Deuxième séance du jeudi 30 mars 2023
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 B
- Amendement no 77
- M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques
- Amendement no 80
- Sous-amendement no 205
- Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme
- Amendement no 62
- M. Stéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques
- Amendements nos 131, 54, 84, 174, 98, 51, 74, 208, 146, 157, 95 et 87
- Après l’article 2 B
- Article 2 C
- Suspension et reprise de la séance
- Article 2 D
- M. Antoine Léaument
- Amendements nos 177 et 108
- Article 2 E
- Article 2
- Article 2 bis
- Rappel au règlement
- Article 2 bis (suite)
- Article 2 ter
- Amendement no 106
- Article 3
- Article 3 bis
- Article 4
- Après l’article 4
- Article 5
- Article 6
- Après l’article 6
- Titre
- Article 2 B
- Seconde délibération
- Article 1er (seconde délibération)
- Amendement no 1
- Article 1er (seconde délibération)
- Vote sur l’ensemble
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (nos 790, 1006).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements en discussion commune nos 8, 143 et 42 à l’article 2 B.
Article 2 B
Mme la présidente
Les amendements nos 8, 143 et 42 ne sont pas défendus.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 77.
Mme Ségolène Amiot
Il vise à protéger la santé des Français en interdisant la promotion par les influenceurs de produits et équipements cosmétiques non certifiés par les institutions françaises et européennes.
Cette mesure est simple et logique. L’interdiction de la promotion de tels produits sur les supports traditionnels étant normalement déjà prévue, nous souhaitons qu’elle soit étendue aux contenus en ligne.
Cet amendement a été élaboré avant la nouvelle rédaction du texte, par conséquent je me demande s’il n’est pas déjà satisfait – je suis très sympa, je vous donne un argument ! Cependant, dans le doute, je tenais à le soutenir.
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques
Par cet amendement, vous proposez d’interdire la publicité pour les produits et équipements cosmétiques non certifiés par les institutions françaises et européennes.
Je me permets de vous rassurer. Une telle publicité est d’ores et déjà interdite dans la mesure où ces produits sont interdits à la vente s’ils ne respectent pas la législation européenne.
Avis défavorable.
(L’amendement no 77 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l’amendement no 80, qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 205.
M. François Piquemal
Je sais que mon collègue Carlos Martens Bilongo est très attaché à cet amendement.
Depuis la libéralisation des jeux de hasard et d’argent issue de la loi du 12 mai 2010 qui a ouvert le secteur à la concurrence, les publicités les concernant ont connu une croissance exponentielle. C’est pourquoi notre groupe souhaite interdire la promotion par les influenceurs des jeux d’argent et de hasard et des abonnements à des pronostics sportifs.
La publicité pour les paris sportifs en ligne vise prioritairement les plus jeunes et les plus précaires, cibles des opérateurs de jeux tels que Winamax, ZEbet, Unibet ou encore FDJ – La Française des jeux. Les dépenses en paris sportifs en ligne des 18-24 ans connaissent une très forte hausse au point que cette tranche de la population est en train de devenir, juste avant les 24-35 ans, celle qui effectue le plus de transactions.
Les jeunes sont six fois plus susceptibles de développer une addiction. D’autre part, 70 % des joueurs sont endettés auprès des banques. La Commission européenne souligne que l’exposition des mineurs aux publicités pour des jeux d’argent et de hasard est permanente en raison de la présence de ces dernières sur tous les supports de communication, dont les réseaux sociaux.
Près des deux tiers des personnes qui composent l’audience d’Instagram ont moins de 35 ans ; près de la moitié des visiteurs quotidiens de TikTok ont entre 15 et 24 ans. Il est donc nécessaire de protéger les jeunes publics des jeux d’argent et de hasard en interdisant la promotion de ces derniers par des influenceurs. Car derrière les perspectives annoncées de réussite sociale ou l’espoir, que l’on fait miroiter, de résoudre des difficultés personnelles, professionnelles et sociales, se cache la réalité d’une industrie prédatrice dont le modèle économique repose sur les plus vulnérables. Les pertes des joueurs dépendants représentent ainsi 40 % du chiffre d’affaires des opérateurs.
Enfin, si le fruit des paris sportifs alimente pour moitié le budget du ministère des sports, lequel s’élève à 284 millions d’euros, par le produit de taxes sur les paris sportifs, il faut garder à l’esprit le fait que l’addiction coûte plus qu’elle ne rapporte. En prenant en considération les divorces, les violences conjugales, le chômage et la criminalité que l’endettement engendre, on peut estimer que la dépense publique pourrait atteindre les 15 milliards par an. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir le sous-amendement no 205.
M. Dominique Potier
Le groupe socialiste soutient totalement l’amendement défendu à l’instant par M. Piquemal. Du point de vue philosophique, nous y adhérons entièrement.
Nous souhaitons simplement apporter une correction juridique afin de permettre son adoption en toute sérénité. Nous proposons de renvoyer à la définition des jeux d’argent et de hasard prévue par le code de la sécurité intérieure, ce qui conduit à supprimer la référence aux abonnements – ceux-ci étant couverts par ladite définition.
Une telle rédaction me semble plus pertinente s’agissant d’un amendement extrêmement important.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement et ce sous-amendement ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Le sujet que vous évoquez est au centre de notre proposition de loi. Avec mon collègue Stéphane Vojetta, nous avions déposé en commission un amendement dont la rédaction est identique à celle que prévoit le sous-amendement no 205. Force est de constater que nous ne sommes pas parvenus à réunir une majorité autour de cet amendement alors même que la question de l’addiction liée aux jeux d’argent et de la promotion de ceux-ci par les influenceurs est une plaie de notre société.
Je donnerai quelques chiffres : 48 % des Français pratiquent des jeux d’argent. Il s’agit essentiellement de jeux de grattage et de tirage – 93 % des joueurs – même si l’on note une part non négligeable de paris hippiques ou sportifs – 24 % – ainsi qu’une part de jeux en ligne – près d’un tiers.
De façon plus générale, l’ANJ, l’Autorité nationale des jeux, signale un recours croissant au marketing d’influence, lequel constitue un levier particulièrement populaire auprès des jeunes. Les opérateurs agréés par l’ANJ ont prévu d’avoir recours cette année à 117 créateurs de contenus, influenceurs ou ambassadeurs.
Par ailleurs, l’ANJ a rejeté cette année la stratégie promotionnelle de La Française des jeux, pointant du doigt une « stratégie offensive de promotion de son offre de loteries destinée à recruter un nombre élevé de nouveaux joueurs et à faire de la loterie un produit de consommation courante (notamment par le recours à l’influence, l’activation de gratifications via des applications de promotions privées proposant de bonnes affaires et la mise en avant des jackpots et de slogans accrocheurs comme pluie de millionnaires) ». Ces publicités d’un nouveau genre sont scénarisées et humoristiques, rendant le jeu particulièrement attractif auprès des jeunes.
C’est pourquoi nous avons travaillé à la rédaction d’un amendement de compromis, no 174, dont nous discuterons tout à l’heure. Nous souhaitons qu’il puisse être adopté car il faut impérativement réussir à protéger les mineurs de ces publicités. Faute de trouver un accord autour de l’interdiction générale de la publicité par les influenceurs, j’espère que l’Assemblée fera aujourd’hui un pas important en adoptant au moins cet amendement visant à interdire l’exposition des mineurs à cette publicité grâce à un dispositif permettant de les exclure de l’audience. Si les plateformes qu’utilisent les influenceurs n’offrent pas une telle fonctionnalité, cet amendement prévoit que toute activité de promotion des jeux d’argent et de hasard leur sera interdite – j’y reviendrai plus tard en détail.
Cet amendement a été déposé par plusieurs groupes sous une forme identique. J’espère infiniment que notre assemblée sera sensible à cette préoccupation.
À titre personnel, je suis évidemment totalement favorable à une interdiction générale de la promotion de jeux d’argent et de hasard. Cependant je donnerai, au nom de la commission, un avis défavorable à votre amendement, ainsi qu’au sous-amendement dont il fait l’objet. Vous comprendrez que je les soutiens néanmoins autant que je le peux.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme
Le Gouvernement est favorable à l’approche retenue en commission et évoquée par le rapporteur Delaporte.
La publicité pour les jeux d’argent et de hasard est totalement interdite lorsqu’elle vise spécifiquement les mineurs. Elle est par ailleurs, dans tous les cas, très strictement encadrée par des messages d’information.
Je n’irai pas plus loin pour le moment, j’aurai l’occasion de m’exprimer sur l’amendement no 174. Fruit d’un gros travail, celui-ci m’apparaît comme un compromis de bon aloi.
Sur le no 80 et le sous-amendement dont il fait l’objet, j’émets une demande de retrait et, à défaut, un avis défavorable.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Nous voterons bien sûr en faveur de ces amendements s’ils sont maintenus. S’agissant du no 174, nous nous déterminerons tout à l’heure.
Je tenais surtout à dire que le fait que de tels amendements soient nécessaires témoigne de l’échec de la politique globale en matière de protection des mineurs face aux jeux en ligne. En effet, ceux-ci sont, en théorie, interdits aux mineurs. Si nous devons légiférer à propos de l’exposition des mineurs à la publicité des jeux en ligne, c’est donc bien que l’ensemble de la politique relative à la protection des mineurs pose problème.
Nous devons mener une réflexion globale sur notre politique en matière de jeux en ligne, notamment concernant les mineurs – même si, je le sais, cet amendement concerne également les 18-24 ans.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Le caractère transpartisan d’une proposition de loi conduit à faire quelques compromis – n’est-ce pas ?
Nous avons bien compris que cet amendement suscitait quelques réticences et nous serons bien sûr très vigilants quant à l’amendement de compromis qui sera présenté tout à l’heure. Cependant, puisque cet amendement no 80 nous tient à cœur, nous le maintenons. D’ailleurs, il semble rencontrer un écho auprès de nos collègues, au moins sur le fond. Si les députés du groupe Renaissance votent le no 174, cela signifie qu’ils sont aussi en accord, sur le fond, avec ce que prévoit le nôtre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
(Le sous-amendement no 205 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 80 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 54, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Sur l’amendement no 98, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 62.
Mme Caroline Yadan
En janvier 2020, un couple d’influenceurs français créait la polémique en posant avec un guépard en laisse ainsi qu’avec un lionceau manifestement drogué pour faire la promotion d’un zoo privé à Dubaï. De nombreux internautes avaient alors réagi, démontrant que la condition animale était devenue un sujet majeur de préoccupation pour nombre de nos concitoyens.
Dans le cadre de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes, nous avons souhaité introduire dans le droit français de nouvelles dispositions afin de renforcer la protection animale.
Ainsi avons-nous mis un terme à la maltraitance d’espèces sauvages utilisées à des fins commerciales en interdisant notamment la détention d’animaux sauvages par les cirques itinérants et les delphinariums, dans la continuité des engagements pris par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, l’exhibition d’animaux sauvages dans les discothèques et à la télévision ainsi que la détention d’ours et de loups à des fins de présentation au public dans des établissements itinérants afin de mettre un terme à la pratique dite des montreurs d’ours et de loups.
L’animal sauvage n’est donc plus considéré comme une menace ou une proie mais comme un être sensible qu’il faut préserver et respecter. C’est pourquoi je vous demande, par cet amendement, de consolider notre législation en matière de protection animale en interdisant la promotion, par les influenceurs, de spectacles mettant en scène des animaux dits sauvages.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Stéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques
Nous sommes bien évidemment sensibles à cet enjeu. Toutefois il faut reconnaître que le véritable problème est bien plus la maltraitance animale que la publicité qui pourrait être faite par des influenceurs.
L’article 46 de la loi no 2021-1539 du 30 novembre 2021 – défendue notamment par nos anciens collègues Loïc Dombreval et Samantha Cazebonne – prévoit déjà, en grande partie, l’interdiction de tels spectacles. Or ce cadre juridique s’applique au monde de l’influence commerciale conformément à l’article 2 A, lequel inclut, de façon adéquate et nécessaire, des rappels de la loi existante.
Ne souhaitant pas alourdir la rédaction du texte actuel, je vous propose de retirer votre amendement et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Je le maintiens parce que pour moi il s’agit d’interdire la promotion de spectacles interdits, la prohibition desdits spectacles étant déjà en effet prévue par la législation.
(L’amendement no 62 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Calvez, pour soutenir l’amendement no 131.
Mme Céline Calvez
Certains influenceurs ont de formidables idées, celle notamment de vanter les boîtiers IPTV – télévision via internet – qui permettent d’accéder à tout un tas de contenus, que ce soit des films, des séries, des matchs de foot en direct pour au plus quelques euros. C’est super… sauf que c’est complètement illégal. Ces influenceurs font la promotion de ce qui permet de contourner la propriété intellectuelle et ainsi de dévaloriser une grande partie de ce qui se rapporte à la création. C’est donc vraiment à proscrire. Ils présentent le procédé comme un bon plan, il n’y a aucune mention du caractère illicite de la proposition. Or ce type de boîtier et tout autre logiciel ou service qui contourne le droit de la propriété intellectuelle détruit, je le répète, de la valeur, ce qui veut dire que nos auteurs sont moins rémunérés et que les diffuseurs contractuels ont payé pour une retransmission qu’ils ne peuvent pas valoriser. Il faut interdire précisément ce qui, sous couvert de bonne combine, n’est en fait que la promotion de procédés illégaux et donc illicites. (M. Emmanuel Pellerin applaudit.)
Mme Michèle Peyron
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Une fois n’est pas coutume, je vais me rapprocher de la philosophie du président Kasbarian (Sourires)…
M. Pierre Cazeneuve
Il est de droite, maintenant ?!!
M. Arthur Delaporte, rapporteur
…en disant qu’on ne peut pas interdire aux influenceurs ce qui est autorisé ailleurs. Certes, vous pointez un vrai sujet, celui des VPN, ces réseaux privés virtuels, et plus largement des dérives qui peuvent être liées à leur utilisation, mais dois-je rappeler que les VPN ne sont interdits que dans les démocraties illibérales où dans les régimes autoritaires car ils permettent de contourner les filtres qui limitent la liberté d’expression ? C’est un sujet éminemment complexe. Je suggère à nos collègues de rejeter cet amendement si vous ne le retirez pas. L’avis est défavorable parce que, même si la réflexion sur le sujet mériterait sans doute d’être approfondie, la commission ne souhaite pas créer des interdictions spécifiques pour un secteur en particulier.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Comme vient de le dire M. le rapporteur, vous pointez en effet un sujet important, madame la députée Calvez. Cependant, depuis le début de l’examen de ce texte et à l’aune de ce que j’appellerai la jurisprudence Kasbarian, nous essayons tous ensemble d’élargir les interdictions s’appliquant à la publicité, ni plus ni moins. Cela ne remet absolument pas en cause le fait que le sujet que vous soulevez, celui de ces boîtiers, est un vrai sujet, mais ce texte n’est pas le bon véhicule législatif. C’est pour cette unique raison que le Gouvernement émettra un avis défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
Mme la présidente
La parole est Mme Céline Calvez.
Mme Céline Calvez
Il y a peut-être tout de même la possibilité de considérer le premier point : celui de l’atteinte à la propriété intellectuelle. J’estime qu’il serait intéressant pour la suite de l’examen de cette proposition de loi, peut-être au Sénat, de le prendre en compte car on ne peut pas laisser faire une telle atteinte au droit de la propriété intellectuelle. Mais j’entends que le second point suscite des réserves puisqu’il concerne le VPN. Je retire mon amendement.
M. Pierre Cazeneuve
Il faut légiférer sur les VPN.
(L’amendement no 131 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis de quatre amendements, nos 54, 84, 174 et 98, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 54, 84 et 174 sont identiques.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 54.
M. Dominique Potier
Cet amendement d’esprit transpartisan reprend complètement la volonté du législateur déjà maintes fois soulignée, à savoir limiter les risques d’addiction pour les mineurs aux jeux d’argent et de hasard en responsabilisant de façon habile les plateformes puisque ne pourront communiquer sur ces jeux que celles qui disposeront d’un filtre efficace empêchant les mineurs d’y accéder. Le filtre doit non seulement exister mais être effectif, les deux conditions sont extrêmement importantes. Je me dis même en faisant cette proposition qu’elle aurait pu être étendue à d’autres champs qui touchent à la santé publique. Nous pourrions y réfléchir lors de la navette et nous allons y travailler avec tous les sénateurs, pas uniquement ceux de gauche. En tout cas, ce mécanisme de responsabilisation des plateformes me paraît très ingénieux pour protéger les mineurs sinon de tous les malheurs du monde, du moins de ceux-ci.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Ségolène Amiot
Je suis heureuse que nos amendements aient trouvé écho auprès des rapporteurs. L’idée en est simple : puisque nous n’avons pas réussi à interdire la publicité pour les jeux d’argent faites par les influenceurs sur les plateformes, responsabilisons les plateformes elles-mêmes. Autorisons-les à faire de la publicité quand elles sont en capacité de faire le tri, la personne qui souhaite s’y inscrire devant préciser son âge et, sinon, interdisons ce type de publicité aux autres plateformes qui n’en ont pas la capacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 174.
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Je serai relativement bref sur cet amendement de compromis que j’avais déjà évoqué. Je salue le fait que des députés de la majorité en soient à l’initiative, dont Mme Givernet qui a ainsi modifié le dispositif plus ambitieux que nous proposions en commission. La discussion et la force de ce travail transpartisan ont permis d’avancer pour aboutir à cette solution de compromis. Celle-ci ne réglera évidemment pas tout. Je vais citer un seul exemple pour que les collègues comprennent bien de quoi il s’agit : celui du gratteur fou. Vous connaissez tous le site YouTube, où se trouvent des vidéos où les participants se filment en ligne en train de jouer à des jeux de casino apparemment illégaux mais aussi à des jeux de grattage de La Française des jeux. Conséquence de ce type de vidéos : aujourd’hui, 300 000 adolescents ont un rapport problématique aux jeux d’argent, soit 210 000 de plus qu’en 2014, année de la précédente étude.
On fait un pas en avant grâce à cet amendement, mais il ne réglera pas totalement le problème, et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que l’influence des parents reste majeure dans l’addiction aux jeux d’argent. Ainsi, selon Alexandre Hébert, 23,6 % des adolescents jouent à partir des comptes de leurs parents. La seconde raison, identifiée évidemment par ce chercheur, c’est l’exposition massive des jeunes aux publicités sur les médias et sur les réseaux sociaux, et les inscriptions sous de faux comptes. Mais j’espère qu’on pourra avancer sur ces sujets, notamment grâce à la future loi sur la majorité numérique.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Olga Givernet, pour soutenir l’amendement no 98.
Mme Olga Givernet
Nous nous rejoignons, monsieur le rapporteur Delaporte, sur le besoin de protéger les mineurs. Il s’agit par cet amendement de dissuader les plateformes de diffuser des annonces problématiques. Je ferai le parallèle avec l’interdiction, déjà en vigueur, des publicités à proximité des établissements scolaires. Il s’agit bien évidemment dans les deux cas d’éviter d’exposer les mineurs à cette communication. Les mineurs ne doivent pas avoir accès à une plateforme dont le filtre n’est pas activé, je suis tout à fait d’accord avec les auteurs des amendements identiques, la différence résidant dans la mention explicite des mineurs, et pas seulement « les utilisateurs âgés de moins de 18 ans » car ce sont bien les mineurs que nous cherchons à protéger.
Mme Michèle Peyron
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 98 ?
M. Stéphane Vojetta, rapporteur
Je confirme avec enthousiasme notre avis évidemment favorable aux amendements identiques qui vont non seulement fournir une protection efficace pour les mineurs, pour les moins de 18 ans, mais aussi inciter toutes les plateformes qui n’offrent pas encore la fonctionnalité de restriction de certains contenus à l’installer le plus rapidement possible, comme les y invite d’ailleurs le DSA, le Digital Services Act ou règlement relatif à un marché unique des services numériques, afin qu’elles puissent continuer à diffuser ce genre de contenu promotionnel, mais seulement à des adultes.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Cela me semble important de souligner que toutes et tous, peu importe les bancs, même si l’amendement de Mme Givernet n’est pas totalement identique à ceux de M. Potier, de Mme Amiot et du rapporteur Delaporte, vous souhaitez interdire aux influenceurs les opérations de promotion des jeux d’argent et de hasard sauf si elles sont réalisées sur des plateformes permettant de bloquer l’accès aux mineurs et que cette fonctionnalité soit activée. Voilà des amendements qui illustrent la force du travail transpartisan et sur lesquels le Gouvernement émettra un avis de sagesse… favorable. (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je remercie le Gouvernement et les rapporteurs pour leur soutien. Mais j’ai envie de tirer le fil et de porter le débat sur la promotion, par l’intermédiaire des plateformes, des cryptoactifs et des autres produits financiers, car on pourrait lui appliquer les mêmes solutions. Il n’est plus temps pour cette première lecture, mais j’invite vraiment à communiquer avec les sénateurs pour étendre le plus possible le dispositif, c’est-à-dire aussi à la santé publique, à la malbouffe, à l’alcool, etc. Le renforcement de la majorité numérique, et l’activation prévue par défaut dans la présente proposition de loi, élargie dans le cadre de la navette, pourraient ainsi être une victoire commune aux deux chambres et à la majorité comme à la gauche. Merci, chers collègues, madame la ministre déléguée, pour la qualité de ce débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 54, 84 et 174.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 61
Contre 0
(Les amendements identiques nos 54, 84 et 174 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 98, 50, 33, 52 et 53 tombent.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Olga Givernet, pour soutenir l’amendement no 51.
Mme Olga Givernet
Il vise à créer une obligation d’insérer dans les contrats de promotion conclus avec les opérateurs une clause spécifique, selon laquelle les influenceurs attestent avoir pris connaissance de la législation applicable à la publicité en faveur des jeux d’argent. L’objectif est de les sensibiliser à l’éthique et de leur faire comprendre, en les informant en toute transparence des risques encourus, la nécessité de protéger les joueurs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Nous partageons totalement votre objectif, ma chère collègue. Il est d’ailleurs déjà inscrit dans notre droit puisque chacun est censé connaître la loi. Cette obligation d’informer est d’une certaine manière superfétatoire. Néanmoins, on n’y est pas défavorable sur le principe. Avis de sagesse. Cela étant, les contrats étant plutôt traités dans les articles suivants, la disposition que vous proposez sera sans doute déplacée dans une autre partie du texte au Sénat ou en commission mixte paritaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Le Gouvernement émet aussi un avis de sagesse.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
(L’amendement no 51 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 74.
Mme Ségolène Amiot
Par cet amendement, je vous propose, encore une fois, de protéger nos chères petites têtes blondes. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et Dem.)
M. Laurent Jacobelli
Oh là !
Mme Ségolène Amiot
Et toutes les autres – c’est une expression populaire, vous le savez bien. (Nouvelles exclamations.) Sérieusement ? Après une journée comme celle-ci ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Arrêtez de faire de l’obstruction ! (Sourires.)
Mme Ségolène Amiot
J’ajoute les têtes brunes et les têtes rousses, si cela vous convient ! Pour protéger nos mineurs, nos enfants, la chair de nos chairs, je vous propose de lutter contre le travail dissimulé des enfants. Cet amendement vise précisément à interdire l’utilisation de l’image des enfants mineurs par des influenceurs, lorsque ces mineurs ne sont pas l’objet d’un produit ou d’un service dont il est fait promotion et quand il n’y a pas de contrat établi en bonne et due forme avec la marque concernée, respectant le cadre de la loi Studer du 19 octobre 2020.
M. Sylvain Maillard
Très bon député, M. Studer !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous sommes attachés – surtout nous, les socialistes – à protéger nos chères petites têtes blondes, brunes ou rousses.
Mme Michèle Peyron
Nos enfants, point !
Quelques députés du groupe RE
Et les enfants chauves ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Sur le fond, nous sommes évidemment favorables à ce que vous proposez – même pour les petites têtes qui ont moins de cheveux. (Sourires.) Néanmoins, votre amendement ne me semble pas forcément placé au bon endroit. Je vous renvoie à l’amendement no 80, que vous avez présenté : il me semblait plus satisfaisant. Nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer sur ce sujet ; M. Studer et les autres ont inséré des dispositions importantes dans cette loi qui me semblent déjà satisfaisantes.
En conséquence, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Même avis.
Mme la présidente
Madame Amiot, l’amendement no 74 est-il retiré ?
Mme Ségolène Amiot
Je le maintiens, madame la présidente. Ce que nous visons, tout simplement, c’est l’apparition du mineur à l’écran. Lorsqu’un influenceur veut faire la promotion d’une boisson qui ne s’adresse pas à un mineur, il ne doit pas en faire apparaître un dans une vidéo, un tweet ou une photographie. Gardons cette idée en tête : il est primordial que nos enfants ne servent pas à vendre des produits qui ne leur sont pas destinés, ne serait-ce que par principe. D’ailleurs, ils ne devraient pas servir à la vente de produits tout court, mais ce n’est que mon avis personnel. En revanche, je suis sûre que nous serons d’accord pour dire qu’il n’est pas adéquat de laisser un enfant apparaître dans une publicité faisant la promotion de jeux d’argent.
(L’amendement no 74 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 95, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
De même, sur l’amendement no 87, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Enfin, sur l’article 2 B, je suis saisie par le groupe Rassemblement national et par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 208.
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Il s’agit de nous mettre en conformité avec ce que nous avons évoqué tout à l’heure sur l’échelle des peines. Je vous appelle à voter cet amendement, qui avait reçu un soutien par anticipation du Gouvernement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Je vous confirme ce soutien. Vous proposez un régime de sanctions tout à fait proportionné et complémentaire à l’amendement no 196, examiné plus tôt.
(L’amendement no 208 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Esquenet-Goxes, pour soutenir l’amendement no 146.
M. Laurent Esquenet-Goxes
Il vise à préciser la possibilité de majorer le montant de l’amende encourue par un influenceur pour le non-respect des interdictions de promotion mentionnées à cet article. À la suite des échanges en commission, celui-ci a été retravaillé en s’inspirant de l’article L. 2133-2 du code de la santé publique, notamment pour faire de cette amende proportionnée au montant de la dépense de promotion une alternative plus stricte, et non pas un moyen d’adoucir la peine. En commission, vous m’aviez indiqué qu’il était nécessaire de respecter le principe de proportionnalité des peines. Je l’entends parfaitement puisque, en amont du texte, je vous avais alerté sur la nécessité de revoir le système de peines déjà prévu à cet article. Avec cet amendement, nous souhaitons imposer aux créateurs de contenus une amende correspondant à ce qu’ils auraient pu percevoir pour la publicité interdite : cela me semble cohérent avec l’objectif de la loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Je vais m’efforcer d’être pédagogue et bref. Vous proposez d’imposer une amende correspondant à 100 % des sommes perçues au titre d’une promotion. Mais cela s’avère un peu compliqué si ces sommes n’ont pas toutes été perçues. Les montants versés aux petits influenceurs pour les promotions sont de l’ordre de 500 euros, et ils peuvent s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour les gros influenceurs. Notre objectif, c’est de définir une sanction qui soit dissuasive. Or imposer une amende de 500 euros pour des publicités très problématiques ne sera que faiblement dissuasif. Nous avons voté ensemble l’imposition d’une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 euros : bien entendu, le juge pourra apprécier le montant de l’amende selon chaque situation, mais il reste bien plus important que celui que vous proposez ici. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Je ne serai pas bavarde et reprendrai à mon compte les arguments du rapporteur, notamment en ce qui concerne la faiblesse des rémunérations. Avis défavorable.
Mme la présidente
Monsieur Esquenet-Goxes, l’amendement no 146 est-il retiré ?
M. Laurent Esquenet-Goxes
Je le maintiens, madame la présidente. Je pense que nous pouvons conserver une proportionnalité des peines.
(L’amendement no 146 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Bordat, pour soutenir l’amendement no 157.
M. Benoît Bordat
Il vise à doubler la peine encourue pour les infractions commises par les influenceurs les plus suivis et qui jouissent de l’audience la plus vaste. Ce seuil serait défini par décret, ce qui permettrait d’adapter le niveau d’audience déterminé en fonction des spécificités de chaque canal de communication électronique. Il pourrait être défini selon le nombre de vues, d’engagements ou d’abonnements des influenceurs, en fonction des plateformes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
J’émettrai un avis défavorable, pour deux raisons. Premièrement, le seuil n’a pas d’incidence ou d’importance ; cela ne doit pas nous préoccuper, conformément à l’état d’esprit qui est le nôtre depuis le début de cette discussion. En effet, les micro et les nano-influenceurs, ceux qui ont des petites communautés, peuvent commettre des dégâts très importants en raison d’un taux de conversion de la communauté plus élevé que chez les très gros influenceurs. Par ailleurs, les marques qui posent le plus problème sollicitent parfois des micro et des nano-influenceurs. Bref, nous devons protéger tout le monde de la même manière.
Deuxièmement, j’évoquerai un principe de droit général, celui de l’égalité devant la loi : nous ne pouvons pas soumettre à des peines différentes des influenceurs en fonction de la taille de leur communauté.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 157 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour soutenir l’amendement no 95.
Mme Nadège Abomangoli
Par cet amendement, nous souhaitons montrer qu’être inconséquent au regard de la loi peut nuire à la réputation, réputation sur laquelle comptent les influenceurs pour gérer leur business. Aujourd’hui, 40 % des 18-24 ans font plus confiance aux influenceurs qu’à la publicité. Cela montre bien l’enjeu de ce que nous proposons, à savoir briser cette confiance envers les influenceurs lorsqu’ils sont condamnés pour certaines pratiques. Chat échaudé craint l’eau froide : nous pensons que ce dispositif peut en effet dissuader la récidive en matière d’arnaques. Nous souhaitons donc apposer des bannières sur les comptes Instagram, TikTok ou autres, lorsque leurs détenteurs ont été condamnés pour pratiques commerciales illégales. Voilà qui permettra d’avertir les utilisateurs. Cela existe déjà pour la presse à scandale, en cas de condamnation du titre. Il faut, à notre avis, responsabiliser les plateformes et les faire participer à la bonne information de leurs utilisateurs, dans le droit fil de notre volonté de faire des consommateurs des consommateurs éclairés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Les dispositions envisagées se rapprochent de celles qui sont prévues au code de la consommation, à savoir l’article L. 132-4 pour les pratiques commerciales trompeuses et l’article L. 454-7 pour tromperie. Le juge pourrait déjà ordonner à un opérateur condamné en raison de certains manquements de communiquer sur cette condamnation par tous moyens, de même qu’il pourrait ordonner à un tiers – le fournisseur du service de communication publique, par exemple – de publier la condamnation en cas de carence. La proposition paraît redondante avec le droit positif et fait courir un risque d’applicabilité. Elle pourrait même créer des discordances avec le droit en vigueur. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Nous allons maintenir notre amendement. Les arguments développés par le rapporteur signifient que l’ensemble de nos demandes de rapport, formulées par la suite, seront probablement acceptées : à un moment donné, il faudra quand même un suivi de l’application de toutes les mesures et de toutes les peines que vous indiquez. J’espère que vous entendrez notre demande.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 95.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 18
Contre 43
(L’amendement no 95 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l’amendement no 87.
M. Hervé de Lépinau
Imposer une peine fixe, c’est mettre sur un pied d’égalité l’influenceur un peu maladroit avec la loi et celui qui abuse éhontément de son audience. Certes, nul n’est censé ignorer la loi. Mais il n’est pas non plus possible de ne pas distinguer l’ignorance de la malveillance. En effet, bien que l’essentiel des infractions commises soient provoquées par une méconnaissance de la loi, les infractions restantes sont effectuées en connaissance de cause, avec à la clé des préjudices sans commune mesure, du fait d’une simple omission. C’est d’autant plus problématique qu’en dépit de la législation, l’audience de ces influenceurs sur les réseaux sociaux peut être très jeune. D’après la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), la première inscription sur un réseau social se fait en moyenne à l’âge de 8 ans, tandis que 58 % des enfants de 12 ans y sont actifs. Dans un souci de dissuasion, nous proposons donc que les peines infligées aux influenceurs ayant commis une fraude soient plus lourdes lorsque les victimes sont des personnes en état d’ignorance ou de faiblesse, au sens du code pénal, et selon que ces abus soient organisés ou non.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Avis défavorable : maintenons l’équilibre des peines sur lequel nous nous sommes mis d’accord il y a quelques minutes.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 87.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 62
Majorité absolue 32
Pour l’adoption 9
Contre 53
(L’amendement no 87 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2 B.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 60
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 60
Contre 0
(L’article 2 B, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE et LFI-NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Laurent Esquenet-Goxes applaudit également.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 40, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Après l’article 2 B
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Bordat, pour soutenir l’amendement no 162.
M. Benoît Bordat
Ces dernières années, un phénomène nouveau a vu le jour sur les réseaux sociaux : des influenceurs ont été rémunérés par des entités politiques pour faire de la propagande électorale. En effet, dans plusieurs pays, des influenceurs ont utilisé leur notoriété pour faire de la promotion électorale contre de l’argent. En 2022, pour la première fois de l’histoire électorale en France, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP) a demandé la suppression de contenus illicites publiés par des influenceurs. Le cadre juridique de la publicité politique en ligne a certes été renforcé en 2018, mais le recours à l’influence commerciale en ligne permet de le contourner facilement. L’annonceur peut se cacher derrière l’influenceur pour faire sa promotion politique auprès d’un public cible.
Le code électoral interdit toute publicité commerciale à des fins de propagande électorale par voie de presse ou de communication audiovisuelle pendant les six mois qui précèdent une élection. L’amendement que nous proposons permettrait d’étendre cette interdiction à l’influence commerciale en ligne, telle qu’elle est définie dans cette proposition de loi. Une telle modification du code électoral protégerait notre espace numérique des nombreuses ingérences politiques, tant intérieures qu’étrangères, qui prennent la forme de campagnes d’influence commerciale en ligne.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Avis défavorable. Vous proposez de modifier le code électoral pour éviter que les influenceurs fassent de la promotion politique au cours des six mois qui précèdent une élection. Or c’est déjà interdit en l’état actuel du droit.
Vous avez sans doute aperçu, hier, des publicités d’influenceurs qui incitent à voter pour le maintien des trottinettes en libre-service lors du référendum organisé par la mairie de Paris. Cette opération ne relève d’aucun cadre réglementaire. Nous devrons mener une réflexion sur les campagnes de ce type – tel n’est pas l’objet de la présente proposition de loi. Nous devrons notamment être vigilants quant à la rémunération des influenceurs qui interviennent dans le débat public, compte tenu de l’éventuelle incidence desdites interventions sur les scrutins.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Mon avis ne diverge pas de celui du rapporteur, mais il me semble important de préciser que la propagande électorale ne tombe pas sous la qualification d’influence commerciale, dans la mesure où le message diffusé dans cette propagande vise le choix d’un candidat, d’un programme ou d’un courant politique – éléments qui ne relèvent pas du commerce, jusqu’à preuve du contraire. Le code électoral mérite probablement d’être adapté aux réseaux sociaux, mais il est certain que cela ne relève pas du champ de ce texte, ni d’ailleurs – cela ne vous a pas échappé – de ma compétence. Pour ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement, sans quoi son avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Le code électoral interdit effectivement la publicité sur internet pendant les six mois qui précèdent le mois où se tient le scrutin. Toutefois, une réflexion à ce sujet serait bienvenue, car certaines pratiques utilisées sur internet pourraient être intéressantes à l’occasion des élections, notamment pour toucher des électeurs qui s’informent uniquement ou essentiellement par les réseaux sociaux.
La loi interdit à un candidat ou à une liste de financer par son compte de campagne la diffusion de ses propres contenus sur les réseaux sociaux. Or il serait assez légitime de considérer la publicité sur les réseaux sociaux voulue et payée par le candidat de la même manière que les autres types de propagande électorale.
Je partage l’avis du rapporteur sur le présent amendement, mais je pense que nous devrions mener une réflexion plus large sur les pratiques autorisées et interdites par le code électoral.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
C’est exactement ce que je viens de dire !
M. Antoine Léaument
Je parle non pas de l’influence commerciale en tant que telle, mais de la promotion rémunérée de contenus sur les réseaux sociaux lors d’une campagne électorale, afin de leur donner davantage de visibilité. On pourrait considérer que poster de tels contenus sur un mur Facebook ou Instagram est assimilable au fait de coller des affiches sur les panneaux prévus à cet effet.
Je tends une perche : il serait bon de mener une réflexion à ce sujet, compte tenu de l’évolution des technologies, y compris de celles qui sont utilisées pour faire de la politique.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Il est dommage que vous n’écoutiez pas mes réponses.
(L’amendement no 162 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi, pour soutenir l’amendement no 41.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Il vise à interdire la promotion par les influenceurs, auprès des enfants de moins de 16 ans, des boissons et produits alimentaires de faible qualité nutritionnelle. Notre priorité est d’interdire toute publicité qui incite à consommer ces boissons et produits, afin de lutter contre l’obésité. Cette publicité va à l’encontre des objectifs de santé publique.
Je rappelle quelques chiffres : à l’âge de 11 ans, plus de 50 % des enfants sont déjà présents sur les plateformes ; pour les adolescents de 12 ans et plus, ce chiffre passe à 71 %.
M. Dominique Potier
Excellent amendement !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Vojetta, rapporteur
Vous proposez d’interdire la promotion par les influenceurs, auprès des enfants de moins de 16 ans, des produits alimentaires de faible qualité nutritionnelle. Nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l’examen de précédents amendements. Il ne paraît pas souhaitable de retenir la rédaction proposée, pour les raisons que nous avons exposées alors. Nous sommes notamment soucieux de préserver l’équilibre auquel nous sommes parvenus à l’issue du travail que nous avons mené collectivement en commission.
En outre, il paraît très difficile de cibler précisément les publicités destinées aux enfants de moins de 16 ans. Néanmoins, en adoptant l’amendement no 54, nous avons validé un dispositif qui permet de cibler les publicités destinées aux enfants de moins de 18 ans. Comme nous l’avons indiqué, notamment à M. Potier, nous proposons de revenir ultérieurement sur cette question. Ce n’est pas le moment propice, donc mon avis est défavorable.
Mon avis sera le même sur l’amendement no 40, qui est très similaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Ce matin, nous avons eu à ce sujet un débat assez approfondi…
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Nourri !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
…et nourri, effectivement, notamment lorsque nous avons examiné un amendement du même auteur, Dominique Potier. Compte tenu de ces échanges, j’émets moi aussi un avis défavorable.
(L’amendement no 41 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l’amendement no 55.
Mme Nathalie Bassire
Compte tenu des dérives en la matière, cet amendement vise à interdire à l’industrie de l’alcool de faire appel à des influenceurs, afin de protéger notre jeunesse. Nous l’avons dit les uns et les autres, les plus jeunes sont de gros consommateurs de contenus sur les réseaux sociaux et, dès lors, des cibles privilégiées du placement de produit par les influenceurs. Je ne sais pas si l’équilibre voulu par MM. les rapporteurs permet vraiment de protéger notre jeunesse…
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Vojetta, rapporteur
Nous avons déjà traité la question de l’alcool. Je vous confirme notre approche : le texte rappelle que la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin, et le règlement européen concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires s’appliquent de manière stricte au monde de l’influence commerciale. À mon sens, cela devrait déboucher de facto sur une interdiction. On peut souhaiter rouvrir le débat sur la loi Évin, mais la présente proposition de loi n’est pas l’instrument juridique idoine. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Je fais écho aux discussions que nous avons eues à propos des amendements nos 47 et 182. En ce qui concerne les influenceurs, il s’agit d’appliquer la loi Évin, mais pas plus que la loi Évin. Il faut vraiment que nous soyons d’accord à ce sujet.
L’amendement no 47 du groupe GDR-NUPES, d’ailleurs assez mal écrit,…
M. Arthur Delaporte, rapporteur
De qui l’hôpital se moque-t-il ?
M. Hervé de Lépinau
…aurait porté préjudice à la filière viticole et à l’œnotourisme. Or cette filière contribue très largement à l’excédent de notre balance commerciale agricole. Il ne faudrait pas, j’y insiste, que ce texte relatif aux influenceurs constitue un frein à la promotion de nos produits viticoles.
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Les effets sur la santé publique ne vous posent pas de problème ?
M. Hervé de Lépinau
Donc, je le répète, il ne faut pas plus que la loi Évin telle qu’elle est aujourd’hui applicable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Je souscris aux propos du rapporteur. Je suis attentive aux problèmes d’addiction évoqués par plusieurs collègues, notamment en ce qui concerne les outre-mer. Néanmoins, nous avons déjà débattu de la question ce matin et il faut, selon moi, nous en tenir à la disposition adoptée la semaine dernière en commission des affaires économiques. À mon sens, il ne serait pas pertinent de remettre en cause cet équilibre. Évitons d’imposer de nouvelles entraves à la compétitivité de la filière viticole. Je rappelle que l’œnotourisme se développe et attire désormais plus de 10 millions de touristes par an. Je sais que vous êtes très sensible, madame la ministre déléguée, à la performance du secteur touristique, qui contribue au rayonnement de la France.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal Lavergne
Je soutiens moi aussi l’avis du rapporteur. La commission des affaires économiques s’est exprimée et a trouvé un équilibre à ce sujet : rappeler que la loi Évin s’applique bel et bien aux influenceurs. Cette disposition est protectrice et équilibrée. Les influenceurs devront respecter les thématiques de la loi Évin et apposer un message sanitaire. Cela répond au besoin d’encadrement de leur activité.
Dans le même temps, il ne faut pas imposer de nouvelles entraves à la compétitivité de nos professionnels. Or cet amendement no 55, qui vise à interdire toute promotion de boisson alcoolisée par les influenceurs, entraverait la promotion numérique de l’œnotourisme, pourtant indispensable à son développement. À l’instar du rapporteur, je m’oppose à cet amendement.
(L’amendement no 55 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 40.
M. Dominique Potier
Dans les avis qui ont été donnés par MM. les rapporteurs et Mme la ministre déléguée, je perçois une forme de mauvaise conscience. Je vais essayer de les en libérer grâce à l’amendement no 40. (Sourires.)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Saint Dominique, sortez de ce corps !
M. Dominique Potier
Nous avons deux horizons. D’une part, et j’en suis heureux, les rapporteurs se sont engagés à étendre la distinction opérée sur les plateformes entre mineurs et majeurs à d’autres champs que celui des jeux. Il s’agit donc d’aller plus loin, en collaboration avec le Sénat, en matière de santé publique. Nous approuvons cette piste. D’autre part, à plus long terme, il nous faut revenir sur la régulation de la publicité, compte tenu de la bombe à retardement sanitaire liée à la malbouffe et à la sédentarité. C’est un enjeu majeur.
À court terme, afin de ne pas nous quitter de mauvaise humeur à la fin de la séance, nous pouvons faire au moins une chose : adopter cet amendement de repli proposé par le groupe Socialistes et apparentés, qui vise à interdire aux enfants de moins de 16 ans de faire la promotion de la malbouffe et des boissons sucrées auprès d’autres enfants. Selon moi, il y a une gradation dans l’ignominie : des adultes qui instrumentalisent des enfants pour influencer d’autres enfants, c’est encore pire que des adultes qui influencent des enfants.
Nous mettrions ainsi un pas dans la porte.
M. Antoine Léaument
Un pas Delaporte ? (Sourires.)
M. Dominique Potier
Tout à fait ! Pour la première fois, nous interdirions à des adultes d’instrumentaliser des mineurs pour faire la promotion de produits nocifs auprès d’autres mineurs. L’enjeu est de protéger à la fois les influenceurs mineurs et les victimes de cette influence.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Vojetta, rapporteur
Je complète l’avis que j’ai donné sur l’amendement no 41. Nous souscrivons à l’objectif général de lutte contre l’obésité, en particulier chez les mineurs, mais, conformément à ce que nous avons indiqué ce matin lorsque nous avons eu ce débat, nous souhaitons nous en tenir au cadre, protecteur, de la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, dite loi Studer. Nous avons introduit dans le texte une référence à cette loi ; les influenceurs de moins de 16 ans seront soumis à toutes ses dispositions. J’émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Ma conscience vous salue bien bas et avec amitié, monsieur Potier. (Sourires.) Certes, tout le monde se fiche, à juste titre, de l’état de ma conscience.
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Que dites-vous là, madame la ministre déléguée !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
En tout cas, je ne voudrais pas donner le sentiment que la question que vous soulevez, vous et vos collègues du groupe Socialistes, n’est pas importante. Nous en avons déjà parlé ce matin et le Gouvernement sera cohérent : il est favorable à l’approche retenue en commission, consistant à clarifier que les influenceurs sont soumis, sans aucune exception, à toute la réglementation applicable en matière de publicité. Par conséquent, malgré l’importance du sujet, je donne à ce stade un avis défavorable. Bien sûr, vous me connaissez, je ne ferme pas la porte à d’éventuels travaux avant que le texte soit examiné par le Sénat.
Mme la présidente
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
Je soutiens l’amendement de M. Potier et souhaite vous faire part de mon témoignage. J’ai 27 ans ; je fais donc partie de la génération qui est née avec les réseaux sociaux et a grandi dans la période où ceux-ci se développaient massivement. Or ils ont été peu ou mal régulés. En notre qualité de parlementaires, nous avons aujourd’hui une occasion unique d’aller plus loin en la matière. Voulons-nous la laisser passer ?
La santé des jeunes est un sujet essentiel ; s’il revient dans le débat depuis ce matin, c’est visiblement que nous ne sommes pas tout à fait satisfaits. Nous entendons parfaitement l’argument de la concurrence. Toutefois, il me semble important de poser un cadre à partir duquel nos collègues sénateurs pourront retravailler le texte. Par l’un de ces amendements, nous aimerions donner un signe qui permettrait de prolonger le débat dans l’autre chambre.
Il faut savoir qu’un enfant en surpoids sur six le restera à l’âge adulte. Notre collègue propose seulement d’interdire, sur une partie des réseaux sociaux, la promotion des boissons sucrées, dont il est prouvé qu’elles sont nocives pour la santé. Nous pouvons tout à fait lui apporter notre soutien, ne serait-ce que de manière symbolique. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je remercie notre collègue Louise Morel. Nous partageons avec le groupe MODEM, et avec d’autres, le désir d’avancer. Par ailleurs, étant sûr de notre sincérité à tous les deux dans ce débat, j’aimerais répondre sur deux points aux arguments de Mme la ministre déléguée.
Le premier point, c’est que la loi visant à protéger les mineurs dans le cadre du mannequinat, c’est-à-dire du droit du travail, et qui a été défendue avec beaucoup d’intelligence par Bruno Studer et adoptée à l’unanimité en 2020, était une bonne loi. Toutefois, dans le domaine des influenceurs, parce que nous sommes dans un domaine familial, convivial, dans un cadre privé, je ne suis pas sûr de son efficacité. Le risque de manipulation d’enfants qui, eux-mêmes, manipulent d’autres enfants, est avéré. La loi Studer pour les influenceurs, personnellement, je n’y crois pas.
Deuxièmement, Louise Morel nous indique la voie : celle de la navette parlementaire. Les plus conservateurs et les plus libéraux d’entre vous ne manquent pas d’alliés au Sénat. Posons au moins la question de la minorité dans l’influence comme un sujet à traiter ultérieurement au Sénat et dans le cadre d’une commission mixte paritaire en indiquant, dès cet après-midi, une perspective qui trouvera son accomplissement dans cette loi ou dans des lois futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Le Rassemblement national s’inscrit également dans la lutte contre la malbouffe. Néanmoins, je me permets une observation qui sera sans doute un pavé dans la mare. Nous sommes en train de phosphorer sur les influenceurs, dont le chiffre d’affaires, même s’il est important, reste marginal par rapport à celui des canaux traditionnels de la publicité ; si l’on s’attaque à la promotion que font les influenceurs de ces produits qui font du mal à nos enfants, il faudra peut-être s’occuper également des publicitaires qui ont pignon sur rue. Les mineurs passent aussi beaucoup de temps devant la télévision, où des spots télévisés font la promotion de produits gras et sucrés, et le chiffre de l’obésité infantile monte en flèche, année après année. La question devra se poser. N’oublions pas que, derrière, il y a des enjeux financiers importants et des milliers d’emplois à la clé.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 40.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 37
Contre 36
(L’amendement no 40 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, LR, Dem, SOC et LIOT.)
Article 2 C
Mme la présidente
L’amendement no 78 de M. Éric Bothorel est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Monsieur le rapporteur ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Je me remettais de mes émotions, madame la présidente. Rassurez-vous, je n’ai pas consommé l’une de ces boissons énergétiques chères à M. Potier.
Demande de retrait, car la rédaction actuelle nous semble satisfaisante ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 78 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 120.
Mme Ségolène Amiot
Il vise à permettre que les bandeaux prévus par le texte pour signaler le caractère promotionnel des contenus soient adaptés par les plateformes à chaque format de diffusion, afin que le dispositif soit facilement accessible pour tous les créateurs de contenus. Cela va sans dire, mais cela va toujours mieux en le disant. Cette rédaction nous permet également d’anticiper sur le développement de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée, etc., car nous ne savons pas à quoi ressembleront demain les réseaux sociaux.
M. Sylvain Maillard
Demandez à M. Léaument, il sait ! (Sourires sur les bancs du groupe RE.)
Mme Ségolène Amiot
En introduisant cette petite phrase, « sous tous les formats », nous anticipons sur des innovations que nous ne sommes pas encore capables d’identifier.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Cette précision selon laquelle la mention claire, lisible et identifiable indiquant le caractère promotionnel du contenu d’un influenceur doit être adaptée à tous les formats apparaît utile compte tenu de la grande diversité des supports de diffusion des contenus visuels des influenceurs. Ce sera donc un avis favorable.
(L’amendement no 120 est adopté.)
(M. Dominique Potier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 35.
Mme Virginie Duby-Muller
Il vise à permettre que l’obligation d’afficher une mention claire, lisible et identifiable introduite dans l’article soit remplie par l’intermédiaire des outils proposés par les plateformes de contenus tels que définis au V de cet article. Il est essentiel de faire évoluer la signalisation des contenus promotionnels en fonction des technologies et des usages en adaptant celle-ci aux possibilités offertes par les plateformes de contenus.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
L’amendement propose de substituer au maintien de la mention sur bandeau un renvoi aux mécanismes fournis par les fournisseurs de services d’hébergement prévus par le DSA. Cela reviendrait à supprimer l’obligation d’apposer la mention, ce qui serait contradictoire avec l’esprit de la loi. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Pour les mêmes raisons que celles énoncées par le rapporteur, avis défavorable.
(L’amendement no 35 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 79 de M. Éric Bothorel est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 79 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 38.
Mme Virginie Duby-Muller
Il vise à aligner l’alinéa 2 sur l’alinéa 3 relatif aux mentions obligatoires pour certains produits alimentaires, tout en assurant la cohérence avec les propositions visant à permettre un signalement plus efficace des contenus promotionnels grâce à un mécanisme directement fourni par les plateformes de contenus. Les modalités d’application de l’alinéa 2 seraient donc déterminées, comme celles de l’alinéa 3, par un arrêté qui en préciserait les contours et les modalités d’application.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
L’amendement est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Il est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 38 est retiré.)
Mme la présidente
Sur les amendements no 68 et identiques ainsi que sur l’amendement no 44, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 101.
Mme Ségolène Amiot
Il vise à apporter une précision pour répondre à un phénomène que nous avons tous et toutes pu observer, celui des arnaques au CPF – compte personnel de formation. Ces arnaques ont fait l’objet de scandales et sont probablement, en partie du moins, à l’origine de cette proposition de loi. Elles reposaient, entre autres, sur l’utilisation de noms d’organismes de formation presque identiques à ceux d’organismes de formation parfaitement légaux, licites et référencés. Nous proposons que, dans la description d’une vidéo ou d’une photographie, apparaisse le numéro d’identification de l’organisme de formation dont on fait la promotion, en l’occurrence son numéro Siren, qui est le seul numéro permettant l’identification sûre et certaine d’une entreprise.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Arthur Delaporte, rapporteur
Nous avons eu ce débat en commission ; avis favorable. Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous remercier, madame Amiot, pour le travail pointilleux et constructif que vous avez fourni sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Mon avis ne sera pas applaudi. (Sourires.) Néanmoins, j’ai cherché à trouver des points de consensus, ou de compromis, selon le mot qu’on préfère.
Les modalités d’application de l’article 2 C sont prévues par décret ; le contenu détaillé du message d’information fera donc l’objet d’un décret, dans un second temps. Les obligations d’information d’ores et déjà prévues – c’est-à-dire le bandeau visible pendant l’intégralité de la promotion mentionnant la dénomination sociale de l’organisme de formation – semblent suffisantes à garantir l’information des consommateurs. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Violette Spillebout.
Mme Violette Spillebout
Une fois n’est pas coutume, le groupe Renaissance est favorable à cet amendement. Dans le cadre des auditions des victimes des arnaques sur les formations, nous avons remarqué la grande difficulté des associations de victimes, comme des victimes individuelles, à faire valoir leurs droits et à exercer un recours. Nous estimons que cette précision, qui peut paraître redondante avec la dénomination sociale sur le plan administratif, sécurisera le consommateur, qui pourra faire un recours beaucoup plus vite avec un numéro Siren. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
M. Antoine Léaument
Une fois n’est pas coutume, nous vous applaudissons !
M. Sylvain Maillard
On apprécie !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée
Pour reprendre l’expression de M. Potier, moi-même, ma conscience et tout ce qui s’ensuit émettons un avis de sagesse. Que l’Assemblée se détermine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Je maintiens mon amendement et j’apprécie votre soutien à tous.
(L’amendement no 101 est adopté.)
(Applaudissements sur divers bancs.)
Mme la présidente
L’amendement no 125 de Mme Lisa Belluco est défendu.
(L’amendement no 125, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente