XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mardi 06 février 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 06 février 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Carte scolaire du premier degré

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques ; elle porte sur la carte scolaire du premier degré. Tout comme vos quinze glorieux prédécesseurs, vous affirmez que l’enseignement des fondamentaux est la priorité des priorités. Votre prédécesseur le plus bref, désormais Premier ministre, déclare avec de mâles accents que l’éducation est la mère des batailles. Comment justifier, alors, les 1 709 suppressions de postes dans le premier degré public, inscrites au budget de 2024 ?

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Eh oui !

    M. Roger Chudeau

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    L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et les départements font remonter à tous les députés de vives protestations à ce sujet – il s’agit évidemment des départements de la France périphérique (Exclamations sur les bancs du groupe LR), cette France oubliée, cette France méprisée par l’oligarchie macronienne. Dans mon département du Loir-et-Cher, vingt-quatre suppressions sont prévues, après dix-sept l’an passé, et le recteur annonce que ce n’est pas fini.

    M. Olivier Falorni

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    C’est le fruit de la RGPP !

    M. Roger Chudeau

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    Ne me répondez pas qu’au vu de l’évolution démographique, vous auriez pu en supprimer bien davantage ! Les raisonnements comptables n’ont pas leur place lorsque le système éducatif de notre pays s’enfonce dans la médiocrité.

    M. Olivier Falorni

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    Qu’en pensait M. Fillon à l’époque où vous étiez à son cabinet ?

    M. Roger Chudeau

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    L’enseignement n’est pas une dépense indue, c’est un investissement d’avenir. La moitié des élèves qui entrent en sixième lisent péniblement avec leur doigt, ce qui les rend incapables de suivre les enseignements du collège. S’il devait y avoir des maîtres en surnombre, vous disposeriez de davantage de remplaçants, vous pourriez favoriser la co-intervention et faire de la qualité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    On ne comprend rien !

    M. Roger Chudeau

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    Or vos suppressions de classes détruisent un peu plus le tissu éducatif dont notre pays a un besoin vital.
    Les peu regrettés Élisabeth Borne et Pap Ndiaye avaient promis, en 2022, que la carte scolaire en milieu rural serait établie sur trois ans, en étroite concertation avec les municipalités. Que reste-t-il de cet engagement ? Rien, bien entendu.
    L’école est en état d’urgence. Nous vous demandons donc de prononcer un moratoire sur les fermetures de classes et d’ouvrir enfin le chantier maintes fois repoussé de l’organisation de l’école primaire en milieu rural. Nous demandons une conférence nationale consacrée à l’école rurale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Il est où, Bayrou ?

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

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    Pour l’école de la République, aucun territoire ne doit être négligé ni oublié. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Nous avons en France le maillage territorial le plus fin s’agissant du nombre d’écoles, et le système d’allocation des moyens prend en considération différents critères : les volumes d’effectifs, les dynamiques démographiques, l’indice de position sociale des établissements et l’indice d’éloignement. Grâce à la politique qui a été menée depuis 2017 pour l’école primaire, nous avons considérablement renforcé les ratios d’encadrement dans le premier degré et réduit le nombre d’élèves par classe. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)

    M. Maxime Minot

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    C’est faux !

    M. Vincent Descoeur

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    C’est écrit par ChatGPT !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Puisque votre question porte spécifiquement sur la ruralité, je veux insister sur la dynamique que nous avons engagée en la matière : les écoles rurales représentent 34 % des écoles publiques pour 18 % des élèves. Elles ont donc un taux d’encadrement favorable.

    M. Patrick Hetzel

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    Ce n’est pas le cas !

    M. Fabrice Brun

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    Cessez la politique du chiffre !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Je m’engage à appliquer pleinement les engagements que vous avez mentionnés, issus du plan France ruralités : oui à une visibilité à trois ans sur la carte scolaire, oui aux instances de concertation et de dialogue, oui aux initiatives innovantes – je pense notamment aux territoires éducatifs ruraux, qui sont passés de 91 il y a quelques mois à 190 désormais. Ils permettent, dans la même logique que celle du Conseil national de la refondation (CNR), de promouvoir localement, dans la proximité, des initiatives innovantes pour préserver l’égalité des chances dans tous nos territoires. Je l’ai dit : cet engagement, je le respecterai dans toutes ses dimensions – carte scolaire, territoires éducatifs ruraux, instances de coordination et de dialogue entre les élus et les services de l’État –, pour la réussite de tous les élèves de ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Cessez la politique du chiffre !

    Politique énergétique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Armand.

    M. Antoine Armand

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Notre pays fait face à un mur énergétique. D’ici à 2050 – et même à 2030 –, comme le Président de la République l’a affirmé dans son discours de Belfort, nous devrons baisser comme jamais notre consommation d’énergie, et nous devrons simultanément produire une quantité inédite d’énergie bas-carbone. Sobriété, énergies renouvelables, nucléaire : le défi est immense. Il ne souffrira pas le droit à la paresse intellectuelle.
    Il ne souffrira pas les incohérences incorrigibles de ceux pour qui l’urgence serait écologique tous les jours, mais qui refusent tous les jours la première source d’énergie bas-carbone en France : le nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Il ne souffre pas vos incohérences tout court !

    M. Antoine Armand

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    Il ne souffrira pas non plus les postures des patriotes du dimanche, ceux qui défendent la France, nous disent-ils… sauf quand il s’agit d’implanter des installations d’énergies renouvelables qui réduisent la dépendance au gaz russe. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Grégoire de Fournas

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    On n’en veut pas !

    M. Julien Dive

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    C’est le secrétaire d’État à l’énergie qui parle !

    M. Antoine Armand

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    Ce mur qui nous fait face, c’est le défi industriel de notre temps – et nous nous réjouissons que l’énergie retrouve le giron du ministère chargé de l’industrie, comme nous l’avions recommandé dans la commission d’enquête que j’ai menée avec mon collègue Raphaël Schellenberger. Nous aurons besoin de panneaux solaires ; nous aurons besoin d’éoliennes ; nous aurons besoin de centrales et d’infrastructures énergétiques en Europe. Nous en aurons besoin pour que la transition accompagne la réindustrialisation que vous avez lancée, et que vous poursuivez depuis 2017 contre vents et marées en baissant les impôts, en simplifiant le droit et en créant des emplois sur le territoire.

    M. Hervé de Lépinau

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    Quelle impertinence !

    M. Antoine Armand

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    Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser le calendrier et les modalités de la stratégie énergétique que vous comptez poursuivre pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    Un député du groupe LR

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    Et de la dette !

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Le défi français est simple : produire plus d’électricité décarbonée dans les années à venir.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il ne fallait pas fermer la centrale de Fessenheim !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    C’est un défi considérable, car de notre capacité à le relever dépend notre capacité à réindustrialiser le pays, à attirer de l’intelligence artificielle, à développer de nouveaux secteurs économiques, à développer l’industrie automobile et aéronautique.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il ne faut pas rester là, alors !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Il faut doubler la production d’électricité décarbonée en France, pour la faire passer de 27 % du mix énergétique à plus de 50 % d’ici à 2050.
    Qu’est-ce que cela suppose ? D’abord, de nous appuyer sur nos atouts stratégiques, le premier étant les réacteurs nucléaires – vous l’avez souligné.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il serait temps !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Aussi avons-nous engagé la construction de six nouveaux EPR – réacteurs pressurisés européens ; la première livraison interviendra d’ici à 2035. (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Volte-face !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    D’autres pourraient suivre si les besoins le justifient. Ensuite, nous devons accélérer le développement des énergies renouvelables, qu’il s’agisse du solaire, de l’éolien terrestre, de l’éolien en mer ou des barrages – ces derniers mériteraient d’être mieux utilisés ; vous le savez en ce qui concerne votre région.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Combien de milliards ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    J’en viens au troisième volet de notre stratégie, qui a été rappelé par le Président de la République dans son discours de Belfort : économiser l’énergie, faire preuve de davantage de sobriété et d’efficacité, récupérer l’énergie des secteurs industriels afin de la réutiliser pour le chauffage des communes.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est pour cela que vous avez augmenté les taxes !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    C’est grâce à cette stratégie simple, claire, lisible et volontariste – plus d’électricité, plus de nucléaire, plus d’énergies renouvelables, plus de sobriété et d’efficacité – que la France occupera la place qui lui revient : celle de la première économie décarbonée en Europe à l’horizon de 2040. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Situation à Gaza

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Certains députés et moi-même revenons de Rafah, où nous nous sommes rendus à l’initiative de notre collègue Éric Coquerel. Vous le savez, il s’agit du seul point d’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Nous y avons vu des kilomètres de camions interdits d’entrer par Israël, avec souvent un gâchis considérable de denrées. Sept ambulances seulement peuvent passer chaque semaine pour évacuer les blessés – une ambulance par jour pour plus de 66 000 blessés et pour plus de 2 millions de Gazaouis qui n’ont plus accès aux soins, qu’ils soient blessés, malades ou handicapés ; une ambulance par jour pour l’unique hôpital encore en service dans la bande de Gaza, où les personnels sur place décrivent des conditions effroyables. Le médecin français Raphaël Pitti, en opération à Gaza jusqu’à hier, n’avait jamais vu de telles conditions ni de tels massacres de civils dans aucun conflit armé.
    Alors que l’offensive israélienne a été reconnue comme représentant un sérieux risque génocidaire par la Cour internationale de justice, quel est le devoir de la France ? Est-il du devoir de la France de poser fièrement, comme l’a fait votre ministre hier, avec un dirigeant d’extrême droite responsable de plus de 27 000 morts, dont plus de 5 000 enfants, en lui demandant simplement le respect des frontières de 1967 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Claudia Rouaux applaudit aussi.) Est-il du devoir de la France de ne pas condamner l’offensive aveugle et démesurée israélienne, qui a rasé 90 % des infrastructures civiles d’un des territoires les plus densément peuplés du monde ? Est-il du devoir de la France de remettre en cause le financement d’une agence des Nations unies, l’Unrwa – l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient –, seule capable de secourir la population civile dans l’enclave, alors même que plusieurs de nos voisins, comme l’Espagne ou l’Irlande, ont augmenté leur soutien ? (Mêmes mouvements.)
    Le devoir de la France, c’est d’être du côté de la dignité et de l’humanité ; c’est d’être du côté des opprimés et de poursuivre l’héritage international chiraquien (Vives protestations sur les bancs du groupe LR)…

    M. Maxime Minot

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    Pas vous !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    …– ce Jacques Chirac qui affirmait : « Tant que [les Palestiniens] devront s’accommoder d’une existence collective au rabais, les frustrations et l’amertume persisteront. » (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Le devoir de la France, c’est de demander un cessez-le-feu immédiat et permanent dans une enclave où l’on tue à huis clos. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Meyer Habib

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    Pas un mot sur les otages !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Le devoir de la France, c’est de refuser toutes les colonisations, car il n’est pas de plus grand droit que celui de pouvoir jouir de ses propres terres et y vivre. Soyez à la hauteur de notre histoire ! (Plusieurs députés des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC, et GDR-NUPES se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Je vous prie d’excuser le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui effectue au Liban la dernière étape de sa tournée diplomatique dans la région, après s’être rendu en Égypte, en Jordanie, en Israël et dans les territoires palestiniens. L’objectif de son déplacement et son message sont clairs, et rappellent les devoirs de la France : condamnation sans ambiguïté des actes terroristes du Hamas, demande de libération immédiate de l’ensemble des otages,…

    M. Meyer Habib et M. Jérémie Patrier-Leitus

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    Bravo !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    …cessez-le-feu durable pour répondre à l’enjeu humanitaire sur place, avec une consolidation et un accroissement de l’aide, y compris médicale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et HOR.) Concernant le volet politique, notre objectif est constant : œuvrer pour une sortie de crise avec une solution à deux États. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)

    M. Meyer Habib

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    Pas un mot sur les otages !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    La France est prête à poursuivre ses efforts humanitaires. Notre contribution à la plateforme de soutien présente en Égypte a notamment permis l’envoi de 1 000 tonnes de fret, larguées à Gaza, grâce à une coopération efficace. (M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit.) Les habitants de Gaza et d’Israël doivent pouvoir vivre en paix côte à côte. Vous l’aurez compris, la France s’engage à continuer – et continuera à s’engager – en faveur d’un cessez-le-feu sans délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Notre aide humanitaire est bloquée en Égypte ! Elle ne passe pas !

    Situation à Gaza

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Nous nous sommes rendus dimanche à Rafah avec plusieurs parlementaires. Nous y avons porté un message de paix : le cessez-le-feu permanent et immédiat, assorti de la libération des otages. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Nous y avons rencontré les six médecins humanitaires français sortis de Gaza lundi. Je vais donner ma voix à l’un d’eux, Raphaël Pitti : il parle de rues et de trottoirs sans un mètre carré de libre, parce que 2 millions de personnes, qui ont fui le nord de Gaza bombardé, puis le sud de Gaza bombardé à son tour, sont désormais massées sans aucun abri dans un espace prévu pour en accueillir 200 000. Il décrit leur hôpital, le seul à peu près intact, comme un chaos sanitaire. Un tiers des patients sont des victimes des bombardements et des snipers israéliens. Il le certifie : il n’a vu parmi eux que des civils. Ceux qui arrivent là sont une minorité, capables de se traîner jusqu’à l’hôpital ; les autres meurent dans la rue. Le reste, ce sont des pathologies et des infections qui, faute de médicaments, deviennent mortelles.
    Raphaël Pitti s’est rendu maintes fois en Syrie et en Ukraine ; il a été médecin militaire ; il n’a jamais vu pareil désastre. Il dit aussi : « Il y a pire que tuer un homme, c’est lui enlever sa dignité. Ici, il y a 27 000 morts et 2 millions d’êtres humains privés de leur dignité. »
    Quand on demande « que pensez-vous du risque génocidaire énoncé par la Cour de justice internationale ? », les six médecins répondent : « Le génocide est en cours. »

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Aucun mot sur les otages ! (Protestations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Éric Coquerel

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    Dans un mois, l’interrogation ne sera, de toute façon, plus de mise, car l’Unrwa – l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient –, la seule institution humanitaire et administrative présente, pourrait s’arrêter, faute de financements. Pour Raphaël Pitti, si l’Unrwa s’arrête, la population est condamnée.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Honteux ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)

    M. Éric Coquerel

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    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, votre position en faveur d’un cessez-le-feu a été appréciée en Égypte et par les représentants palestiniens, mais concernant cette question vitale, la France doit faire plus. La France n’a pas suspendu son aide, mais pouvez-vous nous affirmer qu’elle s’engagera à poursuivre les versements à l’Unrwa au moins jusqu’aux conclusions du groupe chargé d’évaluer sa neutralité, créé par l’ONU et mené par Catherine Colonna ? Que compte-t-elle faire pour que les pays qui ont interrompu leur versement – les États-Unis mais aussi des pays européens – reviennent sur cette décision ? (Mmes et MM. les députés des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe GDR-NUPES, dont certains se lèvent, ainsi que du groupe SOC, applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Je ne reprendrai pas les éléments que j’ai développés en réponse à Sabrina Sebaihi. S’agissant de l’Unrwa, je veux toutefois vous transmettre quelques précisions au nom du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, en tournée diplomatique dans la région.
    Au vu de la situation humanitaire catastrophique à Gaza, la France poursuit la programmation de ses soutiens aux agences des Nations unies qui ne prévoyaient aucun versement à l’Unrwa au premier trimestre 2024. Nous attendons les conclusions du rapport dont la rédaction a été confiée à Catherine Colonna par le Secrétaire général des Nations unies. (Exclamations sur divers bancs.)

    Avenir constitutionnel de la Guyane

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    Monsieur le Premier ministre, respecterez-vous le vote unanime des élus de Guyane ? Le 26 mars 2022, ils ont exprimé leur volonté d’inscrire la future collectivité autonome de Guyane dans un article spécifique de la Constitution, comme vous avez confirmé vouloir le faire pour la Corse le 24 janvier dernier.
    Je rappelle que le Congrès des élus réunit tous les maires, tous les élus territoriaux, tous les parlementaires et tous les présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    La Guyane réfléchit en effet à son avenir institutionnel et je sais qu’avec le président de la collectivité et les élus guyanais, vous avez évoqué ce sujet avec le Président de la République, favorable à une modification de la Constitution. Nous avons l’intention d’y réfléchir pour l’ensemble des territoires ultramarins, indépendamment de la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie, et d’accompagner ces évolutions institutionnelles souhaitées pas simplement par les élus – nous avons évidemment pris acte de leur vote –, mais aussi par la population.
    Nous devons examiner certains points, liés notamment à la domanialité des terres vacantes et sans maître en Guyane et aux compétences, et préciser la manière dont la collectivité territoriale consultera les électeurs guyanais. Nous avons constaté, dans d’autres territoires ultramarins, que la volonté des élus n’était pas toujours partagée par la population. Nous restons cependant ouverts à la demande des élus de Guyane. Vous le savez, le Président de la République aura bientôt l’occasion de se rendre dans ce beau territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    Le 21 avril 2017, plus de 40 000 personnes manifestaient en Guyane. Les accords de Guyane ont entériné l’ouverture d’un nouveau chapitre du processus d’évolution statutaire. Le 19 octobre 2022, vous avez initié des rencontres avec les élus Guyane en vue d’ouvrir un processus de discussion similaire à celui de la Corse, processus qui devait aboutir en septembre 2023. Le Gouvernement est resté sourd à nos relances durant plus d’un an. La nomination de deux experts est une tactique d’enfumage pour ignorer un processus engagé par le Premier ministre Édouard Philippe.
    Dans un territoire aussi grand que la Guyane, doté d’un potentiel humain et d’une biodiversité extraordinaires, dont le sous-sol regorge de ressources – or, diamant, pétrole, gaz, bauxite, kaolin, tantalide, terres rares –, il est inadmissible que 53 % de la population vive sous le seuil de pauvreté. La situation chaotique guyanaise est la conséquence d’un empilement de normes et de décisions politiques parisiennes inadaptées et le plus souvent absurdes. Est-il normal, à l’heure de la sobriété énergétique, que le commerce avec nos voisins immédiats soit entravé ? Est-il normal, sur un territoire de plus de 8,4 millions d’hectares, que des agriculteurs renoncent à s’installer faute de terres exploitables ?
    Le constat est implacable : le statu quo n’est plus possible ; la Guyane doit changer de cadre statutaire. Elle en a les ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je regrette que vous n’ayez pas écouté la réponse que je viens de vous faire : le Gouvernement est favorable à l’évolution statutaire de la Guyane. Toutefois, vous ne vous êtes pas engagés sur la consultation de la population guyanaise. Comme la Corse et la Nouvelle-Calédonie, la Guyane doit consulter ses habitants. Les manifestations ne font pas les élections.
    Vous souhaitez une citoyenneté guyanaise et un corps électoral restreint. Un tel changement justifie pour le moins de consulter les électeurs guyanais quant à leur avenir – il n’est pas inutile de le souligner ici, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement vous a demandé de vous engager dans ce processus de consultation, mais vous ne l’avez pas fait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Jean-Victor Castor

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    Mettez-vous à jour, monsieur le ministre ! Il y a une consultation !

    Plan Écophyto

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Zgainski.

    M. Frédéric Zgainski

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    Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire,…

    M. Benjamin Lucas

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    Et des pesticides !

    M. Frédéric Zgainski

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    …vous avez pris une décision difficile, mais nécessaire, la semaine dernière concernant la suspension du plan Écophyto. Évidemment, la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires doit rester une priorité. Cependant, il est également impératif d’accompagner nos agriculteurs dans cette voie. Il est impensable de les laisser sans solution tant qu’un traitement alternatif ne sera pas disponible. La transition vers une agriculture plus durable et plus respectueuse de l’environnement passe par une modification en profondeur des pratiques agricoles (M. Fabrice Brun s’exclame), ce qui nécessite un véritable soutien à l’innovation pour trouver des alternatives aux produits de synthèse.
    Je pense, en particulier, aux solutions de biocontrôle qui font appel à des mécanismes naturels. Ces alternatives aux pesticides sont à la fois efficaces et respectueuses de la santé des sols, des écosystèmes et de la population. Il est urgent de soutenir financièrement cette filière. Certes, 10 millions d’euros par an sont d’ores et déjà prévus pour des projets de recherche et de déploiement, mais il faut amplifier cet effort pour que la recherche et développement (R&D) et les expérimentations s’accélèrent et que des solutions alternatives soient trouvées pour tous les usages. En parallèle, il est nécessaire d’alléger les procédures d’homologation, particulièrement longues, complexes et parfois décourageantes pour les jeunes entreprises françaises qui se lancent dans le biocontrôle.
    Nous avons la chance d’avoir des sociétés françaises leaders en matière d’innovation dans le domaine des biosolutions et du biocontrôle. Je pense notamment à Immunrise Biocontrol, présente à Cestas, ma commune. Il est impératif de les soutenir pour conserver notre avance et travailler à la reconquête de notre souveraineté alimentaire.
    Quels sont les leviers que le Gouvernement compte activer pour favoriser le développement de solutions alternatives françaises et accompagner les agriculteurs dans la transition écologique tout en maintenant leur compétitivité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Je veux vous apporter deux éléments de réponse. Premièrement, nous avons en effet décidé de suspendre quelques semaines le plan Écophyto,…

    Mme Emmanuelle Anthoine

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    Quelques semaines seulement ?

    M. Marc Fesneau, ministre

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    …tout d’abord pour analyser les indicateurs. Nous avons besoin d’un indicateur qui reflète correctement les efforts consentis par l’agriculture et qui ne conduise pas à décourager ceux qui tentent de trouver des solutions alternatives ou qui produisent les produits les plus à risque. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Ensuite, cette pause nous permettra de prendre des mesures de simplification pour éviter les surtranspositions. Je pense notamment au registre numérique, qui s’inspire des travaux des députés Dominique Potier et Frédéric Descrozaille au sein de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Allez sur le terrain !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Deuxièmement, les solutions alternatives sur lesquelles nous devons travailler sont de plusieurs types, qu’il s’agisse des produits phytosanitaires, des outils de biocontrôle ou des biostimulants. Vous l’avez dit, un programme de recherche est en cours. Toutefois, nous devons satisfaire deux exigences dans ce domaine.
    D’une part, l’innovation doit s’accompagner d’un processus d’homologation rapide : il faut accélérer le déploiement des innovations en expérimentation ou en généralisation. Nous devons travailler au niveau national et au niveau européen pour que les solutions alternatives validées soient rapidement mises à disposition des agriculteurs. Ce point est évidemment central. Comme on dit, l’innovation doit aller dans les cours de ferme.
    D’autre part, s’agissant des moyens que nous devons y consacrer, je lancerai dans quelques jours, avec ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre du plan France 2030, un programme visant à encourager les biostimulants et les outils du biocontrôle, doté de 60 millions d’euros, dont 42 millions de fonds publics et 18 millions de fonds privés. Il est important que les firmes soient associées à cette démarche et nous aident à développer les solutions dont ont besoin les agriculteurs. La transition écologique ne doit pas être une punition, mais se traduire par des moyens, des objectifs et un accompagnement spécifique. Voilà ce que le Gouvernement met sur la table. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mobilisation des agriculteurs

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Brun.

    M. Fabrice Brun

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    Monsieur le Premier ministre, les tracteurs sont tout juste rentrés dans les fermes de France et déjà les déclarations contradictoires des membres de votre gouvernement fusent dans le plus grand désordre.

    M. Patrick Hetzel

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    Il a raison !

    M. Fabrice Brun

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    Si vous pensez avoir berné les agriculteurs ou avoir acheté leur silence, vous faites une grave erreur. Soyez conscient que sans traduction de vos paroles en actes d’ici le Salon de l’agriculture, le retour de manivelle sera terrible : terrible pour notre agriculture et notre alimentation ; terrible pour notre économie, qui ne résisterait pas à l’agglomération de toutes les colères après sept ans de fracturation macroniste. Oui, les agriculteurs veulent vivre dignement de leur métier.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il a raison !

    M. Fabrice Brun

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    Plus de rémunérations, moins de charges, moins de normes et un cap clair : pas d’interdiction sans solution. Stop à la surtransposition à la française. Arrêtez « d’emmerder » les agriculteurs et les éleveurs français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.) Contrôlez plutôt les rayons et les containers.
    Nous n’en pouvons plus de cette concurrence déloyale, de ces produits qui ne respectent pas les mêmes normes que nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Juste échange, réciprocité des normes, exonérations de charges sur la main d’œuvre saisonnière et permanente, choc de simplification, réparation de l’injustice des retraites agricoles, prédation, gazole non routier (GNR), plan Écophyto, application stricte de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, la loi Egalim : les solutions existent ; c’est d’abord et toujours une question de volonté politique.

    M. Marc Le Fur

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    Très bien !

    M. Fabrice Brun

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    Comme pour l’eau, qu’il faut stocker l’hiver pour l’utiliser l’été, partout où c’est possible, et pas au cas par cas, selon le bon vouloir de votre administration. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) C’est du bon sens paysan, comme les soixante propositions de notre livre blanc.
    La Gouvernement sera-t-il au rendez-vous des promesses au Salon de l’agriculture ? Vous êtes attendu au tournant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Vous avez fait la liste de sujets que nous avons nous-mêmes mis sur la table. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Ni le Président de la République, ni le Premier ministre, ni aucun membre du Gouvernement ne considère en avoir fini avec cette crise. Nous avons apporté des réponses immédiates à certaines crises – la crise bovine et la crise viticole notamment (Exclamations sur les bancs du groupe LR) –, mais, vous avez raison, les agriculteurs attendent aussi des réponses dans la durée,…

    M. Frédéric Boccaletti

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    Ils attendent depuis sept ans déjà !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    …avant le Salon de l’agriculture, mais aussi après ! (Mêmes mouvements.) Pour répondre à des difficultés qui durent depuis trente ans, il faut agir dès aujourd’hui, mais aussi dans la durée. D’ici au Salon de l’agriculture, nous allons travailler à des mesures de simplification. (Nouvelles exclamations sur le banc du groupe LR.) Le Premier ministre a déjà annoncé certaines d’entre elles, qu’il s’agisse des délais de recours ou de la lourdeur des procédures. Nous travaillons également avec les organisations professionnelles départementales, sous l’égide des préfets, pour identifier toutes les simplifications possibles. Croyez-moi, la sédimentation depuis des dizaines d’années est grande ! C’est ainsi que nous entendons avancer.

    M. Maxime Minot

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    En sept ans, vous n’avez pas beaucoup avancé !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Au niveau européen, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a souligné la nécessité de relancer le dialogue et la coopération entre les États membres pour que la politique agricole commune (PAC) permette la transition écologique tout en garantissant la souveraineté agricole. (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.) Voilà le chantier que nous devons engager. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
    Outre les mesures de court terme, nous prévoyons des mesures pour favoriser l’installation des agriculteurs dans le cadre du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles qui sera présenté au Parlement d’ici le mois de juin.

    M. Marc Le Fur

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    C’est trop long !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Le calendrier que nous prévoyons permettra deux lectures au Sénat et à l’Assemblée avant juin. Je suis sûr que vous nous soutiendrez dans notre volonté d’engager la transition écologique et de protéger la souveraineté agricole ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Défense de l’école publique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Monsieur le Premier ministre, vous avez promis d’« emmener la cause de l’école à Matignon ». Mais de quelle école parlez-vous ? De l’école publique, gratuite, laïque et obligatoire, ou de l’école payante, réservée à une caste et aux beaux quartiers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) De l’école de la mixité sociale ou de celle de la ségrégation scolaire ? De l’école de la laïcité qui s’impose ou de celle des cours religieux imposés ? De l’école de l’égalité entre les sexes ou de celle des classes pour filles et des classes pour garçons ? De l’école de l’éducation civique et de l’éducation à la vie sexuelle…

    M. Vincent Descoeur

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    Celle de François Hollande !

    M. Arthur Delaporte

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    …ou de celle qui prône des discours sexistes et homophobes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) De l’école de l’émancipation des élèves ou de celle de l’uniforme obligatoire ? De l’école de l’éducation populaire ou de celle du service national universel d’endoctrinement de la jeunesse ?

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Arthur Delaporte

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    De l’école du libre choix de son orientation ou de celle de Parcoursup contourné ? De l’école qui place un enseignant devant chaque classe ou de celle dans laquelle 6 500 postes ont été supprimés depuis 2017 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
    Monsieur le Premier ministre, la colère gronde. Dans le Finistère, en Isère, dans le Puy-de-Dôme ou dans le Calvados, des classes et des écoles ferment,…

    M. Sébastien Chenu

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    C’était comment, à Henri IV ? C’est loin de la Seine-Saint-Denis !

    M. Arthur Delaporte

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    …les dotations horaires sont réduites à peau de chagrin. En Seine-Saint-Denis aussi ! Partout, les revendications sont les mêmes.

    M. Maxime Minot

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    Vous étiez à Henri IV !

    M. Arthur Delaporte

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    Aujourd’hui, comme jeudi dernier, des dizaines de milliers d’enseignants sont dans la rue et scandent en chœur : « Amélie Oudéa-Castéra, démission ! Amélie Oudéa-Castéra, démission ! » (Mêmes mouvements.) Monsieur le Premier ministre, écoutez-les, pour une fois !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

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    Opposer l’école publique à l’école privée, c’est vraiment une guerre d’un autre âge qu’il est hors de question de raviver. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) Depuis la loi sur les rapports entre l’État et les établissements d’enseignement privés, dite loi Debré, adoptée en 1959 sous la présidence du général de Gaulle, l’une cohabite avec l’autre ; c’est la liberté de l’enseignement et la qualité du service public de l’éducation.
    La moitié des familles ont fait le choix, à un moment ou à un autre, de mettre au moins un de leurs enfants dans l’école privée.

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas le problème et vous le savez !

    M. Benjamin Lucas

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    Ce n’est pas la question qui vous a été posée !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Je veux vous rappeler notre volonté, illustrée par la mobilisation de soixante effectifs supplémentaires dans l’inspection, de nous assurer que l’école privée est au rendez-vous de ses obligations…

    Mme Christine Arrighi

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    …en matière pédagogique, en matière financière, en matière administrative et sur le plan du respect des valeurs de la République – et tout particulièrement de la laïcité –, mais aussi en matière de mixité sociale et scolaire.

    M. Benjamin Lucas

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    Répondez à la question !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Nous nous assurerons de la bonne application des engagements pris par le secrétariat général de l’enseignement catholique. Cela se traduira par une plus grande transparence des conditions d’accès aux établissements privés, par l’amélioration de leur suivi et par une augmentation du taux de boursiers.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Tout le monde n’habite pas le quartier de Stanislas !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Nous voulons nous assurer de l’effective application de l’ensemble de ce dispositif, parce que nous voulons faire réussir toutes les écoles. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

    M. Patrick Hetzel

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    Ce sont les élèves qui doivent réussir !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Ce protocole, qui date de mai 2023, est assorti de moyens spécifiques et nous ferons en sorte qu’un niveau d’exigence adéquat y soit associé. L’école privée mérite des moyens,…

    M. Benjamin Lucas

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    C’est l’école des inégalités !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    …ni plus ni moins que la juste allocation correspondant à la part d’élèves qui y sont scolarisés, à savoir 17 %, et à l’indice de position sociale des établissements. Nous voulons faire réussir tous les élèves et toutes les écoles de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Madame la ministre, la guerre scolaire, c’est vous qui la ravivez, ce n’est pas nous ! C’est vous qui employez ces termes ; c’est vous qui refusez de vous expliquer ; c’est vous qui refusez de démissionner ; c’est vous qui n’assumez pas ; c’est vous qui insultez les enseignants !

    M. Sébastien Chenu

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    Non, c’est vous !

    M. Arthur Delaporte

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    C’est votre bilan et celui de votre gouvernement ! Maintenant, écoutez les enseignants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Fermetures de classes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guy Bricout.

    M. Guy Bricout

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    Élu du Cambrésis, à dominante rurale, j’ai assisté à de nombreuses cérémonies de vœux, au cours desquelles les maires ont fait état de difficultés à gérer leur commune. Cependant, je les ai presque tous entendus annoncer la rénovation ou la construction d’une école, projetant ainsi leur commune dans l’avenir. Nous venons pourtant d’apprendre la fermeture de nombreuses classes dans l’ensemble du pays ; elles sont au nombre de vingt-neuf dans ma circonscription et s’ajoutent à celles de l’an dernier.
    Dans un village, réduire une école à une seule classe, c’est, à terme, condamner l’école, qui reflète la vie du territoire et incarne le lien indéfectible de la nation avec ses enfants. Or le classement de la France, au niveau mondial, ne fait que dégringoler.
    Nous ne pouvons nier une décrue démographique, mais elle remonte à 2017. Or de 2017 à 2022, les classes ont été maintenues grâce à des dispositifs – c’est le terme utilisé. Pourquoi fermer brusquement et drastiquement les classes à partir de 2022 ? Nous estimons au contraire que cette situation doit être l’occasion de diminuer le nombre d’élèves par classe, d’autant que les dédoublements et le plafonnement de ce nombre ont fait leurs preuves.
    Vous avez choisi de supprimer des postes dans le premier et le second degré. Lors de l’examen des deux derniers budgets, les députés du groupe LIOT s’y sont opposés, notamment en défendant un amendement de notre collègue Béatrice Descamps, qui a été adopté avant que ne tombe le 49.3. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
    Nous ne pouvons nier les concertations menées par les directions académiques des services de l’éducation nationale (Dasen) et les inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) – que je remercie –, mais ils n’ont fait qu’appliquer les instructions du ministre. Compte tenu des actuelles difficultés économiques et sociales, vous avez l’occasion de relever un défi pour l’avenir des territoires.
    Madame la ministre de l’éducation nationale, comment comptez-vous instaurer une politique publique efficace contre les fermetures de classes en général ? Quelles réponses pouvez-vous apporter aux parents et aux enfants touchés par ces nombreuses fermetures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes LR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques.

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques

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    Je vous remercie de votre question : il est en effet très important d’avoir une carte scolaire qui réponde véritablement aux besoins des territoires et qui tienne compte des indices d’éloignement, des indices de position sociale des établissements, de l’évolution des effectifs et des dynamiques démographiques. Sur le terrain, nos équipes veillent à appliquer une telle carte scolaire, en concertation avec les élus.

    M. Jean-Pierre Taite

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    C’est faux, il n’y a pas de concertation !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Permettez-moi de revenir sur l’évolution des taux d’encadrement, qui se sont considérablement améliorés grâce à la politique de dédoublement des classes dans le primaire que nous avons menée. En milieu rural – auquel je vous sais particulièrement attaché –, ces taux sont très favorables, avec une moyenne de 19,4 élèves par classe dans les communes rurales qui sont éloignées ; ils se sont améliorés par rapport à 2020. Dans les autres communes rurales, ce taux est de 21,5 élèves par classe, meilleur que le ratio national de 22,7 élèves par classe.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Ce ne sont pas des ratios, ce sont des humains !

    Mme Frédérique Meunier

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    Et le classement Pisa ?

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Simplement, nous sommes parfois obligés de procéder à certaines fermetures de classes.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Il n’y a aucune concertation, les fermetures sont imposées !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Les écoles peuvent être performantes, mais si le nombre d’enfants est trop réduit dans une classe donnée, l’émulation et leur capacité de progression sont remises en cause ; tous les professeurs vous le diront.

    M. Benjamin Lucas

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    Il faut partir, madame !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Nous portons une égale ambition pour tous les territoires, qu’il s’agisse de zones d’éducation prioritaire (ZEP) ou de zones rurales. Dans ces dernières, nous menons la concertation que vous avez évoquée et nous anticipons l’évolution de la carte scolaire pour les trois prochaines années. (M. Pierre-Henri Dumont s’exclame.)
    Nous avons également créé les territoires éducatifs ruraux ; 190 seront opérationnels dès la rentrée prochaine.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Retournez à la Fédération française de tennis !

    Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre

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    Ils nous permettront de travailler avec les services de l’État, les associations et les élus pour proposer des solutions adaptées, innovantes et constructives pour les élèves en milieu rural.

    Négociations commerciales

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Monsieur le ministre de l’économie, la mobilisation des agriculteurs continue de soulever la question du revenu agricole et plus particulièrement de celui des éleveurs. Le Gouvernement a lui-même souligné le rôle des centrales d’achat internationales hébergées à l’étranger, qui permettent à certaines négociations commerciales d’échapper au droit français. Quelles mesures l’Union européenne peut-elle prendre pour que la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, s’applique à la lettre en France et en Europe ?
    Dans le secteur laitier, les organisations de producteurs rencontrent de grandes difficultés de contractualisation avec certains industriels, comme l’Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (Unell) avec l’entreprise Lactalis, ou Sun Lait avec l’entreprise Savencia.

    Mme Josiane Corneloup

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    Tout à fait !

    M. Thierry Benoit

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    Dans ce dernier cas de figure, certains éleveurs laitiers craignent de ne plus voir leur production collectée à partir du 8 mars. Les pouvoirs publics sont interpellés par les organisations de producteurs. Monsieur le ministre, quelles suites le Gouvernement entend-il donner à l’alerte lancée par certaines organisations de producteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je connais votre attachement au monde agricole, en Ille-et-Vilaine dans le canton de Fougères, mais également plus loin. Vous pouvez compter sur la détermination totale du Gouvernement, du Premier ministre, du ministre de l’agriculture, ainsi que sur la mienne, pour faire respecter l’ensemble des dispositions de la loi Egalim.
    Que les choses soient bien claires : un produit négocié et vendu en France doit respecter toutes les dispositions de la loi Egalim, qu’il ait été négocié sur le territoire français ou dans une centrale d’achat européenne. J’ai demandé à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de veiller à ce que tous les produits – notamment laitiers – négociés par l’intermédiaire de centrales d’achat européennes respectent rigoureusement l’ensemble de la loi Egalim.

    Mme Christine Arrighi

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    Ce n’est pas ce qu’a dit M. Arnaud Rousseau !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Sur 1 000 contrats, 124 ne respectent pas les dispositions de la loi Egalim : j’ai envoyé des injonctions aux 124 industriels et distributeurs concernés (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), qui disposent de quinze jours pour se conformer à cette loi, faute de quoi ils encourent une sanction de 5 millions d’euros par distributeur ou par industriel.

    Mme Laure Lavalette

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    Ça fait combien à l’hectare ? (Sourires.)

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Notre main ne tremblera pas : nous serons intraitables avec ceux qui ne respectent pas les dispositions de la loi Egalim. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
    Quant aux organisations de producteurs, nous les avons créées ensemble, lorsque j’étais ministre de l’agriculture et vous-même député. Elles permettent de négocier en position de force le prix du lait entre les producteurs, les industriels et les distributeurs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
    Il n’est pas acceptable que des industriels puissent négocier le prix de leurs produits avec les distributeurs, alors même qu’ils n’ont pas conclu leurs négociations avec les producteurs de lait ; le Premier ministre l’a d’ailleurs rappelé dans sa conférence de presse, il y a quelques jours. Nous veillerons à ce que la loi Egalim soit strictement respectée et à ce qu’elle soit renforcée sur ce point précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    L’Union européenne devrait procéder au même travail que celui effectué par l’Assemblée il y a cinq ans : lancer une commission d’enquête sur le fonctionnement des centrales d’achat hébergées à l’étranger, notamment en Europe.

    Mme Christine Arrighi

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    Alors il ne fallait pas voter la PAC !

    M. Thierry Benoit

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    S’agissant des organisations de producteurs, lorsque vous étiez ministre de l’agriculture, vous aviez fixé un objectif de contractualisation. Je considère que le groupe Lactalis et l’entreprise Savencia sont de grands industriels qui doivent donner l’exemple en matière de prix, de sorte que tous les industriels et tous les éleveurs laitiers soient rémunérés à la hauteur des travaux et des efforts qu’ils fournissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Hausse de la délinquance

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck

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    Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, permettez-moi de vous rappeler des chiffres ; vous les connaissez, puisqu’il s’agit de ceux qui ont été communiqués par votre ministère la semaine dernière. En 2023, les homicides ont progressé de 5 % ; les coups et blessures volontaires, de 7 % ; les violences intrafamiliales, de 9 % ; les viols et les tentatives de viols, de 10 % ; les autres agressions sexuelles, de 7 % ; les vols avec armes, de 2 % ; les cambriolages et dégradations volontaires, de 3 % ; le trafic de stupéfiants, de 4 % ; les escroqueries, de 7 %.
    Derrière ces chiffres se trouvent des femmes et des hommes broyés, pénalisés financièrement et malheureux. Plus que des statistiques, vos chiffres sont les marqueurs du deuil, de la souffrance et de la peur. La hausse de la délinquance, notamment violente, est constante, quasiment à sens unique et touche tous les territoires.
    Les chiffres sont têtus et ceux qui considèrent que la France n’est pas un coupe-gorge refusent de voir la réalité que vivent les Français. Monsieur le ministre, à l’approche des Jeux olympiques, avez-vous conscience que l’insécurité n’est pas un sentiment ? Quelles actions entendez-vous appliquer pour casser la courbe de la délinquance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Votre programme !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Et de l’insécurité !

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Je suis d’accord avec vous : l’insécurité n’est pas qu’un sentiment et il faut lutter contre elle avec la dernière énergie.

    Mme Laure Lavalette

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    Ah, c’est bien de le dire !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je regrette d’ailleurs que vous n’ayez pas eu un mot pour les policiers et les gendarmes qui se battent tous les jours pour faire reculer l’insécurité ; sans doute leur action ne vous arrange-t-elle pas, sans doute ne souhaitez-vous pas les soutenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Sébastien Chenu

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Moi, je suis fier d’être à leur tête depuis bientôt quatre ans, car je sais qu’ils font un travail quotidien. J’en prendrai pour exemple le département où se situe votre circonscription : si vous aviez une vision chiffrée de l’état local de la délinquance et des forces de police, vous auriez souligné que le Var compte 143 policiers de plus qu’il y a deux ans, que le nombre de vols de véhicules y a diminué de 28 %, que le nombre de vols avec armes y a diminué de 6 % et que le nombre de vols violents y a diminué de 11 %.

    Mme Julie Lechanteux

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    C’est la baisse de la hausse !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous êtes sans doute plus intéressé par les choses négatives – qu’il faut évidemment combattre –, mais vous n’avez pas cité l’intégralité des statistiques nationales. Or quand on dit la vérité, on ne la dit pas à moitié. Ainsi, nous constatons pour la première fois une diminution de 10 % des violences dans les transports et une baisse de 8 % des vols violents.

    M. Sébastien Chenu

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    Tout va bien alors !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Après une augmentation continue pendant quinze ans, le nombre de cambriolages recule pour la première fois. La vérité, c’est que vous êtes heureux quand les Français vont mal ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Julie Lechanteux

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    Honteux !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck

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    Votre gouvernement souffre toujours manifestement de quelques difficultés avec les mathématiques : un ancien ministre de l’agriculture n’avait aucune idée de ce que représentait un hectare et vous, vous nous expliquez que plus et plus, ça fait moins. En fait, plus et plus, ça ne fait jamais moins, ça fait toujours plus. Et si depuis que vous êtes au pouvoir, les homicides volontaires ont progressé de plus de 30 %, ce n’est pas qu’il y a moins de morts, c’est surtout qu’il y en a 180 de plus par an.
    Merci pour les statistiques du Var, mais vous n’en êtes pas le ministre ! Vous êtes le ministre de l’ensemble du pays et chaque semaine, chaque année, les Français sont malheureusement victimes de la politique désastreuse menée par l’attelage que vous formez avec le garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Les électeurs du Var seront ravis d’apprendre que vous vous fichez de votre département : c’est un premier problème ! (Très vives protestations et huées sur les bancs du groupe RN.) L’inconvénient d’écrire votre réplique avant d’avoir entendu ma réponse, c’est que vous finissez par lire les éléments de langage de monsieur Bardella au lieu de vous concentrer sur la vérité que vous devez aux Français ! (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    C’est minable !

    Suites de la mobilisation des agriculteurs

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

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    Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, à chacune de leurs mobilisations, j’ai eu l’occasion d’échanger avec les agriculteurs de ma circonscription, celle d’Agen. Ces femmes et ces hommes portent des revendications légitimes, ils veulent faire entendre leur mal-être et les difficultés pesant sur leur profession depuis des décennies. Ils sont d’abord accablés par des normes et des injonctions contradictoires. Ils sont éprouvés aussi, car ils consacrent leur vie – ainsi que celle de leur famille – à leur métier, sans pouvoir s’en sortir dignement ; ils sont en colère enfin, face à certains discours politiques les accusant à tort d’être responsables de tous les dommages environnementaux ou à ceux qui les instrumentalisent à des fins de récupération politicienne.

    M. Aurélien Pradié

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    On ne comprend rien ! Peut-on augmenter le volume ?

    M. Michel Lauzzana

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    Pourtant, ces mêmes agriculteurs ont démontré qu’ils n’avaient pas perdu l’espoir de vivre dignement de leur travail et de nourrir correctement nos concitoyens. Leurs revendications étant multiples – les agricultures et leurs besoins sont parfois différents, selon les régions et les secteurs de production –, je salue l’éventail très concret et adapté de vos annonces, qui ont permis d’apporter des réponses rapides et claires.
    Pour l’agriculture, il y aura un avant et un après cette mobilisation, avec par exemple le grand chantier de la simplification, que nous devrons dupliquer dans tous les secteurs de l’action publique. Le chemin est encore long, mais cette démarche est nécessaire. Les agriculteurs restent mobilisés et attentifs aux résultats concrets.
    Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures concrètes que vous avez déjà prises et quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillerez d’ici le Salon international de l’agriculture pour répondre aux besoins de nos agriculteurs et soutenir notre souveraineté et le modèle agricole français.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Merci pour votre question.

    M. Aurélien Pradié

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    Oui, vous pouvez le remercier, parce qu’on n’aurait pas fait mieux !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Au fond, les agriculteurs ont posé une question existentielle, celle de leur capacité à continuer de vivre de leur travail. Ils ont également interrogé leur rapport à la société, en se demandant : « Au fond, qu’est-ce qu’elle attend de nous ? » Vous l’avez dit, les discours de stigmatisation ont parfois fait beaucoup de mal aux agriculteurs.
    Dans l’urgence, nous avons répondu – avec le Premier ministre et plusieurs autres ministres – sur plusieurs sujets, d’abord sur celui des secteurs en crise et je pense notamment au secteur bovin, au secteur viticole et au secteur de l’agriculture biologique. Certains des fonds d’urgence annoncés ont déjà été ouverts et permettront de soulager les trésoreries et de faire face aux situations les plus périlleuses.

    M. Maxime Minot

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    Ça fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    S’agissant du secteur bovin, la réponse à la maladie hémorragique épizootique (MHE) est un formidable, un terrible défi pour la filière. Nous l’accompagnerons par la prise en charge des frais vétérinaires et des pertes d’animaux.
    Dans le secteur viticole, nous devons travailler sur des questions plus structurelles et nous avions d’ailleurs engagé il y a plusieurs semaines, voire plusieurs mois, un travail de restructuration du vignoble, lequel devait permettre de mieux répondre aux besoins et à la demande, mais également au problème de la surproduction viticole. Ce problème, véritable, est sous nos yeux.
    Avec ces mesures structurelles, nous prendrons des mesures de simplification, que le Premier ministre a annoncées. Elles porteront sur les procédures, notamment dans les domaines de l’élevage et de l’eau. Il y a déjà une dizaine de jours, Christophe Béchu et moi-même nous sommes d’ailleurs mis au travail : nous avons envisagé toutes les dispositions nous permettant d’accélérer et de simplifier les procédures, mais également les rendre plus lisibles pour les agricultures.
    Enfin, nous devons mener un travail de moyen et de long terme, en poursuivant la simplification et en agissant au niveau européen. Nous devons en effet interroger les fondements de la politique agricole commune (PAC) en matière de souveraineté et de transition écologique. Telle est bien la question que nous posent les agriculteurs français et européens (Mme Sophia Chikirou s’exclame) et le travail qui nous attend est bien celui de la simplification, de la transition écologique et de la compétitivité.

    Protection de l’enfance

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi.

    Mme Marianne Maximi

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    C’était une enfant, elle avait 15 ans, elle s’appelait Lily. La semaine dernière, elle s’est donné la mort dans la chambre d’hôtel où elle avait été placée par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Je voudrais que notre assemblée lui rende hommage et apporte son soutien à ses proches et à ses éducateurs, qui font du mieux qu’ils peuvent dans un contexte d’effondrement de la protection de l’enfance. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent. – Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent également et M. le Premier ministre applaudit.)
    Madame la ministre, que faisait une enfant de 15 ans seule dans un hôtel ?

    Mme Laure Lavalette

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    C’est honteux !

    Mme Marianne Maximi

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    Ne me répondez pas que ce n’était pas un hôtel, mais un centre d’hébergement pour mineurs. Même conventionnés avec les départements, les hôtels restent des hôtels, des lieux inadaptés pour les enfants, notamment les plus vulnérables. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Laure Lavalette et M. Emmanuel Taché de la Pagerie applaudissent également.) Anthony, Jess, Nour : tous sont morts dans de telles structures de placement, dont l’État connaissait la dangerosité. En 2019, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a alerté sur leurs dangers, bien identifiés, dont l’isolement et l’exposition aux trafics et à la prostitution. En 2022, notre assemblée a voté pour que les placements en hôtels ne soient plus possibles sans accompagnement éducatif renforcé. Que s’est-il passé depuis ? Rien ! Le décret d’application n’a jamais paru, non plus qu’une dizaine d’autres, d’ailleurs.
    La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants est l’une des moins appliquées de celles votées pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Ce défaut d’application dit beaucoup du mépris social avec lequel est traité le devenir des enfants placés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Ces enfants ont pourtant des droits et l’État lui-même a envers eux des devoirs.
    « Quand tu casses, tu répares », nous a dit le Premier ministre.

    M. Maxime Minot

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    Il a raison !

    Mme Marianne Maximi

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    Mais qui va réparer la protection de l’enfance, que le Gouvernement laisse s’effondrer ? Qui va réparer les familles, qui n’ont pas trouvé d’aide quand elles en avaient besoin ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Qui va réparer les vies d’enfants brisées par des parcours chaotiques en protection de l’enfance ? Qui va réparer les professionnels en souffrance et à bout de souffle ? Face à une protection de l’enfance en ruine, il nous faut commencer dès maintenant à prendre des mesures fortes. Madame la ministre, quand comptez-vous interdire les placements en hôtel ? Pas les aménager ni les encadrer, mais bien les interdire ? (Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Mmes Marina Ferrari, Perrine Goulet et Maud Petit applaudissent aussi.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Au nom du Gouvernement, permettez-moi d’apporter à mon tour mon soutien aux proches de Lily, ainsi qu’aux professionnels touchés par sa disparition tragique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Ils sont pourtant sous votre responsabilité !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Une cellule psychologique a été ouverte pour apporter le soutien nécessaire à l’équipe éducative, dévouée, ainsi qu’aux autres jeunes de l’établissement de Lily. Une enquête est en cours et devra permettre de faire toute la lumière sur ce drame absolu.
    Je vous réponds au nom de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui est actuellement au Sénat. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, a permis, après un travail approfondi de plusieurs mois avec les professionnels concernés, les départements de France et les parlementaires, que la parole des enfants soit davantage et mieux prise en compte.
    Cette loi est appliquée. Oui, un certain nombre de ses décrets d’application ont déjà été publiés, bien que certains restent encore à paraître. Je vous annonce que le décret précisant les conditions d’interdiction de la prise en charge en hôtel vient d’être signé par le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    En outre, le Gouvernement souhaite poursuivre le dialogue avec les départements sur les conditions d’application de la loi Taquet, pour toujours mieux protéger les jeunes de l’ASE. Nous le devons à tous ces enfants, qui n’aspirent qu’à une chose : vivre comme tous les autres.

    Mme Sophia Chikirou

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    J’espère que vous n’allez pas laisser ces enfants dehors !

    Hommage national aux victimes françaises du Hamas

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib

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    Quatre mois après les pogroms du 7 octobre 2023, la France rendra demain un hommage national à ses quarante-deux enfants massacrés par les djihadistes du Hamas. Enfin !
    Avidan, Valentin, Karine, Ruth, Naomi, Sigal, Céline, Elya et les autres… Quarante-deux Français parmi les 1 200 civils massacrés, décapités, brûlés ; ces femmes violées, puis tuées, devant leur famille, leurs corps profanés et exhibés comme des trophées. Je regrette par ailleurs que les familles des dizaines de soldats israéliens tombés en héros ne soient pas conviées à cet hommage, mais je pense surtout aux 136 otages détenus dans les geôles djihadistes, au bébé Kfir, 1 an, et à toutes ces femmes, violées en permanence.
    Comme je le craignais, après la compassion et la sidération vient le temps des accusations, de l’inversion de la charge et même de la nazification d’Israël.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce pays est quand même dirigé par des fachos !

    M. Meyer Habib

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    Au grand cirque de La Haye, l’Afrique du Sud, au régime corrompu et criminogène, place l’État juif sur le banc des accusés dans un simulacre de procès qui déshonore la justice internationale. Le monde doit comprendre, quatre-vingts ans après la Shoah, que le peuple juif n’ira plus jamais à l’abattoir sans réagir.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il ne faut pas confondre Benyamin Netanyahou et le peuple juif.

    M. Meyer Habib

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    Cette guerre a été imposée à Israël. C’est un acte de justice et non de vengeance. Pendant ce temps, l’extrême gauche est à Rafah : pas un mot pour les otages ! Elle vient pour soutenir l’agence de l’ONU impliquée directement dans les pogroms et dont il faut définitivement cesser le financement. Comble de l’indécence et de la provocation, elle sera représentée à l’hommage demain.
    Qui imagine Bousquet, Papon ou Faurisson participer à la commémoration annuelle de la rafle du Vel’ d’Hiv’ ? C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame vivement.)
    Monsieur le Premier ministre, je suis le député de ces familles, qui ont écrit au Président de la République car elles ne veulent pas des porte-parole du Hamas à l’hommage de demain. La France ne peut balayer leur émotion et leur colère !
    Oui, l’indignité existe ! Elle rôde près de Marianne et y dépose ses tumeurs ! De grâce, que les représentants de l’extrême gauche montrent un sursaut de décence et d’humanité envers les victimes et qu’ils n’imposent pas leur présence à l’hommage, pas aux Invalides, ce temple républicain !
    Monsieur le Premier ministre, pourquoi les avoir invités ? Pourquoi ne pas dresser, comme par le passé pour d’autres, un cordon sanitaire avec les antisémites qui font l’apologie du terrorisme et distillent la haine du Juif ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – M. David Habib applaudit aussi.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est vraiment honteux !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Comment pouvez-vous dire ça ? Madame la présidente, comment peut-il se le permettre ? Comment le Gouvernement peut-il le tolérer ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

    M. Meyer Habib

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    J’aurais attendu une réponse du Premier ministre, qui aurait été à sa place !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il ne répondra pas à de tels propos, il a sa dignité !

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

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    Permettez-moi de répondre au nom du Gouvernement.
    Il y a quatre mois, le 7 octobre 2023, des vies ont été violemment arrachées à leurs familles par la folie terroriste ; le 7 octobre 2023, l’horreur surgissait à nouveau dans le quotidien des Israéliens ; le 7 octobre 2023 commençait la souffrance des familles et des blessés ; le 7 octobre 2023, une attaque terroriste des plus barbares a été menée par le Hamas contre l’État d’Israël, contre des Israéliens, contre des Français, contre des juifs.
    Monsieur le député, quelles que soient nos divergences idéologiques, des moments exigent que nous soyons collectivement à la hauteur de leur gravité. L’hommage national voulu par le Président de la République compte parmi ces moments et demain, nous devrons nous souvenir, ensemble, des noms et des visages de celles et ceux qui ont été arrachés à leurs familles.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Qui forme le « nous » dont vous parlez ?

    Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée

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    Si le protocole prévoit l’invitation de tous les responsables politiques, chacun appréciera l’opportunité de sa présence et les familles se sont exprimées à ce sujet. Je tiens une nouvelle fois à dire que justifier le terrorisme, c’est accepter qu’il frappe à nouveau.

    Hausse des tarifs du gaz

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Tivoli.

    M. Lionel Tivoli

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Après l’augmentation des tarifs du gaz au mois de janvier, qui fait suite à la sortie du bouclier tarifaire, une nouvelle augmentation, comprise entre 5,5 et 10,4 %, est prévue à compter du 1er juillet. Voilà le terrible cadeau que vous offrez aux Français pour célébrer le premier anniversaire de la fin des tarifs réglementés, quelques jours seulement après avoir augmenté de 10 % les tarifs de l’électricité.
    Plus incroyable encore, une ex-ministre, issue de vos rangs, justifie que cette augmentation, « bénéfique pour le pouvoir d’achat des ménages », est, en partie, de leur fait « puisque la consommation diminue ». Très sérieusement, de qui vous moquez-vous ? C’est à l’exploitant d’assumer le risque et non au consommateur. Contrairement à votre ancienne collègue, aujourd’hui présidente de la Commission de régulation de l’énergie, aucun Français ne se réjouira de cette nouvelle ponction.
    Votre soumission aux instances européennes et au libre-échange est la seule responsable de l’explosion des prix du gaz.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Et Poutine, ça vous dit quelque chose ?

    M. Lionel Tivoli

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    Le marché européen de l’énergie conduit à un accroissement des importations françaises et à l’aggravation de la dépendance à cette énergie, nous plaçant sous la tutelle de puissances étrangères, qui, à aucun moment, n’hésitent à nous faire payer le prix fort de vos errements politiques.
    Les Français sont à bout de ces augmentations successives. Le marché européen de l’énergie est un boulet dans le pouvoir d’achat de nos ménages. Quand romprez-vous avec les règles du marché pour fixer le prix du gaz ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Les frexiteurs du RN !

    M. Lionel Tivoli

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    Quand défendrez-vous enfin les intérêts des Français et utiliserez-vous tout moyen de pression pour déjouer les effets spéculatifs du marché ? Quand concéderez-vous une baisse de la TVA à 5,5 % sur les énergies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Maxime Minot

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    Et des romans !

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    C’est surtout votre soumission à Vladimir Poutine qui a fait exploser les prix du gaz. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Julie Lechanteux

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    Ça vous a pris trois secondes !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    C’est surtout votre soumission aux intérêts étrangers de la Russie qui a fait exploser les prix du gaz. Mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, les faits sont têtus. Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prix du gaz s’élevaient à 80 euros. Ils ont bondi à 200 euros le lendemain de l’intervention de Vladimir Poutine contre l’Ukraine, intervention que vous avez soutenue. (Mêmes mouvements.)

    Mme Laure Lavalette

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    Changez de disque !

    M. Thibaut François

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    Parlez du gaz de l’Azerbaïdjan !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Vous avez systématiquement pris le parti de l’étranger, de la Russie et de Vladimir Poutine contre les intérêts de la nation française. Nous avons protégé les consommateurs, vous avez défendu vos amis de l’étranger.
    Quant à la protection du consommateur, vous me posez pour la énième fois la même question, à laquelle je vous apporterai la même réponse. Alors que vous avez proposé une baisse de la TVA, qui aurait peut-être représenté généreusement entre 200 et 300 euros d’économies par an pour le consommateur, le bouclier sur l’électricité et le gaz que nous avons instauré a permis de prendre en charge la moitié de la facture du consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous leur faites payer aujourd’hui !

    Mme Julie Lechanteux

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    Les Français ne sont pas dupes !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Vous êtes du côté de l’étranger contre la nation, du côté du producteur contre le consommateur. Voilà la réalité du Rassemblement national. (« Bravo » et applaudissements sur les bancs du groupe RE, et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Mauvais ministre, mauvais acteur !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Lionel Tivoli.

    M. Lionel Tivoli

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    Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais vous et votre gouvernement êtes les champions de l’importation du gaz naturel liquéfié – GNL – russe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Situation de la pêche

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Buchou.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ça va être plus calme !

    M. Stéphane Buchou

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Aujourd’hui, cela fait six jours que les pêcheurs du Golfe de Gascogne sont à quai. Plus de 450 bateaux sont interdits de pêche pendant un mois, dont soixante-cinq en Vendée.
    Cette fermeture spatio-temporelle est vécue à la fois comme une sanction et comme une injustice. Il s’agit d’une sanction, car s’il y a bien une profession qui s’est adaptée, qui a su rebondir et se réinventer, c’est la pêche, avec l’installation de caméras embarquées, l’utilisation de dispositifs d’effarouchement et la coopération avec les scientifiques. C’est une injustice car il s’agit de captures accidentelles. Aucun pêcheur ne part en mer avec la volonté de tuer des petits cétacés.
    Après les crises à répétition et les baisses de quotas décidées en fin d’année dernière, c’est un nouveau coup de massue. Bien entendu, je veux saluer l’accompagnement de l’État et les aides annoncées par le Gouvernement. Mais dans les ports, le sentiment de résignation prédomine. Les pêcheurs veulent vivre de leur métier et non des aides.

    M. Aurélien Pradié

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    Il ne faut pas oublier les poissonniers !

    M. Stéphane Buchou

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    Nous devons proposer des solutions qui permettent une cohabitation entre les pêcheurs et les cétacés, afin de ne pas avoir à choisir entre les uns ou les autres. Pour cela, nous devons relever le défi de la réduction des captures et de la préservation d’une activité, qui, comme notre agriculture, devrait devenir un secteur hautement protégé – je devrais même dire sanctuarisé. Nous le devons à nos pêcheurs.
    En effet, la pêche c’est à la fois notre histoire, nos paysages et le poumon de nos économies locales. Un emploi en mer crée trois à quatre emplois sur terre. À l’issue de ce mois de fermeture, dans ma circonscription, la criée de Saint-Gilles-Croix-de-Vie perdra 600 000 euros de chiffre d’affaires. Aux Sables-d’Olonne, les débarquements de poissons diminuent de moitié chaque semaine.
    Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous avez rencontré le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins. Que leur avez-vous dit ? Quelles sont les perspectives pour la pêche française et toute la filière, afin que leur activité puisse toujours se conjuguer au futur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Aurélien Pradié

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    Et de la modestie !

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    La pêche participe insuffisamment à notre souveraineté alimentaire puisque 70 % du poisson que nous consommons en France est importé.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Beau bilan !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je connais les réelles difficultés des pêcheurs et rappelle le soutien constant que le Gouvernement leur a apporté au cours des crises successives qu’ils ont eu à affronter. Je pense au covid, au Brexit, qui a particulièrement affecté la pêche française, et à la hausse des prix de l’énergie qui a conduit à prendre plusieurs décisions.

    M. Fabrice Brun

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    Si les pêcheurs sont traités comme les agriculteurs, on est mal barrés !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Le 22 décembre, le Conseil d’État a considéré que les dispositifs de préservation des espèces et de lutte contre les captures accidentelles étaient insuffisants. L’année dernière, nous avons dénombré près de 2 500 captures accidentelles, dont 1 482 pendant le seul hiver. Ces projections traduisent une menace pour la survie de l’espèce des dauphins et des marsouins communs. En effet, 2 500 captures signifient qu’entre 5 000 et 10 000 dauphins sont menacés, au-delà des taux acceptables.
    Pourtant, l’interdiction de l’usage de tous les bateaux de plus de 8 mètres, du 20 janvier au 20 février, dans une zone aussi importante, ne peut que faire l’objet d’un accompagnement massif par les pouvoirs publics.

    M. Aurélien Pradié

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    Il doit faire le tour de la terre pour prononcer une phrase, c’est la faille spatio-temporelle !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Le 1er février, j’ai indiqué au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins que le 5 février, la Commission européenne autoriserait le déblocage rapide des aides. Hier, nous avons franchi un cap technique crucial s’agissant des niveaux d’indemnisation, ce qui me permet de vous confirmer que le 20 février, nous ouvrirons les guichets d’aides afin que celles-ci soient versées au début du mois de mars. Ce dispositif s’appliquera aux bateaux concernés. Nous examinons également l’instauration d’un outil spécifique d’indemnisation des pertes subies par les mareyeurs au titre de l’excédent brut d’exploitation. En collaboration avec les élus locaux, je continue de discuter avec les personnels des ports et des criées et me rendrai en fin de semaine à la rencontre de l’ensemble des acteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Projet de forage pétrolier en Gironde

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Monsieur le Premier ministre, il y a une semaine, vous déclariez ici avec assurance vouloir faire rimer climat et croissance. C’était votre dernière trouvaille, vous l’avez appelée « l’écologie à la française ».
    Aujourd’hui, c’est votre ami, le pétrolier Vermilion Energy, qui inaugure ce nouveau concept. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Avec votre bénédiction, il s’apprête à procéder à de nouveaux forages autour du bassin d’Arcachon. Ce projet est la définition parfaite du mot incohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)
    Mme Borne déclarait au mois de juillet 2022 « vouloir faire de la France la première grande nation industrielle à s’émanciper des énergies fossiles ». Les experts du Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – disent que tout nouveau projet d’extraction est incompatible avec un réchauffement de la planète à moins de 1,5 degré, mais vous, vous regardez, passifs, le possible forage de huit nouveaux puits de pétrole au cœur de la forêt de La Teste-de-Buch, en Gironde.

    M. Erwan Balanant

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    Ce n’est pas possible !

    Mme Geneviève Darrieussecq

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    Mensonge !

    M. Loïc Prud’homme

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    Ironie cruelle, cette forêt usagère panse encore les plaies des incendies dévastateurs de l’été 2022. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Benjamin Lucas

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    Eh oui !

    M. Loïc Prud’homme

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    Je connais vos arguments : il vaut mieux du pétrole local que du pétrole importé. Voilà donc « l’écologie à la française » que vous nous vantiez ici même la semaine dernière. Polluons, oui, mais polluons français ! Détruisons la biodiversité, mais détruisons français ! Vous aurez ainsi la fierté cocardière d’avoir dépassé les dernières limites planétaires avec un désastre bleu, blanc, rouge. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.)
    Monsieur le Premier ministre, je vous le demande solennellement : pour tenir vos engagements passés, pour répondre à l’urgence climatique, pour répondre aux citoyens et citoyennes qui seront mobilisés contre ce projet dimanche prochain à Bordeaux, ferez-vous prévaloir la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique sur les intérêts financiers ? Exigerez-vous sans tergiverser l’interdiction de ces nouveaux forages en pleine forêt ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Aurélien Pradié

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    Et de la modestie ! Il est très fier de lui !

    M. Erwan Balanant

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    C’est un expert qui parle !

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    C’est à l’Assemblée nationale que la loi du 30 décembre 2017 a été votée, avec une majorité fidèle au Président de la République. Pour la première fois, elle interdit les nouveaux forages pétroliers et met fin à leur exploitation en 2040.

    M. Erwan Balanant

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    Mais oui !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    À aucun moment, la gauche, dont vous vous réclamez, n’a pris ce type de décision lorsqu’elle gouvernait. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La loi fixe l’échéance à 2040. En attendant, l’enquête publique s’est déroulée au mois de septembre. Le préfet Guyot doit rendre sa décision, à l’issue de la réunion du Coderst – conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.
    Mais parlons d’incohérence et de cohérence. Monsieur Prud’homme, expliquez-nous en quoi vous êtes cohérents, alors que nous, nous le sommes : nous souhaitons sortir des énergies fossiles, et assumons que cela passe par l’augmentation de la production d’énergies renouvelables et du nucléaire.

    M. Loïc Prud’homme

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    La preuve que non !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Vous défendez les dictateurs étrangers qui, au Guyana et au Venezuela, imposent de nouveaux forages pétroliers représentant 11 milliards de barils. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Vous reprochez qu’en France, dans le cadre du droit en vigueur, des demandes d’autorisation soient déposées. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous dénoncez de manière régulière l’inaction, mais lorsque nous vous proposons de voter des dispositifs, vous expliquez constamment qu’ils sont insuffisants.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Soutenez la transition écologique à la française. Assumez la relance du nucléaire, faites en sorte de nous accompagner dans le développement des énergies renouvelables. Sortez de votre confort et de vos postures, parce qu’en la matière, il est temps de forer de nouvelles idées plutôt que de tenter d’en recycler de vieilles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Francis Dubois applaudit également.)

    Situation des usines de nickel en Nouvelle-Calédonie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

    M. Nicolas Metzdorf

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. L’économie de la Calédonie repose sur son nickel : il représente 97 % de nos exportations, emploie directement et indirectement 13 000 personnes, qui paient 20 % de l’ensemble des cotisations versées à la sécurité sociale.
    Malheureusement, ces derniers temps, nous subissons la concurrence des Chinois qui ont investi massivement en Indonésie et mettent en péril nos usines. Il y a quelques mois, vous êtes venu, accompagné de Gérald Darmanin, présenter le pacte pour le nickel. Il s’agit d’un accord entre les Calédoniens, l’État, les collectivités calédoniennes et les multinationales présentes visant à améliorer notre compétitivité et à sauver nos usines.
    Si la situation des deux usines du Sud semble s’améliorer, malgré des efforts à consentir, celle de l’usine du Nord, qui se situe dans ma circonscription, est plus compliquée. En effet, 1 300 emplois directs sont menacés. La difficulté à sauver cette usine réside principalement dans l’absence de décision et d’ouverture du président de la province Nord. Nous devons fournir tous les efforts possibles pour sauver ces emplois.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Osez nationaliser !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Une semaine décisive s’est ouverte à Paris. Vous avez entamé des discussions de haut niveau avec la multinationale présente et l’ensemble des acteurs calédoniens. Pouvez-vous indiquer aux 250 000 Français de Nouvelle-Calédonie, qui nous regardent à deux heures du matin, l’évolution de ce dossier et si nous parviendrons à ouvrir des perspectives positives pour l’industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Laurent Jacobelli

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    Et de la dette !

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je veux être très clair : nous croyons tous – le Président de la République, le Premier ministre, la majorité et moi-même – à l’avenir de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie. Je me suis rendu sur place et nous avons visité ensemble les trois usines de l’archipel : celle du Sud, celle de Nouméa et celle du Nord, l’usine KNS – Koniambo Nickel SAS.
    La construction de l’avenir de la filière implique cependant trois conditions que j’ai présentées à Nouméa, évoquées devant tous les élus et que je rappellerai ici.
    La première condition, c’est que l’ensemble des élus concluent le pacte nickel, qui permettra de mieux exploiter la ressource minière calédonienne : en exportant une partie de leur production, les usines augmenteront leur trésorerie et deviendront plus compétitives. J’appelle tous les élus à signer ce projet d’accord, sur lequel nous travaillons depuis plusieurs semaines.
    La seconde condition, c’est que l’État apporte son soutien pour moderniser le réseau électrique et faire baisser le prix de l’énergie. Le Président de la République en a pris l’engagement, je m’y suis moi-même engagé lors de mon déplacement : nous sommes prêts à investir dans les infrastructures énergétiques du territoire.
    Il faut toutefois – c’est très clair – une troisième condition : la participation des industriels, car une usine ne peut pas fonctionner sans eux, ni l’État s’y substituer.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il pourrait !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    J’ai fait des propositions à Glencore au sujet de l’usine du Nord : une subvention de 60 millions d’euros pour supporter le coût de l’énergie, 45 millions de ressources supplémentaires ainsi qu’un prêt à hauteur de 100 millions, soit 200 millions d’euros de soutien public au total, pour garantir la pérennité de cette seule usine ! Il revient maintenant aux actionnaires de prendre leurs responsabilités car nous n’irons pas plus loin. Nous ne subventionnerons pas à perte.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ça coûtera combien d’indemniser les chômeurs ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Glencore et la province du Nord doivent désormais prendre leurs responsabilités. L’État a pris les siennes, il n’ira pas plus loin ; cet argent est celui du contribuable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

    M. Nicolas Metzdorf

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    Je salue l’action du ministre qui s’est mobilisé pour sauver nos usines tout au long de la semaine. Avec le président Maillard, nous nous rendrons dès demain à Nouméa pour continuer à peser sur les discussions.

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Garantir le respect du droit à l’image des enfants

    Lecture définitive

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (texte adopté no 174, 2148).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de M. Éric Dupond-Moretti, retenu en séance au Sénat.
    Il y a près d’un an, la présente proposition de loi, défendue avec conviction par Bruno Studer et soutenue avec force et détermination par le garde des sceaux, était débattue ici, pour la première fois. Nous arrivons au terme du parcours législatif de cette initiative parlementaire, dont l’objectif est de protéger au mieux la vie privée et l’image des enfants contre les dérives liées au développement d’internet et des réseaux sociaux.
    Les chiffres – vous les connaissez – sont affolants. Avant ses 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photographies publiées sur le compte d’un parent ou d’un proche. Chaque année, les parents d’enfants âgés de 0 à 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook. La moitié d’entre eux partagent des photos avec des amis virtuels qu’ils ne connaissent pas vraiment.
    S’agissant du fléau de la pédocriminalité, je rappelle qu’en 2020, 50 % des images échangées sur les sites pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents des enfants concernés. Les données personnelles des enfants, mises en ligne par leurs parents, posent en parallèle la question du droit à l’oubli et de l’identité numérique.
    Ces éléments représentent des défis immenses que nous avons essayé de relever ensemble depuis des mois.
    Les débats et les échanges entre les deux assemblées ont été riches. Je suis donc convaincue que le texte soumis à votre approbation aujourd’hui est équilibré, ancré dans le XXIe siècle et qu’il remplit son objectif : sensibiliser les parents à la nécessaire protection de la vie privée de leurs enfants sur internet ainsi qu’aux devoirs qui leur incombent dans l’exercice de leur autorité parentale.
    Je me réjouis de l’introduction de la notion de vie privée de l’enfant dans l’article 371-1 du code civil, qui définit l’autorité parentale. Grâce à l’article 1er, le devoir de protection de la vie privée – aux côtés de la sécurité, de la santé et de la moralité – gagne en visibilité. C’est un signal fort, qui rappelle aux parents que l’exposition numérique n’est pas anodine et qu’elle peut avoir des incidences durables.
    L’article 2 entre dans le concret, si je puis m’exprimer ainsi, en rétablissant un article 372-1 dans le code civil, qui dispose que les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée. Les sénateurs ont finalement été convaincus de la pertinence de cette disposition, ce dont je me réjouis. Je m’associe donc pleinement à l’initiative de M. le rapporteur de maintenir la rédaction de l’article tel que vous l’aviez adopté le 10 octobre.
    L’article 3 vise à permettre à l’un des parents qui souhaiterait interdire la diffusion, sans son autorisation, d’images de son enfant, de saisir le juge aux affaires familiales. L’exercice de l’autorité parentale commune se traduit ainsi dans la pratique.
    L’article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l’exercice de l’autorité parentale lorsque le comportement des parents entre en conflit avec l’intérêt de l’enfant. Je suis entièrement favorable au texte proposé par le rapporteur, dans la version que vous aviez votée. Ce nouveau dispositif, qui marque une avancée significative, apportera à l’enfant une protection concrète et proportionnée face aux risques d’atteintes graves à son image.
    Enfin, l’article 5 prévoit des conditions plus souples de saisine du juge des référés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) lorsque des demandes d’effacement de données concernant des enfants n’ont pas été satisfaites. Lors de la navette parlementaire, le Sénat a suggéré à juste titre que ces dispositions soient étendues à l’outre-mer.
    Vous l’aurez compris, le Gouvernement soutient pleinement la proposition de loi, dont la dernière version a été enrichie grâce aux débats qui se sont tenus au Sénat comme devant votre assemblée. Je remercie le député Studer, dont l’engagement en faveur de la protection des mineurs est connu de tous, d’avoir pris l’initiative de ce texte qui permettra de préserver l’intérêt supérieur des enfants. Il est grand temps de l’adopter définitivement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Merci pour vos propos, madame la ministre.
    Après deux propositions de loi dont j’étais déjà le rapporteur et qui visaient, pour la première, votée en 2020, à réglementer le travail des enfants youtubeurs ou influenceurs et, pour la seconde, plus technique, votée en 2022, à imposer la préinstallation du contrôle parental sur l’ensemble des appareils connectés vendus en France, nous nous apprêtons à adopter – cette fois encore, je l’espère, à l’unanimité – un troisième texte, qui relève davantage de la régulation sociétale puisqu’il s’agit de modifier le code civil afin de renforcer les garanties entourant le droit à l’image des enfants.
    La protection de la vie privée des enfants est un enjeu, non seulement pour les quelques parents qui vont trop loin, mais aussi pour l’ensemble des Français. Nous devons, en effet, prendre conscience de l’ampleur du phénomène. Actuellement, 39 % des enfants ont une empreinte numérique avant même leur naissance, bien souvent parce que leurs parents ont publié une image d’échographie. Or qu’est-ce que la publication d’une telle image, sinon une violation du secret médical ?
    Vous avez rappelé, madame la ministre, un chiffre très impressionnant : avant l’âge de 13 ans, un enfant apparaît, en moyenne, sur 1 300 photos en ligne. Qu’advient-il de son droit à l’oubli, de son empreinte numérique, lorsqu’on sait que le droit à l’effacement est très difficile à faire respecter ?
    En outre, la moitié des images échangées sur les forums pédopornographiques sont issues de contenus partagés par des parents ou les enfants eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Il s’agit, par exemple, de photos de jeunes filles en tutu ou en tenue de gymnastique, ou de jeunes gens en maillot de bain sur la plage, détournées à des fins pédocriminelles. Nous devons donc être conscients des risques qui naissent des nouvelles opportunités offertes par internet.
    Aussi le législateur se devait-il d’intervenir pour tracer des lignes rouges et élaborer un dispositif juridique facilement mobilisable par les juges dans le cas où les parents portent atteinte au droit à l’image de leur enfant, voire à leur dignité. Je pense, par exemple, au phénomène des prank – des canulars, en bon français – que j’ai découvert en travaillant sur ces questions : des parents ridiculisent leurs enfants et les livrent en pâture sur internet en publiant les vidéos, dans l’espoir qu’elles deviennent virales. D’autres filment leur enfant sans arrêt, du matin au soir : lorsqu’il dort, se réveille, lorsqu’il est malade, en colère, lorsqu’il est grondé pour une mauvaise note… Ce faisant, ils mettent en danger sa vie privée, donc sa dignité.
    Mais la proposition de loi que nous examinons en lecture définitive – en ce jour qui se trouve être la journée pour un internet plus sûr – s’adresse également aux enfants, qui, trop souvent, n’ont pas conscience de leurs droits et pensent que leurs parents disposent d’un droit absolu sur leur image. Nous voulons faire en sorte qu’ils soient toujours davantage des sujets de droit, et non plus uniquement des objets de droit.
    Il est vrai que nous ne sommes pas parvenus à nous mettre tout à fait d’accord avec nos collègues sénateurs au cours de la navette. Et j’indiquerai, lors de la discussion des articles, les raisons pour lesquelles je souhaite que nous maintenions la version adoptée à deux reprises, à l’unanimité, par notre assemblée, sachant que des avancées ont d’ores et déjà été incluses dans le texte ; je pense en particulier à l’article 5, que je vous proposerai de compléter tout à l’heure.
    Je m’en tiendrai là, car je me réjouis à l’avance d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Pierre Cordier applaudit également.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Avant d’appeler le premier orateur inscrit, je rappelle que, pour les lectures définitives, les interventions dans la discussion générale valent explications de vote.
    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho

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    C’est un nouveau fléau qui touche les sociétés contemporaines, droguées à la tyrannie de l’immédiateté. Apparemment anodine, la diffusion d’images de nos enfants, en particulier sur les réseaux sociaux, comporte son lot de dangers. En France, selon l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, 53 % de parents ont déjà partagé sur ces réseaux des contenus où apparaissent leurs enfants ; notre pays souffre donc de cette tendance.
    La proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image de l’enfant est une réponse à cet inquiétant phénomène, qu’il nous faut juguler.
    Une précision semble s’imposer, en guise d’introduction. Il n’est en aucun cas question, ici, de remettre en cause le caractère primordial de l’éducation des enfants par leurs parents. L’État ne saurait en effet se substituer aux dépositaires légitimes de l’exercice de l’autorité parentale sans prendre le risque de créer un précédent dangereux et d’immiscer un peu plus encore l’administration dans la vie des familles.
    Cette proposition de loi a un mérite, celui de rappeler l’évidence qui doit venir à l’esprit de tout parent : son rôle est de protéger, dans tous les sens du terme, sa progéniture. L’ajout de la mention explicite du respect de la vie privée de l’enfant, que vous introduisez à l’article 1er, est donc apparue naturelle aux membres du groupe du Rassemblement national.
    C’est encore l’évidence qui conduit à rappeler, à l’article 2, que le droit à l’image de leur enfant est protégé en commun par les parents. Cette mesure de bon sens est cependant assortie de dispositions déjà satisfaites qui mériteraient, me semble-t-il, d’être supprimées. Je pense, par exemple, à celle qui prescrit d’associer l’enfant aux décisions qui le concernent, déjà consacrée par le code civil, ou aux atteintes à l’intimité de la vie d’autrui, déjà punies par le code pénal.
    La proposition de loi a également pour objet de faire écho à la promesse présidentielle de faire de la protection de l’enfance une grande cause du quinquennat. Cette promesse doit être concrètement mise en œuvre. Ainsi, l’allocation de moyens aux enfants handicapés confiés à l’aide sociale à l’enfance, qui compte parmi les urgences, devrait être mise en application.
    Si l’on peut se réjouir des quelques propositions relatives à la protection des mineurs exposés à la pornographie contenues dans le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, il est nécessaire de se montrer plus acharnés dans ce combat. Si l’on en croit l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la part des mineurs fréquentant des sites dits pour adultes est passée de 19 % fin 2017 à 28 % fin 2022 !
    Concédons, dans cette perspective, que votre texte dispose d’un atout réel : il permet d’avertir les parents des dangers inhérents à l’exposition de l’image de leurs enfants.
    La possibilité, pour le père ou la mère, d’émettre une réserve sur la diffusion d’une image de l’enfant par l’autre parent, proposée à l’article 3, nous semble une mesure judicieuse. Certains parents ne peuvent en effet soupçonner l’usage qui sera fait des images qu’ils déposent sur les réseaux publics. Quelque 85 millions de vidéos et d’images pédocriminelles ont circulé dans le monde en 2021 ; les dangers de voir les contenus détournés vers d’aussi misérables buts sont donc très grands. Du reste, les parents français doivent être particulièrement vigilants, car la France se situerait au quatrième rang mondial des pays hébergeurs de tels contenus !
    C’est essentiellement parce qu’il veut protéger l’enfant de l’exposition à de tels risques que le groupe Rassemblement national votera en faveur de cette proposition de loi. Nous sommes persuadés que la défense des familles passe par des lois justes, à même de protéger les plus faibles et d’offrir des perspectives d’espérance pour l’avenir.
    C’est aussi la raison pour laquelle nous appelons à faire davantage en matière de protection de l’enfance. Dans cette perspective, nous déposerons très prochainement une proposition de loi visant à retirer tout contenu relatif à des jeunes personnes dès lors que leur minorité est vraisemblable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Déjà, lors de la première lecture, nous avions voté pour l’adoption de ce texte, qui vient combler un vide juridique et protéger les plus jeunes en s’attachant à un aspect de leur identité qui était jusqu’alors ignoré par nos textes de loi et qui est désormais incontournable : leur image en ligne.
    L’image d’un enfant est la partie de sa vie privée qui est la plus exposée en ligne ; elle l’est par lui-même, bien sûr – car les limites d’âge n’ont jamais été respectées –, mais aussi par ses proches. Or ce qui est de nature numérique peut rapidement avoir des conséquences néfastes sur le réel, parfois de façon complètement imprévisible. Ainsi, dès lors qu’il est possible d’identifier des lieux et des habitudes de vie à partir d’une simple photo, les enfants peuvent être exposés à des prédateurs. Le cyberharcèlement, qui existe depuis la naissance d’internet, a déjà brisé de nombreuses vies.
    Parents comme enfants doivent être formés et informés pour pouvoir défendre au mieux leurs droits.
    Si beaucoup de chemin reste à faire, ce texte, qui se veut avant tout une loi de pédagogie avant que d’être une loi répressive ou sanctionnatrice, permet une avancée sur la question du droit à l’image des enfants et de leur identité numérique. Nous regrettons néanmoins l’absence, au banc du Gouvernement, d’un secrétaire d’État chargé de l’enfance. De fait, en matière de droits des enfants, les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années sont loin du compte !
    Alors que Macron avait annoncé faire de la protection de l’enfance l’une des grandes causes de son quinquennat, la situation des droits de l’enfant est plus que jamais inquiétante. Comme pour les droits des femmes, vous préférez le paraître aux politiques concrètes.
    Que reste-t-il pour faire de la pédagogie et protéger ? Quelque 1 117 emplois d’enseignant ont été supprimés dans le premier degré et pas moins de 481 dans le second degré. Plus de 2 000 classes d’école primaire ont été fermées pendant l’été. La rentrée scolaire 2023 a été inédite, dans le mauvais sens du terme : le bilan du bref passage de Gabriel Attal au ministère de l’éducation nationale tient plus de la casse que de la réparation.
    Son obsession pour les vêtements des enfants, de l’abaya à l’uniforme, jette un voile sur les plaies béantes du financement de l’école de la République et de la rémunération de ses professeurs. Cette politique traduit une incompétence totale en matière éducative. En Macronie, c’est l’apparence des élèves qui compte, et non leurs conditions de vie, la qualité du travail de leurs enseignants ou leur environnement d’étude.

    M. Benjamin Lucas

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    Il a raison !

    M. Andy Kerbrat

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    La proposition de loi que nous examinons repose uniquement sur l’engagement d’un parlementaire, notre collègue Studer ; elle ne doit rien au Gouvernement. Comment voulez-vous que des profs dont le temps de travail hebdomadaire médian est de 43 heures, selon le ministère, protègent et éduquent les enfants à leur vie privée en ligne ? Travailler toujours plus, c’est moins de temps pour suivre les élèves, identifier et prévenir les cas de harcèlement sur les réseaux sociaux. Comment remédier aux conséquences de ces agissements avec moins de 1 000 personnels de santé affectés aux établissements scolaires ?
    Quand près de 3 000 enfants sont à la rue et qu’il n’y a même pas de ministre du logement, on ne peut pas parler de protection de l’enfance ! Quand la loi « immigration » crée une distinction entre les enfants étrangers et les autres, de sorte qu’à leur majorité, les premiers seront renvoyés dans la rue avec une obligation de quitter le territoire français, on ne peut pas parler de protection de l’enfance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Quand l’ancienne secrétaire d’État refuse jusqu’à son départ d’appliquer la loi et d’interdire le placement à l’hôtel des mineurs et des jeunes majeurs pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, et observe les bras ballants les scandales, les agressions et la maltraitance des enfants les plus fragiles, on ne peut pas parler de protection de l’enfance !
    Nous saluons l’entrée dans le code civil de la notion de vie privée des enfants. Mais dans le fond, sur ce sujet comme sur les autres, vous faites du rafistolage.
    Lors la précédente lecture, je vous alertais déjà sur la fin programmée des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Depuis, le juge Durand a démissionné et le comité Théodule de Mme Bergé a été déserté par les acteurs de l’enfance. Il y a quelques jours, une tribune publiée dans Le Monde interpellait encore le Gouvernement à ce sujet : les nouvelles directives viennent remettre en question la parole de l’enfant. Face au succès de la Ciivise, qui remplit parfaitement la mission qui lui a été confiée, la nouvelle orientation mettant fin aux réunions publiques et remettant au placard les victimes devenues adultes est le parfait exemple de votre lâcheté.
    Nous, nous faisons des meetings en hologramme ; vous, vous gouvernez en hologramme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Tout n’est qu’image, apparence, camouflage ! Vous protégez l’image des enfants, mais pas les enfants. Vous découpez tous les budgets à la tronçonneuse, votez des lois d’exclusion contre les mineurs étrangers, sabrez les commissions indépendantes et ensuite, vous venez mettre un petit pansement sur une plaie béante ! (M. Damien Maudet applaudit.)
    Ce texte marque une avancée, mais il ne saurait masquer toutes les reculades du Gouvernement en matière de protection des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Peut-être avez-vous lu le roman de Delphine de Vigan intitulé Les Enfants sont rois : cet ouvrage, qui m’a beaucoup marquée, décrit de manière visionnaire ce qu’en toute innocence, des parents peuvent faire de leurs enfants en les exposant sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi je suis heureuse que cette proposition de loi de notre collègue Studer nous permette d’aborder la question du respect des droits de l’enfant sur les réseaux.
    La question plus large consiste à se demander si les réseaux sociaux apportent quelque chose de positif dans nos vies. Plus le temps passe, et plus je suis convaincue qu’ils sont loin de constituer une avancée. Répondre aux difficultés engendrées par l’exposition de nos vies sur les réseaux sociaux constituera un grand défi.
    La proposition de loi porte sur le respect de la vie privée des enfants, afin de garantir leur sécurité dans l’espace numérique. La protection de la vie privée est consacrée par l’article 16 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Ce principe doit être conforté par une meilleure régulation de l’espace numérique.
    Les enfants sont désormais surexposés sur les réseaux sociaux, dès leur plus jeune âge, à travers les comptes de leurs parents, puis sur leurs propres comptes. Cette diffusion photographique finit parfois sur des sites pédopornographiques : la moitié des images diffusées sur ces sites ont d’abord été publiées par les parents, avant de porter préjudice à l’enfant.
    Chaque jour, 300 millions de photographies sont diffusées sur les réseaux sociaux, et plus d’un internaute sur deux prend une photographie dans le but de la partager en ligne. On estime qu’un enfant apparaît en moyenne, avant l’âge de 13 ans, sur 1 300 photographies mises en ligne sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches.
    La publication, sur les comptes des parents, de contenus relatifs à leurs enfants constitue l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs, et ce pour deux raisons. D’une part, du fait de la difficulté à contrôler la diffusion de son image, ce qui est d’autant plus délicat dans le cas de mineurs. D’autre part, en raison du conflit d’intérêts susceptible de survenir dans la gestion du droit à l’image des enfants par leurs parents.
    Les parents, titulaires de l’autorité parentale, sont les garants et les protecteurs du droit à l’image de leur enfant. Toutefois, avec l’essor des réseaux sociaux et l’économie d’influence qui en résulte, de nombreux parents se mettent à exploiter l’image de leurs enfants, et à les surexposer sur internet. Cette exploitation donne parfois lieu à des séquences humiliantes, dégradantes ou néfastes pour l’enfant.
    Comme le soulignent la Défenseure des droits, Mme Claire Hédon, et le Défenseur des enfants, M. Éric Delemar, dans leur rapport annuel de 2022 consacré aux droits de l’enfant, « les violations du droit à l’image des enfants, composante du droit au respect de leur vie privée, restent en pratique communément admises ».
    Ce texte vise à privilégier l’impératif de l’intimité face à la tentation de la viralité, afin de protéger la vie privée de l’enfant. Dans la continuité de la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans – loi « enfants influenceurs » –, qui ne concerne qu’une infime partie des enfants exposés, cette proposition de loi comporte quatre articles, et entend protéger la vie privée des enfants de manière pédagogique.
    Le groupe Les Républicains est favorable au texte, avec toutefois une limite : le sentiment que cette loi n’aura pas d’effet réel, et qu’il s’agit plutôt d’un appel lancé à nos concitoyens. Cette loi vise à une prise de conscience, et à une modification des pratiques ; malheureusement, nous doutons qu’elle ait un réel effet sur les comportements des parents, et sur la protection des enfants quant à leur exposition en ligne.
    Ce texte a néanmoins le mérite d’exister, et nous le voterons. Je remercie notre collègue Studer de l’avoir porté. Il s’agit d’un premier pas qui, selon moi, n’est pas suffisant, mais qui marque une étape vers un travail collectif plus important, afin de protéger nos enfants, et nos concitoyens, de toutes les dérives des réseaux sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, sur plusieurs bancs du groupe Dem ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.

    Mme Mathilde Desjonquères

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    Plus de 300 millions de photographies sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux. Parmi celles-ci figurent de nombreux clichés d’enfants. Selon une enquête britannique, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photographies mises en ligne, avant l’âge de 13 ans, tant sur ses comptes personnels que sur ceux de ses parents ou de ses proches.
    À ces risques identifiés s’ajoutent des risques sanitaires. En effet, l’exposition excessive au jugement de tiers, la course aux likes, la pratique par certains parents du prank – ces canulars filmés aux dépens de l’enfant –, peuvent engendrer des problèmes psychologiques chez les enfants, notamment dans l’acceptation de soi et de son image.
    Il est bon de rappeler que le droit à l’image, qui découle du droit au respect de la vie privée, prévu à l’article 9 du code civil, signifie que chacun a le droit de posséder les images que l’on fait de lui. Cela signifie que toute personne a le droit de s’opposer à la production, à la publication ou à l’utilisation de son image qui serait faite sans son consentement.
    Comme l’écrit la Défenseure des droits dans son rapport « La vie privée : un droit pour l’enfant », publié en 2022, « la multiplication des contentieux entre parents et jeunes majeurs dont les photos d’enfance et les détails privés de leur vie ont été publiés sans qu’ils aient pu y consentir vient interroger ces pratiques banalisées, qui constituent pourtant des atteintes inédites à la vie privée de l’enfant ». C’est un point d’alerte pour notre société, celle dans laquelle grandiront nos enfants.
    Nul besoin de détails pour comprendre qu’il est bien difficile, pour un enfant, d’exercer son droit d’opposition à l’utilisation de son image sans son consentement. Il est donc nécessaire que nous, législateurs, les protégions de ce fléau qui se propage dans le monde.
    Je tiens à saluer de nouveau l’initiative de ce texte, qui vise à mieux protéger le droit à l’image des enfants sur internet, comme le préconisent de nombreuses associations et la Défenseure des droits. Je salue également votre travail, monsieur le rapporteur, d’écoute et de compromis, qui a permis d’aboutir à un texte à la fois protecteur et équilibré. Je me réjouis que le texte adopté en nouvelle lecture par les députés et les sénateurs permette d’introduire, dans la définition de l’autorité parentale, la notion de vie privée. Est ainsi expressément consacrée l’obligation des parents de veiller au respect de la vie privée de leur enfant, y compris de son droit à l’image, au titre de l’exercice de l’autorité parentale.
    Le texte prévoit également la possibilité, pour le juge aux affaires familiales, d’interdire à un parent de publier ou de diffuser toute image de son enfant, sans l’accord de l’autre parent. Enfin, il instaure la possibilité, pour la Cnil, de saisir la justice et de demander toute mesure de sauvegarde des droits de l’enfant, en cas d’inexécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement de données personnelles prévu à l’article 51 de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978.
    Ainsi, pour toutes les raisons évoquées, le groupe Démocrate votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.)

    M. Vincent Bru

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    Excellent !

    M. Éric Martineau

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    Incroyable !

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Rapide et efficace !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    La présente proposition de loi, examinée en lecture définitive, est intéressante, mais elle ne répond qu’à une partie des attentes.
    Son objet – garantir le respect du droit à l’image des enfants –, épouse des préoccupations bien réelles, identifiées par les spécialistes mais aussi éprouvées par les familles, parents et jeunes compris.
    Cependant, elle reste un peu en décalage par rapport aux attentes, car elle ne vise qu’à préciser certains points du droit déjà largement acquis ; elle ne s’inscrit pas dans une véritable politique publique destinée aux familles et aux jeunes, et qui viserait à informer, prévenir, et utiliser les réseaux sociaux de façon rationnelle et raisonnable.
    Je pense particulièrement à l’éducation au droit au corps, dont le texte ne parle pas explicitement. Nous considérons que le droit à l’image est une sorte de prolongement, non physique, du corps, et que la protection du corps des enfants pourrait être garantie en tant que telle.
    Les constats, y compris officiels, s’interrogent sur la formation, sur l’éducation aux droits des enfants, ainsi que sur le droit à un internet plus sûr. Or certains programmes officiels en traitent déjà, notamment pour les cycles 2 et 3, qui concernent les enfants de 6 à 11 ans.
    Aucune grande consultation n’a été lancée auprès des parents pour définir quelle vie numérique nous souhaiterions pour nos enfants, et quels droits et devoirs nous voudrions voir fixer pour les parents et les enfants. Depuis vingt ans, plusieurs initiatives ont été lancées, ainsi que des outils et des kits, mais aucune évaluation ni aucun bilan n’ont été dressés. Nous ne disposons d’aucune recension de ce qui est fait et de ce qui pourrait être amélioré.
    Je le répète, nous devons agir de concert : l’éducation et les moyens correspondants d’un côté, la loi qui encadre de l’autre. J’exprime, au nom du groupe Socialistes et apparentés, le souhait qu’une politique publique transversale soit définie, après concertation et discussion avec les acteurs, les familles et, bien évidemment, les jeunes et les enfants. (M. Gérard Leseul applaudit.) Je l’avais déjà évoqué durant la précédente législature.
    Pour en revenir aux dispositions du texte, l’article 1er introduit la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale. Sans être opposée à cette disposition, il apparaît que le respect dû à la personne inclut, par définition, le respect de ses droits fondamentaux.
    L’article 2 précise que le droit à l’image de l’enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Or l’article 372 du code civil prévoit déjà que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».
    L’article 3 précise les mesures que peut prendre le juge, en cas de désaccord entre les parents quant à l’exercice du droit à l’image de l’enfant mineur. Or ce point a déjà été tranché par le juge, dans le cas des parents séparés, en considérant que l’un des parents ne peut diffuser des photographies sur un réseau social ou professionnel sans l’accord de l’autre parent.
    Enfin, l’article 4 prévoit que la délégation de l’autorité parentale est étendue aux cas où la diffusion d’images par les parents a porté une atteinte grave à la dignité de l’enfant. On peut raisonnablement penser que l’article 377 du code civil pourvoit déjà à la situation. Comme je l’ai déjà dit, nous ne disposons pas de données sur le volume de saisines du juge ni sur celui des contentieux relatifs à ce droit déjà garanti.
    Par ailleurs, plusieurs points implicites du texte auraient mérité davantage d’attention. Tous les mineurs y sont considérés de la même façon. Il existe pourtant une différenciation, dans le droit, selon l’âge des jeunes. Comment articule-t-on la disposition générale concernant un mineur et les droits reconnus à l’enfant avec la responsabilité légale détenue par les seuls parents ?
    D’autre part, le texte traite du recours qu’un parent pourrait exercer devant le juge pour contester l’utilisation abusive, par l’autre parent, de l’image de son enfant. Cependant, comme je l’ai déjà mentionné en commission, le texte ne pointe pas le recours possible d’un enfant mineur contre un seul de ses parents ; or nombreux sont les enfants qui n’ont qu’un parent. Il n’évoque pas l’hypothèse d’une demande d’intervention, indépendante du parent qui voudrait diffuser une image sans l’accord de l’enfant. Or ce dernier a droit à la protection de sa vie privée.
    S’agissant de l’article 4, que le rapporteur considère comme novateur, je rappelle que l’article 371-1 du code civil précise clairement l’objet et les effets de l’autorité parentale.
    Le texte a le mérite de mettre en lumière une question importante, mais sans l’inscrire dans une réelle politique publique. Bien sûr, nous voterons en faveur de son adoption. Cependant, j’invite le rapporteur et le Gouvernement à s’atteler aux suites qu’il convient d’y donner. Il s’agit de prendre en compte les éléments manquants, les attentes que je viens d’exprimer au nom du groupe Socialistes et apparentés, ainsi que les propositions formulées en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Andy Kerbrat applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je répéterai ce que j’ai déjà dit – la pédagogie est aussi l’art de la répétition –, et en particulier ce chiffre : 1 300. Avant l’âge de 13 ans, un enfant apparaît en moyenne 1 300 fois sur les réseaux sociaux. Pour ceux qui aiment les albums photos à l’ancienne, 1 300 images, cela fait beaucoup.
    Ces 1 300 images par mineur sont données à voir à tout le monde, avec les risques – désormais bien connus – qu’une telle exposition entraîne : risques liés à l’identité numérique, au harcèlement, à l’exploitation commerciale ou à la pédopornographie.
    Aucune photo n’est banale. Si elle l’est en apparence, elle est toujours susceptible d’être détournée, dégradée, manipulée,…

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Exactement !

    Mme Naïma Moutchou

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    …quand ce ne sont pas les parents eux-mêmes qui, volontairement ou non, mettent leurs enfants en scène, dans des situations d’humiliation ou de gêne très éloignées de leur intérêt personnel.
    Cette proposition de loi de Bruno Studer met en lumière ce phénomène de mode aux effets dévastateurs : l’exposition de la vie privée des enfants dans l’espace numérique. Cet enjeu est devenu incontournable pour la sécurité, le développement et la socialisation des plus jeunes. En attendant qu’on s’attaque aux raisons profondes de ces bouleversements – ils sont nombreux, à commencer par les réseaux sociaux et leurs diktats, les nouvelles réalités familiales, le rôle et la responsabilité des parents – ce texte s’attache à modifier les règles d’exercice de l’autorité parentale, afin d’y intégrer, noir sur blanc, le droit à la vie privée de l’enfant.
    La proposition de loi précise que les deux parents exercent ensemble le droit à l’image de leur enfant mineur et que celui-ci, selon son âge et sa maturité, doit être associé à cet exercice – il convient de le rappeler. En cas de désaccord entre les parents – ce qui peut évidemment arriver –, le texte permet au juge aux affaires familiales de trancher et, si nécessaire, d’interdire la diffusion d’images de l’enfant par l’un de ses parents.
    La proposition de loi envisage également la possibilité, pour un tiers, de réclamer une délégation de l’autorité parentale en cas de diffusion par les parents d’images portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de l’enfant.
    Enfin, l’article 5, introduit par le Sénat, permet à la Cnil de saisir les juridictions compétentes pour solliciter le blocage d’un site internet qui porterait atteinte aux droits des mineurs.
    Toutes ces mesures vont dans le bon sens, mais encore fallait-il les introduire. Elles sont nécessaires et portent un message clair : si les parents n’exercent pas leur responsabilité avec lucidité et vigilance, et ce dans l’intérêt supérieur de leur enfant, la justice pourra leur rappeler leurs obligations.
    Nous le savons, la question est très loin d’être épuisée. Dans le même esprit et à l’initiative de mon groupe, Horizons et apparentés, notre assemblée a voté la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, laquelle fixe cette majorité à 15 ans pour l’inscription sur les réseaux sociaux et pour leur utilisation. Nous avons aussi adopté en première lecture la proposition de loi de notre collègue Caroline Janvier relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans.
    Cela étant, comme je le disais plus tôt, le droit ne peut pas tout. Ainsi faudra-t-il continuer de sensibiliser les parents, de tenir compte de la parole de l’enfant et de lui offrir des espaces d’expression adaptés et respectueux de son intimité. Je tiens à saluer l’action menée de longue date par M. le rapporteur sur ce sujet, ainsi que l’action résolue et ferme conduite par Charlotte Caubel sur le terrain, avec le soutien précieux des associations.
    La protection des droits de l’enfant constitue évidemment une question centrale pour l’avenir de la jeunesse et celui de la nation. Le groupe Horizons et apparentés y est particulièrement sensible et votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Il y a une urgence absolue à légiférer en matière de droit à l’image des enfants. Quelques chiffres déjà cités le confirment : en moyenne, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant d’avoir atteint l’âge de 13 ans ; 50 % des photos qui s’échangent sur les sites pédopornographiques ont d’abord été publiées par les parents ; 43 % des parents publient en ligne des photos de leur enfant ; sur les sites pornographiques, les recherches les plus fréquentes portent sur ces photos ; 40 % des adolescents considèrent que leurs parents les exposent exagérément sur les réseaux sociaux.
    En effet, une simple photo peut entraîner bien des effets néfastes, comme leur partage ou leur utilisation par des personnes très mal intentionnées, mais aussi des faits de harcèlement ou des courses aux likes. Les adolescents branchés sur leur smartphone plus de cinq heures par jour ont ainsi 66 % de chances supplémentaires de souffrir de symptômes suicidaires que ceux qui ne consacrent qu’une heure par jour aux écrans.
    Les réseaux sociaux sont à la source de nombreuses conséquences néfastes et, rappelons-le, les propriétaires de ces plateformes n’ont absolument aucun intérêt à davantage les réguler. Les utilisations frauduleuses d’images ou sans le consentement des personnes concernées ou encore le harcèlement génèrent des clics, les clics des publicités, et les publicités de l’argent. Le visage d’un enfant ou encore une photo de lui sur une plage nourrit une mécanique implacable de cash et de non-respect de la dignité.
    La présente proposition de loi affirme que les enfants ne sont pas des sous-citoyens et qu’ils ont des droits, notamment à la vie privée, et permet de renforcer le respect de ces droits. Pour cette raison, le groupe Écologiste soutiendra ce texte.
    À cet égard, nous nous réjouissons que le texte qui nous est soumis ait retenu la version de l’article 5 que mon collègue Jérémie Iordanoff avait suggérée et qui a été adoptée. Les dispositions prévues à cet article renforcent les prérogatives de la Cnil pour pleinement garantir le respect de la vie privée des enfants, ce qui, je le répète, nous semble particulièrement important. Nous espérons que vous aurez la sagesse de conserver cet article en l’état et que vous donnerez à la Cnil les moyens de mener des contrôles. Ici réside en effet la question principale, car s’il convient de légiférer, encore faut-il ensuite que les services chargés d’assurer la sécurité des enfants disposent de suffisamment de personnels et de matériels et bénéficient de formations pour être efficaces.
    Enfin, je rappelle que la santé mentale des 16-25 ans se dégrade dans des proportions inédites. Les pensées suicidaires, les tentatives de suicide et les suicides sont deux fois plus fréquents qu’avant la crise du covid. Les jeunes se livrent parfois une guerre de réputation sans merci sur les réseaux sociaux, laquelle contribue à dégrader la santé de nos enfants.
    Face au fléau que je viens de décrire, cette proposition de loi représente une première étape, mais elle ne dépassera pas le stade des intentions si elle ne s’accompagne pas d’actions de prévention, de formation, de détection, ainsi que de recrutements pour lutter contre les mauvaises utilisations des images et des vidéos diffusées par les parents, les proches, les encadrants et les enfants eux-mêmes. Incontestablement, nos enfants valent davantage que des clics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Nous examinons en lecture définitive la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, texte qui aurait dû aboutir à un accord en commission mixte paritaire tant il semble possible de nous accorder sur la nécessité et l’opportunité de mieux protéger nos enfants des détournements de leur image dont ils peuvent être victimes sur internet.
    L’utilisation d’internet et des réseaux sociaux est en effet devenue une pratique courante, sinon banale, dans la vie quotidienne de bon nombre de nos concitoyens et concitoyennes. Partager une photo de son enfant, de ses premiers pas, de ses premiers exploits, constitue un acte très anodin pour des parents si fiers de leur chérubin. Chaque année, des millions de photographies sont ainsi publiées sur internet et les réseaux sociaux, sans d’ailleurs que les enfants qui y figurent aient consenti à leur diffusion. Dans la majorité des cas, les parents qui publient des contenus mettant en scène leur enfant ne redoutent aucune malveillance, aucun danger. Pourtant, de nombreuses personnes malintentionnées naviguent sur internet.
    Si l’on ne devait retenir qu’un chiffre éloquent, en 2020, 50 % des images échangées sur les sites pédopornographiques avaient initialement été partagées par des parents qui ne s’étaient certainement jamais doutés qu’elles seraient détournées à de telles fins.
    Voilà pourquoi le groupe GDR-NUPES soutient l’article 1er de la proposition de loi, article qui tend à inscrire dans le code civil la disposition selon laquelle les parents ont pour responsabilité de protéger la vie privée de leur enfant. Publier une photo de son enfant sur internet n’est pas un acte si anodin et doit inciter les parents à la réflexion, particulièrement quand on sait que le droit à l’oubli demeure très difficile à faire appliquer.
    L’article 2 vise le même objectif en ce qu’il dispose que les parents protègent de façon conjointe le droit à l’image de leur enfant mineur et l’associent à l’exercice de ce droit, selon son âge et son degré de maturité. Notons que la présente rédaction de cet article nous paraît plus équilibrée que sa version initiale.
    Ces deux articles auront toute leur importance, mais à la condition qu’ils s’accompagnent de campagnes de sensibilisation à l’intention des parents, qui ignorent souvent ce que recouvre la notion de droit à l’image de l’enfant. J’ajoute qu’il sera aussi nécessaire de davantage les responsabiliser sur le respect de la vie privée de l’enfant dont ils ont la charge.
    Les articles 3 et 4, quant à eux, ont cristallisé les désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
    L’article 3, qui permet au juge aux affaires familiales d’interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent, ne nous pose pas de problème.
    Quant à la délégation forcée de l’autorité parentale, que prévoit l’article 4, nous y sommes favorables depuis la première lecture du texte, mais à deux conditions. La première est qu’une telle décision soit prise au motif que les contenus publiés portent gravement atteinte à la dignité de l’enfant ou à son intégrité morale. La seconde est qu’elle soit prise par le juge aux affaires familiales. En définitive, une telle disposition nous semble utile et nécessaire dans certains cas exceptionnels.
    Par ailleurs, à l’instar de nos collègues sénateurs, nous regrettons que la majorité ait choisi de légiférer pour protéger les enfants des écrans et des dérives d’internet au travers de plusieurs propositions de loi distinctes. Celles-ci sont pertinentes, mais n’aurait-il pas mieux valu un texte unique afin de mieux articuler l’ensemble des mesures ?
    Quoi qu’il en soit, nous tenons à saluer le travail au long cours que vous avez réalisé, monsieur le rapporteur. Votre travail est d’autant plus important que le texte s’inscrit dans la continuité d’autres propositions de loi adoptées par le passé, notamment pour encadrer l’activité des enfants influenceurs, ou encore pour renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci beaucoup !

    M. Nicolas Sansu

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    Enfin, nous saluons la conservation de l’article 5, qui permet à la Cnil de saisir la justice pour préserver les droits des mineurs en cas d’absence de réponse à une demande d’effacement de données à caractère personnel. Adopté contre l’avis du Gouvernement, cet article est unanimement soutenu par les parlementaires des deux chambres. Dans un élan démocratique et parce que cette mesure contribue à répondre à l’ambition de mieux protéger nos enfants, le Gouvernement serait bien inspiré de la maintenir.
    Aussi, sans surprise, mais à cette dernière condition, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – MM. Andy Kerbrat et Gérard Leseul, ainsi que Mme Maud Petit, applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps.

    Mme Béatrice Descamps

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    C’est presque devenu un réflexe : à chaque moment familial, tout parent a envie de garder un souvenir, de prendre une photo ou d’enregistrer une vidéo de son enfant puis, bien souvent, de diffuser ce contenu. Mais une fois sur internet, qu’advient-il de ces photos et de ces vidéos publiées chaque jour par milliers ? Elles sont reprises, partagées, diffusées, et finissent presque inéluctablement par sortir de la sphère privée.
    Nous le savons, internet offre le meilleur comme le pire. On comprend dès lors la nécessité d’encadrer et de mieux protéger le droit à l’image des enfants, objet de ce texte.
    Nous sommes néanmoins confrontés à un phénomène récent dont l’ampleur nous dépasse. La difficulté, pour le Parlement, est que l’essor du numérique et la célérité de la diffusion des images ne coïncident pas avec le temps long qui est celui de l’élaboration de la loi. J’en veux pour preuve ce texte même, dont la première lecture par notre assemblée a eu lieu il y a près d’un an.
    À plusieurs reprises, notre assemblée a tenté de rattraper les innovations technologiques pour protéger les mineurs, pour garantir leurs droits et pour accompagner les parents. Notre rapporteur a d’ailleurs montré son attachement à ce sujet, ce dont je le remercie. Cependant, en dépit des textes déjà adoptés, il nous faut de nouveau légiférer pour, cette fois, garantir le respect du droit à l’image de l’enfant.
    Certains chiffres, évoqués précédemment, ont de quoi inquiéter. En moyenne, un enfant mineur apparaîtrait en ligne sur près de 1 300 images avant ses 13 ans. Les parents ont une responsabilité en la matière, et ce texte permet de clarifier le cadre juridique actuel.
    Le groupe LIOT est à cet égard très attaché à la méthode qu’il convient d’employer, car nous ne devons pas adopter une simple logique de punition. Il ne s’agit pas de donner des leçons ni de sanctionner les parents, lesquels sont eux-mêmes bien souvent dépassés par l’ampleur du phénomène. Le texte doit surtout veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant prime en toutes circonstances.
    L’article 1er de la proposition de loi donne le ton, en ce qu’il consacre dans le code civil le rôle des parents, qui assurent la protection du droit à l’image et à la vie privée de leur enfant. Certes, cette disposition est avant tout symbolique et relève d’une volonté pédagogique affichée, mais elle n’en demeure pas moins pertinente. Notre groupe juge néanmoins essentiel de maintenir le principe de l’association de l’enfant aux décisions relatives à l’exercice de ses droits, en fonction de sa maturité. Avant de diffuser un contenu, un parent devrait toujours se demander s’il ne sera pas de nature à causer du tort à son enfant, par exemple en l’exposant à un risque de harcèlement en ligne.

    M. Bertrand Pancher

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    Très bien !

    Mme Béatrice Descamps

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    L’une des autres évolutions majeures prévues par le texte a trait au renforcement de la palette des pouvoirs du juge aux affaires familiales. L’article 3 lui permet en effet, en cas de conflit conjugal, d’interdire à un parent de publier certains contenus concernant l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent. Notre groupe salue cette mesure, qui doit toutefois être très encadrée et limitée aux actes dits non usuels, c’est-à-dire qui affectent sensiblement la vie de l’enfant. Il ne faudrait pas qu’un parent empêche totalement l’autre parent de partager les moments passés avec son enfant.
    La proposition de loi ouvre également la possibilité pour le juge de prononcer une délégation de l’autorité parentale en cas de diffusion d’images portant atteinte à l’intégrité physique de l’enfant. Il s’agit d’une mesure d’une gravité particulière, mais notre groupe en comprend la nécessité. En effet, certaines images et certaines vidéos, parce qu’elles touchent directement à l’intégrité morale d’un mineur, n’ont pas leur place sur les réseaux sociaux.
    Je terminerai mon propos non en exprimant un regret, mais en formulant une demande, car il manque indéniablement un volet prévention à ce texte. Si nous voulons lutter efficacement contre certaines dérives, il faut mieux accompagner, mieux former et mieux alerter les parents. En complément de la proposition de loi, le Gouvernement devrait agir en ce sens par voie réglementaire. Dans cette perspective, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci.

    M. Bertrand Pancher

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sarah Tanzilli.

    Mme Sarah Tanzilli

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    Protéger nos enfants, leur permettre de grandir dans un environnement sûr, bienveillant, adapté, à ce moment clé de leur vie qu’est l’enfance, durant lequel se façonne l’adulte qu’ils seront demain, est d’autant plus essentiel que l’usage généralisé d’internet et des réseaux sociaux est venu bouleverser nos pratiques sociétales et a fait émerger de nouvelles menaces, en particulier à l’égard de publics aussi vulnérables que les enfants et les adolescents.
    La proposition de loi que nous examinons en lecture définitive apporte une brique supplémentaire à un édifice juridique encore en construction, mais de plus en plus robuste, érigé sous l’impulsion de cette majorité – dont M. le rapporteur est un artisan chevronné – qui vise à protéger et réglementer la présence des enfants dans l’espace numérique.
    Elle se concentre sur la mise en œuvre du droit à l’image de l’enfant, qui relève du droit à la vie privée et dont le respect présente des enjeux nouveaux dans l’espace numérique. Nous l’avons tous constaté, la diffusion de photos et de vidéos de mineurs en ligne constitue un phénomène d’une ampleur considérable. Du parent qui souhaite donner à ses proches des nouvelles de sa fratrie à celui qui partage fièrement les exploits sportifs ou artistiques du petit dernier, nous avons tous été confrontés – je dirais même que nous avons tous participé – à ce phénomène qui part souvent d’une bonne intention.
    Cependant, les conséquences de telles pratiques sont tout sauf anodines. Ces chiffres ont été martelés, mais je les répéterai une fois encore : un enfant apparaîtrait en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans, et la moitié des photographies qui s’échangent sur les sites pédopornographiques aurait été initialement publiée par des proches sur les réseaux sociaux. Cette statistique effrayante devrait à elle seule nous interpeller en tant que citoyens et parents dans notre usage des réseaux sociaux. En tant que décideur politique, elle nous impose d’agir, d’autant qu’internet ne connaît pas le droit à l’oubli : jamais nous ne pourrons être certains que ces images s’effacent de notre mémoire collective.
    Face à un tel défi, le rôle des parents, responsables de la protection de leurs enfants, est bien évidemment essentiel. Soyons clairs, il ne s’agit ni d’interdire de partager des moments de la vie de famille ni de culpabiliser les parents, mais avant tout de les informer, de les sensibiliser au fait que le droit à l’image de leur enfant est précieux et qu’il leur appartient d’en user avec vigilance.
    C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi inscrit la protection de la vie privée des mineurs – dont relève le droit à l’image – au rang des objectifs que doivent poursuivre les parents dans leur exercice de l’autorité parentale, et réaffirme qu’il leur appartient de protéger conjointement l’image de leur enfant.
    Enfin, il y a ces parents, souvent eux-mêmes particulièrement exposés en ligne ou dont l’activité sur les réseaux sociaux est génératrice de revenus, qui ont compris que publier l’image d’un enfant en ligne, c’était l’assurance d’une viralité accrue et donc d’un meilleur retour sur investissement. Il y a ces parents qui exposent leurs enfants plusieurs heures par jour, jusque dans leurs moments les plus intimes ; il y a ceux qui piègent leurs enfants dans des situations humiliantes et diffusent les images en ligne pour plus de vues, pour plus de likes, pour plus de revenus.
    Dans ces cas très spécifiques, les conséquences sont extrêmement graves pour les enfants. Affluent désormais les témoignages de jeunes adultes dont l’intimité a été dévoilée durant leur jeunesse : ils ne peuvent se construire sereinement ; l’image construite par leurs parents leur colle à la peau ; ils sont harcelés en ligne lorsqu’ils tentent de s’en extraire ; pire, ils souffrent de graves pathologies mentales. Mais ne serait-ce pas notre cas si nous découvrions un jour, tel Truman Burbank dans le film The Truman Show, que notre intimité a été jetée en pâture à des étrangers, sans que nous n’ayons jamais donné notre consentement, sans même parfois avoir conscience de cette surexposition ?
    Conscients ou inconscients des conséquences, ces parents sont inévitablement tiraillés entre leur rôle protecteur et la source de revenus de leur foyer. Dans ces cas, quoi de plus légitime et efficace pour les intérêts de l’enfant que de permettre au juge aux affaires familiales de confier à un tiers de confiance l’exercice du droit à l’image de l’enfant mis en danger ? C’est ce que prévoit la proposition de loi.
    La protection de la vie privée des enfants est une dimension essentielle de la parentalité au XXIe siècle. Nous devons donc nous y adapter. C’est ce que propose ce texte, de manière intelligente et respectueuse de la place des parents. Il réaffirme qu’il incombe à ces derniers de protéger l’image et la vie privée de leurs enfants. Il privilégie le dialogue entre les deux parents et l’association de l’enfant aux décisions qui le concernent. Enfin, dans les cas les plus graves seulement, il permet au juge de transférer le droit à l’image des enfants des parents vers un tiers de confiance.
    En apportant une réponse juridique à la fois progressive, limitée mais efficace dans ces effets, cette proposition de loi est adaptée à notre époque et utile aux enfants et aux familles. C’est pourquoi le groupe Renaissance la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Tout d’abord, je tiens à remercier chacun d’entre vous, puisqu’au nom de vos groupes respectifs, vous avez salué l’avancée que constitue la proposition de loi.
    C’est la troisième étape de notre action, la première étant la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne – dite loi sur les enfants youtubeurs. Nous avons fait œuvre utile, car ce texte commence à faire des émules : ainsi, aux États-Unis, l’Illinois, l’Ohio et le Maryland ont déjà légiféré, et le droit des enfants progresse.
    En 2022, nous nous sommes attaqués à la régulation technique, avec le contrôle parental. Aujourd’hui, c’est de régulation sociétale qu’il s’agit, avec ces modifications du code civil. Évidemment, les parents restent les mieux placés pour protéger leurs enfants. (M. Éric Bothorel applaudit.)
    Évidemment, ce sont d’abord les parents qui doivent protéger l’image de leurs enfants. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils exercent l’autorité parentale jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Ils ne peuvent donc pas exploiter cette image à des fins d’enrichissement personnel, en diffusant par exemple des contenus commerciaux.
    Ils doivent aussi servir d’exemple, et quel exemple les parents donnent-ils lorsqu’ils filment ou prennent des photos de leur enfant à longueur de journée ? Quelles bonnes habitudes leur transmettent-ils si nous, législateurs, ne précisons pas que leur rôle au XXIe siècle est de protéger la vie privée de leurs enfants ? Cette modification du code civil est rarement entreprise et c’est avec beaucoup de précautions que nous l’effectuons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Éric Martineau applaudit également.)

    Texte adopté par l’Assemblée nationale
    en nouvelle lecture

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, la proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    J’appelle d’abord l’Assemblée nationale à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 11.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 1er – mais, en réalité, c’est plutôt un amendement d’appel. Comme tout le monde, je suis sensible au respect du droit à l’image des enfants. Néanmoins, la précision qu’introduit cet article me semble déjà satisfaite par la rédaction actuelle de l’article 371-1 du code civil, qui dispose que les parents veillent au respect dû à la personne de l’enfant – la protection de sa vie privée est donc implicite. Quelle est la plus-value de l’article 1er, puisque l’article 371-1 est déjà très clair sur les droits et devoirs des parents ? Est-il vraiment nécessaire d’alourdir le code civil et une telle précision n’est-elle pas redondante ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    J’ai déjà eu l’occasion de répondre. Il faut être parfaitement explicite, les statistiques que vous avez tous reprises nous imposant d’envoyer un message très clair aux parents et aux enfants.

    M. Erwan Balanant

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    C’est plus clair. Il a raison !

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Je me suis également inspiré des préconisations de la Défenseure des droits. Je souhaite que la protection de la vie privée de leurs enfants fasse partie de la mission des parents au XXIe siècle.
    Nous ne modifions pas souvent le code civil, mais il est temps de le faire pour envoyer un message clair : la protection de leur vie privée est un droit fondamental des enfants qui sont de plus en plus – et c’est heureux – des sujets de droit dans notre droit national.
    Demande de retrait. À défaut, mon avis sera défavorable. (Mme Caroline Abadie applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Je partage l’analyse du rapporteur. Après un long chemin législatif, l’Assemblée nationale et le Sénat ont convergé vers une écriture qui permet d’envoyer un signal fort aux parents : ils doivent protéger les droits de leurs enfants. Madame la présidente, si je peux me permettre, mon avis sera défavorable aux autres amendements qui sont dans la même veine. Le Gouvernement soutient l’équilibre trouvé. Demande de retrait.

    (L’amendement no 11, modifiant l’article 1er, est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Marie-France Lorho

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    Cet amendement visait à supprimer des dispositions qui nous paraissaient déjà satisfaites. J’ai pris note des arguments de M. le rapporteur, exposés tout à l’heure en commission des lois, et je retire donc mon amendement.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci.

    (L’amendement no 1, modifiant l’article 2, est retiré.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2 de Mme Marie-France Lorho est défendu.

    (L’amendement no 2, modifiant l’article 4, est retiré.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 7, 8, 9 et 10.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 7.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Mon amendement, identique à ceux déposés par d’autres groupes, vise à reprendre une disposition adoptée au Sénat en nouvelle lecture. Il s’agit d’élargir aux territoires ultramarins le champ d’application de la proposition de loi.

    Mme la présidente

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    Les amendements identiques nos 8 de Mme Sarah Tanzilli, 9 de Mme Mathilde Desjonquères et 10 de Mme Naïma Moutchou sont défendus.

    (Les amendements identiques nos 7, 8, 9 et 10, acceptés par le Gouvernement, modifiant l’article 5, sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements.

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        195
            Nombre de suffrages exprimés                195
            Majorité absolue                        98
                    Pour l’adoption                195
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Je remercie mes collègues pour leur confiance. Je remercie également Mmes et MM. les ministres qui se sont succédé au banc, ainsi qu’Aurore Bergé qui, lorsqu’elle était présidente de groupe, a permis l’inscription de ce texte, et Sylvain Maillard qui a poursuivi son travail.
    Je remercie évidemment les services de l’Assemblée nationale, ainsi que les sénateurs qui ont apporté des précisions utiles au texte. Le travail continue et j’aurai grand plaisir à le poursuivre à vos côtés au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Sécurité des élus locaux et protection des maires

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires (nos 1713, 2139).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

    M. Thibault Bazin

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    Et aussi des collectivités locales, manifestement !

    M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

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    Ils s’appellent Yannick, André, Erwan, Dominique ou Camille ; ils sont maires.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Oh là là, mais quel cinéma !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Ce n’est pas du cinéma, mais la vraie vie.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ne nous faites pas la leçon !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Ce sont des représentants du peuple, des chevilles ouvrières de la République. Ils ont pourtant été intimidés, menacés ou agressés.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ne nous donnez pas de leçons !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Écouter en silence la présentation de cette proposition de loi serait faire preuve du respect élémentaire qui leur est dû.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Pas de leçons !

    Mme Stella Dupont

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    Calmez-vous !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Dans cette assemblée, ce n’est pas en organisant des minutes de silence ou en se levant pour les applaudir que nous devrions rendre justice à ces piliers de la République, mais par notre attitude à tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est nous qui défendons les maires !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Le cinéma commence quand, dans une assemblée, on prend les autres à partie et qu’on détourne un hommage pour faire parler de soi et apparaître au compte rendu des débats publié au Journal officiel !

    M. Thomas Rudigoz

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    Très bien, monsieur le ministre !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Il consiste à se saisir de sujets qui devraient nous rassembler pour en faire des marqueurs de différence.

    Mme Stella Dupont

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    Eh oui, tout à fait !

    M. Thomas Rudigoz

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    Très bien, monsieur le ministre !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Il revient à se plaindre d’une situation sans jamais s’interroger sur ses causes.
    Je ne saurais vous dire combien le Gouvernement soutient cette proposition de loi. Dans une autre vie, j’ai été élu local.

    M. Thibault Bazin

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    Mais nous aussi ! Heureusement qu’on ne vous a pas attendu !

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Je sais, comme beaucoup d’entre vous, ce que le quotidien d’un élu peut exiger comme sacrifices, notamment personnels.
    Les prénoms que j’ai cités au début de mon intervention sont ceux de représentants de la nation, tout comme vous. Ces élus, ces acteurs engagés, ces hommes et ces femmes qui sacrifient souvent beaucoup attendent simplement que nous soyons au rendez-vous pour les protéger. Certains sont des amis politiques, d’autres des opposants ou des adversaires, mais aucun ne mérite le qualificatif d’ennemi.
    Si chaque agression est insupportable, l’augmentation des violences rend le phénomène absolument intolérable : on a recensé 2 265 agressions en 2022 et 2 600 en 2023, soit une hausse de 15 %.
    L’année dernière, le congrès des maires mettait l’accent sur le fait que s’en prendre à un élu local, c’est agresser la République. La fermeté de la réponse doit être proportionnelle à l’atteinte à nos valeurs.
    Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la continuité du renforcement des sanctions déjà engagé par le Gouvernement.
    Ainsi, dès 2019, avant même la démission du maire de Saint-Brevin-les-Pins, la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite engagement et proximité, défendue par mon collègue Sébastien Lecornu, a rendu obligatoire la souscription par les communes d’une assurance couvrant le conseil juridique et l’assistance psychologique – l’État prenant en charge le coût de cette assurance pour les communes de moins de 3 500 habitants.
    Dès 2020, le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, a transmis aux parquets des consignes d’extrême fermeté en matière de réponse pénale – il s’agissait d’une nouveauté. D’autres circulaires ont, depuis 2021, rappelé ces instructions.
    Le Gouvernement a également soutenu la loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression.
    Dès le mois de mai 2023, des mesures additionnelles ont été annoncées par la ministre déléguée aux collectivités territoriales, Dominique Faure. Plus de 3 400 référents « atteintes aux élus » ont été désignés dans les brigades de gendarmerie et les commissariats. L’objectif est simple : fournir aux élus un point de contact privilégié pour signaler les menaces et les violences, tant physiques qu’en ligne, dont ils sont victimes.
    Nous avons également renforcé le dispositif Alarme élu, qui permet à ceux qui se sentent menacés de se manifester auprès de leur commissariat ou de leur gendarmerie pour être secourus rapidement.
    Ces annonces ont été complétées le 7 juillet 2023 par la Première ministre, qui a présenté le plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus. Ce plan comprend douze mesures qui s’articulent autour de trois axes : mieux protéger les élus, mieux les accompagner, et faire en sorte que les responsables des violences soient plus lourdement sanctionnés.
    Le texte que nous examinons aujourd’hui rejoint en partie les propositions formulées dans ce plan.
    Je pense évidemment à l’article 3, qui rend automatique la protection fonctionnelle des maires, des adjoints et des conseillers départementaux et régionaux qui y ont recours pour des faits subis dans l’exercice de leur mandat, notamment en cas de violence, menace ou outrage.
    Je pense également à l’article 12, qui prévoit que le procureur informe systématiquement le maire d’un classement sans suite des procédures liées à un trouble à l’ordre public sur le territoire de la commune et résultant d’une plainte ou d’un signalement émanant du maire.
    La proposition de loi issue du Sénat sur laquelle nous sommes appelés à débattre aujourd’hui n’est pas un commencement, mais une continuation. À cet égard, je souhaite saluer les travaux transpartisans sur le statut de l’élu local menés par la rapporteure Violette Spillebout et Sébastien Jumel dans le cadre des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui ont d’ailleurs permis au texte d’être très largement soutenu par tous les groupes en commission – je saisis cette occasion pour saluer le président de la commission des lois, Sacha Houlié, et celui de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, David Valence.
    Comme je l’ai dit en introduction, le Gouvernement est, dans l’ensemble, favorable à ce texte. En tant qu’ancien maire et élu local, je suis particulièrement sensible à ce sujet, et j’espère que nos débats seront à la hauteur des enjeux. Nombre d’entre vous ont déjà été élu local – maire, conseiller départemental ou régional : en dépit de ce qui, bien souvent, nous oppose, nous savons tous le rôle démocratique essentiel que jouent les élus locaux. Leur défense, leur protection, commencent par le respect, celui de prendre le temps d’étudier et d’adopter des dispositions qui vont dans le bon sens. Nous le leur devons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Paul Molac applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Violette Spillebout, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Violette Spillebout, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Cela vient d’être rappelé : l’année 2024 doit être celle des élus locaux. La proposition de loi dont j’ai l’honneur d’être rapporteure constitue le premier acte de l’engagement et de la reconnaissance de la représentation nationale envers ces dernires. Le Premier ministre, Gabriel Attal, l’a clairement exprimé il y a quelques jours devant le Sénat : « Nous agirons main dans la main avec les élus locaux, à l’écoute de leurs préoccupations, de leurs alertes et de leurs attentes. […] Être élu local, c’est le plus beau […] des engagements ». Mais c’est aussi être « en première ligne face à une société qui se brutalise », ajoutait-il. (« Il faudrait peut-être commencer par leur donner des moyens suffisants ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Issue du Sénat, cette proposition de loi constitue le volet sécuritaire d’un ensemble plus large de mesures – pas toutes législatives – qui doivent permettre une rénovation profonde du statut des élus. Après un travail approfondi, j’ai moi-même déposé, en septembre, une proposition de loi visant à renforcer la protection des élus, des candidats aux élections et de leurs familles : je suis particulièrement heureuse que les travaux des deux chambres se rejoignent sur cet enjeu important. Par ailleurs, nous venons tout juste, avec Sébastien Jumel – que je salue –, de déposer une proposition de loi portant réforme du statut de l’élu local – un texte issu des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information transpartisane qui nous a été confiée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nous voulons reconnaître et valoriser l’engagement, et créer ainsi un véritable choc d’attractivité.
    Tout d’abord, je tiens à réaffirmer que ce combat nous appartient à toutes et tous, sur l’ensemble de ces bancs. Toutes et tous, nous sommes des élus – souvent, aussi, des élus locaux ; toutes et tous, nous avons été victimes de violences en raison de notre engagement ; toutes et tous, nous avons conscience de la profonde crise des vocations qui touche notre pays. C’est donc aux élus locaux que s’adresse plus particulièrement cette proposition de loi.
    Nous l’avons répété en commission : l’élu local – le maire, en particulier – est à portée d’embrassade, à portée d’engueulade, aussi ; mais il ne doit pas être à portée de baffes, d’insultes, de diffamation – ni lui, ni sa famille –, sans quoi c’est la démocratie tout entière qui recule. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)
    Quelques chiffres suffisent à mesurer l’ampleur du phénomène : alors qu’on recensait 106 communes sans candidat lors des dernières élections municipales, plus de 1 300 maires ont présenté leur démission depuis juin 2020. Ce vague à l’âme des maires et cette perte de l’envie de s’engager doivent être mis en regard avec une hausse inédite des violences : en 2022, 2 265 atteintes aux élus ont été recensées sur le territoire national, en augmentation de 32 % par rapport à 2021 – et on anticipe pour 2023 une nouvelle hausse de 15 % de ces violences.
    Mais les chiffres ne suffisent pas : lorsque l’on parle de violences, il faut aussi des noms et des visages. Je ne peux pas conclure les dix minutes qui me sont imparties cet après-midi sans égrener quelques-uns des noms qui nous ont marqués cette année.
    Je pense d’abord à Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, mort le 5 août 2019 dans l’exercice de ses fonctions. Je pense au maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, à sa femme et à ses deux enfants, dont le domicile familial a fait l’objet d’une attaque particulièrement choquante. Je pense au maire de Saint-Brevin-les-Pins, Yannick Morez, dont le domicile a été incendié, et à sa successeure, Dorothée Pacaud, également menacée.

    M. Matthias Tavel

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    Sans qu’un ministre daigne se déplacer !

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Je pense à Olivier Lepick, maire de Carnac, menacé de mort et placé sous protection de la gendarmerie. Je pense à Anne-Françoise Piédallu, maire de Plougrescant, dont la voiture a eu les freins sectionnés. Je pense à Édouard Babel, maire de Magnières, roué de coups, et à André Mesnier, maire de Vennans, également tabassé – et croyez-moi, le mot n’est pas trop fort. Je pense enfin à Bernard Gérard,…

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui !

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    …maire de Marcq-en-Barœul, dans ma circonscription, et président de l’Association départementale des maires du Nord, dont le véhicule personnel a eu les câbles de freinage sectionnés. Je saisis cette occasion pour saluer toutes les associations d’élus qui, comme elles le peuvent désormais, se constituent très souvent partie civile aux côtés des maires.
    Les chiffres rejoignent les visages que je viens d’évoquer : dans six cas sur dix, les élus concernés par ces agressions sont des maires. Élus les plus proches de nos concitoyens, ils sont aussi en première ligne face aux attaques contre la République, et ce sont donc eux que nous devons aujourd’hui protéger en priorité.
    Je salue le travail du Sénat, qui nous permet, avec cette proposition de loi, d’avancer sur la question de la protection des élus locaux. Je remercie en particulier François-Noël Buffet, l’auteur du texte, et Catherine Di Folco, qui en a été la rapporteure.
    Le texte prévoit trois volets de mesures importantes.
    Le titre Ier renforce les sanctions encourues par les auteurs de violences commises à rencontre de titulaires de mandats électifs, en prévoyant l’aggravation des peines encourues, la création d’une peine de travail d’intérêt général (TIG) en cas d’injure publique – le fait que la victime de harcèlement soit titulaire d’un mandat électif devenant une circonstance aggravante –, l’allongement des délais de prescription pour les injures publiques et une meilleure protection des candidats en cas d’atteinte à leur vie privée.
    Le titre II contient plusieurs mesures importantes visant à améliorer la prise en charge des élus locaux victimes de violences, comme l’octroi automatique de la protection fonctionnelle pour les élus locaux exerçant des fonctions exécutives, la prise en charge par la commune du reste à charge des dépassements d’honoraires des élus victimes de violences, la possibilité de souscrire une assurance pour la permanence électorale et l’extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats, ainsi que l’ouverture du droit à une prise en charge par l’État des dépenses engagées pour leur sécurité pendant la durée de la période électorale. Véritable nouveauté, l’article 10 me tient particulièrement à cœur, car il constitue une avancée essentielle pour encourager l’engagement dans notre pays et protéger les candidats, qui sont les élus de demain.
    En améliorant l’information des maires par le procureur, en encourageant le dépaysement de certaines affaires, et en renforçant les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), le titre III a pour objectif de renforcer la prise en compte des réalités des mandats électifs locaux par les acteurs judiciaires et étatiques.
    Preuve que la lutte contre les violences faites aux élus locaux est un combat partagé, nous avons adopté en commission des lois trente-six amendements, issus des différents groupes de l’Assemblée. Trente-six amendements sur un texte qui ne comptait que quatorze articles, ce n’est pas rien, et cela témoigne de notre capacité à travailler collectivement, dans le respect cher à M. le ministre, pour enrichir ce texte important. Ces amendements visaient à ce que les peines aggravées puissent s’appliquer aux auteurs de violences exercées à l’encontre d’un ancien élu en raison de son mandat passé, à permettre au juge de prononcer une peine de TIG en cas d’outrage, à étendre le champ de la circonstance aggravante aux atteintes à la vie privée des proches des personnes concernées, mais aussi à encourager la signature de conventions locales entre associations d’élus locaux, préfets et procureurs de la République, à préciser les dispositions encadrant le remboursement des dépenses de protection des candidats menacés et l’extension de la protection fonctionnelle à ces candidats, et à modifier la composition des CLSPD. Enfin, nous avons adopté plusieurs amendements portant article additionnel et prévoyant la remise de rapports au Parlement.
    Permettez-moi de m’attarder quelques instants sur la question de la protection fonctionnelle. Il me semble absolument indispensable d’en élargir le bénéfice à l’ensemble des élus locaux, au-delà des seuls détenteurs de fonctions exécutives, et de l’étendre à la protection de la famille des élus et candidats – conditions sine qua non pour exercer sereinement un mandat. Cependant, contrainte par les règles de recevabilité financière de l’article 40 de la Constitution, je n’ai pas pu déposer d’amendements en ce sens. Face aux difficultés juridiques rencontrées par le Gouvernement pour les déposer, nous avons, avec Sébastien Jumel, intégré ces mesures dans notre proposition de loi portant réforme du statut de l’élu local, dont nous débattrons, je l’espère, au cours du trimestre. J’espère que nous trouverons ensemble une solution pour élargir le champ de la protection fonctionnelle.
    Pour conclure, je voudrais démonter le préjugé selon lequel les dispositifs que nous créons seraient destinés à nous protéger nous-mêmes, comme si nous cherchions à instituer pour les élus un droit particulier qui en ferait des privilégiés. Loin d’être des privilégiés – ce qu’ils n’ont évidemment pas à être –, les élus, aujourd’hui, sont surtout malheureusement trop souvent des hommes et des femmes à abattre par des moyens indignes – violence physique, violence verbale, rumeur ou atteinte à la vie privée. Nous ne pouvons pas l’accepter : non seulement parce que ce n’est pas acceptable en soi, mais surtout parce qu’attaquer des élus, quelle que soit leur fonction, c’est mettre la République à mal. Sébastien Jumel, avec qui j’ai eu la chance de mener pendant plusieurs mois des travaux sur le statut de l’élu, a résumé ce principe d’une formule que je me permets de lui emprunter : « Prendre soin des élus, c’est prendre soin de l’importance de la démocratie vivante que constitue la commune, pilier d’une république présente partout et pour tous. »
    Avant de terminer, je tiens à remercier tous les collègues ayant participé aux auditions et présents en commission, où le débat, d’un très bon niveau, s’est tenu dans un grand respect mutuel. Même si ce n’est pas l’usage, je tiens également à remercier Marine Manzano et Diane Boucher, administratrices, qui ont accompli un formidable travail d’approfondissement pour traduire concrètement dans des amendements nos volontés politiques communes – ce n’était pas une mince affaire. De beaux débats nous attendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LIOT.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Molac.

    M. Bertrand Pancher

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    Un peu de breton ?

    M. Paul Molac

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    Petra ne rafen ket evit ober plijadur deoc’h aotrou prezidant – que ne ferais-je pour vous faire plaisir, monsieur le président ! (Sourires.)
    Je ne sais pas si nos concitoyens se rendent toujours compte de ce que les élus locaux font pour eux, en particulier les maires.

    Mme Blandine Brocard

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    Tout à fait !

    M. Paul Molac

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    Sans nommer tous ceux de ma circonscription – quatre-vingt-six maires, ça fait tout de même beaucoup ! –, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rapporter quelques-unes des anecdotes qu’ils m’ont racontées. L’un d’eux a trouvé un de ses concitoyens nu, en train de prier dehors sous la pluie parce qu’il voyait le diable à peu près partout.

    M. Sébastien Jumel

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    C’était un Breton ! (Sourires.)

    M. Paul Molac

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    Ça arrive aussi ailleurs, comme tu le sais ! (Sourires.)
    Un autre a été appelé en pleine nuit pour une divagation de bêtes. Le maire de ma commune me disait l’autre jour qu’il s’était servi de sa tronçonneuse pour aider les employés communaux à dégager les routes, bloquées par des arbres tombés pendant la tempête Ciaran.
    Être maire, c’est aussi se charger de certaines tâches particulièrement déplaisantes : au-delà des attaques dont on fait l’objet, il faut aussi accompagner la gendarmerie pour annoncer à des parents que leur enfant, qui a eu un accident dans la nuit, n’est plus de ce monde – autant de choses dont on se passerait volontiers.
    Les maires font tout cela – beaucoup plus que ce qu’ils devraient faire. Les voir menacés, voir leurs maisons incendiées – comme cela a été le cas à Saint-Brevin-les-Pins – ou faire l’objet de coups de feu, est donc insupportable. S’ils ne sont pas parfaits, les maires sont, pour la plupart, des personnes admirables, qui ont l’intérêt général chevillé au corps,…

    Mme Blandine Brocard

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    Exactement !

    M. Paul Molac

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    …et qui abattent un travail considérable en échange d’une indemnisation très modeste – un certain nombre de conseillers municipaux le font même gratuitement –, uniquement parce qu’ils estiment que s’ils peuvent le faire, ils le doivent à leurs concitoyens. C’est rarement une question d’ego.
    Pour les côtoyer – encore plus depuis que je suis député –, je sais que nous avons la chance d’avoir des élus locaux qui renforcent la cohésion sociale. S’ils n’étaient pas là, je ne pense pas que le pays fonctionnerait aussi bien…

    Mme Blandine Brocard

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    C’est sûr que non !

    M. Paul Molac

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    …il est même évident qu’il fonctionnerait plus mal. Cette proposition de loi est donc bienvenue.
    Les premières mesures viennent renforcer des sanctions. Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse du point le plus important du texte car, comme le disait Robert Badinter, le justiciable se balade rarement avec un code sous le bras. Cela consacre néanmoins l’importance que l’on accorde aux élus locaux, en les mettant au même niveau que les forces de l’ordre, par exemple.
    La deuxième mesure, primordiale, est relative à la protection fonctionnelle. Or les maires vont souvent rechigner à inscrire dans le budget de leur commune le contrat d’assurance permettant de couvrir les frais correspondant à la protection des élus.

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Bien sûr !

    M. Paul Molac

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    Beaucoup renoncent déjà à l’indemnité à laquelle ils ont le droit, tant ils sont soucieux des deniers publics. Si l’on veut que la protection fonctionnelle soit efficace, il faut que l’État la prenne en charge. Je me réjouis que le texte issu de la commission prévoie cette disposition pour les communes comptant moins de 10 000 habitants. Mais comme il peut exister des différences entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, je défendrai, sur les conseils de l’AMF – l’Association des maires de France –, un amendement dont l’objet est de sécuriser les dépenses nécessaires à la protection fonctionnelle des élus.
    En étendant cette protection aux candidats aux élections, nous faisons œuvre utile. Notre groupe est donc très favorable à cette proposition de loi et la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, sur plusieurs bancs du groupe RE et Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Rudigoz.

    M. Thomas Rudigoz

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    Je souhaiterais d’abord plonger au cœur d’une question essentielle pour notre démocratie et notre république : la protection des représentants du peuple français. Alors que nous nous penchons sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, il est crucial de prendre conscience de l’ampleur des défis auxquels nous faisons face. Pour illustrer cette nécessité, permettez-moi de partager avec vous quelques réflexions et expériences personnelles.
    En ma qualité d’élu local – j’ai été maire d’arrondissement à Lyon et conseiller général du Rhône, je suis actuellement conseiller métropolitain de Lyon –, j’ai malheureusement été victime et témoin à plusieurs reprises, comme beaucoup d’entre vous, de la montée inquiétante de la violence et de l’hostilité dirigées contre les élus locaux. Des actes odieux et des menaces obscènes, qui portent atteinte à l’exercice même de nos fonctions démocratiques, dictés par la volonté de me faire renoncer à mes engagements et à mes combats politiques. Je pense à la dégradation de ma permanence de campagne à Lyon, en 2020, par des militants d’un groupuscule d’extrême droite malheureusement bien connu, Génération identitaire, parce que je me battais pour sa dissolution, que nous avons obtenue avec Gérald Darmanin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LFI. – Mme la rapporteure applaudit également.) Je pense aussi aux menaces que j’ai reçues, comme d’autres parlementaires, lors de la dernière législature, m’enjoignant de voter contre le passe vaccinal.
    Ces incidents ne sont malheureusement pas isolés et témoignent d’une tendance préoccupante, qui met en péril la stabilité de notre démocratie locale. Les récentes tragédies survenues à Saint-Brevin-les-Pins et à L’Haÿ-les-Roses résonnent encore douloureusement dans nos esprits, rappelant la vulnérabilité des élus locaux. En pensant à Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, à Yannick Morez, ancien maire de Saint-Brevin, à Marie-Hélène Thoraval, maire de Romans-sur-Isère, à André Mondange, maire de Péage-de-Roussillon, ainsi qu’à tous ces édiles invisibles qui subissent quotidiennement ces violences, je ressens un profond respect pour leur courage et leur détermination à servir, malgré tout, la République.
    Il est crucial de souligner que ces attaques ne sont pas simplement le fruit de divergences politiques ou de critiques légitimes, mais qu’elles constituent des attaques délibérées contre les fondements mêmes de notre démocratie et visent à faire taire la voix de celles et de ceux qui ont été démocratiquement élus pour représenter les Françaises et les Français. Il est alarmant de constater que la violence à l’encontre des élus devient de plus en plus fréquente et intense. Or ces exemples, bien que choquants, ne représentent que la pointe de l’iceberg d’un phénomène plus vaste et inquiétant.
    En tant que législateurs, notre devoir est de voter des mesures robustes pour y faire face. En soutenant cette proposition de loi, dont l’initiative revient au Sénat et notamment au président de sa commission des lois, M. François-Noël Buffet, et en votant trente-six amendements en commission des lois pour en renforcer davantage la portée, nous, députés, réaffirmons notre engagement dans cette direction. Nous devons agir avec détermination et fermeté pour garantir que nos concitoyens puissent exercer leurs responsabilités politiques sans craindre pour leur sécurité.
    Cette proposition de loi permet de renforcer les peines sanctionnant les violences commises contre des élus locaux, de créer des peines de TIG en cas d’injure ou d’outrage contre les élus locaux et les personnes détentrices de l’autorité publique et d’octroyer automatiquement la protection fonctionnelle aux exécutifs locaux.
    Nous ne devons pas simplement réagir aux incidents une fois qu’ils se sont produits, mais également les prévenir en érigeant une société où la violence et l’intimidation n’ont pas leur place. C’est le sens de ce texte, qui témoigne également du travail ancien et constant mené par le Gouvernement, en particulier le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et l’ancienne ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure.
    Ce travail devra se poursuivre à l’Assemblée nationale, avec l’examen de la proposition de Mme Spillebout et de M. Jumel relative au statut de l’élu, et dans nos territoires, avec tous les acteurs – élus, associations d’élus, policiers et magistrats… Le groupe Renaissance votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Vincent Bru applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Depuis quelques mois, nous avons effectivement l’impression qu’une nouvelle étape a été franchie dans l’explosion de la violence à l’égard des élus locaux. Ce sentiment est notamment dû au fait que, le lundi 3 juillet, au moment des émeutes qui ont vu se multiplier les agressions à l’encontre des élus ou de leur famille, l’AMF a appelé à un rassemblement républicain. Les élus du Rassemblement national y ont bien évidemment participé, pour plusieurs raisons.
    Tout d’abord, par solidarité avec les victimes. Ensuite, pour alerter le Gouvernement, qui reste relativement passif face à ce fléau et qui s’est donné bonne conscience en annonçant un petit plan de 5 millions d’euros. Enfin, par amitié avec nos collègues élus ou militants du Rassemblement national, agressés de trop nombreuses fois en exerçant leur mission ou en contribuant à l’expression démocratique de notre pays. Et cela, dans l’indifférence générale, voire coupable, de l’immense majorité des élus non RN. Permettez-moi d’adresser un soutien amical à Muriel Di Rezze, conseillère régionale Grand Est, aux collaborateurs du groupe RN au conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), à Albin Freychet, conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine, ou encore à notre collaborateur Pierre Lecamus.
    Aux agressions s’ajoutent de très nombreuses informations qui auraient dû, depuis bien longtemps, alerter le Gouvernement et aboutir à l’adoption, en urgence, d’un texte visant à protéger les élus, leurs familles, les candidats aux élections et les anciens élus. J’en veux pour preuve le rapport sénatorial de 2019 de Philippe Bas selon lequel, sur les 3 812 élus participant à son enquête, 92 % avaient déjà subi des incivilités, injures, menaces ou agressions physiques. Je fais aussi référence à l’enquête publiée en mars 2021 par l’Association des maires d’Île-de-France intitulée « Violences contre les élus locaux » qui montrait qu’à la suite de la promulgation de la loi « engagement et proximité » de 2019, qui avait pourtant annoncé un renforcement de la protection fonctionnelle des élus locaux, seulement 6 % d’entre eux estimaient cette protection suffisante.
    Par ailleurs, comment ne pas évoquer les très nombreux ouvrages publiés en 2020 par des maires qui exprimaient leur désarroi et leur sentiment d’abandon au quotidien ? En outre, les chiffres du ministère de l’intérieur sont alarmants : en 2023, 2 300 atteintes aux élus ont été enregistrées, soit une hausse de 15 % par rapport à 2022. Cette situation d’ensauvagement n’épargne absolument pas les communes rurales : dans mon département de Gironde, des élus d’Yvrac ou de Rions ont été victimes d’agression. Enfin, l’AMF déplore la démission d’environ quarante maires par mois, soit dix de plus que lors du mandat 2014-2020. Toujours en Gironde, plus d’une vingtaine d’élections partielles ont déjà été organisées depuis le début du mandat, après de multiples démissions.
    Face à cette situation dramatique, il est normal que deux tiers des Français indiquent qu’ils pourraient renoncer à se présenter à une élection en raison d’une crainte pour leur sécurité ou celle de leur famille, tout comme l’on peut comprendre que 55 % des maires actuels, selon l’AMF, envisagent de ne pas se représenter en 2026. Ces chiffres risquent incontestablement d’affaiblir encore davantage notre république, qui avait vu 106 communes sans candidat aux municipales en 2020, contre 62 en 2014. Enfin, 64 % des citoyens estiment que la sécurité des élus locaux n’est pas assurée.
    Il était donc plus qu’urgent de se réveiller ! Cette proposition de loi, bien qu’insuffisante, va dans le bon sens. En effet, elle satisfera les 81 % de Français favorables au renforcement des sanctions pénales pour les auteurs de violences faites aux élus, et même les 57 % des sympathisants de La France insoumise qui se disent favorables aux mesures de protection des élus. Ceux-ci seront sûrement déçus de voir que leurs parlementaires sont profondément déconnectés des réalités, capables de multiplier les amendements visant à alléger les sanctions, fustigeant une surenchère pénale imaginaire et alimentant ainsi le laxisme judiciaire, moteur de l’ensauvagement de notre société.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    De la hauteur !

    Mme Edwige Diaz

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    Mais ces amendements auront au moins un mérite, celui de justifier le surnom qui leur est de plus en plus souvent accolé : ils sont des députés de la France, non pas insoumise, mais incendiaire. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Frédéric Mathieu

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    Honteux ! Vous incitez à la haine.

    Mme Edwige Diaz

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    Heureusement, les Français et les élus de notre république peuvent compter sur Marine Le Pen et les députés du groupe Rassemblement national pour les défendre et les protéger.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Comme à Saint-Brevin ?

    Mme Edwige Diaz

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    Ainsi, afin que cette loi ne se limite pas à des mesurettes administratives ou, pire, à un énième exercice d’affichage et de communication, notre groupe souhaite l’enrichir et propose d’aller plus loin.
    À cet égard, je regrette profondément que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables.

    M. Erwan Balanant

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    C’est notre règlement et rien d’autre !

    Mme Edwige Diaz

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    Les députés du groupe Rassemblement national défendront de nombreux autres amendements, qui viseront par exemple à étendre la protection fonctionnelle aux collaborateurs d’élus. Nous demanderons la publication d’un rapport, détaillant par département ces phénomènes de violences, pour qu’on arrête de nous cacher la vérité. Nous souhaitons que, pour une fois, vous ne vous enfermiez pas dans le sectarisme qui vous caractérise et que, dans l’intérêt général, vous montriez que vous êtes aux côtés des 509 000 élus locaux qui font la richesse et la force de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Rome.

    M. Christophe Bex

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    Enfin une parole intelligente !

    M. Erwan Balanant

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    Merci pour les autres !

    M. Christophe Bex

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    C’est pour Mme Diaz que je disais cela !

    M. Sébastien Rome

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    Ce texte se paie de mots car il n’est pas de nature à renforcer la sécurité des élus locaux ni la protection des maires. Si telle était l’intention, il nous faudrait conduire deux autres types d’actions : empêcher que les actes violents, inadmissibles, contre les élus ne soient commis ; nous attaquer aux causes de ces violences, inhérentes au malaise démocratique. Or ici, nous n’allons ni retenir la main et les mots des agresseurs ni agir sur les causes.
    Regardez le texte. Au titre III, nous évoquerons les dispositions relatives au CLSPD, dont on abaisse les ambitions, notamment au sujet des violences intrafamiliales. Nous nous opposons à ce recul. Au titre II, nous améliorons l’accompagnement des élus victimes. Nous y sommes favorables. Le titre Ier alourdit les sanctions à l’encontre des auteurs de violences sur les élus et leur famille. Nous dénonçons ici l’inutile escalade des peines.
    L’augmentation des violences contre les élus jette une lumière cruelle sur l’augmentation de la défiance envers nos institutions. L’année dernière, nous avons déjà eu à voter sur ce sujet. Nous recommençons aujourd’hui. Demain, nous aurons une loi sur le statut de l’élu. Aujourd’hui comme demain, ne détournons pas les yeux ! Ne singeons pas, comme nous l’avons trop entendu durant les travaux en commission, la loi du talion !
    Bien que La France insoumise soit particulièrement visée en ce moment, nous ne céderons pas à la surenchère, suivant ainsi l’avis éclairé du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Face à l’augmentation des faits criminels qui font des victimes chez les élus de tout bord, et surtout face à leur surexploitation médiatique, nous ne devons pas céder à tout ce qui alimente un populisme pénal issu d’une surréaction à des émotions – à chaque fait divers, une loi – et justifie une surenchère pénale.
    Le Cese recommande donc de cesser d’adopter des lois d’affichage et d’agir plutôt sur le sens de la peine. C’est pourquoi nous serons favorables à des peines d’intérêt général, mais opposés à la surenchère pénale proposée dans ce texte.
    Martial Foucault, ancien directeur du centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) expliquait, au terme d’une enquête menée auprès de 8 000 maires, que ceux-ci réclament davantage de protection sans pour autant demander un renforcement du cadre répressif. Ils veulent, comme nous, que les décisions de justice interviennent plus rapidement, afin que le climat délétère ne s’installe pas durant des mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Pourtant, la présente proposition de loi ne prévoit pas d’accorder de nouveaux moyens à la justice.
    Par ailleurs, en l’absence de décisions de justice rapides, un autre phénomène s’installe : les élus n’osent pas porter plainte, surtout dans les petites communes, de peur d’aggraver les conséquences sur eux et leur famille.

    M. Frédéric Mathieu

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    Bien dit !

    M. Sébastien Rome

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    C’est pourquoi, afin de rééquilibrer le texte, nous avons déposé des amendements qui visent à renforcer la médiation : j’invite le Gouvernement à les reprendre et à lever le gage. Faites preuve de cohérence : une semaine après le consensus obtenu dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation comme outils de prévention des conflits, ne venez pas nous dire que ce n’était que du vent !
    Les décisions de justice rapides protègent les élus, tout comme l’intervention des médiateurs lorsque la situation se dégrade. Ces derniers ont, en outre, une vertu supplémentaire, que de nombreux députés ne semblent pas avoir encore intégrée. En brandissant les circonstances aggravantes dans le but d’alourdir les peines, nous fonctionnarisons les élus locaux et les plaçons au-dessus des citoyens : de primus inter pares – premier parmi ses pairs –, nous dérivons lentement vers un magister populi – maître du peuple. Face à la défiance du peuple envers les élus, il faut au contraire introduire davantage de démocratie, de dialogue et d’humain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Or votre texte reste muet en la matière.
    Pour protéger les élus, nous demandons, comme Philippe Rio, maire de Grigny – qui a lui-même été agressé – un réel pouvoir d’action des maires afin de répondre aux besoins de leurs concitoyens. Car là est la source de tous les maux : lorsque l’État recule, les élus, qui restent à portée de baffes, sont davantage exposés. (Mêmes mouvements.) Arrêtons de dépouiller les communes de leur autonomie financière et fiscale !
    Rappelons-nous, enfin, comme l’écrivait Jean Jaurès, que la condition de l’ordre est le progrès, la justice et la liberté. C’est pourquoi, pour protéger les élus locaux, et parce que nous préférons que la République soit aimée plutôt que crainte, bannissons les régressions sociales, les injustices et le recul des libertés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    (À dix-huit heures quinze, Mme Naïma Moutchou remplace Mme Élodie Jacquier-Laforge au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Schellenberger.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Depuis de nombreuses années, les agressions envers les élus augmentent, ainsi que, de façon générale, la défiance envers l’ensemble des agents du service public : les agressions sont plus souvent de nature physique, qu’elles s’adressent aux forces de l’ordre, aux agents d’accueil dans les services publics – y compris dans les mairies –,…

    M. Vincent Bru

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    Et dans les services sociaux !

    M. Raphaël Schellenberger

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    …ou aux élus, qui occupent pourtant une place bien particulière dans notre système politique.
    Cette situation nous amène à nous interroger sur notre façon de vivre ensemble. Quelle société voulons-nous ? Comment pouvons-nous encore avoir envie de vivre ensemble lorsque ceux qui s’engagent pour les autres sont les premiers à être victimes des agressions ? Dans cette société de l’individualisme, où chacun attend une réponse immédiate à son problème particulier, je suis convaincu qu’une partie des réponses qui feront cohésion se trouve dans la défense des libertés locales. Ce sont elles qui nous permettront d’apprendre de nouveau ce qu’est la démocratie, à savoir un apprentissage permanent et non un acquis – peut-être avons-nous eu le tort, collectivement, de considérer qu’elle était définitivement acquise.
    Nous débattrons ce soir de deux grandes idées, abstraites et pourtant si concrètes dans le quotidien de nos concitoyens : la démocratie et la République. La démocratie, c’est-à-dire cet engagement à défendre nos idées au même titre que celles des autres et à trouver un moyen pacifique de régler nos conflits et de prendre des décisions ; la République, qui permet de préserver le dialogue et l’espace démocratique, de protéger le processus de décision collective qu’est, localement, la délibération.
    Nous observons, à l’occasion des élections successives, une crise profonde de l’engagement local, notamment de la part des maires : il y a, en effet, de moins en moins de candidats et parfois de plus en plus de difficultés à former des listes dans certaines communes.
    Les raisons de cette crise démocratique locale sont nombreuses : non seulement les violences et les agressions envers les élus – nous y reviendrons –, mais également, ne l’oublions pas, l’organisation progressive de l’impuissance de l’action publique locale, due à l’empilement des normes et à une organisation alambiquée de certaines compétences.

    M. Fabrice Brun

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    Oui. En raison des transferts de compétences !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Combien de fois avons-nous débattu dans cet hémicycle de la compétence eau et assainissement, une demande forte des élus locaux à laquelle le Gouvernement reste sourd depuis maintenant sept ans ?

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui, laissez la liberté aux communes !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Nous avons aussi constaté, parfois, une volonté d’opposer les échelons les uns aux autres : je n’ai pas oublié ce ministre chargé des comptes publics qui, il n’y a pas si longtemps, à l’occasion de l’envoi des feuilles d’imposition, publiait sur Twitter un hashtag #BalanceTonMaire !
    Enfin, il faut aborder la question des libertés locales en matière budgétaire, financière et fiscale. Il est de plus en plus difficile pour les élus locaux d’expliquer à leurs concitoyens comment le système fonctionne, tant il est devenu incompréhensible, depuis la suppression des impôts locaux – qui réduit l’autonomie fiscale des collectivités – jusqu’à l’intervention croissante du législateur dans la définition des bases – lesquelles contredisent les stratégies fiscales des collectivités locales. Nous devons redonner aux élus locaux les moyens d’agir. Cela permettra aussi de lutter contre leur mal-être.
    L’objet de la proposition de loi est donc de lutter contre les violences et de protéger davantage les élus. Je tiens à saluer l’initiative du Sénat et me réjouis que ce texte ait pu être inscrit à notre ordre du jour ; nous aurons largement le temps d’en débattre dans les détails.
    Toutefois, il restera deux sujets importants auxquels nous devrons nous attaquer : la réforme du statut de l’élu local, véritable serpent de mer depuis des décennies – et je me réjouis des annonces faites en ce sens ; une grande loi relative aux libertés locales, qui permettra de redonner enfin aux collectivités la capacité d’agir et fera en sorte que l’État les accompagne au lieu de les empêcher. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Fabrice Brun

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.

    Mme Élodie Jacquier-Laforge

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    Nous avons tous été élus pour porter la voix de nos concitoyens et servir de courroie de transmission. Nous assumons cette vocation républicaine et avons choisi d’être les représentants du peuple. Malheureusement, nous avons tous été confrontés à la virulence des attaques – qu’elles soient physiques ou qu’elles s’expriment sur les réseaux sociaux –, à des menaces ou à des dégradations commises sur notre domicile ou notre permanence parlementaire. Alors que l’élu local est d’ordinaire l’élu le plus apprécié des Français, il est aussi celui qui se trouve au plus près des colères et de la violence.
    C’est pourquoi le Gouvernement s’est saisi de ce sujet, dès 2017 : la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a ainsi permis d’instaurer une protection fonctionnelle des maires, dont le coût est pris en charge grâce à un dispositif d’assurance obligatoire des communes. La loi de janvier 2023 permet, quant à elle, aux assemblées et associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public, victime d’agression.
    Afin d’entendre les élus de ma circonscription, j’ai organisé à Saint-Marcellin une réunion publique en présence de Dominique Faure, alors ministre chargée des collectivités territoriales. À cette occasion, j’ai pris conscience que la parole des maires avait besoin de se libérer et combien ils pouvaient taire ce qu’ils vivent au quotidien – par peur, disons-le, des représailles, beaucoup renoncent à porter plainte. Nous avons tous conscience, les orateurs précédents l’ont rappelé, de la réalité de ces violences et de ce que subissent quotidiennement les maires et les élus. C’est pourquoi la réponse doit être ferme.
    Les chiffres le montrent : en 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 plaintes ou signalements pour des faits de violence verbale ou physique à l’encontre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021.
    Ce texte sénatorial répond donc à un réel besoin et nous devons nous tenir aux côtés des élus pour les aider, les soutenir et les défendre, en mobilisant tous les leviers à notre disposition, comme cela sera fait grâce à l’aggravation des peines encourues en cas de violences commises contre les élus.
    Nous améliorerons également la protection fonctionnelle et l’accès aux assurances pour les locaux, et porterons à un an le délai de prescription en cas d’injure ou de diffamation publique. D’autres mesures viendront compléter ce volet à la fois répressif et protecteur.
    Avant de conclure, j’évoquerai la zone grise des violences – lorsqu’on surveille le domicile du maire, d’un adjoint ou d’un élu municipal, où qu’on cherche à exercer une pression, parfois psychologique, en exprimant sa colère, en proférant des menaces à l’encontre des agents communaux, dans le but de freiner l’action communale. Ces actions, exercées volontairement sur les élus, se situent à la limite de la légalité – c’est pourquoi j’ai parlé de zone grise ; elles sont malheureusement vécues de manière quotidienne. Je veux aussi parler du dénigrement systématique qui, sans être forcément du harcèlement, se répand sur les réseaux sociaux.
    Face à cette violence de proximité exercée à l’encontre des élus, ce texte apporte une première pierre essentielle : protéger les élus, ce n’est pas protéger une caste, comme l’a souligné la rapporteure, mais bien protéger la démocratie dans son ensemble. Nous devrons donc continuer à œuvrer pour soutenir les élus et susciter de nouvelles vocations. C’est pourquoi le groupe Démocrate se prononcera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette.

    M. Stéphane Delautrette

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    J’ai écouté attentivement vos propos, monsieur le ministre, et je partage votre attachement envers les élus locaux. Reconnaissons toutefois que, depuis 2017, le Président de la République a souvent malmené ces corps intermédiaires, considérés comme autant de freins à sa stratégie du mouvement et de la réforme permanente. Il est tellement convaincu qu’ils gèrent mal leurs collectivités qu’il a voulu, dès le début de son quinquennat, leur imposer 13 milliards d’euros d’économies et reprendre la main sur leurs ressources fiscales. Comme notre collègue Schellenberger, nous n’avons pas oublié non plus le fameux hashtag #BalanceTonMaire.
    La crise des gilets jaunes et le covid-19 sont passés par là et le Président semble avoir reçu sa leçon de choses. Les élus locaux forment le ciment de la République et représentent la voix de toutes les composantes du corps social. Ils en sont également, par les politiques qu’ils conduisent, la première protection. Cependant, qui protège les élus locaux eux-mêmes, tant sur le plan physique que matériel ou psychologique ?
    Depuis 2020, plusieurs collègues l’ont rappelé, un nombre croissant d’élus locaux démissionnent, écrasés par le manque de reconnaissance, la montée des violences, la complexification de l’action publique et une forme d’abandon de l’État.
    La loi « 3DS » – relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale –, qui devait gommer certains des irritants de la loi Notre – portant nouvelle organisation territoriale de la République –, a connu le même sort qu’elle : le texte adopté s’est écarté de l’ambition initialement affichée.
    Lors du dernier congrès des maires, Emmanuel Macron, qui semble avoir infléchi sa position, a annoncé un nouvel acte de la décentralisation et une confiance nouvelle en les élus locaux. En attendant une éventuelle réforme de la décentralisation et des moyens des élus locaux, nous pouvons avancer sur leur statut. La délégation aux collectivités territoriales y travaille depuis plusieurs mois et le groupe Socialistes et apparentés y a largement contribué, notamment par le dépôt, en novembre, lors du congrès des maires, de la proposition de loi visant à améliorer l’attractivité des mandats locaux.
    Mme Violette Spillebout, rapporteure, et M. Sébastien Jumel, corapporteur, ont également publié en décembre un rapport d’information de grande qualité, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur le statut de l’élu local. Cependant, je regrette vivement qu’ils aient fait le choix de déposer seuls une proposition de loi dont les dispositions sont issues d’un travail collectif et transpartisan.
    Indépendamment de la qualité du contenu de ce texte, la contribution des débats parlementaires ne pourra qu’être marginale compte tenu des articles 40 et 45 de la Constitution, ce qui est très dommageable.

    M. Erwan Balanant

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    C’est vrai !

    M. Stéphane Delautrette

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    Nous ne pouvons pas avancer de manière constructive sur les sujets liés aux collectivités territoriales sans un large travail transpartisan.

    M. Guillaume Garot

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    Très bien !

    M. Stéphane Delautrette

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    Aujourd’hui, du fait du choix des sénateurs, nous abordons ce chantier sous un angle exclusivement sécuritaire. La proposition de loi reprend de nombreuses mesures proposées par le groupe Socialistes et apparentés, auxquelles nous ne pouvons qu’adhérer. Notre groupe votera donc pour ce texte et proposera des améliorations à la marge afin de répondre au mieux aux attentes des élus, dans les limites des articles 40 et 45.
    L’automaticité et le renforcement de la protection fonctionnelle accordée aux élus et aux anciens élus locaux constituent l’une des principales avancées du texte, mais nous regrettons que, pour cette mesure comme pour d’autres, le Sénat ait distingué les élus ayant reçu une délégation de l’exécutif de ceux sans délégation. C’est une erreur : les agresseurs ne distinguent pas les élus selon leur arrêté de délégation ou leur ordre dans le tableau. Le plus souvent, ce sont le maire et les élus qui sont visés – nous soutenons les propos de la rapporteure sur le sujet. Monsieur le ministre, du fait de l’article 40, vous seul pouvez corriger cet oubli. Pouvez-vous prendre ici l’engagement d’étendre la protection fonctionnelle à l’ensemble des élus locaux, sans condition ?
    Nous proposerons de mieux encadrer l’engagement de la responsabilité pénale personnelle des élus locaux en précisant que celle-ci doit impliquer une faute caractérisée du maire ou du président de l’intercommunalité, du conseil départemental ou régional, et ne peut découler de la seule insuffisance de leurs services. Corrélativement, nous proposerons que la responsabilité de la collectivité en tant que personne morale puisse être plus aisément recherchée afin de préserver les droits des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (À dix-huit heures trente, Mme Élodie Jacquier-Laforge remplace Mme Naïma Moutchou au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Je m’exprime à la tribune au nom du groupe Horizons, en remplacement de ma collègue Marie-Agnès Poussier-Winsback, en déplacement auprès de la marine nationale – je le fais volontiers et avec beaucoup d’intérêt. En 2020 et en 2021, parallèlement aux travaux du Sénat, nous nous saisissions, avec Philippe Gosselin, de la question et constations – déjà – l’explosion historique des violences contre les élus locaux, en particulier les maires.
    On a coutume de dire que par leur ancrage et leur proximité, les élus locaux sont à « portée d’engueulade » – j’utilise une expression chère au président du Sénat, Gérard Larcher. Nous ajoutions avec Philippe Gosselin qu’ils sont tout autant à portée de coups, au point que nous nous étions demandé si le mandat local était en danger et si c’était la cause de la désaffection dont il est l’objet. Nous ne le répéterons jamais assez et ce n’est pas une figure de style : s’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République elle-même, ce qui est tout aussi grave.
    Des élus locaux sont présents dans cet hémicycle. Vous-même, monsieur le ministre, avez été maire de la belle ville d’Angers, à laquelle vous demeurez très attaché. Chacun de « mes » maires dans le Val-d’Oise – je le dis avec affection –, qu’il soit maire d’une petite ou d’une grande ville, d’une commune de banlieue ou d’une commune rurale, touristique ou non, peut témoigner des tensions sociales, des incivilités et des agressions. Les difficultés croissantes dans l’exercice des missions d’élu local peuvent conduire au pire – nous repensons souvent avec beaucoup de tristesse au décès brutal de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, le 5 août 2019. Elles peuvent également conduire à la décision la plus difficile pour celui qui s’est engagé au service de l’intérêt général : celle de démissionner. Ce constat partagé avec vous il y a quatre ans est tristement d’actualité. Qui voudra encore, à ce rythme, s’engager auprès d’une municipalité, au détriment de sa sécurité et de celle de sa famille ?
    Personne ne peut accepter un tel échec et tout ce qui peut utilement protéger les territoires et les élus est bienvenu. C’est l’intérêt de ce texte qui vient en complément du plan national de prévention et de lutte contre les violences aux élus et d’autres mesures : le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae), institué en 2023, le renforcement des moyens de la justice et la mobilisation accrue des forces de sécurité – avec Philippe Gosselin, nous proposions de renforcer les pouvoirs de police des maires ainsi que des policiers municipaux, et je continue de plaider en ce sens. Nous aurons, je l’espère, l’occasion de débattre du statut de l’élu local à partir des recommandations de l’excellent rapport de nos collègues Violette Spillebout et Sébastien Jumel.
    Mon groupe soutiendra cette proposition de loi, en particulier la prise en charge des frais médicaux et d’accompagnement psychologique par la collectivité, l’automaticité de la protection fonctionnelle, l’accès garanti aux assurances pour les locaux politiques et les permanences – celles de plusieurs d’entre nous ont été prises pour cibles – et le renforcement des sanctions encourues en cas de violences commises contre les élus. Comme je suis tenace, je déposerai un nouveau texte sur l’instauration de peines planchers en cas de récidive d’agression contre les dépositaires de l’autorité publique – je vous l’annonce en exclusivité.
    Je me réjouis du renforcement de l’information donnée aux maires par les parquets sur les suites données à leurs plaintes et à leurs signalements. Le Gouvernement n’avait pas accueilli favorablement cette mesure, issue de la mission flash sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, dont j’ai été la rapporteure avec Philippe Gosselin – je l’avais défendue dans le cadre de ma proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive. Heureusement, les temps changent – et les ministres aussi. Je salue également le renforcement de la présence des préfets et des procureurs au sein des CLSPD, qui faisait également partie de nos recommandations.
    Le groupe Horizons et apparentés redit son entier soutien à tous ceux qui s’engagent pour les territoires et sa détermination à les protéger. Nous devons poursuivre le travail et certainement aller plus loin. Voter en faveur de ce texte offre une nouvelle occasion de revaloriser le beau et précieux mandat d’élu local. C’est une question de démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Claude Raux.

    M. Jean-Claude Raux

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    Chaque fois qu’un ou une élue est agressé, c’est une part de notre démocratie qui s’affaisse – elle doit rester une forme de gouvernance sans violence, partout et tout le temps. Les atteintes aux élus ont augmenté de 32 % en 2022. En Loire-Atlantique, j’ai connu l’incendie du domicile de Yannick Morez, l’ancien maire de Saint-Brévin-les-Pins, les insultes publiques et les menaces de mort contre Agnès Bourgeais, maire de Rezé, la tentative d’attaque au couteau contre la maire de Bouguenais, Sandra Impériale, et les menaces de mort contre Marie-Alexy Lefeuvre, maire de ma commune de résidence, Saffré. Chaque nouvelle violence reste un choc.
    Ce constat d’une hausse des violences envers les élus doit nous alerter et nous faire réagir, en tant que parlementaires, en tant que citoyennes et citoyens, surtout. Les violences à l’égard des élus, quelle qu’en soit la forme, ne sont pas tolérables et doivent être condamnées. Il ne s’agit pas de faire des élus des citoyens à part mais d’assurer leur protection dans l’exercice de leurs fonctions. Ils demeurent responsables de leurs actes, à l’image de ce que nous souhaitons pour les ministres quand nous demandons la suppression de la Cour de justice de la République.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Eh oui !

    M. Sébastien Peytavie

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    Ce serait bien !

    M. Jean-Claude Raux

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    Nous devons éradiquer les violences à l’égard des élus locaux et durcir les sanctions, même si le droit pénal ne peut pas tout – il punit mais ne prévient pas. Le renforcement des peines encourues ne doit pas masquer les causes multifactorielles de ces agressions. C’est sur ces causes qu’il faudra agir pour parvenir à endiguer le mal.
    Le premier chantier, vital, consiste à rapprocher les élus et les citoyens, à raviver la confiance dans un système démocratique de gouvernement, à favoriser l’accès de chacune et de chacun aux institutions, sans discrimination. N’ayons pas peur de le dire : notre fonctionnement démocratique n’est pas parfait. Il écarte et méprise trop souvent la voix de celles et ceux qui n’occupent pas les fauteuils du pouvoir.
    Le délitement de la confiance dans les institutions démocratiques constitue l’une des causes possibles des violences. Le délaissement de ses propres missions par l’État, qui abandonne des personnes à leur détresse, en est une autre. Les maires servent de punching-ball verbal et physique aux premières victimes des politiques néolibérales. Ces dernières appauvrissent les personnes, détruisent les services médicaux et médico-sociaux et aggravent les troubles de santé mentale. Tant que le Gouvernement persistera à détricoter les services publics, les violences ne feront que s’accroître.

    M. Frédéric Mathieu

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    C’est vrai !

    M. Jean-Claude Raux

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    Les violences émanent aussi d’une volonté politique et d’une stratégie mortifère. La violence à Saint-Brévin-les-Pins était le fait de l’extrême droite – de ceux qui disaient être « chez eux », alors qu’ils étaient venus d’ailleurs, en car, et en bien moins grand nombre que les partisans du nouveau Cada, le centre d’accueil pour les demandeurs d’asile –, une extrême droite avide de nourrir la polémique et de pourrir la vie d’une commune où, depuis 2016, l’accueil des migrants n’avait jamais posé de problème, une extrême droite revigorée et décomplexée par la diffusion de ses thèmes et concepts par des médias, comme par des élus de la République.

    M. Damien Maudet

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    C’est vrai !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Et les écoterroristes ?

    M. Jean-Claude Raux

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    Il ne faut pas nous voiler la face et nier que les violences contre les élus s’expliquent aussi par la manipulation, la récupération et une idéologie de la haine, souvent relayée par les réseaux sociaux.
    Sous réserve des conclusions que nous tirerons du débat, le groupe Écologiste-NUPES votera en faveur de ce texte, nécessaire quoiqu’insuffisant, qui contribuera à améliorer l’accompagnement des élus victimes et la réponse aux violences subies. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, GDR-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    M. Erwan Balanant

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    Je fais attention aux mots : M. Cabrolier vous a traités d’écoterroristes !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Vous ne soutenez plus M. Darmanin ? C’est lui qui a utilisé le terme.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Devenir maire, c’est endosser le plus beau des mandats. C’est s’engager dans un sacerdoce laïque, accepter de prendre en charge son territoire, de réveiller les esprits dans les villages victimes du tout-métropolisation et du déménagement du territoire. C’est s’occuper des repas de la cantine scolaire, organiser les célébrations du 14 Juillet, écouter les habitants qui vont mal et réconcilier les voisins qui ne s’entendent plus. C’est croire, comme Georges Bernanos, que « les petites choses n’ont l’air de rien, mais [qu’]elles donnent la paix ». C’est prendre soin de ce qui semble invisible et évident, et qui pourtant s’effrite : le lien social.
    Dans une époque où il paraît parfois si facile de croire que l’avenir est au présent, à l’immédiat, au distanciel, aux relations numériques et à la société liquide, être maire, c’est assumer d’avoir les deux pieds dans la terre et prendre soin concrètement du lien social, que le smartphone ne pourra remplacer.
    Face au sentiment – sentiment partagé, il me semble – que la démocratie s’abîme, que le fossé se creuse entre nos concitoyens et ceux qui sont chargés d’apporter une réponse publique, maires et élus locaux gardent la maison France en respectant le seul devoir qui incombe à ceux qui s’engagent : continuer à faire communauté, porter haut le sens latin de « commune » – vivre ensemble.
    Si l’on veut véritablement procéder à un réarmement de la République, il faut, au lieu de se laisser souffler des slogans publicitaires par les cabinets de conseil, soutenir nos communes. Le maire a les pieds sur terre. Il est à portée d’engueulade, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné : sans filtre, sans garde rapprochée, sans caméras autour de lui. Lui conserve la confiance des Français parce qu’il vit parmi eux : il est lié à eux.
    Le maire, c’est tout à la fois le premier visage de ce que l’on appelle la France, la République et celui qui fait vivre ces grands mots au quotidien, parfois d’ailleurs en ayant l’impression de devoir avancer contre vents et marées. Quand l’État n’est pas au rendez-vous, quand l’État détricote les services publics de proximité, quand l’État rogne sur les moyens des communes, ce sont les maires, urgentistes de la République, qui maintiennent debout la baraque France. Nous l’avons constaté lors de plusieurs moments de crise, qu’il s’agisse de la poussée de l’inflation, du covid ou du mouvement des gilets jaunes, à l’occasion desquels le Président de la République a semblé redécouvrir le rôle précieux joué par les maires…

    M. Fabrice Brun

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    Et les corps intermédiaires !

    M. Sébastien Jumel

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    …quand tout fout le camp. Lorsque l’État serre fort son bras droit et relâche mollement son bras gauche,…

    M. Fabien Roussel

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    Ce qui arrive souvent !

    M. Sébastien Jumel

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    …ce sont eux qui rafistolent et posent des rustines.
    Lorsque les dotations issues de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et les recettes fiscales des communes diminuent, lorsque les pouvoirs d’agir des élus se morcellent à mesure que se multiplient les réformes territoriales – j’espère que la mission confiée à Éric Woerth nous permettra d’avoir un recul critique sur la loi Notre,…

    M. Fabrice Brun

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    Rien n’est moins sûr !

    M. Sébastien Jumel

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    …qui n’est pas la nôtre –, les maires se questionnent et souvent donnent l’alerte.
    Parfois, ils s’en vont discrètement, en silence. Avec Violette Spillebout, nous avons auditionné nombre d’entre eux dans le cadre de notre mission d’information. Les témoignages que nous avons rassemblés nous ont confortés dans l’idée qu’il fallait être au rendez-vous. Je le dis avec fraternité aux Insoumis : une loi doit marquer symboliquement le fait qu’on ne touche pas à un maire, au service de l’intérêt général.

    M. Thomas Rudigoz

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    Très bien !

    M. Sébastien Jumel

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    Violenter un maire, s’en prendre à son entourage, attaquer son domicile appelle une réponse pénale à la hauteur du symbole que représente cet élu de la République.
    Améliorer la réponse pénale suffit-il ? Non, évidemment. C’est la raison pour laquelle, avec ma collègue Violette Spillebout, nous vous proposerons d’instituer un statut de l’élu local qui intègre la nécessité de prendre soin de ceux qui prennent soin de la République.
    Dans l’exercice de mon mandat de maire, j’ai acquis la conviction qu’on ne protège efficacement et durablement que des élus qui sont utiles, concrètement, à nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle il importe de renforcer les pouvoirs d’agir des maires et de leur donner plus de moyens pour ce qui touche au quotidien.

    M. Pierre Dharréville

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    Oui, donnons-leur plus de moyens !

    M. Sébastien Jumel

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    Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera en faveur de cette proposition de loi mais souhaite la voir prolongée par une future loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme la rapporteure applaudit également, ainsi que M. Vincent Bru et Mme Martine Froger.)

    M. Fabien Roussel

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    Très bien dit !

    M. Pierre Dharréville

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    Vive la commune !

    M. Sébastien Peytavie

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire en commission, ma première réaction face à cette proposition de loi a été assez mitigée. Je n’aime pas trop ce qui peut donner l’impression que nous nous accordons une sorte de privilège – un de plus, diraient probablement beaucoup de nos concitoyens –, qui serait refusé aux autres.
    Il faut néanmoins reconnaître que cette proposition de loi répond à une préoccupation croissante des élus locaux pour leur propre sécurité. Citons quelques chiffres significatifs : selon le ministère de l’intérieur, en 2022, il y a eu, par rapport à l’année précédente, une augmentation de 32 % des agressions à l’encontre des élus, principalement des maires – pour la moitié, il s’agissait d’outrages, pour 40 % de menaces et pour 10 % de violences volontaires. Selon d’autres chiffres intéressants, tirés d’un sondage Odoxa réalisé en novembre pour Le Figaro, 64 % des Français estiment que la sécurité des maires est mal assurée et 61 % pensent qu’ils pourraient personnellement renoncer à se présenter à une élection municipale, par crainte pour eux-mêmes ou pour leur famille. Tout cela est éloquent.
    L’objectif de ce texte est donc de proposer des solutions qui rassureront nos élus. Les mesures envisagées vont de l’aggravation des sanctions en cas de violences contre les élus à l’amélioration de la prise en charge des élus victimes, en passant par une implication accrue des institutions dans la protection des élus. Il apparaît toutefois nécessaire d’examiner ces mesures ciblées et spécifiques dans un cadre plus large, d’autant que la commission a voté certaines dispositions qui me semblent problématiques – j’y reviendrai. Il importe de prendre en considération leurs diverses implications et de veiller à assurer un équilibre entre sécurité et libertés civiles.
    La proposition de loi, qui se concentre sur la réponse répressive et la protection après les agressions, pourrait être enrichie par des mesures préventives plus globales. Je pense notamment à la mise en place de systèmes de signalement et de réponses rapides face aux menaces ou incidents en vue d’une intervention efficace en cas de problème, comme cela se fait déjà dans certaines communes, par exemple, pour les commerces ou les écoles.
    L’impact de la loi sur les libertés civiles, notamment la liberté d’expression, pose question. Il me semble que les mesures proposées risquent de laisser place à une interprétation abusive. La liberté d’expression et le droit de la presse, consacrés par la loi du 29 juillet 1881, sont des matières compliquées, sensibles juridiquement, auxquelles la proposition de loi touche, notamment dans son article 2 bis, qui traite des problèmes liés à la diffamation, aux injures et aux outrages.
    Pour être tout à fait claire, j’estime que nous ne devrions modifier cette loi de 1881 sur la liberté de la presse qu’avec beaucoup de précautions. S’il est vrai que les possibilités d’actions judiciaires contre les délits de presse sont enserrées dans des délais courts et que les évolutions technologiques – réseaux sociaux, internet, intelligence artificielle – favorisent la persistance de la diffusion des contenus injurieux et diffamatoires dans l’espace public et leur accessibilité dans le temps, allonger le délai de prescription relatif à un élément déterminé de la loi, comme le fait l’article 2 bis, risque d’entraîner des difficultés eu égard aux autres délais de prescription qui continuent à s’appliquer en matière de presse. Ma principale crainte est de déséquilibrer la loi de 1881 et, ce faisant, d’aller à l’encontre de l’objectif politique visé. Je voterai donc contre l’article 2 bis, dans sa rédaction actuelle.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Très bien !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Un mot maintenant sur les dispositions relatives aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, à l’article 14. Alors même que ces instances ne sont déjà pas loin de ressembler à une usine à gaz, y incorporer une participation citoyenne par tirage au sort, comme le veut un amendement adopté en commission, relève selon moi de la démagogie pure et simple.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Vous y allez fort !

    M. Fabrice Brun

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    Ce serait définitivement une usine à gaz !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je terminerai par les agressions elles-mêmes. Si cette proposition de loi tente d’apporter quelques solutions, la protection des élus devrait commencer à tout le moins par la condamnation unanime des violences dont ils sont l’objet, quel que soit le camp politique auquel ils appartiennent. J’ai en tête l’agression, sous les drapeaux de la gauche et de l’extrême gauche, dont a été victime le maire de Béziers lors d’un déplacement à Saint André-de-Cubzac en mai 2018.

    M. Fabien Roussel

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    Il n’y a pas d’extrême gauche !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il attend toujours un mot de soutien.
    Vous l’avez compris, je ne m’opposerai pas à ce texte mais je pense qu’il mériterait moins d’hypocrisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Avant l’article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Fabrice Brun

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    Il me revient de défendre le premier amendement sur ce texte d’origine sénatoriale. Plus que jamais, la sécurité est la première des libertés. Cette sécurité au quotidien, l’État la doit à nos concitoyens et…

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Il a raison !

    M. Fabrice Brun

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    …bien évidemment aux détenteurs de l’autorité publique que sont les maires et les autres élus. Cet amendement vise modifier le titre Ier de la proposition de loi pour bien marquer la logique de protection des élus et de renforcement de l’arsenal répressif dans laquelle elle s’inscrit.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Je ne suis pas opposée à cette modification et émettrai un avis de sagesse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christophe Béchu, ministre

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    Même avis.

    (L’amendement no 11 est adopté.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Bravo, monsieur Brun !

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Valence.

    M. David Valence

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    Je tiens à saluer à mon tour Mme la rapporteure pour son travail, qu’elle a pu nourrir du rapport d’information, publié au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avec son corapporteur Sébastien Jumel.
    L’aggravation des peines à laquelle procède l’article 1er apparaît comme une évidence. Beaucoup d’élus locaux, lorsqu’ils portent plainte contre des personnes s’étant rendues coupables d’agressions ou d’insultes à leur encontre, sont persuadés que le régime des peines qui leur est applicable est identique à celui prévu pour des faits de violences commises sur une personne dépositaire de l’autorité publique, comme les gendarmes ou les policiers. Or ce n’est pas le cas et lorsqu’ils le découvrent, c’est pour eux un objet de surprise et d’incompréhension.
    Il n’en irait pas ainsi s’ils étaient considérés comme étant pleinement dotés de la qualité d’officier de police judiciaire. Or un flou entoure ce point dans notre droit. Il serait bon que dans un texte à venir, peut-être celui que nous évoquions sur le statut de l’élu local, des précisions soient apportées à ce sujet, ce qui permettrait d’offrir des éclaircissements aux élus eux-mêmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Le groupe Rassemblement national votera en faveur de l’article 1er : il va dans le bon sens en octroyant aux maires une protection accrue grâce à une aggravation des peines. Toutefois, il ne nous paraît pas suffisant. D’abord, il faut noter que notre droit prévoit déjà une circonstance aggravante lorsque la victime d’agressions détient un mandat électif. En outre, même si le quantum de la peine est accru, le juge ne sera pas tenu d’appliquer la peine maximale, selon le principe de l’individualisation des peines. Enfin, comme il n’existe pas de peine plancher, il n’est pas certain que les peines réellement prononcées seront plus lourdes qu’auparavant. Il y a donc dans cet article une forme d’hypocrisie, sur laquelle je reviendrai dans l’un de mes amendements.
    J’en profite pour adresser des pensées toutes particulières à l’adjoint au maire de la commune de Beaurepaire, en Seine-Maritime, dans ma région de Normandie,…

    Mme Caroline Abadie

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    Beaurepaire se situe en Isère !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il y a aussi une commune de ce nom en Seine-Maritime. Pourquoi être si agressive ?

    M. Kévin Mauvieux

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    …qui a subi devant son domicile une violente agression ayant conduit à huit jours d’incapacité totale de travail (ITT). Je pense qu’il sera attentif à nos débats. J’espère que ceux-ci mèneront à plus de fermeté.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Ces dernières années, nous avons constaté une recrudescence dramatique des agressions à l’encontre des élus locaux. Depuis le 1er janvier 2023, près de 1 400 cas ont été recensés. Par ailleurs, le nombre de plaintes pour violences verbales ou physiques envers des élus a augmenté de 30 % en 2022, puis de 15 % en 2023.

    M. Fabrice Brun

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    Il est temps d’agir !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Ces chiffres témoignent d’une insécurité réelle que le législateur ne saurait ignorer. Quant aux suites judiciaires, elles demeurent trop peu fréquentes et l’accompagnement de l’État encore insuffisant. En effet, les élus locaux sont en première ligne face aux incivilités et à la délinquance : ils interviennent souvent avant l’arrivée des forces de l’ordre, notamment en milieu rural.

    M. Fabrice Brun

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    Eh oui ! Il faut mieux protéger nos maires !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Désarmés, ils se trouvent contraints de gérer des situations parfois très périlleuses et d’aller au-devant d’individus potentiellement violents. Ni le Gouvernement, ni la représentation nationale ne peuvent se permettre de négliger ce phénomène et son influence délétère sur l’exercice du mandat local.

    M. Fabrice Brun

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    Il a raison !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Et pour cause : ces violences envers les élus constituent une menace pour notre démocratie. Outre les démissions d’élus qu’elles engendrent, elles risquent de provoquer une crise de l’engagement citoyen et une érosion des vocations électorales.

    M. Fabrice Brun

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    Et de fragiliser la démocratie de proximité !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Dans un contexte où le malaise ressenti par les élus ne cesse de s’accroître, ils doivent bénéficier d’une protection à la hauteur de leur engagement quotidien au service des territoires. Chers collègues, la commune est une petite république dans la grande. Notre démocratie se doit de la protéger, elle et l’ensemble de ses représentants. C’est le sens de l’article 1er – que je soutiens –, qui vise à renforcer notre droit face à ces violences intolérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    M. Fabrice Brun

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Comme la quasi-totalité de mes collègues, je suis favorable au renforcement des sanctions. Toutefois, je pense que l’article 1er n’aura de sens que si le garde des sceaux le complète par des instructions précises visant à ce que ces cas de violence soient jugés très rapidement.
    J’ai moi-même été victime d’une telle agression dans ma commune, dont j’ai été maire pendant trente-deux ans et dont je suis encore conseiller municipal. Un de mes concitoyens, psychologiquement perturbé, a tiré au.22 Long Rifle dans une pièce qu’il croyait être ma chambre à coucher.

    M. Sébastien Jumel

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    Il aurait dû savoir que Charles ne dort jamais ! (Sourires.)

    M. Charles de Courson

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    J’ai déposé plainte et je souhaite rendre hommage aux magistrats qui ont sanctionné son acte de trois ans de prison, dont deux avec sursis. L’histoire aurait pu finir autrement si le jugement était intervenu deux ou trois ans plus tard. Je crois donc indispensable que le parquet sanctionne très rapidement les violences commises à l’encontre des élus. (M. Paul Molac applaudit.)

    Mme Catherine Couturier

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    Eh oui ! C’est ça le problème, on est bien d’accord !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Rome, pour soutenir l’amendement no 16, visant à supprimer l’article.

    M. Sébastien Rome

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    Jean-Mathieu Michel, Yannick Morez, Vincent Jeanbrun, René Revol, Christian Lesmesle, Louis Boyard (« Oh ! » et exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes RE et RN),…

    Un député du groupe RE

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    Qui ?

    M. Sébastien Rome

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    …Julien Luya, Robert Siegel ou, hier encore, la collaboratrice parlementaire de Farida Amrani. Eh oui, sur tous les bancs – même si je vois que vous cherchez à faire polémique –, il y a des élus qui sont attaqués pour ce qu’ils disent ou pour ce qu’ils font. Oui, la liste est longue, comme l’a rappelé M. le ministre – je constate qu’il n’est plus là et qu’il a été remplacé par Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement : le nombre des agressions a augmenté de 32 % l’année dernière et celui des plaintes déposées approche 2 500.
    La proposition de loi n’inclut pas de mesures de prévention. Comme l’a dit M. le ministre, il s’agit d’un texte de plus ; ce n’est pas le premier. Quel résultat les précédents ont-ils produit ? L’augmentation des agressions. On le voit bien, cette approche n’est pas la bonne. La suppression de l’article 1er est nécessaire, car l’alourdissement des peines n’a pas fait ses preuves. Sans étude d’impact – or nous n’en avons pas –, on vote sans raison.
    C’est précisément à la raison que je voudrais, pour conclure, nous ramener. La France compte 500 000 élus. Toute agression est inadmissible ; toute agression contre les élus est une agression contre la République. Toutefois, ces cas représentent 0,006 % des agressions commises en un an. C’est bien trop, et nous devons évidemment agir, mais je crois que l’alourdissement des peines ne répondra pas aux besoins des élus locaux. Comme l’a dit Charles de Courson, l’accélération du traitement judiciaire serait une mesure bien plus appropriée. (M. Frédéric Mathieu applaudit.)

    M. Jean Terlier

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    Vous n’avez pas voté la loi de programmation et d’orientation du ministère de la justice !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Vous proposez de supprimer l’un des articles les plus importants de la proposition de loi, par lequel nous souhaitons alourdir les sanctions.
    Je partage votre constat selon lequel nous devons condamner toute violence s’exerçant envers un élu, quel que soit son parti politique. Personne ne mérite d’être attaqué pour ses idées, que ce soit physiquement, verbalement ou par une atteinte à sa vie privée.
    En revanche, je suis en désaccord avec votre position, exprimée dans la discussion générale et dans l’exposé des motifs de l’amendement, selon laquelle cette mesure relèverait de la surenchère pénale. Au contraire, nous considérons l’article 1er comme une disposition propre à accroître l’efficacité de la justice. De plus, comme l’a rappelé M. Jumel, il permet d’afficher symboliquement notre conviction que les peines prononcées à la suite de violences contre un élu doivent être aggravées, comme l’ont été les peines faisant suite à des violences contre d’autres dépositaires de l’autorité publique. Enfin, cette disposition a été votée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).
    Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Je prends la suite du ministre Béchu, appelé par d’autres responsabilités. J’arrive après la discussion générale, monsieur Rome, mais, ayant suivi les travaux de Mme Spillebout et de M. Jumel lorsque j’étais parlementaire, je connais les enjeux du texte.
    L’amendement tend à supprimer l’article 1er, qui est de nature à améliorer la protection des élus. L’avis du Gouvernement est défavorable, car l’objectif du texte consiste à garantir aux élus la même protection contre les violences que celle dont bénéficient les personnes dépositaires de l’autorité publique.
    Comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, il est indispensable de protéger les élus, quels que soient leur bord politique ou leurs convictions. Les violences à l’encontre des élus, tant locaux que nationaux, se multiplient. C’est pourquoi il nous paraît inopportun de supprimer l’article.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Je reviens brièvement sur les propos que j’ai tenus pour exprimer mon soutien à l’adjoint au maire de Beaurepaire. J’ai entendu Mme Abadie me dire que cette commune n’était pas située en Seine-Maritime, mais en Isère. Je l’informe qu’en France, certaines communes situées dans des endroits différents portent le même nom. Il se trouve que l’adjoint au maire qui a été agressé l’a été à Beaurepaire en Seine-Maritime, pas loin de la côte. En conséquence, vous n’avez rien loupé dans votre département et je ne me suis pas trompé de lieu.

    Mme Caroline Abadie

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    Ah, je pensais que vous parliez d’un autre endroit !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Vous auriez mieux fait de vous taire !

    M. Kévin Mauvieux

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    Quant à l’amendement, je souscris à deux tiers des arguments présentés par M. Rome. Premièrement, peu importe son appartenance politique, un élu ne doit pas être agressé, menacé ou harcelé, et de tels actes sont condamnables. Son parti n’importe pas ; cela vaut pour le vôtre, mais aussi pour le nôtre.
    Par ailleurs, je partage le constat de M. Rome selon lequel l’alourdissement des peines ne sert à rien, mais mes raisons diffèrent des siennes. Pour ma part, je suis convaincu qu’en l’absence de peine plancher, les juges continueront à appliquer le quantum de peine qu’ils ont envie d’appliquer. Que la peine maximale d’emprisonnement soit de six ans, de huit ans ou de dix ans, cela ne changera rien, puisqu’elle ne sera pas forcément prononcée. Cette approche ne produit donc pas de résultats : il faut une peine plancher.
    Enfin, pour comprendre pourquoi cela ne marche pas, il suffit d’entendre Mme la rapporteure dire qu’il s’agit d’une disposition symbolique destinée à montrer aux maires notre soutien. (M. Jean Terlier s’exclame.) Tout est là : la mesure est symbolique. Or ce qu’il faut, ce n’est pas du symbole, mais de l’action. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean Terlier

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    Madame la présidente, on ne sait pas s’il est pour ou contre !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Couturier.

    Mme Catherine Couturier

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    Madame la rapporteure, sur quelles données vous fondez-vous pour affirmer que l’augmentation du niveau des peines diminuerait efficacement le nombre d’agressions ? Quelle étude d’impact avez-vous menée pour justifier cette proposition ? (M. Thomas Rudigoz s’exclame.)
    Par ailleurs, je voudrais revenir sur la réaction qu’ont eue certains députés lorsque M. Rome a énuméré des noms d’élus victimes de violences. Elle démontre que le comportement des parlementaires incite parfois les citoyens à commettre à leur tour des agressions. (Exclamations sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Abadie

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    Qui appelle à la violence ? C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Ils sont sérieux ?

    Un député du groupe RE

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    Vous êtes mal placée pour en parler !

    Mme Catherine Couturier

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    Au contraire, je suis très bien placée pour en parler,…

    Un député du groupe RE

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    Vous n’avez pas honte ?

    Mme Catherine Couturier

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    …ayant subi moi-même une série d’agressions. J’ai été victime de multiples insultes et d’actes commis devant les services de police qui, au lieu d’intervenir, ont laissé faire. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et RN.)

    M. Thomas Rudigoz

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    C’est la faute de la police, maintenant ? Non mais, vraiment !

    Mme Catherine Couturier

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    C’est aussi cela, la réalité. Les élus rencontrent parfois des difficultés à exercer leur mandat parce que les services de police et de justice n’interviennent pas face à certaines agressions. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Rudigoz

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    C’est incroyable d’entendre ça !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Honteux !

    Mme Catherine Couturier

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    M. de Courson a d’ailleurs rappelé que les délais judiciaires ne permettent pas toujours aux élus d’obtenir justice.

    (L’amendement no 16 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 7.

    Mme Danielle Brulebois

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    Le code pénal prévoit pour les infractions de violences ou de dégradation une circonstance aggravante lorsqu’elles sont commises à l’encontre d’un élu, d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou d’une personne chargée d’une mission de service public, mais les collaborateurs d’élus n’entrent pas dans ce cadre. Pourtant, ils sont en contact direct avec les administrés, comme nous le rappellent notamment les secrétaires de mairie, parfois exposés à l’agressivité, voire à la violence. Ces personnes qui se consacrent au service public, aux côtés des élus, méritent d’être protégées dès lors qu’elles sont exposées à des risques similaires.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Nous avons débattu en commission de l’opportunité d’élargir le champ de l’article pour qu’il concerne également les collaborateurs des élus. Il est effectivement essentiel de se préoccuper des conditions de travail de l’ensemble de nos collaborateurs, à tous les échelons territoriaux. Vous avez raison de rappeler qu’ils sont aussi exposés à des violences, à des pressions ou encore à des insultes.
    Cependant, l’article tend à modifier une disposition particulière du code pénal concernant spécifiquement des personnes dépositaires de l’autorité publique et reconnaissables comme telles, notamment en raison du port d’un uniforme. En l’élargissant aux élus, nous faisons entrer dans son champ des personnes dépositaires de l’autorité publique du fait de leurs responsabilités, facilement identifiables et auxquelles leurs fonctions confèrent un poids symbolique.
    La plupart des collaborateurs n’ont pas les mêmes fonctions. Nombre d’entre eux n’ont pas d’attribut qui leur donnerait un caractère reconnaissable. La notion de collaborateur recouvre en fait des missions et des contrats de travail très variés.
    Il ne nous semble donc pas raisonnable de traiter l’ensemble des collaborateurs des collectivités territoriales comme les élus, dont cette proposition de loi vise à renforcer la sécurité.
    Enfin, l’article 222-12 du code pénal prévoit déjà des peines aggravées lorsque des violences sont exercées contre des personnes chargées d’une mission de service public, catégorie qui recouvre la situation de nombreux collaborateurs. Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
    Pour l’ensemble de ces raisons, je vous propose de retirer l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    L’amendement no 7 vise, je suppose, à intégrer dans les dispositions prévues à l’article 1er les collaborateurs des parlementaires, car ceux qui sont dans les permanences sont parfois exposés à des violences, que le député soit présent ou non. Je comprends le sens de cet amendement.
    Néanmoins, je rejoins ce qu’a dit Mme la rapporteure. La notion de « collaborateur » n’est pas assez précise, d’autant que l’article 1er modifie les articles 222-12, 222-13 et 222-14-5 qui détaillent les catégories de personnes dépositaires de l’autorité publique.
    En outre, si on étend le sujet aux collaborateurs des élus locaux ou territoriaux, la plupart des personnes en contact avec les élus ont déjà la qualité de personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public, ou titulaires d’un mandat électif. Elles sont d’ores et déjà protégées par l’article 222-14-5 du code pénal.
    Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de retirer l’amendement, même si nous en comprenons le sens.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Je le retire. Effectivement, sa rédaction n’est peut-être pas assez précise.
    Je soutiens néanmoins qu’il faut vraiment se pencher sur ce sujet, car ceux qui manifestent de l’agressivité ou de la violence assimilent souvent la secrétaire de mairie, par exemple, au maire ou à la collectivité.

    (L’amendement no 7 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 36, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Sur les amendements nos 17 et 115, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 66 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 66, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux, pour soutenir l’amendement no 14.

    M. Kévin Mauvieux

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    Cet amendement vise à renforcer la protection des élus locaux et la prévention des violences à leur rencontre en instaurant des peines planchers – je l’ai évoqué en m’exprimant sur l’article ; le moment est venu de vous les présenter. Nous proposons de créer une peine plancher d’un an d’emprisonnement si les violences entraînent pour l’élu une incapacité de travail pour une durée supérieure à huit jours et une peine plancher de six mois d’emprisonnement pour une incapacité inférieure à huit jours. En cas de circonstances aggravantes, des peines planchers d’un an et de deux ans seront instaurées.
    Je l’ai dit, sans peine plancher, il n’y a aucune certitude de l’effectivité de la peine. En effet, les alternatives aux peines de prison se multiplient, comme les travaux d’intérêt général évoqués précédemment et que prévoit également ce texte.
    Une personne élue dans une commune, qui prend des risques au quotidien, qui est harcelée, agressée ou violentée et qui constate que la personne qui a commis ces faits est libre et ne doit effectuer que quelques heures de travaux d’intérêt général est nécessairement déçue. Cela démotive de nombreuses personnes qui renoncent à présenter ou à représenter leur candidature aux élections.
    Un amendement visant à instaurer des peines planchers en cas de récidive sera présenté par la suite. Nous voterons pour cet amendement, dès lors qu’il tend à instaurer des peines planchers, néanmoins permettez-moi d’exprimer un doute : pourquoi attendre la récidive ? Les élus font l’objet d’attaques quotidiennes : en étant élu, comme en étant policier, on devient une cible. Je ne pense pas qu’il faille laisser passer une première agression pour signifier à l’agresseur que la fois suivante il sera puni.
    Dès maintenant, la justice doit être ferme : un agresseur doit savoir qu’il effectuera au moins la peine plancher.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Deux choses me posent problème dans cet amendement.
    D’abord, vous souhaitez rouvrir le débat sur les peines planchers au détour d’un amendement dans une proposition de loi qui concerne spécifiquement les élus.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Pourquoi pas ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Naïma Moutchou a d’ailleurs évoqué son intention de reprendre ce débat au sein de l’hémicycle.
    Ensuite, l’amendement no 14 vise à rendre la peine plancher automatique, sans prévoir la possibilité pour le juge d’y déroger. L’effet des décisions en serait limité.
    Vous parlez d’efficacité, mais avant d’instaurer des peines planchers il faut procéder à une évaluation, notamment de l’application des peines. En l’absence de tels éléments, nous réduirions la portée de notre discussion à une querelle idéologique qui n’a pas sa place dans ce débat.
    L’avis de la commission est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    J’allais argumenter, mais la rapporteure l’a déjà fait de manière très précise. Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d’être exposées.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Je pense que c’est une excellente idée de restaurer des peines planchers concernant les agressions envers les élus.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Absolument !

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Comme plusieurs orateurs l’ont dit, il y a une vraie crise de la vocation pour les élus.
    Les peines doivent faire peur ; il est donc important de rétablir des peines planchers. Certes, Mme Moutchou va s’y mettre, mais c’est maintenant qu’il faut le faire. Il ne faut pas attendre.
    Nous examinons une proposition de loi pour renforcer la sécurité des élus. N’ayons pas peur et protégeons les élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    De nombreux députés ont demandé la parole ; je vous propose donc de la donner à deux orateurs pour l’amendement, deux contre.
    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Ces peines planchers sont contraires au principe constitutionnel d’individualisation des peines.
    Je suis totalement opposé à les restaurer, tout simplement parce que le juge est capable, en fonction de l’histoire du prévenu et de son milieu, de juger quelle est, dans l’éventail des peines prévues par la loi, celle qui convient le mieux à son cas.
    Instaurer des peines planchers partout revient à retirer au juge son pouvoir d’appréciation. Or la séparation des pouvoirs n’existe pas pour rien. Il est important que le juge puisse exercer cette appréciation.
    Le rôle du législateur n’est pas de s’ingénier à devenir un juge. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Il a raison !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Compte tenu de ce qui est proposé, je dirai que je suis favorable aux peines planchers dans l’esprit, mais contre dans l’application.
    J’y suis favorable dans l’esprit car je crois que, envers ceux qui s’en prennent aux dépositaires de l’autorité publique, aux élus qui organisent la vie en collectivité, qui œuvrent pour le bien commun, il faut réfléchir à une répression différente et plus forte.
    Toutefois, j’y suis défavorable dans l’application. Il y a deux différences majeures avec les dispositifs que j’avais présentés avec le groupe Horizons et apparentés.
    D’abord, l’amendement no 14 vise les primo-délinquants tandis que nous considérons que ce sont les cas de récidive qui exigent une attention particulière. En effet, c’est la réitération des faits d’agression qui justifie qu’on applique une peine minimale.
    Ensuite, pour que le dispositif soit constitutionnel, nous avions introduit la possibilité que le juge puisse déroger au principe commun en cas de circonstances particulières.
    Néanmoins, je reste attachée à l’esprit de ce dispositif qui ne constitue pas de la surenchère pénale, comme j’ai pu l’entendre de la part de la NUPES – ou bien nos collègues usent d’une géométrie variable concernant la surenchère pénale. Je me souviens en effet de textes où les députés de la NUPES n’ont pas hésité à voter des peines automatiques : cela a été le cas pour la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales présentée par Isabelle Santiago, qui permettait de retirer automatiquement l’autorité parentale. L’esprit de cette peine automatique en cas d’agression commise contre un enfant est le même que celui des dispositions que nous prônons.
    Pire – ou mieux, c’est à vous de choisir –, j’ai le souvenir de collègues du groupe GDR-NUPES proposant d’instaurer une peine plancher, lors de l’examen de la proposition de loi déposée par Sacha Houlié et Aurore Bergé visant à créer une peine complémentaire d’inéligibilité en cas de condamnation pour violences conjugales ou intrafamiliales. Vous le voyez, il y a vraiment matière à débat sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Rudigoz.

    M. Thomas Rudigoz

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    Il faut être clair. M. Mauvieux et le Rassemblement national savent très bien que leur proposition, si tant est qu’elle soit votée par notre assemblée, ce qui ne sera pas le cas, serait censurée par le Conseil constitutionnel. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.)
    Je ne vous ferai pas un cours d’histoire politique, mais rappelez-vous : quand, il y a quelques années, l’Assemblée a voté un texte instaurant les peines planchers défendu par le gouvernement de l’époque, ce texte a été censuré par le Conseil.
    De plus, vous savez parfaitement que nous ne légiférerons pas sur un sujet aussi important que les peines planchers au détour de cette proposition de loi.
    Comme d’habitude, vous voulez faire de la démagogie. Vous allez voir vos élus locaux pour leur dire que cette Assemblée ne les écoute pas, qu’elle n’est pas proche d’eux (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN)

    M. Bryan Masson

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    Ils le savent déjà !

    M. Thomas Rudigoz

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    …et que vous êtes les seuls à les défendre.
    Mais vous savez très bien que ce que vous proposez est inconstitutionnel, et il faut le dire aux élus locaux. Nous voterons donc contre cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux.

    M. Kévin Mauvieux

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    Je m’efforcerai de répondre sur les différents points qui ont été soulevés.
    Le débat était plutôt d’un bon niveau, si l’on en juge par les interventions des groupes LR, LIOT et Horizons, mais ce n’est pas le cas de la dernière intervention. Vous dites que nous allons vendre des cacahuètes en sachant très bien ce que nous faisons… Mais qu’avez-vous fait avec la loi sur l’immigration ? N’avez-vous pas dit vous-mêmes que vous votiez une loi anticonstitutionnelle ? Si vous le faites, pourquoi les autres ne pourraient-ils pas le faire ?
    Ensuite, M. Molac considère que les peines planchers retirent au juge son pouvoir, ce qui est anticonstitutionnel. Il va plus loin, en soutenant que, du fait de la séparation des pouvoirs, ce n’était pas à nous de faire la loi, en quelque sorte.

    Mme Caroline Abadie

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    Non, de nous ériger en juges !

    M. Kévin Mauvieux

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    En effet, quasiment toutes les peines prévues par le code pénal ont été votées par les députés. Prétendre que les députés ne peuvent pas voter de peines parce qu’ils ne sont pas des juges revient à s’autocensurer et à s’empêcher d’avancer.
    Mme la rapporteure a suggéré que nous utilisions un « petit texte » – je n’emploie cette expression qu’entre guillemets – pour lancer un débat beaucoup plus important.
    Je suis désolé : cette proposition de loi comporte un article qui prévoit des peines et qui se prête donc à instaurer des peines planchers.
    Nous n’attendrons pas la prochaine loi de programmation de la justice, dans quatre ans, pour parler des peines planchers. Cette proposition de loi nous en donne l’occasion ; nous la saisissons.
    Enfin, pourquoi proposons-nous les peines planchers dans cette proposition de loi et non dans un texte plus général ? Théoriquement, il faut durcir le droit et faire preuve de plus de fermeté en qui concerne la protection de l’autorité publique – nous ne parlons pas ici de n’importe quel délit ou de n’importe quel crime, mais de la protection de l’autorité publique. Protéger les élus devrait nous rassembler et justifier d’instaurer des peines planchers dans le cadre de cette proposition de loi – ce qui est bien différent de ce que serait l’introduction de peines planchers dans l’ensemble du code pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 14 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 36.

    M. Stéphane Delautrette

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    Il vise à lever toute ambiguïté quant à la portée des dispositions du code pénal s’agissant de la répression des atteintes commises contre les élus.
    Si nous n’ignorons pas que le code pénal prévoit déjà, pour ces crimes et délits, des peines aggravées lorsque ceux-ci sont commis contre « toute personne dépositaire de l’autorité publique » ou « toute personne chargée d’une mission de service public », leur application à un maire ou un adjoint au maire ne résulte que de la seule jurisprudence pénale. Quant aux élus municipaux sans délégation, qui représentent l’écrasante majorité des élus locaux, il existe une plus grande ambiguïté en la matière.
    C’est la raison pour laquelle nous proposons de préciser que « pour l’application des dispositions de la présente section, tout titulaire d’un mandat électif est une personne chargée d’une mission de service public. » Cela permettrait de graver cette jurisprudence dans le marbre de la loi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Dans l’exposé des motifs de cet amendement, vous dites vouloir lever toute ambiguïté quant à la portée des dispositions du code pénal pour les élus. Nous partageons cet objectif. Cependant, je vous suggère de retirer votre amendement, pour trois raisons.
    Premièrement, cet amendement est satisfait par la circulaire du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’informations entre les élus locaux et les procureurs de la République. Ce texte répond parfaitement à vos préoccupations : les responsables des exécutifs locaux – maires, présidents d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), conseillers départementaux et régionaux, mais aussi adjoints au maire et conseillers municipaux délégués – ont la qualité de dépositaires de l’autorité publique.
    Quand ils n’ont pas reçu de délégation de prérogatives de puissance publique, les autres élus locaux ont la qualité de personne chargée d’une mission de service public. Selon les termes de cette circulaire, tous les titulaires d’un mandat électif sont bien couverts par cette catégorie juridique.
    Deuxièmement, ce que vous souhaitez écrire n’est pas complètement exact. Certains élus sont dépositaires de l’autorité publique sans être nécessairement chargés d’une mission de service public : je pense aux maires, aux présidents d’EPCI, aux présidents de conseil départemental et aux présidents de conseil régional.
    Troisièmement, la rédaction de cet amendement pourrait créer un risque a contrario. En effet, préciser explicitement que les élus sont considérés comme des personnes publiques dans le cadre de l’application de cette section du code pénal pourrait laisser entendre que ce n’est pas le cas pour le reste. Cela mettrait donc en danger les autres dispositions dont nous débattons.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Retrait, sinon défavorable.

    Mme la présidente

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    Maintenez-vous cet amendement, monsieur Delautrette ?

    M. Stéphane Delautrette

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    Je le maintiens. Je n’ignore pas l’existence de cette circulaire, mais une circulaire reste une circulaire. Je propose d’inscrire ces dispositions dans la loi – j’insiste, car cela permettra de les sécuriser.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Nous sommes favorables à cet amendement de clarification, voire de sécurisation. Tout le monde sait que les élus du Rassemblement national sont très attachés aux élus locaux et aux conseillers municipaux, qui sont au nombre de 460 000 dans notre pays. (M. David Valence s’exclame.) Très souvent, le travail remarquable de ces élus d’ultraproximité est bénévole. Cet amendement a donc toute sa place dans le texte.
    J’en viens à me demander ce que la Macronie souhaite faire de ce texte. On proposait d’élargir les dispositions aux collaborateurs, de sécuriser la situation des conseillers municipaux ; maintenant, on nous demande de retirer l’amendement, au prétexte qu’il serait mal rédigé. Vous pouviez le sous-amender ou proposer un autre amendement rédactionnel.

    M. José Beaurain

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    Eh oui, exactement !

    Mme Edwige Diaz

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    Votre position est crispante. L’effet escompté de ce texte ne sera pas au rendez-vous, si vous continuez à le vider ainsi de sa substance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 36.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        132
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                54
                    Contre                78

    (L’amendement no 36 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 et 115.
    La parole est à M. Sébastien Rome, pour soutenir l’amendement no 17.

    M. Sébastien Rome

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    Après l’amendement no 16, qui était un amendement de suppression de l’article 1er, je présente un amendement de repli, qui vise à supprimer partiellement cet article, en particulier les dispositions relatives à l’application de la peine complémentaire d’interdiction du territoire aux étrangers coupables de violences envers un élu local.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Quelle bonne idée !

    M. Sébastien Rome

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    On nous ressort la loi « immigration », pourtant abrogée ! Une fois de plus, les étrangers sont pointés du doigt, afin de pourrir insidieusement le débat. La liberté de manifester est aussi attaquée. Ces dispositions, inconstitutionnelles, ne doivent pas être inscrites dans la loi – autrement, ce serait une dérive inacceptable. Pourquoi continuer à voter ces entraves à la liberté de manifester et cette interdiction du territoire français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Claude Raux, pour soutenir l’amendement no 115.

    M. Jean-Claude Raux

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    Comme je l’ai dit durant la discussion générale, le pénal a ses limites. Concrètement, ces mesures n’apportent pas de plus-value. Au contraire, elles posent un réel problème. La sécurité des élus ne s’améliorera pas en prévoyant des peines complémentaires d’interdiction de séjour sur le territoire français ou d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique.
    Plus clairement, l’interdiction de séjour est l’expression de la lubie xénophobe du Sénat, qui tente de faire croire que les agresseurs des élus ne peuvent être que des étrangers. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Pourtant, l’extrême droite est responsable de l’incendie de la maison de l’ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui y dormait avec sa famille.

    Mme Valérie Bazin-Malgras

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    Oh ! N’importe quoi !

    M. Jean-Claude Raux

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    Comme mon collègue Sébastien Rome, je propose de supprimer du texte ces peines complémentaires. (M. Sébastien Peytavie applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Comme je l’ai indiqué en commission, je suis défavorable à ces deux amendements. D’abord, parce que les peines complémentaires me semblent justifiées ; on parle d’agressions graves, qu’elles soient commises envers des élus locaux ou envers des gendarmes, des policiers ou des militaires dans l’exercice de leurs fonctions. Ensuite, parce que l’échelle des peines à laquelle il est fait référence dans ce texte est tout à fait cohérente. Le juge peut déjà prononcer une peine complémentaire d’interdiction de séjour pour des violences en réunion, de même qu’une peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour des violences faites aux mineurs. Il ne nous semble donc pas disproportionné de sanctionner par le même type de peine les agressions contre les élus locaux et celles contre les dépositaires de l’autorité publique.
    Enfin, vous évoquez le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. Je propose moi-même la suppression de l’alinéa 9 de l’article 1er, mais pour des raisons techniques. L’article 222-48 du code pénal a en effet été abrogé par la loi « immigration », et la peine complémentaire d’interdiction du territoire français est applicable dans la nouvelle rédaction du code. L’article 35 de cette loi, qui n’est pas inconstitutionnel, est bien en vigueur aujourd’hui. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Deux peines sont évoquées dans cet amendement : la première est une peine complémentaire d’interdiction du territoire français. Comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, prévoit désormais la possibilité de prononcer cette peine complémentaire pour tous les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à trois ans. Plus tard dans le texte, il y aura un ajustement de coordination.
    Je ne vois pas non plus de raison de supprimer la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique : une telle peine est opportune. Mme la rapporteure a bien précisé qu’il s’agissait de punir des faits graves, qui portent atteinte à l’intégrité de nos élus. Cette peine est justifiée lorsque des violences ou des crimes sont commis à l’encontre de personnes chargées d’une mission de service public. Avis défavorable sur ces deux amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Nous sommes très défavorables à ces amendements. Tout à l’heure, le groupe La France insoumise a voulu déposer un article visant à supprimer le durcissement des peines. Heureusement, le bon sens l’a emporté et cet amendement a été rejeté. Maintenant, les députés insoumis reviennent à la charge en demandant la suppression des peines complémentaires. Or ces peines sont tout à fait justifiées : il est normal qu’une personne ayant agressé un élu soit interdite de manifestation, précisément parce que des élus se trouvent dans les manifestations. Vous, les députés insoumis, qui participez même aux manifestations interdites, vous devriez le savoir !
    Par ailleurs, il me semble aussi tout à fait normal de prononcer une peine d’interdiction du territoire français à l’égard d’un étranger qui a agressé un élu – on parle de faits de violence. Six élus par jour sont victimes d’agressions : ce chiffre devrait vous interpeller. Vous devriez avoir honte de déposer ce genre d’amendement. D’une part, vous êtes déconnectés des réalités,…

    M. Jocelyn Dessigny

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    Eh oui !

    M. José Beaurain

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    Absolument.

    Mme Edwige Diaz

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    …d’autre part, vous êtes déconnectés des attentes de votre électorat, qui souhaite à 57 % un durcissement des peines à l’encontre des agresseurs d’élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Premièrement, bien que mon nom ait été cité plusieurs fois depuis le début de la séance, il ne s’agit pas d’une proposition de loi Jumel-Spillebout. En effet, elle vient du Sénat – la nôtre viendra plus tard.
    Deuxièmement, si un argument devait justifier le vote des deux amendements, c’est bien l’intervention du RN que nous venons d’entendre. Le rapport que nous avons rendu permet de dire qu’il y a besoin d’étayer les outils statistiques afin de se faire une opinion sur l’évolution de la réalité du sort réservé aux élus.
    De plus, le Calae doit être doté de ressources supplémentaires. Les services déconcentrés de l’État, le préfet et le parquet doivent avoir des moyens complémentaires afin de pouvoir réagir en étroite relation avec les élus qui sont déstabilisés dans le cadre de leur mission. Cette absence de statistiques consolidées n’autorise personne à considérer que la question des personnes d’origine étrangère prévaut dans les violences faites aux élus. La connaissance que nous en avons grâce aux auditions conduites nous pousse plutôt à penser le contraire.
    Enfin, dans l’esprit qui nous a conduits à refuser tout à l’heure l’automaticité des peines planchers, il faut faire confiance au pouvoir discrétionnaire du juge pour l’établissement des peines complémentaires. Le juge a la possibilité de prononcer ces peines sans qu’il soit nécessaire d’inscrire, dans une loi dont ce n’est pas l’objet, ce véhicule stigmatisant à l’égard des personnes d’origine étrangère.

    M. Jocelyn Dessigny

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    On n’y comprend plus rien !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques no 17 et 115.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        133
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                106

    (Les amendements identiques no 17 et 115 ne sont pas adoptés.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir l’amendement no 15.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Il vise à renforcer les mesures de protection pour les catégories de personnes particulièrement exposées à la violence, notamment les élus. Il propose l’instauration d’une peine complémentaire automatique d’interdiction du territoire français pour tout étranger reconnu coupable de violences à l’encontre des membres de ces catégories.
    Cela concerne les militaires de la gendarmerie nationale déployés sur le territoire, les fonctionnaires de la police nationale, les agents de la police municipale, les gardes champêtres, les agents de douane, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, les agents de l’administration pénitentiaire et, bien sûr, les détenteurs de mandats électifs.
    Actuellement, la loi prévoit la possibilité d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire dans de tels cas de violence. Mon amendement vise à la rendre automatique.
    En l’espèce, je veux évoquer le cas du conseiller départemental de Mayotte, Elyassir Manroufou, agressé avec son frère aux abords du camp de migrants de Cavani le mois dernier. Ses agresseurs, des réfugiés, connaissaient la qualité d’élu de leur victime. Ils ont été légèrement condamnés, le juge n’ayant pas souhaité reconnaître la spécificité de ce cas. Elyassir Manroufou, conseiller départemental, vit donc avec ses bourreaux, qui n’ont pas été expulsés du territoire et n’ont pas vu leur titre de séjour révoqué.
    C’est pour ces cas d’espèce que je souhaite une mesure automatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Je vous remercie pour votre amendement. Eu égard au témoignage de ce conseiller départemental, on comprend le désarroi que peuvent éprouver certains élus lorsque les peines ne sont pas, à leurs yeux, à la hauteur de ce qu’ils ont vécu, a fortiori lorsqu’ils continuent de vivre aux côtés de leur agresseur. Quels que soient les territoires, de nombreux élus y sont sensibles.
    Cependant, je vous demande de retirer cet amendement, pour deux raisons. Tout d’abord parce qu’il est satisfait. Dans la rédaction actuelle du texte, l’alinéa 8 prévoit la possibilité de prononcer une peine d’interdiction de séjour ; quant à la demande d’automaticité que vous avez évoquée, elle ne figure pas dans l’amendement tel qu’il est rédigé. Sur le principe, on peut être en désaccord avec l’automaticité de la peine et préférer laisser au juge l’appréciation de la situation.
    Ensuite, pour un étranger qui commettrait un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à trois ans, une peine d’interdiction du territoire est déjà prévue. Votre amendement n’est donc pas utile.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Votre témoignage est très révélateur des situations concrètes auxquelles un élu peut être confronté, mais j’abonderai dans le sens de la rapporteure. Si votre amendement semble justifié, il est cependant satisfait par le premier alinéa de l’article 222-47 du code pénal, qui prévoit la possibilité de prononcer l’interdiction de séjour, au titre de peine complémentaire, suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du même code. Afin d’aboutir à une loi efficace pour protéger les élus sans être bavarde, je vous invite donc à retirer votre amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Tout à l’heure, sur les bancs de l’extrême gauche, j’ai cru entendre : « Lorsqu’on s’attaque à un élu, on s’attaque à la République ».

    M. Sébastien Jumel

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    Je ne suis pas d’extrême gauche, je suis coco ! Ce n’est pas pareil !

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est assimilé !

    M. Vincent Descoeur

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    M. Jumel a raison, ce n’est pas la même chose !

    M. Hervé de Lépinau

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    À partir du moment où un étranger attaque la République, il n’a plus rien à faire sur le territoire national ; cela me semble être une évidence absolue.
    L’amendement de notre collègue Estelle Youssouffa met le doigt sur la situation dramatique d’un département français : Mayotte connaît une véritable submersion d’immigration irrégulière, tant depuis la côte africaine que depuis les Comores. La situation quasi insurrectionnelle dans laquelle se trouve l’île ne fait manifestement pas beaucoup réagir en métropole. Imaginons la même chose dans la Creuse ou en Haute-Savoie : les réactions s’alarmant de l’invasion migratoire subie par certaines parties de notre territoire seraient beaucoup plus unanimes. Il est évident qu’un étranger qui s’attaque à des élus n’a plus rien à faire chez nous : il doit être expulsé séance tenante. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 15 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 67.

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Il s’agit d’un amendement de modification purement technique et de cohérence juridique. Il fait référence au débat que nous venons d’avoir. L’article 222-48 du code pénal a été abrogé par l’article 35 de la loi visant à contrôler l’immigration et améliorer l’intégration ; nous ne pouvons conserver, dans cette proposition de loi, le renvoi à un article du code pénal qui n’existe plus. La peine complémentaire qui est évoquée pourra être prononcée dans le cadre de l’application de la loi déjà votée, sans nécessiter une mention explicite.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Favorable.

    (L’amendement no 67 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        134
            Nombre de suffrages exprimés                134
            Majorité absolue                        68
                    Pour l’adoption                121
                    Contre                13

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 1er bis

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Rome, pour soutenir l’amendement no 18.

    M. Sébastien Rome

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    Il vise à supprimer la circonstance aggravante en cas d’atteinte aux biens. Par le passé, les législateurs n’étaient pas moins sensibles aux agressions contre les élus. Or la proposition de loi vise à faire passer les peines d’emprisonnement de dix à vingt ans.
    Comme l’a dit notre collègue Paul Molac en citant Robert Badinter, un justiciable ne se balade pas avec le code pénal sous le bras et ne pense pas aux peines, surtout lorsqu’il est pris d’un coup de sang. En revanche, lorsque les attaques sont calculées et que les actes révèlent une intention politique, nous estimons qu’une peine de dix ans correspond à l’exigence de punition des agresseurs des élus. Je pense notamment aux attaques perpétrées par l’extrême droite à Saint-Brevin-les-Pins ou à Grabels – il est regrettable qu’aucun ministre ne s’y soit déplacé.
    Nous ne voyons pas en quoi l’aggravation de la peine de dix à vingt ans changera la donne pour les élus. Ce qu’ils attendent depuis toujours, ce sont des moyens pour la justice, afin qu’elle agisse rapidement. C’est ainsi que nous ferons réellement cesser les agressions contre les élus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Catherine Couturier

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    Il faut plus de moyens pour les élus !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Violette Spillebout, rapporteure

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    Défavorable. Nous avons eu cette discussion en commission des lois et nous avons adopté un amendement de notre collègue Éric Poulliat. La disposition concernée, visant à combler un important vide juridique, est issue d’un travail effectué dans le cadre d’une mission parlementaire sur l’activisme violent, menée avec Jérémie Iordanoff.
    De quoi est-il question ? De la destruction, de la dégradation ou de la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explosive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes. Voilà ce que vous voulez supprimer. Soyons sérieux ! Cette proposition de loi doit être complète et concerner toutes les violences et les dégradations.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    À la lecture de vos différents amendements, je constate qu’ils consistent, pour l’essentiel, à supprimer des mesures protégeant des élus, ce qui m’amène à m’interroger.

    M. Thomas Rudigoz

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    Eh oui, c’est grave !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Au-delà du fond, au sujet duquel la rapporteure vient très justement de s’exprimer, quelle est l’intention derrière votre volonté d’amoindrir la protection des élus ? Dans nos circonscriptions, nous avons tous connu des élus locaux et des parlementaires qui ont été menacés – quand nous ne l’avons pas nous-mêmes été. Certains ont connu de la violence verbale, d’autres ont reçu des menaces écrites et d’autres encore ont connu des situations nettement plus violentes : la rapporteure, dont la maison a été murée ; le maire de Saint-Brevin-les-Pins, qui a subi un incendie ; l’ancienne députée de Dordogne Jacqueline Dubois, dont les deux véhicules ont été brûlés devant chez elle ; l’ancien député de l’Eure Bruno Questel, dans le jardin duquel des coups de feu avaient été tirés.
    Quel est le sens de votre amendement ? Pourquoi cherchez-vous à amoindrir la protection accordée aux élus ? Sans trahir le secret d’une conversation, j’ai le souvenir d’une discussion avec Mathilde Panot et Manuel Bompard, au cours de laquelle ils avaient demandé à la majorité et au Gouvernement, à juste titre, de condamner avec la même fermeté et la même vigueur les menaces dont faisaient l’objet des membres des différents groupes politiques ; cette revendication est légitime. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Manuel Bompard

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    Alors, qu’attendez-vous pour le faire ?

    Mme Danièle Obono

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    Vous ne l’avez jamais fait !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Quel est alors le sens de vos amendements qui visent à supprimer des dispositions qui améliorent la protection des élus ? En toute sincérité, je m’étonne de votre démarche consistant à amoindrir le texte, alors même que nous sommes conscients des difficultés que rencontrent les élus et des violences auxquelles ils sont confrontés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Thomas Rudigoz

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    Eh oui !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Après une tentative de suppression des peines, puis un amendement tendant à supprimer les peines complémentaires, voici maintenant un amendement visant à supprimer l’extension de la circonstance aggravante.

    M. Vincent Descoeur

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    Ce n’est pas très bon signe pour les maires !

    Mme Edwige Diaz

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    Franchement, ce n’est pas sérieux de parler dans cet amendement de surenchère pénale. C’est même méprisant, car vous ignorez le traumatisme des élus qui ont vu leurs biens être dégradés. Vous ne pourriez pas tenir ces propos aux maires et aux élus de votre circonscription. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Tout à l’heure, vous vous êtes présentés comme étant les défenseurs des élus locaux ; je crois au contraire que vous êtes les protecteurs de leurs agresseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Très bon résumé !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Poulliat.

    M. Éric Poulliat

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    Au cours des travaux que j’ai menés avec Jérémie Iordanoff, nous nous sommes aperçus qu’en l’état du droit se posait une difficulté : une atteinte grave commise vis-à-vis des élus est moins réprimée qu’une atteinte considérée comme non dangereuse. Il s’agit donc de rétablir une forme de justice et de rectifier l’échelle de la réponse pénale.
    On ne peut prétendre défendre les élus quand, par dogmatisme, on propose ce genre d’amendement, qui n’a qu’un seul but : affirmer une volonté politique cherchant à cautionner une forme de violence, quelle qu’elle soit.
    Avec l’article 1er bis, nous avons rétabli la justice. Les élus, quels qu’ils soient – parlementaires, simples conseillers municipaux ou maires –, seront protégés bien plus efficacement.

    M. Thomas Rudigoz

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Manuel Bompard.

    M. Manuel Bompard

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    Dans ce débat, nous pouvons déterminer quels sont les outils les plus pertinents pour protéger les élus, mais je ne crois pas qu’il soit pertinent d’expliquer que certains voudraient les protéger et que d’autres ne le voudraient pas.
    Madame la ministre, vous avez évoqué une discussion au cours de laquelle nous sommes convenus que l’indignation et les condamnations ne pouvaient être à géométrie variable en fonction de l’étiquette politique des élus visés. Je suis d’accord avec vous, notre demande en ce sens était légitime ; en ce qui nous concerne, elle l’est à chaque fois que des élus sont ciblés, menacés, agressés ou violentés.

    M. Jean-Marc Zulesi

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Manuel Bompard

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    Vous ne trouverez pas un seul exemple de tels faits que nous n’aurions pas condamnés ; nous avons toujours été là.

    M. Jean-Marc Zulesi

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    C’est faux !

    Mme Nathalie Oziol

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    Taisez-vous !

    M. Manuel Bompard

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    En revanche, malgré notre discussion, je n’ai toujours pas entendu une seule prise de parole du Gouvernement ou d’un député de la minorité présidentielle condamnant les actions commises contre des élus de la France insoumise,…

    Une députée du groupe LFI-NUPES

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    Exactement !

    M. Jean-Marc Zulesi

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    Quelle honte !

    M. Manuel Bompard

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    …à savoir des menaces proférées par téléphone et devant leur permanence. Ce matin encore, ma collègue Farida Amrani a vu une personne cagoulée entrer dans sa permanence et s’en prendre à l’un de ses collaborateurs parlementaires, sans qu’aucun d’entre vous ne réagisse. (Protestations sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Manuel Bompard

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    Je veux bien que nous débattions du fond, mais appliquez les principes que vous affirmez respecter à la tribune de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Qui sème le vent…

    (L’amendement no 18 n’est pas adopté.)

    (L’article 1er bis est adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra