XVIe législature
Session extraordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du lundi 03 juillet 2023

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du lundi 03 juillet 2023

Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).

    Discussion des articles (suite)

    M. le président

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    Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 2 bis.

    Article 2 bis

    M. le président

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    L’article 2 bis, qui a été inséré par le Sénat, vise à corriger un oubli de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Il permettra notamment de rendre l’article 367 du code de procédure pénale conforme à notre droit – il avait été modifié, ce qui avait fait évoluer les conditions d’incarcération et de libération des personnes jugées par les cours d’assises. Les procédures judiciaires s’en trouveront évidemment sécurisées, mais je voulais profiter de cette occasion, monsieur le ministre, alors que nous entamons la deuxième séance de la journée, pour évoquer ceux qui sécurisent finalement le mieux la justice : les greffiers.
    Vous le savez – certains l’ont évoqué tout à l’heure –, aujourd’hui a eu lieu un mouvement social majeur : la grève nationale des greffiers. Au tribunal judiciaire de Caen, il y a eu quasiment 100 % de grévistes : 100 % des greffiers ont fait grève, monsieur le ministre ! Ce matin, j’ai eu l’occasion d’échanger avec eux à propos de leurs conditions de travail et de leurs revendications.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Mais qu’est-ce qu’il raconte ?

    M. Arthur Delaporte

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    Je dois vous le dire, monsieur le ministre, même si je vous vois soupirer : ils ont l’impression que vos réformes ne s’adressent qu’aux autres. C’est ce qu’ils disent ! On leur promet une maigre revalorisation salariale, mais une greffière me disait que pour elle, cela représenterait 29 euros brut mensuels, alors qu’elle a neuf ans d’ancienneté. Et en échange, elle va perdre des années qui étaient jusqu’alors comptabilisées pour son avancement ; finalement, à cause de votre nouvelle grille indiciaire, elle ne pourra passer au grade supérieur que plus tardivement.

    Mme Danielle Brulebois

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    La grille n’est pas arrêtée, on vous l’a dit !

    M. Arthur Delaporte

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    Par conséquent, à moins que nous n’ayons rien compris, votre grille indiciaire leur fait perdre le chouïa de revalorisation que vous leur accordez par ailleurs, en freinant leur avancement de carrière. Et puis si l’on compare ces 29 euros brut par mois aux 1 000 euros – évidemment souhaitables – qui sont attribués aux magistrats, vous comprendrez bien qu’il y a là une injustice flagrante !

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Rien à voir avec l’article !

    (L’article 2 bis est adopté.)

    Article 3 A

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 489.

    M. Stéphane Lenormand

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    Déposé par mon collègue Jean-Félix Acquaviva, il vise à prévoir l’effacement total des données du fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) en cas de relaxe définitive, de décision d’acquittement définitive, de classement sans suite et de non-lieu. De telles données ne devraient pas être conservées lorsque la décision est devenue définitive et que la personne a été totalement acquittée. L’effacement de toute responsabilité doit entraîner l’effacement des données.

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Il en a été question en commission, mais je le rappelle pour ceux qui n’étaient pas là : en principe, dans les hypothèses que vous citez, les données sont effacées. En cas de relaxe ou d’acquittement, elles ne sont conservées que si le procureur le juge nécessaire et après information de la personne. En tout état de cause, elles ne sont accessibles que dans le cadre judiciaire. Dans certaines situations, la conservation des données pourrait se révéler plutôt utile, notamment si d’autres poursuites sont engagées contre la personne concernée. Je pense donc vraiment qu’amender ainsi le texte serait une erreur, sachant que la possibilité de dérogation est limitée et bien encadrée.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Même avis.

    (L’amendement no 489 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1311.

    M. Jérémie Iordanoff

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    La consultation du fichier TAJ est strictement réglementée. Le code de procédure pénale autorise l’accès aux données qui font l’objet d’une simple mention aux enquêteurs de police judiciaire mais il est prohibé lors d’enquêtes administratives. Le champ d’application de cette interdiction nous semble lacunaire : il ne comprend pas les enquêtes administratives menées dans le cadre de la législation antiterroriste relative aux grands événements. C’est probablement une lacune involontaire, que l’amendement vise à combler.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    C’est une demande légitime : avis favorable. Vous l’avez dit, l’exclusion n’est que réglementaire et il serait en effet préférable de l’inscrire dans la loi.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis de sagesse, monsieur le député. Je pense que votre amendement est pour partie satisfait ; pour le reste, j’en comprends le sens et le trouve opportun.

    (L’amendement no 1311 est adopté.)

    (L’article 3 A, amendé, est adopté.)

    Article 3 B

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Abadie, pour soutenir l’amendement no 701.

    Mme Caroline Abadie

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    En commission, nous avions, par un amendement de notre collègue Raphaël Gérard, amendé le texte pour que dans le code de procédure pénale, la mention du mot « race » soit systématiquement précédée du qualificatif « prétendue ». Or à l’article 2-1 dudit code, au mot « race » était déjà accolé le qualificatif « supposée ». Le présent amendement vise donc à rectifier cette petite erreur introduite en commission.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Favorable. Merci, madame la députée Caroline Abadie, pour votre vigilance, utile en l’espèce.

    (L’amendement no 701 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1012, 265, 268, 261 et 260 tombent.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue, le temps que M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement succède à M. le garde des sceaux – qui doit se déporter – au banc du Gouvernement.

    (La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    (L’article 3 B, amendé, est adopté.)

    Après l’article 3 B

    M. le président

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    Nous en venons à plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 3 B.
    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 342.

    Mme Cécile Untermaier

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    Déposé par le groupe Socialistes et apparentés, il s’inscrit dans une série d’amendements concernant l’agrément qui doit être délivré aux associations pour qu’elles aient la capacité d’agir en justice. À la lumière de l’annulation récente – le 23 janvier 2023 – par le tribunal administratif de Paris de l’agrément qui avait été délivré à l’association Anticor en 2021, et qui lui permettait de lutter contre la corruption, le présent amendement vise à renforcer les garanties relatives à tout agrément administratif conditionnant l’accès à la justice.
    Pour ce faire, il propose d’harmoniser le régime administratif de ces agréments dans un nouvel article 2-1 A du code de procédure pénale, en garantissant que ce type d’agrément ne pourra être délivré qu’après avis du ministère public et en soumettant les décisions administratives correspodantes à un contentieux de pleine juridiction et non à un régime d’excès de pouvoir – je suis désolée, c’est un peu technique, mais certains suivront. Cela permettra au juge administratif de juger – de sa propre initiative ou sur demande des parties – en fonction des considérations de fait et du droit applicable à la date de l’audience, au lieu de simplement contrôler la légalité d’une décision contestée en s’appuyant exclusivement sur celles existant à la date où elle a été prise. De telles garanties existent déjà pour d’autres agréments administratifs conditionnant l’accès à la justice.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je sais que ce sujet vous préoccupe, madame Untermaier, mais il a été mis sur la table un peu tardivement : nous ne l’avons pas du tout abordé lors de nos travaux en commission. Or – vous le savez, je vous l’ai déjà dit – pour traiter de tels sujets, il est préférable de s’y employer vraiment sérieusement. Demande de retrait, parce que je considère que nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments pour prendre une décision ce soir. Mais vous savez que sur cette question cruciale, nous partageons en grande partie votre opinion.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

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    En effet, madame la députée, c’est une question assez technique. Vous souhaitez modifier de manière transversale la procédure d’agrément des associations en subordonnant cet agrément à l’avis du ministère public et en le soumettant à un recours de plein contentieux.
    D’abord, il me semble qu’une décision de justice annulant un agrément ne doit pas conduire à modifier sous le coup de l’émotion et sans une réflexion approfondie,…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Bien sûr !

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    …comme vient de le rappeler le rapporteur, une jurisprudence équilibrée et qui a fait ses preuves, d’autant plus que l’amendement semble éloigné des objectifs poursuivis par le projet de loi. S’agissant du premier point, qui consiste à soumettre l’agrément à l’avis du ministère public, j’y suis opposé car il s’agirait d’une certaine façon d’un retour en arrière. La réforme de 2013 avait pour objectif d’éviter toute plainte avec constitution de partie civile pouvant se révéler abusive, et d’éviter ainsi le contentieux judiciaire engendré par ces constitutions.
    Ce contentieux était de nature à rallonger la durée des informations judiciaires. Auparavant, le parquet était amené à prendre des réquisitions d’irrecevabilité quand il estimait qu’une association ne remplissait pas les conditions pour ester en justice, ce qui pouvait conduire à des situations différentes, d’une juridiction à l’autre, pour une même association. La loi a donc fait œuvre de simplification et permet une application uniforme sur le territoire de la République.
    J’en viens à la nature du recours contre un refus d’agrément et à votre souhait de voir le juge administratif se substituer à l’administration pour délivrer l’agrément. Cela ne me paraît pas pertinent, pour deux raisons. Premièrement, la distinction entre recours pour excès de pouvoir et recours de pleine juridiction s’est estompée au cours des dernières années, et les pouvoirs dont dispose le juge de l’excès de pouvoir ont été étoffés.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et alors ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    En l’espèce, s’agissant de l’affaire qui motive l’amendement, le juge a bien examiné la demande de différer les effets de l’annulation et a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’y avoir recours. Deuxièmement, je suis convaincu que le ministre de la justice – et non le juge administratif – est l’autorité la mieux placée pour apprécier qui doit accéder au prétoire du juge judiciaire.
    Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je soutiens l’amendement de ma collègue Untermaier, et plusieurs autres sur le même thème qui sont disséminés dans divers endroits du texte – j’espère qu’ils n’ont pas tous été jugés irrecevables.
    Contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur le ministre délégué, le sujet n’est pas technique. Nous aimerions qu’il le soit, que l’agrément soit donné en fonction de critères objectifs, mais votre gouvernement en a fait un sujet politique et polémique.

    Mme Danielle Brulebois

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    Non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Tout d’abord, l’agrément d’Anticor a été contesté lors d’une campagne de dénigrement médiatique lancée par un ancien collègue, qui n’a d’ailleurs pas été réélu. Ensuite, l’octroi de l’agrément a donné lieu à des tergiversations : on nous a expliqué qu’il valait mieux que le Premier ministre reprenne la main car une décision prise par le garde des sceaux soulèverait des difficultés, et on se retrouve finalement dans la situation actuelle.
    Plusieurs d’entre nous essaient donc d’objectiver cette procédure afin qu’elle soit détachée de l’exécutif, et pour cause ! À qui peuvent s’en prendre les associations qui obtiennent l’agrément ? Au Gouvernement. Que se passe-t-il si le Gouvernement choisit qui peut s’en prendre à lui ? Je vous laisse conclure par vous-même : on se retrouve dans la situation actuelle.

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Mon collègue Bernalicis a raison de dire que le sujet n’est pas anodin, car la délivrance de l’agrément est lourde de conséquences. Cet agrément permet à une association de se constituer partie civile, ce qui représente une exception au droit commun, la partie civile étant en principe la victime directe d’une infraction. On peut donc comprendre qu’il soit délivré par le ministre de la justice, compte tenu de son caractère sérieux et lourd de conséquences.
    Sur ce point, ce que dit mon collègue est totalement faux : le Gouvernement n’a pas refusé de délivrer l’agrément, puisqu’il l’a été par le Premier ministre de l’époque, Jean Castex.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Exactement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Oui, oui, bien sûr… Allez raconter ça à d’autres !

    Mme Blandine Brocard

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    Ce sont les faits !

    Mme Naïma Moutchou

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    Il y a eu ensuite une espèce de crise interne à Anticor, qui est d’ailleurs devenue publique. Un ancien membre d’Anticor a lancé une action en justice qui a conduit le tribunal administratif à considérer que l’agrément devait être annulé. Nous en sommes là. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Blandine Brocard

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    Voilà les faits, rien que les faits, même si cela ne vous plaît pas !

    Mme Naïma Moutchou

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    Est-ce que cela justifie la remise en cause de la procédure actuelle ? Je ne le crois pas.

    M. Ugo Bernalicis

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    Même l’agrément de Sherpa a été remis en cause !

    Mme Naïma Moutchou

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    En tout cas, je pense que l’on ne peut pas traiter sur un coin de table un sujet aussi important, qui entraîne de telles conséquences. Nous devons prendre un peu de recul, y réfléchir sur la base d’une analyse plus poussée. En l’état, je ne vois pas au nom de quoi la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) serait en charge de ce type d’agrément : cela n’entre pas dans le périmètre de ses missions actuelles. Confier ce genre de prérogative à une autorité administrative indépendante ne va pas de soi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Dans le débat qui nous anime, je relève deux choses très différentes. D’abord, il y a la volonté de Mme Untermaier, qu’elle avait exprimée dans le cadre d’une mission flash conduite sous la précédente législature avec Bruno Questel – improprement cité par un autre collègue. (M. Ugo Bernalicis proteste.) Force est de constater une divergence d’opinion entre Mme Untermaier et M. Questel. Ce dernier préconisait de soumettre la délivrance d’agrément à un avis de la HATVP dans le cadre d’une procédure contradictoire, mais ne remettait pas en cause le fait que le Gouvernement soit décisionnaire.
    M. Bernalicis dit des bêtises et fait une vraie confusion sur la séparation des pouvoirs. Ce n’est pas au juge de décider qui va pouvoir ester devant lui. Si l’on opte pour un recours de plein contentieux et non plus un recours pour excès de pouvoir, on donne au juge la faculté de choisir l’association qui va être autorisée à ester devant lui. En termes de séparation des pouvoirs, cela pose problème : la capacité à agir doit être appréciée non par le juge lui-même, mais au minimum par le Gouvernement et au maximum par le législateur. C’est pourquoi je suis opposé à l’idée de transformer le recours de plein contentieux en recours pour excès de pouvoir.
    S’agissant d’Anticor, on ne peut pas politiser l’affaire ou prétendre que Jean Castex – qui était un excellent Premier ministre – a délibérément commis une erreur de droit. C’est faux ! D’abord, le Premier ministre a étudié la question.

    M. Ugo Bernalicis

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    Que d’énergie déployée pour un petit amendement !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ensuite, le recours exercé par un membre de l’association a donné lieu à une décision de justice applicable et opposable. Dans ces circonstances, cette décision justifie que l’on en reste à l’état du droit : Anticor n’a pas respecté les conditions de son agrément, ce qui a conduit à l’annulation de ce dernier par le juge. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Pierre Cazeneuve

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    Limpide !

    M. le président

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    Madame Untermaier, maintenez-vous votre amendement ?

    Mme Cécile Untermaier

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    Il est maintenu, parce que je ne suis pas liée par les termes d’une mission flash qui s’est déroulée il y a plusieurs années et parce que je réfute les arguments opposés – pour des raisons trop longues à expliquer dans le temps imparti. (M. Boris Vallaud applaudit.)

    (L’amendement no 342 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 269 de M. Raphaël Gérard est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Il est un peu facile de se contenter d’un avis défavorable sans même évoquer cet amendement qui vise à permettre aux associations LGBTQI, avec l’accord des familles et des personnes concernées, de se porter partie civile dans certaines affaires – c’était aussi le but de plusieurs amendements à l’article 3 B, qui sont tombés.
    J’aimerais savoir ce qui motive les avis défavorables du rapporteur et du ministre délégué concernant des amendements qui tendent à augmenter les droits des parties civiles. Lors des débats en commission, monsieur le rapporteur, vous avez accepté un amendement destiné à accroître le champ des parties civiles dans des affaires concernant des dégradations de stèles ou de sépultures. Nous aimerions avoir un peu plus d’explications.

    M. Arthur Delaporte

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    Ce serait le minimum !

    (L’amendement no 269 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Sur l’amendement no 1332 ainsi que sur les amendements identiques nos 588 et 958, je suis saisi par le groupe Renaissance de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1456.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Proposé par l’association SOS homophobie et déposé par mon collègue Aurélien Taché, il a pour objet de permettre aux associations luttant contre les discriminations fondées sur le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’exercer les droits reconnus à la partie civile dès lors que la circonstance aggravante du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité est retenue.
    En effet, le champ de l’article 2-6 du code de procédure pénale, limité actuellement aux discriminations et aux atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité de la personne et aux destructions, est trop restreint. Les associations luttant contre les discriminations fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ont un intérêt particulier à agir.
    Si possible, j’aimerais un avis argumenté sur cet amendement.

    M. Arthur Delaporte

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    C’est le minimum !

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Pour ma part, j’y serais plutôt favorable. Cependant, le sujet n’a donné lieu ni à une véritable analyse, ni à une étude d’impact sur les associations pouvant exercer les pouvoirs reconnus aux parties civiles. Vous avez eu l’honnêteté d’indiquer que l’amendement émane d’une association. Tous les collègues ne partagent pas cette bonne pratique que nous devrions tous adopter et qui consiste à donner la source de leurs amendements – n’est-ce pas, madame Untermaier ? Mon avis est plutôt favorable, mais je demande néanmoins le retrait de cet amendement : nous n’avons pas suffisamment travaillé le sujet.

    Mme Ségolène Amiot

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    C’est une blague ?

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est du Balanant : avis favorable et demande de retrait !

    M. le président

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    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur le rapporteur ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Oui, je voulais dire que ce n’est pas une blague. Nous avons fait un travail sérieux sur la base de nombreuses auditions. Or nous n’avons pas eu une seconde d’audition sur ce sujet précis. En tant que rapporteur, j’ai un avis personnel, mais je ne peux m’engager au nom de la commission.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Si nous adoptions cet amendement, dont je comprends l’objectif, cela allongerait considérablement la liste des infractions pour lesquelles ces associations peuvent se constituer partie civile, sans que l’on puisse en mesurer précisément l’étendue. Je propose de suivre l’avis du rapporteur.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cet avis n’est pas très clair !

    M. le président

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Cet amendement est proche de celui qui était proposé par notre collègue Gérard. Depuis un an, nombre de textes ont été adoptés sans avoir fait l’objet d’une étude d’impact – citons par exemple la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies. Il est donc étonnant – et dommage – de vous entendre tirer prétexte de l’absence d’étude d’impact pour demander le retrait de cet amendement.
    Prenons un exemple précis. Si une personne est à la une de Têtu, elle peut se porter partie civile en cas de dégradation d’une affiche de ce magazine. En revanche, le magazine ne peut pas le faire. Ne marche-t-on pas sur la tête quand on empêche les associations et journaux LGBTI de se porter partie civile ? À l’heure où le rapport de SOS homophobie montre une augmentation de la violence homophobe dans ce pays, est-ce une bonne idée ? Je vous pose la question, chers collègues. Pour ma part, je pense qu’il n’y a pas besoin d’une autre étude d’impact que celle de SOS homophobie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 1456 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 601.

    Mme Sandra Regol

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    Dans la droite ligne de celui de ma collègue Cécile Untermaier, cet amendement revient sur la question des agréments – j’ai un peu de mal à comprendre pourquoi un autre sujet s’est intercalé dans le débat, mais peu importe.
    Ce sont des amendements de réaction, rédigés sous le coup de l’émotion, avez-vous dit, monsieur le ministre délégué. C’est tout sauf cela. Nous constatons l’existence d’une anomalie qui pose problème. Il  s’agit non pas de porter une accusation dans un cas particulier, mais de faire un constat : tout le monde s’aperçoit que la procédure de délivrance d’agrément place le Gouvernement dans une position délicate et les associations dans l’incapacité d’agir, ce qui prive la démocratie d’un moyen d’action.
    Nous formulons, avec cette série d’amendements, deux propositions, dont la plus importante consiste à faire en sorte que les associations de lutte contre la corruption bénéficient du même régime que les autres associations. L’idée n’est pas de ne rien faire, bien au contraire, puisque des vérifications régulières sont effectuées et que les associations doivent respecter certaines conditions et être déclarées.
    Je rappelle que d’autres associations ont le droit d’ester en justice, pour d’autres motifs. Pourquoi les associations de lutte contre la corruption seraient-elles les seules à devoir obtenir un agrément supplémentaire ? Nous considérons toutes et tous, dans cet hémicycle, que la lutte contre la corruption est essentielle et que nous devons nous doter pour cela de moyens suffisants. En outre, ces associations ne porteront pas plainte pour corruption tous les jours. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette anomalie, cette incongruité même, qui place tout le monde dans l’embarras. Il ne s’agit pas, monsieur le ministre délégué, de réagir face à une émotion mais de faire en sorte que le droit progresse.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Les sujets de la lutte contre la corruption et de la transparence me tiennent particulièrement à cœur, Mme Untermaier pourra le confirmer. Toutefois, votre amendement, comme les précédents, n’a pas été examiné par la commission et ces questions n’ont pas été abordées au cours de nos auditions.

    M. Xavier Breton

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    Il est possible de déposer des amendements en séance !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Ensuite, un travail approfondi a été conduit, sous la précédente législature, par Mme Cécile Untermaier et notre ancien collègue M. Bruno Questel, sur la capacité des associations à agir en justice, travail qui a abouti à des conclusions divergentes. Cela prouve bien que la décision n’est pas simple à prendre et exige une vraie réflexion. Pourquoi ? Je suis attaché à ce que les associations qui traitent de la corruption conservent un droit à agir. Toutefois, ces agréments ne sont pas anodins. Des associations peuvent se constituer sans que l’on connaisse précisément les fonds dont elles disposent ni qui les finance – je suis sûr que Mme Untermaier entendra cet argument. Et nous leur donnerions la possibilité de se porter partie civile dans un procès concernant telle ou telle personne ? Ce n’est pas transparent et cela pose un vrai problème. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Vous proposez de supprimer la nécessité d’un agrément pour que les associations de lutte contre la corruption puissent exercer les droits reconnus à la partie civile. Nous émettons un avis défavorable à votre amendement, pour plusieurs raisons. D’abord, comme je l’ai évoqué à propos de l’amendement précédent, la réforme de 2013 avait pour souci d’éviter tout abus de plainte avec constitution de partie civile ainsi que le contentieux judiciaire qui en aurait découlé et qui aurait été de nature à allonger la durée des informations judiciaires.
    Ensuite, le législateur a posé des conditions impératives pour qu’une association se constitue partie civile : elle doit être déclarée depuis au moins cinq ans, proposer dans ses statuts de lutter contre la corruption et être agréée. La nécessité d’un agrément est également requise pour d’autres catégories d’associations souhaitant exercer les droits conférés à la partie civile. Le garde des sceaux est bien le mieux placé pour apprécier qui doit accéder au prétoire du juge judiciaire. Il est d’ailleurs la seule autorité habilitée à délivrer des agréments aux associations, cette délivrance étant placée sous le contrôle du juge administratif.
    Enfin, j’entends que certains d’entre vous souhaitent renforcer le contrôle, tandis que d’autres veulent l’alléger : c’est la fameuse divergence des points de vue. L’état actuel du droit offre donc un juste compromis entre les différents objectifs poursuivis. Même si la décision récente concernant l’agrément de l’association Anticor a causé l’émoi, force est de constater que les droits de tous ont été respectés. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Je suis étonnée par les arguments que vous avancez l’un et l’autre. Vous soulignez, monsieur le rapporteur, que cet amendement n’a pas été examiné en commission : c’est habituel, puisque c’est le cas de la moitié des amendements dont nous débattons en séance.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    C’est bien pour cela qu’ils sont rejetés !

    Mme Sandra Regol

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    Certains sont déposés en commission, d’autres uniquement en séance. Cessez, par conséquent, de mettre en avant cet argument qui n’en est pas un. C’est précisément le travail en commission qui nous a conduits à réfléchir à d’autres solutions – comme quoi cela sert à quelque chose !
    Vous expliquez ensuite qu’il faudrait disposer de davantage de temps pour travailler de manière approfondie sur ce sujet et vous citez la mission flash réalisée par nos collègues Cécile Untermaier et Bruno Questel. Le temps de la réflexion a donc déjà été pris ! Cessez donc de nous prendre pour des nouveau-nés qui ne connaîtraient ni le droit, ni le fonctionnement de cette assemblée, ni ce qui se passe dans le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est un peu désagréable, pardonnez du peu !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Parlez-nous, du haut de votre grande expérience !

    Mme Sandra Regol

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    Enfin, vous rappelez, monsieur le rapporteur, qu’on ne sait pas toujours quels fonds abondent ces associations. Nous n’allons pas ressortir les faits de l’actualité récente…

    M. Ugo Bernalicis

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    Si, si !

    Mme Sandra Regol

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    …concernant la manière dont sont alloués certains fonds qui vont n’importe où.

    M. Philippe Gosselin

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    Demandez à Marlène Schiappa comment on gère les fonds !

    Mme Sandra Regol

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    En fait, cela concerne tous les types d’association, y compris lorsque les fonds sont alloués directement par le Gouvernement. Plutôt que de réfléchir à cette question, nous devons nous demander pourquoi les associations de lutte contre la corruption sont les seules à devoir bénéficier d’un agrément du ministre. Il n’y a pas, de leur part, de saisine abusive. Nous devons au contraire avancer sur ces questions : si vous ne voulez pas supprimer l’agrément, ce que je peux entendre, acceptez au moins les amendements suivants, qui proposent un cadre plus adapté, plus respectueux, et qui reprennent les recommandations de la mission flash de nos collègues. Je peux comprendre que vous soyez gênés par la suppression de l’agrément, mais il n’est pas possible de repousser sine die toute modification. (M. Antoine Léaument applaudit.)

    (L’amendement no 601 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements, nos 1332, 340, 588 et 958, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 588 et 958 sont identiques.
    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1332.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Actuellement, qui accorde des agréments aux associations souhaitant se porter partie civile ? C’est le ministre de la justice, qui peut se déporter au profit de la Première ministre. Nous avons auditionné en commission des lois, la semaine dernière, le président de la HATVP, M. Didier Migaud, à qui nous avons posé cette question : il n’était pas défavorable, même s’il l’a renvoyée au cadre législatif, à ce que la HATVP délivre ces agréments.
    Nous pourrions également citer François Molins, qui s’est exprimé publiquement sur ce sujet et préconise qu’ils soient du ressort de la HATVP. Le débat ne se réduit pas au cas de l’association Anticor. C’est une question de séparation des pouvoirs. Tout le monde reconnaît que ces associations jouent un rôle complémentaire de celui du parquet et que leur vigilance est nécessaire sur certains sujets, tels que celui de la corruption. Il serait donc normal qu’une autorité administrative indépendante délivre les agréments, et non pas le garde des sceaux.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 340.

    Mme Cécile Untermaier

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    Nous demandons que l’agrément soit délivré par la HATVP. En effet, la mission que nous avons menée avec Bruno Questel et les nombreuses auditions que nous avons réalisées nous ont permis de conclure à l’utilité d’un tel dispositif. Il n’est pas né avec l’affaire de l’association Anticor. Les associations de lutte contre la corruption, qui sont au nombre de trois ou quatre, souffrent de la façon dont la Chancellerie gère leur agrément et son renouvellement. L’association Sherpa, par exemple, a dû attendre dix-huit mois le renouvellement de son agrément, alors même qu’elle avait une action en justice et que cela aurait pu la placer dans une situation difficile.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est pourquoi nous avons considéré – et ce n’est pas faire injure au Gouvernement – qu’il fallait leur faciliter la vie en permettant à la HATVP de délivrer l’agrément, après avis du ministre de la justice, puisque cet avis est bien sûr important.
    J’ajoute que lors de nos auditions, nous avons constaté combien les associations de lutte contre la corruption étaient utiles à l’œuvre de justice. Je n’ai pas rencontré un seul procureur qui nous dise qu’il n’en voulait pas. (M. Arthur Delaporte applaudit.) Ils étaient au contraire intéressés par la présence de ces associations qui mènent des luttes qu’eux-mêmes ne peuvent pas toujours assumer et qui apportent une connaissance essentielle sur le sujet. Toutefois, s’agissant des associations de lutte contre la corruption, nous nous trouvons face à un conflit d’intérêts. C’est le cas de l’affaire Anticor : il y a un conflit d’intérêts manifeste avec le Gouvernement, au point que le ministre de la justice doit se déporter au profit de la Première ministre. Toutefois, le lien entre le Premier ministre et le garde des sceaux est suffisamment patent pour ne pas effacer ledit conflit d’intérêts.

    M. Boris Vallaud

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    Elle a raison !

    Mme Cécile Untermaier

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    Je crois donc que nous devons poursuivre dans la voie que nous vous proposons. Peut-être est-ce trop tôt ? Je sais que nos rapporteurs sont en mesure de nous entendre sur ce point et nous répondrons présents pour travailler de manière plus approfondie sur cette question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. Hervé Saulignac

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    Excellente démonstration !

    M. le président

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    L’amendement no 588 de M. Paul Molac est défendu.
    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 958.

    Mme Elsa Faucillon

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    Tous les collègues qui ont présenté ces amendements ont rappelé combien les associations de lutte contre la corruption font œuvre utile au sein de la société. D’ailleurs, le législateur avait affirmé, dans la loi de 2013, à quel point leur rôle était important et combien il était nécessaire de stabiliser leurs actions en justice. Dix ans après, on constate que cet objectif est mis en difficulté et qu’il convient d’apporter une nouvelle stabilité et de mieux réguler leurs actions.
    Vous l’avez rappelé, des collègues ont travaillé sur le sujet et abouti à des positions contradictoires. Certes, mais vous aurez noté que dans cette assemblée, nous ne sommes pas tous les jours d’accord…

    M. Philippe Gosselin

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    Cela ne nous a pas échappé !

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est vrai que c’est rare !

    Mme Elsa Faucillon

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    En tout cas, ils nous ont fourni des éléments nous permettant de dresser un constat et d’opérer des choix. Avec cet amendement, nous formulons la proposition la moins-disante, si je puis dire, puisque nous conservons l’agrément délivré par le garde des sceaux, dans une procédure soumise à un avis public de la HATVP, et pour un délai de cinq ans. Cela nous semble constituer une bonne base de modification pour commencer à stabiliser les actions des associations, quitte à ce que le législateur y revienne par la suite.
    Après l’affaire Anticor, qui n’est qu’un révélateur, envoyons le signal que nous, législateurs et personnalités politiques, jugeons importante la lutte anticorruption menée par les associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je partage votre préoccupation vis-à-vis des associations qui aident la justice sur les questions de corruption.

    M. Jean-François Coulomme

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    Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Permettez-moi de revenir sur les propos très sages de Mme Untermaier : nous disposons de pistes de réflexion, mais celles-ci ne sont peut-être pas complètement mûres ni abouties. C’est pourquoi je vous propose de poursuivre notre travail sur le sujet. Car prendre cette décision sans disposer d’une étude d’impact (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC),…

    M. Arthur Delaporte

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    Cela ne peut pas être un argument !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    …à partir d’amendements un peu bancals, serait un très mauvais choix. Avis défavorable.

    M. Ugo Bernalicis

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    Et tous les articles ajoutés en commission ?

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    En complément des propos du rapporteur Balanant, j’ajouterai que je ne suis pas tout à fait d’accord avec les arguments de notre collègue Untermaier. J’ai même un peu de mal à entendre, dans la défense de l’amendement, qu’il y aurait un possible conflit d’intérêts pour le garde des sceaux à délivrer cet agrément : je ne partage pas du tout votre avis sur ce point. Des possibilités de déport existent. Par ailleurs, il y a un deuxième cliquet intéressant : en cas de refus de la part du garde des sceaux d’accorder l’agrément, il est possible de faire appel devant les juridictions administratives. On a donc, en premier lieu, la délivrance de l’agrément par le garde des sceaux et, en cas de refus, la possibilité pour l’association qui contesterait celui-ci de saisir le juge administratif, qui peut éventuellement infirmer la décision. L’ensemble de ces garanties nous permettent d’affirmer que le dispositif actuel fonctionne.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Ces associations de lutte contre la corruption font œuvre utile, je vous rejoins sur ce point. Toutefois, nous pensons, pour notre part, que la procédure d’agrément dans ses modalités actuelles repose sur un bon équilibre entre deux exigences : ménager l’accès au recours et s’assurer qu’il soit donné à des structures rigoureuses. Dans ce cadre, deux autres associations jouant pleinement leur rôle en matière de lutte contre la corruption ont été agréées : Transparency International France et Sherpa.

    Mme Elsa Faucillon

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    Elles demandent cet amendement !

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    En outre, comme l’a déjà indiqué le Gouvernement, la nouvelle demande d’agrément déposée par Anticor sera examinée de manière rigoureuse et dans les meilleurs délais par les services compétents.

    Mme Cécile Untermaier

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    Bon courage !

    M. Ugo Bernalicis

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    On y croit ! La dernière fois, vous l’avez fait dans les meilleurs délais et sans manœuvres dilatoires !

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    S’agissant de l’autorité compétente, je tiens à préciser qu’aucune autorité administrative indépendante ne délivre d’agrément pour permettre aux associations de se constituer parties civiles. Le ministre de la justice est l’autorité désignée pour l’ensemble des régimes d’agrément des associations.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pourquoi ?

    M. Franck Riester, ministre délégué

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    Les missions de la HATVP, pour importantes qu’elles soient, sont d’une tout autre nature. Je rappelle que la procédure d’agrément est bien soumise au contrôle de la justice administrative, comme l’illustre l’affaire qui motive ces amendements.
    S’agissant de la durée de l’agrément, la fixation de la durée des procédures et des décisions administratives peut certes toujours être sujette à débat. Toutefois, la durée actuelle de trois ans permet de concilier le besoin des associations de disposer de suffisamment de stabilité pour intervenir de manière pertinente et l’impératif d’un examen régulier destiné à s’assurer que les conditions requises sont toujours réunies.
    Pour ce qui est, enfin, de la nature du contentieux, je tiens à préciser que les pouvoirs dont dispose le juge administratif en matière d’excès de pouvoir ont été enrichis ces dernières années. Dans le cas d’Anticor, le juge administratif s’est interrogé sur l’éventualité de différer les effets de l’annulation et a conclu que ce ne serait pas opportun. Le cas particulier qui motive les amendements ne permet donc pas de pencher en faveur du changement proposé.
    Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Le problème est tout simplement que le garde des sceaux est le ministre de la justice.

    M. Jocelyn Dessigny

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    D’ailleurs, où est donc M. Dupond-Moretti ?

    Mme Élisa Martin

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    C’est à lui de décider quelles associations pourront se constituer parties civiles dans une procédure judiciaire. Là réside le conflit d’intérêts.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    La décision est prise sur des critères objectifs et elle est contrôlée par le juge administratif !

    Mme Élisa Martin

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    Cela va bien au-delà du cas d’Anticor qui a été mis en lumière par le récent retrait de son agrément. Nous ne vous demandons pas de régler ce problème particulier, même si ce serait, de la part du Gouvernement, faire preuve de transparence et d’honnêteté que d’apporter une solution rapide. Il s’agit d’établir un cadre général pour l’agrément des associations de lutte contre la corruption.
    L’octroi des agréments pourrait revenir à la HATVP. Dotée des moyens nécessaires, cette autorité administrative indépendante serait tout à fait à même de remplir ce rôle. D’ailleurs, il me semble que vous avez à un moment envisagé de lui rattacher l’Agence française anticorruption (AFA). Nous ne sommes pas si éloignés.
    Quelles conclusions ceux qui nous écoutent vont-ils tirer de nos échanges ? Qu’incontestablement, vous ne voulez pas regarder, en conscience, à quelles conditions les associations de lutte contre la corruption pourraient se porter parties civiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au règlement.

    M. Boris Vallaud

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    Fondé sur l’article 86, alinéa 7. Le droit d’amendement des parlementaires a déjà été suffisamment escamoté pour qu’on n’exige pas une étude d’impact pour les amendements. La question qui nous est posée est de savoir quelle procédure donne les meilleures garanties aux associations de lutte contre la corruption pour ester en justice en toute indépendance. Nous savons que, d’une certaine manière, la décision d’octroyer ou non l’agrément revenant au ministre de la justice, des conflits d’intérêts peuvent survenir. J’ai bien compris que dans ces cas-là, le Gouvernement proposait au ministre concerné de se déporter. J’ajoute que la nomination du procureur général pose également des difficultés que le Gouvernement a refusé de reconnaître.

    M. le président

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    Monsieur Vallaud, votre intervention sort du cadre du rappel au règlement.

    M. Boris Vallaud

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    Mais je peux faire un rappel au règlement sur le fondement d’un autre article, monsieur le président. (Sourires.)

    M. le président

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    Vous aurez l’occasion de prendre la parole sur bien d’autres sujets. Revenons aux amendements.

    Après l’article 3 B (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Ce sujet est trop sérieux pour que nous prenions des décisions dès maintenant – je vois d’ailleurs Mme Untermaier opiner du chef. Il appelle de la part de la représentation nationale une réflexion approfondie…

    M. Ugo Bernalicis

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    Pendant au moins cinq ans !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    …qui pourrait prendre la forme, pourquoi pas, d’une proposition de loi transpartisane faisant l’objet d’une étude d’impact ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est incroyable !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Car, monsieur Vallaud, une proposition de loi peut bel et bien être précédée d’une étude d’impact. Le Conseil d’État serait même susceptible de nous aider.
    Citons le cas de la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe ou de la proposition de loi visant à renforcer l’ordonnance de protection déposée par Mme Untermaier. Nous avons pu examiner ces textes sur la longueur alors qu’ils renvoient tous les deux à des sujets qui auraient pu être tranchés à l’occasion d’un simple débat d’amendements lors d’une séance de nuit.

    Mme Élisa Martin

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    Et bla bla bla, et bla bla bla…

    M. le président

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    Nous en arrivons au vote sur les amendements en discussion commune.
    Je mets aux voix l’amendement no 1332.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        123
            Nombre de suffrages exprimés                123
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                92

    (L’amendement no 1332 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix l’amendement no 340.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        124
            Nombre de suffrages exprimés                123
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                93

    (L’amendement no 340 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 588 et 958.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        117
            Nombre de suffrages exprimés                117
            Majorité absolue                        59
                    Pour l’adoption                30
                    Contre                87

    (Les amendements identiques nos 588 et 958 ne sont pas adoptés.)

    Article 3

    M. le président

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    Je vais suspendre brièvement la séance pour laisser le temps au garde des sceaux de reprendre place au banc du Gouvernement.

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au règlement.

    M. Boris Vallaud

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    Sur le fondement de l’article 80-1, alinéa 3, relatif aux conflits d’intérêts. Je voudrais simplement essayer de comprendre si le garde des sceaux a laissé sa place à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement parce qu’il considérait qu’il devait se déporter lors de la discussion des amendements portant article additionnel après l’article 3 B.

    Mme Blandine Brocard

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    Mais non !

    M. le président

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    L’article du règlement auquel vous faites référence ne concerne pas les membres du Gouvernement, mais les députés. Merci pour votre participation ! (Mme Blandine Brocard applaudit.)

    M. Philippe Gosselin

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    C’était bien tenté !

    Article 3 (suite)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck

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    L’article 3 comprend des mesures diverses. S’agissant de celles visant à harmoniser les procédures et les délais et à étendre les droits du témoin assisté, le groupe Rassemblement national n’a pas d’observation particulière à formuler. Il apportera son soutien à celles permettant de fluidifier l’enquête, notamment en introduisant la possibilité d’utiliser la visioconférence pour faire appel à un interprète ou pour effectuer, de façon encadrée, un examen médical lors de la garde à vue.
    Il est indispensable de doter les enquêteurs de moyens renforcés lorsqu’il s’agit de combattre le crime et la délinquance organisés. En toute logique, ils doivent disposer de moyens d’enquête modernes afin d’être au même niveau technologique que les criminels – tel est le cas de la géolocalisation ou de l’activation à distance d’un appareil électronique. Les atteintes aux libertés individuelles en résultant sont bien entendu compatibles avec la volonté de protéger les personnes et de lutter contre les atteintes graves à l’ordre public que la loi promeut. Le domicile d’un violeur n’est pas inviolable, même la nuit. Il n’est pas choquant que les forces de l’ordre puissent se connecter au portable de celui qui enlève un enfant. Il n’est pas liberticide de géolocaliser le véhicule de celui qui s’apprête à tuer.
    Votre volonté de rendre la détention provisoire de plus en plus exceptionnelle et de généraliser l’assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse) appelle des réserves de notre part. Nous payons cher le manque de places de prison et la lenteur de mise en œuvre du plan de création de 15 000 places. Nous craignons que la prise en compte du trouble à l’ordre public et des risques de pression sur les témoins et les victimes, particulièrement élevés en matière de délinquance organisée, s’efface devant une approche comptable de la gestion pénitentiaire et l’instauration de fait d’un numerus clausus pour les détenus.
    Cela dit, notre groupe votera en faveur de l’article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Cet article 3 contient bien des dispositions liberticides, mais celle qui attire le plus l’attention est celle qui ouvre la possibilité d’activer à distance des appareils électroniques, les micros ou les caméras des téléphones, et de géolocaliser une personne. Nous venons d’apprendre que le RN était favorable à cet article qui nous conduit à une société totalitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous défendez toujours les criminels ! Il vous arrive de penser aux victimes ?

    M. Antoine Léaument

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    Selon l’Observatoire des libertés et du numérique, « si ce texte était définitivement adopté, cela démultiplierait dangereusement les possibilités d’intrusion policière, en transformant tous nos outils informatiques en potentiels espions » ; « au regard de la place croissante des outils numériques dans nos vies, accepter le principe même qu’ils soient transformés en auxiliaires de police sans que l’on ne soit au courant pose un problème grave dans nos sociétés. Il s’agit d’un pas de plus vers une dérive totalitaire ».
    Souvent, collègues, je fais référence à 1984 en vous disant que nous nous dirigeons vers la société que ce roman dépeint. Je veux vous en convaincre en en citant un extrait : « Le télécran recevait et transmettait simultanément. Il captait tous les sons émis par Winston au-dessus d’un chuchotement très bas. De plus, tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu. »
    Collègues macronistes, vous êtes des libéraux, or les libéraux défendent habituellement les libertés publiques. Mais vous nous conduisez vers la société décrite dans 1984, je viens de vous en faire la démonstration avec cette citation.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Et quelles étaient les méthodes utilisées de l’autre côté du Mur ?

    M. Antoine Léaument

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    Vous êtes sur une pente très dangereuse. Pensez au fait que les outils que vous autorisez pourraient un jour être utilisés par d’autres que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    S’agissant des techniques spéciales d’enquête, cet article 3 franchit de nouvelles limites en matière d’intrusion. Les critères pour y recourir, même resserrés par le Sénat, sont à notre sens trop vagues. La seule présence du juge des libertés et de la détention (JLD) ne saurait constituer une garantie : en réalité, il est seul et ne peut s’organiser pour faire obstacle au parquet ; nous savons tous qu’il est dans la main de celui-ci.
    Pour ma part, j’ai voté d’autres lois, notamment dans le cadre de l’état d’urgence, et je ne suis pas a priori hostile au fait de donner des moyens équilibrés aux services enquêteurs. Mais aujourd’hui, nous nous posons les questions suivantes : quels bénéfices les modifications précédentes ont-elles apportés ? Quel est le bilan de ces dérogations successives, notamment dans le domaine des perquisitions ? Nous n’en savons rien. Nous ne savons pas combien de perquisitions ont été effectuées sous ce régime facilité. Où est l’étude d’impact dont vous parliez tout à l’heure ? Nous estimons que les dispositions actuelles sont suffisantes et que c’est plutôt le faible nombre d’enquêteurs de police judiciaire qui est inquiétant, comme nous l’avons dit lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
    Le recours à des moyens spéciaux d’enquête n’est-il pas rendu possible, faute de combattants ? S’il n’y a plus d’enquêteurs, qui surveillera l’emploi de ces techniques d’investigation intrusives ? On nous dit que des services tels que la DGSE – direction générale de la sécurité extérieure – y ont déjà recours, mais nous savons combien cet usage est contesté. Soyons donc prudents avec cette transposition.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    M. le président

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    Sur les amendements no 490 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 828 de M. Erwan Balanant, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 828, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 490, 882, 924 et 1313.
    La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 490.

    M. Stéphane Lenormand

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    Nous proposons de supprimer, avec les alinéas 3 à 5, la possibilité d’effectuer des perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête relative à un crime contre les personnes. Cette généralisation des perquisitions de nuit est disproportionnée face au but recherché. Pour rappel, des perquisitions peuvent déjà être effectuées entre 21 heures et 6 heures lorsqu’il s’agit d’infractions d’une particulière gravité – terrorisme, criminalité organisée. Les dispositions actuelles sont suffisantes ; adopter cet article reviendrait à accepter une nouvelle dérogation excessive à l’article 59 du code de procédure pénale.

    M. le président

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 882.

    Mme Andrée Taurinya

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    Nous entrons dans le vif du sujet ; mon collègue Léaument parlait de dérive totalitaire, nous y sommes ! Le champ des perquisitions de nuit a été étendu aux infractions relevant du terrorisme, aux crimes et délits en bande organisée, dans le cadre de l’enquête de flagrance, puis dans celui de l’enquête préliminaire. Cette nouvelle extension fera reculer encore le principe d’inviolabilité du domicile. Par ailleurs, elle n’est pas entourée de garanties suffisantes dans la mesure où les JLD, qui autorisent les perquisitions de nuit, sont en trop faible nombre. Cela nous inquiète fortement et nous amène à défendre la suppression des alinéas 3 à 5. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-Pierre Taite

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    Défendez donc les victimes !

    M. le président

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 924.

    Mme Emeline K/Bidi

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    L’inviolabilité du domicile est un principe fondamental, consacré par la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme. Si on décide d’y déroger, il faut le faire avec parcimonie et mesure, en s’efforçant que cela demeure l’exception. Lorsqu’en 2016, la loi a évolué pour inclure les infractions en matière de terrorisme dans le champ des perquisitions de nuit, les observateurs parlaient déjà d’un petit séisme dans le monde de la procédure pénale. Je constate une dérive.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Ce week-end, il n’y a pas eu de dérives du tout !

    Mme Emeline K/Bidi

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    On passe de crimes au caractère exorbitant à des crimes de droit commun ; il n’y a plus de limites, l’exception devient la norme. S’il devient possible de le violer de manière permanente, un principe fondamental n’en est plus un. C’est parce que nous sommes attachés aux droits fondamentaux que nous demandons la suppression de ces alinéas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1313.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Le groupe Écologiste s’oppose à l’extension des perquisitions nocturnes domiciliaires, qui ne repose sur aucune justification et n’est pas entourée de garde-fous. Si nous sommes opposés par principe à ce texte, c’est parce qu’il généralise des techniques d’investigation particulièrement intrusives en les étendant à des crimes de droit commun, dont nous contestons non pas la gravité mais l’absence de complexité. Or, comme l’a indiqué à plusieurs reprises le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision du 21 mars 2019, seule une infraction présentant un caractère de particulière gravité et de complexité est de nature à justifier le recours à de telles techniques. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
    C’est la raison pour laquelle le Conseil a censuré les dispositions de la dernière loi de programmation et de réforme pour la justice généralisant le recours aux techniques spéciales d’enquête pour « tout crime » et exigé leur cantonnement aux seules infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.
    Ce mouvement de banalisation des pouvoirs intrusifs d’enquête est d’autant plus problématique qu’il ne s’accompagne pas de la garantie que constitue le contrôle par le juge du caractère nécessaire et proportionné des mesures. En effet, le JLD ne dispose pas des moyens pour effectuer ce contrôle. Tant qu’une réflexion globale sur la place et le rôle du JLD dans la procédure pénale ne sera pas conduite, notre groupe ne tolérera aucune extension des pouvoirs d’enquête de la police judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Vos préoccupations sont légitimes, mais j’aimerais rappeler l’état du droit. Vous le savez, les perquisitions de nuit sont interdites, sauf exceptions, soumises à l’autorisation du JLD.
    Je vous rappelle les infractions concernées : meurtre commis en bande organisée ou en concours avec un ou plusieurs autres meurtres ; torture et actes de barbarie commis en bande organisée ; viols commis en concours avec un ou plusieurs autres viols sur d’autres victimes ; crime aggravé d’extorsion ; crimes en matière de fausse monnaie ; actes de terrorisme ; escroquerie commise en bande organisée, etc. Vous le voyez, c’est du lourd !
    Que fait le texte ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Allez-y, passez aux aveux !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Il ajoute à cette liste les crimes suivants : génocide et autres crimes contre l’humanité ; eugénisme et clonage reproductif ; meurtre ; meurtres en série ou lié à une infraction ; assassinat ; meurtre aggravé ; empoisonnement ; disparition forcée ; torture et actes de barbarie ; torture et actes de barbarie liés à un crime ; torture et actes de barbarie aggravés ; violences entraînant la mort ; violences aggravées entraînant la mort… Un seul de ces ajouts vous choque-t-il ?
    Est-ce bien la peine de poursuivre ? Je lis encore : viol ; viol aggravé ; délaissement criminel d’une personne hors d’état de se protéger ; réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage ; enlèvement et séquestration ; détournement de moyens de transport ; délaissement aggravé de mineur ; mise en péril d’un mineur entraînant la mort.

    Mme Elsa Faucillon

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    Et donc ? C’est démagogique !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Non, ce n’est pas démagogique. La réalité, c’est qu’aujourd’hui, la police peut perquisitionner pour un trafic de stupéfiants, mais pas pour des actes de torture ! Ne trouvez-vous pas cela choquant ? Nous faisons de la bonne législation quand nous permettons, sous le contrôle du juge, les perquisitions de nuit dans le cadre d’une enquête relative aux crimes contre les personnes.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’heure est grave, puisqu’il a été dit que nous basculions dans le totalitarisme – rien que ça.

    Mme Élisa Martin

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    Ce n’est pas la première fois !

    Mme Andrée Taurinya

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    La Lopmi, c’était déjà grave !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Et les victimes, ça vous arrive d’y penser ?

    M. le président

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    Seul le garde des sceaux a la parole.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Et les victimes !

    M. le président

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    Stop !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mesdames et messieurs les députés, la détention d’un bien archéologique, délit puni de sept années d’emprisonnement, peut entraîner une introduction dans un domicile la nuit. Et vous voudriez que la police ne puisse pas intervenir dans les mêmes conditions pour un meurtre ou un assassinat ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Présentation à peine démagogique…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Souffrez d’entendre ma réponse ! Même si vous êtes de grands démocrates et que nous sommes des totalitaires (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), écoutez au moins ce que j’ai à vous dire !

    M. Antoine Léaument

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    Excellent ! Mesuré !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Remettons les choses en perspective. Ces perquisitions de nuit ne peuvent se dérouler que dans le cadre d’une enquête de flagrance, relative à un ou plusieurs crimes contre les personnes. La réalisation d’une perquisition de nuit doit être nécessaire pour prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique.
    Prenons un exemple, hélas courant : un homme tue sa compagne ; ses enfants sont dans le domicile. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous n’intervenez pas, vous ?

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mais si !

    M. Yannick Monnet

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    Ce n’est pas une perquisition, ça !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Moi, si, je vous le dis tout net ! Et tous les gens de bon sens ici interviennent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La France incendiaire…

    M. Ugo Bernalicis

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    Allez, reprenez le vocabulaire du RN ! Il est beau, le barrage !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Outre la prévention, les deux autres motifs qui justifient une perquisition de nuit sont la conservation – lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices – et l’interpellation – pour interpeller l’auteur du crime qui vient d’être commis.
    Aujourd’hui, on peut entrer chez vous la nuit si vous détenez une poterie grecque, pas si vous êtes suspecté, dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’avoir tué quelqu’un. Que fait-on dans ce cas ? On demande à deux policiers ou à deux gendarmes de faire le planton devant la porte, au cas où vous sortiriez à 4 heures du matin. Pensez-vous vraiment que leur temps soit utilement employé ?
    Il s’agit de dispositions de bon sens, qui n’ont rien de totalitaire. Nous voulons rendre cohérent le droit positif, dont je rappelle qu’il permet déjà les perquisitions de nuit en cas d’escroquerie en bande organisée. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Gardez vos grands mots. « Mal nommer les choses, c’est aggraver les malheurs du monde », a dit Camus, et il avait raison ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Yannick Monnet

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    Justement !

    M. le président

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Quand on emploie à notre égard des mots comme « France incendiaire », la question est de savoir si c’est de l’ordre de l’insulte. Je le pense. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Monsieur le garde des sceaux, je vous demande d’être correct – c’est un minimum !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Et vous, soyez correcte envers les policiers et les gendarmes !

    M. le président

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    Chers collègues, seule Mme Martin a la parole.

    Mme Élisa Martin

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    Le rapporteur dit vouloir nous « rassurer ». Cela fait partie d’un champ lexical qui n’a pas lieu d’être : nous sommes là pour échanger de la façon la plus rationnelle qui soit.
    Vous expliquez que ces perquisitions doivent se dérouler sous le contrôle du juge – c’est une évidence. Ce qui nous préoccupe, c’est le glissement. Les perquisitions de nuit, autorisées dans le cadre d’une enquête relative à des actes de terrorisme, avec un vrai caractère d’urgence, pourront être étendues aux enquêtes relatives à des atteintes aux biens et aux personnes – infractions dont vous avez dressé, de façon un peu démagogique, la liste non exhaustive. Il s’agit bien de crimes, mais qui n’ont pas à être ainsi agités.
    Par ailleurs, nous devons respecter les principes de l’État de droit, ce qui implique de préserver le droit à la vie privée. Nous devons le mettre en balance avec les besoins de l’enquête, comme le rappellent d’ailleurs de nombreux magistrats qui commentent ce projet de loi. La balance est d’ailleurs le symbole de la justice : il faut trouver l’équilibre entre le respect des droits – dont le droit fondamental à la vie privée – et la nécessité d’établir la vérité. À notre sens, la mesure que vous proposez est disproportionnée plutôt qu’équilibrée.
    Enfin, je vous demande à nouveau de cesser de nous insulter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou

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    Nous nous opposerons à ces amendements de suppression des alinéas 3 à 5. M. Léaument interpellait tout à l’heure les libéraux ; étant très cultivé, il sait que le libéralisme est fondé entre autres sur la responsabilité individuelle qui exige de se conformer à la loi. La société totalitaire qu’il dénonce n’est-elle pas plutôt celle des délinquants et des criminels, qui se montrent de plus en plus inventifs et astucieux pour contourner la loi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et LR.)

    M. Maxime Minot

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