XVIe législature
Session extraordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du mercredi 05 juillet 2023

partager
Deuxième séance du mercredi 05 juillet 2023

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente

Mme la présidente

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    (La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)

    1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

  • partager

    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 307 portant article additionnel après l’article 3.
    Je rappelle que des scrutins publics ont été demandés sur les amendements nos 307, 895, 972 rectifié, 987 rectifié et 962.
    Les scrutins sont de nouveau annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Après l’article 3 (suite)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 307.

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    J’avais déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – je reviens à la charge. J’espère que celui-ci sera adopté, car je me suis rendu compte que beaucoup de femmes n’arrivent pas à déposer plainte : souvent, on leur propose à la place de déposer une main courante. Je ne suis pas seule à le dire : le numéro de janvier de la revue juridique AJ famille (L’oratrice montre un document), largement consacré aux violences conjugales, précise qu’on connaît des difficultés liées à la pratique des mains courantes, interdite pourtant depuis une circulaire du 24 novembre.
    Certes, l’article 15-3 du code de procédure pénale prévoit que les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale. Mais je suis pragmatique, et mon amendement vise à aider les femmes à déposer plainte plus facilement dans la pratique. Dieu sait combien j’ai reçu de femmes dans mon cabinet, qui revenaient après avoir échoué à déposer plainte ; je leur conseillais de retourner au commissariat avec une copie de l’article 15-3, mais en vain : elles ne parvenaient à déposer qu’une main courante.
    Je propose donc de modifier la rédaction de l’article 15-3 du code de procédure pénale, en ajoutant notamment « quand bien même [les victimes] ne justifieraient pas au moment où elles déposent plainte, de preuves de leurs allégations ». En effet, on leur oppose souvent ce motif.

    Mme la présidente

  • partager

    Merci, chère collègue.

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Puisqu’il faut conclure, je vous invite à voter cet amendement, qui vise notamment à expliciter qu’on ne peut proposer à la personne de déposer une main courante à la place d’une plainte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Votre amendement part d’un bon sentiment mais il comporte des effets de bord particulièrement gênants. Beaucoup a été accompli pour que les personnes qui viennent déposer plainte soient écoutées et que leur plainte soit prise. Le garde des sceaux a publié des circulaires en ce sens. Vous avez cité les violences familiales : un travail a été accompli, et la formation des officiers de police judiciaire (OPJ) dans les gendarmeries est de plus en plus poussée. Nous progressons sensiblement.
    L’amendement no 895, que vous défendrez dans un instant, tend à rendre obligatoire la remise d’une copie du procès-verbal. Imaginez une femme qui vient porter plainte parce qu’elle a reçu des coups de son mari : que fera-t-elle de ce papier ? Va-t-elle le poser sur la table de la cuisine en rentrant chez elle ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Les femmes dans la cuisine ! Vous nous tendez la perche !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Elle peut évidemment le jeter à la poubelle en sortant du service, mais la mesure n’aurait alors aucun intérêt. Le code prévoit qu’elle peut le demander, ce qui est bien plus intéressant qu’une remise systématique. J’ai accompagné des femmes qui voulaient porter plainte et qui se trouvaient en difficulté : elles ont souvent très peur d’y aller – nous sommes d’accord –, et quand elles en ont eu le courage, souvent accompagnées par le représentant d’une association, elles ressortent généralement en rasant les murs, surtout quand elles sont seules. Les obliger à emporter la copie du procès-verbal pourrait se révéler dommageable. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

  • partager

    Interrompez-moi si je me trompe, madame Roullaud : vous voulez éviter toute perte d’efficacité lorsqu’une victime vient faire une déclaration aux officiers de police judiciaire – la plainte, oui ; la main courante, non. Interdire de proposer de déposer une main courante…

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Ce n’est pas tout à fait cela, mais je ne vais pas lire tout mon argumentaire, cela ferait perdre du temps !

    Mme la présidente

  • partager

    Madame Roullaud, seul le garde des sceaux a la parole.

    M. Emeric Salmon

  • partager

    C’est lui qui avait proposé qu’elle l’interrompe !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Commençons par un fait clair et simple : dans le code pénal, au contraire de la plainte, la main courante n’existe pas, même si on y fait fréquemment allusion dans le langage courant. Vous voulez imposer aux officiers et aux agents de police judiciaire (APJ) de recevoir la plainte d’une victime de violences conjugales, et leur interdire de lui proposer de déposer une main courante. Or, vous l’avez vous-même souligné, l’article 15-3 du code de procédure pénale prévoit déjà que « les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents ». La dernière précision est nouvelle.
    Lorsqu’elles déposent plainte, les victimes n’ont jamais à justifier leurs allégations par des preuves, et c’est heureux. Le travail probatoire appartiendra à l’enquête. La parole des victimes est libre, et rien ne vient normer le contenu de la plainte. Il arrive que des victimes se présentent avec des éléments de preuve, quand d’autres n’ont que leur parole.
    La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui m’est chère, a amélioré la prise en charge des victimes lors du dépôt de plainte. L’article 10-4 du code de procédure pénale précise ainsi : « À tous les stades de l’enquête, la victime peut, à sa demande, être accompagnée par son représentant légal et par la personne majeure de son choix, y compris par un avocat […] ».
    Dans ces conditions, vous comprendrez que j’émette un avis défavorable. Je le répète, la notion de main courante, qu’on utilise à tour de bras, n’existe pas dans le code de procédure pénale. Il n’est pas nécessaire de l’y faire figurer, d’autant que sa finalité n’est pas l’enquête – je tiens à le souligner. Je pense vous avoir donné une réponse complète.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    La portée du dispositif proposé est générale, même si nous avons bien compris qu’il vise plus particulièrement les femmes victimes de violences – renvoyées par M. le rapporteur à leur cuisine. Je reconnais que je ne suis pas sympa, monsieur le rapporteur, mais la perche était si longue que je ne pouvais pas ne pas l’attraper !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Vous dites n’importe quoi ! On en reparlera quand votre engagement en faveur des femmes sera à la hauteur du mien !

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Surtout, je ne peux que constater qu’aucune femme n’est au banc pour débattre des questions de justice (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), ce qui m’interpelle.
    Je m’étonne fort que le groupe Rassemblement national soutienne un tel amendement : j’avais cru comprendre que votre confiance dans l’institution policière et ses agents était absolue.
    Puisque nous parlons des droits des femmes, je rappelle que les associations qui les défendent attendent toujours que le Gouvernement leur accorde le fameux milliard nécessaire pour qu’elles puissent mener à bien leurs actions.

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Il a brûlé !

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Eu égard notamment au nombre de féminicides, qui ne diminue pas, ce soutien serait bienvenu. Je propose que nous leur fassions vraiment confiance, et que nous leur accordions le milliard qu’elles réclament. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Quel rapport ?

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Je comprends parfaitement l’objectif de Mme Roullaud. Vous dites, monsieur le garde des sceaux, que la main courante n’existe pas dans le code de procédure pénale, mais elle existe de facto dans les commissariats. De plus, elle a son utilité. J’ai parfois accompagné au commissariat des femmes qui voulaient porter plainte. Nous avons été très bien accueillies, néanmoins l’agent de police qui recevait la victime lui expliquait qu’elle avait le choix entre déposer une plainte ou une main courante – laquelle permet, si la victime n’est pas prête à porter plainte, de conserver une trace des accusations, pour le cas où d’autres faits se produiraient.
    Je rejoins toutefois Mme Roullaud pour souligner que la plainte formelle est utile pour sécuriser la victime. Il s’agit d’une étape importante, en particulier en cas de violences familiales.
    Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur : la victime est le plus souvent accompagnée d’un ami, d’un représentant d’une association ou d’un tiers de confiance.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Pas toujours !

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    N’étant pas complètement idiote, elle lui remettra la copie du procès-verbal et ne la déposera pas sur la table de la cuisine, où évidemment, son mari la trouverait immédiatement.

    Mme la présidente

  • partager

    Merci de conclure, madame Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

  • partager

    Je soutiens donc cet amendement : la plainte a son importance, et il serait bon que l’obligation d’enregistrer les plaintes figure noir sur blanc dans le texte.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Je partage votre préoccupation : il est légitime que la personne qui dépose plainte soit bien informée. En l’état du droit, elle peut demander une copie du procès-verbal, en plus du récépissé.
    Je peux en témoigner pour l’avoir pratiqué plusieurs fois : la plupart du temps, l’OPJ imprime et remet une copie du procès-verbal au plaignant. Toutefois, comme il peut être un problème pour certaines femmes de détenir ce document, il faut laisser la possibilité à la plaignante ou à ses accompagnants de le demander.
    Je voudrais maintenant répondre, calmement, à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    C’était une blague !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    C’est une blague que je n’apprécie guère, madame Martin. Vous n’étiez pas présente lors de la précédente législature.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Eh non !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Peut-être avez-vous déjà accompagné des femmes porter plainte ; je l’ignore. En tout état de cause, je n’ai pas de leçons à recevoir en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Vous n’êtes que des hommes sur les bancs des commissions et du Gouvernement !

    M. Laurent Croizier

  • partager

    Et alors ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Lors de la précédente législature, avec cinq autres députés, nous avons créé l’outrage sexiste ; durant toute cette période, j’ai œuvré à la lutte contre le harcèlement, qui est un véritable enjeu pour les droits des femmes ; j’ai défendu différentes causes dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La question de l’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur de mon engagement politique depuis toujours. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Ce n’est pas une leçon, ce sont des faits !

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 307.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        79
            Nombre de suffrages exprimés                79
            Majorité absolue                        40
                    Pour l’adoption                35
                    Contre                44

    (L’amendement no 307 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 895.

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Il vise tout simplement à supprimer, au début de la deuxième phrase du second alinéa de l’article 15-3 du code de procédure pénale, les mots « si elle en fait la demande », qui se rapportent à la copie du procès-verbal. Selon moi, celle-ci doit être remise automatiquement à la victime lors de son dépôt de plainte, et non uniquement si elle en fait la demande. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    J’ai exprimé, sur l’amendement no 307, un avis général valant pour vos cinq amendements, madame Roullaud. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 895.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        82
            Nombre de suffrages exprimés                82
            Majorité absolue                        42
                    Pour l’adoption                34
                    Contre                48

    (L’amendement no 895 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir les amendements nos 972 rectifié, 987 rectifié et 962, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Actuellement, on ne peut porter plainte qu’en se déplaçant dans un commissariat ou, pour certaines infractions – essentiellement le vol et les escroqueries –, en déposant une pré-plainte. Pour d’autres infractions, il est possible de porter plainte par voie électronique sur la plateforme Thesee – traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries.
    J’ai lu beaucoup de témoignages de personnes qui avaient peur de porter plainte, parce qu’elles craignaient d’être suivies par leur compagnon, par exemple. J’aimerais qu’il soit possible pour les victimes de déposer plainte sur internet, dans le cadre d’un système sécurisé, de la même façon qu’on peut effectuer sa déclaration de revenus en ligne. L’amendement no 972 rectifié a en quelque sorte un objet d’appel : il vise à ouvrir la plateforme Thesee, pour l’instant réservée aux arnaques en ligne, à toute infraction pénale.
    L’amendement no 987 rectifié est pour sa part un amendement de repli, qui vise à ouvrir cette plateforme aux seules plaintes pour violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Votre préoccupation est intéressante, madame Roullaud. Vous l’avez dit, les couples se trouvent parfois dans des situations compliquées ; si la femme est sous emprise, il peut lui être difficile de se rendre dans un commissariat, et il serait plus simple pour elle de porter plainte en ligne. Plusieurs dispositifs, lancés pendant la précédente législature, facilitent déjà la démarche : les pré-plaintes et, surtout, la possibilité de prendre rendez-vous pour déposer plainte dans un commissariat. Cette possibilité est particulièrement importante, parce que dans les cas de violences intrafamiliales – d’agression ou de viol, par exemple –, il peut être crucial qu’un OPJ se trouve aussi rapidement que possible auprès de la victime pour recueillir des preuves. Lors de la précédente législature, nous avons même permis aux OPJ de se déplacer à l’hôpital où se trouve la victime.
    Nous avons donc créé différents dispositifs permettant d’accompagner les femmes. Elles peuvent notamment prendre rendez-vous dans un commissariat, à un horaire où elles auront suffisamment de temps, afin d’être écoutées par un OPJ. Des postes d’OPJ ont d’ailleurs été créés dans de nombreux commissariats et gendarmeries – dans celle de Quimperlé, dans ma circonscription, une équipe extraordinaire accueille les femmes. J’émets donc un avis défavorable sur vos amendements, même si je reconnais que votre préoccupation est intéressante et que nous devons continuer à réfléchir sur ce sujet.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame Roullaud, ce que vous souhaitez est déjà possible : l’article 15-3-1-1 du code de procédure pénale – la numérotation sera peut-être plus commode lorsque ce code aura été simplifié à droit constant, mais ce n’est pas le sujet –, issu de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, créé ce qu’on appelle la visioplainte. Elle est en cours d’expérimentation dans les Yvelines, et les décrets d’application seront pris dans quelques jours.
    La visioplainte instaurera de façon pérenne le dispositif que vous appelez de vos vœux, puisqu’elle facilitera le dépôt de plainte d’une victime. Nous avons pris en considération les dangers que représente, pour une femme sous emprise surveillée par son mari, le fait d’aller déposer plainte. Dans les jours qui viennent, nous disposerons de la bonne solution, qui répond à votre préoccupation.
    Quant à la copie de la plainte, je suis favorable à ce qu’elle soit remise à la demande de la femme – ou de la victime, qui peut être un homme –, plutôt que de façon systématique. En effet, les affaires, le sac ou le téléphone de la victime risquent d’être fouillés – on le voit souvent. Les femmes en sont plus souvent victimes que les hommes, bien que ce soit parfois l’inverse : il faut leur laisser le choix de demander ou non la copie du procès-verbal.
    Ces amendements sont tout à fait fondés et intéressants, mais j’y suis défavorable, parce que le droit répond déjà à vos intentions, madame Roullaud.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Tout au long de l’examen de la Lopmi, nous nous sommes érigés contre les visioplaintes, la téléconsultation et le recours à des interprètes par visioconférence : nous sommes opposés à un monde orwellien et à tous les dispositifs de dématérialisation. C’est pourquoi nous voterons contre ces amendements.
    Je m’étonne de l’engouement soudain du Rassemblement national pour la défense des femmes, alors que les députés de ce groupe ne soutiennent jamais leur cause ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

  • partager

    C’est une attaque gratuite !

    M. Christophe Barthès

  • partager

    Eh ! Ça va, maintenant !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Nous l’avons encore constaté cet après-midi : les députés du Rassemblement national sont les seuls qui ont voté contre la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.

    M. Philippe Lottiaux

  • partager

    Faire preuve d’un féminisme stupide ne défend pas la cause des femmes !

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Vous vous êtes abstenus sur les amendements nos 307 et 895 !

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Vous ne proposez rien, alors que nous demandons non plus 1, mais 2 milliards d’euros pour défendre les femmes victimes – nous nous sommes alignés sur les demandes des associations. Vous n’êtes jamais à l’écoute des femmes (Exclamations sur les bancs du groupe RN), mais subitement, vous déposez un amendement, qui démontre par ailleurs que vous défendez un monde orwellien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Béatrice Roullaud.

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Je voudrais répondre à ma collègue d’en face, dont j’ai oublié le nom : nous déposons des amendements en faveur des femmes depuis longtemps. Je remarque aussi que les députés de l’autre côté de l’hémicycle n’ont pas voté pour les amendements nos 307 et 895. Mais je ne m’attarderai pas davantage sur la NUPES.

    Mme Andrée Taurinya

  • partager

    Et pour l’IVG, vous étiez où ?

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Monsieur le ministre, sauf le respect que je vous dois, les nouvelles dispositions, dont j’ai pris connaissance avant de rédiger mes amendements, ne correspondent pas à ma demande. Elles permettent de prendre un rendez-vous en visioconférence pour porter plainte, alors que je préconise le dépôt de plainte en ligne. J’espère travailler avec vous, monsieur le ministre, à sa concrétisation pour les femmes : je suis sensible à la cause des femmes, comme à celle des animaux et des enfants. (Rires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-René Cazeneuve

  • partager

    C’était dans le désordre, je crois !

    Mme Béatrice Roullaud

  • partager

    Je suis sensible à tous ceux qui sont en situation de faiblesse, comme le sont les femmes qui veulent porter plainte. Avec vous, monsieur le ministre, je veux faire en sorte qu’une femme qui est suivie et épiée par son mari, qui a peur d’être brûlée vive comme Chahinez Daoud, puisse porter plainte dans sa chambre, quand son mari n’est pas là ou qu’il est avec ses copains. J’espère y parvenir plus tard. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Je remercie Mme Roullaud d’avoir lancé cet intéressant débat concernant la systématisation du dépôt de plainte en ligne. Le rapporteur et le garde des sceaux ont clairement expliqué pourquoi ils sont défavorables à ces amendements. De grâce, chers collègues de La France insoumise, exprimez-vous sur les amendements et n’y mêlez pas la question des droits des femmes : en la matière, votre groupe n’est sans doute pas le mieux placé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont certains députés se lèvent pour applaudir. – M. Laurent Croizier applaudit également.)

    M. Pierre Dharréville

  • partager

    On a les applaudissements qu’on mérite !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. le garde des sceaux.

    Un député

  • partager

    Commencez par virer Quatennens !

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Et Damien Abad, vous en dites quoi ? C’est moins grave ?

    M. Laurent Croizier

  • partager

    Et Adrien Quatennens, vous en dites quoi ? C’est l’effet boomerang !

    Mme la présidente

  • partager

    S’il vous plaît, chers collègues, seul M. le ministre a la parole.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Madame Roullaud, comme je l’ai dit, le décret d’application est en cours d’élaboration. L’expérimentation, au sens que le Conseil d’État donne à ce mot, sera importante et permettra de tirer des conclusions.
    Si je comprends bien, vous souhaiteriez pouvoir déposer une plainte avec un simple e-mail : cela ne me semble pas souhaitable. Il me semble préférable d’y procéder par le biais d’une visioconférence, parce qu’un échange entre l’enquêteur et la victime est indispensable. De plus, il n’est pas question de mettre en branle l’action publique avec un simple e-mail.
    Un échange est nécessaire pour établir les faits. Le dépôt de plainte par e-mail serait d’ailleurs superfétatoire, puisque la Lopmi a permis de le faire par visioconférence. Vous m’accorderez qu’il vaut mieux que la victime puisse expliquer la situation et que l’enquêteur puisse lui poser un certain nombre de questions. Au reste, un e-mail serait bien insuffisant : l’enquêteur souhaitera souvent que la victime vienne lui présenter les faits en personne et lui donne les précisions dont il aura besoin. C’est la raison pour laquelle je n’y suis pas favorable. Bien entendu, je comprends le sens de vos amendements. Ils ont pour but de simplifier les modalités du dépôt de plainte pour la victime, mais attention : le fait d’introduire trop de simplifications ne va pas forcément dans le bon sens.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 972 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        101
            Nombre de suffrages exprimés                97
            Majorité absolue                        49
                    Pour l’adoption                33
                    Contre                64

    (L’amendement no 972 rectifié n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 987 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        104
            Nombre de suffrages exprimés                100
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                33
                    Contre                67

    (L’amendement no 987 rectifié n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 962.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        101
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                37
                    Contre                64

    (L’amendement no 962 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 343.

    Mme Marietta Karamanli

  • partager

    Il vise à permettre à l’autorité judiciaire d’identifier aisément les fonctionnaires et agents des administrations requis par commission rogatoire du juge d’instruction, en prévoyant qu’ils « sont spécialement habilités à cet effet par arrêté du ministre de la justice, sur proposition du ministre intéressé ». En effet, un dispositif légal de même nature s’applique déjà à certains agents, afin de garantir, d’une part, l’indépendance de l’autorité judiciaire, et d’autre part, la qualité des investigations. Cet amendement a été travaillé avec l’OFB – Office français de la biodiversité – et l’ONF – Office national des forêts.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Je donnerai un avis sur la première série d’amendements que vous présentez – nos 343, 344 et 345 –, qui ont un objet analogue. Les prérogatives des agents que vous visez sont limitées et encadrées, et une telle habilitation s’applique aux APJ et aux OPJ. Je pense qu’il faut en rester là, sans tout mélanger ni aller plus loin – cela poserait d’ailleurs problème aux personnes habilitées : en effet, l’exercice de fonctions de police judiciaire n’est pas anodin et comporte des responsabilités. Il faudrait encadrer l’attribution de telles fonctions, mais c’est un peu tôt. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Même avis pour les mêmes raisons.

    (L’amendement no 343 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 344 est retiré.)

    Mme la présidente

  • partager

    L’amendement no 345 de Mme Cécile Untermaier est défendu.

    (L’amendement no 345, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir les amendements nos 346, 347, 348 et 349, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Ces amendements, qui visent à simplifier la procédure pénale, ont été travaillés avec l’OFB. En effet, à chaque fois que les agents de l’OFB sont requis pour participer à des investigations judiciaires sous la direction de policiers ou de gendarmes, ils doivent prêter serment. De façon générale, nous proposons de dispenser de cette formalité les les agents qui sont requis par les policiers ou les gendarmes, mais qui n’effectuent pas une mission judiciaire, car cette procédure est une source de complications et entrave le travail de la justice.
    L’amendement no 346 vise à dispenser les agents qui ont déjà prêté serment, et qui n’exercent pas des fonctions de police judiciaire, d’une nouvelle prestation de serment au cas par cas : cela semble pertinent.
    Pour sa part, l’amendement no 348 vise à actualiser la liste des délits commis en bande organisée, relevant de la compétence spéciale des officiers de police judiciaire de l’environnement. Les inspecteurs de l’environnement, affectés à l’OFB, sont habilités à constater des infractions en bande organisée, prévues par des législations spéciales ne relevant pas du code de l’environnement. Elles ne sont pas mentionnées dans le code de procédure pénale. À l’aube d’une refonte du code de procédure pénale, il serait utile de clarifier cette disposition, quelques années après la création de l’OFB.
    Enfin, l’amendement no 349 vise à harmoniser le champ de compétence des inspecteurs de l’environnement et des officiers judiciaires de l’environnement affectés à l’OFB, en prévoyant qu’ils ont également compétence sur l’ensemble du territoire national pour les infractions relevant des habilitations prévues par des législations spéciales qui ne relèvent pas du code de l’environnement.
    Si j’ai oublié de présenter un amendement, il sera considéré comme défendu.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Je donnerai un avis global. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – loi « climat et résilience ». Nous avons avancé, puisque cette loi a accordé d’autres prérogatives aux agents de l’OFB. Vous connaissez ma position : ces questions importantes nécessitent de mener un travail plus approfondi. Vous savez mon intérêt pour ces sujets. Je reste à votre disposition pour que nous continuions à travailler…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il faut une étude d’impact !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Merci monsieur Bernalicis, mais je réponds à Mme Untermaier. Je vous invite à retirer vos amendements, et je vous propose que nous travaillions ensemble sur ces questions.

    Mme Cécile Untermaier

  • partager

    Je les retire afin que le débat puisse avancer.

    (Les amendements nos 346, 347, 348 et 349 sont retirés.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur l’amendement no 843, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 959.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Il vise à encadrer par des critères rationnels les remontées d’information sur les affaires individuelles qui parviennent au garde des sceaux, afin qu’elles soient traitées de manière pertinente.
    Il nous semble suffisant de limiter la transmission au garde des sceaux des rapports particuliers sur des procédures judiciaires en cours qui soulèvent une question de droit nouvelle ou qui revêtent une dimension nationale – car le ministre sera alors concerné et interrogé. Ce cadre légal nous paraît suffisant, au vu des prérogatives du garde des sceaux et pour rationaliser le traitement des informations qui lui remontent. Je précise que cet amendement a été travaillé avec Transparency International.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    C’est un débat ancien que nous continuerons à avoir. Je ne suis vraiment pas convaincu par cette idée pour l’instant, mais peut-être ma réflexion évoluera-t-elle. Je ne suis pas sûr qu’il faille encadrer dans la loi, surtout selon les modalités que vous proposez, les remontées d’informations faites au garde des sceaux.
    Le garde des sceaux conduit la politique de la justice dans notre pays. C’est lui qui donne des orientations en prenant des circulaires – on a d’ailleurs pu le constater à l’occasion de la crise que nous venons de traverser. Il est donc logique que des remontées d’informations lui soient transmises. Je crois que vous partagez cette opinion.
    Par ailleurs, comment définissez-vous les procédures qui revêtent une dimension nationale ? Doit-on prendre en considération le nombre de ressorts concernés, la matière ou le retentissement médiatique ? Notez que le garde des sceaux peut avoir intérêt à obtenir des remontées d’informations sur certains sujets médiatisés.
    Je rappelle que le garde des sceaux n’est pas tenu par l’opposabilité du secret de l’enquête et de l’instruction car il n’y concourt pas ; nous sommes d’accord sur ce point. En revanche, il est soumis au secret qui s’attache aux informations dont il a connaissance en raison de sa fonction. Si vous avez des doutes à ce sujet, je vous renvoie à la décision rendue par la Cour de justice de la République en 2019, qui a condamné un garde des sceaux pour violation du secret.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Eh oui !

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Compte tenu des événements qui se sont déroulés ces derniers jours, pensez-vous que le garde des sceaux n’a pas besoin de savoir ce qui s’est passé ?

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Nous parlons de dimension nationale !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Peu importe. Pensez-vous que le garde des sceaux n’a pas besoin de savoir si la circulaire qu’il a prise a été appliquée, et dans quelles conditions ? Voilà, CQFD.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Non !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Quelques précisions s’imposent, car ces remontées d’informations font l’objet de bien des fantasmes, à la limite du complotisme.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    C’est insupportable !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    D’abord, la loi du 25 juillet 2013 a formellement interdit au garde des sceaux de donner des instructions dans les affaires individuelles. Il faudrait qu’un jour, vous puissiez consulter une fiche d’action publique – je ne peux vous en transmettre une car je suis tenu au secret. Elle ne comporte pas de procès-verbaux, mais présente l’exposé sommaire d’une situation. Qu’en fait le garde des sceaux ? Appelle-t-il immédiatement le procureur pour lui donner des consignes ? C’est totalement prohibé par la loi.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Oh !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Je vous rappelle par ailleurs que l’article qui prévoit les remontées d’informations a été validé…

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Comme vous ne répondez pas à l’amendement, ce n’est pas très grave !

    Mme la présidente

  • partager

    Madame Faucillon, M. le garde des sceaux est précisément en train de vous répondre.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    J’y réponds ! Vous voulez définir, dans le code de procédure pénale, les critères qui justifient les remontées d’informations. Pardonnez-moi, mais je suis en train de vous répondre au sujet des affaires individuelles – mais je vais aller vite car, au fond, cela vous intéresse peu.

    Mme Elsa Faucillon

  • partager

    Le problème est que vous ne répondez pas à la question !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    L’article relatif aux remontées d’informations a été validé par le Conseil constitutionnel. Ensuite, j’ai drastiquement réduit les remontées d’informations : alors qu’on en dénombrait 13 000 en 2020, il y en a moins de 5 000 aujourd’hui. C’est moi qui l’ai demandé.

    Mme Danielle Brulebois

  • partager

    Bravo !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Voilà tout ce que je peux vous dire. Le garde des sceaux a besoin de ces informations dans le cadre de ses prérogatives.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est un sujet important, qui intéresse sans doute notre collègue Didier Paris – je le vois esquisser un sourire –, car il a accaparé notre temps pendant six mois dans le cadre de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le présent amendement est issu des recommandations que j’ai faites : nous voulions donner un cadre législatif plus concret à un dispositif qui figure dans une circulaire de Christiane Taubira. Ce qui relevait du fantasme pour les uns est devenu une réalité pour les autres, jugés par la Cour de justice de la République ! Premier point. Les remontées d’informations existent et circulent.
    Le garde des sceaux n’a pas à recevoir ces informations, d’autant que cela lui évite d’être exposé. Il lui est alors facile de répondre qu’en sa qualité de garde des sceaux, les remontées d’informations sont prohibées, sauf lorsqu’elles concernent l’ordre public – en cas de procès en matière terroriste par exemple, étant garant de son administration, il doit organiser les juridictions afin que tout le monde puisse participer au procès ; il doit savoir quand aura lieu le procès, entre autres choses. On comprend également que les remontées d’informations soient permises en cas de question de droit nouvelle. Les autres cas posent problème.
    Je veux toutefois dédouaner le garde des sceaux actuel car, en vérité, la politique pénale est conduite, non pas par M. Dupond-Moretti, mais par Gérald Darmanin,…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

  • partager

    Ah, Darmanin : l’obsession de Bernalicis !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …qui dispose de la police et de la gendarmerie nationales. Démonstration en a été faite à de nombreuses reprises. Même le garde des sceaux s’est plaint d’avoir moins d’informations que le ministre de l’intérieur. Je le crois très volontiers !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    C’est sidérant !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Il faudrait donc aller plus loin et encadrer les remontées d’informations au ministre de l’intérieur car, dans ce domaine, c’est le néant : pas de circulaires, rien ! C’est la pratique, voyez-vous, la loi couvre déjà tout cela…
    Du reste, ne trouvez-vous pas intéressante la coïncidence suivante ? Dès le lendemain matin de la dissolution administrative des Soulèvements de la Terre, des perquisitions visaient des militants de ce mouvement. Y aurait-il eu, par hasard, des remontées d’informations selon lesquelles des perquisitions seraient organisées ce jour-là ? (Mme Pascale Martin applaudit.)

    M. Ludovic Mendes

  • partager

    Complotiste !

    (L’amendement no 959 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement no 982.

    Mme Emmanuelle Anthoine

  • partager

    Chacun peut aisément comprendre que rien ne sert de donner plus de moyens à la police pour interpeller délinquants et criminels, si aucune suite n’est donnée à son action. Non seulement l’absence de sanctions encourage malfaiteurs et fauteurs de troubles à persévérer, mais l’absurdité de leur tâche, véritable tonneau des Danaïdes, décourage policiers et gendarmes dans leurs efforts quotidiens.
    C’est pourquoi cet amendement de M. Thiériot, très étayé, tend à imposer au garde des sceaux de publier un rapport chiffré comportant des données relatives à l’ensemble des décisions de non-poursuite, de classement sans suite et de mesures alternatives aux poursuites, et exposant les motivations juridiques et d’opportunité qui les justifient. Ce rapport serait transmis aux assemblées et ferait l’objet d’un débat au Parlement.
    Il importe en effet de mettre à la disposition du peuple un instrument qui lui permette d’évaluer, effectivement et dans toutes ses composantes, l’efficacité de la réponse pénale.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Si l’amendement était adopté, nous irions à grands pas vers l’embolisation des parquets. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Vous proposez d’étendre le champ de l’open data aux décisions de non-poursuite, aux classements sans suite et aux mesures alternatives aux poursuites décidés par le procureur.
    L’open data des décisions de justice est en plein développement. Toutefois, il n’a pas vocation, à ce stade, à couvrir les mesures alternatives aux poursuites, non plus que les classements sans suite. La priorité est d’avancer dans la mise à disposition des arrêts et des jugements. La question que vous évoquez pourra néanmoins être abordée dans un deuxième temps.
    Quant à l’information de la victime, je précise qu’en cas de classement sans suite, le code de procédure pénale prévoit déjà que le procureur doit – je dis bien : doit – informer la victime des raisons juridiques ou d’opportunité qui justifient sa décision. S’il décide de poursuivre, la victime en est évidemment informée puisqu’elle peut alors se constituer partie civile.
    L’ajout proposé ne me paraît donc ni nécessaire ni opportun. Du reste, je suis, comme toujours, défavorable à ce que le Parlement enjoigne au Gouvernement de produire un rapport. Il n’y a là rien d’exceptionnel : c’est une position assez classique.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    La transparence de la justice et, au-delà, la capacité des citoyens de comprendre ses rouages et d’en avoir une vision un peu plus construite qu’actuellement, sont un véritable enjeu. À cet égard, des initiatives telles que La nuit du droit, me semble-t-il – j’espère ne pas me tromper, messieurs, puisqu’il n’y a que des messieurs qui siègent aux bancs des commissions et du Gouvernement –, sont intéressantes. Il me paraît également pertinent qu’un lien soit établi avec le Parlement.
    Prenons la situation actuelle, par exemple. À la suite des événements récents, nous assistons à une multiplication des comparutions immédiates. Il serait intéressant que la population puisse s’apercevoir qu’elles aboutissent à des peines de prison ferme, prononcées non pas contre des individus ayant un certain pedigree, mais contre des primo-délinquants. Tout cela mériterait d’être transparent, afin que chacun puisse se saisir de ces éléments.
    En revanche, nous doutons fortement que la méthode proposée et les motifs de l’amendement soient les bons. De fait, l’exposé sommaire – même s’il n’est pas soumis au vote – est particulièrement « glissant » : il y est question de l’ensauvagement de la société, des pauvres policiers qui travaillent alors que la justice est trop laxiste, etc. Nous ne nous retrouvons absolument pas dans ce type d’arguments. (Murmures sur les bancs du groupe RN.)
    Néanmoins, je l’ai dit, nous serions favorables à une plus grande transparence et à des explications qui permettraient de comprendre ce qui se passe, par exemple actuellement en matière de comparution immédiate. Mais puisque ce n’est pas de cela qu’il s’agit, nous voterons contre l’amendement.

    (L’amendement no 982 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Naïma Moutchou, pour soutenir l’amendement no 843.

    Mme Naïma Moutchou

  • partager

    L’examen de ce projet de loi nous offre l’occasion de nous pencher sur une autre forme de justice, à savoir la justice transactionnelle et les conventions judiciaires d’intérêt public, les CJIP, qui sont une alternative aux poursuites concernant les personnes morales.
    Ce dispositif, créé par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – loi « Sapin 2 » –, s’appliquait au départ aux infractions de fraude fiscale et de blanchiment ; puis son champ d’application a été étendu à la matière environnementale par la loi du 24 décembre 2020 relative au parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
    Ce mécanisme fonctionne très bien, que ce soit en matière financière – une étude du parquet national financier en témoigne – ou environnementale – je pense en particulier à une affaire qui a fait l’objet d’une CJIP signée en 2021 par le parquet du Puy-en-Velay. Il est assez neuf et, lors des débats sur le parquet européen, plusieurs d’entre nous – je pense notamment à Cécile Untermaier – avaient proposé d’y apporter certaines évolutions.
    Il s’agit ici de poursuivre dans cette voie en proposant que la présence d’un avocat soit obligatoire dans les procédures de convention judiciaire d’intérêt public, comme elle l’est pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Les deux procédures sont en effet proches. En outre, le caractère éminemment technique des matières traitées justifie la présence d’un avocat.
    Cette évolution nous paraît souhaitable ; elle renforcerait l’efficacité du dispositif.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Je vais laisser le Gouvernement, dans sa sagesse, donner un avis sur cet amendement.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Cette sagesse sera-t-elle prise en défaut ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    La commission a donné un avis défavorable mais, à titre personnel, j’estime que l’amendement va dans le bon sens. Vos arguments, madame Moutchou, nous convainquent de plus en plus. J’émettrai néanmoins une petite réserve : il peut être problématique pour une entreprise modeste conduite à conclure une CJIP de devoir se faire assister d’un avocat. Mais il est vrai que le fait d’être accompagné par ce dernier est intéressant.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » Au début, je l’ai dit en commission, je tiquais un peu. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de justice transactionnelle, de personnes morales… Mais, au fond, j’ai été convaincu par votre argumentation – ou plutôt, j’ai été convaincu que je ne pouvais pas m’y opposer. Je donnerai donc un avis de sagesse plutôt bienveillant.
    Il est bon de réaffirmer que la présence d’un avocat est utile dans toutes les procédures, notamment dans le domaine transactionnel, qui m’est particulièrement cher. Je m’attache en effet à développer, sur le plan réglementaire, la médiation. En l’espèce, ce n’en est pas tout à fait une, mais je dis en permanence que les avocats doivent s’emparer de la médiation pour que nous en fassions un mode usuel de règlement des litiges. Dès lors, par cohérence, je suis conduit, s’agissant de votre amendement, à m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

    Mme la présidente

  • partager

    Plusieurs d’entre vous demandent la parole. Soit nous nous en tenons à la règle selon laquelle interviennent un orateur pour et un orateur contre (« Oui ! » sur les bancs du groupe RE), soit chacun de ceux qui souhaitent s’exprimer s’engage à être bref. (« Non ! » sur les mêmes bancs.)
    Si nous nous en tenons à la règle que nous nous sommes fixée, je vais donner la parole aux premiers d’entre vous qui me l’ont demandée.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Les décisions ne se prennent pas à la criée : c’est vous qui décidez, madame la présidente !

    Mme la présidente

  • partager

    Merci, monsieur Bernalicis. J’ai décidé : nous allons entendre un orateur pour et un orateur contre, et je vais vous donner la parole. J’ai pris soin auparavant de consulter l’Assemblée ; excusez-moi d’avoir eu ce souci démocratique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Jean-René Cazeneuve

  • partager

    Ils n’aiment pas la démocratie !

    Mme la présidente

  • partager

    Vous avez donc la parole, monsieur Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Consulter, ce n’est pas écouter celui crie le plus fort ; sinon, je pourrais gagner dans bien des cas.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Ne soyez pas présomptueux, cher collègue !

    Mme la présidente

  • partager

    Tenez-vous en à l’amendement, je vous prie.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    C’est un dilemme, cet amendement. En effet, vous connaissez notre opposition à la convention judiciaire d’intérêt public. Elle n’est pas nouvelle, et nous la réitérons systématiquement,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Ça, on a connu !

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    …car nous estimons que la CJIP n’est pas une justice comme les autres, ni l’équivalent de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, applicable aux personnes physiques.
    Je rappelle en effet que dans le cadre d’une CJIP, vous n’êtes pas reconnu coupable. La convention est simplement publiée, selon les cas, sur le site de la juridiction ou sur celui du ministère de la justice. Le parquet national financier les publie toutes, en application du principe du name and shame. Ce n’est pas une justice comme les autres, puisqu’il s’agit d’éviter le procès et le prononcé de la culpabilité, même pour une personne morale. J’ai donc un désaccord de fond sur les conventions judiciaires d’intérêt public.
    Toutefois, dans bien des domaines, nous avons réclamé la présence obligatoire d’un avocat commis d’office – c’est là le dilemme. Et, à chaque fois, nous ramons ! Vous nous répondez généralement, parmi d’autres arguments, qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact, que cela a un coût… Et là, parce que ce sont des entreprises, il faudrait accéder à toutes les demandes !
    Nous nous abstiendrons donc. Je ne suis pas contre la présence d’un avocat dans les procédures, bien entendu ; s’il y en a un : tant mieux. Mais l’architecture du dispositif me pose problème, de même que l’opportunisme qui conduit le ministre à donner, ici, un accord de principe alors qu’il est très difficile d’obtenir son assentiment sur ce point dans d’autres domaines.
    Puisque j’appelle à l’abstention, madame la présidente, vous pourrez donner la parole à un autre orateur, pour ou contre, à votre discrétion.

    Mme la présidente

  • partager

    Cela ne relève pas de votre compétence, cher collègue.
    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    Les députés du groupe Rassemblement national voteront cet amendement, qui va dans le bon sens. Certes, la CIPJ n’est pas tout à fait identique à la CRPC, mais elle lui ressemble étrangement. Je relève que M. Bernalicis est opposé à cette procédure par idéologie, parce qu’elle concerne de vilaines sociétés.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Voilà !

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Ce n’est pas par idéologie !

    M. Davy Rimane et Mme Pascale Martin

  • partager

    Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Cessez la caricature !

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    Toutefois, cet amendement va dans le bon sens. Au demeurant, la question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre les CJIP, mais si l’on est pour ou contre la présence obligatoire de l’avocat dans cette procédure. Ne vous trompez pas de débat !
    Il est très important qu’un avocat soit obligatoirement présent pour assister les entreprises, eu égard aux obligations qui peuvent leur être imposées, en accord avec le procureur de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

  • partager

    Monsieur le rapporteur, les propos du ministre vous ont-ils conduit à préciser votre avis sur cet amendement ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    Ce sera un avis favorable, madame la présidente.

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 843.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        116
            Nombre de suffrages exprimés                94
            Majorité absolue                        48
                    Pour l’adoption                93
                    Contre                1

    (L’amendement no 843 est adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    Sur l’amendement no 1334, je suis saisie par le groupe Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
    Sur l’amendement no 916, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de deux amendements, nos 391 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 391.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Je m’étonne que cet amendement de mon collègue Stéphane Viry n’ait pas fait l’objet d’une discussion commune avec l’amendement précédent, car il a exactement le même objet et quasiment la même rédaction.
    Les différentes extensions du domaine d’application de la convention judiciaire d’intérêt public ont montré la volonté du législateur de donner un espace à la justice transactionnelle en droit pénal des affaires – n’en déplaise à La France insoumise, qui a une vraie difficulté à considérer que l’entreprise peut être productrice de richesses pour tout le monde, y compris pour ses salariés. Cet amendement vise donc à ce que la personne morale mise en cause soit obligatoirement assistée par un avocat, afin de garantir le respect des droits de la défense. C’est une logique identique à celle de l’amendement précédent, je ne comprends donc pas que le nôtre ait été appelé après.

    Mme la présidente

  • partager

    La séance les a ordonnés ainsi car ils n’étaient pas placés au même endroit mais, si vous estimez que votre amendement et celui de Philippe Gosselin sont satisfaits, libre à vous de les retirer.
    Monsieur Gosselin, je vous cède la parole, pour soutenir l’amendement no 18.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Nous ne retirerons pas ces amendements qui, le cas échéant, compléteront ce qui vient d’être voté, mais en effet, il nous semblait qu’ils pouvaient faire l’objet d’une discussion commune avec l’amendement de Mme Moutchou.
    Quoi qu’il en soit, ils mettent l’accent sur la place que la justice transactionnelle a prise depuis six ans. Certains peuvent, pour des raisons de principe, le regretter ; dont acte. Il n’empêche que, dans les faits, elle s’est développée, signe que les entreprises y trouvent un réel intérêt. Il nous paraît donc important que la représentation nationale en tienne compte.
    Par parallélisme avec la CRPC, nous proposons que la présence de l’avocat soit également obligatoire dans le cas de la CJIP.
    Malgré une rédaction légèrement différente, notre amendement s’inscrit dans le même esprit que celui que nous venons d’adopter, et nous espérons qu’il sera apprécié avec la même sagesse par le rapporteur et le ministre.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

  • partager

    Dans la mesure où nous venons d’adopter l’amendement de Naïma Moutchou, qui rend la présence de l’avocat obligatoire, il me semble inutile de préciser qu’une personne mise en cause doit être informée qu’elle a droit à un avocat, de son choix ou commis d’office. Ces amendements me semblent donc satisfaits, et j’en demande le retrait.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Même avis.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

  • partager

    Ugo Bernalicis vous a dit ce que nous pensions de la justice transactionnelle. Pour autant, nous soutenons évidemment l’idée selon laquelle un avocat est requis. S’appuyer sur les avocats pour mettre en œuvre et respecter les droits de la défense nous paraît si évident que nous soutiendrons cet amendement.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Ma collègue Marie-Christine Dalloz et moi-même maintiendrons nos amendements. Les réponses du ministre et du rapporteur montrent bien qu’il fallait une discussion commune sur les trois amendements.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    On est d’accord !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Loin de moi l’idée de faire du mauvais esprit…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Un peu quand même !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    …et de voir dans cette dissociation une main tendue à d’autres groupes politiques que le nôtre ;…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    C’est une décision des services de la séance !

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    …ce serait sans doute faire une interprétation abusive de la situation. Disons que cela vous a échappé.

    (Les amendements nos 391 et 18, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1334.

    M. Jérémie Iordanoff

  • partager

    Il vise à renforcer la justice environnementale. Nous proposons de clarifier les modalités de calcul de l’amende d’intérêt public qui peut être prononcée à l’encontre des personnes morales, signataires d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale (CJIPE). Le code de procédure pénale précise que le montant de cette amende doit être fixé de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires annuel de la société. En pratique toutefois, les montants retenus sont extrêmement faibles, la méthode n’est jamais explicitée, et on constate une forte variabilité dans les calculs. Cette situation prive le dispositif d’une grande part de son effet dissuasif. C’est la raison pour laquelle je propose qu’un arrêté ministériel précise les modalités de calcul de cette amende.
    Je précise que cet amendement s’inspire du rapport Molins sur le traitement du contentieux pénal de l’environnement.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Erwan Balanant, rapporteur

  • partager

    La CJIPE relevant d’une logique contractuelle, je suis opposé à votre proposition, qui reviendrait à créer une amende forfaitaire. Cela me surprend d’ailleurs venant de vous, qui défendez souvent – et à juste titre – une logique inverse en matière environnementale, consistant plutôt à exiger de vrais procès et la mise en place de procédures reposant sur l’idée que la pollution doit être réparée, en vertu de cette belle idée française du pollueur-payeur. Avis défavorable.

    Mme la présidente

  • partager

    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Permettez-moi deux mots sur la CJIP car, lorsque je négocie le budget, la première chose que je mets en avant, c’est ce que les CJIP et l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) ont rapporté au budget de l’État – preuve que la justice, ce n’est pas seulement des coûts.
    Je suis pour ma part tout à fait favorable à la CJIP, lorsque vous êtes, monsieur Bernalicis, partisan des condamnations, qui mettent en exergue la culpabilité, a fortiori s’il s’agit d’une personne morale et qu’en plus, elle gagne de l’argent.

    Mme Marie-Christine Dalloz

  • partager

    Ouh là là !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Rassurez-vous : même en cas de CJIP, une certaine presse, qui vous est d’ailleurs acquise, ne se prive pas de pratiquer le pilonnage systématique, laissant assez peu de place à la présomption d’innocence dont vous vous faites parfois le chantre.
    Ceci étant posé, je suis favorable à la CJIPE, monsieur Iordanoff, et votre proposition me semble excellente. Mais pourquoi voudriez-vous que le garde des sceaux aille se mêler de la justice transactionnelle ? Remettons-en nous à la transaction ! Vous vous plaignez souvent des pouvoirs exorbitants du garde des sceaux : laissez-donc les choses suivre leur cours, d’autant que, grâce à l’amendement de Mme Moutchou – je n’oublie pas non plus M. Gosselin –, la présence de l’avocat garantira la qualité de la transaction. Enfin, que diriez-vous si je fixais par arrêté les modalités de détermination des peines d’emprisonnement ? Vous hurleriez et, pour une fois, vous auriez raison.

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Quand des magistrats intègrent des cabinets d’avocat, c’est plus facile !

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

  • partager

    Nous ne sommes pas favorables aux CJIPE, mais le fait est qu’elles existent, et qu’un rapport a été produit sur le traitement du contentieux pénal de l’environnement. Avec pragmatisme, nous avons lu les conclusions de ce rapport et observé les faits. Force est de constater que les peines prononcées sont extrêmement faibles, qu’elles sont en outre très variables et qu’on ignore sur quelles modalités de calcul elles se fondent.
    Le droit permet à ces amendes d’être dissuasives, mais dans la pratique, elles ne le sont pas. Comment y remédier ? Je ne demande pas au garde des sceaux de s’immiscer dans chaque CJIPE mais de fixer simplement un barème, de manière à garantir l’effectivité du droit ; ce n’est pas du tout la même chose. D’ailleurs, nous parlons ici d’environnement, et non de libertés fondamentales ou d’emprisonnement ; votre comparaison ne me paraît donc pas totalement fondée,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Mais si !

    M. Jérémie Iordanoff

  • partager

    … même si j’entends votre argumentation.

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Pascale Bordes.

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    Je vous trouve étrangement répressif, monsieur Iordanoff,…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Vous, vous êtes dépressive !

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    …mais il y a une raison à cela : votre mesure concerne des délinquants… qui sont des entrepreneurs. Quelle horreur ! (M. Philippe Gosselin prend l’air amusé.) Il faut effectivement être répressif à l’égard de ces entrepreneurs !
    Plus sérieusement, si les CJIP fonctionnent, c’est, comme l’ont indiqué le rapporteur et le garde des sceaux, parce qu’elles reposent sur une logique transactionnelle.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

  • partager

    Eh oui !

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    Elles fonctionnent précisément parce qu’elles ne reposent pas sur l’application bête et méchante d’un barème, et qu’elles laissent les procureurs, qui connaissent parfaitement leurs dossiers, les entreprises et les avocats…

    M. Ugo Bernalicis

  • partager

    Surtout quand les magistrats passent dans des cabinets d’avocat !

    Mme Pascale Bordes

  • partager

    …négocier le montant de l’amende. Compte tenu de votre échelle de valeurs, vous trouverez toujours cette amende insuffisante mais, malheureusement pour vous, cela fonctionne, et c’est peut-être ça qui vous dérange. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jérémie Iordanoff

  • partager

    Tant pis pour les atteintes à l’environnement ! Ce n’est pas grave !

    Mme la présidente

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1334.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        129
            Nombre de suffrages exprimés                115
            Majorité absolue                        58
                    Pour l’adoption                14
                    Contre                101

    (L’amendement no 1334 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

  • partager

    L’amendement no 893 rectifié de M. Erwan Balanant, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 893 rectifié, accepté par le Gouvernement est adopté ; en conséquence, les amendements nos 417, 712 et 917 tombent.)

    Mme la présidente

  • partager

    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 916.

    Mme Danièle Obono

  • partager

    Il vise à ce que les affaires de violences policières soient systématiquement dépaysées. En effet, dans ce type de situation, les enquêteurs peuvent se trouver en porte-à-faux lorsqu’ils doivent enquêter sur leurs propres collègues. Par ailleurs, les relations professionnelles entre procureurs et policiers sont quotidiennes ; il est donc extrêmement délicat pour un procureur de juger objectivement une affaire visant des policiers avec lesquels il travaille chaque jour. Changer de juridiction permettrait d’éviter les soupçons de collusion entre l’ensemble des membres du paysage judiciaire et policier.
    Cette mesure participera, à terme, à rendre justice aux victimes et aux familles de victimes de violences policières. En effet, depuis des décennies, les citoyens et citoyennes des quartiers populaires alertent sur ces violences…

    M. François Cormier-Bouligeon

  • partager

    Ça suffit, ces provocations ! Respectez la police !

    Mme Danièle Obono

  • partager

    …vécues quotidiennement par de nombreux Français et Françaises, brutalisés par le racisme, notamment dans le cadre de contrôles d’identité discriminatoires.

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    Ce n’est pas un plaidoyer, c’est un réquisitoire !

    Mme Danièle Obono

  • partager

    À cela s’ajoute la banalisation de techniques dites d’interpellation, controversées et dangereuses. En témoigne tragiquement la mort de Cédric Chouviat – collègues, veuillez au moins respecter la mémoire des personnes que je vais citer –, avant lui d’Adama Traoré, causée par un plaquage ventral, ou dernièrement de Nahel M., à Nanterre. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, RN et LR.)

    M. Jean-François Coulomme

  • partager

    Cessez d’être dans le déni !

    Mme la présidente

  • partager

    Seule Mme Obono a la parole.

    Mme Danièle Obono

  • partager

    Nous parlons bien de meurtres commis par des policiers ; des meurtres pour lesquels la vérité et la justice réclamées par les familles participent à la justice d’ensemble que notre société devrait rechercher. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et RE.)

    M. Philippe Gosselin

  • partager

    À part ça, vous n’entretenez pas la haine ?

    M. Vincent Descoeur

  • partager

    Caricature !

    Mme Danièle Obono