Première séance du lundi 10 juillet 2023
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027
- Discussion des articles (suite)
- Article 12 bis
- Article 13
- Amendement no 1065
- Après l’article 13
- Amendement no 1078
- M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Sous-amendement no 1474
- Amendements nos 613 et 1047
- Article 13 bis
- Article 14
- M. Romain Baubry
- M. Dino Cinieri
- M. Emmanuel Mandon
- Mme Cécile Untermaier
- Amendements nos 1070, 1050, 1075, 1162, 1350, 1396 et 806
- Sous-amendement no 1504
- Amendements nos 1405 et 595
- Sous-amendement no 1506
- Amendements nos 361, 410 et 654
- Sous-amendement no 1505
- Amendements nos 1073, 945, 1079, 1417, 1062, 1163, 1164, 362, 842, 363, 1064, 41, 951, 1354, 364, 1165, 1352, 602, 538, 952, 1089 et 1067
- M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- Amendements nos 1066, 863, 1353, 604, 1068, 1069, 1094, 603 et 1384
- Après l’article 14
- Amendement no 1418
- Suspension et reprise de la séance
- Avant l’article 15
- Amendement no 675
- Article 15
- Mme Sarah Tanzilli
- Mme Pascale Bordes
- M. Andy Kerbrat
- Mme Annie Genevard
- Mme Cécile Untermaier
- Amendements nos 365, 521, 946, 1124, 1355, 1136 rectifié, 1357 rectifié, 1356, 250 et 487
- Avant l’article 16
- Amendement no 678
- Article 16
- Après l’article 16
- Amendement no 1450
- Article 17
- Mme Pascale Bordes
- Mme Raquel Garrido
- Mme Cécile Untermaier
- Mme Sarah Tanzilli
- Amendements nos 221, 366, 947, 1137, 1358, 665, 668, 669, 222, 1359, 1139, 223 et 367
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (nos 1346, 1440 deuxième rectification).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Jeudi 6 juillet, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 632 portant article additionnel après l’article 12 qui n’est pas défendu.
Article 12 bis
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1039, tendant à supprimer l’article 12 bis.
Mme Andrée Taurinya
Le groupe La France insoumise propose de supprimer l’article 12 bis, introduit par le Sénat, qui vise à corriger une référence à un article du code du travail abrogé par une ordonnance de 2017. On voit bien que légiférer par ordonnance soulève de nombreuses difficultés. En l’occurrence, il nous faut revenir sur un point important du code du travail qui concerne la pénibilité. Après la séquence de la réforme des retraites, il est pour le moins étrange de voir surgir cette question dans un texte relatif à la programmation du ministère de la justice pour les années 2023 à 2027. Que vient faire cet article dans le projet de loi ? Ne s’agirait-il pas d’une énième provocation du Gouvernement face aux mobilisations des travailleurs et des travailleuses, qui portaient notamment sur cette question de la pénibilité ?
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser M. le rapporteur Jean Terlier, qui nous rejoindra en cours de séance. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement : l’article 12 bis se borne à faire une correction de référence dans le code de l’organisation judiciaire et a donc toute sa place dans le projet de loi.
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya
Je ne m’attendais évidemment pas à une autre réponse ! Je le répète, légiférer par ordonnance présente des risques. Par conséquent, quand le Gouvernement envisage de revoir le code de procédure pénale de cette façon, nous avons de quoi être inquiets malgré tout ce qu’il nous dit !
(L’amendement no 1039 n’est pas adopté.)
(L’article 12 bis est adopté.)
Article 13
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1065, qui tend à supprimer l’article 13.
Mme Andrée Taurinya
Face au manque criant d’effectifs chez les magistrats, cet article prévoit que la présidence des juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats puisse être assurée par des magistrats honoraires. Nous ne cessons de le souligner : le manque de personnels dans la justice exige des moyens supplémentaires et des mesures pour redonner aux professions judiciaires leur attractivité. Recourir à des magistrats honoraires n’est pas la bonne solution. Il faut plutôt augmenter les salaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Si vous voulez davantage de magistrats dans la justice, alors soutenez le projet de loi, qui prévoit d’abord la création de 1 500 postes supplémentaires de magistrat, et ensuite le recours à des magistrats honoraires, anciens magistrats professionnels parfaitement à même de présider les juridictions disciplinaires. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Tout a été dit par M. le président de la commission.
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya
Nous avons déjà eu cette discussion à maintes reprises ! Vous nous dites que nous devons voter en faveur du projet de loi si nous voulons davantage de moyens pour le ministère de la justice, mais ces moyens annoncés comme historiques ne représentent que la moitié du budget de la police. Par ailleurs, nous ne savons toujours pas comment ils seront ventilés – la rapporteure pour avis de la commission des finances l’a elle-même souligné. Ce que nous avons compris, c’est qu’ils seront essentiellement dédiés à la création de nouvelles places de prison. En revanche, aucune mesure ne nous a été présentée pour rendre les métiers de la justice plus attractifs.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Nous pouvons tout entendre, sauf des bêtises. Le budget du ministère de l’intérieur s’élevait à 20,8 milliards d’euros en 2022 et connaîtra une augmentation de 15 milliards au cours des cinq prochaines années. Quant au budget de la justice, il représentait à peine 9 milliards en 2022 et enregistrera une hausse de 7,5 milliards au cours des cinq prochaines années. Proportionnellement, ces chiffres représentent une augmentation de 72 % pour le ministère de l’intérieur, contre 84 % pour le ministère de la justice.
Vous affirmez que le ministère de la justice est le parent pauvre du ministère de l’intérieur, mais compte tenu de sa parfaite inexactitude, votre démonstration ne tient pas !
Mme Naïma Moutchou
Eh oui ! Ce n’est pas comparable !
(L’amendement no 1065 n’est pas adopté.)
(L’article 13 est adopté.)
Après l’article 13
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1078, 613 et 1047, portant article additionnel après l’article 13 et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 1078, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Lors des travaux de la commission, il y a quinze jours, les rapporteurs ont été convaincus de l’utilité de la mesure proposée par M. Rimane : la création d’un conseil de discipline commun aux trois barreaux de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dans les barreaux de petite taille, le principe d’impartialité est difficile à respecter. Nous remercions M. Rimane de nous avoir signalé cette situation. Nous sommes convenus avec lui de réfléchir à un nouveau dispositif. Tel est le sens de cet amendement.
Précisons que les membres du conseil de discipline commun aux trois barreaux ne pourront siéger en visioconférence que lorsque leur présence à l’audience sera impossible et qu’un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application du dispositif.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir le sous-amendement no 1474.
Mme Sarah Tanzilli
Il vise à différer l’entrée en vigueur de la mesure afin de laisser le temps nécessaire à la mise en place et à l’organisation du conseil de discipline commun.
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 613.
M. Davy Rimane
Comme l’a rappelé le rapporteur Balanant, j’ai présenté cette mesure en commission et nous sommes convenus, avec le rapporteur Jean Terlier, de travailler à la réécriture de l’amendement. Je ne savais pas que la commission reprendrait ma proposition à son compte. J’ai pourtant modifié mon amendement pour tenir compte des remarques qui m’avaient été faites…
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1047.
Mme Andrée Taurinya
Il va dans le même sens que les deux amendements précédents. Quant au sous-amendement de Mme Tanzilli, je le trouve assez inquiétant : pourquoi procrastiner une fois de plus ? Depuis le début de l’examen du projet de loi, de nombreuses mesures – la justice restaurative, la régulation carcérale,… – ont été remises à plus tard. Cette fois, agissons sans attendre !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Avis favorable sur l’amendement des rapporteurs Balanant, Terlier et Pradal et favorable également – à titre personnel, puisque la commission ne l’a pas examiné – sur le sous-amendement de Mme Tanzilli. Un décret en Conseil d’État étant attendu, douze mois sont en effet nécessaires pour prévoir les conditions d’application du dispositif. Avis défavorable sur les deux autres amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Il serait bon, quand vous exprimez un avis défavorable, que vous justifiiez votre position. Peut-être considérez-vous que l’amendement des rapporteurs est mieux écrit et plus complet que le mien, mais ce n’est pas forcément significatif. Je rappelle que je suis à l’origine de cette proposition. Par respect pour mon travail et pour celui de mon équipe, vous auriez pu émettre un avis favorable sur mon amendement, dans un véritable esprit de concertation et de coconstruction. C’est la troisième fois que je joue le jeu, que je réécris un amendement à la demande de la majorité et qu’il est finalement rejeté. Je regrette ce type d’entourloupe !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
La différence entre l’amendement des rapporteurs et le vôtre est subtile, mais de taille, monsieur Rimane : vous prévoyez le recours à la visioconférence lorsque le déplacement est matériellement difficile, alors que l’amendement présenté par M. Balanant envisage également l’hypothèse dans laquelle ce déplacement est impossible. C’est cette différence sémantique qui explique ma préférence pour l’amendement des rapporteurs. Il n’en reste pas moins que vous êtes à l’origine de cette mesure, monsieur Rimane – M. Balanant l’a d’ailleurs rappelé.
(Le sous-amendement no 1474 est adopté.)
(L’amendement no 1078, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 613 et 1047 tombent.)
Article 13 bis
(L’article 13 bis est adopté.)
Article 14
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Baubry.
M. Romain Baubry
Je renouvelle mon soutien aux agents de l’administration pénitentiaire, qui exercent au quotidien une mission difficile, mais essentielle pour notre société. C’est inévitable, l’administration pénitentiaire doit évoluer : elle doit devenir attractive afin de recruter massivement, mais aussi de mieux recruter. Le passage en catégorie B des surveillants pénitentiaires est un gage de reconnaissance pleinement mérité et nous espérons vivement que les nouvelles grilles indiciaires seront à la hauteur. Mais pour rendre véritablement attractive l’administration pénitentiaire, il va falloir en faire davantage, notamment en ce qui concerne les conditions et le rythme de travail des agents.
L’enjeu soulevé par la situation carcérale en France est capital : les prisons sont surpeuplées car nous manquons de places, car tous les indicateurs des actes délictuels et criminels sont à la hausse, car nous hébergeons dans nos prisons plus de 20 % de détenus étrangers. Alors il va en falloir, des places de prison ! Nous devons avant tout protéger la société ; et pour cela, de nombreux surveillants seront nécessaires. Ce n’est donc pas votre proposition de recruter des surveillants au statut précaire, moins bien formés et moins bien rémunérés, qui permettra de répondre au besoin.
L’administration pénitentiaire doit également se moderniser pour apporter davantage de sécurité à l’intérieur des murs et aux abords des prisons. La commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire ayant conduit à la l’assassinat d’un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles a mis en évidence les nombreuses failles dans le domaine de la vidéosurveillance.
Il paraît essentiel de prévoir davantage de moyens pour améliorer non seulement la qualité des systèmes, couplés à des programmes facilitant le repérage de situations à risque, et celle de la formation à ces postes.
Vous ne devez pas passer à côté de ce besoin de sécurité : le risque est bien trop élevé et les conséquences bien trop graves. Le Rassemblement national votera pour les mesures allant dans le bon sens et continuera à soutenir nos forces de sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri
Nous reconnaissons tous ici la très grande difficulté des conditions de travail des surveillants pénitentiaires, et il est indispensable de trouver des solutions pour améliorer leur situation.
L’article 14 vise à faire face aux problématiques de recrutement dans l’administration pénitentiaire en développant la réserve civile et en ouvrant des postes de surveillants adjoints contractuels destinés à former un vivier pour les concours, à l’instar des policiers adjoints au sein de la police nationale. Il prévoit également de renforcer la réserve civile pénitentiaire, créée en 2009 et composée exclusivement d’anciens professionnels volontaires. Cette réserve concilie l’intérêt de l’administration pénitentiaire et celui des jeunes retraités souhaitant continuer leur activité à temps partiel. Les réservistes peuvent être mobilisés jusqu’à 150 jours par an, même si la moyenne observée est plutôt de 60 jours ; pour autant, leur effectif ne s’élevait qu’à 227 en 2020.
Le renforcement de l’attractivité de la réserve civile pénitentiaire représente donc un enjeu important pour assurer des missions complémentaires à celles exercées par les personnels pénitentiaires. Permettre aux retraités d’être réservistes jusqu’à 67 ans sur la base du volontariat est ainsi une bonne idée. Toutefois, la réserve civile pénitentiaire ne doit pas remplacer les postes de titulaires indispensables, et nous attendons des garanties du Gouvernement sur ce point.
Par ailleurs, en commission, M. le rapporteur a précisé que la contractualisation des surveillants adjoints doit permettre d’attirer des jeunes qui redoutent de passer des concours ou qui ne veulent pas être affectés loin de chez eux ; ne serait-il pas plutôt possible de garantir aux titulaires qu’ils pourront être affectés à proximité de leur lieu de vie, pour éviter de démotiver les candidats ?
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
En abordant cet article consacré à l’administration pénitentiaire, je voudrais revenir, monsieur le garde des sceaux, sur votre engagement de construire 15 000 places supplémentaires de prison. Rassurez-vous : je ne mets pas en doute votre volonté politique personnelle ni l’effort budgétaire exceptionnel que vous nous proposez. Permettez-moi cependant d’exprimer quelques interrogations, à la lumière des quarante dernières années : en effet, à plusieurs reprises, notre confiance dans la capacité de l’administration à se surpasser pour réaliser des programmes immobiliers a pu être entamée.
Nous le savons : le défi est considérable. Je me souviens par exemple de la nomination d’un secrétaire d’État spécifiquement chargé des programmes immobiliers de la justice ; et, si aucun de vos prédécesseurs que nous avons connus n’a manqué de volonté politique, il nous faut hélas constater le résultat. Combien de rapports, combien de recommandations, combien de condamnations ? Il est difficile de ne pas porter un jugement sévère face à ce qui apparaît bien comme un échec renouvelé. J’en veux pour preuve assez lamentable le projet de reconstruction de la maison d’arrêt de La Talaudière, dans le département de la Loire, dont je suis élu – un projet tué dans l’œuf, alors que cette reconstruction était indispensable. Elle avait d’ailleurs fait l’objet d’un engagement officiel de deux de vos prédécesseurs.
Malheureusement, une fois encore, le courage politique n’a pas été au rendez-vous ; je ne peux que le déplorer. Pour autant, je ne suis pas naïf : je sais que parmi celles et ceux qui viennent solliciter les ministres à Paris, et qui, la main sur le cœur, nous prennent à témoin dans l’hémicycle pour dénoncer le manque de places de prison, certains, dès leur retour dans leur circonscription, combattent les projets d’implantation – « surtout, pas ça chez nous ! ». C’est un triste constat, mais qui doit nous inciter à beaucoup de modestie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier
À travers cet article 14, nous nous engageons dans une seconde discussion sur les prisons. Nous traitons ici du personnel pénitentiaire, qui – nous le savons tous – subit comme les détenus les conséquences du délabrement des prisons et les conditions très difficiles d’exécution de sa mission au sein des établissements pénitentiaires.
L’article 14 modifie la composition du vivier de la réserve civile de l’administration pénitentiaire – ce qui est selon nous une bonne chose – et crée le statut de surveillant adjoint, recruté par voie contractuelle pour une durée de trois ans et âgé de 18 à 30 ans. Cela nous fait curieusement penser, dans un autre registre, aux juristes assistants que nous avions instaurés en 2016.
Par ces dispositions, l’État écarte la sélection par concours, qui est pourtant une forme de gage de qualité des surveillants pénitentiaires. En outre, alors que les surveillants bénéficient d’une formation de dix-huit mois, celle des adjoints contractuels ne durera que dix-huit semaines, dont seize se dérouleront dans l’établissement pénitentiaire. C’est la raison pour laquelle nous proposerons, dans un amendement, l’instauration d’un tutorat des surveillants adjoints par les titulaires.
Cette réforme a bien sûr pour ambition de faire face aux difficultés de recrutement du personnel pénitentiaire et de faciliter, par la suite, leur intégration ; mais répond-elle aux problématiques d’attractivité du métier, dont le premier témoin est le nombre de candidats aux concours ? Je ne le pense pas.
Pour cela, il nous faut travailler sur deux points. Le premier concerne les conditions de travail : on compte en effet 70 000 détenus pour 28 000 surveillants. Le deuxième est la rémunération : 2 000 euros en fin de carrière, est-ce suffisant ? Je ne le pense pas non plus.
Le rapport annexé prévoit des revalorisations : à quelle hauteur ? Pour partager un message de progrès et manifester notre volonté commune de rendre efficientes la réinsertion et les peines alternatives à l’incarcération, il nous faut y consacrer beaucoup de moyens, et je compte sur ce texte pour le faire.
Mme la présidente
La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l’amendement no 1070.
M. Andy Kerbrat
Par cet amendement de suppression, nous nous opposons à l’élargissement des possibilités d’intégrer la réserve pénitentiaire. Nous avons déjà eu ce débat en commission : nous ne considérons pas que le rôle d’un agent pénitentiaire à la retraite soit de garder une prison, ni que la généralisation du port de la caméra aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire soit une bonne solution.
Nous ne demandons pas un pansement sur une jambe de bois, mais des moyens humains ; or votre texte ne propose qu’une autre gestion de la pénurie. Nous vous avons proposé des mécanismes – qui ont été discutés – de déflation carcérale. Vous avez par ailleurs été condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour violation des articles 3 et 13 en raison des conditions carcérales de nos établissements. Nous souhaitons un véritable plan pour vider nos prisons et améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire, car ces deux dimensions sont liées.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1070, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Nous avons des désaccords persistants. Pour commencer, vous êtes opposés par principe à toutes les réserves – que ce soit pour les douanes, la police, ou désormais l’administration pénitentiaire. Cela ne nous surprend pas beaucoup ; c’est une divergence de fond entre nos groupes. Pour notre part, nous considérons que nous devons permettre à tous les agents volontaires pour être réservistes de le devenir, sans compter qu’une telle mesure représente un partage d’expérience entre plusieurs générations d’agents pénitentiaires, ce dont nous pourrions difficilement nous dispenser.
Vous êtes également opposés aux contractuels, au prétexte que ces derniers seraient nécessairement moins bien formés ou moins utiles à l’administration. Au regard de l’état de l’administration française et de ses besoins en compétences nouvelles, ces ressources sont nécessaires pour assurer la continuité du service et soulager les rangs d’un grand nombre de professions en souffrance. En cela, ils représentent une soupape de sécurité pour toute l’administration : ils ont ainsi fait office de sucres rapides auprès des magistrats – Mme Untermaier a également mentionné les juristes assistants. Je ne vois pas pour quelles raisons ce dispositif ne fonctionnerait pas aussi bien au sein de l’administration pénitentiaire.
Par ailleurs, et ce n’est pas un détail, une revalorisation indiciaire importante a été décidée pour l’administration pénitentiaire : des agents de catégorie C passeront en catégorie B au 1er janvier 2024. Là encore, c’est un gage de la confiance que nous leur accordons et une manifestation de l’intérêt que nous portons à cette profession – intérêt que j’ai pu rappeler il y a quelques semaines encore, lors d’une visite à l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap).
J’en viens aux caméras. Vous êtes opposés aux caméras – à toutes les caméras. Certains de leurs usages, pourtant, pourraient trouver des vertus à vos yeux : je pense notamment aux caméras-piétons. Nous avons démontré que ces dernières apaisent les relations entre des personnes qui, généralement,…
Mme Elsa Faucillon
C’est faux !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Madame Faucillon, vous n’êtes pas d’accord, mais la caméra-piéton permet d’objectiver tous les comportements, de contrôler…
Mme Elsa Faucillon
Ce n’est pas que je ne suis pas d’accord, c’est que j’ai toutes les études !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Ce sont des études partisanes. C’est dommage pour vous, car nous avons ici des études réalisées par MM. Gosselin et Latombe,…
Mme Elsa Faucillon
Celles-là, elles ne sont pas partisanes ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
…qui démontrent chaque fois le contraire de ce que vous soutenez. Ainsi, elles prouvent l’utilité des caméras en général, et des caméras-piétons en particulier, pour objectiver les situations de tension.
Par conséquent, nous ne sommes favorables à aucune des raisons pour lesquelles vous appelez à supprimer cet article. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Il nous faut raisonner sur ces questions avec plus de pragmatisme et moins d’idéologie.
D’abord, le président Houlié a rappelé que vous étiez contre toutes les réserves. Or la réserve civile pénitentiaire est un vivier incontestable, ouvert aux personnels pénitentiaires volontaires : rien, naturellement, n’est imposé. Pour quelles raisons nous priverions-nous de compétences, d’hommes et de femmes qui ont consacré leur vie à l’administration pénitentiaire et qui ne souhaitent pas la quitter, alors qu’ils nous seraient très utiles ? Premièrement, ils constituent des personnels dont nous avons effectivement besoin ; deuxièmement, ils sont susceptibles d’assumer – et d’assurer – une forme de transmission de ces métiers.
Je rends d’ailleurs à mon tour hommage aux personnels pénitentiaires, troisième force de sécurité de notre pays, qui travaillent en effet dans des conditions très difficiles. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous rencontrons des problèmes d’attractivité qui n’échappent à personne : j’y reviendrai.
Au sujet des caméras-piétons, en commission des lois, on m’a opposé des études – en très grand nombre. Vos fortes assertions m’ont en effet fait quitter la salle avec un sentiment d’ignorance, et même presque groggy ; et puis, j’ai consulté ces études : elles ne concernent pas du tout la pénitentiaire, et elles sont incomplètes. Voilà la réalité ! J’ai bien fait de vous demander les références : ces études ne prouvent en rien ce que vous prétendez.
Or la caméra-piéton n’a rien de très compliqué : il suffit d’en équiper le personnel pénitentiaire pour éviter, d’abord, un certain nombre d’agressions. En effet, ce dispositif réfrène celui qui veut agresser l’agent pénitentiaire, puisqu’il sait que son acte est susceptible d’être filmé.
M. Ian Boucard
Bien sûr !
M. Dino Cinieri
Il a raison !
M. Ian Boucard
Ces caméras sont au service de la sécurité !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Par ailleurs, la caméra est au service non seulement de la sécurité, mais, mieux encore – et cela devrait faire l’unanimité ici –, de la vérité ! Il suffit de regarder les images et d’écouter le son pour avoir une appréciation exacte des événements ; mais au fond, vous n’avez pas envie de cela. Pourquoi ? Pour des raisons de pure idéologie – de pure idéologie !
M. Dino Cinieri
C’est vrai !
M. Ian Boucard
Ils sont du côté des voyous !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Madame Untermaier, vous avez évoqué les craintes relatives aux contractuels et rappelé que nous en avons embauché pour les besoins de la justice judiciaire.
Que n’ai-je entendu à l’époque, de la part des mêmes ! On les appelait élégamment les rustines, ou les poussières… Ils se sont pourtant parfaitement intégrés, au point que les chefs de juridiction m’ont demandé de les pérenniser – ce que nous faisons avec le présent texte. Ils ont tellement bien travaillé avec les greffiers et les magistrats qu’ils ont contribué à la réduction de plus de 30 % des dossiers en attente en matière civile, notamment aux affaires familiales ! C’est la première fois dans notre pays que nous réduisons ainsi les stocks de dossiers, qui sont endémiques ! Je vous remercie d’ailleurs, madame Untermaier, d’avoir souligné que le texte allait dans le bon sens s’agissant des moyens. Je veux également rappeler que M. Urvoas, l’un de mes prédécesseurs, qui avait parlé de clochardisation à propos de l’institution judiciaire, a dit la même chose il y a peu de temps, à l’occasion d’une déclaration très complète dans un journal.
Venons-en aux contractuels dans l’administration pénitentiaire. L’amendement propose de supprimer l’article 14 du projet de loi, qui est essentiel pour que cette administration assure ses missions avec des moyens renforcés. Celle-ci souffre, nous l’avons tous dit, d’un sérieux défaut d’attractivité. Les métiers pénitentiaires sont mal connus. Le travail en prison est difficile et complexe, en particulier dans les conditions actuelles de surpopulation carcérale. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai annoncé une réforme statutaire d’envergure qui institue le passage en catégorie B du corps d’encadrement et d’application, et en catégorie A du corps de commandement. C’est pour cela aussi que nous prévoyons, dans ce projet de loi, le recrutement de surveillants adjoints lorsque les postes de surveillant titulaire ne peuvent être pourvus. Cette disposition nous permettra de recourir à une ressource humaine de proximité, que nous formerons. Je le dis, mesdames et messieurs les députés : nous en avons besoin ! Ces personnels pourront assurer, aux côtés des surveillants, le fonctionnement des nouveaux établissements que nous construisons, ce qui est une véritable priorité. Le recrutement de contractuels au sein de la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ne constitue pas une contractualisation de la mission pénitentiaire, qui reste et restera une mission régalienne. Les contractuels ne vont pas remplacer les surveillants ; ils n’auront d’ailleurs pas les mêmes missions.
Quant à la réserve pénitentiaire, son développement est important pour que soient assurées les missions assignées aux réservistes, comme le renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice ou la formation des personnels.
S’agissant enfin de la généralisation du port des caméras-piétons par les surveillants, l’intérêt du dispositif a été démontré par une expérimentation menée entre 2020 et 2022, que nous n’avons pas encore évoquée. Ces caméras individuelles permettent d’apaiser les relations avec les détenus, un effet similaire à celui observé par les policiers ou les pompiers qui en bénéficient. Leur généralisation est particulièrement attendue par les personnels pénitentiaires, d’autant plus qu’elle permet, comme je l’ai déjà dit, de disposer de moyens de preuve et de mieux lutter contre les violences.
Pour toutes ces raisons, j’émets bien sûr un avis défavorable à cet amendement de suppression.
Mme la présidente
Plusieurs d’entre vous m’ont demandé la parole. Je propose que nous entendions deux interventions pour l’amendement et deux contre, après quoi nous passerons au scrutin.
La parole est à M. Jordan Guitton.
M. Jordan Guitton
Le groupe Rassemblement national votera contre cet amendement de suppression. Lorsqu’il s’agit d’améliorer les conditions de travail des ouvriers de la sécurité qui œuvrent chaque jour dans nos prisons, les députés de la NUPES sont encore une fois aux abonnés absents. La réserve pénitentiaire – sur la base du volontariat – est plutôt une bonne chose. Ma circonscription abritait une prison au passé historique, Clairvaux – qui a fermé il y a quelques semaines et doit être remplacée par une nouvelle prison, mais je ne reviendrai pas sur ce sujet. J’y ai rencontré des hommes et des femmes qui ont donné leur vie à l’institution et à leur travail pénitentiaire. Certains ont acquis un savoir-faire, qu’ils souhaitent transmettre aux plus jeunes qui rejoignent la pénitentiaire. Pourquoi les empêcher de travailler s’ils le souhaitent ? Personne ne sera forcé !
S’agissant des caméras-piétons, les surveillants pénitentiaires interrogés sur le sujet…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Ils sont tous pour !
M. Jordan Guitton
…expliquent qu’ils sont obligés d’informer les détenus lorsqu’ils déclenchent la caméra. Ce devoir d’information assure une transparence complète de l’utilisation du matériel. Je ne comprends donc pas où est le problème. Les caméras protègent les surveillants, mais peuvent parfois aussi protéger les détenus !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Bien sûr.
M. Jordan Guitton
Notre groupe souhaite aider la justice et favoriser le déroulement des enquêtes. Lorsqu’un drame, un conflit ou des heurts surviennent dans le milieu carcéral, il est important de disposer d’images vidéo : celles-ci contribuent à l’élucidation des enquêtes. C’est tout simplement la base de la justice ! Plus les enquêtes seront facilitées, mieux ce sera pour tout le monde – pour le surveillant, pour le détenu, pour la prison et pour la justice d’une façon générale.
Quant au recrutement de contractuels, nous avons déposé des amendements pour nous y opposer. Quoi qu’il en soit, je ne comprends pas, chers collègues de la NUPES, que vous ne souhaitiez pas améliorer les conditions de travail des ouvriers de la sécurité que sont les surveillants pénitentiaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya
Je vous confirme, monsieur le président de la commission des lois, que nous n’avons pas les mêmes points de vue. Cela n’aura échappé à personne !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
En effet ! Nous, nous défendons les forces de l’ordre.
Mme Andrée Taurinya
Le ministre renchérit sur vos propos en affirmant que notre position serait idéologique. J’aimerais toutefois vous rappeler que c’est vous qui servez l’idéologie néolibérale qui conduit à supprimer les services publics ou, à tout le moins, à les attaquer – si bien qu’après avoir été vantés et admirés dans le monde entier, ils se retrouvent dans une situation de délabrement incroyable !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
En tout cas, on ne compte pas sur vous pour les rétablir.
Mme Andrée Taurinya
Vous voulez recourir à des contractuels dans la pénitentiaire comme vous le faites dans tous les services publics, qu’il s’agisse des écoles ou des hôpitaux. Nous, nous défendons tous les services publics, celui de la justice comme celui de l’école ou de l’hôpital.
M. Guillaume Kasbarian
Mais arrêtez…
Mme Andrée Taurinya
Lors des trois derniers concours de surveillant pénitentiaire, 770 emplois n’ont pas été pourvus. Pourquoi ? Parce que les rémunérations ne suivent pas ! Voilà le problème, monsieur le ministre !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Quel rapport ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
On vient de vous dire qu’ils seraient revalorisés, mais cela ne vous suffit pas !
Mme Andrée Taurinya
Pourquoi tous les postes ouverts aux concours de l’éducation nationale ne sont-ils pas pourvus ? Parce que ces métiers ne sont plus attractifs ! Ce qu’il faut, c’est donc augmenter les salaires ! En 2023, 600 surveillants pénitentiaires partiront à la retraite. Croyez-vous qu’ils voudront continuer à travailler, alors que 95 % des actifs se sont mobilisés pendant des mois pour la retraite à 60 ans ? Croyez-vous que vous pourrez les faire revenir à 67 ans ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Vous vous arrangez facilement avec la réalité, tout de même !
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Le groupe Les Républicains s’opposera à cet amendement de suppression. Tous les métiers de la fonction publique connaissent aujourd’hui des difficultés de recrutement, vous le savez. Il me semble que la question du statut est devenue secondaire et qu’il faut l’appréhender avec pragmatisme. Du reste, le statut de contractuel est parfois plus intéressant que celui de titulaire…
Mme Andrée Taurinya
C’est une blague ?
Mme Annie Genevard
…car il offre, notamment dans l’administration territoriale, une meilleure rémunération.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
C’est vrai.
Mme Annie Genevard
Le sujet ne doit donc pas être abordé avec idéologie, mais tout au contraire avec pragmatisme. Ces difficultés de recrutement devraient s’accroître à l’avenir : je rappelle, monsieur le garde des sceaux, que Les Républicains souhaitent porter à 80 000 le nombre de places de prison. Si vous mettez en œuvre le programme que vous annoncez et si vous écoutez la demande que nous vous avons faite à plusieurs reprises de créer des places de prison en grand nombre, pour éviter l’inexécution des peines, nous aurons besoin d’agents de plus en plus nombreux dans l’administration pénitentiaire.
Vous répondez à ces besoins au travers de deux dispositifs. Le premier, qui repose sur le recrutement de jeunes contractuels, exige de prendre certaines précautions. Si le fait d’être un jeune contractuel ne pose aucun problème dans certains métiers, les tâches de l’administration pénitentiaire amènent parfois à être en contact avec des personnes dangereuses. Il convient donc que les missions d’appui et d’accompagnement soient très soigneusement calibrées, afin d’éviter les incidents. Le deuxième dispositif est celui de la réserve civile pénitentiaire. J’y suis personnellement très favorable. Je l’appelle de mes vœux dans l’éducation nationale, par exemple. Nous avons besoin de l’expérience des aînés !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Bien sûr.
Mme Andrée Taurinya
Demandez-leur s’ils ont envie de travailler après 62 ans !
M. Erwan Balanant, rapporteur
Pourriez-vous ne pas crier ?
Mme Annie Genevard
C’est vrai dans le public, mais également dans le privé ; c’est une évidence. Quant au cumul emploi-retraite, c’est une mesure qui fonctionne bien aussi !
M. Ian Boucard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
C’est précisément parce que nous nous intéressons aussi aux conditions de travail des agents pénitentiaires que nous avons proposé, la semaine dernière, un mécanisme de régulation carcérale : c’est en effet l’une des mesures les plus efficaces à cet égard.
Mme Annie Genevard
Nous y sommes totalement hostiles.
Mme Elsa Faucillon
Mais vous avez décidé de voter contre ce dispositif. Les surveillants seront donc de nouveau confrontés à une surpopulation carcérale qui peut les conduire à surveiller seul soixante ou soixante-dix détenus alors qu’aux Pays-Bas, un agent en surveille douze.
S’agissant des réservistes, vous avez peut-être remarqué que le groupe GDR-NUPES n’a pas déposé d’amendement de suppression de l’alinéa relatif à ce dispositif. Nous exprimons néanmoins une inquiétude de taille. J’ai constaté que les agents de la police aux frontières, qui étaient remplacés il y a quelque temps par des CRS, le sont désormais par des réservistes retraités, eux-mêmes appelés à être remplacés par des réservistes civils ; c’est par exemple le cas dans les aéroports. Cela soulève des questions très sérieuses quant à leur formation, auxquelles vous ne répondez pas, alors qu’ils ont à manier des procédures complexes.
J’en viens à la question des caméras. Lorsque l’on investit dans un dispositif qui va coûter 6 à 11 millions d’euros, on ne le fait pas à la légère ! Vous nous dites que les enquêtes que nous citons sont idéologiques. Mais le rapport dressant un bilan de l’expérimentation – qui devait durer trois ans et n’a duré que huit mois – ne permet pas de tirer des conclusions catégoriques, quelles qu’elles soient, sur l’usage des caméras. Les soixante-dix études menées aux États-Unis sur les caméras-piétons mettent également en évidence des effets contradictoires et démontrent que les caméras utilisées le sont d’abord à des fins de formation. Lorsque l’on touche aux libertés fondamentales, il faut le faire avec délicatesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)
M. Antoine Léaument
Bien dit !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1070.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l’adoption 9
Contre 66
(L’amendement no 1070 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 1050, 1075, 1162, 1350 et 1396.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l’amendement no 1050.
M. Jordan Guitton
Nous arrivons au cœur des débats sur l’article 14, puisque nous abordons le sujet des contractuels. Le groupe Rassemblement national s’opposera au recrutement de contractuels en lieu et place de titulaires, pour plusieurs raisons. La première concerne la stabilité des carrières : il est important de répondre aux difficultés de recrutement des agents pénitentiaires par l’attractivité des métiers. De nombreux jeunes veulent s’engager dans une fonction régalienne, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie, de l’administration pénitentiaire ou encore de l’armée, par exemple. Comment les convaincre de devenir surveillant pénitentiaire – un métier parfois dangereux, très pénible et difficile – s’ils n’ont aucune certitude de passer plus de deux ou trois ans dans cette administration ? Les surveillants pénitentiaires que je rencontre – ils sont nombreux dans mon territoire de l’Aube – ont souvent été très mobiles sur le plan géographique avant de connaître une certaine stabilité dans leur carrière. Or avec la contractualisation, vous ajoutez une nouvelle incertitude qui les détournera du métier et rendra le recrutement encore plus difficile. Cela ne nous semble donc pas opportun. Mieux vaudrait d’abord revaloriser les salaires ; mes collègues y reviendront plus tard.
J’aimerais évoquer un second aspect du recours aux contractuels : il représente un coût élevé pour l’État. C’est un sujet qu’il faut mettre sur la table, à l’heure où l’on parle d’économies et de vigilance dans l’emploi des deniers publics.
Pour notre part, nous préférerions recruter des fonctionnaires pénitentiaires de catégorie B, sur concours, de manière à rendre les carrières plus stables et donc le métier plus attractif. En effet, il importe que ceux qui travaillent dans nos prisons soient des professionnels bien formés ; or cela nécessite du temps. Charge à vous d’ouvrir des concours et de faire en sorte que dans nos prisons, ceux qui vont travailler dans un contexte de surpopulation carcérale ne subissent pas votre politique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1075.
Mme Andrée Taurinya
Il vise à dénoncer le recours aux contractuels. Nous avons examiné attentivement le texte et nous avons discuté avec ceux qui sont sur le terrain, les surveillants pénitentiaires et leurs syndicats, mais aussi les syndicats de la magistrature, notamment l’Union syndicale des magistrats (USM), qui n’est tout de même pas un syndicat de l’ultragauche ;…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Ça, c’est vous qui le dites !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Ça, c’est drôle !
Mme Andrée Taurinya
…ils s’inquiètent de cette disposition. En effet, comment ces gens vont-ils être formés ? Nous parlons tout de même de missions qui sont très difficiles ; il faut donc préserver les personnels concernés et éviter de mettre quiconque en danger, que ce soit les personnels eux-mêmes ou les détenus ! C’est loin d’être anodin. Et encore une fois, si on veut, on peut ! C’est une question de volonté politique. Il faut sortir de l’idéologie néolibérale, qui consiste à employer des contractuels en lieu et place de fonctionnaires. (M. Antoine Léaument applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 1162.
M. Philippe Ballard
Le garde des sceaux lui-même le rappelait il y a quelques instants : il est impératif de rendre le métier de surveillant pénitentiaire beaucoup plus attractif, en améliorant les conditions de travail et évidemment les rémunérations. Dans ces conditions, pourquoi recruter des contractuels ? Quand on organise des concours destinés au recrutement de titulaires, on peine déjà à remplir les salles : on a du mal à recruter des titulaires. Alors comment réussir à recruter des personnes qui seront en CDD ? Nous faisons face à une ubérisation de la société qui touche également la pénitentiaire. Mais après tout, cette dynamique répond à une certaine logique, tout à fait conforme à la vision néolibérale qui est celle du Gouvernement.
Par ailleurs, des questions restent en suspens. Quel sera le niveau requis pour prétendre décrocher ce CDD ? Quelle sera la formation dispensée, et quelles seront les tâches à accomplir ? La formation n’est déjà pas suffisante pour les titulaires ! Commençons par améliorer les conditions de travail et de formation des titulaires avant de réfléchir à embaucher des contractuels. Nous demandons donc la suppression des alinéas 2 à 4 du présent article.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 1350.
M. Jérémie Iordanoff
Vous partez du constat suivant : il y a une pénurie de candidats au concours. Et votre solution, étonnamment, consiste à créer des postes d’adjoint contractuel. Il y a quelque chose qui ne va pas ! La question fondamentale qui se pose à nous, c’est celle de l’attractivité du métier, donc des conditions de travail. On le sait, c’est un travail qui peut être de nuit, qui mobilise souvent le week-end et parfois dans l’urgence, et qui peut par ailleurs être dangereux. Ces contraintes devraient être compensées par une certaine attractivité, donc par la sécurité de l’emploi et une meilleure rémunération. Vous avez dit que les surveillants pénitentiaires fonctionnaires passeraient de la catégorie C à la catégorie B ; c’est très bien, mais quelles seront les conséquences de cette évolution sur leur rémunération ?
Ensuite, je relève une contradiction dans vos propos : soit on considère que la mesure que je viens d’évoquer sera efficace, et donc que nous disposerons bientôt de suffisamment de candidats pour pourvoir les postes, soit on pense qu’elle ne le sera pas, ce qui justifierait le recours à la contractualisation. Ce que nous voulons éviter, c’est que la revalorisation, au lieu de concerner l’ensemble du métier, ne s’adresse qu’à une partie des personnels et cache une dégradation générale en matière de formation, de qualification à l’entrée et de postes ouverts au concours.
Nous pensons donc que la solution que vous apportez au problème n’est pas la bonne, et nous nous opposons à cette contractualisation.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Baubry, pour soutenir l’amendement no 1396.
M. Romain Baubry
Il faut le redire : nous sommes vraiment contre la contractualisation. Le niveau actuel de recrutement des surveillants pénitentiaires est très bas : un 3 sur 20 au concours suffit pour être recruté ! Certaines des personnes qui postuleront à ces CDD auront loupé le concours, alors qu’il est possible de l’obtenir avec 3 sur 20 de moyenne…
Comme certains l’ont dit, la durée de formation est également un problème : quatorze semaines, compte tenu des enjeux sécuritaires spécifiques aux établissements pénitentiaires, c’est trop peu ! La commission d’enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, dont certains collègues ici présents étaient membres, a montré quelles sont les défaillances en la matière, et les problèmes rencontrés, que ce soit en matière de formation initiale ou continue, ont été évoqués, notamment en ce qui concerne le retour de la vidéosurveillance. Et voilà que nous nous apprêtons à faire travailler des personnels qui n’auront suivi que quatorze semaines de formation ! Ce n’est certainement pas à la hauteur. Nous courons aussi le risque de voir des contractuels se retrouver seuls sur les coursives, au contact des détenus ; en effet, lorsque le chef de poste prendra son service le matin et que dix agents manqueront déjà à l’appel, il n’aura pas d’autre choix que de placer ces agents contractuels seuls à de tels endroits, sans surveillant titulaire.
Il en a également été question lors des auditions : certains de ces contractuels vont se retrouver à des postes-clés, notamment aux parloirs. Or le parloir, c’est un poste pour lequel les considérations sécuritaires doivent être prises en compte, parce que c’est à cet endroit que se produisent de nombreuses évasions.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à la contractualisation des services pénitentiaires.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
J’avais prévu de vous renvoyer au débat que nous venons d’avoir, mais trop de choses fausses ont été dites et méritent une réponse. Pardon de vous le dire, chers collègues du Rassemblement national, mais vous n’êtes pas cohérents, et ce pour au moins deux raisons – Mme Genevard vous a déjà mis devant vos contradictions tout à l’heure. Vous voulez augmenter le nombre de places en prison mais pas le nombre d’agents nécessaires à leur surveillance : c’est un problème ! (« On veut des titulaires ! » sur les bancs du groupe RN.) Face au manque d’agents titulaires, il est normal d’avoir recours à des contractuels, comme cela se fait dans de nombreux corps de la fonction publique ; c’est une des raisons qui justifient la disposition dont nous débattons.
Le fait de recruter par voie contractuelle, vous le savez très bien – ou peut-être suis-je en train de vous l’apprendre –, permet de déroger à la carte territoriale, et donc à l’orientation géographique des fonctionnaires. Cela permet donc de recruter au plus près des territoires ! N’est-ce pas une de vos préoccupations ? Je pensais par conséquent que vous soutiendriez la disposition en question.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
C’est un vrai argument, ça !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Par ailleurs, je trouve choquant le procès fait aux contractuels de notre pays, dans votre bouche ou dans celle des élus de la NUPES.
Mme Andrée Taurinya
C’est vous qui êtes choquant ! Vous saccagez les services publics !
M. Andy Kerbrat
Rien n’empêche de les titulariser !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
En effet, ce sont des agents qui, dans un contexte difficile, font tourner nos services publics ; et ils le font de manière tout à fait honorable, dans des situations parfois délicates. Je trouve regrettable que La France insoumise et d’autres soient totalement aveugles à la revalorisation indiciaire des agents de l’administration pénitentiaire, qui, on l’a dit, vont passer de la catégorie C à la catégorie B au 1er janvier 2024.
M. Jérémie Iordanoff
C’est insuffisant !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Nous vous l’avons déjà dit, et nous vous le répéterons autant qu’il le faudra.
Enfin, madame la députée Taurinya, vous suggérez que le Syndicat de la magistrature (SM) est proche des idées de la droite ;…
Mme Andrée Taurinya
Je parlais de l’Union syndicale des magistrats !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
…laissez-moi vous dire que je considère une telle assertion comme une contribution au prix de l’humour politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis, madame la présidente.
Mme la présidente
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Ian Boucard
Je m’opposerai à ces amendements, parce que je comprends bien l’urgence qu’il y a à recruter davantage de surveillants pénitentiaires dans notre pays et la nécessité de recourir à des contractuels. Cela dit, les questions qui vous ont été posées, notamment par le collègue Guitton, sont légitimes ; elles renvoient à des sujets tels que la formation, les parcours professionnels et l’évolution des carrières de ceux qui seront embauchés dans l’administration pénitentiaire.
Alors oui, il est urgent de recruter davantage de surveillants pénitentiaires, notamment parce qu’au groupe Les Républicains – Annie Genevard l’a très bien rappelé –, nous souhaitons qu’il y ait plus de places de prison que ce que vous avez prévu,…
Mme Annie Genevard
80 000 !
M. Ian Boucard
…puisque je rappelle que vous en avez programmé 15 000. C’est l’engagement que vous aviez d’abord pris pour 2022 et qui n’a pas été tenu – vous n’en avez construit qu’un peu moins de 2 000 et il est toujours bon de le rappeler, monsieur le garde des sceaux. Nous envisageons beaucoup plus, parce que nous pensons que les besoins sont loin d’être satisfaits. Il y a donc urgence à recruter davantage, mais aussi à refonder le parcours professionnel de ces agents, parce que si nous n’arrivons pas à recruter, c’est qu’il y a un problème de formation, d’attractivité du métier et sans doute aussi de rémunération.
Dans l’immédiat, je voterai donc contre ces amendements, mais cela ne doit pas éluder les vraies questions qui vous ont été posées.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Abadie.
Mme Caroline Abadie
Je serai brève, parce que M. le président de la commission des lois a fort bien expliqué pourquoi nous nous opposerons à ces amendements. Je voudrais simplement rappeler que ce n’est pas de gaieté de cœur que nous allons créer ces postes de surveillants contractuels : malgré tous nos efforts,…
Mme Andrée Taurinya
Quels efforts ?
Mme Caroline Abadie
Ils ont été nombreux, madame Taurinya, même si je vous entends protester derrière moi ; ils ont été nombreux – personne ne pourra le contester –, durant la dernière législature, pour revaloriser les salaires et les statuts des surveillants. Mais on constate encore, malgré l’ouverture de concours, qu’il manque des personnels ; et puisque nous créons ces 15 000 places de prison, il faut bien des surveillants pour surveiller les détenus qui occuperont ces nouveaux établissements pénitentiaires. Évidemment, la subsidiarité primera : dans un lieu qui ne connaît pas de problèmes de ressources humaines, il n’y a pas de raison d’ouvrir des postes de contractuels. Ce ne sera le cas que là où il manque des personnels, et le principe du binômage sera évidemment appliqué – cela a été dit et répété à de nombreuses reprises lors de nos débats.
J’en appelle donc vraiment à notre sérieux collectif : l’administration pénitentiaire souffre d’un manque de personnel ; les surveillants eux-mêmes en souffrent et ils ont absolument besoin de nous. Nous devons donc agir, de manière responsable, même si créer un statut de contractuel ne nous fait pas plaisir.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Finalement, nous sommes les seuls à être pleinement cohérents !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Je n’ai pas dit ça ! Je ne l’ai même pas pensé !
M. Jocelyn Dessigny
Il y en a qui prennent leurs désirs pour des réalités !
M. Antoine Léaument
D’une manière générale, nous sommes opposés à l’utilisation de contractuels dans la fonction publique. En effet, en généralisant ce type de recrutement, nous sommes en train de détruire progressivement la fonction publique. Vous nous dites que cela vient combler certains besoins, et M. le président de la commission des lois nous dit que cela permet de déroger à la carte territoriale. Et voilà ! Vous avez fait la démonstration que le recrutement de contractuels permet de déroger aux règles qui valent pour les fonctionnaires d’État.
Mme Caroline Abadie
Oui, mais en leur faveur !
M. Antoine Léaument
Vous nous avez vous-même démontré qu’il s’agit ainsi de sortir du cadre normal de la fonction publique d’État, à laquelle nous sommes quant à nous très attachés – car l’État, ses fonctionnaires et ses services publics, c’est précisément la richesse de celles et ceux qui n’en ont aucune.
Et pour ce qui est de l’administration pénitentiaire, s’il y a effectivement besoin de personnel dans les prisons, c’est parce que vous n’avez cessé de les engorger, plutôt que de chercher des solutions alternatives à la peine de prison. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et LR.)
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
C’est nous qui commettons les délits, c’est sûr !
M. Antoine Léaument
Vous faites n’importe quoi, puis vous dites qu’il faut continuer à faire n’importe quoi pour corriger le n’importe quoi dont vous êtes responsables !
Mme Caroline Abadie
C’est vous qui dites n’importe quoi !
M. Antoine Léaument
Vous ne cessez de faire n’importe quoi et vous continuez sur cette lancée, celle qui détruit la fonction publique, aujourd’hui dans les prisons comme hier – et encore aujourd’hui – dans l’éducation, par exemple, ce qui vous oblige à faire du job dating pour recruter des enseignants. Vous faites n’importe quoi avec la fonction publique d’État, et celles et ceux qui sont les vrais républicains et qui défendent profondément la fonction publique d’État, ce sont ici les élus de la NUPES ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Si La France insoumise n’était pas pousse-au-crime, il y aurait moins de gens dans les prisons !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1050, 1075, 1162, 1350 et 1396.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 30
Contre 51
(Les amendements identiques nos 1050, 1075, 1162, 1350 et 1396 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jordan Guitton, pour soutenir l’amendement no 806, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 1504.
M. Jordan Guitton
Les amendements de suppression des deux alinéas concernant les contractuels n’ayant malheureusement pas été adoptés, nous proposons, par cet amendement qui recherche la transparence, de préciser que les missions des surveillants adjoints contractuels seront limitativement énumérées par décret. Quel est le cahier des charges, monsieur le ministre ? Il importe de rendre le texte clair et précis, afin de savoir quelles tâches seront données aux contractuels et dans quelle mesure elles seront différentes de celles qui incombent aux agents titulaires. Il serait bon que vous le disiez et que cela soit noté dans le compte rendu de nos débats.
Mme la présidente
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement no 1504.
M. Dino Cinieri
Pour compléter l’amendement de notre collègue Guitton, ce sous-amendement rédactionnel vise à préciser que les « surveillants pénitentiaires » auxquels il fait référence sont « titulaires ».
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
C’est déjà dans le texte !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
L’amendement est satisfait par l’alinéa 4 du présent article. Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Baubry.
M. Romain Baubry
Il y a tout de même un sujet essentiel que nous n’évoquons pas : il a trait aux conditions et au rythme de travail des agents. Si vous voulez recruter davantage et donner de l’attractivité au métier, il faut revenir sur le fait qu’ils n’ont qu’un week-end de libre toutes les six semaines, qu’ils travaillent trois jours consécutifs pour deux jours de repos, le matin et l’après-midi ou la nuit et le matin suivant, et qu’ils enchaînent des semaines entières à ce rythme. C’est aussi pour leur vie de famille qu’il faut proposer des mesures, afin de donner à davantage de personnes l’envie de postuler à ces concours. Pour le moment, le compte n’y est pas.
(Le sous-amendement no 1504 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 806 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1405 de M. Jiovanny William est défendu.
(L’amendement no 1405, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 595 et 361, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 595 fait l’objet du sous-amendement no 1506.
La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 595.
M. Erwan Balanant, rapporteur
Cet amendement des trois rapporteurs s’inspire d’une proposition formulée par Jean-Félix Acquaviva en commission et vise à compléter le code pénitentiaire afin qu’il ne demeure aucune incertitude sur la place accordée aux nouveaux surveillants pénitentiaires adjoints recrutés par voie contractuelle et sur les missions qui leur seront confiées.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 1506 du Gouvernement est défendu.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 361.
Mme Cécile Untermaier
Nous tenons à préciser qu’on ne laissera pas le surveillant pénitentiaire adjoint vaquer comme il l’entend dans l’établissement pénitentiaire : il travaillera en binôme avec un surveillant qui lui apprendra ce métier très difficile. Très exigeante, l’organisation en binôme suppose que les surveillants adjoints ne soient jamais seuls. Nous veillerons à ce que cette disposition soit bien respectée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Pour des raisons légistiques, avis favorable au sous-amendement no 1506 et, par conséquent, à l’amendement no 595 ainsi sous-amendé. Nous avons retenu que l’amendement s’inspirait d’une proposition de M. Acquaviva. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement no 361.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis : favorable à l’amendement no 595 sous-amendé.
(Le sous-amendement no 1506 est adopté.)
(L’amendement no 595, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l’amendement no 361 tombe.)
Mme la présidente
La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 410.
M. Davy Rimane
Nous voulons rappeler l’importance de la formation des réservistes qui seront envoyés, en cas de besoin, en renfort du personnel pénitentiaire. Une solide formation initiale est d’autant plus importante que ces personnels seront présents de façon irrégulière et que les conditions d’exercice de la profession sont difficiles dans des établissements caractérisés par la surpopulation et les trafics. C’est pourquoi nous plaidons pour que ces surveillants adjoints bénéficient d’une formation plancher de qualité afin qu’ils puissent exercer au mieux leur futur métier dans de très bonnes conditions malgré la situation dégradée existant dans certaines prisons de l’Hexagone et des territoires d’outre-mer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Nous l’avons déjà ajouté dans le rapport annexé, lequel prévoit que les surveillants adjoints pourraient bénéficier d’une formation d’une durée de dix-huit semaines comprenant deux périodes : seize semaines dans un établissement de formation, aboutissant à la délivrance d’une attestation d’aptitude à l’emploi ; deux semaines dans un établissement pénitentiaire du département du lieu d’affectation de l’intéressé. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya.
Mme Andrée Taurinya
Je souscris à l’amendement du collègue Rimane, mais la réponse de M. le président de la commission montre que nous aurions dû examiner le rapport annexé au début de nos débats.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Mais non !
Mme Andrée Taurinya
Alors que nous en sommes à l’article 14, M. Houlié se réfère à ce que nous allons examiner à la toute fin des débats, dans l’urgence, quand nous serons tous très fatigués. Voilà pourquoi nous avions demandé à examiner le rapport annexé dès le début, comme nous l’avions fait lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire – nous avons alors abordé le rapport annexé dès l’article 2. Pour une raison obscure, dirons-nous, nous n’avons pas obtenu gain de cause, ce que je regrette car nous constatons ici que l’examen préalable dudit rapport aurait été très éclairant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Bastien Lachaud
C’est une évidence !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
D’abord, nous sommes en début de semaine et vous ne me semblez pas particulièrement fatiguée. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ensuite, il me paraît plutôt cohérent d’examiner les principes avant les modalités d’application. En général, c’est ce que l’on fait. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Pierre Cazeneuve
Excellent !
(L’amendement no 410 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 654, qui fait l’objet du sous-amendement no 1505.
M. Pierrick Berteloot
Il vise à adapter les missions confiées aux membres de la réserve civile pénitentiaire, issus des personnels retraités de l’administration pénitentiaire jusqu’à leurs 67 ans, en fonction de leur âge et de leur état de santé, afin de ne pas prendre de risques inconsidérés vis-à-vis de jeunes détenus potentiellement dangereux.
L’article L. 113-1 du code pénitentiaire définit l’administration pénitentiaire comme composée des « personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d’insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques ». Il convient donc de préciser que ces missions doivent être attribuées à chaque membre de la réserve civile pénitentiaire en fonction de son âge et de son état de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement no 1505.
M. Dino Cinieri
L’âge et l’état de santé ne doivent pas être les seuls critères pour décider des missions qui peuvent être confiées aux réservistes. Il convient de tenir également compte de leur expérience.
(Le sous-amendement no 1505, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
(L’amendement no 654, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 1073.
Mme Andrée Taurinya
C’est intéressant : nous allons pouvoir continuer…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
À dire n’importe quoi !
Mme Andrée Taurinya
…à parler des retraites !
M. Antoine Léaument
Ah !
Mme Andrée Taurinya
Rappelons que 95 % des salariés actifs – c’est-à-dire la quasi-totalité d’entre eux – ont refusé le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. (MM. Hadrien Couet, Bastien Lachaud et Antoine Léaument applaudissent.) Or dans ce texte qui n’a rien à voir avec le sujet de la retraite, on nous ressort la possibilité de travailler à 67 ans – 67 ans, rendez vous compte !
M. Antoine Léaument
Incroyable !
Mme Annie Genevard
Sur la base du volontariat !
Mme Andrée Taurinya
Sur la base du volontariat, dites-vous ? Pour notre part, nous avons fait notre boulot, nous sommes allés à la rencontre des surveillants pénitentiaires et nous leur avons demandé s’ils connaissaient des collègues sur le point de partir à la retraite ou déjà retraités qui voudraient poursuivre ou revenir et travailler jusqu’à 67 ans. Nous n’en avons pas trouvé. Pourquoi ? Parce qu’ils sont usés, fatigués. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Parce qu’à 67 ans, on a envie d’autre chose que de travailler. On a envie de profiter de ses petits-enfants, d’avoir du temps libre pour faire plein d’autres choses.
Nous sommes contre cette mesure qui est une provocation – je dis bien une provocation – (Mêmes mouvements) alors que notre pays a connu des mois et des mois de mobilisations marquées par une répression considérable, pointée du doigt par la terre entière. (Mme Caroline Yadan proteste.)
Mme Brigitte Liso
Et même par l’univers !
M. Antoine Léaument
L’ONU, vous connaissez ?
Mme Andrée Taurinya
Oui, c’est une provocation !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Totalement défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
J’ai cru comprendre que ces recrutements se feraient sur la base du volontariat. On ne va donc pas enrôler à la force des baïonnettes ceux qui voudraient prolonger une carrière professionnelle. J’ai toutefois une question à poser, monsieur le garde des sceaux, sur le cumul emploi-retraite, une disposition à laquelle je crois beaucoup. Les personnels réservistes sont-ils rémunérés ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Évidemment !
Mme Elsa Faucillon
À 150 euros par jour !
Mme Annie Genevard
Ils sont rémunérés. Cette rémunération peut donc constituer un complément de retraite, laquelle, dans la fonction publique, il faut en convenir, n’est en général pas très élevée.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Oui, bien sûr !
Mme Annie Genevard
La motivation peut alors être d’ordre financier, ce qui est tout à fait respectable. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je ne comprends pas cette position idéologique qui voudrait qu’à 67 ans, on soit usé, dégoûté du travail que l’on a exercé et que l’on ne veuille pas le prolonger.
Mme Andrée Taurinya
C’est la vérité ! Allez discuter avec eux, vous verrez !
M. Hadrien Clouet
Vous pourriez aussi faire un service civique à 84 ans !
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Vous avez décidément et définitivement une conception très singulière de la liberté, surtout de celle des autres. La rémunération est passée de 120 à 150 euros par jour, et le recrutement se fait sur la base du volontariat. À écouter La France insoumise, il faudrait forcément rester chez soi, aller pêcher le gardon, faire du vélo, que sais-je…
Mme Andrée Taurinya
Ils peuvent aller se balader !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
…mais surtout ne pas travailler !
Mme Andrée Taurinya
Ils ne le veulent pas !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux