Deuxième séance du jeudi 02 mars 2023
- Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
- Rappel au règlement
- 1. Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Amendement no 34
- Après l’article 1er
- Amendement no 84
- Article 1er bis
- Après l’article 1er bis
- Amendement no 27
- Article 2
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 2
- Article 3
- M. Ian Boucard
- M. Laurent Marcangeli, rapporteur
- Amendements nos 85, 57 et 56
- Après l’article 3
- Amendements nos 33 et 96, 95, 97
- Article 4
- Après l’article 4
- Amendements nos 45, 46
- Article 5
- Amendement no 81
- Après l’article 5
- Amendements nos 18, 88, 100 rectifié, 19 et 94
- Titre
- Amendement no 32
- Article 1er
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument, pour un rappel au règlement.
M. Antoine Léaument
L’article 80-1 de notre règlement sur lequel je me fonde, madame la présidente, précise que les « députés exercent leur mandat au profit du seul intérêt général ». Or, madame Moutchou, vous avez déclaré ce matin, juste avant que la séance ne soit levée : « J’étais moins prête aux coups tordus, j’étais moins prête aux manœuvres. Nous étions attendus sur ce sujet mais certains d’entre vous ont voulu en faire une affaire personnelle. ». Pourriez-vous nous indiquer qui vous mettiez en cause ? Il est important que notre assemblée et le peuple français soient éclairés à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Une commission d’enquête !
Mme la présidente
Le retrait de cette proposition de loi a mis fin à sa discussion, monsieur Léaument.
1. Instaurer une majorité numérique et lutter contre la haine en ligne
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Laurent Marcangeli, Xavier Albertini et plusieurs de leurs collègues visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne (nos 739, 859).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Je suis très heureux de vous présenter cette proposition de loi adoptée à l’unanimité, le 15 février dernier, lors de son examen devant la commission des affaires culturelles. Je remercie sa présidente, Isabelle Rauch, et ses membres pour la qualité de nos échanges, qui ont permis de l’améliorer et de l’enrichir dans un esprit de consensus. Cela démontre, s’il en était besoin, que sur certaines questions essentielles comme la protection des mineurs, notre assemblée est capable de travailler de façon efficace et transpartisane. Je m’en félicite et j’espère que cet esprit constructif prévaudra également aujourd’hui.
Dès mon élection en juin 2022, j’ai considéré qu’il était primordial de me pencher sur les relations entre les jeunes et les réseaux sociaux, sujet devenu incontournable et même préoccupant, ces dernières années. L’enjeu est d’importance et ma proposition de loi vise à s’en saisir avec humilité, certes, mais non sans ambition. J’ai donc choisi que ce texte, sur lequel je travaille avec mon équipe depuis plusieurs mois, soit inscrit à l’ordre du jour de la première journée d’initiative parlementaire du groupe Horizons et apparentés que j’ai l’honneur de présider.
Par cette initiative législative, il me semblait nécessaire de lancer un débat sur ces questions et d’inviter chaque parent – moi compris – à s’interroger sur les usages numériques de son ou ses enfants. Je suis bien conscient qu’un véhicule législatif aussi modeste ne permet pas d’embrasser l’ensemble des problématiques soulevées par les réseaux sociaux. Néanmoins, j’espère bien, avec votre concours, apporter une pierre non négligeable à la construction d’un écosystème global pour la protection de l’enfance en ligne.
Avec ce texte ciblant les réseaux sociaux, rendu plus opérationnel par les apports des auditions et consultations que j’ai menées ainsi que par ceux de nos discussions en commission, je pense que l’objectif peut être atteint. Nous ressentons tous l’urgence qu’il y a à légiférer en ce domaine.
Le premier smartphone est possédé en moyenne avant 10 ans en France. Il ne s’agit ici ni de le déplorer, ni de tenir un discours moralisateur, ni de condamner des usages de plus en plus répandus parmi les jeunes. Ce serait là une position dépassée et, pire encore, inefficace. Nous devons cependant prendre conscience de la précocité croissante de cette puberté numérique et de la puissance des outils mis à disposition de nos jeunes, au lieu de nous contenter d’en observer les potentiels dommages. Nous devons agir pour poser les garde-fous indispensables à leur protection.
Nos sociétés sont désormais confrontées à un double défi de santé publique et de protection de l’enfance. Le constat posé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) en 2021 est sans appel : nous assistons à une massification et une autonomisation des pratiques numériques chez les jeunes publics. Ainsi, 82 % des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans leurs parents et plus de 50 % d’entre eux sont présents sur les réseaux sociaux, sur lesquels ils s’inscrivent en moyenne vers 8 ans et demi.
Pourtant, les parents sous-estiment de façon structurelle les activités numériques de leurs enfants. L’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), deux associations dont j’ai rencontré les représentants, soulignent que les jeunes sont massivement présents sur les réseaux sociaux, et de plus en plus tôt.
Les réseaux sociaux, s’ils peuvent être un espace qui offre de nouvelles possibilités aux jeunes utilisateurs, sont aussi le lieu de convergence de risques multiples. Qui peut raisonnablement affirmer qu’il est normal que de jeunes enfants naviguent librement, avec leur propre compte, sur un réseau social ? Qu’ils soient invités, par défi, à se brûler un doigt ou à s’entailler la joue pour y laisser une cicatrice permanente ? Qu’ils soient assaillis par des contenus à la fiabilité douteuse, des fake news ou des propos complotistes viraux, alors que leur esprit critique n’est pas encore pleinement forgé ? Qu’ils soient exposés plusieurs heures par jour à des standards de beauté inatteignables, à moins de recourir à la chirurgie esthétique ?
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ces risques sont d’abord psycho-sociaux, car les réseaux sociaux donnent accès à des contenus problématiques, voire dangereux : il en va ainsi des contenus pornographiques qui ne sont pas seulement diffusés sur des sites spécialisés. Il ne faut pas négliger l’impact psychologique de contenus apparemment plus anodins mais qui creusent leur sillon et affectent l’estime de soi des adolescents et des adolescentes. Nous assistons à une explosion des demandes d’opérations de chirurgie esthétique visant à se rapprocher des images façonnées par les filtres des réseaux sociaux. Il faut bien sûr aussi mentionner les cas d’adolescents conduits au suicide par des algorithmes les enfermant dans des spirales de contenus délétères, comme la jeune Molly Russell, dont la mort a fait grand bruit au Royaume-Uni.
La nature addictive des réseaux sociaux, inscrite dans leur modèle économique même, doit nous pousser, nous, adultes, à mieux protéger les mineurs, particulièrement les moins de 15 ans encore plus vulnérables, des potentiels effets néfastes évoqués ici et qui ne sauraient résumer, évidemment, l’expérience vécue sur ces espaces. Il s’agit pour chacun – parents, entreprises, jeunes – de prendre ses responsabilités et, pour cela, il importe de poser clairement les limites, de les rappeler, et de sanctionner plus fermement leur dépassement : c’est le sens de cette proposition de loi.
L’article 1er vise à inscrire dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique, dite LCEN, la définition des réseaux sociaux récemment adoptée par l’Union européenne au sein du règlement relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (DMA). Bien que celui-ci soit d’application directe, il nous semble important de reprendre cette définition dans le droit national afin de renforcer la sécurité juridique et de garantir son utilisation ultérieure dans d’autres champs. Suffisamment large pour tenir compte de la grande diversité des réseaux sociaux, elle nous paraît devoir être très fidèlement suivie afin de coller au plus près à la législation européenne.
Un nouvel article, l’article 1er bis, introduit en commission à l’initiative de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Mme Véronique Riotton, permettra de faciliter le signalement de certains délits commis en ligne et contribuera ainsi à créer un environnement numérique plus sûr pour les mineurs, mais pas seulement.
L’article 2 renforce les obligations incombant aux réseaux sociaux en matière de vérification des conditions d’âge et d’autorisation parentale pour les mineurs de 15 ans. Ils devront appliquer des solutions techniques de vérification conformes aux exigences du référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), après consultation de la Cnil, qui garantira que les moyens mis en œuvre respectent les meilleures règles de l’art en la matière.
Cette obligation est assortie d’un mécanisme de contrôle exercé par l’Arcom et d’une sanction importante afin de renforcer son effectivité. Cet article constitue le cœur de ma proposition : il vise à mettre un terme aux inscriptions de mineurs de 15 ans effectuées sur les réseaux sociaux sans qu’une autorisation expresse n’ait été donnée par un détenteur de l’autorité parentale et sérieusement contrôlée par les réseaux.
L’article 3 entend donner de meilleures armes aux enquêteurs, et donc à la justice, pour lutter contre l’impunité de ceux qui tiennent des discours de haine en ligne. Pour la première fois, des délais de réponse aux réquisitions judiciaires seront définis dans la loi. En outre, en cas de non-réponse, est prévue une sanction, en conformité avec les récentes évolutions du droit de l’Union. Cela nous conduira même à en anticiper la mise en œuvre.
L’article 4 demande un rapport au Gouvernement sur les conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux sur la santé physique et mentale des jeunes car la littérature scientifique sur les dangers des réseaux sociaux est insuffisante. Si un rapport produit par le Gouvernement ne saurait se substituer à un travail universitaire, j’estime qu’il s’agit là d’un appel solennel à ce qu’un état des lieux des connaissances disponibles soit dressé avec tout le sérieux nécessaire.
Quant au dernier article, il demande au Gouvernement d’étudier, dans un rapport, la pertinence d’une fusion des deux services d’assistance déployés pour lutter respectivement contre le harcèlement scolaire et contre le cyberharcèlement dans la perspective d’un renforcement de la cohérence et de la continuité de leur action.
Il s’agit pour moi non pas d’envisager les réseaux sociaux sous le seul angle répressif mais d’entamer une réflexion globale sur les effets que leur fréquentation a sur notre jeunesse et de préserver celle-ci des risques les plus patents en posant, et en faisant appliquer, de justes garde-fous.
Mes chers collègues, cette proposition de loi est susceptible de constituer une réelle avancée vers une protection améliorée des jeunes dans leurs usages des réseaux sociaux. Elle permettra de mettre chacun face à ses obligations et à ses responsabilités. Je suis convaincu que cet enjeu peut nous rassembler de façon très large et je vous remercie d’ores et déjà pour les nombreuses propositions d’amélioration du texte apportées dans vos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications
« Il est si beau, l’enfant, avec son doux sourire, / Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire, / Ses pleurs vite apaisés, / Laissant errer sa vue étonnée et ravie, / Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie. » C’est ainsi que Victor Hugo décrivait l’insouciance, insouciance que nous devons à nos enfants. C’est dans ce cocon que nos enfants façonnent leur âme d’hommes et de femmes libres, de citoyens éclairés, de personnes capables d’humanité, d’émancipation, de spiritualité et de relations apaisées aux autres et à eux-mêmes. C’est cette insouciance que nous devons préserver par tous les moyens dans la société numérique car, si ses outils ouvrent à nos enfants des possibilités formidables d’échanges, d’apprentissage et de communication, ils sont aussi victimes en ligne d’atteintes brutales à leur innocence et à leur intimité. Qu’il s’agisse de l’exposition aux contenus pornographiques, du cyberharcèlement ou de l’addiction aux réseaux sociaux, tous les enfants de France sont désormais concernés.
Je pourrais citer des chiffres, ils sont éloquents. Je pourrais rappeler que les preuves scientifiques portant sur le lien de causalité entre utilisation débridée des réseaux sociaux et atteintes à la santé mentale des enfants et adolescents s’accumulent mais je crois qu’il est plus édifiant encore d’écouter les enfants eux-mêmes : nos enfants qui témoignent, lorsque vous, madame la secrétaire d’État chargée de l’enfance, les conviez au conseil des ministres des enfants, lorsqu’ils participent aux réunions du Conseil national de la refondation (CNR) ; nos enfants qui témoignent de leur sentiment d’avoir été précipités trop tôt dans la jungle des réseaux sociaux comme si on les avait poussés dans le grand bain sans leur avoir préalablement et patiemment appris à nager ; nos enfants qui témoignent de leur colère à l’encontre de grandes plateformes usant de tous les moyens pour capter leur attention au risque de les enfermer dans des prisons algorithmiques, de les plonger dans des abîmes de tristesse et de mal-être ; nos enfants qui témoignent, mesdames et messieurs les députés, et qui nous appellent à l’action.
Cet appel, nous ne pouvons y rester sourds. Nous ne pouvons accepter le sacrifice d’une génération sur l’autel des géants du numérique. Nous avons d’ores et déjà commencé à agir.
Grâce aux travaux menés par Bruno Studer, la France sera bientôt le premier pays du monde à généraliser le contrôle parental par défaut sur tous les appareils vendus sur son territoire, des smartphones aux consoles de jeux vidéo en passant par les tablettes.
Le contrôle parental restreindra l’accès aux sites réservés aux adultes, fera respecter les limites d’âge des réseaux sociaux et permettra aux parents de contrôler le temps passé sur l’écran.
À cause du déferlement massif de contenus pornographiques en libre accès sur internet, 2 millions d’enfants y sont exposés chaque mois. C’est un scandale révoltant, qui s’explique par le fait que les sites concernés ne vérifient pas sérieusement l’âge des utilisateurs. Pourtant, une loi a été adoptée en 2020 visant à les contraindre à exercer ce contrôle, sous peine de voir leur diffusion bloquée par le juge. Nous exigeons qu’ils s’y conforment désormais.
Mais les violences faites aux enfants en ligne ne s’arrêtent pas à la pornographie. Un million d’élèves sont victimes de cyberharcèlement chaque année en France. Nous agissons également sur ce plan. Avec le ministre Pap Ndiaye, nous avons lancé cette année l’expérimentation du passeport internet qui sera généralisé à la rentrée prochaine. Désormais, tous les élèves de sixième bénéficieront d’un module de sensibilisation aux risques et aux attitudes à adopter lorsque l’on est victime ou témoin de cyberharcèlement. Je veux en particulier saluer l’action du numéro d’urgence 3018, dont nous avons annoncé récemment, avec Charlotte Caubel, le renforcement des effectifs et l’extension des heures d’écoute.
Toutefois, face à cette vague d’insécurité numérique, la meilleure des digues reste la protection parentale. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé, il y a quelques semaines, une vaste campagne de communication sur le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, qui contient toutes les informations utiles et tous les outils pour les parents.
Nous avons commencé à agir au niveau français comme je viens de le rappeler ; nous avons également agi au niveau européen. Sous l’impulsion du Président de la République, lors de la présidence française de l’Union européenne, l’Europe a fait un pas historique dans la direction d’une meilleure régulation des plateformes au profit des mineurs, grâce au règlement sur les services numériques, le DSA – Digital Services Act. Avec ce règlement, les plateformes de réseaux sociaux entrent, enfin, dans l’ère de la responsabilité. Elles devront satisfaire à nos exigences de modération des contenus et devront faire la transparence sur leurs algorithmes et leurs données.
De nouvelles obligations s’imposeront à elles pour la protection des mineurs : proposer des conditions générales d’utilisation (CGU) facilement compréhensibles des enfants ; prendre toutes les mesures pour assurer le plus haut niveau de protection de la vie privée, de la sécurité et de la sûreté des mineurs – ces mesures peuvent inclure en particulier des interfaces adaptées et l’adoption à leurs services de normes de protection des mineurs ; enfin, elles auront l’interdiction de faire de la publicité ciblée sur les mineurs.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, nous avons commencé à agir, mais nous devons continuer. C’est la raison pour laquelle je salue la proposition de loi déposée par le président Marcangeli et le groupe Horizons et apparentés. Elle s’attaque en particulier à l’une des dimensions du problème : l’absence de vérification de l’âge lors de l’inscription sur les réseaux sociaux et l’absence de recueil du consentement parental pour les enfants de moins de 15 ans. Grâce à ce texte, les grandes plateformes de réseaux sociaux seront tenues de faire respecter les limites d’âge qu’elles se sont elles-mêmes fixées et il ne sera tout simplement plus possible pour un réseau social d’inscrire un mineur de moins de 15 ans sans le consentement de ses parents.
Au cours de nos débats sur la présente proposition de loi, tout à fait bienvenue, il nous faudra trouver le bon équilibre. L’équilibre entre la protection des enfants, qui est une priorité absolue, et le renforcement de l’autorité parentale. Si nous exigeons des plateformes le plus haut niveau de sécurité pour nos enfants, si nous exigeons d’elles qu’elles vérifient l’âge des utilisateurs, nous devons préférer à l’interdiction pure et simple d’accès aux réseaux sociaux un renforcement de la capacité des parents à contrôler cet accès et à accompagner leur enfant dans le dialogue. C’est cet équilibre entre les règles fixées par la loi et l’accompagnement dans le cadre familial que je souhaite que nous puissions trouver ensemble. Pour protéger nos enfants et pour leur garantir le droit à l’insouciance. (Mme Isabelle Rauch, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation et M. le rapporteur applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enfance.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance
Un enfant a besoin de communiquer, de jouer, de toucher, d’observer, de découvrir, de sentir, parfois même de s’ennuyer. Il a besoin de sécurité, de stabilité et de sérénité. Surtout, un enfant a besoin d’être protégé. Ses droits doivent être respectés.
Depuis ma prise de fonction, avec l’ensemble des ministres – Jean-Noël Barrot, bien sûr, ministre délégué chargé de la transition numérique, mais aussi les ministres de l’éducation, de la santé, de la famille, de la justice et de l’intérieur –, avec les parlementaires – notamment les membres de la délégation aux droits des enfants –, avec les associations qui œuvrent aux côtés des familles et des jeunes, nous prenons tous les jours un peu plus la mesure des risques que représentent les écrans, internet et les réseaux sociaux pour les enfants.
Nous nous sommes accordés pour repérer cinq risques majeurs. Premièrement, l’utilisation excessive des écrans, dès le plus jeune âge, qui génère des difficultés d’acquisition du langage pour les plus jeunes, des comportements addictifs pour tous, des troubles de l’attention, du sommeil, de la vision pour certains. Deuxièmement, l’accès à des contenus légaux mais inadaptés à l’âge des enfants et à leur maturité. Je pense, bien sûr, aux images violentes et à la pornographie qui portent atteinte à l’équilibre affectif, à la santé physique et mentale ou au développement des enfants qui y ont accès de plus en plus jeunes. Troisièmement, les actes de délinquance dont les mineurs sont souvent victimes à travers le numérique : cyberharcèlement, revenge porn, grooming ou pédopiégeage, escroqueries, avec le sujet bien sûr très particulier de la pédocriminalité en ligne. Quatrièmement, la protection de l’image des enfants, de leurs données, de leur vie privée, laissées à disposition de tous sur le net. Enfin, cinquièmement, nul ne peut minimiser l’invasion, la perturbation quotidienne que constituent le petit smartphone et les comportements qu’il génère dans les familles, dans les relations sociales et affectives des enfants.
Le numérique, vous l’avez rappelé, offre des opportunités exceptionnelles d’ouverture au monde et aux autres pour nos enfants. Mais, hélas, j’en suis convaincue, il représente aujourd’hui pour eux l’un des plus grands risques. Nous devons donc les protéger. Telle est l’ambition du Président de la République qui, après la lutte contre les contenus haineux et terroristes, soutient personnellement ce projet. Il est l’une des cinq priorités que la Première ministre a fixées au Gouvernement, à l’occasion du comité interministériel de l’enfance le 21 novembre dernier.
Quels sont nos leviers d’action ? Il faut d’abord sensibiliser, informer, éduquer les enfants. Jean-Noël Barrot l’a évoqué, la généralisation du passeport internet est une avancée majeure. Pour savoir conduire, il faut déjà apprendre le code de la route. Il est donc essentiel, dès la sixième, d’apprendre, de comprendre et de mieux maîtriser les outils numériques. Avec la campagne d’information et le renforcement des moyens du numéro d’urgence pour les victimes de violences numériques, le 3018, nous avons envoyé un message clair aux enfants et aux jeunes : vous n’êtes pas seuls et nous pouvons vous aider !
Il faut aussi accompagner les parents et les réinvestir, les investir parfois, dans leurs responsabilités, en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien. Seuls 12 % d’entre eux se déclarent sereins quant à la consommation d’écran de leurs enfants et plus de la moitié ignorent complètement leur vie en ligne. En février dernier, Jean-Noël Barrot l’a rappelé, nous avons lancé une campagne nationale sur la parentalité numérique pour redonner confiance aux parents dans leur rôle et leur rappeler une règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez-leur à surfer sur le net. Avec les associations partenaires – l’Unaf, Open, e-Enfance – nous renforçons la formation des parents et les temps d’échanges dédiés aux bonnes pratiques, avec le déploiement des ateliers « parents, parlons numérique » partout sur le territoire.
Mais, au-delà des enfants et des parents, nous devons évidemment encadrer et responsabiliser les acteurs du numérique eux-mêmes. Car ce sont bien eux qui définissent les règles techniques, les pratiques, les relations contractuelles, les règles algorithmiques sur leurs appareils, leurs sites, leurs plateformes. Ils participent donc largement à définir les actions, les interactions conscientes ou inconscientes des utilisateurs. Certes, les réseaux sociaux permettent de se connecter au monde, sans limite et sans frontière. Mais lorsqu’il s’agit d’enfants, il faut être prudent dans la vie réelle comme dans la vie en ligne.
Encadrement du travail des enfants influenceurs, contrôle parental par défaut, travaux du Laboratoire pour la protection de l’enfance en ligne. Avec l’impulsion du Président de la République, les fortes contributions de votre assemblée, les travaux des autorités et des administrations publiques, la France est devenue pionnière en matière de protection de l’enfance en ligne.
En 2023, le Gouvernement et la majorité présidentielle continuent d’avancer activement sur ces sujets. Pas moins de trois propositions de loi seront examinées dans votre hémicycle, en quelques jours : celle visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, dont le rapporteur est Bruno Studer, très engagé sur cette thématique, et celle relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, de la députée Caroline Janvier, dont nous débattrons lundi 6 mars prochain ; enfin, la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, du président Laurent Marcangeli, qui nous réunit aujourd’hui.
La présente proposition de loi, adoptée à l’unanimité par la commission des affaires culturelles, démontre qu’au moins un sujet nous rassemble tous dans cet hémicycle : nos enfants. Et je m’en réjouis !
M. Maxime Minot
Ce n’était pas le cas ce matin !
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
Vous ne débattiez pas du même thème ce matin. Deux semaines après l’adoption de la proposition de loi d’Isabelle Santiago visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, vous démontrez, une nouvelle fois, l’engagement de tous les députés en faveur de la protection de l’enfance et je vous en remercie.
M. Fabien Di Filippo
La majorité est enthousiaste !
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
Pour résumer notre soutien à cette proposition de loi, je dirai les choses très simplement : s’inscrire sur un réseau social n’est pas anodin.
M. Maxime Minot
Ça, c’est vrai !
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
Lorsqu’un jeune sur six utilisant TikTok croit que la Terre est plate, s’inscrire sur un réseau social n’est pas un acte anodin. Lorsque 1 million d’enfants sont victimes de cyberharcèlement chaque année, s’inscrire sur un réseau social n’est pas un acte anodin. Lorsque des milliers de jeunes gens sont victimes de revenge porn, s’inscrire sur un réseau social n’est pas un acte anodin. Désinformation, harcèlement, incitation au suicide, violence, addiction sont autant de risques auxquels ils sont exposés. Comme l’a rappelé Jean-Noël Barrot, les jeunes eux-mêmes nous ont alertés, à l’occasion du Conseil des ministres des enfants protégés présidé par la Première ministre en novembre et du Conseil national de la refondation numérique que Jean-Noël Barrot et moi-même avons animé en février, sur la nécessité de protéger les plus jeunes, en dessous de l’âge de 15 ans.
Loin de moi l’idée de diaboliser le numérique, les réseaux sociaux et les grandes plateformes. Mais, en tant que secrétaire d’État chargée de l’enfance, vous comprendrez que je me dois d’agir contre ces risques et dérives graves qui abîment les plus jeunes. Comme je l’ai souligné, l’un des leviers d’action est de redonner aux parents le cadre nécessaire pour mieux contrôler les usages de leurs enfants. S’inscrire sur un réseau social, c’est conclure un contrat. Dans la vie réelle, les parents doivent être présents, donner leur accord et orienter leurs enfants.
M. Erwan Balanant
Exactement !
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
Pourquoi en serait-il autrement de la vie en ligne ? Pourquoi faire autrement alors que l’inscription sur un réseau vaut autorisation de transferts massifs de données à travers le monde ? Pourquoi faire autrement alors que les dirigeants des Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – reconnaissent dans les médias interdire à leurs propres enfants de fréquenter les réseaux ? Peut-être parce que nous, adultes, avons baissé la garde, par imprudence et, surtout, par méconnaissance et incompréhension. Peut-être aussi parce que la loi, qui prévoit déjà des garde-fous, n’est pas assez claire pour tous.
En cela, inscrire dans la loi une majorité numérique qui détermine à quel âge il est possible, de façon autonome, de s’inscrire sur un réseau social, est une réponse concrète, lisible et simple. Ainsi, vous proposez, monsieur le rapporteur, d’instaurer un seuil fixé à l’âge de 15 ans, âge en dessous duquel l’inscription sur un réseau social ne sera possible qu’avec un accord parental. Autrement dit, vous considérez que ce n’est qu’à compter de 15 ans qu’un enfant est à même d’exercer un usage raisonnable des réseaux sociaux. Pour autant, vous n’entravez pas sa liberté ni celle de ses parents, puisqu’un enfant de 13 ans, jugé assez mature par ses parents, pourra tout à fait s’inscrire sur un réseau social avec leur accord.
En définitive, vous donnez aux parents un argument, un outil concret et pertinent pour les impliquer davantage dans l’éducation numérique de leurs enfants, pour exercer entièrement leur autorité, leurs responsabilités de parents dans cet univers réel et virtuel qui a envahi le quotidien des familles. Cela me paraît raisonnable et cohérent.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, je soutiens avec beaucoup d’enthousiasme et de conviction cette proposition de loi. Grâce à vous, monsieur le rapporteur, et grâce à vos collègues Bruno Studer et Caroline Janvier, la protection des mineurs en ligne, priorité du quinquennat, prend toute sa place dans le débat public et suscite une prise de conscience générale nécessaire. En France, nous voulons, nous devons plus que jamais protéger les droits des enfants à la santé, à la sécurité, au développement personnel, à la vie privée, dans la vie réelle comme dans la vie en ligne. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur plusieurs bancs du groupe RE, ainsi que sur les bancs des commissions. Mme Maud Petit applaudit également.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Agnès Carel.
Mme Agnès Carel
Lorsqu’un parent ou un proche offre un smartphone à un enfant, le plus souvent de moins de 10 ans, il ne mesure guère les dangers auxquels il l’expose. Je pense en particulier aux dangers des réseaux sociaux : la Cnil constate que la première inscription à ces plateformes intervient en moyenne vers 8 ans et demi, et que plus de la moitié des 10-14 ans y sont déjà inscrits. Ces canaux, dits de divertissement et de création de liens, ne sont pas inoffensifs : ils sont responsables de nombreux troubles, dont les conséquences peuvent être dramatiques.
L’addiction constitue l’un des principaux dangers qui guettent les enfants en cas de surexposition – ce qui survient rapidement. En découvrant les réseaux sociaux, l’enfant risque d’accéder à des contenus inappropriés pour son âge, mais aussi mensongers, trompeurs voire complotistes. Seul devant son écran, il visionne des images possiblement violentes ou pornographiques, faisant la promotion de drogues ou exposant d’autres dérives de notre société. Malgré la prétendue politique des réseaux sociaux visant à protéger la sensibilité de leurs utilisateurs, l’exposition des enfants à des contenus parfaitement inadaptés à leur âge est réelle et permanente. L’algorithme de recommandation peut les entraîner d’un match de football à un match de boxe, puis à un match de rue, à des bagarres, à des accidents de rue et à des violences urbaines, voire à des meurtres.
Sur les réseaux sociaux, les enfants peuvent également entrer en contact avec des individus malveillants, véritables prédateurs qui recourent à des stratégies variées, dont l’usurpation d’identité, pour rester dans l’anonymat et solliciter des mineurs. Les conséquences de ces rencontres peuvent virer au cauchemar.
Les réseaux sociaux sont aussi, hélas, une porte d’entrée pour le cyberharcèlement, qui prend la forme de moqueries, d’insultes ou de menaces. Une chanson de Calogero l’illustre parfaitement : « La rumeur est lâchée, prête à lyncher ; / Et plus certains démentent, et plus ça l’alimente ; / La rumeur est lâchée, ton nom taché. / Elle balance et elle crache, ce sont des vies qu’elle gâche. » Il en résulte des blessures indélébiles qui mènent parfois à des drames.
Les jeunes manquent souvent de connaissances sur les arborescences des réseaux, et en ont une compréhension insuffisante. Ils ne mesurent pas l’aspect intemporel de leurs publications, qui reviendront tôt ou tard les hanter comme des boomerangs. La notion de temporalité dans leur vie amicale et affective leur échappe : ils pensent communiquer en vase clos avec leurs amis, mais nous, adultes, savons que les amis d’aujourd’hui peuvent devenir les ennemis de demain.
M. Fabien Di Filippo
Vous parlez des relations au sein de la majorité ?
Mme Agnès Carel
Les photos partagées, les nudes par exemple, ces clichés dénudés, iront bien au-delà de leurs intentions, et bien au-delà de nos frontières. Les pièges se referment sur les jeunes et les entraînent dans la spirale infernale du manque de confiance en soi et d’atteinte à l’estime de soi. À un âge où la notion de vie privée et d’intimité reste floue, la diffusion de ces publications a des conséquences incalculables.
L’addiction aux réseaux sociaux met également en péril la santé physique des jeunes : ils font moins de sport, en partie en raison du temps qu’ils passent sur les écrans. Elle met aussi en danger leur santé mentale : certains voient leurs résultats scolaires se dégrader ; ils peuvent s’isoler et vivre dans un monde virtuel qui détériore leur état psychique et leur rapport aux autres. Il en résulte des risques accrus de développer des troubles psycho-sociaux, notamment des troubles de l’humeur et de l’anxiété, ou d’entrer dans de véritables spirales dépressives.
Enfin, les jeunes adeptes des réseaux sociaux sont influencés dans leur mode de vie : le recours grandissant des adolescents à la chirurgie esthétique en est le parfait exemple – et encore, nous n’en sommes qu’au début et n’en mesurons pas toutes les conséquences. Ce phénomène s’amplifie à grande vitesse. En effet, comment atteindre les standards de beauté dictés par les réseaux sans recourir de plus en plus tôt à la chirurgie esthétique – ces atteintes à des jeunes corps ou à des visages étant parfois le fait de non-professionnels ?
Les parents méconnaissent l’étendue des méfaits des réseaux sociaux. Eux-mêmes publient trop souvent des photos et des vidéos de leurs propres enfants, prenant le risque que ces images soient récupérées par des individus malveillants – quand ils n’agissent pas dans un but lucratif en tant qu’influenceurs. Le contrôle parental est la pierre angulaire, mais les parents ne sont pas toujours conscients des dangers. L’enfant, quant à lui, n’a pas la maturité et le discernement nécessaires. C’est souvent en grandissant que l’adolescent se sent en insécurité et demande de l’aide. Ses parents se trouvent alors démunis face à des usages numériques qui ont évolué trop rapidement pour qu’ils s’y soient adaptés ou pour qu’ils en comprennent les enjeux et les conséquences.
Il est donc urgent de revoir l’âge d’accès aux réseaux sociaux. En France, la majorité numérique à l’égard de ces réseaux est de 13 ans. C’est également l’âge fixé en théorie par des plateformes comme TikTok et Snapchat pour s’inscrire. Or cette règle n’est que symbolique, puisqu’en 2022, 62 % des moins de 13 ans possédaient un compte sur au moins un de ces réseaux. La loi « informatique et libertés » a déjà rehaussé la majorité numérique à 15 ans. La proposition de loi que défend le groupe Horizons et apparentés prévoit d’étendre cette mesure aux réseaux sociaux, afin de limiter leur utilisation aux plus de 15 ans, âge d’une forme de puberté numérique et, surtout, d’une plus grande maturité.
Le législateur doit désormais intervenir pour prévenir les risques primaires liés à l’utilisation de réseaux sociaux conçus pour retenir l’attention, mais aussi pour prévenir les risques secondaires, induits par des interactions avec d’autres utilisateurs : citons le cyberharcèlement, mais aussi le revenge porn, ou pornodivulgation, qui a pour seul but de partager publiquement, sans consentement, un contenu sexuellement explicite afin de se venger.
La proposition de loi va plus loin, et s’inscrit dans une dynamique de responsabilisation des plateformes. Elle renvoie la mise en œuvre du seuil d’âge et ses modalités d’application à un décret en Conseil d’État. Un amendement voté en commission confie à l’Arcom le soin de certifier les solutions techniques de vérification de l’âge et du consentement des titulaires de l’autorité parentale appliquées par les réseaux sociaux – étant entendu que ces derniers seront tenus d’utiliser lesdites solutions. De plus, la proposition de loi prévoit des obligations et des sanctions fortes à l’encontre des fournisseurs de réseaux sociaux en cas de manquement aux vérifications d’âge, ce à quoi s’ajoute l’instauration d’un délai de réponse aux réquisitions judiciaires. Les opérateurs de plateformes en ligne seront ainsi tenus de répondre aux réquisitions judiciaires, dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une enquête de flagrance, dans un délai de quarante-huit heures. En l’absence de réponse, ils s’exposent à une amende ne pouvant excéder 1 % de leur chiffre d’affaires. La commission a amendé le texte en instaurant la possibilité, pour les parents, de demander la suppression du compte de leur enfant jusqu’à sa majorité civile.
Enfin, la proposition de loi est l’occasion de demander au Gouvernement un rapport présentant les conséquences des réseaux sociaux sur le bien-être et la santé mentale des jeunes, car les données restent encore très insuffisantes en la matière. La commission a également voté un amendement visant à solliciter auprès du Gouvernement la remise d’un rapport, dans un délai de six mois, concernant l’opportunité de fusionner les numéros nationaux 3020 et 3018, respectivement consacrés au harcèlement scolaire et au harcèlement en ligne, afin de gagner en visibilité – cela reste à étudier.
Pour le groupe Horizons et apparentés, l’enfant doit être au centre de ce combat, et doit être la seule boussole. C’est un enjeu primordial pour l’avenir de la jeunesse. Notre proposition de loi s’inscrit pleinement dans une politique de protection de l’enfance ambitieuse, indispensable pour que les jeunes grandissent dans de bonnes conditions. Il est donc urgent de s’emparer de ce problème à bras-le-corps. Je remercie donc le président Laurent Marcangeli d’avoir rédigé cette proposition de loi, que l’ensemble des députés du groupe Horizons et apparentés soutiennent, et qui a été votée à l’unanimité en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.)
M. Maxime Minot
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à Mme Francesca Pasquini.
Mme Francesca Pasquini
Des jeunes enfants sont laissés seuls face aux risques du numérique – je parle même ici de très jeunes enfants, puisque la première inscription sur un réseau social intervient en moyenne à 8 ans et demi. Des élèves qui sont encore à l’école élémentaire peuvent donc être confrontés au quotidien à des contenus choquants, violents ou à caractère sexuel. Peut-être nous est-il difficile d’appréhender cette réalité, sachant que nombre d’entre nous n’ont jamais été exposés, dans leur jeunesse, aux dangers qui guettent les enfants d’aujourd’hui. Il est certain qu’avec une moyenne d’âge de 48 ans, nombre de députés sont nés avant l’ère des réseaux sociaux et d’internet ! La jeunesse s’expose sans cesse sur internet, tandis que le droit à l’oubli numérique, bien que précieux, reste méconnu. Pire, il est presque impossible de le faire appliquer lorsqu’on a semé des informations personnelles aux quatre coins de la toile.
Quel est le juste niveau de protection des mineurs face aux réseaux sociaux ? Comment l’État doit-il agir pour réguler les plateformes et faire respecter le droit ? À ces questions essentielles, la proposition de loi apporte une réponse satisfaisante, mais incomplète, du point de vue des députés du groupe Écologiste-NUPES. Il paraît effectivement indispensable de vérifier que les parents ont autorisé leur enfant à s’inscrire sur les réseaux sociaux. En légiférant dans le sens d’une meilleure protection des enfants de moins de 15 ans, nous réaffirmons positivement dans notre droit la notion de majorité numérique, et emboîtons le pas à l’Union européenne, qui a elle aussi prévu un meilleur encadrement des réseaux sociaux. Le rôle de l’Arcom sera crucial dans l’application de la loi. Néanmoins, en ce qui concerne les solutions de vérification de l’âge et du consentement parental, il nous semble préférable que l’Arcom n’agisse pas en qualité d’organisme certificateur, mais plutôt en éditant des lignes directrices.
Les réseaux sociaux sont la propriété d’entreprises dont les chiffres d’affaires atteignent des montants faramineux. Si nous voulons nous assurer qu’elles respectent la loi, nous devons prévoir des sanctions en adéquation avec leur taille. C’est pourquoi nous proposons de rehausser les sanctions en cas de manquement.
Si nous partageons la volonté de protéger les enfants, il nous semble peu pertinent d’en rester à la seule coercition envers les plateformes. Notre priorité doit aussi être d’éduquer les plus jeunes à utiliser convenablement les réseaux, à connaître leurs droits, les limites à ne pas enfreindre et les dangers auxquels ils sont exposés. L’école doit s’adapter aux évolutions numériques, mais doit surtout adapter la prévention qu’elle développe en la matière. Les politiques éducatives sont encore bien trop peu ambitieuses à ce sujet. Même s’il existe des dispositifs tels que le permis internet et le passeport numérique, ils ne suffisent pas à aborder en profondeur les nouveaux usages.
La mesure de contrôle relative aux moins de 15 ans est légitime, mais elle ne suffira pas à faire acquérir aux élèves les bons usages d’internet. Il est donc indispensable d’élaborer des mesures visant à renforcer l’apprentissage des bonnes pratiques numériques dès le plus jeune âge.
Mme Ségolène Amiot
Elle a raison !
Mme Francesca Pasquini
S’il nous semble essentiel que l’école s’investisse dans ce sujet, nous n’oublions pas qu’elle ne peut, à elle seule, résoudre tous les maux de la société. Les enseignements scolaires doivent intégrer la prévention aux dangers des réseaux sociaux, mais l’État doit avant tout garantir une cohérence entre tous ces apprentissages.
M. Rodrigo Arenas
Absolument !
Mme Francesca Pasquini
Une telle mesure est nécessaire, mais elle ne doit pas constituer une charge supplémentaire pour les enseignants ; elle doit être appliquée de manière uniforme sur tout le territoire, sans disparité.
M. Rodrigo Arenas
Bravo, madame Pasquini !
Mme Francesca Pasquini
En définitive, nous soutiendrons cette proposition de loi. Comme vous, nous souhaitons progresser vers une meilleure protection des mineurs sur internet. Toutefois, restons lucides, chers collègues : cela ne peut qu’aller de pair avec un renforcement des apprentissages sur ces questions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
En inscrivant cette proposition de loi dans sa niche parlementaire, le groupe Horizons et apparentés pointe un sujet majeur, sur lequel il est temps d’avancer : l’usage par les mineurs d’internet et des réseaux sociaux. Nous sommes tous et toutes conscients des conséquences sur les enfants et de la nécessité de mieux encadrer les plateformes, d’accompagner les parents et de lutter contre le fléau du cyberharcèlement.
Comme l’ont souligné M. le rapporteur et plusieurs groupes en commission, la nécessité de légiférer en la matière se heurte à plusieurs limites ; toutefois, cela ne doit pas servir de prétexte à l’inaction et à la procrastination. Qui ne veut rien faire trouve des excuses, qui veut faire trouve des moyens : c’est dans cet état d’esprit que le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES aborde la proposition de loi.
La situation de ces milliers d’enfants à travers la France hexagonale et les outre-mer nous oblige : cela commence par un message, puis se transforme progressivement en un mouvement de masse, jusqu’à ce que l’enfant, ne sachant vers qui se tourner, craque définitivement. « N’ayez plus peur de parler ! » : tel est le message de la maman de Lucas, qui, à seulement 13 ans, a décidé de mettre fin à ses jours. Nous avons ici une pensée émue pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pu surmonter cette horde de messages haineux et insultants, pour toutes ces vies confisquées, ces enfances et ces adolescences brisées.
S’agissant du respect des obligations réglementaires de ces plateformes, les chiffres illustrent l’ampleur du décalage entre la théorie et la pratique. Malgré l’existence d’un âge minimum requis pour s’y inscrire, 60 % des enfants de moins de 13 ans possèdent un compte sur un réseau social. La prématurité croissante de l’accès aux smartphones expose de plus en plus tôt les enfants aux dérives de l’utilisation constante des nouvelles technologies.
Il n’est pas question de blâmer une quelconque méthode d’éducation ou d’interférer dans l’intimité des foyers. Nous devons au contraire continuer d’accompagner autant que possible les familles dans leur mission. C’est pourquoi les outils de prévention à destination des parents et des tuteurs doivent constituer une priorité de notre action politique. En effet, les parents ignorent souvent le contenu de la vie numérique de leurs enfants et supervisent rarement leur activité. Ainsi, à peine plus de 50 % d’entre eux décident du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, et 80 % déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou sur les réseaux sociaux. Si ce manque de visibilité par les parents peut faciliter l’apprentissage de l’autonomie, il peut aussi, malheureusement, favoriser certains phénomènes qui font souvent l’objet d’une triste actualité, comme le cyberharcèlement ou l’exposition à des images inappropriées. S’y ajoutent les nombreuses autres conséquences qu’entraîne pour un jeune public la fréquentation des réseaux sociaux – les premières études des spécialistes laissent présager de leur ampleur.
Que se passe-t-il dans la tête des plus jeunes lorsqu’ils « scrollent » ? Lorsque les réseaux sociaux sont utilisés à bon escient, ils permettent indéniablement d’acquérir des connaissances. Mais ces plateformes, qui devraient pourtant constituer un outil d’affirmation et d’acceptation de soi, mènent au contraire à l’intériorisation des stéréotypes. C’est ainsi qu’on y voit défiler des femmes et des hommes au physique parfait, à qui il faut ressembler, ce qui discrédite automatiquement le naturel des corps adolescents. Convenons-en, l’adolescence est une période difficile pendant laquelle les psychés sont fragiles. Certains adolescents déclarent d’ailleurs ne supporter de se voir en photo qu’avec les filtres que permettent d’appliquer les réseaux sociaux. Les visages naturels apparaissent alors à ces jeunes comme enlaidis, pleins de défauts insupportables.
L’instauration d’une majorité numérique, objet de cette proposition de loi, s’inscrit dans la lignée de la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles, qui a modifié la loi du 6 janvier 1978, dite loi informatique et libertés. Nous sommes favorables au choix de l’âge de 15 ans, conforme à la législation européenne et aux préconisations de la Cnil. L’obligation faite aux plateformes de contrôler de manière effective l’âge des utilisateurs est également bienvenue, même si elle se heurte une nouvelle fois à l’écueil technologique de la protection des données. Ce texte prévoit également que les entreprises de réseaux sociaux fournissent sur réquisition judiciaire, dans un délai de dix jours, réduit à huit heures dans les cas les plus urgents, toute information jugée utile dans le cadre d’une enquête. Nous considérons cette disposition comme une avancée, même si nous aurions préféré un délai de quarante-huit heures, étant donné les graves conséquences que peut engendrer la lenteur des procédures. Enfin, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES souscrit aux deux demandes de rapport, en particulier à celle prévue à l’article 4, qui permettra de parfaire nos connaissances quant aux conséquences de l’utilisation des plateformes et des réseaux sociaux chez les jeunes.
Nous voterons donc pour ce texte, première pierre d’un édifice plus large qu’il nous revient de construire ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
L’utilisation des réseaux sociaux est très répandue et comporte de multiples dangers, comme cela a été rappelé. Ce texte du groupe Horizons a l’avantage d’aborder ce domaine, qui, en raison de sa complexité technique et de sa dimension sociale, est imparfaitement encadré par la loi.
Je salue le travail accompli par la commission des affaires culturelles. Il a permis des avancées : ainsi, nous avons perfectionné la rédaction du texte en y inscrivant des sanctions financières et avons su trouver des compromis relatifs à l’âge de la majorité ou encore au montant de l’amende encourue. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souhaite poursuivre ce travail en proposant des amendements de précision, concernant notamment les deux premiers articles.
J’aimerais néanmoins profiter de cette intervention pour poursuivre le débat amorcé en commission ; comme l’a dit M. le rapporteur Marcangeli, le texte constitue la première pierre d’un édifice plus ambitieux, et il convient de prévoir les prochaines étapes.
La première d’entre elles consiste à faire comprendre au plus grand nombre que les dangers des plateformes ne sont pas circonscrits à Facebook ou à TikTok ; ces dernières sont certes les plus fréquentées, mais le champ de la proposition de loi inclut également d’autres plateformes tout aussi dangereuses pour un jeune public, quoique moins connues. Ainsi, les forums de discussion contiennent un nombre inimaginable de messages haineux et diffamatoires, que les modérateurs peinent à encadrer. De même, les plateformes de communication comme Discord, privilégiées par les amateurs de jeux vidéo, ont permis la création de véritables communautés qui, sans être cachées, ne sont pas forcément accessibles au grand public. Enfin, les plateformes de streaming, comme Twitch, contiennent des contenus sensibles pour les mineurs, notamment lors des transmissions en direct. Chers collègues, cette énumération n’a pas vocation à nous préparer à une chasse aux sorcières, mais à nous rappeler qu’il existe une vaste galaxie d’acteurs peu sûrs, méconnus de nous, mais présents auprès des jeunes.
Par ailleurs, il est insuffisant de contrôler l’inscription sur les réseaux sociaux : il faut également contrôler leur utilisation. Les contenus inadaptés aux mineurs doivent être bannis ou faire l’objet d’une restriction d’accès. D’ailleurs, certains acteurs du secteur ont entamé des démarches en ce sens.
De même, s’il est souhaitable d’établir une majorité numérique à 15 ans, cela n’est pas suffisant. Il paraît en effet nécessaire de bloquer purement et simplement l’accès des mineurs de moins de 13 ans aux réseaux sociaux, pour deux raisons. D’une part, c’est la seule manière d’empêcher la collecte de données personnelles qui ne soit pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD). D’autre part, cela permettrait d’inscrire dans la loi une règle que les réseaux se prévalent de respecter mais sans avoir encore aucune incitation à le faire.
La deuxième étape consiste à faire évoluer la législation européenne. La proposition de loi que nous examinons permettra des avancées, mais ne commettons pas l’erreur de croire qu’elle réglera les comportements problématiques : pour se soustraire à la législation française, il suffit aux jeunes, dont la plupart maîtrisent bien mieux que nous ces outils, de se connecter à l’aide d’une adresse IP étrangère. Ce constat doit nous faire prendre conscience qu’à terme, l’échelon européen est le plus approprié pour encadrer les réseaux sociaux et harmoniser les règles visant à protéger les mineurs.
Enfin, la troisième étape concerne la lutte contre le harcèlement. Les dispositifs existants se bornent le plus souvent à supprimer les contenus et à fournir un soutien psychologique aux victimes ; le harcèlement, omniprésent sur internet, reste très peu sanctionné. Pour changer l’état d’esprit qui règne sur internet, il faudra dédier davantage de moyens à l’éducation électronique des jeunes et des parents. L’État, l’école et les associations ont tous un rôle à jouer. Il conviendra également de renforcer les sanctions pénales à l’encontre des personnes qui se rendent coupables de harcèlement.
Voilà quelques chantiers qu’il nous reste à entreprendre. En attendant, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera la proposition de loi et se mobilisera pour défendre les différentes mesures que je viens d’aborder, car on ne saurait sous-estimer les dangers que présente internet pour les jeunes. En cela, la demande de rapport que contient l’article 4 est positive et constructive ; j’en remercie M. le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et des commissions.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron.
M. Sylvain Maillard
Les Yvelines sont présentes en force !
Mme Béatrice Piron
Je tiens à remercier Laurent Marcangeli, rapporteur du texte, de s’être emparé de la question de la protection des jeunes sur les réseaux sociaux. En effet, le constat est sans appel : 82 % des enfants de 10 à 14 ans vont régulièrement sur internet sans leurs parents et 63 % des moins de 13 ans possèdent au moins un compte sur un réseau social – cela est interdit, mais les enfants trichent sur leur âge. Ils sont donc exposés de plus en plus précocement aux écrans et par conséquent à des contenus parfois inappropriés.
Face aux dangers du numérique, la majorité a mis en place, depuis la précédente législature, plusieurs dispositifs de protection des jeunes. La loi du 3 août 2018, relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire, en est un exemple. Plus récemment, nous avons voté la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet, qui, pour faciliter et encourager l’accompagnement par les parents, dispose l’installation par défaut du contrôle parental sur tous les équipements connectés vendus. Nous avons également contribué à instaurer dans les écoles, les collèges et les lycées divers enseignements numériques visant à mieux éduquer et informer les jeunes, aboutissant à des certifications comme le permis internet ou encore l’outil PIX, destiné à l’évaluation en ligne des compétences numériques. Enfin, le Gouvernement propose un site internet, jeprotegemonenfant.gouv.fr, afin d’informer et d’accompagner les parents quant à l’usage que leurs enfants font d’internet.
Je souhaite également insister sur l’excellent travail réalisé par des associations telles que e-Enfance, l’Open, l’Unaf ou encore les associations de parents d’élèves présentes dans les écoles.
L’année dernière, Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance, a lancé les campus de la parentalité numérique ; je l’en remercie. Nous ne saurions suffisamment insister sur le rôle crucial des parents dans l’accompagnement de leurs enfants sur internet. Cependant, selon l’étude publiée par e-Enfance en 2021, 83 % des parents ne savent pas vraiment ce que font leurs enfants sur internet, et 57 % d’entre eux déclarent ne pas recourir à un dispositif de contrôle parental.
Il nous semble important d’améliorer encore la protection des mineurs sur internet et surtout sur les réseaux sociaux, qui contribuent parfois à la circulation de fausses informations ou de contenus pornographiques et qui favorisent le cyberharcèlement. Aussi soutiendrons-nous ce texte proposé par notre collègue Laurent Marcangeli.
Certains réseaux sociaux font déjà l’effort d’exiger une autorisation parentale pour la création d’un compte par un jeune de moins de 15 ans, mais cela reste trop rare. Les réseaux sociaux qui ciblent les plus jeunes n’exercent aucun contrôle et se satisfont d’une simple déclaration de date de naissance, souvent fausse, car ils ne se sentent pas contraints par la loi. Bien qu’il n’existe pas encore d’outils technologiques unanimement reconnus pour contrôler l’âge des utilisateurs en préservant leur anonymat, des solutions s’appuyant sur l’intelligence artificielle et permettant d’estimer l’âge en fonction du visage semblent émerger ; elles seront certainement disponibles dans un avenir proche. D’autre part, M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications a annoncé dernièrement l’aboutissement de solutions tierces permettant une vérification efficace de la majorité pour l’accès aux sites pornographiques tout en garantissant le double anonymat.
Nous remercions M. le rapporteur pour les différentes auditions réalisées, qui nous ont permis d’améliorer la version initiale du texte. Grâce à l’article 1er, la définition des réseaux sociaux sera inscrite dans la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, ce qui fera de l’Arcom l’autorité régulatrice compétente. La commission a complété ce premier article par un article 1er bis, qui étend le champ des contenus illicites en allongeant la liste des délits formalisés dans le code pénal dont les réseaux sociaux devront obligatoirement permettre le signalement.
L’article 2, réécrit par M. le rapporteur et adopté par la commission, permet de préciser les obligations de contrôle liées à l’âge d’accès aux réseaux sociaux ; nous reviendrons certainement sur cette question.
M. le rapporteur a également proposé une nouvelle rédaction de l’article 3, afin de le rendre plus réaliste et plus cohérent avec les projets de régulation européenne et de permettre le respect des délais en fonction des priorités. Il s’agit en effet d’instaurer un délai de réponse maximum aux réquisitions judiciaires, dont le non-respect entraînera de lourdes sanctions pour les opérateurs.
Enfin, les deux derniers articles adoptés par la commission consistent en deux demandes de rapports gouvernementaux. Le premier rapport évaluera l’impact des réseaux sociaux sur la santé des enfants ; le second évaluera l’opportunité d’une fusion des numéros nationaux 3020 et 3018, souvent évoquée lors des auditions.
En conclusion, la proposition de loi défendue par le groupe Horizons vise à réguler les réseaux sociaux afin de protéger le public fragile que constituent nos enfants. Le groupe Renaissance votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Depuis une vingtaine d’années, les réseaux sociaux ont envahi nos vies et conquis notre quotidien, quelquefois pour le meilleur, il est vrai – l’accès illimité à l’information, la communication facile pour tous ou encore l’ouverture au monde –, et quelquefois pour le pire – la haine et la violence.
Cette haine et cette violence sont le quotidien de certains jeunes, parfois très jeunes, qui la subissent de plein fouet et y sont confrontés de plus en plus tôt. Il ne s’agit pas de donner des leçons de morale ni de vouloir un monde qui n’existe pas, mais plutôt de souligner un certain manque de discernement des parents qui n’évaluent pas à sa juste mesure, hélas, l’importance de l’éducation au numérique au regard des risques potentiels que représentent ces outils.
Il n’y a pas de liberté sans limites. Hier, les dirigeants de TikTok eux-mêmes ont annoncé vouloir limiter son utilisation pour les mineurs, sous la forme d’une alerte sur l’application au bout d’une heure d’utilisation. Les parents doivent impérativement éduquer, surveiller et informer leurs enfants sur les inconvénients et les dangers majeurs auxquels ils sont exposés : contenus pornographiques, défis stupides mais surtout dangereux comme l’automutilation, addiction. Le témoignage d’un lycéen de 14 ans, Eden, qui assure passer près de quatorze heures par jour sur TikTok, est alarmant.
Il faut en être bien conscients : le risque d’isolement et d’enfermement est réel. À travers l’utilisation addictive des réseaux sociaux, de nombreux adolescents s’enferment peu à peu dans une bulle virtuelle et nocive. Cet univers illusoire occulte d’innombrables externalités négatives qui bouleversent leur quotidien : dans certains cas, les jeunes voient leurs résultats scolaires chuter ; ils ne lisent plus, ne pratiquent plus de sport, ne voient plus leurs amis ni leur famille, développent des troubles psychologiques et des complexes physiques et vont jusqu’à se couper radicalement du monde.
Les réseaux ont une autre conséquence non négligeable sur la vie des jeunes. Vous le rappelez très justement, monsieur le rapporteur, dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi : près de 30 % des parents déclarent que leur enfant a déjà pensé au suicide ; la majorité de ces enfants sont victimes de cyberharcèlement et confrontés à la haine en ligne. Chaque seconde, des millions d’images et de vidéos publiées sur TikTok, Instagram ou Snapchat sont à la portée d’enfants et d’adolescents en pleine construction intellectuelle. Permettez-moi aujourd’hui d’avoir une pensée pour Lucas, 13 ans, qui s’est donné la mort au début de mois de janvier parce qu’il était harcelé par ses camarades, à l’école et en ligne.
Aucun enfant n’est préparé à subir la violence, surtout quand elle est gratuite et en ligne, facilitée par d’innombrables faux profils dont les utilisateurs tirent une satisfaction malsaine à harceler des jeunes en raison de leur physique, de leur handicap, de leur tenue vestimentaire ou de leur liberté d’expression. Nous avons tous en mémoire le calvaire qu’a subi la jeune Mila, qui avait 16 ans à l’époque, pour avoir critiqué l’islam sur son compte Instagram : elle s’est retrouvée dans une spirale infernale de menaces de mort, de viol, et d’insultes à l’encontre de son orientation sexuelle.
L’association e-Enfance, qui gère la ligne téléphonique 3018 pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, alerte sur la hausse du nombre de victimes : de janvier à septembre 2022, ce sont près de 25 000 cas qui ont été traités, contre 19 000 dans l’ensemble de l’année 2021. Quatre appels sur dix sont liés à la sexualité : du chantage à la webcam au revenge porn, les filles sont plus exposées au cyberharcèlement que les garçons. Je tiens à saluer le travail remarquable de cette association qui œuvre sans relâche pour accompagner les victimes et qui empêche parfois le pire.
Nous le savons tous, la route est encore longue pour protéger les jeunes des réseaux sociaux. Je tiens à saluer l’humilité dont a fait preuve le rapporteur lors de la présentation de son texte devant la commission. Le défi est en effet immense pour mettre fin à la haine en ligne. Néanmoins, cette proposition de loi constitue une avancée indéniable pour la protection des mineurs qui doit tous nous rassembler. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national la voteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. M. Frantz Gumbs applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Je fais partie de la dernière génération à avoir connu la vie sans internet. En une vingtaine d’années, cette connexion entre les gens a pris une place immense dans nos vies. Chaque jour voit naître son lot d’innovations et de nouveautés pour le meilleur et parfois pour le pire.
La vitesse à laquelle va et se développe la vie numérique est telle que nous sommes vite dépassés, en tant qu’individus, en tant que parents, mais aussi en tant que législateurs. Fini le temps où le carré blanc sur l’unique écran de la maison suffisait à signaler qu’il était temps pour les plus jeunes d’aller au lit. Actuellement, les supports se multiplient et 80 % des parents admettent ignorer ce que leurs enfants voient ou font sur internet.
Nous sommes donc probablement toutes et tous d’accord sur les constats établis dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi. Les grands groupes numériques ont créé des monstres qu’ils ne contrôlent plus : cyberharcèlement, racisme, haine en ligne, pédocriminalité, contenus ultraviolents, LGBTQIAphobies, sexisme, fake news, revenge porn, et certainement bien d’autres que j’ignore.
Mais si ces actes ont un impact d’une violence extrême sur les adultes, combien celui-ci doit-il être important sur les jeunes esprits de nos enfants et nos adolescents ? Ces actes posent effectivement un problème de santé publique et aboutissent parfois à l’irréparable.
Alors, comme nous l’avons fait il y a quelques jours pour protéger les enfants des violences intrafamiliales, nous devons légiférer : poser un véritable cadre opérationnel et contraindre ces entreprises à le respecter afin de protéger les mineurs dans les espaces numériques.
Nos enfants doivent être vus en tant que tels et non comme des consommateurs cibles à rendre accro. Je parle bien de contraindre ces entreprises car elles ne s’assurent pas du respect de leurs propres règles d’utilisation.
Par exemple, il est interdit de posséder un compte sur la plupart des réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans, d’après leurs règles d’utilisation. Pourtant, selon une enquête de septembre 2022 menée par Born Social auprès de plus de 10 000 enfants, les 11-12 ans sont en moyenne 87 % à avoir déjà un compte.
M. Maxime Minot
Exactement ! C’est grave.
Mme Ségolène Amiot
Vous me direz que cela relève de la responsabilité des parents. En réalité, cette responsabilité est partagée : s’il faut tout un village pour élever un enfant, les plateformes qui accaparent volontairement son temps de cerveau disponible doivent aussi prendre leur part. Il n’est évidemment pas question d’interdire l’accès aux réseaux aux mineurs mais d’en faire une action volontaire, réfléchie et accompagnée. À cet égard, nous, élus de La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, jugeons cette proposition de loi trop légère, car elle offre une vision trop étroite de la protection des mineurs face aux dangers d’internet.
M. Maxime Minot
On croirait entendre la majorité !
Mme Ségolène Amiot
Nous devons aller plus loin en trouvant les systèmes qui respectent la vie privée des mineurs et qui empêchent la diffusion et la vente des données sensibles et personnelles qui les concernent.
Cette proposition de loi est sans véritable solution opérationnelle, car vous proposez de laisser les plateformes instaurer leurs propres solutions et expérimenter sous l’œil de l’Arcom en dépit de l’urgence que vous soulignez, alors même qu’elles ne respectent pas leurs propres règles.
Il est illusoire de croire que, sans réelle contrainte, c’est-à-dire sans des sanctions hautement persuasives et à la hauteur des moyens de ces géants numériques, ces derniers auront autant à cœur de protéger nos enfants.
Il l’est tout autant de penser que la technique ou l’interdiction peuvent remplacer une véritable éducation des enfants et des parents aux usages du numérique. Cette proposition de loi doit impérativement inclure un volet destiné à l’information des familles. Il est fort dommage d’avoir considéré qu’il s’agissait d’un cavalier.
Cela dit, je vous enjoins, chers collègues, à prendre en compte, quand vous prendrez part aux votes des différents amendements proposés, l’intérêt supérieur de nos enfants, avant les intérêts mercantiles des plateformes numériques et des réseaux sociaux.
Pour notre part, nous essaierons, avec vous, d’enrichir cette proposition de loi. Nous la voterons mais nous gardons à l’esprit qu’il ne peut s’agir que d’un début d’éducation aux contenus numériques et de protection contre leurs effets néfastes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Maxime Minot.
M. Maxime Minot
L’émergence des réseaux sociaux depuis plusieurs années a fortement transformé les relations humaines, notamment chez les adolescents. Nous ne pouvons freiner cette évolution numérique même si cette perte de contrôle inquiète nombre d’entre nous, à commencer par les parents.
La crise sanitaire et les nombreux confinements qui se sont succédé n’ont fait que renforcer le pouvoir des réseaux sociaux. C’est le cas plus particulièrement chez les jeunes, qui ont fait de leur besoin d’être vus et reconnus une obsession, au point malheureusement de modifier leur comportement et de subir les conséquences d’une société numérique basée principalement sur le paraître.
Il faut désormais se demander si cette omniprésence numérique dans la vie des adolescents est dangereuse et si ces habitudes sont la cause des problèmes qu’ils rencontrent. En réponse à cette interrogation, les constats sur lesquels repose cette proposition de loi sont formels : mauvaise santé mentale, manque de confiance en soi, troubles de la personnalité, dépression, les maux les plus présents au sein de notre société et notamment chez les adolescents n’ont fait que s’intensifier depuis l’apparition des réseaux sociaux.
Ce problème n’est pas nouveau ; de nombreuses voix s’en sont déjà fait l’écho. Pourtant, les responsables politiques ont longtemps fait la sourde oreille et nous sommes désormais confrontés à une situation que nous ne sommes que trop peu en mesure de contrôler.
Plusieurs spécialistes, dont le philosophe et essayiste français Gaspard Koenig, ont éclairé ce problème en comparant l’addiction aux réseaux sociaux à celle à l’alcool. En effet, explique-t-il, les adolescents se comportent sur les plateformes numériques comme des personnes en proie à l’ivresse alcoolique : désinhibition, agressivité gratuite, insultes, facilité à la déprime, sentiment de cohésion sociale ou, à l’inverse, d’isolement, d’euphorie, image dégradée ou surestimée de soi.
L’État doit jouer pleinement son rôle : il doit contribuer, avec les prérogatives qui sont les siennes, à l’épanouissement intellectuel et social des adolescents. Cela passe par l’imposition de règles et de contrôles, à commencer par l’instauration d’une majorité numérique pour accéder aux réseaux sociaux.
En commission des affaires culturelles et de l’éducation, chaque groupe politique a pris la mesure de cet enjeu de société et de l’urgence à agir. Nous avons soutenu à l’unanimité cette proposition de loi, preuve que, lorsqu’il s’agit de la sécurité et de la santé de nos enfants, nous pouvons travailler tous ensemble.
À ce titre, l’ajout, au sein de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, de la protection de la vie privée, de la sécurité des personnes et de la lutte contre toutes les formes de chantage et de harcèlement parmi les motifs obligeant les fournisseurs des réseaux sociaux à concourir à leur respect et à agir est une avancée importante.
Le groupe Les Républicains souhaitait étendre cette majorité numérique à 16 ans au lieu de 15 ans afin de s’aligner sur le niveau européen, mais nous sommes satisfaits des évolutions apportées en commission.
En effet, nous nous interrogions grandement sur la responsabilité des plateformes. La première rédaction de la proposition de loi ne mentionnait nullement les modalités de vérification de l’âge ni la nature des pénalités permettant de sanctionner le manque d’implication en la matière des fournisseurs. Nous le constatons : sur les sites existants accessibles uniquement aux personnes majeures, il est aisé, notamment pour une génération maîtrisant parfaitement l’outil numérique, de déjouer les règles. Il est donc primordial de responsabiliser les fournisseurs des réseaux sociaux et de leur imposer une autorégulation.
La rédaction actuelle du texte crée la possibilité de mettre en demeure ces fournisseurs dès lors qu’ils ne présentent pas une solution technique certifiée de vérification de l’âge. De même, il sera possible au président de l’Arcom de saisir le président du tribunal administratif. Enfin, des sanctions financières sont désormais prévues en cas de non-respect de ces obligations.
Toutes ces avancées représentent l’essence même de la responsabilité du législateur : être à la fois un lanceur d’alerte, un créateur de cadre juridique et un garde-fou de l’application de celui-ci.
Bien évidemment, nous avons conscience que cette proposition de loi à elle seule ne changera pas du jour au lendemain l’usage des réseaux sociaux par les adolescents. Elle ne réglera évidemment pas tous les problèmes d’un coup. Cependant, une avancée reste une avancée qui amènera l’État et l’Union européenne à intervenir.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains salue non seulement la démarche mais aussi l’esprit de solidarité dont nous avons su faire preuve en commission pour porter collectivement ce sujet. Nous espérons que la représentation nationale en fera autant afin de concourir à la lutte contre la diffusion des infractions.
Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.)
M. Nicolas Ray
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes.
M. Laurent Esquenet-Goxes
Un mal mortifère frappe notre jeunesse : se faufilant sur les réseaux sociaux, il l’expose à un monde virtuel trafiqué et « photoshoppé », à un risque accru de harcèlement et à l’autodépréciation. Face à ce défi de santé publique, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui soumet à la représentation nationale un remède que le groupe Démocrate pense être le bon.
En évitant de faire des réseaux sociaux un mouton noir, vous démontrez, monsieur le rapporteur, tout l’équilibre de votre texte. En effet, les réseaux sociaux sont une source d’information, d’échanges et de découvertes, et l’occasion, pour des jeunes mal dans leur peau ou évoluant dans un climat familial difficile, de créer de nouveaux liens, de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls et que d’autres leur ressemblent. Mais Instagram, TikTok et Twitter présentent de grands risques pour une personne qui n’a pas encore atteint la maturité suffisante. Mon groupe se réjouit donc que vous nous proposiez des outils reposant sur des bases équilibrées, pour redonner aux parents une forme de contrôle sur les activités de leurs enfants, sans oublier qu’à partir de 15 ans, les adolescents deviennent plus autonomes.
Il s’en félicite d’autant plus que votre texte ne se résume pas à des promesses incantatoires, toujours si jolies sur le papier mais tellement inefficaces dans la réalité. En effet, le texte ne se contente pas de fixer l’obligation, pour les réseaux sociaux, de contrôler que les parents ont effectivement donné leur autorisation à l’inscription de leur enfant de moins de 15 ans : il propose également un dispositif concret pour y parvenir, grâce à une méthode certifiée par l’Arcom après concertation avec la Cnil. Ce faisant, vous vous assurez de la nécessaire conciliation entre la protection des données personnelles et l’effectivité du contrôle.
Les annonces du ministre délégué M. Jean-Noël Barrot et de la secrétaire d’État Mme Charlotte Caubel sont la preuve qu’il est possible de trouver rapidement des solutions. L’expérimentation prochaine de la nouvelle méthode de contrôle devrait ainsi permettre son déploiement à très court terme.
Nous souscrivons à l’article 3, qui anticipe la transposition d’un futur règlement européen en prévoyant que les plateformes doivent répondre sous dix jours aux demandes d’information, délai ramené à huit heures en cas de danger grave. Cette disposition répond à une attente forte de la justice française, fatiguée d’attendre des réponses – souvent aléatoires – à des questions généralement impératives et urgentes. Nous savons que les géants du numérique sont capables de répondre dans des délais très courts, nous devons donc les y contraindre.
Afin de parfaire ce texte, notamment son volet préventif, le groupe Démocrate défendra plusieurs amendements tendant à renforcer la lutte contre le harcèlement en ligne. En effet, si notre amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’une fusion des différents numéros de lutte contre le harcèlement a été adopté en commission, nous souhaitons désormais aller plus loin.
Car la situation est grave : 20 % des jeunes ont déjà fait face au cyberharcèlement. Ce sont autant de vies fragilisées et de blessures à vie, qui minent réussite scolaire, confiance en soi et capacités de socialisation. Ce phénomène aboutit parfois à des destins brisés et, dans les pires cas, des vies écourtées. Il place les familles non pas devant un mur, mais devant plusieurs : celui de l’enfant qui, par honte, refuse de parler ; celui des plateformes, derrière lesquelles l’anonymité libère la cruauté ; celui d’un État qui court derrière de nouvelles pratiques toujours plus addictives.
Pour les jeunes, les réseaux sociaux ne représentent plus que la haine des autres et de soi alimentée par des personnes qui voient le cyberharcèlement comme un simple jeu, sans en saisir toutes les conséquences. C’est pourquoi nous proposerons de donner une meilleure visibilité aux plateformes d’accompagnement des victimes de harcèlement, en particulier lorsqu’elles effectuent un signalement sur un réseau social.
Personnellement, je suis très attaché à la lutte contre la haine en ligne, et je sais que nous pourrons travailler à nouveau sur ce sujet à l’occasion de la transposition des nouvelles règles européennes, qui fixent désormais un cadre juridique parmi les plus protecteurs au monde.
Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, nous serons à vos côtés pour continuer à renforcer ce cadre, dans la droite ligne de ce texte. Nous soutiendrons pleinement cette proposition de loi et espérons que nos débats permettront d’avancer plus loin encore dans la protection de nos enfants. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Le CE2, c’est l’âge du plein développement cognitif et langagier. C’est l’âge auquel la lecture devient plus fluide. C’est l’âge, aussi, des premiers copains et des amitiés solides. Mais 8 ans et demi, c’est également, en France, l’âge moyen de la première inscription à un réseau social. Instagram, Facebook, Snapchat, TikTok : 63 % des moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social. Ce chiffre est encore plus inquiétant lorsque l’on connaît les conséquences de la présence démesurée d’un enfant devant un écran et sur les réseaux sociaux : fatigue excessive, rythmes désajustés, troubles et retraits relationnels. La santé – y compris mentale – et les relations sociales des jeunes étant durement affectées par le temps passé sur ces plateformes, il est important de fixer des règles, et nous saluons donc cette proposition de loi tendant à instaurer une majorité numérique.
En commission, mon collègue Inaki Echaniz avait souligné deux manques dans le texte initial : d’une part, l’absence de dispositif de vérification de l’âge de l’enfant et du consentement du parent, qui rendait votre texte peu opérationnel, d’autre part, l’absence de sanction, qui le rendait peu contraignant. Force est de constater que vous avez su faire évoluer votre texte, monsieur le rapporteur : il prévoit désormais que les fournisseurs de services de réseaux sociaux doivent déployer une solution technique de vérification de l’âge des utilisateurs finaux et du consentement des titulaires de l’autorité parentale. Cette méthode a été certifiée par l’Arcom après avis de la Cnil. En outre, le manquement à cette obligation est maintenant sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial. La majorité numérique devient ainsi opérationnelle.
Par ailleurs, la Cnil recommandait que les parents disposent d’une voie de recours pour demander la suppression du compte de leur enfant. Nous soutenons donc les avancées du texte en ce sens.
Toutefois, n’oublions pas que la Cnil recommande également des garanties spécifiques pour protéger l’intérêt de l’enfant, ou encore le renforcement de l’information du mineur, selon des modalités claires et adaptées, sur les conditions d’utilisation de ses données, ainsi que sur ses droits informatiques et ses libertés, afin qu’il puisse comprendre le sens et la portée de son engagement. Des recommandations qui, pour l’instant, ne figurent pas dans le texte. Nous vous alertons donc sur le fait que l’instauration d’une majorité numérique ne saurait aller sans l’information des mineurs sur leurs droits, l’encadrement de leur pratique, l’assurance que les sites sont adaptés aux publics mineurs qu’ils accueillent, ou encore l’accompagnement des parents dans l’éducation au numérique.
Nous soutenons les articles tendant à faire contribuer les plateformes à la lutte contre les cyberdélits : l’article 3, qui les contraint à répondre aux réquisitions judiciaires dans le cadre de plaintes déposées, et le nouvel article 1er bis, qui définit de nouveaux contenus illicites pour lesquels les plateformes doivent instaurer un dispositif de signalement. Alors que le harcèlement sur les réseaux sociaux est de plus en plus présent et violent, notamment chez les jeunes publics, cette responsabilisation des plateformes dans la lutte contre la haine en ligne est la bienvenue.
Nous soutiendrons donc, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Le constat dressé par le rapporteur est accablant : en quelques années seulement, l’apparition des réseaux sociaux et la généralisation de leur usage ont profondément bouleversé nos vies et, plus singulièrement, celles de nos enfants et des jeunes générations.
Les chiffres sont sans appel : 82 % des enfants de 10 à 14 ans se rendent régulièrement sur internet sans que leurs parents n’en sachent rien, un chiffre qui atteint 95 % pour les jeunes de 15 à 17 ans. Ainsi, 70 % des enfants de tous âges regardent seuls des vidéos sur internet. En moyenne, les enfants entre 7 et 12 ans passent neuf heures par semaine sur le web, un chiffre qui grimpe à près de dix-huit heures pour les adolescents entre 13 et 19 ans. En outre, la Cnil constate que la première inscription sur les réseaux sociaux a lieu, en moyenne, à 8 ans et demi, et que plus de la moitié des enfants de 10 à 14 ans y sont présents. Enfin, doit-on encore rappeler que les enfants de 7 à 10 ans utilisent en moyenne deux réseaux sociaux, contre trois pour ceux de 11 à 14 ans.
S’il est évident que les réseaux sociaux peuvent constituer une porte ouverte sur le monde et être une source d’apprentissage quand ils sont utilisés avec modération, ils sont pourtant devenus pour beaucoup de jeunes un enfer, une véritable drogue entraînant isolement, troubles de la concentration, troubles du sommeil, surpoids, dépression, harcèlement, chute des résultats scolaires, conduites addictives, et même suicide. Les chiffres font frémir : l’association e-Enfance, qui gère la ligne téléphonique 3018 pour les jeunes victimes de cyberharcèlement, fait état d’un nombre très important et toujours croissant de victimes. De janvier à septembre 2022, environ 25 000 cas y ont été traités, soit 6 000 de plus que pour l’ensemble de l’année 2021. Un dernier chiffre : si plus de 82 % des mineurs ont déjà été exposés à du contenu pornographique, cela concernerait, selon le site gouvernemental jeprotegemonenfant.gouv.fr, près d’un enfant sur trois à l’âge de 12 ans.
Instaurer une majorité numérique va donc dans le bon sens, même s’il aurait été préférable de la fixer à 16 ans au lieu de 15, afin de s’aligner sur les règles européennes et de revenir à la position défendue par la France dans le cadre des échanges autour de la création du règlement général sur la protection des données.
Par ailleurs, il est plus que temps que l’interdiction de l’inscription sur les réseaux sociaux avant 13 ans ne soit plus symbolique, mais effective. À cette fin, il serait bon de nous interroger sur le rôle des plateformes dans la protection de leurs utilisateurs : en effet, c’est aussi à elles de définir une éthique en matière de protection et de développer les outils de sa concrétisation.
En outre, la définition des réseaux sociaux doit pouvoir être facilement modifiée, tant sont rapides les évolutions technologiques : à nous, législateurs, d’y veiller.
Mais au-delà de la majorité numérique, c’est le rôle des parents que nous devons interroger. Le contrôle parental est la pierre angulaire de la protection des enfants et des adolescents. Or, trop souvent, les parents ne sont pas conscients des dangers qui menacent leurs enfants, ou manquent d’outils pour les accompagner. Pas moins de 80 % d’entre eux affirment ne pas savoir ce que font leurs enfants sur internet : c’est énorme, et nous ne devons pas cesser de les sensibiliser, d’autant qu’au bout du compte, la décision de l’inscription de leur enfant sur les réseaux sociaux leur revient. Si l’État peut – et doit – avoir un rôle, les parents restent, et doivent rester, les premiers éducateurs de leurs enfants. C’est bien à eux qu’il revient en priorité de contrôler les contenus consultés et le temps passé sur les réseaux sociaux par ceux dont ils doivent assurer l’intégrité morale et physique. Comment les y aider ? C’est à cette question qu’il faudra répondre.
Vous l’aurez compris, je salue donc ce texte et les efforts du rapporteur. Je regrette néanmoins que la proposition de loi visant à garantir le respect du droit de l’image des enfants et la proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans, qui seront toutes deux discutées lundi prochain, ne soient pas examinées avec celle dont nous débattons aujourd’hui. Je regrette également que, malgré ses annonces, le Gouvernement tarde à trouver des solutions pour que les sites pornographiques soient enfin véritablement et réellement interdits aux mineurs : quand allons-nous développer des moyens techniques pour mettre fin à la violence morale et physique qu’ils font subir aux plus jeunes ? Là encore, nos débats auraient mérité d’être intégrés à une réflexion globale et transpartisane : ils n’en auraient été que plus cohérents et plus efficaces. La santé de nos enfants le vaut bien.
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Stéphane Lenormand
On a coutume de dire que le diable se cache dans les détails. Les technologies dites de voix sur IP, qui foisonnent sur de nombreuses plateformes, permettent d’y diffuser des messages extrêmement haineux. Nous ne voudrions pas que ceux-ci échappent au contrôle que nous souhaitons instaurer, et proposons donc par cet amendement de préciser que les messages vocaux sont concernés par les dispositions du texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Vous soulignez à juste titre la diversité des réseaux sociaux, qui n’ont pas tous le même objet, la même finalité, le même degré de publicité, et ainsi de suite ; d’où l’opportunité de retenir dans cette proposition de loi une définition large, empruntée au DMA. Cette définition me satisfaisant, j’ai décidé de la transcrire telle quelle : il ne serait pas judicieux de la modifier. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Nous comprenons bien votre intention, monsieur le député, mais j’abonderai néanmoins dans le sens du rapporteur. D’une part, étant donné le cadre de nos discussions, chacun doit garder à l’esprit le DMA et le DSA. Tous deux adoptés durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, ils visent à introduire dans le droit des États membres, sans exception, des règles qui s’imposeront aux géants du numérique et, s’agissant du DSA, aux réseaux sociaux. Par conséquent, nous devons veiller à ne pas adopter de dispositions susceptibles de créer des incohérences, d’autant que le DSA est d’application directe, c’est-à-dire ne nécessite pas de transposition au sein du droit national. Il nous faut également nous caler sur les grands principes que la France a fait admettre de haute lutte lors de l’examen de ces deux règlements. C’est pourquoi, lors de la rédaction de son texte, le rapporteur a reproduit mot pour mot, à l’article 1er, la définition des réseaux sociaux sur laquelle se sont accordés les membres de l’Union européenne – et qui tient compte du problème que vous évoquez, puisqu’elle mentionne les « conversations en ligne ». Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand
Compte tenu de ces explications, je retire l’amendement.
(L’amendement no 34 est retiré.)
(L’article 1er est adopté à l’unanimité.)
(« Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Après l’article 1er
Mme la présidente
La parole est à Mme Fabienne Colboc, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Fabienne Colboc
La complexité des conditions générales d’utilisation des réseaux sociaux est telle que les jeunes en ignorent souvent la teneur, voire l’existence. Cet amendement vise donc à ce que ces services soient tenus d’en présenter une seconde version, dont le vocabulaire ait été adapté à un public mineur, afin d’informer celui-ci de ses droits sur le réseau social, de ce qui y est prohibé et de l’usage qui sera fait de ses données personnelles. Les jeunes de moins de 15 ans pourront ainsi prendre pleinement conscience de ces enjeux. Il s’agit à la fois d’une mesure de prévention – expliciter le caractère autorisé ou interdit des pratiques sur les réseaux sociaux –, d’une démarche éducative – lutter contre la haine en ligne – et d’un renforcement de la responsabilité des entreprises en matière de respect de leurs CGU, qui ne se limitera plus à la validation d’un contrat d’adhésion.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Madame la vice-présidente de la commission, chère collègue, j’approuve les objectifs de cet amendement, mais il n’en est pas moins satisfait en l’état du droit. Le 3o de l’article 6-4 de la LCEN dispose ainsi que les opérateurs de plateforme en ligne « mettent à la disposition du public, de façon facilement accessible, les conditions générales d’utilisation du service qu’ils proposent », et l’article 6-5 détaille leurs obligations à l’égard des utilisateurs mineurs. En outre, aux termes de l’article 14 du DSA, « ces renseignements […] sont énoncés dans un langage clair, simple, intelligible, aisément abordable et dépourvu d’ambiguïté, et sont mis à la disposition du public dans un format facilement accessible et lisible par une machine », et « lorsqu’un service intermédiaire s’adresse principalement à des mineurs ou est utilisé de manière prédominante par des mineurs, le fournisseur de ce service intermédiaire explique les conditions et les éventuelles restrictions relatives à l’utilisation du service d’une manière compréhensible pour les mineurs ». Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Même avis. Le DSA, qui entrera en vigueur entre juin 2023 et le début de l’année 2024 en fonction de la taille des plateformes – les plus grandes, celles dont nous avons les noms en tête et qui ont été évoquées à la tribune, étant les premières concernées –, énonce de façon précise cette obligation de rendre les CGU intelligibles aux mineurs, non seulement afin de les informer lors de leur inscription sur un réseau social, mais dans un but de prévention : là réside tout l’intérêt de l’article 14.
Mme la présidente
La parole est à Mme Fabienne Colboc.
Mme Fabienne Colboc
Il s’agissait effectivement d’insister sur l’aspect préventif des CGU ; étant donné les explications fournies, je retire l’amendement.
(L’amendement no 84 est retiré.)
Article 1er bis
Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l’amendement no 5, qui tend à supprimer l’article 1er bis.
Mme Cécile Rilhac
Le présent amendement dû à Raphaël Gérard vise en effet, sans nier le caractère répréhensible des contenus visés, à supprimer les dispositions introduites en commission, afin de tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en matière d’application de la LCEN. Il est souvent compliqué de distinguer ce qui est licite de ce qui ne l’est pas ; or l’engagement de la responsabilité pénale d’un hébergeur pour un contenu dont le caractère illicite n’a rien d’évident peut avoir un effet dissuasif et restreindre la liberté d’expression sur internet. Pour cette raison, la jurisprudence évoquée limite les cas dans lesquels cette responsabilité peut être mise en cause, excluant des délits tels que la diffamation à caractère discriminatoire et le revenge porn, dont l’appréciation relève essentiellement du juge. J’aimerais entendre confirmer par M. le ministre délégué que l’article 1er bis ne la contredit pas.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Je comprends les réserves que vous exprimez, chère collègue, et j’ai conscience de la difficulté d’apprécier, en vue de leur qualification, certains délits. Toutefois, cet article, introduit dans le texte par la commission, répond à un besoin indéniable : celui d’outils permettant de mettre en évidence certains délits sur les réseaux sociaux et de faire ainsi cesser l’impunité de leurs auteurs. L’extension de la liste de délits figurant au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la LCEN, lequel impose aux plateformes un dispositif de signalement de ces faits, ne vise pas à les substituer au juge, l’action publique continuant de dépendre des autorités, mais à les obliger à informer celles-ci, rendant possible une réponse judiciaire et prenant ainsi part, comme il se doit, à la lutte contre la diffusion d’infractions. Les délits ajoutés par l’article 1er bis à la liste de la LCEN sont ceux dont les utilisateurs mineurs peuvent se trouver directement ou indirectement victimes : il concourt donc à la protection des mineurs et à la lutte contre la haine en ligne, ce qui fonde sa légitimité. Il favorisera le travail de la justice. Je m’oppose à sa suppression : avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Le rapporteur a fort bien parlé, et cet article a été introduit dans le texte par l’adoption d’un amendement émanant de la délégation parlementaire aux droits des femmes. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cécile Rilhac.
Mme Cécile Rilhac
Merci, monsieur le rapporteur, de nous avoir éclairés au sujet du cadre légal de l’article. Nous voilà rassurés : nous retirons l’amendement.
(L’amendement no 5 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 6 de M. Raphaël Gérard est-il également retiré ?
Mme Cécile Rilhac
Oui.
(L’amendement no 6 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 83 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 83, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 1er bis, amendé, est adopté à l’unanimité.)
Après l’article 1er bis
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Laurent Esquenet-Goxes
Il vise à imposer aux réseaux sociaux de renforcer la sensibilisation au harcèlement grâce à la publication de messages de prévention destinés aux utilisateurs, en particulier aux jeunes. En outre, lorsqu’un utilisateur signale à la plateforme être la cible de manifestations de haine en ligne, elle devra lui indiquer les outils nationaux à sa disposition afin de l’accompagner – je pense bien sûr au 3018, le numéro gratuit créé à l’intention des victimes de violences numériques. La plateforme correspondante est accessible aussi bien par téléphone que par courriel, par une application, par une messagerie Facebook, et constitue un instrument indispensable aux mineurs, parents et professionnels désireux non seulement d’être écoutés, mais d’obtenir des solutions, notamment en vue de faire retirer au plus vite le contenu offensant. Néanmoins, ce numéro reste trop peu connu des intéressés, qui peuvent par ailleurs ne pas pouvoir, ou vouloir, s’en enquérir auprès de proches adultes : les dispositions proposées permettraient d’en rendre l’accès plus fluide en informant les jeunes là même où ils sont acteurs – et victimes.
J’ajouterai que cet amendement avait fait, lors de l’examen du texte en commission, l’objet d’un large consensus transpartisan avant d’être retiré en vue d’une relecture technique. Avec M. le rapporteur, que je remercie, nous nous sommes livrés à un travail de fond : techniquement et philosophiquement, l’amendement est désormais prêt à être adopté par la représentation nationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Je partage votre opinion, cher collègue : avis favorable.
Un député du groupe Dem
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Je vais jouer les gardiens du temple qu’est le DSA : comme j’aurai certainement l’occasion de le redire, celui-ci ne régit pas les conditions d’accès et d’inscription à un réseau social, mais détermine en revanche les modalités d’adaptation aux mineurs des fonctionnalités de ces réseaux. Par respect pour ces dispositions, je demanderai le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Mme la secrétaire d’État et moi-même avons du reste œuvré à faire connaître le 3018 dans les établissements scolaires, où ont été affichées des informations concernant les dispositifs d’aide aux victimes de harcèlement ; le passeport internet qui sera désormais délivré à tous les élèves de sixième fournit l’occasion d’une sensibilisation, et certains réseaux sociaux diffusent déjà des informations relatives au cyberharcèlement, entre autres ce numéro. Enfin, monsieur Esquenet-Goxes, votre amendement AC33, adopté en commission, et qui a donné lieu à l’article 5 du texte, portait également sur le 3018 – du moins avez-vous le mérite de mettre ainsi en lumière la qualité du travail réalisé par l’association qui gère cette ligne.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes.
M. Rodrigo Arenas
Ne le retirez pas !
M. Laurent Esquenet-Goxes
Compte tenu, encore une fois, de la besogne accomplie de concert avec le rapporteur, je maintiens l’amendement.
(L’amendement no 27 est adopté.)
Article 2
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc
L’addiction de nos enfants aux réseaux sociaux est aujourd’hui un problème de société ; les chiffres des différentes études sont clairs. Il est de bonne politique que la représentation nationale se saisisse de ce problème avant qu’il ne devienne un sujet de santé publique, si ce n’est déjà le cas. Les réseaux sociaux présentent pour les plus jeunes un danger d’addiction et de déconnexion du monde réel, et d’exposition à des contenus choquants, sectaires, violents voire pornographiques. Le renforcement de la loi « informatique et libertés » va donc dans le bon sens. Taper au portefeuille – si je puis dire –, vite et fort, est un moyen efficace de contraindre une entreprise à respecter la loi. L’amende prévue par la proposition de loi, dont le montant pourra s’élever à un maximum de 1 % du chiffre d’affaires de l’exercice précédent, est à cet égard fortement dissuasive.
Des réserves doivent cependant être apportées à l’article 2. Notre souci louable et sain de fabriquer une bulle de sécurité autour de nos enfants se heurte à l’essence même du principe de réseau social, qui est par définition transnational et techniquement impossible à circonscrire dans un périmètre franco-français. La loi française ne sait pas contraindre à l’extérieur de ses propres frontières. Il ne faut en général pas plus de deux ou trois minutes aux adolescents pour nous démontrer les mille et une manières de contourner un dispositif.
J’en viens à l’école. Nos enfants ont majoritairement, à partir de la sixième, des adresses de courrier électronique et, partant, des comptes Google : c’est la clé pour accéder aux systèmes d’échange qui régissent leur vie scolaire. Le confinement a d’ailleurs considérablement amplifié ce mode de fonctionnement. Le rôle des parents est crucial dans cet apprentissage technique – que je qualifierais aussi de social – du monde et des usages du numérique ; il relève de leur devoir d’éducation.
Le groupe Rassemblement national votera ce texte qui est intelligent et qui va dans le bon sens. Mais restons lucides et vigilants : l’outil législatif ne fait pas tout. De même que pour les règles de circulation dans la rue, le rôle des familles est plus que jamais primordial dans l’apprentissage des réseaux sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 87, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Nicolas Ray
Déposé par mon collègue Alexandre Portier, il propose de fixer l’âge de la majorité numérique à 16 ans et non à 15 ans comme le prévoit la proposition de loi, pour plusieurs raisons : il s’agit d’aligner la disposition avec l’âge fixé au niveau européen, avec les dispositions du RGPD ainsi qu’avec l’âge auquel devient possible l’émancipation du mineur.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Nous avons eu cette discussion en commission, cher collègue. Il est vrai qu’au moment de rédiger cette proposition de loi, je me suis posé la question. Il est toujours difficile de fixer un curseur. En France, on a choisi par exemple l’âge de 16 ans pour la conduite accompagnée mais on a fait un choix différent – 15 ans –, pour des applications découlant du RGPD notamment.
M. Maxime Minot
Au niveau européen, c’est 16 ans.
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Au niveau européen, la majorité peut être fixée entre 13 et 16 ans, et la France a choisi de la fixer à 15 ans. Notre pays a fait un autre choix juridique important, celui de fixer la majorité sexuelle à 15 ans également. En effet, cet âge correspond habituellement au passage du collège au lycée ; c’est un âge auquel il se passe des choses pour le jeune, qui évolue.
Par ailleurs, certains d’entre vous ont sans doute eu, comme moi, la chance d’exercer des fonctions d’officier d’état civil, notamment de célébrer des mariages. Je vous rappelle à ce propos qu’une phrase très importante du code civil dispose que les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité. J’ai souhaité tenir compte de ce degré de maturité et, avec le Gouvernement, nous avons considéré que l’âge de 15 ans était un âge pivot. Je sais que les débats sont parfois très polémiques au sein de notre assemblée mais j’espère que cette proposition recueillera votre assentiment.
J’émets donc un avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Même avis. Nous comprenons l’intention mais il est vrai qu’en 2018, lors de la transposition du RGPD, la France a décidé de fixer à 15 ans le seuil en deçà duquel le consentement des parents est requis pour l’enregistrement des données personnelles d’un mineur. Comme l’a dit le rapporteur, le choix devait s’effectuer au sein d’une fourchette allant de 13 à 16 ans. La Belgique, par exemple, a retenu l’âge de 13 ans. Pour cette première raison – le souci de conformité avec la transposition du RGPD par la France en 2018 – comme pour la seconde raison évoquée par le rapporteur, liée à la maturité, il nous semble que l’âge de 15 ans constitue un bon équilibre.
(L’amendement no 65 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l’amendement no 20.
Mme Christine Loir
Il est essentiel d’avoir une réflexion sur l’accès des jeunes au numérique. L’amendement a pour but de démontrer que le problème ne vient pas seulement des réseaux sociaux, comme indiqué dans le texte, mais peut avoir plusieurs sources. Les contenus pornographiques et violents sont omniprésents dans les forums de discussion. Il en va de même pour le cyberharcèlement, qui prend une ampleur monstrueuse sur ce type de plateformes. Le dispositif proposé par le texte laissera toujours subsister des failles, et les jeunes conserveront la possibilité d’accéder à des contenus dangereux. L’ajout des forums de discussion au champ de la proposition de loi permettrait de renforcer leur protection.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
L’inquiétude dont témoigne cet amendement est parfaitement légitime, chère collègue, mais les forums de discussion en ligne, qui sont très nombreux, entrent dans le cadre de la définition des réseaux sociaux à l’article 1er du texte, que je vous invite à lire : « une plateforme permettant aux utilisateurs de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus […] en particulier au moyen de conversations en ligne ». Il me semble que votre amendement, qui a le mérite de tenter d’élargir le spectre, est déjà satisfait par l’article 1er. Je vous demande donc de le retirer et j’émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
Madame Loir, retirez-vous votre amendement ?
Mme Christine Loir
Non, je le maintiens.
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 75 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 75, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 87 et 7 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l’amendement no 24.
Mme Christine Loir
À l’issue de nombreux entretiens, il me semble important de souligner la gravité des dangers auxquels sont confrontés les jeunes à cause des réseaux sociaux. Ces dangers, les enfants parfois très jeunes ne les perçoivent pas jusqu’au moment où, après avoir vu des images violentes ou pornographiques ou après avoir été harcelés, ils se retrouvent traumatisés voire en arrivent à des atrocités. Les parents, quant à eux, sont totalement perdus face à l’ampleur que prennent les choses. Comment voulez-vous prévenir les jeunes quand vous ne savez pas vous-même utiliser ces outils ?
La présente proposition de loi, imparfaite et particulièrement complexe du point de vue de l’application, aborde néanmoins le sujet primordial de l’utilisation des réseaux par les jeunes. Nous ne pouvons faire reposer sur le dos des parents, non informés sur les questions de responsabilité, le choix d’accorder une dérogation à leur enfant pour l’utilisation des réseaux sociaux. Le sujet de la prévention reviendra dans un autre texte ; une fois que la société sera formée et que des outils seront mis à disposition des parents pour qu’ils puissent éduquer leurs enfants à ces réseaux, nous pourrons leur laisser le choix. Pour l’instant, protégeons nos enfants des dangers du numérique ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Vous abordez, chère collègue, un enjeu important puisque vous proposez, en réalité, la possibilité d’une interdiction pure et simple. C’est justement la direction que je n’ai pas souhaité prendre lors de la rédaction du texte. Je considère en effet que les modes de communication que constituent les réseaux sociaux ne sont pas tous à jeter aux orties. On y trouve aussi du bon : ils peuvent être une porte ouverte sur le monde et permettre à nos enfants de découvrir des idées, de connaître des gens intéressants, de s’épanouir. Ce sont les mésusages de ces réseaux, qui existent aussi, qui nous conduisent aujourd’hui à en discuter. J’ai fait le choix, au travers de la présente proposition de loi, de ne pas les interdire purement et simplement mais de faire preuve de la souplesse que j’ai défendue lors de la discussion générale. Il me semble que ce choix a été bien accueilli lorsque nous avons enrichi le texte en commission mais aussi lorsque nous y avons travaillé avec les membres du Gouvernement. Une interdiction ne serait pas du tout conforme à l’état d’esprit ayant présidé à la rédaction du texte ; j’émets donc un avis défavorable à l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Le débat que nous abordons porte sur l’idée d’interdire purement et simplement l’accès de nos enfants aux réseaux sociaux en deçà d’un certain âge. Comme le rapporteur, le Gouvernement émettra sur cette proposition un avis défavorable, que je vais m’efforcer de vous expliquer.
D’abord, comme l’a dit le rapporteur, la présente proposition de loi a pour ambition de mieux accompagner les enfants. Je rappelle que les réseaux sociaux sont définis à l’article 1er comme toute « plateforme en ligne permettant aux utilisateurs finaux de se connecter ainsi que de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils et, en particulier, au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations. » Nous ne rejetons pas ces réseaux, ainsi définis, dans leur nature. Nous considérons, comme l’a noté le rapporteur, qu’ils peuvent, sous certaines conditions, être vecteurs d’échanges, de communication et de découverte du monde pour certains enfants. Notre vision – qui est aussi celle du règlement DSA, relatif aux services numériques – consiste à considérer que les réseaux sociaux doivent adapter leurs services aux mineurs et en particulier, comme le précise le règlement, proposer des interfaces adéquates et des paramètres adaptés, différents de ceux destinés aux majeurs.
Cette approche me semble équilibrée. En effet, si des plateformes telles que celles évoquées précédemment, du fait de leur modèle d’affaires, déploient aujourd’hui, avant l’application du DSA, des moyens très importants pour capter l’attention des mineurs au point de mettre parfois leur santé en danger, ce n’est pas le cas de tous les réseaux sociaux. On peut très bien imaginer des réseaux – il en existe – n’ayant pas pour modèle d’affaires l’attraction d’un maximum de publicité et n’ayant donc pas, au cœur de leur activité, l’objectif de capter le plus possible l’attention des enfants. À ce titre, ils ne méritent pas d’être interdits d’accès aux mineurs. Nous devons garder à l’esprit que nous dénonçons certaines pratiques des réseaux sociaux qui sont par ailleurs visées directement par le règlement européen, mais que nous ne visons pas – avec cette proposition de loi, en tout cas – la possibilité même pour les jeunes, grâce à des échanges passant par l’intermédiaire du numérique, de s’ouvrir sur les autres et sur le monde.
La seconde raison, c’est que nous avons foi dans l’autorité parentale. Choisir d’interdire aux mineurs de 15 ans l’accès aux réseaux sociaux – même momentanément, en attendant que les plateformes s’ajustent –, ce serait renoncer à l’idée que l’autorité parentale peut s’exercer dans ce domaine, que nous pouvons prendre nos enfants par la main pour les accompagner patiemment dans la découverte du numérique.
Je dirai donc que, d’une part, cette proposition de loi ne cible pas les réseaux sociaux mais vise à préserver les enfants de pratiques qui leur sont nuisibles et que, d’autre part, nous sommes confiants dans la capacité des parents à surmonter ces difficultés et à protéger leur enfant dans son cheminement dans l’espace numérique.
Nous voulons que les mineurs aient toujours la possibilité d’accéder à ces réseaux, sous réserve que leurs parents y consentent et que leur consentement exprès soit recueilli par les plateformes concernées.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Les réseaux sociaux évoluent et changent parfois de nature : Facebook était à l’origine un réseau étudiant, il est désormais celui dont les usagers ont la moyenne d’âge la plus élevée ; TikTok a été conçu pour les collégiens, qui ne sont plus les seuls à l’utiliser aujourd’hui.
Les choses vont très vite et la question que pose cet amendement, c’est comment protéger techniquement ou juridiquement les enfants de contenus réservés aux adultes, quand ils peuvent y accéder grâce à un compte créé avec l’accord des parents. Je n’ai pas l’impression qu’il soit possible de faire la différence selon le profil et l’âge de l’utilisateur quand, d’un clic, on peut passer d’une vidéo sportive à une vidéo de combats, d’une vidéo de combats à une vidéo de violences, d’une vidéo de violences à une vidéo montrant des exactions. Comment donc permettre aux enfants de naviguer sur ces réseaux tout en les protégeant des contenus les plus violents, à même de perturber leur développement ?
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 113 rectifié de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 113 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir l’amendement no 106.
Mme Sarah Tanzilli
Il vise à préciser que, lorsque l’autorité parentale est exercée conjointement, le consentement des deux parents est nécessaire. Dans l’espace numérique, les menaces qui pèsent sur les enfants sont nombreuses ; l’inscription sur un réseau social est donc tout sauf un acte anodin. Il me semble qu’à partir du moment où l’on considère que le principe est l’interdiction de l’inscription pour les moins de 15 ans, il est légitime de considérer que l’inscription est bien un acte non usuel, qui relève de l’accord des cotitulaires de l’autorité parentale.
De façon plus pragmatique, cet amendement permettrait d’éviter des conflits éventuels dans l’exercice de l’autorité parentale. Dans la mesure où les titulaires pourront revenir sur leur accord et demander la suppression du compte d’un mineur de 15 ans, que se passera-t-il si l’un des parents donne son accord et que l’autre exige des fournisseurs sa suppression ? Quelle réponse les plateformes devront-elles donner à des injonctions contradictoires ? Ne faut-il pas éviter de créer des situations où le mineur serait pris en étau, ses parents utilisant ce levier à d’autres fins ? Peut-on prendre le risque que ce sujet éminemment sensible pour les enfants constitue un nouveau champ de conflits entre des parents qui se déchireraient ?
S’il prévoit un accord conjoint des titulaires de l’autorité parentale, le texte sera cohérent avec la jurisprudence qui définit les actes non usuels et permettra d’éviter des conflits ingérables pour les plateformes et préjudiciables aux mineurs concernés.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Nous entrons dans un débat de spécialistes de droit civil. La Cnil a considéré que le consentement des parents au traitement des données personnelles régies par le RGPD relevait d’un acte usuel de l’autorité parentale. J’estime que nous pouvons transposer cette décision et considérer que l’inscription à un réseau social relève elle aussi d’un acte usuel. Or un acte usuel ne nécessite l’accord exprès que d’un des parents puisque le code civil indique que « chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »
En outre, dans l’hypothèse d’une séparation ou d’un conflit entre les parents, l’un d’entre eux pourra toujours saisir le juge aux affaires familiales et lui demander de trancher.
Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Même avis. Si nous devions considérer l’inscription sur les réseaux sociaux comme un acte non usuel, la proposition de loi n’aurait plus grand intérêt. Nous considérons, avec ce texte, que l’inscription sur les réseaux sociaux est un acte usuel mais qu’il convient de distinguer les mineurs de plus de 15 ans, qui sont soumis au droit commun, et les mineurs de moins de 15 ans, pour lesquels le consentement d’un titulaire de l’autorité parentale est requis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Nous voterons contre cet amendement afin de préserver, pour le parent, la possibilité de réagir vite et de demander la suppression du compte, sans se trouver entravé par l’obligation de demander son consentement à l’autre parent dont il est séparé. À moins de sous-amender votre amendement et de prévoir la possibilité de suspendre le compte dans l’attente de l’accord du cotitulaire de l’autorité parentale, il nous semble important que les parents puissent agir vite – c’est l’intérêt de l’enfant qui prime.
(L’amendement no 106 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir l’amendement no 110, qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 114.
Mme Sarah Tanzilli
Cela a été dit, l’espace numérique en général, les réseaux sociaux en particulier renferment des menaces graves pour les enfants. La responsabilité du législateur est de fixer des garde-fous qui puissent les protéger efficacement.
Avec cet amendement, je vous propose d’aller plus loin que ce que prévoit le texte : il s’agit de fixer un âge plancher, 13 ans, en dessous duquel toute inscription sur un réseau social sera prohibée.
Chers collègues, soyons cohérents. Si la menace est si forte pour l’intégrité, la dignité, le développement des enfants, si ceux-ci ne sont pas en mesure d’y faire face, devons-nous laisser aux parents l’entière responsabilité de dire non ? Nous aussi, nous devons prendre nos responsabilités et avoir le courage de dire qu’un enfant de moins de 13 ans n’a rien à faire sur un réseau social ! D’ailleurs, les plateformes elles-mêmes appliquent cette restriction sur l’âge, qui correspond à la législation américaine.
Cependant, des plateformes dédiées aux plus jeunes commencent à voir le jour et elles présentent un intérêt réel sur le plan éducatif et culturel. L’amendement prévoit donc une dérogation. Seule l’inscription sur des plateformes dûment labellisées sera autorisée, sous réserve du consentement des titulaires de l’autorité parentale. Le dispositif de labellisation permettra en outre d’accompagner les parents dans l’univers numérique en leur permettant d’identifier les espaces bénéfiques pour leurs enfants.
Interdire strictement les réseaux sociaux aux moins de 13 ans tout en permettant aux parents d’identifier certains espaces numériques qui leur sont bénéfiques, voilà la double prise de responsabilité que propose l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir le sous-amendement no 114.
Mme Béatrice Piron
Le sujet a été longuement débattu en commission. J’ai déposé un amendement dont l’objet est semblable mais je me rallie à la solution proposée par Mme Tanzilli, qui consiste à fixer l’âge plancher à 13 ans, tout en prévoyant des dérogations pour les services en ligne vertueux de portée éducative.
Je propose cependant de sous-amender l’amendement no 110 afin de viser les « services de réseaux sociaux en ligne », plutôt que les « plateformes », en cohérence avec le reste du texte.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Le rôle des parents est au cœur de cette proposition de loi. Vous proposez ici de créer une labellisation, mais la procédure, par sa rigidité, me laisse quelque peu circonspect et je ne suis pas certain que cette labellisation soit du ressort du législateur ou du Gouvernement.
Pour l’heure, l’interdiction de ce qui est un acte usuel ne me semble pas pertinente. Certains parents manquent à leurs obligations et sont défaillants, mais la majorité d’entre eux assument leur rôle ; j’estime qu’il faut leur faire confiance. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer l’amendement et le sous-amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Même avis. Nous partageons pleinement l’objectif de l’amendement, puisque, comme nous l’avons dit avec la secrétaire d’État, le règlement sur les services numériques impose aux plateformes de mettre en œuvre des modifications susceptibles de mieux protéger les mineurs.
Vous empruntez le même cheminement que celui par lequel le législateur européen est parvenu au DSA : plutôt que d’interdire l’accès aux mineurs en dessous d’un certain âge, il vaut mieux pousser ou contraindre les réseaux sociaux à proposer des interfaces compatibles avec le degré de maturité de nos enfants. Comme l’intention est la même que pour le DSA dont je suis le gardien du temple, je vous demande de retirer l’amendement. Cela ne nous empêche pas de continuer à travailler dans le cadre de la navette afin de nous assurer que la labellisation sur le fondement de certains paramètres, idée que vous défendez dans votre amendement, est effectivement prévue dans le DSA.
Mme la présidente
La parole est à M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas
Nous allons soutenir l’amendement, pour une raison déjà invoquée par Ségolène Amiot : de nombreux parents n’ont pas connu l’évolution technologique et les usages que nous ciblons dans ce texte. Nous pensons qu’il faut fixer des règles, de la même façon que pour les cigarettes, l’alcool ou certains comportements qui impliquent des addictions ou des déviances, afin d’éviter les injonctions éducatives contradictoires des parents envers les enfants. Rappelons-le, ce n’est pas aux enfants d’éduquer les parents, mais le contraire. Placer les enfants dans le rôle de prescripteur est une forme d’injonction contradictoire et crée des conflits de loyauté dans l’acte éducatif.
Si nous prenons l’alcool, nous n’avons pas le droit de faire boire les enfants jusqu’à l’ébriété. C’est ce que dit la loi. Depuis la période du covid-19, l’usage excessif d’internet a créé des addictions et même des comportements violents d’enfants d’âge scolaire envers leurs parents, qui se trouvent démunis parce qu’ils ne veulent pas retirer la tablette, le téléphone ou l’ordinateur aux enfants. C’est bien le sujet de l’amendement. Il est bon que la puissance publique fixe des règles claires pour que les parents puissent opposer à leurs enfants, du point de vue éducatif, que la loi est la loi, et que jusqu’à un certain âge, non c’est non.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron
Nous avons bien entendu le point de vue du rapporteur et du ministre délégué. Nous sommes d’accord pour faire confiance aux parents et nous proposons qu’ils puissent autoriser leurs enfants de moins de 15 ans à aller sur les réseaux sociaux. Soyons néanmoins conscients de la réalité : tous les sondages montrent que 83 % des parents ne savent pas ce que font leurs enfants sur internet et n’ont pas toujours conscience des dangers auxquels ceux-ci y sont exposés. Même si les parents sont incités à activer le contrôle parental sur les tablettes et les téléphones, plus de la moitié d’entre eux n’ont pas encore reçu l’information ni installé ces outils de contrôle.
Pour le moment, il nous paraît donc important de fixer un âge minimum comme il en existe pour d’autres sujets comme la pornographie ou le permis de conduire. Ce ne sont pas les parents qui déterminent à quel âge leurs enfants sont suffisamment matures pour regarder un film pornographique ou apprendre à conduire, même si certains d’entre eux pourraient imaginer que leur enfant de 15 ans est suffisamment grand, costaud et lucide pour cela. Dans la situation actuelle, je ne pense pas que l’on puisse se passer d’âge plancher pour le sujet qui nous occupe.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Attention aux comparaisons entre l’alcool ou le tabac, par exemple, et les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui a conduit les rédacteurs de cet amendement à le calibrer de cette manière, et les législateurs du DSA à ne pas interdire l’accès des réseaux sociaux aux mineurs mais à imposer des restrictions ? Quel que soit leur mode de consommation, l’alcool et le tabac sont nocifs pour la santé des enfants. En revanche, certaines expériences – les réseaux sociaux ou la plage évoquée par Mme la secrétaire d’État – peuvent causer des préjudices aux enfants, selon la manière dont ceux-ci sont ou non accompagnés.
Si nous voulons légiférer efficacement, il nous faut tenir compte de cette subtilité. Il n’est pas interdit de se promener sur la plage ou sur le trottoir sans tenir la main de son enfant. Pourtant, conscients du risque auquel il est exposé, nous veillons tous à lui tenir la main le plus possible dans ces circonstances. En revanche, dès lors qu’il est établi qu’une substance comme l’alcool ou le tabac est mauvaise pour la santé, quelle que soit la manière dont elle est administrée, nous fixons une règle qui s’impose quelle que soit la vision qu’en ont les parents.
Mme Ségolène Amiot
Les études montrent que les écrans ne sont pas bons pour les enfants !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Certaines pratiques de réseaux sociaux aux modèles d’affaires bien identifiés, qui reposent notamment sur la publicité, peuvent être interdites aux mineurs. C’est ainsi que le DSA interdit la publicité ciblée sur les mineurs. Il s’attaque à la dimension des réseaux sociaux qui peut porter préjudice aux mineurs, sans considérer pour autant qu’un espace de communication et de partage est en lui-même nuisible pour les enfants.
Mme la présidente
Comme j’ai plusieurs demandes de prise de parole, je vais refaire un tour, si je puis dire.
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Pour appuyer les propos de M. le ministre délégué, j’aimerais aborder un angle mort de nos débats : la parentalité. Les parents participent à l’éducation des enfants. Nous répétons souvent qu’il faut veiller à protéger nos enfants, mais nous devons aussi contrôler ce qu’ils font sur les réseaux sociaux. Comme vous le savez, j’ai beaucoup travaillé sur la question du harcèlement scolaire, les réseaux sociaux jouant un rôle préoccupant en la matière. J’entends toujours les parents demander que l’on protège leurs enfants, mais ils ont aussi la responsabilité de regarder ce que font leurs enfants.
M. Rodrigo Arenas
Ça ne se passe pas comme ça !
M. Erwan Balanant
À la faveur de ces échanges sur les autorisations, je veux rappeler que lorsqu’on est parent, on reste le responsable de ses enfants.
Mme Ségolène Amiot
Jusqu’à une certaine limite, selon la loi !
M. Erwan Balanant
On reste civilement responsable de ses enfants jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de 18 ans. Il faut donc insister sur la parentalité et le devoir d’accompagnement parce que certains parents ne connaissent pas ces sujets, comme l’a indiqué le rapporteur. Il ne faut pas s’en tenir à la protection des enfants, il me semble important de s’intéresser aussi à leur éducation.
M. Rodrigo Arenas
C’est bien ce dont nous parlons !
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Bothorel.
M. Éric Bothorel
Comme mon collègue Balanant, je tenais à abonder dans le sens de M. le ministre délégué et de M. le rapporteur. Nous sommes largement d’accord sur la nécessité de renforcer la protection de nos enfants face à certains contenus, mais j’en reviens à l’amendement qui, tel qu’il est rédigé, propose la labellisation de plateformes. Or, comme l’a fait observer notre collègue Di Filippo, les plateformes actuelles sont généralistes et s’adressent à un public très large, même si certaines ciblent des populations plus âgées. Au gré de leurs usages, elles accompagnent les générations qui évoluent.
Labelliser les plateformes est un exercice complexe auquel le cabinet du ministre, chargé de la régulation, est confronté chaque jour. On peut certes renvoyer à un décret dont le Conseil d’État fera son affaire. Labelliser les plateformes, la belle affaire ! L’exemple du tabac montre d’ailleurs que le vrai sujet n’est pas tant la plateforme que le contenu. L’amendement présente donc quelques fragilités sur le plan opérationnel.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Tanzilli.
Mme Sarah Tanzilli
Monsieur le ministre délégué, nous sommes visiblement d’accord sur l’essentiel. Je suis convaincue que les parents sont parfois assez démunis en ce domaine. Or l’amendement ne se contente pas de créer une peine plancher ou de poser un interdit strict ; en identifiant des plateformes, des services de réseaux sociaux qui seront bénéfiques aux enfants, il tend à accompagner l’exercice de la parentalité dans l’espace numérique.
Il est vrai que les propositions actuelles sont de nature généraliste, mais si nous ouvrons la possibilité de labelliser des services de réseaux sociaux à destination des moins de 13 ans, nous allons peut-être créer une offre numérique éducative et culturelle spécifiquement dédiée aux enfants. Des initiatives de ce type sont en train de naître et elles ont été mentionnées lors de nos débats en commission pour avancer que nous ne pouvions pas établir un âge plancher en dessous duquel les réseaux sociaux seraient strictement interdits. Comment peut-on, en séance, nous expliquer que ces dispositifs n’existent pas ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
La labellisation est intéressante, mais doit-elle s’accompagner d’une interdiction posée par la loi ? À mon sens, il faut garder la philosophie du texte, conçu comme un levier pour la responsabilisation des parents auxquels il appartiendra d’apprécier l’adéquation entre le contenu d’une plateforme et la maturité de leur enfant.
L’âge a été fixé à 13 ans, mais certains enfants qui ont un ou deux ans d’avance pourront avoir accès à des réseaux sociaux ou à des plateformes qui auront développé des contenus adaptés à leurs compétences psycho-sociales. Il me semble donc dangereux de prendre des mesures radicales comme la création de planchers. Quant à la labellisation, nous pourrons l’envisager dans bien d’autres cadres qu’une loi munie de mécanismes d’interdiction. Personnellement, je suis défavorable à cet amendement et pourtant très favorable à la protection de nos enfants.
(Le sous-amendement no 114 est adopté.)
(L’amendement no 110, sous-amendé, est adopté.)
(MM. Rodrigo Arenas et Sylvain Carrière applaudissent.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 36 et 43, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Stéphane Lenormand
Les conditions générales d’utilisation de la plupart des plateformes ciblées par ce texte interdisent déjà aux moins de 13 ans de créer un compte. Cependant, ne soyons pas naïfs : il est tout à fait possible qu’un enfant ait déjà créé un compte en renseignant de mauvaises informations, puisqu’elles ne sont pas réellement contrôlées. Le présent amendement tend donc à étendre le dispositif de la proposition de loi aux comptes existants et à interdire l’usage des réseaux sociaux aux mineurs de moins de 13 ans.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 43.
Mme Béatrice Piron
Il me semble que M. Lenormand a défendu l’amendement no 35 et non l’amendement no 36 qui porte sur l’âge plancher et non sur le stock des comptes existants.
M. Maxime Minot
Merci de présider la séance !
Mme Béatrice Piron
Quant à l’amendement no 43, que j’ai rédigé au sortir de la commission, il visait, comme celui présenté par Mme Tanzilli, à labelliser ou à agréer certaines plateformes, notamment celles qui sont utilisées par l’éducation nationale et qui s’adressent à des enfants de moins de 13 ans. J’y proposais une labellisation par l’Arcom, mais je me rallie à l’idée de décret et je retire mon amendement.
(L’amendement no 43 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 36 ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Je reste sur une position simple : le refus de l’interdiction. Par souci de cohérence avec les propos que je tiens depuis le début de nos échanges sur ce point, j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Je rappelle, pour que chacun en ait bien conscience, que l’amendement qui vient d’être adopté prévoit que, si le texte est voté en l’état par les deux chambres du Parlement, les enfants âgés de moins de 13 ans ne pourront accéder qu’aux réseaux sociaux qui auront été labellisés. Autrement dit, avant 13 ans, seuls les réseaux sociaux labellisés selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État seront accessibles ; entre 13 et 15 ans, le consentement des parents sera nécessaire pour accéder aux autres réseaux ; au-delà de 15 ans, une liberté plus grande sera accordée.
Il ne me semble vraiment pas nécessaire d’aller plus loin. Le Gouvernement estime en effet que le texte, dans sa rédaction actuelle, empiète déjà sur le DSA – ce que, comme je l’expliquais précédemment, nous voulions précisément éviter –, au moins dans sa philosophie. Le Gouvernement estime que la solution retenue n’est pas pleinement satisfaisante sur le plan juridique, même s’il comprend la volonté qui la sous-tend.
J’invite en tout cas les députés dont les amendements visant à instaurer un âge plancher n’ont pas encore été examinés à se rallier à l’amendement que l’Assemblée nationale vient d’adopter, en retirant les leurs. J’émets donc un avis défavorable, assorti d’une demande de retrait général.
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 35, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
M. Stéphane Lenormand
Si ma tablette fonctionne correctement, je devrais cette fois pouvoir défendre le bon amendement.
Il ne suffit pas de contrôler la création des nouveaux comptes : les garanties instaurées par l’article 2 doivent également s’appliquer aux comptes déjà existants. L’amendement vise donc à étendre la nouvelle obligation incombant aux réseaux sociaux ainsi que la mission de contrôle confiée à l’Arcom aux comptes des mineurs de moins de 15 ans, et ce dès l’entrée en vigueur des dispositions de la proposition de loi.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 119 rectifié.
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Je suis favorable, sur le principe, à l’amendement qui vient d’être défendu par notre collègue, à condition que soit adopté le sous-amendement tendant à préciser que, si nous souhaitons que les réseaux sociaux traitent le stock de comptes déjà créés, il importe de leur accorder un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. Je crains en effet qu’il leur soit techniquement difficile de le faire, de manière automatique, dès l’entrée en vigueur du texte.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux sous-amendements identiques, nos 116 et 117.
Le sous-amendement no 116 de M. Julien Odoul est défendu.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 117.
Mme Béatrice Descamps
Il vise à limiter la portée de l’amendement aux comptes détenus par des mineurs de moins de 15 ans. Il s’agit d’étendre le dispositif prévu dans la proposition de loi aux comptes déjà existants, afin d’accroître sa portée tout en garantissant son applicabilité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Favorable à l’amendement ainsi qu’aux trois sous-amendements, qui ne sont pas mutuellement exclusifs.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Il est favorable également. Je rappelle que l’amendement vise à ce que les nouvelles règles s’imposant aux réseaux sociaux en vertu du présent texte concernent non seulement les nouveaux utilisateurs, mais aussi l’ensemble des utilisateurs déjà inscrits sur ces plateformes.
Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État
S’ils ont moins de 15 ans !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Bien entendu. L’adoption de l’amendement et des sous-amendements permettrait à la fois de clarifier l’intention du législateur et d’étendre considérablement le champ d’application du texte, qui inclurait l’ensemble des comptes détenus par des utilisateurs de moins de 15 ans.
(Le sous-amendement no 119 rectifié est adopté.)
(Les sous-amendements identiques nos 116 et 117 sont adoptés.)
(L’amendement no 35, sous-amendé, est adopté à l’unanimité.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 40 et 99, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Stéphane Lenormand, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Stéphane Lenormand
Il vise à protéger les mineurs des contenus, en particulier diffusés en direct, présentant un caractère violent ou sexuel. Ce risque bien réel concerne tous les mineurs, y compris ceux qui sont âgés de 15 à 18 ans. Il importe de bloquer l’accès des enfants aux contenus les plus sensibles, comme le fait déjà, par exemple, la plateforme YouTube. Contrôler l’âge de l’utilisateur lors de son inscription sur un réseau social ne suffit pas. L’amendement vise donc à imposer aux réseaux sociaux de contrôler que leurs utilisateurs sont bien majeurs lorsque la nature des contenus diffusés le justifie. Cette obligation aurait vocation à compléter le dispositif prévu dans la présente proposition de loi, sans s’y substituer.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 99.
Mme Emmanuelle Ménard
Il vise à insérer, après l’alinéa 3 de l’article 2, la phrase suivante : « Les fournisseurs de services de réseaux sociaux sont également tenus de faire obstacle à l’inscription de tous les mineurs de 13 ans dès lors que leurs réseaux peuvent comporter des contenus à caractère pornographique. »
À l’heure actuelle, seul le signalement d’un compte détenu par un mineur de moins de 13 ans permet sa suppression. Même si les réseaux sociaux prévoient, dans leur grande majorité, des règles permettant de bloquer l’inscription d’enfants de moins de 13 ans, aucune disposition légale n’interdit réellement de créer un compte avant cet âge : les règles actuellement appliquées résultent de la loi américaine Coppa – Children’s Online Privacy Protection Act –, qui fixe cette limite aux États-Unis.
Un vide demeure concernant cette tranche d’âge. Si l’on peut comprendre l’intérêt de certains réseaux sociaux diffusant des contenus pédagogiques, il nous semble important de fixer une limite. Inscrire cette interdiction dans le texte permettrait d’éviter d’avoir à légiférer de nouveau dans le futur, d’autant que la technologie facilitera peut-être alors la vérification de l’âge réel.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de légiférer, en réalité, puisque des dispositions du code pénal couvrent déjà les cas que vous évoquez à travers ces amendements. La diffusion de contenus à caractère pornographique à des mineurs est déjà punie, tout comme la diffusion de scènes de violence. Il ne me semble donc pas indispensable de légiférer, ni que ce texte soit une bonne occasion de le faire. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Il est identique à celui du rapporteur. J’ajoute que l’Assemblée nationale vient d’adopter un amendement en vertu duquel les réseaux sociaux sont désormais inaccessibles aux enfants de moins de 13 ans, à moins d’avoir été labellisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
M. Laurent Marcangeli, rapporteur
Eh oui !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Vos demandes – notamment celle de Mme Ménard – sont donc doublement satisfaites, par le code pénal et par l’amendement no 110 de Mme Tanzilli, que vous avez adopté il y a quelques minutes.
(Les amendements nos 40 et 99, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
La parole est à Mme Sophie Blanc, pour soutenir l’amendement no 31.
Mme Sophie Blanc
Comme je l’ai exposé lors de mon intervention sur l’article, le rôle des parents est fondamental dans cette lutte. Le monde d’internet est fait pour être fluide. L’ergonomie des systèmes, telle que ses co