XVIe législature
Session extraordinaire de 2022-2023

Séance du jeudi 20 juillet 2023

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (nos 1533, 1537).
La parole est à M. Michel Castellani. L’article 3 concerne la question spécifique du financement de la reconstruction, qui se traduira par des dépenses importantes pour les collectivités territoriales. Ces dépenses n’étaient pas prévues dans leur budget et seront source de difficultés pour un grand nombre d’entre elles, qui ont des déjà de fortes contraintes financières. Rappelons, en outre, que les assureurs ne couvriront que partiellement le coût des travaux et que certaines collectivités ne sont pas assurées. Des mesures complémentaires s’imposent donc et le projet de loi en propose trois : le versement anticipé du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), la dérogation à la règle de plafonnement des fonds de concours versés par les intercommunalités et l’autorisation pour les collectivités de bénéficier de subventions représentant jusqu’à 100 % du coût des travaux.
À ce stade, rien ne garantit cependant l’engagement financier de l’État.
Exactement ! C’est toujours le même problème ! Le Gouvernement a annoncé sa volonté de créer un fonds dédié à la reconstruction sur le programme 122, Concours spécifiques et administration , de la mission Relations avec les collectivités territoriales lors du prochain projet de loi de finances (PLF). Le groupe LIOT y est bien entendu favorable, une dotation ad hoc constituant un gage de simplicité et d’efficacité pour les élus locaux, à condition toutefois que l’enveloppe soit suffisante et durable.
Nous appelons à un dialogue constructif et permanent entre les représentants de l’État et ceux des collectivités, ainsi qu’à la mobilisation de tous les dispositifs de financement, condition d’efficacité de l’œuvre de reconstruction.
La parole est à M. Thomas Ménagé. Après avoir examiné les dispositions relatives à l’accélération des opérations de reconstruction, nous nous apprêtons à discuter de leur financement. La facture des nuits d’émeutes est colossale. À Montargis, dans ma circonscription, près de 80 magasins, dont une pharmacie, ont été attaqués et pillés, 3 bâtiments doivent être démolis et plusieurs familles attendent d’être relogées. Je souhaite évidemment accompagner les habitants et les élus locaux dans cette situation chaotique et dans les opérations de reconstruction, mais une question subsiste : qui va régler la facture très salée ?
Malheureusement, le sujet semble tabou pour le Gouvernement, qui ne met sur la table aucune mesure pour trouver les centaines de millions d’euros nécessaires aux opérations de reconstruction. Que personne ne s’y trompe, voter pour ce texte, c’est soutenir la philosophie du Gouvernement, qui entend faire reposer sur l’impôt le financement de la reconstruction, c’est-à-dire sur les classes moyennes, nos commerçants et nos artisans, tous ceux qui se lèvent tôt et à qui l’État demande toujours plus d’efforts.
Pour les commerçants, pour les victimes des émeutes, pour les élus locaux et tous les Français, nous nous devons d’adopter une attitude responsable. Afin d’éviter les injustices, le groupe Rassemblement national défend une solution pragmatique, fondée sur le principe du casseur-payeur. Cette solution est simple et juste : les voyous qui ont cassé doivent réparer et donc payer. Et s’ils doivent payer toute leur vie, ils paieront toute leur vie.
(Mme Nathalie Oziol s’exclame.) Eh oui, cela vous dérange, ça ! Que cela vous gêne ou non ! Tout comme les mesures de fermeté judiciaire, de retour de l’autorité à l’école ou de lutte contre l’immigration que nous proposons, l’application du principe du casseur-payeur est indispensable pour favoriser la concorde nationale. Avec vous, ce sont toujours les mêmes qui cassent et toujours les mêmes qui paient ! C’est vous, les casseurs ! Chers collègues, ne mettons pas la poussière sous le tapis comme nous l’avons fait en 2005 en évitant d’aborder les vrais sujets au profit de débats techniques. Confondre vitesse et précipitation ne permettra pas le retour à l’ordre, à la justice et à l’apaisement dans nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Nathalie Oziol. L’article 3 porte sur le FCTVA, c’est-à-dire le principal dispositif d’aide de l’État aux collectivités territoriales, qui repose sur un prélèvement sur les recettes de l’État. Dans le fonctionnement habituel du fonds, le versement de la TVA intervient deux ans après les dépenses réalisées par les collectivités. Celles-ci demandent depuis longtemps à récupérer la TVA l’année en cours au lieu d’attendre le délai habituel de deux ans, ce à quoi les autorise l’article 3 grâce à une dérogation au code général des collectivités territoriales. Le Gouvernement prévoit par ailleurs la possibilité de subventionner totalement les reconstructions en dérogeant à la règle d’une participation minimum de 20 % des collectivités maîtres d’?uvre.
Pour appliquer ce régime dérogatoire, le Gouvernement a choisi de procéder par ordonnance. Le groupe La France insoumise juge quant à lui préférable de recourir au pouvoir législatif et de pérenniser ces pratiques :…
Ben voyons ! …tout d’abord, parce que nous sommes députés et que nous apprécions de jouer notre rôle démocratique ; ensuite, parce que l’expérience a prouvé que nous devons nous faire confiance plutôt que de faire confiance au gouvernement macroniste. Nous avions d’ailleurs formulé la même proposition lors de l’examen d’un précédent PLF.
Pourquoi donc ne pas pérenniser ces mesures ? Les collectivités souffrent de l’inflation généralisée. N’avons-nous pas appris il y a quelques jours qu’une nouvelle hausse de 10 % des tarifs de l’électricité était prévue le 1er août ? Ce contexte devrait inciter le Gouvernement à envisager un allégement des dépenses qui pèsent sur le budget des communes, d’autant que celles qui ont subi des destructions pendant les émeutes sont parfois les plus pauvres. S’il propose de contemporanéiser le versement du FCTVA, c’est qu’il sait qu’il s’agit d’un levier non négligeable. Il a aujourd’hui l’occasion de garantir, par la voie législative, une mesure juste et attendue.
(Mme Raquel Garrido applaudit.) La parole est à Mme Anne-Laure Blin. S’agissant du financement de la reconstruction, sur lequel porte l’article 3, il est vrai, monsieur le ministre, que vous nous avez dit en commission que les données relatives au coût des émeutes n’étaient pas encore consolidées. Toutefois, je le répète, le projet de loi aurait mérité d’appliquer un principe simple : qui casse paie. Les Républicains ont demandé à plusieurs reprises au Gouvernement de communiquer, département par département, l’état des condamnations et les sanctions prononcées contre les auteurs des dégradations. Il est clair que ce n’est pas aux Français de régler la note des dégâts causés aux bâtiments publics et aux biens de particuliers.
D’après la Cour des comptes, la politique de la ville coûte environ 10 milliards d’euros chaque année. Depuis 2005, date à laquelle se sont produites les dernières émeutes, ce sont donc 200 milliards qui ont été consacrés aux banlieues. Je le souligne car cette politique a été menée au détriment de la politique en faveur de la ruralité.
Voilà ! Enfin ! C’est faux ! Ce ne sont certainement pas les représentants du monde rural présents dans les travées qui vous diront le contraire ! Les campagnes méritent toute notre considération. Elles l’ont ! Arrêtez de dresser les gens les uns contre les autres ! Dans les campagnes, qui mêlent nature et calme, vivent de nombreux talents, qui méritent aussi l’attention du Gouvernement. Ce projet de loi technique est certes nécessaire, mais ces territoires, bien que silencieux, ont besoin qu’on leur envoie un signal. Ce n’est pas en abondant les finances publiques pour réparer les dégâts dans les zones urbaines et les banlieues que nous réparerons tout le mal qui est fait à la France ! Je suis saisie de six demandes de scrutin public : par le groupe Rassemblement national sur les amendements nos 29, 1, 46 et 38 ; par le groupe Renaissance sur les amendements nos 69 et 94.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
Cette séance est surréaliste ! Après des émeutes d’une incroyable gravité, qui auront un coût colossal, face aux Français en colère, qui ne comprennent pas qu’on ait laissé faire, la seule réaction du Gouvernement est de faire payer les contribuables en protégeant l’impunité des casseurs. À aucun moment vous n’avez accompagné des dispositions certes utiles aux communes – il ne s’agit évidemment pas d’y renoncer – de mesures qui auraient pu nous réunir sur tous les bancs et traiter les causes profondes de ces événements.
Rien de sérieux sur la sécurité !
(Mme Marie Lebec s’exclame.) Rien sur l’expulsion des délinquants étrangers, sur la construction de places de prison en urgence – par exemple dans des casernes désaffectées –, sur les peines planchers ! Rien sur l’immigration, alors que nous savons bien que nos quartiers, même si des cas d’assimilation existent, ne peuvent plus accueillir toute la misère du monde ! (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Vous ne faites rien face à la déferlante migratoire – rien ! –, rien non plus pour l’école de la République, contre la crise sociale !
Vous donnez l’impression que tout pourrait continuer ainsi éternellement. Vous êtes dans un déni de réalité hallucinant. Ni Mme Borne, confirmée dans ses fonctions – un drame pour le pays –, ni M. Macron n’ont compris ce qui s’est passé. Comment pouvons-nous accepter de mettre un simple sparadrap sur une infection profonde ? Comment la représentation nationale et le Gouvernement peuvent-ils à ce point être déconnectés de la réalité ?
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Nous serons nombreux à en convenir, ce qui rend cette séance surréaliste est la présence de Nicolas Dupont-Aignan ! (Applaudissements et sourires sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
Monsieur Dupont-Aignan, je ne m’en étonne pas, car c’est votre habitude, mais vous avez raté ce matin le moment où j’ai prévenu ceux qui prendraient le parti de l’outrance que je leur répondrai dans la même veine. Vous entendre lancer un appel à la concorde nationale en regrettant que nous n’ayons pas créé les conditions d’une union de la représentation nationale, comme si les solutions étaient partagées sur tous les bancs, est pour le moins étonnant.
C’est fort de café ! En vous répondant, je réagis simplement à votre mise en cause personnelle et je ne veux en aucun cas prolonger le débat. Quelle arrogance ! Depuis le début de l’examen du projet de loi ce matin, qu’ai-je entendu sur les bancs de cet hémicycle ? Le groupe La France insoumise déplore que le Gouvernement ne se soit pas engagé à payer tout jusqu’au dernier centime après les violences urbaines. Ses députés ont multiplié les appels en ce sens et nous ont demandé de préciser comment nous utiliserions l’argent. En réalité, depuis ce matin, ils réclament donc que les contribuables paient tout ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Ce sont les Français qui paient ! Ce sont surtout les assurances ! De l’autre côté, comme en écho, j’entends les députés du Rassemblement national regretter que les casseurs ne paient pas tout. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous avez compris ! Les Français n’en peuvent plus ! Ils n’en peuvent plus de vous ! Mme Blin l’a elle-même rappelé : le Gouvernement consolide actuellement le montant des dégâts causés par les émeutes. J’admire donc la capacité des uns et des autres à connaître déjà le montant définitif de la facture et la part qui sera prise en charge par les assurances !
Mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, vous appelez sans cesse à la responsabilité, mais vous refusez de voir la circulaire pénale prise par le garde des sceaux, les 4 000 interpellations et les près de 1 000 condamnations, y compris à des peines de prison ferme. Vous ne voulez pas les voir parce que cela dessert votre théorie selon laquelle le Gouvernement est laxiste.
(Vives protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous refusez le principe du casseur-payeur ! Pour tous ceux qui nous regardent en ce moment, je veux dire ceci :… À quoi condamnez-vous les casseurs ? À des travaux d’intérêt général ? …utiliser ce projet de loi qui n’a d’autre prétention, en ce 20 juillet, que de remédier à court terme aux conséquences des émeutes – sans mettre la moindre poussière sous le tapis, sans refuser le débat ni sur les causes ni sur l’autorité, mais en le reportant simplement à la rentrée – à des fins idéologiques, c’est manquer un rendez-vous de justice, de pragmatisme et d’efficacité pour nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
En vous livrant à ce spectacle, vous vous éloignez de ce que nous devrions faire collectivement.
Je veux conclure par ces mots :…
Les honnêtes citoyens ne veulent plus payer ! …n’assignez aucun citoyen à résidence. Opposer les sommes qui ont été investies dans la politique de la ville au soutien à la ruralité,… Qu’est-ce que vous racontez ? …c’est oublier qu’un citoyen peut avoir habité à La Roseraie à Angers, puis déménagé à La Lande-Chasles. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) On a consacré 100 milliards aux quartiers ! Si l’on décide de changer de lieu de vie, ce n’est pas seulement pour la qualité du blason, la personnalité du maire ou parce que c’est lui qui conduit le bus :… Ce n’est pas un argument ! …dans tous les cas, le soutien de l’État s’opère de manière collective dans tous les territoires. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Alors, sur ces sujets, il faudra interroger non seulement le coût de l’action, mais aussi celui de l’inaction ! (M. Jimmy Pahun applaudit ).
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour un rappel au règlement. En vertu du 2o de l’article 70, je souhaite dénoncer une mise en cause personnelle. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.) Monsieur le ministre délégué, allez sur le site nosdéputés.fr : vous verrez que je fais partie des 150 députés qui sont le plus intervenus en séance depuis le début de l’année. (M. Nicolas Sansu s’exclame.) Vos mises en cause personnelles sont inacceptables.
Quand vous êtes en difficulté, vous réagissez par l’attaque personnelle, faute de bilan à défendre et parce que vous êtes complètement impuissant face à la situation. Il est tellement plus facile de mettre en cause des députés !
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Monsieur le député, vous n’êtes pas sans savoir que le Gouvernement ne peut pas être rappelé à l’ordre. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l’amendement no 29. Je voudrais d’abord rappeler à M. le ministre délégué que c’est le Gouvernement qui est sous le contrôle du Parlement, et non l’inverse. C’est inscrit dans la Constitution ! Ce n’est certainement pas à l’exécutif de relever notre présence dans cette assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
Vous venez de diaboliser un principe pourtant approuvé par l’ensemble des Français, celui du casseur-payeur. Pour notre part, nous le défendrons jusqu’au bout ! Vous nous dites que l’État va payer les réparations,…
Mais non ! Je n’ai jamais dit ça ! Eh si ! …et renvoyez aux calendes grecques le travail nécessaire sur les causes de ces émeutes. C’est insupportable pour les Français. Vous avez d’ores et déjà refusé la disposition très simple consistant à obliger les mairies à se porter partie civile contre les émeutiers : par conséquent, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
La parole est à Mme Raquel Garrido, pour un rappel au règlement. Je souhaite faire un rappel au règlement au titre de l’article 20 de la Constitution, qui définit et circonscrit le rôle du Gouvernement.
Vous savez tous et toutes ici combien mes opinions politiques sont diamétralement opposée à celles que défend notre collègue Nicolas Dupont-Aignan ;…
Ça dépend des votes ! …mais il n’y a pas lieu d’être surpris de la présence d’un député dans l’hémicycle. Elle a raison ! Chacun d’entre nous a été envoyé ici par des électrices et des électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Nathalie Oziol applaudit également.) Exactement ! C’est la première fois de la législature que j’applaudis Mme Garrido ! Ce sont les Françaises et les Français qui nous ont envoyés ici, dans le cadre d’un régime : celui de la Ve République. Il est vrai que parfois, nous, parlementaires, avons un peu de mal à exercer complètement notre pouvoir ; les quatorze recours au 49.3 à l’automne et au printemps, y compris sur la réforme des retraites, l’ont prouvé au pays tout entier. Mais certains détails révèlent un esprit d’abus de pouvoir, qui s’exerce en permanence ; c’est pour cette raison que je tiens à rappeler, par principe, que l’exécutif, ici, est chez nous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission. Essayons de revenir au texte. Un peu de sagesse ! En commission, je m’étais dit « scotché » par votre amendement ; le terme était peut-être un peu fort, mais vous connaissez ma rondeur. Disons que je suis un peu étonné : si, pour disposer des moyens financiers nécessaires pour reconstruire, on doit aller chercher les casseurs (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN) , nous en avons pour quelques années ! Or ce texte a vocation à nous permettre d’agir dans l’urgence, en donnant aux collectivités les outils nécessaires pour financer ces travaux ;… Avec l’argent des Français, qui n’en peuvent plus ! …mais il n’est pas question de dire que nous n’irons pas poursuivre les auteurs. La justice fera son travail normalement, sur le plan pénal et civil. Mais si on attend ses conclusions, les travaux se feront dans dix ans ! Exactement ! Qu’ils aillent l’expliquer aux maires ! C’est un texte d’urgence, qui donne aux collectivités les moyens dont elles ont besoin. Et dans deux ans, on recommence ! Il faut donc voter ce texte. Avis défavorable à votre amendement, qui supprime purement et simplement l’outil financier nécessaire pour réaliser ces travaux de reconstruction. Quel est l’avis du Gouvernement ? De manière factuelle,… Et sans attaque personnelle ! …votre amendement ne permet pas de s’attaquer davantage aux causes ni de mieux interroger la clé de financement. L’article 3 propose deux mesures. Premièrement, il prévoit que l’État rende immédiatement la TVA qu’il perçoit, puisque ces travaux n’étaient pas prévus en début d’année et qu’ils sont la conséquence de ces violences urbaines. Deuxièmement, il établit que ces travaux ne donnent lieu à aucun reste à charge pour la commune. Donc, à la fin, c’est l’État qui paie. On peut ensuite débattre au sujet de celui qui paie ; mais la suppression de ces dispositions ne va en aucun cas dans le sens que vous prétendez défendre.
Avis défavorable.
La parole est à M. Hubert Wulfranc. Vous remarquerez que je m’exprime pour la première fois en ces lieux depuis mon intervention au nom du groupe GDR-NUPES ce matin. À ce stade du débat, néanmoins, nous invitons M. le ministre délégué à garder son sang-froid vis-à-vis des provocations permanentes du Rassemblement national. Merci, professeur ! Par ailleurs, puisque l’amalgame prévaut dans ce débat, je rappelle que les députés communistes du groupe GDR voteront ce texte avec sobriété (Rires sur les bancs du groupe RN) Il fallait oser ! …et efficacité. Bien évidemment, monsieur le ministre délégué, ni le Gouvernement ni vous n’êtes quitte du débat politique qui aura lieu, avec sérénité, mais avec la volonté de faire s’incliner la ligne politique qui est la vôtre depuis votre arrivée au pouvoir. Je souhaitais rappeler notre position, et prie tout un chacun de nuancer ses propos vis-à-vis de la ligne de son adversaire. Personne n’a rien compris. La parole est à M. Grégoire de Fournas. J’attends davantage de clarté dans les expressions que vous employez : financer le reste à charge, cela veut dire que l’État va payer. Il faut que vous le disiez : l’État, les collectivités, les assurances – qui sont financées par les Français – vont payer. De même, vous devez indiquer précisément le coût total que cela représentera.
Nous sommes bien conscients de votre tentative d’escamoter toutes ces informations et de noyer les crédits en les faisant passer par des fonds divers et variés, pour les Français ne se rendent pas compte que ce sont eux qui paient la facture !
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 29.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 42
Contre 92
(L’amendement no 29 n’est pas adopté.) À la demande de M. le ministre délégué, la séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures quarante.) La séance est reprise.
La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 63.
Il vise, comme les précédents, à obtenir des précisions face à vos contradictions : d’un côté, le Gouvernement a rédigé ce texte dans l’urgence pour engager rapidement les réparations ; de l’autre, il se laisse une marge de manœuvre, en prévoyant de procéder par ordonnance et en s’accordant trois mois à compter de la promulgation du présent texte pour le faire.
Trois mois, c’est long, quand on ne sait pas si l’école du secteur rouvrira en septembre, ou quand les services du bureau de poste du quartier seront rétablis – le plus rapidement possible, espère-t-on.
Il ne fallait pas mettre le feu à ces équipements ! Il faut donc préciser les choses et, surtout, passer par la voie législative. À cause de votre précipitation initiale, vous vous accordez finalement trois mois pour décider de ce que vous prendrez en charge et pour quel montant. Tout cela est trop flou et manque de cadrage. Soyez plus précis, monsieur le ministre ! (M. Aurélien Saintoul applaudit.) Quel est l’avis de la commission ? Votre cheminement est un peu décousu mais vous aviez déjà défendu des amendements similaires aux deux premiers articles. C’est l’avantage : j’ai déjà pu donner mon avis, qui est défavorable.
De même, parmi les amendements qu’il reste à examiner, nombreux sont ceux qui reprennent des propositions déjà défendues aux articles précédents. Pour cette raison, je les rejetterai d’un mot.
Oui, accélérons ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à Mme Aurélie Trouvé. C’est souvent comme ça, avec la Macronie. Depuis un an, au nom de l’urgence, on nous présente des textes dans la précipitation, qui s’avèrent très insuffisants. C’est le cas de celui-ci : les délais prévus sont trop longs et il y manque les trois quarts des mesures nécessaires. Toujours le mépris des mélenchonistes ! Ainsi, qu’en est-il des petits commerçants qui ne sont pas assurés ? Ils sont obligés d’être assurés ! S’ils ne l’étaient pas, ils n’auraient pas pu ouvrir leur commerce en premier lieu ! Qu’en est-il de ceux dont les pertes d’exploitation ne sont pas assurées ? De la prise en charge du chômage partiel ? (Mme Sophia Chikirou applaudit.) Il faut garder son calme ! Ce projet de loi concernant la reconstruction des bâtiments pâtit d’un deuxième angle mort : qu’en est-il des équipements électriques, des armoires, des câblages, des bornes, des installations d’éclairage ou encore des équipements pour accéder à internet ? Vous avez oublié de mentionner les prises électriques ! Ces dernières semaines, ces derniers jours, nous avons consacré un temps important à rendre visite aux petits commerçants qui ont subi des dégradations, dans nos circonscriptions, dans les quartiers populaires. Ils soulignent leurs difficultés pour rétablir les équipements qui ne font pas partie du bâti. Monsieur le ministre, que prévoit le projet de loi en la matière ? Le coût de tels équipements sera-t-il réellement pris en charge et l’État se porte-t-il garant en dernier ressort pour ceux-ci ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Je mets aux voix l’amendement no 63.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l’adoption 25
Contre 132
(L’amendement no 63 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Raquel Garrido, pour soutenir l’amendement no 94. Il vise à réduire le délai d’habilitation à légiférer par ordonnance à deux mois à compter de la promulgation du texte. C’est une position de repli, car selon nous, nous devrions directement inscrire les choses « dans le dur », en légiférant nous-mêmes, plutôt que d’en passer par les ordonnances prévues à cet article – nous y reviendrons lors de la défense des prochains amendements.
Monsieur le ministre, au début de l’examen de ce texte, vous rappeliez vous-même que les députés n’aiment pas beaucoup habiliter le Gouvernement à légiférer à leur place. En l’occurrence, votre choix est d’autant plus discutable que l’exécutif est minoritaire à l’Assemblée nationale et que sa représentativité est beaucoup plus faible que la nôtre.
N’abusez donc pas des ordonnances, d’autant que celles prévues ici, comme nous le verrons, auront des incidences financières – elles créeront des dépenses nouvelles dans l’exercice en cours, en facilitant le versement anticipé du fonds de compensation pour la TVA. Or dans le domaine budgétaire, nous autres députés devrions avoir l’initiative.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Trouvé, si vous voulez bien m’écouter, je vous confirme que les équipements publics sont concernés par ce texte. Quelle arrogance ! Les équipements, l’électricité, le suivi, oui, tout est intégré – si la réponse vous intéresse. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il nous parle très mal, madame la présidente ! Sur l’amendement, avis défavorable. Monsieur le ministre, je ne sais pas si c’est le stress qui vous fait réagir ainsi (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , mais il convient de s’adresser autrement aux députés. En réalité, je vous écoutais – alors même que vous n’apportez aucune réponse ! Vous devriez parler plus fort, on ne vous entend pas ! Nous avons évoqué les angles morts du projet de loi. Ainsi, comment allez-vous prendre en compte les situations d’extrême urgence ? En recourant à un exemple très concret, j’espère obtenir une réponse un peu plus précise : à Bondy Nord, la seule supérette du quartier a été dégradée et fermée. Que fait sa députée ? Or la zone est complètement enclavée, et séparée du reste de la commune par l’autoroute A3 et le canal de l’Ourcq. Cela ne vous intéresse peut-être pas, mais cela intéresse les 30 000 habitants qui y vivent. Le quartier n’est desservi par aucun métro,… Normal, ce n’est pas à Paris ! …RER ou train. Pour toutes les personnes dont la mobilité est limitée, ce commerce était la seule option pour faire ses courses. Désormais, la première supérette accessible est située bien plus loin. Comment faire ? Dans de telles situations d’extrême urgence, l’État peut-il se porter garant en dernier ressort au profit des habitants et des habitantes des quartiers populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Caroline Yadan. Chère collègue, ce qui est discutable, ce n’est pas de légiférer par ordonnance, puisque la possibilité est inscrite dans notre Constitution. Sans blague ? Si nous légiférons par ordonnance, c’est qu’il y a urgence à reconstruire et à venir en aide aux commerçants, aux artisans, aux collectivités et à tous ceux qui ont été victimes des violences. Quelle médiocrité… Ce qui est discutable, c’est l’hypocrisie qui consiste à souffler en permanence sur les braises de la violence… Elle a raison ! …tout en déplorant les conséquences de celle-ci. Ce qui est discutable, c’est votre hypocrisie qui consiste à jouer sur les mots et à affirmer que la police tue (Murmures sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) , dans l’espoir détestable que le malheur des uns mette le feu aux poudres ! Vous pourriez parler de l’amendement ? Vous laissez entendre que la police, au lieu de nous protéger, tuerait impunément. C’est ce qui est discutable, et inacceptable ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Lorsque vous défilez avec vos écharpes dans une manifestation interdite où l’on martèle que l’on déteste la police
(Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , alors vous armez idéologiquement les émeutiers ! Madame la présidente, ce n’est pas l’objet de l’amendement ! C’est ce qui est discutable, et certainement pas le fait de légiférer par ordonnance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Je mets aux voix l’amendement no 94.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l’adoption 23
Contre 138
(L’amendement no 94 n’est pas adopté.) L’amendement no 122 de Mme Angélique Ranc est défendu.
(L’amendement no 122, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l’amendement no 13. Il s’agit d’un amendement d’appel. Monsieur le ministre, pourquoi avez-vous refusé que nous examinions un projet de loi de finances rectificative ? Ce n’est pas parce que vous refusez de recourir à l’argent du contribuable pour tout reconstruire à l’identique, comme le demande la NUPES, ce qui conduirait les Français à payer et à payer encore. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. René Pilato fait signe à l’orateur de se taire.)
Vous avez refusé ce PLFR car vous ne voulez pas que les Français sachent combien tout cela va leur coûter ! Nous vous prenons donc au mot : notre amendement vise à ce qu’aucun crédit supplémentaire ne soit voté pour financer la reconstruction.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à Mme Raquel Garrido. J’ai rarement entendu une telle lapalissade.
Vous souhaitez que les crédits de l’État utilisés pour la reconstruction soient ceux adoptés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Mais savez-vous qu’il n’y a pas d’autre choix et que c’est à cela que servent les PLF chaque année ?
En réalité, vous signifiez à tous les sinistrés, à tous les propriétaires, privés ou publics, à toutes les personnes, assurées ou non, à tous les usagers, que s’il n’y a pas assez d’argent pour reconstruire, tant pis pour eux !
Que dire de votre idée saugrenue de faire appel aux pauvres deniers de mineurs insolvables ?
Pas aux mineurs, aux parents ! C’est une vaste blague ! Cela revient à laisser des dizaines, voire des centaines de milliers de Français dans la difficulté et dans la souffrance, illustrant que vous êtes vraiment ici pour nuire plutôt que pour aider ! La parole est à M. Grégoire de Fournas. Madame Garrido, il faut arrêter avec ce discours ! Les Français qui souffrent n’ont pas besoin de tout casser pour l’exprimer ! Dans les territoires ruraux, ils sont nombreux à souffrir, et ils ne cassent rien ! Il y en a ras le bol de toujours victimiser les casseurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.) La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir l’amendement no 14. Si vous n’allouez pas de crédits supplémentaires à la reconstruction, c’est que vous allez prendre l’argent nécessaire dans les dispositifs prévus pour les investissements des communes : le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), par exemple. La reconstruction va donc se faire au détriment des investissements de ces collectivités, les maires étant pénalisés.
Vous allez me répondre que les préfets ont reçu par circulaire l’instruction de mobiliser les crédits gelés, mais ne vont-ils donc pas, préventivement – puisque nous sommes début juillet –, geler les subventions des communes pour les affecter à la reconstruction ? Votre dispositif compromet donc les investissements locaux. À l’inverse, nous souhaitons être les garants des subventions, des investissements et de l’intérêt général des communes.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre amendement est satisfait, monsieur de Fournas. Vous plaidez pour que les crédits alloués à la reconstruction n’excèdent pas le montant des crédits gelés dans le cadre du budget pour 2023, et c’est exactement ce qui est prévu. Nous ne pourrions pas mobiliser des crédits qui n’auraient pas été votés par la représentation nationale dans un projet de loi de finances, initiale ou rectificative. Mon avis sera donc défavorable. La parole est à M. Nicolas Turquois. Il y a trois semaines, la France a assisté, sidérée, à des événements d’une ampleur considérable, au cours desquels des quartiers, des commerces, des services publics ont été détruits. L’ambition de ce projet de loi est simplement de permettre aux élus qui le souhaitent de les reconstruire à l’identique et au plus vite. Rien d’autre !
Il ne s’agit pas ici de faire de la politique et il n’y a aucune volonté de dissimuler les causes profondes de ces évènements : il faudra les analyser, mais avec un peu de recul. Or, depuis quatre heures, les missiles envoyés depuis la gauche ou la droite ne visent qu’à s’adresser à leurs électorats ! Pourrait-on enfin s’adresser aux Français victimes de la destruction de leur quartier ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.) C’est bien à eux que nous nous adressons ! C’est pour cela que nous sommes là ! Peut-on, pour une fois, mettre la politique de côté et servir nos concitoyens – juste pour une fois ? (Mêmes mouvements.) La parole est à M. Grégoire de Fournas. Nous ne sommes pas des techniciens ou des fonctionnaires de Bercy ! Nous sommes là pour faire de la politique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Il est hors de question que nous validions sans rien dire un texte technocratique qui vise, encore une fois, à ce que les Français paient tout !
Monsieur le ministre, votre réponse concerne mon amendement no 13, et non le no 14. Nous avons bien compris qu’il n’y aura pas de crédits supplémentaires et qu’en conséquence, il faudra ponctionner les subventions destinées aux mairies. C’est d’ailleurs pourquoi nous plaidons pour qu’un fonds agrège, par souci de lisibilité, toutes les dépenses liées à la reconstruction : le Parlement, mais aussi les Français, doivent savoir combien ces émeutes leur ont coûté.
(Mêmes mouvements.)
(L’amendement no 14 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 68, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Raquel Garrido, pour soutenir l’amendement no 67.
Dans son propos liminaire, le ministre a estimé que le versement anticipé des sommes dues au titre du fonds de compensation de la TVA entraînerait, de facto , un reste à charge nul pour les propriétaires publics, et donc pour les collectivités concernées par la réparation des dommages. C’est faux puisque, dans tous les cas, les collectivités perçoivent le FCTVA. Simplement, au lieu de percevoir les fonds en n + 2 ou n + 1, elles les percevront en année n.
Il faut être attentifs à ne pas brouiller le message ! En l’absence de PLFR, et donc de fonds supplémentaires, les collectivités n’y gagnent rien et, malgré l’intitulé du projet de loi pour « pour l’accélération de la reconstruction », il n’y a pas l’ombre d’un centime nouveau. Les collectivités vont donc se retrouver face à des choix cornéliens : que choisir, entre réparer tel ou tel dommage, entre tel ou tel équipement ?
Un tel choix est désastreux et constitue une double peine pour les habitants, et pas uniquement ceux des quartiers populaires ou de ceux classés prioritaires par la politique de la ville, mais aussi ceux des villes moyennes ou plus petites – les dommages ont touché toutes les villes.
Je vous remercie de bien vouloir conclure. Nous sommes tous dans le même bateau. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Vous souhaitez insérer ces dispositions d’urgence dans le code général des collectivités territoriales, ce qui est inutile.
Monsieur de Fournas, dans cet hémicycle, on fait aussi, et essentiellement, la loi.
(Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Mais elle est politique la loi ! On peut certes faire de la politique, mais on fait avant tout la loi. Revenons donc au texte, et aux fondamentaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Jocelyn Dessigny. Hier, le Gouvernement a annoncé que le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) pourrait indemniser les propriétaires des voitures incendiées, mais uniquement si leurs revenus sont inférieurs à 27 600 euros pour 2022 – si j’ai bien lu –, et en fonction du nombre d’enfants à charge. Monsieur le ministre, cela signifie-t-il qu’une personne qui a gagné 30 000 euros l’année dernière, et dont la voiture est dégradée ou brûlée, ne sera pas indemnisée par le fonds ?
Vous voulez que l’État prenne en charge l’intégralité des frais consécutifs aux émeutes. Ne croyez-vous pas qu’il serait temps de penser à tous les Français, et non à une seule catégorie d’entre eux ? Merci de me répondre.
(M. Emeric Salmon applaudit.) La parole est à M. le ministre. Nous ne créons pas le FGTI ; nous rappelons l’existence d’un dispositif lié à ce fonds et élaboré par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Rappeler les règles du FGTI n’implique aucune modification législative. Hier, le Gouvernement a au contraire annoncé la création d’un numéro vert… Encore un numéro vert ! Pour expliquer aux appelants pourquoi ils n’auront pas d’indemnité ! …afin d’apporter des réponses aux personnes dont les revenus sont supérieurs aux plafonds. Nous ne créons pas le FGTI, nous complétons son dispositif. Vous n’avez pas répondu à la question ! C’est déjà dans la loi, nous ne modifions rien !
(L’amendement no 67 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements, nos 68 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 68.
Il vise à inscrire dans la loi la possibilité de financer intégralement les projets de reconstruction des collectivités, plutôt que d’autoriser le Gouvernement à prendre cette mesure par voie d’ordonnance.
Le code général des collectivités territoriales prévoit que les collectivités financent au moins 20 % du coût des projets. Nous proposons d’inscrire une dérogation à cette disposition, afin que l’État puisse prendre en charge la totalité des frais.
Nous partons du principe que les collectivités ne doivent pas assumer le coût des réparations qu’elles devront effectuer. Certes, il sous-tend le projet de loi, néanmoins nous voulons l’inscrire noir sur blanc. Nous sommes ici pour légiférer ; la loi débattue à l’Assemblée nationale fait autorité : en adoptant cet amendement, nous assumerions collectivement que cette mesure est la bonne – nous ne repousserions pas la décision de deux ou trois mois, selon le Gouvernement qui sera alors en place.
En outre, nous satisferions ainsi une demande des collectivités, qui ont déjà de fortes dépenses à assumer, en particulier dans le contexte de l’inflation galopante que le gouvernement macroniste a laissée s’installer. Pour ces raisons, il est nécessaire d’engager une nouvelle réflexion et d’adopter une autre façon de faire.
La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l’amendement no 1. Il vise à supprimer l’alinéa 3, qui prévoit des dérogations à la participation minimale imposée au maître d’ouvrage de projets de reconstruction. Avec cette mesure, le coût des travaux pourra être financé à hauteur de 100 % par des subventions : l’argent des contribuables français servira à rembourser les dégâts provoqués par les racailles des banlieues. Quel terrible message ! Vous autorisez les émeutiers à casser ce qu’ils voudront, en les assurant que l’État dépensera des milliards pour reconstruire.
De plus, les enveloppes DETR, DSIL, FIPD et j’en passe, prévues pour financer des projets dans tout le pays, seront ponctionnées pour réparer les dégâts. Depuis des décennies, les communes rurales attendent un plan d’investissement massif en faveur des territoires. Bien souvent, elles ne parviennent pas à réunir les subventions nécessaires pour financer 80 % du montant de leur projet ; quand elles y arrivent, elles échouent à réunir les 20 % qui leur reviennent, en tant que maître d’ouvrage, sur leurs fonds propres.
Le contraste est indécent avec votre plan de reconstruction, qui prévoit de balancer encore des milliards d’euros dans les banlieues, où nous avons déjà jeté des centaines de milliards ces dernières décennies.
Des centaines de milliards ! Combien : 100, 200, 300, 10 000 ? Depuis des lustres, les petites communes rurales se contentent des miettes. Elles se battent pour sauver leurs quelques services publics, pour restaurer leur église et les logements vacants, pour entretenir les vestiaires de l’unique stade, voire seulement pour entretenir leur voirie communale. Elles se battent en silence pour ne pas mourir.
C’est vrai, nous ne brûlons pas de voitures, nous ne saccageons pas d’écoles, nous n’agressons pas les forces de l’ordre. Attention cependant, monsieur le ministre : la coupe est pleine. Nous en avons marre de toujours payer pour des personnes qui nous crachent constamment à la figure !
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ? Ils visent tous deux à supprimer l’alinéa 3 de l’article 3, pour des raisons complètement contradictoires. Je vais vous mettre d’accord : j’émets un avis défavorable sur les deux. Il est raisonnable de nous en tenir au texte tel qu’il est rédigé. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Thibault Bazin. Dans ces débats interminables, on parle de tout mais rarement du texte. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Je suis désolé que ma remarque vous dérange. Le périmètre de l’article 3 est bien défini. Il ne s’agit pas d’ouvrir des crédits pour financer les travaux, même si certains l’espèrent et que nous pourrions en débattre. Il ne s’agit pas davantage de réformer le droit commun : on imagine mal inscrire définitivement la mention des émeutes dans le code général des collectivités territoriales – j’espère pour tout le monde que nous finirons par tourner cette page.
L’article 3 permet d’apporter une souplesse ; il facilitera les financements. Certains disent que la participation de l’État se montera à 100 % des coûts, créant une confusion. Dans certains cas, la région ou la communauté de communes permettront à une commune qui n’en a pas les moyens de payer les travaux. J’ajoute que le taux de 100 % s’applique aux montants hors taxes. Ceux qui ont été maires le savent très bien : le FCTVA ne compense jamais la totalité de la TVA. Il y aura toujours un coût résiduel à la charge des collectivités.
Attention à la tournure que prennent nos débats. Nous ne devons pas croire que le texte prévoit les modalités de financement des réparations, même si nous devrions en débattre. Les collectivités territoriales, qui ne sont pas les seules victimes, ont déposé des plaintes ; quand les auteurs des faits seront – on l’espère – sanctionnés par des amendes pénales, elles pourront recouvrer des fonds. En attendant, il faut leur donner les moyens de reconstruire, or certaines ne disposent pas du budget nécessaire. Soyons responsables et sérieux, aidons-les à reconstruire au plus vite, et aidons les autres victimes, qui seront évoquées en septembre.
La parole est à Mme Sarah Legrain. Tout à l’heure, un débat un peu lunaire s’est déroulé dans notre hémicycle, pour savoir si nous étions ici pour faire de la politique ou pour faire la loi. Je vous laisse à vos distinctions sibyllines : qu’y a-t-il de plus politique – et de plus noble – que de faire la loi ? C’est bien pour cela que nous avons été élus !
Nous débattons donc de ce texte visant à aider les collectivités territoriales, à les assurer du plein et entier soutien de l’État pour mener à bien les reconstructions auxquelles elles sont confrontées. Elles ne sont aucunement responsables de la situation que le pays a connue à la suite de la mort du jeune Nahel ; l’État doit assumer cette responsabilité.
Pourquoi diable devrions-nous faire aveuglément confiance à un gouvernement, fût-il remanié – cela fait pour nous fort peu de différence – et l’autoriser à prendre une ordonnance, au lieu d’agir en législateur en inscrivant dans la loi que l’État s’engage à prendre en charge les dépenses que les collectivités territoriales devront engager pour mener à bien les reconstructions ? Il devient insupportable d’entendre des députés expliquer par a + b qu’il nous faudrait systématiquement nous dessaisir de notre pouvoir de législateur…
Elle a raison ! …et demander au Gouvernement de faire la loi, de faire la politique – de tout faire ! Nous voyons que le remaniement en cours vous trouble, mais nous aimerions que le Parlement reste capable d’incarner la souveraineté populaire et de faire la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Je mets aux voix l’amendement no 68.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 182
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 26
Contre 156
(L’amendement no 68 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’amendement no 1.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 184
Majorité absolue 93
Pour l’adoption 49
Contre 135
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 46. Il vise à préciser le champ de l’habilitation à agir par voie d’ordonnance, afin de limiter les crédits concernés à ceux relevant de la politique de la ville. Il faudra étendre provisoirement la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à toutes les communes affectées par les émeutes, afin de répartir entre les communes touchées par les destructions les crédits ainsi mobilisés, habituellement consacrés aux constructions.
La politique de la ville a été élaborée pour les habitants, mais pas avec eux. Elle relève d’une approche trop corrective et insuffisamment préventive. Nous consacrons des moyens à améliorer le cadre de vie des plus défavorisés. Certains détruisent leurs propres espoirs d’avenir, mais la majorité des familles qui vivent dans les QPV souhaitent s’en sortir grâce aux actions menées dans le cadre des contrats de ville. Or, dans certains territoires, celles-ci ne pourront malheureusement pas être réalisées à cause de la destruction des bâtiments publics concernés.
Pensez aux quartiers populaires, qui deviennent de plus en plus pauvres – je suppose que l’on votera cet amendement sur les bancs d’en face : réaffectez les subventions dédiées à ces actions à la reconstruction des bâtiments détruits pendant les émeutes. Je pense notamment à la rénovation urbaine, qui relève de la politique de la ville, dans les communes et les quartiers qui ne sont pas classés QPV. C’est un amendement de bon sens ; il ne dépend que de vous d’atteindre ces objectifs.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à Mme Raquel Garrido. Je vous remercie, chère collègue, d’évoquer les quartiers populaires et leurs habitants en d’autres termes que ceux que vos collègues emploient depuis ce matin. Je ne soutiendrai pas pour autant votre amendement. Sur la carte des événements survenus entre le 27 juin et le 5 juillet figurent 553 communes. Toutes, tant s’en faut, n’ont pas de quartiers prioritaires, comme certaines communes reculées de l’Eure ou d’ailleurs. De plus, une commune n’est jamais tout entière classée QPV : cela concerne de petits quartiers. La politique de la ville est déterminée rue par rue, mètre carré par mètre carré, selon des critères par ailleurs discutables et qui mériteraient d’être élargis.
La circulaire de la Première ministre en date du 5 juillet prévoit que les collectivités territoriales pourront solliciter en urgence de la préfecture l’attribution de fonds initialement prévus pour d’autres projets, afin de mener à bien la reconstruction. À l’écoute de la liste des fonds concernés, on mesure l’étendue du recours. La DETR par exemple est normalement allouée aux territoires ruraux. La DSIL concerne davantage les quartiers populaires. Certains fonds étaient plutôt destinés à financer la sécurité, notamment des équipements de vidéosurveillance. Lors de l’examen du texte en commission, le ministre a expliqué que 94 millions d’euros environ étaient ainsi mobilisables. Nous savons tous que ce sera bien trop peu. Si une collectivité sollicite le concours de la préfecture pour allouer ces crédits à la reconstruction, elle perdra objectivement une chance d’obtenir des crédits issus des mêmes fonds pour mener d’autres actions de politique publique. Nous ne pourrons donc pas éviter l’examen d’un PLFR.
Je mets aux voix l’amendement no 46.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 188
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 48
Contre 138
(L’amendement no 46 n’est pas adopté.) La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 38. Dans le droit fil des amendements précédents, il vise à exclure la DETR et la DSIL des fonds mobilisables – on pourrait citer d’autres dotations. En réalité, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul et vous faites les poches des territoires ruraux. Hier, en commission, on nous a expliqué que ces dotations n’étaient pas toujours utilisées. Par curiosité, j’ai appelé plusieurs maires de ma circonscription : ils ont présenté des projets éligibles à ces dotations, mais on leur a répondu qu’ils ne pouvaient être retenus faute de financement.
Quand on nous explique que les DETR ne sont pas toujours utilisées, c’est donc du pipeau. Pipeau, pipeau, pipeau !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous dressez les Français les uns contre les autres. Le Gouvernement et la majorité savent très bien le faire, mais reconnaissons que les députés assis de l’autre côté de l’hémicycle ne sont pas en reste ! Venant de vous, c’est quelque chose ! Une solution très simple existe, mais nous avons bien compris que vous y étiez réfractaires : faire payer ceux qui ont déglingué tous ces bâtiments publics. Nous le ferons quand nous arriverons au pouvoir, mais il va falloir attendre encore un peu. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Répéter une contre-vérité n’en fait pas une vérité, monsieur Ballard. Vous avez interrogé cinq, dix, quinze, vingt maires de votre circonscription, qui vous ont dit qu’ils manquaient de subventions pour certains projets ; cela n’a aucun lien avec les émeutes ni avec le dégel des crédits. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) L’enveloppe de soutien à l’investissement des collectivités territoriales est passée cette année de 2 à 4 milliards avec le fonds Vert. En aucun cas les crédits dont nous parlons, qui ont été gelés il y a plusieurs mois, n’auraient financé les projets de ces maires. Il s’agit de choses différentes. La parole est à M. Grégoire de Fournas. Monsieur le ministre, vous tentez une dissimulation : dans la circulaire que vous avez envoyée aux préfets, vous indiquez très clairement que la DETR, entre autres dotations, sera mobilisée pour la reconstruction. J’ai parlé de dégel ! Il est extraordinaire d’apprendre maintenant que des DETR ont été gelées ! Quand l’ont-elles été et pourquoi ? Des DETR seraient déjà gelées, alors que nous sommes au milieu de l’année ? Comme l’a dit avec raison Philippe Ballard, il y a tant de mairies qui auraient besoin de ces fonds pour financer leurs investissements ! Vos explications ne sont pas très claires, monsieur le ministre. La parole est à M. Nicolas Turquois. Je voudrais dénoncer les arguments populistes et simplistes du RN, qui répète systématiquement : « casseurs, payeurs ». (Protestations sur les bancs du groupe RN.) C’est un bon principe, mais il existe un principe de droit selon lequel on ne fait payer que les personnes identifiées. Si dans une vidéo, cinq pilleurs de magasin sur dix sont identifiés, on ne leur fera pas payer les dégâts causés par les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Si !