braun, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Pour rebondir sur les propos du rapporteur, je ne suis pas sûr que la notion de territoire soit suffisamment clairement définie – en tout cas, pas dans notre esprit. Vous avez mentionné le préfet : vous semblez donc vouloir organiser le territoire de santé à l’échelle du département. Cette notion est un peu floue.

    M. Nicolas Sansu

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    Et quand c’est flou, il y a un loup !

    M. Pierre Dharréville

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    J’aimerai savoir comment vous voyez les choses.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Vous aurez remarqué que l’article 1er précise que la « délimitation des territoires de santé peut être redéfinie par les membres siégeant au sein des conseils territoriaux de santé compétents, en lien avec l’agence régionale de santé. » Il est également précisé que cet article s’appliquera dix mois après la promulgation de la présente loi. Nous ouvrons donc un délai de dix mois pendant lequel les acteurs des territoires pourront se saisir des périmètres actuels des CTS s’ils ne leur semblent pas pertinents et les redéfinir. Faut-il que ce soit à l’échelle d’une métropole ou d’un département ? Un département pourra-t-il être divisé en trois territoires de santé ? Je n’en sais rien ; je ne connais pas la géographie de chaque département en matière de santé. Chacun jugera quelle notion de territoire de santé lui semble la plus pertinente. Cela relève des acteurs des territoires, et il ne m’appartient pas, en tant que rapporteur, de le définir.

    (L’amendement no 122 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 637.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Je remercie tout d’abord le rapporteur de ne pas créer une nouvelle instance : le conseil territorial de santé existe déjà, et l’article 1er vise à en préciser les modalités. Ensuite, qu’est-ce que la notion de territoire ? À l’heure actuelle, les CTS sont départementaux – en tout cas, je n’en connais pas qui soient à une autre échelle. Mais ils pourraient être institués à l’échelle des bassins de vie, comme vous le disiez, des métropoles ou encore au niveau d’un GHT.
    J’en viens à mon amendement : la rédaction actuelle de l’article 1er prévoit que la délimitation des territoires de santé « peut » être redéfinie. J’aimerai clarifier les choses, en précisant que « les acteurs du territoire définissent » : il ne s’agit pas simplement de pouvoir. Les acteurs définissent quel est le bon périmètre – bassin de vie, métropole, département, etc. ; s’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, alors l’ARS interviendra.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

    (L’amendement no 637, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 603.

    M. Pierre Dharréville

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    J’ai déjà évoqué l’objet de cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 3, parce qu’il substitue à la notion de démocratie sanitaire celle de territoire de santé. Vous avez raison, il ne suffit pas de parler de territoire de démocratie sanitaire pour que la démocratie soit au rendez-vous. Toutefois, il est préférable d’afficher un tel objectif. Il vaut mieux faire vivre la démocratie sanitaire – et si c’est votre intention, tant mieux – plutôt que d’en supprimer l’objectif dans la loi. C’est dommage et cela envoie un mauvais signal. D’autant qu’il existe plusieurs manières de faire vivre ce type de structures : elles peuvent certes être démocratiques, mais nous pourrions aussi imaginer qu’un préfet ou un directeur d’ARS vienne expliquer comment les choses doivent être – ce n’est bien sûr pas ce que nous souhaitons. Selon moi, maintenir dans le titre l’idée qu’il s’agit bien d’un lieu de démocratie sanitaire a toute son importance, même s’il faut, en effet, la faire progresser dans la vraie vie.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Frédéric Valletoux, rapporteur

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    Je serai bref car j’ai déjà développé les arguments de fond. J’ai posé la question aux associations de patients que j’ai auditionnées : ils n’y ont vu aucun problème, alors que ce sont de grands défenseurs de ce que l’on appelle la démocratie sanitaire – pour France Assos Santé par exemple, ce n’est pas un sujet. L’important, c’est que le dialogue incarné par le dispositif progresse. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François Braun, ministre

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    Pour compléter votre information, les conseils territoriaux de santé ont été créés, comme les instances de démocratie sanitaire, à l’échelon soit départemental soit infradépartemental – nous n’allons pas revenir sur ce sujet. Ils sont compétents sur l’ensemble du périmètre des ARS : non seulement l’offre de soins, mais également le champ médico-social, la santé publique, la veille et la sécurité sanitaires ou encore la prévention. Nous couvrons donc bien, par cette dénomination, l’ensemble du champ.
    Ensuite, comme cela est mentionné dans le texte, les modalités de mise en œuvre des conseils territoriaux de santé seront précisées par décret. Mais ce sont bien les acteurs de santé qui définissent l’offre de soins, l’ARS n’intervenant que pour les soutenir ou prendre la main lorsque cela n’a pas été fait. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 603.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        92
            Nombre de suffrages exprimés                85
            Majorité absolue                        43
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                46

    (L’amendement no 603 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Questions orales sans débat.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à minuit.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra