Première séance du jeudi 06 juillet 2023
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Amendement no 1447
- M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
- M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 28, 202, 844, 930, 1175 rectifié, 30, 31, 912, 32, 33, 831 et 153
- Sous-amendement nos 1495, 1466
- M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 1052, 693, 338, 1053, 1054, 1446 et 126, 133
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 1447 portant article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour soutenir l’amendement no 1447 du Gouvernement portant article additionnel après l’article 3.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Il tend à supprimer le doublon procédural au nom duquel une personne mise en examen peut à la fois demander sa démise en examen et la nullité de sa mise en examen.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Avis favorable.
(L’amendement no 1447 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 28, 202, 844 et 930.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 28.
M. Philippe Gosselin
Bonjour à tous, chers collègues ! Nous entamons une longue journée, qui, je l’espère, nous permettra d’avancer dans l’examen du projet de loi.
Nous passons à un autre sujet avec ces amendements identiques, qui visent à ce que le juge d’instruction motive systématiquement ses décisions de mise en examen – ce qui n’est pas le cas dans la pratique, nous le savons tous, pour des raisons plus ou moins recevables. La motivation de la décision est souvent présentée après coup et de manière imprécise. Nous sommes plusieurs à trouver important que la décision de mise en examen soit systématiquement motivée par le juge d’instruction. Il n’est pas superfétatoire, selon nous, de communiquer à la personne concernée les indices graves et convergents qui ont conduit à la décision. Certes, toutes les parties ne se battent pas « à armes égales » – il ne s’agit pas de déséquilibrer le système –, mais il paraît normal que l’intéressé soit informé des faits qui lui sont reprochés.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Guillemard, pour soutenir l’amendement no 202.
M. Philippe Guillemard
En complément des arguments développés par M. Gosselin, je rappelle que la mise en examen est une décision lourde de conséquences, qui doit donc systématiquement être motivée, ce qui permettrait de garantir un meilleur exercice des droits de la défense, mais aussi, sans doute, de réduire les recours à l’encontre des décisions de mise en examen – car ceux-ci visent bien souvent à connaître la motivation de la décision.
Mme la présidente
L’amendement no 844 de Mme Naïma Moutchou est défendu.
La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 930.
Mme Emeline K/Bidi
Notre collègue Philippe Gosselin ayant dit l’essentiel, je serai brève. Une personne qui souhaite déposer un recours à l’encontre d’une décision de mise en examen doit connaître les faits qui lui sont reprochés pour pouvoir la contester et se défendre. On nous dira certainement que la motivation systématique de la décision prendra un temps fou au juge d’instruction et au greffier. Comme toujours, on gère la pénurie : faute de personnels dans la justice, on ne motive pas les décisions…
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Pour commencer, je souligne que la demande de démise en examen constitue déjà une grande avancée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Eh oui !
M. Erwan Balanant, rapporteur
Le projet de loi raccourcit considérablement les délais au bénéfice de la défense. Enfin, la mesure proposée conduirait à alourdir la procédure. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Nul ne conteste que la motivation systématique de la décision de mise en examen par le juge d’instruction alourdirait la procédure, mais faut-il rappeler qu’il s’agit d’un sujet grave ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Avant, c’était six mois !
M. Philippe Gosselin
Une procédure de mise en examen, ce n’est pas rien ! Elle a des retentissements importants sur la vie d’un individu, notamment lorsque l’affaire se retrouve sur la place publique et que l’accusation est infamante, y compris lorsque les poursuites sont abandonnées. Nous pourrions vous citer un grand nombre de cas médiatiques – ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg –, dans lesquels les personnes concernées ne disposaient pas des éléments précis ayant motivé leur mise en examen. Je comprends votre argument, monsieur le rapporteur, mais nous ne pouvons pas nous en satisfaire. Il faut davantage de transparence dans la procédure de mise en examen, dans l’intérêt du justiciable et des droits de la défense – une préoccupation loin d’être négligeable, vous en conviendrez.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Monsieur Gosselin, je vous rappelle que la demande de démise en examen devait auparavant intervenir dans un délai de six mois à compter de la décision du juge. Ce délai a été réduit à dix jours. Par ailleurs, le juge doit motiver sa décision s’il refuse la demande. Franchement, nous avons beaucoup avancé sur cette question !
M. Philippe Gosselin
Pas assez !
M. Erwan Balanant, rapporteur
Elle est importante, c’est vrai, mais nous en avons longuement débattu et le projet de loi marque une avancée majeure. Je ne comprends donc pas ces amendements qui chicanent, alors que le texte améliore notablement les droits de la défense. Avis de plus en plus défavorable…
M. Philippe Gosselin
Monsieur le rapporteur, je vous en prie, ne commencez pas la journée en nous disant que nous chicanons !
M. Erwan Balanant, rapporteur
Ne me donnez pas de leçons, monsieur Gosselin !
M. Philippe Gosselin
Soyez respectueux avec vos collègues !
Mme la présidente
Chers collègues, je vous en prie !
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Monsieur Gosselin, je comprends votre intention, mais la motivation systématique de la décision de mise en examen alourdirait en effet la procédure. Par ailleurs, sur un plan plus pratique, elle conduirait à cristalliser les charges. Certains avocats évitent de contester la mise en examen de leur client devant la chambre de l’instruction parce qu’ils craignent que l’arrêt ne fige les charges jusqu’à la fin de la procédure. C’est la réalité !
Dernier point, dans les jugements correctionnels, le juge décide souvent de motiver sa décision et il le fait de manière exhaustive. Et parfois, on lit dans le texte du jugement : « Attendu que les faits reprochés sont avérés,… » Voilà un exemple de motivation !
Je rappelle, en outre, que le projet de loi vise à simplifier la procédure.
Enfin, mesdames et messieurs les députés du groupe La France insoumise, il est paradoxal de vous entendre affirmer, chaque fois que vous prenez la parole, que la justice a besoin de moyens et de personnels supplémentaires alors que vous ne serez pas au rendez-vous du vote sur ces moyens et ces personnels !
M. Ugo Bernalicis
De quels moyens parlez-vous ? On veut le détail !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Chacun prendra ses responsabilités !
M. Ugo Bernalicis
Pas de problème. Nous prendrons les nôtres.
(Les amendements identiques nos 28, 202, 844 et 930 ne sont pas adoptés.)
M. Philippe Gosselin
Il s’en est fallu de peu, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l’amendement no 1175 rectifié.
Mme Pascale Bordes
Ce long amendement concerne le régime des nullités des actes de procédure. L’annulation d’un acte de procédure pénale est toujours une décision grave, de nature à saper la confiance dans la justice et ses acteurs, avec des conséquences pratiques qui peuvent aller jusqu’à l’invalidation de pans entiers d’un dossier, voire de sa totalité – de manière parfois irréparable.
En ce sens, l’annulation peut être une source sérieuse de découragement et de démobilisation pour les enquêteurs et les magistrats, mais également pour les victimes, aux yeux desquelles elle constitue une incompréhension majeure, voire un déni de justice, quand un tel accident du parcours judiciaire vient retarder, perturber ou empêcher la manifestation de « la vérité » – chacun a bien évidemment la sienne – et compromettre les intérêts des parties civiles.
Or la cause de la nullité peut parfois paraître dérisoire par rapport à ses conséquences, qui sont lourdes. De fait, au terme d’une évolution législative et jurisprudentielle marquée par différents à-coups, ce régime complexe ne satisfait pas pleinement à ses deux premières exigences, la lisibilité et la prévisibilité. Le pivot du régime des nullités est la distinction posée par l’article 171 du code de procédure pénale (CPP) entre les formalités substantielles et les autres, la méconnaissance des premières entraînant seule la nullité, à la condition que cette méconnaissance ait porté atteinte aux intérêts de la partie concernée. Or la loi n’a en rien défini ces notions, qui se trouvent donc abandonnées aux flottements et aux incertitudes de la jurisprudence, ce qui constitue un facteur d’instabilité du droit et d’insécurité pour ceux qui ont à l’appliquer.
L’amendement propose une réécriture des textes concernés selon un triple objectif : limiter l’exposition au risque d’annulation ; redéfinir les critères de l’acte annulable ; éviter l’annihilation systématique de l’acte annulable.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
La nullité des actes de procédure est une notion importante et protectrice. De manière étonnante, vous proposez d’annuler un acte tout en le conservant dans le dossier. Une telle disposition ne serait ni lisible ni compréhensible. Avis défavorable.
(L’amendement no 1175 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 30.
M. Philippe Gosselin
Toujours dans le même objectif de simplification, de clarification et de transparence, nous proposons ici d’informer les autres parties lorsque le juge d’instruction fait droit à une demande.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Je suis désolé de devoir me répéter, monsieur Gosselin, mais cet amendement conduirait lui aussi à alourdir la procédure – c’est la réalité. Je comprends bien sûr votre intention, mais la mesure que vous proposez complexifierait beaucoup les choses. Pour que toutes les parties et leurs avocats aient accès au dossier, il faudrait qu’elles aient connaissance de tous les témoignages et de tous les interrogatoires menés par le juge d’instruction, ce qui, en vérité, ne leur apporterait pas grand-chose. L’important, pour elles, est de connaître le contenu de ces dépositions, ce qui est déjà prévu. Avis défavorable.
(L’amendement no 30, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 31 et 912.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Philippe Gosselin
Il vise à simplifier la procédure et trouvera de ce fait peut-être un écho favorable auprès de M. le rapporteur et de M. le garde des sceaux.
Nous proposons, avec cet amendement, de faciliter la constitution d’une partie civile. Des conditions plus restrictives sont appliquées en la matière depuis 2007. Ainsi, une plainte avec constitution de partie civile n’est recevable que si le plaignant a préalablement saisi le procureur de la République d’une plainte simple et que celui-ci a rejeté sa plainte ou n’a pas répondu dans un délai de trois mois.
Chers collègues, si vous avez la volonté de simplifier notre justice, je vous invite à soutenir cet amendement !
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 912.
Mme Andrée Taurinya
Comme vient de l’expliquer notre collègue Gosselin, cet amendement vise à faciliter la constitution d’une partie civile. Une plainte avec constitution d’une partie civile visant un délit n’est recevable que si le plaignant a préalablement saisi le procureur de la République d’une plainte simple, que celui-ci a rejetée ou à laquelle il n’a pas répondu dans un délai de trois mois. Nous proposons de supprimer cette procédure.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
La mesure que vous proposez simplifie peut-être la procédure pour la partie civile, mais elle la complexifie pour les juridictions. Aujourd’hui, trois conditions doivent être réunies pour la constitution d’une partie civile : la personne doit avoir déjà présenté une plainte simple devant le parquet, la police ou la gendarmerie ; le procureur doit avoir fait savoir qu’il n’engagerait pas de poursuites ; un délai de trois mois doit s’être écoulé depuis la plainte. Précisons que la condition d’une plainte préalable n’est pas applicable aux crimes, aux délits de presse et aux infractions électorales. L’amendement propose de la supprimer. Je ne m’étendrai pas,…
M. Ugo Bernalicis
Si ! Étendez-vous !
M. Erwan Balanant, rapporteur
…mais il me semble qu’une telle disposition entraînerait l’embolie de nos juridictions. La condition d’une plainte préalable permet d’éviter la constitution de parties civiles abusives. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Votre conception de la simplification est à géométrie variable ! Vous rejetez l’amendement au prétexte qu’il sera facteur de complexification pour les juridictions. Or il ne complexifie rien : au contraire, il simplifie les choses pour tout le monde. Il y a moins de critères, moins de règles à vérifier : il rend la procédure plus objective, plus concrète.
En revanche – personne n’en disconvient –, il en résulterait mécaniquement une augmentation du nombre de personnes susceptibles de se constituer parties civiles et donc de victimes ou de parties civiles à prendre en compte au procès.
Votre argument, monsieur le rapporteur, est que cela représentera davantage de travail pour les juridictions : oui, mais la procédure sera-t-elle plus compliquée ? Non. Elle sera plus simple !
Pourquoi, au fond, cette mesure est-elle utile ? Vous n’avez pas voulu vous étendre sur le sujet ; mais il arrive que des individus – femmes et hommes –, parce qu’ils sont sous emprise ou qu’ils ont peur, ne souhaitent pas déposer plainte alors que l’action publique devrait être enclenchée ; or, plusieurs mois plus tard, lorsque l’enquête a démarré, ils découvrent qu’ils pouvaient faire valoir leurs droits et se porter parties civiles au procès, qui les concernera peut-être – mais on leur répond alors qu’il aurait fallu déposer plainte. C’est pourquoi, a contrario, de nombreuses victimes subissent une pression pour déposer plainte, alors qu’elles ne sont pas en état émotionnel de le faire. J’ai en tête un récent exemple de faits particulièrement graves qui se sont déroulés dans la métropole lilloise.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Misère, misère !
M. Ugo Bernalicis
La situation n’est pas satisfaisante. Les députés qui s’affichent en permanence du côté des victimes prétendent tout à coup que ces mesures sont trop complexes ; c’est insupportable ! Nous devons voter pour des raisons de fond, de droit et de justice.
(Les amendements identiques nos 31 et 912 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Philippe Gosselin
Cet amendement concerne lui aussi les parties civiles. Il s’agit d’une part de notifier les réquisitions de non informer et de non-lieu à la partie civile, et, d’autre part, de prévoir un délai dans lequel l’ordonnance du juge d’instruction doit être rendue. Nous voulons, là encore, clarifier et simplifier les procédures, et développer les droits de la défense.
(L’amendement no 32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Philippe Gosselin
Afin de respecter les droits de la défense, un mécanisme de notification des réquisitions du parquet à la partie civile devrait être prévu. Cet amendement vise à établir une plus grande transparence et à permettre à la partie civile de réagir.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
La décision du juge d’instruction peut toujours faire l’objet d’un appel. Par ailleurs, vous parlez du droit de la défense pour désigner le plaignant : je trouve cela assez cocasse ! Avis défavorable.
(L’amendement no 33, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 831.
M. Erwan Balanant, rapporteur
La commission a adopté un amendement tendant à harmoniser le régime de comparution du témoin non soupçonné entre les différents cadres d’investigation pour lui permettre, notamment, de paraître sous contrainte s’il n’a pas répondu à la convocation.
Nous proposons donc qu’il en aille de même pour les témoins devant le juge d’instruction, sans qu’une réquisition du parquet soit nécessaire : c’est une mesure de cohérence et de simplification.
(L’amendement no 831, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 153, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 1495 et 1466.
M. Éric Pauget
Cet amendement prévoit qu’après chaque interrogatoire, confrontation et reconstitution, après qu’elle en a été informée verbalement, une copie du procès-verbal est immédiatement délivrée par tout moyen à la personne entendue. Nous avons déjà abordé ce sujet hier soir. Cet amendement est important pour permettre aux parties d’être directement informées de la procédure à laquelle elles ont participé.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir les sous-amendements nos 1495 et 1466.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Ils prévoient la transmission de la copie du procès-verbal à l’avocat.
M. Philippe Gosselin
On les votera avec plaisir !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements.
M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Avis favorable à l’amendement sous-amendé.
(Les sous-amendements nos 1495 et 1466, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
M. Philippe Gosselin
Même avis, même sort !
(L’amendement no 153, sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Sur amendement no 338, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Philippe Gosselin
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1052.
Mme Andrée Taurinya
Nous proposons l’ajout au code de procédure pénale d’un article 121-1 qui renforcerait les droits de la défense en garantissant l’accès au dossier par les parties mises en cause ou par leurs avocats.
Il s’agit de garantir l’accès aux pièces permettant de contester la légalité de l’arrestation – le procès-verbal d’interpellation ou toute pièce établissant l’existence d’indices graves ou concordants – et également, comme le prévoit, dans son article 7, la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, « au minimum à toutes les preuves matérielles à charge ou à décharge des suspects ou des personnes poursuivies, qui sont détenues par les autorités compétentes ».
Par ailleurs, le même article 7 indique que ce droit est accordé « en temps utile » pour permettre l’exercice effectif des droits de la défense et, au plus tard, lorsqu’une juridiction est appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l’accusation. Aussi, pour notre groupe, cette notion doit être clairement définie pour respecter un équilibre entre l’impératif de justice équitable et la nécessité de l’efficacité des investigations.
(L’amendement no 1052, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l’amendement no 693.
M. Jordan Guitton
Cet amendement important a bien entendu été rédigé avant les événements malheureux de la semaine dernière ; il démontre néanmoins que la défense des forces de l’ordre est la colonne vertébrale du Rassemblement national.
Ces derniers jours, 700 membres des forces de l’ordre ont été blessés. Il est nécessaire que toute personne mise en examen pour des faits de violence tels que définis à l’article 222-13 du code pénal soit placée directement en détention provisoire.
Face à l’explosion des violences, il faut protéger nos forces de l’ordre – dans lesquelles j’inclus les agents de la police municipale et nationale, les gendarmes, les pompiers et toute personne détentrice de l’autorité publique.
Nous proposons ici une inversion des valeurs : dès lors qu’un membre des forces de l’ordre est pris pour cible, la détention provisoire sera la règle, tandis que la liberté deviendra l’exception. C’est un amendement de bon sens, qui réagit à l’actualité et qui démontre que la défense des forces de l’ordre est la colonne vertébrale du Rassemblement national. En effet, il est très important de réagir aux récents événements et de faire savoir que tout personne qui s’attaque à un policier, un gendarme ou un pompier est directement placée en détention provisoire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
On ne peut pas placer une personne en détention provisoire sans un jugement préalable : c’est le fondement du droit et de la présomption d’innocence. Avis complètement défavorable; mais je conviens qu’avec votre amendement, tout irait plus vite, c’est sûr !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
C’est sûr !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya
On voit, à nouveau, le vrai visage du Rassemblement national, qui ne reconnaît même pas le droit ni les droits de la défense ! Pour le RN, vive la justice expéditive ! Hier, vous vouliez faire la chasse à l’enfant en enfermant les mineurs, en particulier étrangers ; aujourd’hui, voilà ce que vous proposez !
Nous allons évidemment voter contre cet amendement, de même que nous continuerons à combattre toutes vos idées nauséabondes. Vraiment, ce n’est pas possible : respectez le droit – le droit !
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
L’amendement ne vise que les personnes mises en examen pour des faits de violence : il ne s’agit pas de placer directement toutes les personnes mises en examen en détention provisoire ! Il faut qu’il y ait des faits de violence avérés…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Heureusement !
M. Jordan Guitton
…et que la personne soit mise en examen : alors seulement, elle sera placée en détention provisoire en attendant le jugement définitif.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Il confond tout !
M. Jordan Guitton
Selon vous, nous ne pouvons pas placer en détention provisoire un individu pour des faits de violence envers un policier, un gendarme ou un pompier, parce qu’il est déjà mis en examen et amené à comparaître ; je ne sais pas quelle est votre vision de l’État, mais nous, nous voulons protéger les forces de l’ordre. Après ce qui s’est passé la semaine dernière, nous devrions trouver un consensus – c’est en tout cas ce que réclament les Français.
(L’amendement no 693 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 338.
Mme Cécile Untermaier
Cet amendement est le premier d’une série concernant la régulation carcérale, dont il donne un avant-goût en proposant une mesure inspirée du dispositif instauré durant la crise du covid-19. Il tend à convertir les peines d’enfermement en peine d’assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse) pour les personnes à qui il ne reste plus que quatre mois de détention – et non plus trois – à accomplir et lorsqu’elles ont été condamnées à une peine inférieure ou égale à cinq ans. Voyez que les précautions ont été prises pour n’effrayer personne ! En effet, une telle condition impose des preuves suffisantes de bonne conduite : le juge saura faire cette analyse. Certains crimes et délits sont exclus par principe, notamment ceux de violence conjugale.
Des mesures de régulation s’imposent : quel que soit le système qui sera retenu dans le cadre de cet hémicycle, il nous faut lutter contre la surpopulation carcérale. L’enjeu est à la fois démocratique et politique et il touche à des questions de dignité : il nous faut, par ce moyen, faire le lien entre démocratie et régulation carcérale. Le taux d’occupation carcérale atteint jusqu’à 240 % dans certaines maisons d’arrêt et certains établissements pénitentiaires. C’est un problème majeur : la réponse à lui apporter doit être trouvée au sein de cet hémicycle, et ce texte en offre l’occasion.
En effet, les 15 000 places de prisons annoncées en 2017 pour 2022 ont été reportées à 2027 ; or l’état actuel des constructions et des sorties de terre des prisons nous laissent à penser que seules 3 500 places seront ouvertes d’ici à 2027.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Nous partageons tous cette préoccupation. L’amendement ouvre en effet le débat sur la régulation carcérale. Ce que vous proposez, en réalité, c’est une liberté sous contrainte, mais qui ne repose que sur la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) : or, d’autres dispositifs existent, comme la semi-liberté.
Mme Cécile Untermaier
Vous pouvez sous-amender.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Nous aurons l’occasion d’en discuter dans la suite du débat, mais le dispositif que vous suggérez ne me semble pas ni suffisamment adapté ni finalisé. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Je préfère le mécanisme de la libération sous contrainte, entré en vigueur le 1er janvier.
M. Ugo Bernalicis
C’est donc bien un mécanisme ! Vous disiez pourtant le contraire ici même il y a deux ans !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Ce dispositif me semble plus opérationnel et efficace que celui que vous proposez. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Je soutiens l’amendement de ma collègue Untermaier. En travaillant sur les nombreux amendements qui ont été rédigés sur la question de la régulation carcérale, il m’est apparu peu à peu que les auteurs de ces amendements faisaient preuve d’une certaine prudence afin de faire accepter aux autres députés et à la société l’idée qu’il faut traiter ce problème. Ma collègue Untermaier a ainsi expliqué qu’elle avait imaginé un mécanisme qui ne risquerait d’effrayer personne.
En réalité, c’est la surpopulation carcérale qui devrait tous nous effrayer…
M. Benjamin Lucas
Exactement !
Mme Elsa Faucillon
…d’une part pour une question de dignité, laquelle est due à chaque être humain, qu’il soit en détention ou en liberté – j’ose espérer que tous les collègues en conviendront – mais aussi pour une question d’efficacité du service public rendu par la prison à la société. Cet amendement repose sur l’idée que la surpopulation nuit considérablement à la détention, voire qu’elle ôte à la peine son sens et une forme d’efficacité. J’irai plus loin : la détention, dans de telles conditions, accroît le risque de récidive.
Nous reviendrons sur cette question à l’occasion de l’examen de plusieurs amendements. En tout cas, je suis heureuse d’entendre le rapporteur et le ministre entamer cette discussion en expliquant que le mécanisme proposé par Cécile Untermaier n’est pas le bon. Car nous avons justement déposé une série d’amendements dont l’objectif commun est la déflation carcérale mais qui, pour l’atteindre, prévoient d’autres mécanismes, compatibles avec les dispositions que vous avez évoquées. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques minutes. (M. Benjamin Lucas applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Abadie.
Mme Caroline Abadie
Nous avons ouvert le débat sur le sujet en commission, notamment à l’occasion d’un amendement que j’avais déposé avec Elsa Faucillon et qui faisait écho à la mission d’information sur les alternatives à la détention et l’éventuelle création d’un mécanisme de régulation carcérale, dont nous sommes les corapporteures.
À cette occasion, tous les groupes ont fait part de leur inquiétude quant à la surpopulation chronique que l’on observe particulièrement en maison d’arrêt. Dans le cadre de notre mission, Elsa Faucillon et moi avons d’ailleurs constaté des inégalités criantes entre les différentes maisons d’arrêt : pour certaines, le taux d’occupation est de 120 ou 130 % alors qu’il est beaucoup plus élevé pour d’autres, par exemple de 237 % cette année à Gradignan, où les conditions de travail et de détention sont inacceptables.
L’unanimité des groupes en commission constitue déjà une grande avancée même si aucun accord n’a été trouvé sur un mécanisme de régulation, ce qui aurait été conforme à notre souhait.
Le mécanisme prévu par cet amendement s’inspire du dispositif adopté durant la crise covid. J’en profite pour rappeler que la politique de régulation menée à cette période n’a pas donné lieu à un soudain déferlement de délinquance, ce qui montre qu’une telle mesure peut fonctionner.
Tous les professionnels que nous avons auditionnés nous ont dit qu’ils ont besoin d’avoir des outils à leur disposition. L’Association nationale des juges de l’application des peines a elle-même estimé que les conditions de détention, si inégales d’une maison d’arrêt à une autre, ne permettaient pas d’assurer l’égalité des chances de réinsertion de nos condamnés.
À titre personnel, je soutiens évidemment ce type de mécanisme même si je suis plus favorable à ceux qui reposent sur la libération sous contrainte, à l’image de ceux qui ont déjà été adoptés. Quant à mon groupe, il votera contre cet amendement. (M. Jean Terlier, rapporteur, applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
La surpopulation carcérale – essentiellement, comme cela a été dit par la collègue Abadie, dans les maisons d’arrêt – est évidemment un problème que personne ne peut nier. Dans certaines d’entre elles – il en existe dans mon département, comme dans d’autres –, que certains qualifient pourtant de familiales, les conditions de détention sont très particulières : des dortoirs réunissent six à huit personnes, ce qui n’est pas rien, et il faut installer des matelas sur le sol au moment des assises. Des condamnations ont d’ailleurs été prononcées contre certains établissements.
Quelle que soit notre sensibilité, nous pouvons tous mettre en avant le besoin d’une régulation carcérale. Une manière très efficace de pallier ce problème est de créer des places supplémentaires en prison. C’est une des mesures que nous réclamons – nous y reviendrons.
Mme Elsa Faucillon
On peut douter de son efficacité !
M. Philippe Gosselin
Si l’on peut éventuellement envisager des libérations sous contrainte – pour des cas qu’il faudra déterminer –, on ne peut accepter le dispositif, inspiré de ce qui s’est passé lors de la crise covid, que vous proposez. Car le signal politique que cela enverrait est que nous serions favorables à une forme de laisser-faire, ce que nous ne saurions approuver.
Le problème est sérieux, nous en convenons sur tous les bancs, car personne ne peut décemment soutenir que la surpopulation carcérale est un facteur qui favoriserait la réinsertion et permettrait donc d’éviter la récidive. Toutefois, il y a peut-être des moyens qui sont acceptables et d’autres – comme, par exemple, selon nous, la mesure prévue par cet amendement – qui ne le sont pas.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 338.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l’adoption 12
Contre 47
(L’amendement no 338 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1053.
Mme Andrée Taurinya
Nous continuons d’évoquer la lutte contre la surpopulation carcérale. Par cet amendement, nous souhaitons renforcer l’obligation des magistrats de motiver leur choix de la détention provisoire au détriment d’une mesure en milieu libre comme le contrôle judiciaire. Il prévoit que les magistrats soient présents face aux prévenus lorsqu’ils leur annoncent cette décision, ce qui exclut le recours à une visioconférence – vous connaissez notre aversion pour le tout-numérique.
On résoudra le problème de la surpopulation carcérale non en construisant des places de prison supplémentaires…
M. Philippe Gosselin
C’est un réel point de désaccord entre nous ! Il en faut aussi !
Mme Andrée Taurinya
…mais en passant par un mécanisme de régulation. C’est le sens de cet amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Défavorable. Les articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale qui prévoient les durées et les possibilités de prolongation de la détention provisoire en matière correctionnelle et criminelle précisent déjà que la décision du JLD, le juge des libertés et de la détention, doit être motivée.
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Notre amendement ne prévoit pas seulement que le JLD doit motiver sa décision d’un placement en détention provisoire – car nous savons tous bien sûr que c’est déjà le cas – mais aussi qu’il doit démontrer qu’elle est préférable aux autres mesures possibles.
Si de nombreux magistrats ont recours à la détention provisoire alors qu’ils sont conscients du problème de surpopulation carcérale, c’est tout d’abord parce que, du point de vue matériel, c’est la mesure la plus simple à prendre pour un juge présent à l’audience. Il suffit en effet d’envoyer la personne derrière les barreaux – les autres solutions demandent plus de travail, qu’il s’agisse de l’Arse, pour laquelle il faut mener des enquêtes de faisabilité, ou du contrôle judiciaire, dont il faut déterminer les modalités exactes ainsi que les obligations qui lui sont associées.
D’autre part – je vous répète ce que m’ont dit des magistrats –, c’est une façon de prévoir ceinture et bretelles. Car si le juge décide de ne pas envoyer le prévenu derrière les barreaux, celui-ci pourrait réitérer l’infraction. Voilà pourquoi de nombreux magistrats ne prennent plus le « risque » – je mets ici de gros guillemets – de considérer que la liberté doit rester la norme, y compris lorsqu’on est mis en cause, et ce au nom de la présomption d’innocence, principe que chacun aime à rappeler depuis plusieurs jours.
Certains magistrats craignent aussi que, si un drame se produit et qu’ils n’avaient pas décidé de placement en détention provisoire, une enquête de l’inspection générale de la justice ne leur tombe dessus pour vérifier qu’ils avaient bien pris les mesures qui convenaient. Les juges sont donc confrontés à une pression interne à l’institution ainsi qu’à une pression de la société – pour ne pas dire des médias.
Ne pourrait-on pas obliger les juges à motiver leur décision en expliquant pourquoi elle était préférable aux autres mesures possibles ? En d’autres termes, ne peut-on pas faire mieux que de se contenter de prononcer des mesures de détention provisoire qui mènent à la surpopulation carcérale que nous connaissons aujourd’hui ?
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Schreck.
M. Philippe Schreck
Je ne sais pas à quels magistrats vous avez parlé…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
À ceux du Syndicat de la magistrature !
M. Philippe Schreck
…mais ce n’est sûrement pas à un juge qui a prononcé une mesure de détention provisoire, car je n’en connais pas un seul qui ait décidé, de gaieté de cœur, d’envoyer une personne en détention provisoire et qui estime que cette mesure soit facile à prendre.
M. Ugo Bernalicis
J’ai dit qu’elle était simple sur le plan matériel.
M. Philippe Schreck
Car mettre en prison une personne – qui est présumée innocente – n’est pas une mesure simple. Du point de vue moral, humain, elle est difficile à mettre en œuvre. Par conséquent, je veux bien croire que vous consultiez à des magistrats mais je me demande bien lesquels.
Lorsqu’un magistrat envoie quelqu’un en détention provisoire, c’est qu’il a pesé le pour et le contre, au vu de la personnalité de l’accusé, de ses antécédents judiciaires, de la gravité des faits et du risque de pression sur les témoins et les victimes.
Mme Elsa Faucillon
En comparution immédiate, ça va quand même assez vite !
M. Philippe Schreck
Le choix de la détention provisoire répond à des critères bien précis. Cette mesure ne doit pas devenir une variable d’ajustement à partir de laquelle on instaurerait des quotas de détenus. Pour remédier au problème de surpopulation carcérale, il faut appliquer le programme de création de places de prison, voire le renforcer.
(L’amendement no 1053 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 126 et 133, je suis saisie par le groupe Les Républicains de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 1054.
M. Ugo Bernalicis
Il prévoit que les décisions de placement en détention provisoire soient rendues de façon collégiale. Comme l’a dit justement l’orateur précédent – en détournant toutefois le sens de mes propos et de mes intentions concernant l’amendement que je défendais –, un placement en détention provisoire n’est pas une décision moralement neutre. Elle a un impact important et aucun magistrat – je suppose – ne la prend de gaieté de cœur.
Le problème est que le fonctionnement de la justice, de façon mécanique et pour des raisons pratiques, pousse à prendre des mesures de détention provisoire, et je passe sous silence les circulaires de politique pénale et les réquisitions du garde des sceaux qui vont bien sûr dans le même sens – bien qu’il s’en défende et déplore lui aussi que les mesures de détention provisoire soient trop nombreuses.
Parce que ce n’est pas une mince décision que de priver de liberté une personne qui n’est même pas condamnée puisqu’elle est présumée innocente, nous voulons que toutes les garanties soient prises. Il faut donc que cette décision soit prise de façon collégiale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Défavorable. Dans de nombreuses juridictions, on compte moins de trois JLD. Le dispositif ne pourrait donc pas fonctionner.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
La proposition est surréaliste. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Pascale Bordes.
Mme Pascale Bordes
Monsieur Bernalicis, vous avez réponse à tout !
M. Benjamin Lucas
Et vous, réponse à rien !
Mme Pascale Bordes
Vous avez la solution miracle face au problème de surpopulation carcérale : n’envoyer personne en prison.
Le ministère de la justice fera des économies puisque si nous n’envoyons plus personne en prison, nous n’avons plus besoin de construire de prison. Tout va bien !
M. Ugo Bernalicis
Pas bête !
Mme Elsa Faucillon
On pourrait embaucher plus de profs ou plus d’AESH !
Mme Élisa Martin
Plus de magistrats !
Mme Pascale Bordes
Vous ne savez plus quoi inventer. Après la motivation sans fin, à laquelle nous avons eu droit il y a un instant, voilà que vous proposez la collégialité des magistrats. Or, comme l’a dit M. le rapporteur, dans les petites juridictions, il n’y a pas toujours trois JLD. Dès lors, comment faire ?
Il ne vous aura pas échappé non plus que nous avons une difficulté dans la magistrature : nous manquons de postes. Que proposez-vous pour pallier ce problème ? Votre solution, c’est de suremployer les magistrats en en plaçant trois pour la même tâche afin d’installer la collégialité sur tout le territoire… C’est totalement fantaisiste et irréaliste, bref tout à fait conforme à ce que vous êtes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne relèverai pas l’emploi du mot : « fantaisiste ». La collégialité est un acquis consécutif à certaines affaires emblématiques qui ont montré que c’était la meilleure garantie, quand il faut prendre une décision lourde de conséquences tant pour le justiciable que pour les magistrats eux-mêmes. Nous devrions au moins pouvoir nous accorder sur le fait que cet amendement a du sens mais, visiblement, mettre quelqu’un derrière les barreaux alors qu’il est présumé innocent ne vous pose aucun problème.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice et M. Roger Chudeau
C’est ridicule.
M. Ugo Bernalicis
La collégialité renvoie à bien d’autres enjeux. Ainsi, le rapporteur Balanant a rappelé qu’il n’y avait qu’un seul JLD dans certaines juridictions, et j’avais cru comprendre que le garde des sceaux avait annoncé 1 500 magistrats supplémentaires, que ce serait open bar au niveau des moyens et que tout serait alors réglé. Je vous propose donc que ces moyens soient utilisés pour apporter davantage de garanties aux justiciables…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Votez-les d’abord !
M. Ugo Bernalicis
…et d’éviter de faire de la détention provisoire une mesure quasi-automatique.
Et puis je tiens à remercier la collègue du Rassemblement national pour avoir enfin compris ce que nous voulions faire ! Oui, on veut qu’il y ait moins de gens incarcérés dans le pays. C’est assumé et inscrit noir sur blanc dans notre programme. Je rappelle que cette politique est d’ailleurs appliquée chez certains de nos voisins. Et pour y parvenir, nous avons plein de solutions.
M. Philippe Gosselin
Elles ne sont pas géniales pour autant !
M. Ugo Bernalicis
Il y a la régulation carcérale, mais ce n’est pas la seule : il y a aussi, entre autres, la déflation pénale, qui consiste à interdire de prononcer des peines de prison dans un certain nombre de domaines, et à n’autoriser que des peines de probation ou éventuellement des peines d’amende, voire pas de peine du tout en cas de dépénalisation – je pense à la légalisation de l’usage du cannabis, qui figure dans notre programme car des tas de gens sont en prison en tant que simples usagers et qu’à ce titre, ils n’y ont pas leur place.
M. Laurent Croizier
C’est beau, le simplisme !
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Vous demandez sans cesse des moyens, mais vous n’avez qu’à les voter.
M. Ugo Bernalicis
Qu’on vote nos amendements alors !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Vous avez une occasion historique puisque c’est le projet de loi le plus ambitieux en termes de moyens que le ministère de la justice ait jamais proposé. Quant au code de procédure pénale, si M. Bernalicis était à la justice, il quintuplerait de volume ! Nous, on essaie de le modifier dans le sens de la simplification pour les forces de sécurité intérieure, pour les avocats, pour les greffiers et pour les magistrats quand vous, vous complexifiez tout. Je sais que vous êtes soutenu par un syndicat de magistrats…
M. Benjamin Lucas
Être soutenu par un syndicat, ça fait longtemps que cela ne vous est pas arrivé, monsieur le ministre !
Ça remonte à Vercingétorix !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
…qui est d’accord avec toutes vos idées et qui vous inspire d’ailleurs, mais il faut à un moment être vraiment sérieux : nous, on veut réellement donner des moyens supplémentaires à la justice et on essaie de simplifier les procédures pour alléger la charge de travail des magistrats. Vous, en réalité, vous êtes soutenu dans votre volonté de complexifier absolument tout ! Vous allez me dire, j’en suis sûr, qu’il faut 15 000 magistrats, voire 20 000 magistrats supplémentaires.
M. Ugo Bernalicis
Non : 13 000 !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Mais pourquoi pas ? Allons-y, c’est la foire à la saucisse avec vous, alors que nous, on essaie de faire un travail sérieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Naïma Moutchou, puis nous passerons au vote.
Mme Naïma Moutchou
Je suis favorable à la collégialité dans le monde de la justice, tout d’abord parce qu’il est important de décharger le magistrat de la pression inhérente à certaines affaires complexes, ensuite parce qu’on réfléchit toujours mieux à plusieurs. Mais si nous mettons davantage de moyens, on ne forme pas pour autant des juges du jour au lendemain. Monsieur Bernalicis, il faut déjà voter les budgets proposés pour hâter l’entrée en fonction de ces magistrats (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES).
Mme Élisa Martin
Nous ne votons pas les budgets !
Mme Naïma Moutchou
Mais un JLD ne se crée pas d’un coup de baguette magique. C’est comme un médecin ou comme un avocat. L’amendement est donc une fausse bonne idée puisque, faute d’avoir suffisamment de JLD pour appliquer partout la collégialité, son adoption mettrait en péril certaines procédures. Il faut aussi se confronter à la réalité. Cela dit, nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut renforcer les moyens de la justice, ce qui commence, je le répète, par le vote des crédits budgétaires. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
(L’amendement no 1054 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l’amendement no 1446.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Voilà une mesure qui va simplifier les choses. Cet amendement prévoit l’application automatique du contradictoire lors du règlement de l’information judiciaire. Or aujourd’hui, celui-ci est soumis à un objet judiciaire non identifié, assez singulier et curieux, qui impose aux avocats une déclaration d’intention demandant expressément l’application du dispositif. Autant leur demander s’ils ont l’intention de défendre encore leurs clients… C’est assez surréaliste. Tous les avocats que j’ai rencontrés m’ont dit que la procédure en vigueur embolise complètement leur travail, qu’elle ne va pas dans le bon sens et qu’elle envoie un mauvais signal. Au reste, ils n’ont pas à faire part de leur intention de défendre leur client comme ils l’entendent. Je suis donc pour la suppression de ce dispositif de déclaration d’intention. Un tel formalisme me paraît totalement injustifié et je souhaite que l’on puisse de façon automatique appliquer l’essence cardinale de notre procédure pénale qu’est le contradictoire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Favorable, évidemment.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Pour un amendement de simplification, je le trouve complexe dans sa rédaction… Je n’ai même pas eu le temps de le lire complètement pendant que vous le défendiez, monsieur le ministre, vu le nombre de paragraphes ! Mais je suis d’accord sur le fond : la déclaration d’intention que vous avez mentionnée ne correspond à aucune finalité claire. Je note toutefois que l’amendement ne propose pas uniquement de supprimer cette procédure. Il réécrit intégralement l’article 175 du code de procédure pénale. Pour quelle raison ? Soit c’est en effet plus compliqué qu’il n’y paraît, soit ce n’est pas le seul but de l’amendement. À ce stade, je n’en sais rien. Il est vrai que, parfois, une mesure de simplification peut nécessiter une rédaction complexe, tous les cas de figure sont possibles comme le montrent les amendements que nous examinons. Donc si l’on pouvait cesser d’argumenter sur la simplicité, sur la complexité ou encore sur le nombre de mots, le débat en serait peut-être de meilleure qualité.
M. Benjamin Lucas
Exactement !
(L’amendement no 1446 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir les amendements nos 126 et 133, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Éric Pauget
Je propose par ces deux amendements l’inscription systématique dans le fichier des personnes recherchées – FPR – des personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français – OQTF – ou d’une autre mesure d’éloignement. Rappelons deux chiffres : il y a eu 153 000 mesures d’éloignement en 2022, dont 120 000 OQTF, et on sait très bien qu’une grande partie de ces personnes sont toujours, au bout d’un an, dans la nature.
M. Ugo Bernalicis
Dans la nature ? Des êtres humains ?
M. Éric Pauget
La mesure que je vous propose est à la fois simple, concrète et pragmatique,…
M. Ugo Bernalicis
Et humaine !
M. Éric Pauget
…et elle permettrait un meilleur suivi de ces personnes dont l’État a décidé qu’il ne souhaitait pas leur présence sur le territoire national. Enfin, je note que le ministère de l’intérieur s’est montré favorable à une telle mesure.
Mme Andrée Taurinya
Ça nous rassure !
M. Philippe Gosselin
Excellent ! Il a raison !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Erwan Balanant, rapporteur
Le FPR est tout de même un fichier important, par sa nature même. Les personnes soumises à une OQTF n’en relèvent pas. L’avis est donc défavorable.
M. Philippe Gosselin
Mais il faudrait alors que toutes les OQTF soient exécutées !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Que les personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ne figurent pas au sein du fichier des personnes recherchées me semble une aberration.
Mme Béatrice Roullaud
En effet !
Mme Emmanuelle Ménard
J’irai même plus loin : il faut absolument rétablir le délit de séjour illégal en France, et j’ai d’ailleurs déposé en janvier une proposition de loi en ce sens. Je rappelle qu’il a été supprimé par François Hollande en 2012. On se plaint à juste titre que les OQTF ne sont pas suffisamment exécutées. Inscrire dans le FPR les personnes concernées permettrait aux forces de l’ordre d’être informées de leur situation quand elles viennent à en arrêter. Cela me semble le b.a-ba ! Et si vous interrogez les Français, je pense qu’ils seront, tout comme certains d’entre nous, absolument interloqués que cette mesure de bon sens n’existe pas déjà. Je voterai donc évidemment les deux amendements de M. Pauget, même si je considère qu’il faudrait aller plus loin en rétablissant le délit de séjour illégal en France. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac
Tout cela en dit long sur la volonté de certains de criminaliser celles et ceux qui font l’objet d’une OQTF.
M. Philippe Gosselin
En effet !
M. Jocelyn Dessigny
Une OQTF n’est pas délivrée sans raison !
M. Hervé Saulignac
À ma connaissance, on ne procède pas à la recherche de quelqu’un qui a fait l’objet d’une décision administrative, prise en l’espèce par le préfet, et contre laquelle elle peut former un recours, très souvent gagnant. Cela n’a aucun sens.
M. Jocelyn Dessigny
Ce sont vos propos qui n’ont aucun sens !
M. Hervé Saulignac
En plus, ce serait incontestablement une forme de stigmatisation. Mais je sais que c’est ce que vous souhaitez, et c’est la différence fondamentale entre vous et nous. Je redis que cela n’aurait absolument aucun sens et constituerait une atteinte insupportable à l’égard des personnes qui font l’objet d’une OQTF. Leur nom n’a rien à faire dans ce fichier. (M. Benjamin Lucas applaudit.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 845, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d’une demande de scrutin public.
Sur les amendements nos 914 et 694, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix l’amendement no 126.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 27
Contre 54
(L’amendement no 126 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 133.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l’adoption 26
Contre 56
(L’amendement no 133 n’est pas adopté.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Je demande une suspension de séance, madame la présidente.
Mme la présidente
La suspension est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.
M. Ugo Bernalicis
Il se fonde sur les articles 98 à 100 du règlement, relatifs au dépôt des amendements et à l’organisation de leur discussion.
Hier, trois amendements qui auraient pu être défendus sont tombés à la suite de l’adoption d’un amendement de coordination du rapporteur. Ils visaient à supprimer les cours criminelles départementales. On nous a dit qu’il était possible de les redéposer ; j’ai pris attache avec le rapporteur, mais il serait finalement, nous dit-on, trop tard.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Ce n’est pas vrai.
M. Ugo Bernalicis
Tout se passe dans un flou artistique complet. Les uns et les autres plaident la bonne foi ; il n’empêche que nos amendements, parce qu’ils n’avaient pas été inclus dans la discussion commune, sont tombés et nous n’avons pas pu les défendre. Nous aurions pourtant aimé opposer des arguments aux mensonges qui ont été proférés en commission par le rapporteur, le président Houlié et le ministre.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Voilà, tout le monde ment.
M. Ugo Bernalicis
Pourriez-vous, madame la présidente, consulter la direction de la séance pour voir s’il est encore possible de rattraper le coup et, le cas échéant, quel mode opératoire concret nous pourrions adopter. Si c’est impossible, c’est problématique, car le sujet nous tient à cœur et, surtout, mobilise des associations, notamment le collectif #NousToutes, qui a fait un communiqué pour soutenir ces amendements – ils impliquaient, entre autres, la décorrectionalisation du viol. Il y avait là matière à discussion.
Mme la présidente
En effet, à la suite de l’adoption de l’amendement no 893 rectifié, trois amendements dont deux identiques sont tombés. J’ai contacté la direction de la séance, mais il semblerait qu’il n’y ait plus moyen d’y revenir.
Mme Elsa Faucillon
Ils auraient dû être discutés dans le cadre de la discussion commune !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Franchement, on a fait tout ce qu’on pouvait – il est rare qu’on tente de trouver des solutions lorsque des amendements tombent. On vous a fait plusieurs propositions. Ce matin, à neuf heures, nous en avions exposé une, que la direction de la séance était prête à accepter ; personne n’a bougé. Les personnes qui devaient soutenir les amendements ne sont pas là ce matin.
M. Ugo Bernalicis
Je suis là, moi !
M. Erwan Balanant, rapporteur
Certes, mais vous n’avez pas réagi à notre proposition. Hier, dès que nous avons compris que ces amendements sont tombés à cause de l’adoption d’un amendement de coordination, nous avons essayé de remédier au problème ; ce matin, il n’y a pas eu de réponse de votre part. Je suis désolé, mais rarement, je crois, la direction de la séance, les administrateurs et votre rapporteur auront fait autant pour trouver une solution à un problème qui résulte de la simple application du règlement. Je suis confus, mais il fallait réagir plus tôt. Nous avons passé toute la fin de soirée, hier, à réfléchir aux solutions possibles, et nous vous avons soumis des tas de propositions.
M. Ugo Bernalicis
À moi, vous avez fait zéro proposition !
M. Erwan Balanant, rapporteur