Première séance du jeudi 04 mai 2023
- Présidence de Mme Caroline Fiat
- 1. Solution à deux États et condamnation de l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid
- 2. Abrogation de l’obligation vaccinale contre la covid-19
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Solution à deux États et condamnation de l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid
Discussion d’une proposition de résolution
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution réaffirmant la nécessité d’une solution à deux États et condamnant l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid consécutif à sa politique coloniale (no 1082).
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de l’Europe, mes chers collègues, il y a un peu plus de dix ans, lorsque je siégeais à l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), au nom de la liberté d’expression, toute la délégation française, de l’UMP – Union pour un mouvement populaire – aux communistes, en passant par les centristes et les socialistes, avait voté contre une résolution allemande visant à assimiler la critique de la politique d’Israël, dans les universités et dans la presse, à de l’antisémitisme. (Mme Ersilia Soudais applaudit.) Les polémiques qui entourent le débat consacré à la présente proposition de résolution démontrent que le consensus républicain de l’époque a désormais volé en éclats.
Pourtant, je vous appelle, mes chers collègues, avec gravité, au-delà de notre attachement profond à l’existence de l’État d’Israël, à porter un regard critique sur la dérive illibérale et coloniale de cet État, pour trouver le chemin de la paix. Cette résolution est une contribution à la paix fondée sur le droit international, et rien d’autre.
M. Mathieu Lefèvre
Ce n’est pas ce que dit M. Guedj.
M. Jean-Paul Lecoq
Le fait est sans précédent : une coalition gouvernementale composée de partis nationalistes, suprémacistes et religieux ultraorthodoxes est au pouvoir en Israël. C’est un gouvernement d’extrême droite motivé par la volonté de saper les fondements démocratiques du pays et d’intensifier la politique coloniale en Cisjordanie.
Cette dérive puise ses racines dans le choix historique de la colonisation. Depuis la guerre des Six Jours, l’armée israélienne a pris possession de la Cisjordanie, y compris de Jérusalem-Est. En 1967, la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU avait appelé au « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » pour l’instauration d’une paix durable, mais elle est restée lettre morte. Pire encore, la colonisation n’a jamais cessé de s’intensifier jusqu’à aujourd’hui, alors qu’un ministre du gouvernement israélien est venu à Paris dire que le peuple palestinien n’existait pas.
Que les raisons de la politique de colonisation soient politiques, sécuritaires ou religieuses, celle-ci est contraire à la légalité internationale. Elle viole les engagements de l’État israélien, lequel a ratifié dès 1951 la quatrième Convention de Genève dont l’article 49, que je rappelle ici, interdit l’implantation de populations nouvelles dans un territoire conquis à la suite d’un conflit. C’est sur ce fondement que les organes onusiens ne cessent de réaffirmer le caractère illégal de la colonisation israélienne.
Les Palestiniens sont les principales victimes de cette longue dérive. À tel point qu’aujourd’hui, leur condition relève juridiquement d’une situation d’apartheid, telle que définie par le droit international des droits de l’homme qui est au fondement même des Nations unies. Les trois critères posés par le droit international pour qualifier le régime d’apartheid sont réunis en Israël : c’est un régime institutionnalisé, c’est-à-dire organisé par l’État et ses institutions et gravé dans le marbre de la loi ; ce régime est un système, c’est-à-dire une organisation cohérente d’actes ayant pour but la domination et l’oppression d’un groupe sur un autre ; ce régime est intentionnellement maintenu en place.
Mme Yaël Menache
Quelle honte !
M. Jean-Paul Lecoq
Les centaines de résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies condamnant la colonisation israélienne des territoires palestiniens, les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les enquêtes et rapports publiés par des associations et des organisations non gouvernementales israéliennes comme Breaking the Silence ou B’Tselem, par des ONG palestiniennes comme Al-Haq ou Addameer, et des ONG internationales comme Amnesty International démontrent qu’un système qualifié d’apartheid en vertu du droit international a bien été institué par l’État d’Israël.
Certains font mine de le découvrir. Rappelons que, dès 2006, l’ancien président américain Jimmy Carter employait ce terme dans le titre de son ouvrage sur la politique israélienne, Palestine : la paix, pas l’apartheid. Plus proche de nous, en mai 2021, le ministre des affaires étrangères en exercice, Jean-Yves Le Drian, avait écrit : « Le risque d’apartheid est fort si l’on continue à aller dans une logique à un État ou du statu quo ». En octobre 2022, l’ancien ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, écrivait avec quatre de ses homologues européens : « Nous ne voyons pas d’autre alternative que de reconnaître que les politiques et pratiques d’Israël à l’encontre des Palestiniens vivant en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza équivalent au crime d’apartheid. » Jacques Attali a également écrit, en mars 2023, dans une note de blog intitulée « Vers un suicide du sionisme ? » : « Un jour prochain, les Palestiniens […] en viendront à renoncer à la revendication d’un État palestinien – ce que la droite israélienne s’acharne à rendre impossible – pour ne revendiquer que d’avoir les mêmes droits que ceux des citoyens de l’État d’Israël, plaçant le pays dans la même situation que l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid. Cela viendra. »
M. Mathieu Lefèvre
Quelle honte !
M. Jean-Paul Lecoq
Vous direz cela à Jacques Attali.
Ces alertes doivent être entendues et les mobilisations pour la démocratie au sein de l’État d’Israël doivent être soutenues. Un régime démocratique et un régime d’apartheid consécutif à une politique coloniale ne sauraient coexister. Nous devons prendre conscience que la politique coloniale et d’apartheid menée par l’État d’Israël est un obstacle infranchissable à la viabilité de la solution à deux États, et même de la solution à un seul État que certains prônent. C’est la raison pour laquelle cette proposition de résolution réaffirme son ferme soutien à une solution du conflit israélo-palestinien fondée sur la coexistence de deux États, sur la base des frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale des deux entités, à savoir l’État d’Israël, dont la sécurité serait assurée, et un État de Palestine indépendant, démocratique, d’un seul tenant et viable, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, en vertu du droit à l’autodétermination de chacun et dans le strict respect du droit international.
La proposition de résolution condamne fermement en tant que crime, au sens du droit international, le régime d’apartheid institué par l’État d’Israël consécutif à sa politique coloniale et elle invite le Gouvernement français à agir pour y mettre fin, comme le droit international l’exige. Elle propose au Gouvernement français de reconnaître l’État de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit, comme notre Assemblée l’a fait quasi unanimement il y a maintenant près de dix ans. Elle invite ensuite la France à déposer devant le Conseil de sécurité de l’ONU, une résolution appelant à imposer à l’État d’Israël un embargo strict sur l’armement, et elle propose d’imposer des sanctions aux personnalités politiques responsables les plus impliquées dans le crime d’apartheid. Enfin, elle invite le Gouvernement à abroger les circulaires, illégales selon le droit européen, interdisant l’appel au boycott des produits issus des colonies.
Mme Caroline Yadan
C’est un délit en France !
Mme Annie Genevard
Cela pénalisera les Palestiniens.
M. Jean-Paul Lecoq
Elle rappelle qu’en droit international, le boycott est considéré comme une forme légitime d’expression politique et que les manifestations non violentes de soutien au boycott relèvent d’une liberté d’expression légitime qu’il convient de protéger.
Mes chers collègues, je vous invite à sortir d’un silence qui permet l’impunité d’une politique d’occupation menée illégalement depuis plus de cinq décennies et qui s’accompagne de violations des droits humains et des libertés des Palestiniens.
Mme Yaël Menache
C’est lamentable !
M. Meyer Habib
Comme pour Cuba et le Venezuela ?
M. Jean-Paul Lecoq
Je vous appelle à vous prononcer pour un ordre mondial fondé sur le respect du droit international et à permettre ainsi d’ouvrir des perspectives de paix durable pour le peuple palestinien et le peuple israélien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile.
M. Benjamin Saint-Huile
La proposition de résolution que nous étudions ce matin oblige à la mesure et pointe la nécessité de chercher ensemble un chemin de crête fragile qui permettrait de contribuer à la paix. L’antisémitisme doit être condamné et combattu sous toutes ses formes. Le terrorisme ne peut jamais être légitime ni acceptable pour défendre quelque logique que ce soit. La violation des droits humains doit systématiquement être dénoncée et combattue. Une fois que nous avons posé ces préalables, nous pouvons dire avec clarté et mesure que toute critique de la politique israélienne ne peut pas être frappée, de fait, du sceau de l’antisémitisme.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement ! Merci !
M. Benjamin Saint-Huile
C’est parce que l’État français reconnaît depuis toujours l’État d’Israël, parce que nous sommes des États amis, parce que nous voulons que la France joue un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien, parce que nous sommes attachés aux droits humains et parce que nous travaillons depuis longtemps avec l’Autorité palestinienne qu’il est de notre responsabilité de porter un regard de clarté et de sagesse.
La résolution utilise le terme d’apartheid, un terme brutal issu de l’histoire de l’Afrique du Sud. La question est de savoir s’il est acceptable. Ce terme est repris à l’échelle internationale par la convention de 1973 ; il est défini. Il n’est donc pas tabou. Il faut pouvoir en discuter.
Les faits sont constatés. La colonisation des territoires palestiniens, condamnée par le Conseil de sécurité de l’ONU, la séparation des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, l’occupation du Golan avec ses réserves en eau, l’interdiction du droit au retour de la diaspora palestinienne, les raids armés, la capacité à contrôler les entrées et sorties de l’État de Palestine ainsi que les multiples entraves juridiques, politiques et sociales par l’administration israélienne sont autant de faits reconnus internationalement.
Ces faits correspondent à une partie de la définition retenue par l’ONU en 1973 ; l’impératif de clarté exige de le dire. Nier ces faits serait irresponsable, tout comme il serait irresponsable d’affirmer qu’ils constituent la réalité de l’ensemble du peuple palestinien : aujourd’hui, les Arabes citoyens d’Israël vivent sans entraves et peuvent notamment voter et se faire élire à la Knesset. Là encore, la clarté exige de le dire. Elle exige aussi de rappeler que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur la question du boycott.
C’est la clarté ; la question est de savoir si c’est la sagesse. La sagesse, c’est de considérer que la France, par la situation diplomatique centrale qui est la sienne, doit jouer un rôle moteur essentiel et qu’à l’échelle internationale, utiliser le terme d’apartheid disqualifierait sans doute la diplomatie française dans son effort de médiation.
Mme Annie Genevard
Elle est disqualifiée.
M. Benjamin Saint-Huile
La réalité, il faut le dire clairement, c’est que les protagonistes de la situation israélo-palestinienne sont issus de radicalités qui rendent les choses beaucoup plus difficiles.
Le gouvernement de Benyamin Netanyahou avec l’extrême droite, a plongé le pays dans une situation globale de tension que les Israéliens eux-mêmes dénoncent en descendant dans la rue.
M. Meyer Habib
C’est ça, une démocratie !
M. Benjamin Saint-Huile
De toute évidence, la place du Hezbollah et les actions du Hamas rendent encore plus difficile le dialogue au quotidien entre les peuples, et leur rôle doit aussi être dénoncé.
Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souhaite que la solution française à deux États soit retenue : elle confirmerait que l’État d’Israël est indubitablement à sa place et que l’État de Palestine doit enfin être reconnu, tous deux cohabitant en paix, avec Jérusalem pour capitale, dans les frontières définies par l’ONU en 1967. C’est le seul chemin possible pour la paix et la diplomatie française. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, Dem et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurore Bergé.
Mme Aurore Bergé
Une fois par an, une niche parlementaire permet l’expression politique d’un groupe. Elle donne à voir, à tous, l’essence même de la politique qu’il souhaiterait mettre en œuvre s’il accédait au pouvoir. Voici donc la priorité du parti communiste français : contester le droit à l’existence et à la sécurité de l’État d’Israël. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Voici donc votre priorité pour les Français !
M. Mathieu Lefèvre
Eh oui !
M. Pierre Dharréville
N’importe quoi !
M. Hadrien Clouet
Elle aura tenu trente secondes avant de dire n’importe quoi !
M. Meyer Habib
On vous a laissé parler !
Mme Aurore Bergé
Il suffit de lire le titre de la proposition de résolution pour voir qu’elle mêle, dans un même geste de détestation de l’État d’Israël, l’offense à la diffamation. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.) L’offense, si l’on considère l’usage éhonté que vous faites du terme « apartheid ». (Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Ersilia Soudais
C’est un terme juridique !
M. Antoine Léaument
C’est du droit !
Mme Aurore Bergé
Car, oui, les mots ont un sens, et pas celui que vous leur donnez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) En convoquant le souvenir du régime de ségrégation et de discrimination raciale de l’Afrique du Sud, vous ne blessez pas seulement les citoyens israéliens, vous insultez la mémoire des innombrables victimes de ce régime. (Mêmes mouvements.) Vous déformez ce qu’était la réalité de l’apartheid : la ségrégation systématique dans l’éducation, dans l’emploi, dans les espaces publics, dans les transports en commun, dans la police et dans la magistrature (Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES) ; l’absence de liberté d’expression, de circulation, de représentation politique ; les lynchages, les tortures, les exécutions légalisées, les disparitions forcées. Voilà ce qu’était l’apartheid en Afrique du Sud ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.)
M. André Chassaigne
Et vous ne l’avez pas condamné !
Mme Aurore Bergé
Pire encore, lorsque vous utilisez le mot « apartheid » et lorsque vous affirmez que, depuis sa création, l’État d’Israël aurait la volonté de « maintenir la domination d’un groupe ethnique sur un autre », vous ne tombez pas simplement dans l’ignominie, vous démontrez votre méconnaissance totale de l’histoire et des idéaux qui ont fondé cet État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Sébastien Jumel
Quelle prétentieuse !
Mme Aurore Bergé
Cette méconnaissance s’exprime encore dans l’affirmation qu’Israël aurait fait le « choix historique de la colonisation » – je cite de nouveau l’exposé des motifs de votre proposition de résolution. C’est jeter aux oubliettes les premiers Juifs qui s’y sont installés pour fuir l’horreur des pogroms ! C’est oublier qu’en 1948, en 1967 et en 1973, Israël a lutté, certes, mais pour sa survie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et LR.) Vous vous enfermez dans ce déni de réalité, même quand les faits vous donnent tort. Ainsi, vous osez affirmer que les 1,9 million d’Arabes israéliens sont opprimés et dominés depuis soixante-quinze ans alors que leurs droits sont garantis par la loi israélienne, alors qu’ils travaillent et qu’ils votent, alors qu’en un mot, ils vivent pleinement comme citoyens de l’État d’Israël.
Mme Sabrina Sebaihi
Ce n’est pas vrai !
Mme Annie Genevard
Si, c’est la réalité !
Mme Aurore Bergé
Il vous suffirait de vous rendre à Tel-Aviv pour voir que ces citoyens sont partout, dans les entreprises, dans les universités, dans les hôpitaux (Mme Ersilia Soudais s’exclame),…
M. Meyer Habib
Silence !
Mme Aurore Bergé
…sur les plages publiques et, bien sûr, au Parlement, à la Knesset. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Vous niez également les efforts fournis de part et d’autre, depuis cinquante ans, pour aboutir, par la négociation, à la paix et à une solution à deux États. Alors que vous vous dites pour la négociation et le dialogue, vous appelez même, dans le texte, à sanctionner des responsables d’un État souverain au nom d’un crime dont ils ne sont même pas reconnus coupables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Mathieu Lefèvre
Très bien !
Mme Aurore Bergé
Au-delà même de votre incohérence, la proposition de résolution témoigne d’une hypocrisie, puisque vous y affirmez vouloir défendre le droit d’Israël à vivre dans la sécurité tout en proposant, quelques lignes plus loin, de lui imposer un embargo, ce qui lui retirerait tout moyen de se défendre.
M. Mathieu Lefèvre et Mme Caroline Yadan
Exactement !
Mme Aurore Bergé
Je vous le demande, chers collègues : comment pouvez-vous soutenir un texte qui tombe si ouvertement dans l’antisionisme ? Car oui, nous le redisons, l’antisionisme n’est pas la critique légitime des politiques et des gouvernements d’Israël – critique légitime qui peut concerner n’importe quel État –, mais bien le reniement du droit d’Israël à exister et à se protéger. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – « N’importe quoi ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.) Vous niez ce droit quand, dans votre proposition de résolution, vous insinuez qu’Israël aurait une visée d’hégémonie démographique, pour ne pas dire racialiste, depuis sa création. Vous le niez quand vous soutenez la campagne de boycott contre les produits israéliens, alors même que la justice française a reconnu que de telles actions étaient discriminatoires. Vous le niez quand vous ôtez aux Israéliens le droit à vivre en sécurité.
Je sais pouvoir compter sur le soutien de députés engagés, qui continueront de mener le combat et de dénoncer l’antisionisme. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Pour finir, permettez-moi de vous poser une question et une seule : pourquoi une telle obsession ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Mathieu Lefèvre
Absolument !
Mme Aurore Bergé
Pourquoi toujours Israël ? (Applaudissements prolongés sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LR. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
Mme Caroline Yadan
Vous êtes obsessionnels !
Mme Aurore Bergé
Pourquoi pas la Chine, la situation des Ouïghours, la Syrie, le Yémen ou l’Iran ? Pourquoi, sur les plus de deux cents États du monde, encore et toujours Israël ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
M. Jean-Paul Lecoq
Nous sommes sur tous les fronts, aux côtés de tous les peuples qui souffrent !
Mme Aurore Bergé
Pour sa part, le groupe Renaissance est clair : oui à une solution à deux États souverains et démocratiques ; oui à la sécurité de l’État d’Israël ;…
Mme la présidente
Je vous remercie de conclure, chère collègue.
Mme Aurore Bergé
…oui à l’amitié entre nos deux pays et nos deux peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, dont certains membres se lèvent, et sur les bancs des groupes LR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte.
Mme Hélène Laporte
Depuis les premières implantations de colonies juives en Palestine et la naissance de l’État d’Israël après l’un des pires génocides de l’histoire humaine et dans le sang de la guerre civile, une question habite tous les esprits attachés à la paix : celle de la cohabitation, sur un même territoire, de deux peuples revendiquant chacun la légitimité de s’y épanouir librement. Depuis près d’un siècle, la région n’a jamais connu la paix. Après une longue période marquée par l’absence de tout dialogue, c’est sur la base d’une solution à deux États qu’un processus de paix a été lancé il y a maintenant trente ans, sous l’égide de la communauté internationale.
En septembre 1993, dans le cadre des accords d’Oslo, l’État d’Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se reconnaissaient mutuellement comme interlocuteurs et représentants des peuples israélien et palestinien, soit une avancée sans précédent pour la paix dans la région. La poursuite de cette marche vers la paix était conditionnée à des gestes mutuels des deux protagonistes : l’interruption de la politique de colonisation du côté israélien, l’abandon de la lutte armée du côté palestinien. Hélas, on a vu l’expansionnisme colonial israélien s’intensifier de nouveau, privant ainsi le peuple palestinien de toute chance de se constituer comme État sur un territoire continu. Parallèlement, dans le camp palestinien, un terrorisme de plus en plus meurtrier et intransigeant a émergé, notamment sous la conduite du Hamas, une organisation dont le but clairement affiché est la destruction de l’État d’Israël. Depuis, l’ensemble du territoire israélo-palestinien s’enlise dans un conflit qui peut sembler insoluble : les attentats des organisations palestiniennes et les opérations militaires israéliennes se succèdent éloignant toujours plus la perspective d’une résolution pacifique.
Dans le texte que vous soumettez aujourd’hui à notre vote, vous faites le choix du parti pris le plus radical. La proposition de résolution condamne une nouvelle fois la politique d’installation et de maintien de colons israéliens en Cisjordanie au mépris des engagements passés et des conventions de Genève, elle s’attaque à la construction du mur, elle condamne les violations des droits de l’homme dont les civils palestiniens sont l’objet, et va même jusqu’à reprendre, à la suite d’un récent rapport d’Amnesty International, le terme « apartheid », dont l’emploi, hors de son contexte d’origine, ne sera jamais neutre.
M. Stéphane Peu
Parole d’expert !
Mme Hélène Laporte
Dans le même temps, les raisons qui, sans la justifier, peuvent expliquer la violence de cette politique, sont comme inexistantes à vos yeux. Alors qu’entre 2000 et 2008, plus de 700 civils israéliens ont péri dans des attentats suicides ou sous les roquettes du Hamas, le mot « terrorisme » n’apparaît même pas dans l’exposé des motifs de votre proposition de résolution.
M. Meyer Habib
Absolument !
Mme Hélène Laporte
Alors que la confiance des Palestiniens dans la seule autorité légitime pouvant les représenter en vue de la paix s’est effondrée, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à placer leur espoir dans la seule lutte armée et alors que certains annoncent que la région connaît le début d’une troisième intifada, votre texte, tout en égrainant les griefs contre les gouvernants actuels d’Israël, par une omission que je ne peux croire accidentelle, blanchit ceux qui appellent à l’anéantissement d’Israël et même à la mort des Juifs, et fait en réalité le jeu du terrorisme. Comment ne pas retrouver, dans ce silence, la mansuétude envers le terrorisme anti-israélien que certains des cosignataires du texte ont déjà manifestée bien plus ouvertement ? Il y a quelques mois, l’un d’entre vous accueillait en grande pompe un homme précédemment condamné pour sa complicité dans une tentative d’assassinat, puis expulsé du territoire israélien en raison du danger de sa présence pour la sécurité publique, et il qualifiait même cette sanction de « déportation ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RN. – Mme Ersilia Soudais s’exclame.)
M. Meyer Habib
Quelle honte !
Mme Hélène Laporte
Comment juger ce texte à la lettre sans tenir compte de la proximité évidente, parfois ouvertement affichée, des groupes politiques qui le soutiennent avec des mouvements dont l’antisionisme virulent est rarement très loin de l’antisémitisme, bien que vous vous en défendiez ? Foncièrement biaisée dans sa logique, la proposition de résolution entend faire jouer à la France un rôle inverse à celui qu’elle doit absolument continuer de tenir dans ce conflit : celui d’un médiateur capable de ramener les protagonistes à la table des négociations dans le seul but de défendre la paix et les droits de l’homme.
Pour que la solution à deux États, que nous soutenons, puisse se concrétiser, une énième déclaration solennelle d’intention ne suffira pas. La France doit dialoguer avec les deux parties afin d’aboutir aux concessions qui sont le préalable indispensable au retour de la paix. Le groupe Rassemblement national votera contre ce texte, dont l’esprit est diamétralement opposé à toute recherche d’une solution de paix.
M. Stéphane Peu
Jusque-là c’est normal : l’extrême droite et la droite ensemble !
Mme Hélène Laporte
Une question se pose, pour conclure : à quel électorat vous adressez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Peu
La belle alliance : Renaissance et le Rassemblement national ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.)
M. Meyer Habib
Tu n’as pas de leçons à nous donner vu les alliances de ton groupe !
Mme Michèle Peyron
Ne répondez pas, cela n’en vaut pas la peine !
Mme la présidente
La parole est à M. Aymeric Caron.
M. Aymeric Caron
Au peuple palestinien, on a confisqué les terres, les maisons, la liberté, les droits. Certains voudraient aussi lui confisquer son histoire, son identité et tout espoir que justice lui soit un jour rendue. Ce peuple colonisé, harcelé, humilié, nous l’avons peu à peu éloigné de nos regards et de nos consciences.
Mme Caroline Yadan
Ah bon ?
M. Aymeric Caron
C’était une faute politique et morale. L’indifférence que nous manifestons désormais au sort des Palestiniens nous rend sourds à l’écho des victimes, pourtant toujours nombreuses, et parfois très jeunes.
Aucun observateur objectif ne peut le nier : naître Palestinien aujourd’hui est la promesse d’un destin entravé par l’injustice. Un Palestinien de Gaza vit prisonnier de sa minuscule enclave, de sa misère et des opérations militaires qui ensevelissent régulièrement des vies. Un Palestinien de Cisjordanie peut être arbitrairement privé de son habitation, de son terrain, de ses cultures. Ses déplacements sont contrôlés et limités. Il a moins de droits que les colons de plus en plus nombreux que l’armée israélienne protège. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Un Palestinien de Jérusalem-Est peut aussi être expulsé de chez lui et, s’il bénéficie de droits sociaux, il ne possède pas de droits politiques complets.
Un Arabe israélien, quant à lui, est un citoyen de seconde zone. Il peut voter et être élu, mais il subit des discriminations, dont certaines sont inscrites dans la loi.
Tous ces traitements particuliers peuvent-ils être assimilés à une forme d’apartheid ? C’est l’avis de plusieurs organisations des droits humains (« Ah ! » sur les bancs du groupe RE), telles qu’Amnesty International, Human Rights Watch et B’Tselem, lesquelles s’appuient sur la Charte des Nations unies et sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). C’est aussi l’avis de certains intellectuels israéliens,…
M. Mathieu Lefèvre
Et alors ?
M. Aymeric Caron
…comme le journaliste Gideon Levy, qui écrit : « Il n’y a plus aucun moyen de contester le diagnostic d’apartheid. […] N’y a-t-il pas d’oppression systématique ? Pas de domination ? Pas d’actes inhumains ? Ils se produisent chaque nuit, même s’il n’y a personne pour le signaler et personne qui veuille le savoir. Et qui peut encore soutenir, sans éclater de rire, que l’occupation est simplement défensive et que sa fin se profile à l’horizon ? Si elle n’est pas temporaire et pas équitable, alors qu’est-ce sinon l’apartheid ? »
Mme Yaël Menache
Honteux !
M. Aymeric Caron
Le bruit court, dans cette assemblée, que l’association du mot « apartheid » aux politiques israéliennes relèverait de l’antisémitisme. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Sylvain Maillard
Absolument !
M. Aymeric Caron
Cette critique, ou plutôt cette menace, nous la réfutons et nous la condamnons. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.) La dénonciation de la politique menée par un gouvernement n’a jamais constitué une manifestation d’hostilité à l’égard d’un peuple ou d’un État. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Dénoncer la croisade de Georges W. Bush en Irak n’était pas une prise de position raciste contre le peuple américain ! Dénoncer l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine n’est pas une prise de position raciste contre le peuple russe ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
De la même manière, dénoncer le caractère belliqueux et illégal de décisions prises par le gouvernement israélien n’a aucun rapport avec la stigmatisation d’un peuple ou d’une religion. Et il faut le dire sans détour : ceux qui veulent faire croire le contraire jouent avec le feu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Mathieu Lefèvre
C’est faux !
M. Éric Pauget
C’est vous qui mettez de l’huile sur le feu !
M. Aymeric Caron
Je tiens ici à être extrêmement clair : l’antisémitisme, nous le vomissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – Mme Cyrielle Chatelain et M. Jérôme Guedj applaudissent également.) L’antisémitisme, nous le haïssons. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) C’est pourquoi nous ne tolérerons pas que la lutte intraitable qu’il convient de lui opposer soit instrumentalisée à des fins politiciennes qui nuisent au combat contre l’antisémitisme réel. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes RE et RN.)
Nous sommes du côté de la justice et du droit (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe RE),…
Mme Caroline Yadan
Vous faites le jeu de l’antisémitisme !
M. Aymeric Caron
…en l’occurrence du droit international. Combien de résolutions l’ONU a-t-elle adoptées pour dénoncer l’occupation et la colonisation israéliennes, résolutions pourtant restées sans le moindre effet ? C’est le droit, précisément, qui autorise l’appel au boycott des produits venus d’Israël. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Aurore Bergé, Mme Constance Le Grip et M. Sylvain Maillard protestent.)
Mme Caroline Yadan
C’est illégal !
M. Aymeric Caron
Cette option est une arme classique d’influence, qui relève de la liberté d’expression ; la Cour européenne des droits de l’homme l’a d’ailleurs reconnu. Pourquoi pourrait-on appeler au boycott de produits américains, français, chinois, et pas israéliens ? Cela n’a aucun sens. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et RN.)
Mme Caroline Yadan
Un tel boycott est réprimé par le code pénal !
M. Aymeric Caron
Pour conclure, la résolution proposée par le groupe GDR nous semble imparfaite. Nous n’en cautionnons pas tous les mots, parfois maladroits, ni toutes les analyses.
Mais, parce que pour la première fois dans l’histoire d’Israël se trouvent au sein de son gouvernement des forces qualifiées de fascistes, qui n’hésitent pas à affirmer leur volonté d’annexer la Cisjordanie ;…
Mme Caroline Yadan
Vous êtes obsessionnels !
M. Aymeric Caron
…parce que nous partageons le constat général établi par le texte, et parce que nous jugeons indispensable la reprise d’un processus actif de négociations pour qu’Israéliens et Palestiniens puissent vivre en paix, en sécurité et à égalité de droits, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent pour applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer Habib
Il y a quelques jours, nous commémorions Yom Hashoah, qui coïncidait avec les 80 ans du soulèvement du ghetto de Varsovie. Parmi ces héros en guenilles, il y avait des Juifs laïques, religieux, nationalistes et beaucoup de communistes. Ils avaient tous une seule phrase à la bouche : « L’shana haba’ah b’Yerushalayim », l’an prochain à Jérusalem. C’est cette phrase que les Juifs ont répétée pendant 2 000 ans d’exil et de persécutions, des croisades aux bûchers de l’Inquisition, des pogroms cosaques à la Shoah. Enfin, en 1948, l’État d’Israël est proclamé : le rêve plurimillénaire du peuple juif se concrétise. Il retrouve sa terre ancestrale et sa capitale éternelle, Jérusalem, aussi appelée Sion.
Soixante-quinze ans plus tard, le fléau de l’antisémitisme, qui ronge notre continent depuis des siècles, est toujours présent, mais il a changé de visage : la haine des Juifs s’est muée en haine d’Israël, plus pernicieuse, plus politiquement correcte. Par un retournement cynique de l’histoire, vous, les groupies de Chavez et de Castro, accusez l’État d’Israël, seul État démocratique de la région, du crime d’apartheid. Vous appelez au boycott d’Israël, mais boycotter Israël, c’est boycotter la démocratie. L’examen de cette proposition de résolution est en lui-même une honte pour la République, une honte pour l’Assemblée, une honte pour la gauche !
Apartheid, dites-vous ? Mais Israël, c’est l’inverse de l’apartheid ! C’est un État de droit multiethnique, ouvert, démocratique, qui perpétue la tradition d’accueil du judaïsme. Deux millions de citoyens arabes vivent librement en Israël. L’arabe est une langue d’État, les médias publics émettent en arabe et la liberté de culte est inscrite dans la loi. Des députés arabes siègent à la Knesset, des citoyens arabes ont été ministres, magistrats et même membres de la Cour suprême. Un ancien président de l’État d’Israël, a été envoyé en prison par un juge arabe. Dans les hôpitaux et dans les écoles, dans le monde culturel et sportif, dans la police et dans l’armée, les Arabes s’épanouissent en citoyens libres.
Accuser Israël du crime d’apartheid est un mensonge ignoble. C’est la plus grande fake news du XXIe siècle ; c’est le carburant de tous les antisémites de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Yaël Menache
Bravo !
M. Meyer Habib
En outre, vous ne vous rendez pas compte que l’esprit présidant à cette résolution tue en France : de la rue Copernic à Sarah Halimi, de la rue des Rosiers à Toulouse, l’antisionisme a tué. Vous êtes obsédés par Israël. Votre niche parlementaire démarre-t-elle par les retraites, par les salaires, par la répression islamiste en Iran ou en Afghanistan, par la persécution des chrétiens d’Orient, celle des Ouïghours ou des Tibétains ? Non ! Par Israël ! Il existe un seul État juif dans le monde et cinquante-six États musulmans, mais, pour vous, un seul État juif, c’est un État de trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Éric Pauget applaudit également.)
Mme Cyrielle Chatelain
C’est faux !
M. Meyer Habib
Oui, l’apartheid existe dans la région, mais uniquement dans les territoires palestiniens où un Juif, lorsqu’il y pénètre, risque sa vie. Là-bas, la corruption et la répression règnent en maître ; on défenestre les homosexuels, on bafoue les droits des femmes. Avez-vous l’outrecuidance néocoloniale de penser que les six pays arabes ayant signé un accord de paix avec Israël l’auraient fait si c’était un régime d’apartheid ?
Votre haine vous aveugle. Pas un seul d’entre vous n’a condamné le meurtre récent de trois fratries israéliennes, dont deux enfants de 8 et 6 ans, Yaakov et Asher Paley,…
Mme Yaël Menache
Exactement !
M. Meyer Habib
…tués parce que Juifs, par des barbares à une station d’autobus. Les organes de certaines de ces victimes ont été transplantés sur des Arabes. C’est cela, l’apartheid ?
J’accuse cette gauche d’avoir remplacé la faucille et le marteau par la charia.
En 2023, en Europe, les manifestations antijuives se multiplient. À Berlin, quatre-vingts ans après la nuit de Cristal, durant laquelle les nazis criaient « Juden, raus ! », les islamo-gauchistes crient « Mort aux youdes ! » en brandissant des drapeaux palestiniens. En France, dans vos cortèges islamo-gauchistes, vous avez fait porter l’étoile jaune à des enfants ! Dans les manifestations pour les retraites, il y a des drapeaux palestiniens partout. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Mais quel rapport, bon Dieu ? Le combat de ma jeunesse, c’était la lutte contre l’extrême droite antisémite. Aujourd’hui, l’antisémitisme est principalement à gauche. Quel retournement de l’histoire !
J’accuse cette gauche d’avoir remplacé la République par le communautarisme. J’accuse cette gauche de faire de la haine d’Israël son fonds de commerce électoral. J’accuse cette gauche d’avoir accueilli en héros un terroriste à l’Assemblée nationale. J’accuse la gauche d’avoir refusé d’assister, ne serait-ce qu’une minute, à la commission d’enquête sur le meurtre de Sarah Halimi. J’accuse la gauche d’avoir troqué le bleu ouvrier contre le vert islamiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Éric Pauget applaudit également.)
Drumont a trouvé ses héritiers ! Qu’est devenue la gauche de Zola,…
Mme Elsa Faucillon
Qu’est-ce qu’il dirait, Zola !
M. Éric Coquerel
Quelle haine !
M. Meyer Habib
…celle de Léon Blum et de Mendès France, de Guy Mollet et d’André Blumel, qui permit à l’Exodus de quitter la France ; celle de Hollande, Valls et Cazeneuve ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
C’est l’heure de vérité : à quelle gauche appartenez-vous ? Aujourd’hui, je ne suis pas seulement inquiet pour les Juifs, je suis inquiet pour la France !
Anatole France écrivait que l’antisémitisme, c’est la mort de la civilisation. Tout le groupe LR, dont je suis fier, votera contre cette résolution de la honte avec clarté et détermination. Ce qui est en jeu dépasse la politique, dépasse nos intérêts partisans. Ce qui est en péril, c’est l’âme de la France ; cette résolution est mensongère et immorale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Refusons d’ériger le bûcher funéraire de notre idéal, celui des Lumières et de la République. Mes chers collègues, il est minuit moins une : l’histoire nous regarde. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)
Mme Annie Genevard
Bravo !
M. Fabien Roussel
Vous n’avez qu’à aller siéger avec l’extrême droite !
Mme Yaël Menache
N’importe quoi !
M. Hervé de Lépinau
Les islamo-gauchistes à la manœuvre !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Zgainski.
M. Frédéric Zgainski
La proposition de résolution présentée par le groupe Gauche démocrate et républicaine, que nous étudions aujourd’hui, entend avancer sur trois éléments : la reconnaissance et la condamnation du régime d’apartheid institutionnalisé par l’État d’Israël visant le peuple palestinien ; la reconnaissance de l’État de Palestine ; et la reconnaissance de la légalité de l’appel au boycott des produits israéliens.
Je souhaite revenir tour à tour sur ces trois points afin de préciser la position du groupe Démocrate, qui est, au moins en partie, en phase avec la position officielle de la France.
S’agissant du premier point, le régime d’apartheid désigne le régime de ségrégation systématique et institutionnalisé mis en place en Afrique du Sud entre 1948 et 1991 par la minorité blanche afrikaner à l’égard de la majorité noire. Elle constitue aussi un crime que l’on retrouve dans les statuts de la Cour pénale internationale, comme cela a été rappelé.
Cependant, chers collègues, en voulant englober l’ensemble des Palestiniens, cette proposition de résolution induit une confusion dans ses revendications. Alors que le régime sud-africain afrikaner appliquait une séparation stricte et généralisée entre Noirs et Blancs dans l’espace public et dans tous les domaines de la vie sociale, l’espace public et privé est mixte en Israël. Ainsi, les 2 millions de citoyens israéliens arabes disposent, dans bien des domaines, des mêmes droits que leurs concitoyens, notamment sur le plan politique, ce qui permet d’ailleurs à deux partis arabes d’être actuellement représentés à la Knesset. Le parti Raam de Mansour Abbas a ainsi fait partie de la précédente coalition gouvernementale, en 2021. La qualification d’apartheid qui viserait l’ensemble de la population ne semble donc pas convenir.
M. Sylvain Maillard
Évidemment !
M. Frédéric Zgainski
Je voudrais cependant condamner fermement, au nom de mon groupe, la politique coloniale soutenue par le gouvernement israélien, en violation de toutes les règles les plus élémentaires du droit international. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
M. Meyer Habib
Un juif ne sera jamais un colon en Judée !
M. Frédéric Zgainski
Deuxièmement, concernant la reconnaissance de l’État de Palestine, la France a toujours soutenu la solution à deux États, comme en témoignent le soutien à l’Autorité palestinienne et la reconnaissance de la Palestine dans les organisations internationales.
M. Stéphane Peu
C’est de moins en moins vrai !
M. Frédéric Zgainski
Le chemin reste complexe, mais face à une politique coloniale israélienne de plus en plus pressante, il nous apparaît plus que jamais nécessaire d’avancer vers la reconnaissance d’un État de Palestine, afin d’offrir demain des solutions diplomatiques et politiques aux Palestiniens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Concernant la reconnaissance du caractère légal de l’appel au boycott des produits israéliens, la France a pris en compte l’arrêt Baldassi de la Cour européenne des droits de l’homme, au moyen de la dépêche du ministère de la justice du 20 octobre 2020, dans laquelle il est demandé aux procureurs de n’engager des poursuites qu’en cas « d’appel à la haine ou à la discrimination », et non face à une « simple action politique ». Le comité des ministres du Conseil de l’Europe a prononcé la clôture de l’exécution de l’arrêt Baldassi le 13 avril 2023, estimant que la France avait ainsi rempli ses obligations.
Enfin, chers collègues, j’aimerais rappeler que la politique d’Israël, notamment celle menée par l’actuelle coalition au pouvoir, est légitimement critiquable et critiquée ; elle l’est en particulier par la population israélienne elle-même. Le groupe Démocrate ne soutient pas la politique autoritaire menée par ce gouvernement qui, cette semaine, a de nouveau provoqué la mort de civils palestiniens. Certains ministres actuels du gouvernement israélien sont d’authentiques extrémistes religieux, avec lesquels nous ne partageons ni valeurs ni objectifs. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe Dem.)
Mais Israël est une démocratie et le mouvement de protestation civique massif contre la refonte du système judiciaire en fournit l’éclatante démonstration. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Frédéric Zgainski
Il ne faut donc pas traiter ces réalités complexes en usant de comparaisons réductrices et simplistes. Le conflit met aux prises deux nationalismes, israélien et palestinien, dont les revendications sont contradictoires. Je rappelle que, comme le disait le président Mitterrand : « le nationalisme, c’est la guerre ». Cette résolution ne rapprochera pas les deux parties d’une solution à deux États, telle que celle que nous soutenons. Il s’agit d’un conflit territorial et politico-religieux qui doit trouver une solution pacifique, issue d’une négociation sincère respectant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – et je vous sais attachés à ce principe, chers collègues.
M. Erwan Balanant
Bravo, Frédéric !
M. Frédéric Zgainski
Face à un conflit aussi complexe, les nuances sont plus importantes que jamais (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. Frédéric Petit applaudit également) afin qu’il ne soit pas l’objet d’instrumentalisations politiques qui ne font pas avancer la paix.
Ainsi, si nous partageons votre volonté de faire reconnaître la violation de droits essentiels que subissent chaque jour des millions de Palestiniens, nous ne pouvons pas souscrire aux propositions que vous présentez. Le groupe Démocrate votera de ce fait contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Annie Genevard applaudit également.)
M. Erwan Balanant
Beau discours !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Mathieu Lefèvre
Une parole attendue !
M. Jérôme Guedj
Israël. Apartheid. Boycott. Ces trois mots résument votre proposition de résolution. Israël : un État démocratique. Apartheid : un crime contre l’humanité. Boycott : une sanction inique. À quelques jours du soixante-quinzième anniversaire de la proclamation de l’État d’Israël, voilà où nous en sommes dans notre hémicycle : pris au piège dans de périlleuses surenchères.
Monsieur Lecoq, chers collègues du groupe GDR, je comprends votre légitime volonté de provoquer le débat et de sortir de l’indifférence dans laquelle le contexte international a plongé la question israélo-palestinienne, et je ne conteste à aucun moment votre désir d’avancer sur ce sujet par la discussion.
Je réprouve aussi, je le dis tout de suite, toutes celles et ceux qui, de manière pavlovienne et un peu paresseuse ou réductrice, considéreront que toute critique de la politique d’Israël est de l’antisionisme, voire de l’antisémitisme. Ce n’est pas le cas et nous devons et pouvons avoir ces discussions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme Annie Genevard
Ce n’est pas illégitime !
M. Jérôme Guedj
Mais je le dis avec gravité au nom du groupe Socialistes et apparentés et de mon parti politique, monsieur Lecoq, en utilisant la notion d’apartheid à propos d’Israël, vous posez mal le débat et, pire, je pense que vous desservez la cause que vous prétendez vouloir défendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Mathieu Lefèvre
Absolument !
M. Lionel Royer-Perreaut
Bravo !
M. Jérôme Guedj
Mardi dernier, le parti socialiste a exprimé à l’unanimité son opposition à cette résolution et à l’usage du terme d’apartheid, tout en réaffirmant son inlassable engagement en faveur du règlement du conflit israélo-palestinien et de la paix au Proche-Orient. Dans quelques jours, les députés socialistes proposeront d’ailleurs une résolution afin que nous essayons de sortir ensemble le conflit israélo-palestinien de l’indifférence car, ce qui menace la paix, c’est l’idée qu’il n’y aurait pas de solution politique, diplomatique et pacifique à ce conflit.
La seule solution est évidemment la reconnaissance de deux États souverains, vivant côte à côte en sécurité (M. Mathieu Lefèvre et Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudissent), en respectant les dispositions du droit international et le droit à l’autodétermination des peuples. Le droit à l’existence et à la sécurité d’Israël a été reconnu depuis 1948 et doit être défendu sans relâche. Mais le droit à la reconnaissance d’un État démocratique, souverain et viable de Palestine en paix aux côtés d’Israël, fondé sur une reconnaissance mutuelle, sur la base des lignes de 1967 avec Jérusalem pour capitale de ces deux États, doit continuer à être notre boussole. Rappelons qu’en 2014, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté une résolution portant sur la reconnaissance de l’État de Palestine, qui n’a malheureusement pas été suivie d’effet. (MM. Arthur Delaporte et Philippe Naillet applaudissent.)
Évidemment, nous dénonçons la politique de colonisation des gouvernements israéliens successifs et le virage à l’extrême droite du gouvernement actuel. Nous dénonçons l’installation de ces colonies illégales dans les territoires palestiniens, les expropriations, les restrictions de circulation, les atteintes aux droits humains et la violence croissante exercée par les colons. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
Nous condamnons également le recours disproportionné à la force lors d’opérations militaires des forces israéliennes dans les territoires palestiniens. Et, à un moment où Israël traverse une crise importante dans son histoire, nous soutenons les centaines de milliers d’Israéliens qui descendent dans la rue pour s’opposer à la dérive illibérale et marquer leur attachement à l’État de droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Paul Vannier applaudit également.)
Mais, une fois que nous avons dit cela, nous ne pouvons pas souscrire à l’utilisation du terme d’apartheid et à la légalisation du boycott des produits israéliens car l’analogie avec la situation politique d’antan en Afrique du Sud est dépourvue de sens. L’apartheid était un régime de politique intérieure racialiste, classant les individus.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Exactement !
M. Jérôme Guedj
Rien de tel en Israël où les mariages mixtes existent, où la même éducation est fournie, où l’espace public est partagé, où les personnes sont traitées de manière égale par le système de santé.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Il a raison !
M. Jérôme Guedj
De même, le terme d’apartheid est inapproprié pour qualifier juridiquement la situation d’occupation militaire du territoire palestinien. J’ajouterais un point qui me tient à cœur : par ce terme, vous racialisez, vous essentialisez un conflit de territoire entre des Israéliens et des Palestiniens (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) et vous le transformez en un conflit entre les Juifs et les Arabes voire entre les Juifs et les musulmans. Cette essentialisation est importante, y compris pour les parlementaires français que nous sommes : nous devons tout faire pour nous opposer à celles et ceux qui veulent importer le conflit sur notre territoire. Pour notre part, nous souhaitons aller de l’avant.
Mme la présidente
Merci de conclure, monsieur le député.
M. Jérôme Guedj
Nous travaillerons à la recherche de la paix et d’une solution viable et durable à deux États en Israël et en Palestine. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et RE.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Kochert.
Mme Stéphanie Kochert
Le conflit israélo-palestinien est à la fois un sujet de passion et de raison. C’est un sujet grave, qu’il nous faut aborder avec modestie et lucidité. Dans cet esprit, je voudrais revenir sur les trois points majeurs de la proposition de résolution : la reconnaissance définitive d’un État de Palestine, la qualification de crime d’apartheid, et enfin la question du boycott et des circulaires dites Alliot-Marie et Mercier.
Commençons par la reconnaissance d’un État de Palestine. La France est l’amie du peuple israélien et du peuple palestinien. Elle a reconnu l’État d’Israël dès sa création et a voté pour la reconnaissance de la Palestine comme État observateur aux Nations unies. Elle est engagée de longue date en faveur d’une solution à deux États, garantissant la souveraineté de la Palestine et la sécurité d’Israël.
Nous devons donc continuer à soutenir le peuple palestinien dans son aspiration à devenir un État souverain. L’État d’Israël doit cesser ses implantations illégales en territoires palestiniens, et respecter les frontières établies avant la guerre des Six Jours. Nous condamnons aussi l’occupation des territoires palestiniens et les blocus au sein de la bande de Gaza. Il faut de même poursuivre nos efforts d’aide humanitaire aux Palestiniens pour leur redonner des perspectives de développement économique face aux expulsions et démolitions dont ils sont victimes.
M. Meyer Habib
Mensonges !
Mme Stéphanie Kochert
Mais la reconnaissance définitive de l’État palestinien ne peut se faire qu’au prix d’une réconciliation durable intrapalestinienne si – et seulement si – le Hamas, organisation terroriste, accepte définitivement l’existence de l’État d’Israël et renonce à la violence.
Ensuite, dans cette proposition de résolution, il y a la qualification de crime d’apartheid. Chers collègues, quelques ONG ne peuvent présider à l’esprit de nos débats par la publication de rapports partiels et partisans.
M. Jean-Paul Lecoq
Et l’ONU !
Mme Stéphanie Kochert
C’est avec le droit international comme seule boussole et la perspective d’une solution à deux États que nous pourrons agir sur le long terme en faveur d’une paix durable. Avec cette boussole, il est de notre devoir de rester précis dans la qualification des faits. Notre assemblée ne peut en aucun cas qualifier la politique de l’État d’Israël de régime d’apartheid.
Nous l’affirmons haut et fort : seules les institutions internationales peuvent qualifier ce crime. Or, à ce jour, il n’y a aucune résolution de l’Assemblée générale des Nations unies ou du Conseil de sécurité, aucune condamnation de la CPI reconnaissant un crime d’apartheid en Israël. Et pour cause : les citoyens arabes d’Israël sont représentés au gouvernement et au Parlement, ils occupent des postes de direction et des emplois à responsabilité. Il n’y a donc pas de répression systémique de l’État d’Israël envers une ethnie ou une race, mais un conflit qui oppose deux populations, deux territoires aux histoires étroitement liées. L’enjeu véritable concerne le régime d’occupation que la France condamne systématiquement.
Enfin, j’en viens à la question du boycott, un point sur lequel nous devons être fermes. Les appels à la haine, les actes antisémites doivent être combattus inlassablement et avec la plus grande fermeté. Le boycott est une forme légitime d’action collective qui ne devrait jamais être instrumentalisée pour des actes de violence ou pour des propos haineux.
Dans cette proposition de résolution, vous demandez l’abrogation des circulaires Alliot-Marie et Mercier en vous fondant sur l’arrêt Baldassi de la CEDH. Cet arrêt ne condamne pas l’interdiction du boycott en cas d’appel à la haine ou à la discrimination. Il dit simplement, dans le cas précis de sanctions prises contre des personnes ayant appelé au boycott de produits israéliens, que ces sanctions étaient injustifiées car l’action en question n’impliquait ni acte de violence ni propos haineux.
L’arrêt suggère ainsi que des appels au boycott pourraient bien être sanctionnés s’ils constituaient un appel à la haine ou à la violence. Il ne peut donc pas servir de fondement à l’abrogation des circulaires Alliot-Marie et Mercier. De fait, depuis une dépêche adressée aux parquets le 20 octobre 2020, les procureurs n’engagent des poursuites qu’en cas de boycott constituant un « appel à la haine ou à la discrimination », et non face à une simple action politique.
Il est regrettable que sur un tel sujet nous ne puissions débattre d’une proposition de résolution équilibrée, fondée sur le droit international et exacte dans son appréciation du droit européen. Ce n’est malheureusement et nullement le cas du présent texte. Vous l’aurez compris, le groupe Horizons et apparentés votera contre la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
J’aurais souhaité que nous ayons, loin des excès et des anathèmes, un débat apaisé et constructif sur ce sujet ô combien symbolique et inflammable. Au moment où j’ai l’honneur de m’adresser à vous sur la situation de cette terre trois fois sainte du Proche-Orient, il me vient à l’esprit les préconisations de Victor Hugo : « Dites le vrai […] Ne me racontez pas un opprobre notoire comme on raconterait n’importe quelle histoire ».
Au fond, la question qui nous est posée par cette résolution est aussi terrible que simple : comment caractériser, à la fois politiquement et juridiquement, la situation subie par le peuple palestinien ?
On nous oppose aujourd’hui un débat sémantique, en nous disant en substance que le terme apartheid n’est pas le bon car il se rapporte à une situation historico-géographique précise, à savoir celle de l’Afrique du Sud. La réponse est fort simple. Si le terme « apartheid » désignait à l’origine le régime politique de l’Afrique du Sud à l’époque où régnait explicitement la ségrégation raciale, cela fait longtemps qu’il a été adopté par la communauté internationale pour condamner et réprimer pénalement de tels systèmes et pratiques où qu’ils existent dans le monde.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement !
Mme Sabrina Sebaihi
En l’espèce, de quoi parlons-nous en utilisant ce terme ? D’une grave violation des droits humains ainsi que d’un crime contre l’humanité en vertu du droit pénal international. Personne n’ignore ce constat. Cela fait des années qu’il est fait au sein même de la société israélienne mais également à l’international parmi les juristes et les ONG. Quel est-il ? Les gouvernements israéliens successifs soumettent les Palestiniens à des politiques discriminatoires et d’oppression qui constituent un crime d’apartheid au regard du droit international. Notez qu’à ce stade il ne s’agit même pas d’une appréciation politique mais d’une qualification juridique.
En Israël, 1,5 million de Palestiniens sont victimes de discriminations qui vont de la nationalité au mariage en passant par l’accès au travail ou au permis de construire. Dans les territoires occupés, c’est l’armée israélienne qui contrôle l’accès à l’eau de Cisjordanie. Aucun droit ne régit le travail des Palestiniens, ce qui les soumet à un arbitraire où ni salaire minimum, ni âge minimum, ni durée légale du travail n’existent.
M. Meyer Habib
Mensonges ! C’est scandaleux de dire cela !
Mme Sabrina Sebaihi
Les Palestiniens vivent soumis à l’arbitraire de la juridiction militaire à l’intérieur d’une succession de bantoustans isolés entre lesquels il n’est pas possible de circuler sans autorisation israélienne. Chaque année, en moyenne 700 enfants – j’ai bien dit 700 enfants – sont arrêtés, interrogés, détenus par l’armée israélienne et jugés par les tribunaux militaires.
M. Meyer Habib
Mensonges !
Mme Sabrina Sebaihi
Jugez donc d’un pays que l’on qualifie de démocratie et qui fait comparaître devant la justice militaire de simples enfants.
Dans la bande de Gaza, la situation est encore pire car les Palestiniens y vivent un cas extrême d’oppression systémique : blocus, privation des produits de première nécessité, bombardements fréquents… Je cesse ici l’énumération car la liste est trop longue.
M. Meyer Habib
Mensonges ! Scandale !
Mme Sabrina Sebaihi
Alors, permettez-moi de convoquer ici la mémoire de Zeev Sternhell, grand historien et vrai patriote israélien qui affirmait : « Je suis malheureux de le [Israël] voir prendre un chemin qui pourrait aboutir au plus grand des désastres […] Car l’occupation continue de la Cisjordanie ne peut être éternelle, c’est une situation coloniale et d’apartheid. »
M. Meyer Habib
L’extrême gauche de l’extrême gauche ! C’est ça être patriote ?
M. Éric Coquerel
Le propagandiste de Netanyahou, ça suffit comme ça !
Mme la présidente
Seule l’oratrice a la parole.
M. Meyer Habib
Il vient de me traiter de connard ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Monsieur le député, vous connaissez le règlement de l’Assemblée nationale. Vous pourrez faire un rappel au règlement si vous le souhaitez mais, en attendant, veuillez ne pas interrompre l’oratrice. Je vous en prie, madame la députée, poursuivez.
Mme Sabrina Sebaihi
Mes chers collègues, ce n’est pas tout de dresser un constat car la situation ne fait qu’empirer. Je ne suis pas la seule à le penser : c’est également l’avis de Jimmy Carter, de Ehud Barak, d’Avraham Burg, ancien président de la Knesset, de Michael Ben Yaïr, ancien procureur général de l’État d’Israël, de Human Rights Watch, d’Amnesty International, d’ONG israéliennes comme B’tselem, et même de Michael Lynk, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme. Pas plus tard que l’année dernière, ce dernier qualifiait d’apartheid « les confiscations de terres incessantes, les colonies exclusivement juives en expansion constante, un double système juridique, le fossé énorme entre les conditions de vie des colons israéliens et des Palestiniens qui vivent parmi eux, l’écart important concernant les droits politiques. »
Je n’ai fait qu’énumérer des faits et les faits sont têtus. Les témoins sont nombreux en Israël et en dehors. Voilà où nous ont menés des années de colonisation, de spoliations de terre, de vexations et d’humiliation collective.
Cette résolution est capitale et ce que vous voterez sera gravé dans le marbre. Dans un futur proche, les historiens et nos enfants se pencheront sur cette période et, comme pour l’Afrique du Sud, ils flétriront ceux qui furent au mieux aveugles, au pire complices. Il n’est que la France qui se targue dans le monde d’une spécificité toute particulière : être le pays des droits de l’homme. Soyons-en dignes.
Permettez-moi de conclure avec les mots du président Chirac : « Tant que les Palestiniens ne peuvent pas gérer leurs propres affaires, tant qu’ils n’ont pas droit à la dignité comme tous les autres peuples […], les frustrations et le ressentiment persisteront. Et nous connaissons tous les fruits amers qu’ils produisent. » (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Fait personnel
Mme la présidente
La parole est à M. Meyer Habib, pour un rappel au règlement.
M. Meyer Habib
Il vise à dénoncer une mise en cause personnelle.
M. Andy Kerbrat
Sur le fondement de quel article ?
M. Meyer Habib
Le débat est forcément passionné et parfois houleux. Chacun s’exprime et écoute les autres : c’est la démocratie. Mais lorsqu’un député de la République insulte un de ses collègues en le traitant de « connard » au sein de l’hémicycle, on dépasse toutes les bornes ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – M. André Chassaigne esquisse un geste de dénégation.)
Mme Elsa Faucillon
Qui aurait fait ça ?
M. Meyer Habib
Ce n’est, hélas, pas la première fois que cela se produit dans une partie de l’hémicycle de cette assemblée.
Mme Soumya Bourouaha
C’est faux ! Il a dit que vous étiez le propagandiste de Benyamin Netanyahou !
Mme la présidente
J’entends votre rappel au règlement, cher collègue. Seulement, pendant que la députée Sabrina Sebaihi concluait son intervention, je me suis renseignée auprès des membres de la direction des comptes rendus, qui n’ont pas entendu une telle insulte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Meyer Habib
Quarante témoins l’ont entendue !
Mme la présidente
Si vous ne faites pas confiance à la direction des comptes rendus de la séance, c’est votre problème, monsieur le député. En l’occurrence, ce mot n’a pas été entendu.
M. Meyer Habib
« Connard, propagandiste de Netanyahou » : il l’a dit !
Mme la présidente
Je vous remercie de ne pas remettre en cause la présidence ni les personnels des comptes rendus.
Discussion générale (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Notre assemblée est réunie ce matin pour débattre d’une résolution accusant Israël d’être un régime d’apartheid. Rien que ça ! Déjà, en juillet dernier, trente-quatre députés issus des groupes de gauche avaient déposé un texte semblable, avant de le retirer. Pourquoi ? Mystère. Mais voilà que les mêmes, un peu plus nombreux, recommencent et osent une nouvelle fois, sans honte. Sans honte, vous osez comparer une des nations les plus démocratiques du monde au régime infâme qui existait jadis en Afrique du Sud.
Il est vrai que vous avez été aidés. Même l’ONG Amnesty international s’en est mêlée qui, en février 2022, a publié un rapport certes accablant, mais, comme l’explique Luc de Barochez, rédacteur en chef du service Monde de l’hebdomadaire Le Point, « factuellement erroné, moralement injuste et politiquement contre-producti[f] ». Les auteurs du rapport le reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes en expliquant que le traitement des Palestiniens par Israël n’est ni « identique » ni même « comparable » à la manière avilissante dont la minorité blanche sud-africaine opprimait les Noirs entre 1948 et 1994. Mais qu’importe : Israël a bon dos !
Dès lors, la question se pose : pourquoi utiliser le mot « apartheid » pour Israël quand cette ONG de défense des droits de l’homme ne le retient pas pour décrire le sort des Kurdes en Turquie, ni celui des musulmans de la région chinoise du Xinjiang, pourtant enfermés par centaines de milliers dans des camps dits de rééducation et stérilisés de force par les autorités communistes ?
M. Meyer Habib
Très bien !
Mme Emmanuelle Ménard
S’agirait-il, une fois de plus, du deux poids, deux mesures dont Amnesty sait faire preuve à l’occasion ? Difficile, après tout, d’être toujours la Bible des droits de l’homme…
Mais revenons au texte qui nous occupe aujourd’hui. Cette nouvelle attaque contre Israël vient encore une fois du même camp politique : l’extrême gauche. Elle s’explique par un odieux calcul électoral, par un clientélisme évident – grappiller quelques voix dans certains quartiers ne peut pas faire de mal –, ainsi que, pour certains, par une véritable détestation : pourquoi rater une occasion de salir Israël et de montrer les Juifs du doigt ? Elle intervient dans un contexte lourd, plombé par un air saturé du lent poison de l’ignorance, qui fait lui-même le lit du complotisme. Or derrière le complotisme, il y a bien sûr l’antisémitisme et la haine des Juifs. (M. Meyer Habib applaudit.) Rappelez-vous certaines des pancartes brandies pendant la crise liée au covid-19.
M. Meyer Habib
Exactement !
Mme Emmanuelle Ménard
Ces attaques contre Israël en disent long, car vous attaquez l’État juif non pas pour ce qu’il fait – et il y aurait matière à critiquer, comme pour tout État –, mais bien pour ce qu’il est. Vous utilisez encore et toujours les mêmes ficelles, les mêmes procédés toujours aussi faciles, misérables et dangereux. Attaquer Israël comme vous le faites, c’est évidemment la première marche vers l’antisémitisme. (M. Meyer Habib applaudit.) Certains d’entre vous le savent parfaitement.
Issawi Frej, militant de gauche humaniste, qui fut le deuxième ministre musulman de l’histoire d’Israël – il est entré au gouvernement en 2021 –, l’a très bien dit : « Israël a beaucoup de problèmes qui doivent être résolus, à l’intérieur de la ligne verte et certainement dans les territoires occupés, mais Israël n’est pas un État d’apartheid ». Le géopolitologue français Dominique Moïsi démonte également cette comparaison odieuse en expliquant – écoutez-le : « En Afrique du Sud au temps de l’apartheid, aucun Noir n’était président d’une des plus grandes banques du pays. Au temps de l’apartheid, les Noirs ne constituaient pas la moitié ou presque de l’équipe nationale de rugby. Au temps de l’apartheid, Blancs et Noirs ne pouvaient étudier ensemble ou même se retrouver assis les uns à côté des autres sur une même plage. Au temps de l’apartheid, des médecins noirs ne soignaient pas des patients blancs dans le meilleur hôpital du pays. En Israël aujourd’hui, c’est un Arabe israélien qui préside aux destinées de la Banque Leumi. Ce sont des Arabes israéliens qui constituent la moitié ou presque de l’équipe nationale de football du pays. Sur les plages de Tel-Aviv ou celles de la mer Morte, Arabes israéliens et Israéliens juifs sont côte à côte : il n’y a pas de plages réservées aux uns ou aux autres. » Faut-il encore rappeler qu’Israël comptait un parti islamiste dans la précédente coalition gouvernementale ? Vous le savez parfaitement, mais vous n’en dites rien !
Le concept d’apartheid décrit une réalité spécifique, à nulle autre pareille. L’appliquer à Israël, c’est laisser croire à dessein, pour plaire à certains, que le conflit actuel est d’ordre ethnique alors qu’il est l’affrontement de deux nationalismes sur le même territoire – rien de moins, rien de plus.
Je conclurai d’un mot à l’adresse de mes collègues communistes : quel fut le premier pays à reconnaître, de façon pleine et entière, le nouvel État d’Israël à sa naissance en 1948 ? L’URSS ! Mais cela aussi, vous avez dû l’oublier ! Vous l’aurez compris : je voterai bien sûr contre cette proposition de résolution. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe.
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe
Permettez-moi de débuter mon intervention en rappelant une évidence : la France est l’amie d’Israël. Elle est indéfectiblement attachée à la sécurité d’Israël. C’est d’ailleurs ce lien indéfectible, cette amitié profonde, fondée sur des valeurs communes, qui permet à la France d’entretenir un dialogue franc avec nos amis israéliens et de dire les choses clairement. Dire les choses clairement, c’est bien les nommer. À cet égard, nous ne pouvons que rejeter l’utilisation du terme d’apartheid, largement excessif et déplacé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Sabine Thillaye applaudit également.)
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État
Nous rejetons ce vocable, d’abord parce qu’il porte une charge lourde, renvoyant à des souffrances épouvantables et à des mémoires meurtries, survenues dans des circonstances bien particulières, celles de l’Afrique du Sud. Comme l’a justement rappelé la présidente Bergé, le détournement de la mémoire des morts ne sert pas la cause de la paix. Nous le rejetons ensuite parce que notre seul objectif – celui que chacun ici devrait avoir – est que la sécurité de tous les civils, israéliens comme palestiniens, soit garantie. Or votre escalade rhétorique n’y aide pas : comme l’a souligné le député Guedj, vous vous livrez, je le crois, à de périlleuses surenchères. Je souhaite aussi rappeler les mots du Président de la République : « Il y a trop souvent, chez certains, derrière des affirmations antisionistes, un discours hostile au peuple juif, qui rappelle une période sombre de notre histoire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – MM. Jean-Paul Mattei et Philippe Berta applaudissent également.) « Nous devons combattre avec la plus grande fermeté ces formes latentes d’antisémitisme. »
Venons-en maintenant à la question de la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État. Vous connaissez la position constante de la France : nous soutenons la solution à deux États qui, seule, permettra aux peuples israélien et palestinien de vivre en paix côte à côte.
M. Jean-Paul Lecoq
Alors reconnaissez l’État palestinien ! L’Assemblée l’a fait !
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État
Cette solution ne peut être obtenue que par la négociation directe entre les parties, dans le cadre du droit international et des paramètres internationalement agréés, avec pour objectif d’établir deux États vivant dans la paix et dans la sécurité au sein de frontières sûres et reconnues. C’est pourquoi la reconnaissance de l’État palestinien, pour être utile, ne peut intervenir que comme aboutissement de ces négociations.
M. Jean-Paul Lecoq
Elle doit être un préalable, pour que les deux parties échangent d’égal à égal !
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État
Un règlement juste et durable du conflit israélo-palestinien est du reste essentiel pour garantir la stabilité et la sécurité de la région. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, la France sait la responsabilité qui est la sienne pour faire respecter et appliquer le droit international. Des négociations sont en cours. Les parties ont récemment pris des engagements concrets à Aqaba et Charm el-Cheikh. Il faut encourager ce mouvement et continuer à œuvrer à la désescalade et pour la paix.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État
Nous poursuivrons donc nos efforts. La ministre des affaires étrangères, Mme Catherine Colonna, se rendra à Berlin le 11 mai prochain pour évoquer cette question avec ses homologues allemande, égyptien et jordanien. Il s’agira de tracer des perspectives pour l’avenir immédiat.
Enfin, s’agissant des appels au boycott, je rappelle que la liberté d’expression doit toujours être conciliée avec le respect de l’ordre public. Elle ne saurait inclure la liberté d’inciter à la haine et à la discrimination. Cette conciliation est assurée par le juge. Dans le cas d’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme a défini un cadre clair : les appels au boycott sont autorisés uniquement dans la mesure où ils émanent d’un particulier et ne comportent aucun propos haineux ou discriminatoire. Il ne fait pas de doute que tout appel au boycott qui se transformerait en appel à la discrimination ou à la haine serait pénalisé par le juge européen. Dans ce contexte, la France s’est conformée à ses obligations, par la voie d’une circulaire du ministère de la justice datée du 20 octobre 2020, demandant aux procureurs de n’engager des poursuites que dans le cas où l’appel au boycott s’accompagnerait, précisément, d’un « appel à la haine ou à la discrimination ». Cette instruction est pleinement conforme à l’arrêt Baldassi de la Cour européenne des droits de l’homme. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe l’a d’ailleurs confirmé en prononçant, le 13 avril dernier, la clôture de la surveillance de l’exécution de l’arrêt Baldassi par la France. Notre pays respecte donc pleinement la légalité.
Plus généralement, le Gouvernement est déterminé à concilier deux principes essentiels à la démocratie et à l’État de droit : la liberté d’expression, d’une part, et la lutte contre les discriminations et les discours de haine, notamment l’antisémitisme, d’autre part. Nous ne transigerons jamais en matière de lutte contre l’antisémitisme. Je m’étonne d’ailleurs que certains, sur ces bancs contestent cette politique, qui devrait faire l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Matthias Tavel s’exclame.) Je tiens donc à remercier tous ceux qui ne cautionnent pas les stratégies de division.
M. Antoine Léaument
Vous passez votre temps à diviser les Français.
Mme Laurence Boone, secrétaire d’État
Pour conclure, le Gouvernement, vous vous en doutez, ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cette proposition de résolution.
Je dois maintenant quitter cet hémicycle pour assister, au Sénat, à un débat consacré à l’Ukraine – ce qui me permet de rappeler que certains ici ont parfois adopté des positions étonnantes à propos de la Russie. Je vous prie de m’en excuser, car je ne serai pas en mesure d’entendre toutes les explications de vote. Un autre membre du Gouvernement me succédera. Je vous remercie pour ces débats et je reste évidemment à votre disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Renaissance et Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES)
Pourquoi mon groupe a-t-il décidé d’inscrire au programme de cette journée d’initiative parlementaire une résolution visant à qualifier le régime politique israélien de régime d’apartheid ? Vous nous dites que nous aurions pu soumettre d’autres propositions permettant, sinon d’aboutir à une solution de paix, du moins d’exprimer notre solidarité. Si nous ne parlons pas de cette question, personne ne le fera – ou si peu. Vous êtes les plus silencieux qui soient s’agissant de la situation subie quotidiennement par les Palestiniens. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Nous en parlons car nous souhaitons sortir du silence. De nombreuses organisations internationales, de très nombreux intellectuels et responsables politiques, en France et dans le monde, en Palestine et en Israël, emploient le mot « apartheid » et documentent cette réalité. En nommant et en qualifiant les choses, en indiquant quelles sont les responsabilités, on trace un chemin vers la paix. Car sans justice, il n’y a pas de paix. Nous devons à tout prix nommer les choses si nous voulons aboutir au dialogue dont a parlé la secrétaire d’État.
M. Laurent Croizier
« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde » !
Mme Elsa Faucillon
La paix conditionne l’apaisement des autres conflits du Proche et du Moyen-Orient.
M. Sylvain Maillard
Il n’y a pas d’apartheid ! Vous nommez mal les choses !
M. André Chassaigne
Toi, tu la fermes un peu !
Mme Elsa Faucillon
Certains nous rétorquent que c’est nous qui racialiserions la question israélo-palestinienne. Qu’ils écoutent donc ce qu’a dit Benyamin Netanyahou lui-même, il y a quatre ans, à propos de son régime : « Israël n’est pas l’État de tous ses citoyens » mais « l’État-nation du peuple juif et uniquement du peuple juif. »
M. Sylvain Maillard
Voilà que maintenant vous citez M. Netanyahou !
Mme Elsa Faucillon
Ce système d’oppression et de domination infligé à la population palestinienne a été pérennisé sans équivoque dans la loi sur l’État-nation de 2018 qui consacre comme une règle que « l’État d’Israël est l’État-nation du peuple juif ».
M. Jean-Philippe Tanguy
Ça n’a rien à voir !
M. Meyer Habib
Un seul État pour le peuple juif, c’est un de trop pour vous !
Mme Elsa Faucillon
Un Palestinien n’a pas le droit d’obtenir la nationalité israélienne alors qu’un Argentin juif peut y accéder. Vous le voyez, nous sommes confrontés à un système profondément inégalitaire, basé sur des discriminations et qui repose lui-même sur une racialisation.
Nous réfutons également – et c’est peu dire – toutes les attaques consistant à assimiler la critique d’un régime politique à de l’antisémitisme.
M. André Chassaigne
Une honte !
M. Sylvain Maillard
C’est l’État que vous critiquez, pas le régime !
Mme Elsa Faucillon
C’est une insulte profonde à notre passé comme à notre présent, nous qui appartenons à un groupe qui réunit les communistes et les Ultramarins. (Les députés des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES se lèvent et applaudissent longuement. – M. Olivier Faure applaudit également.)
M. André Chassaigne
Oui, vous nous insultez ! Croyez-vous que nous allons l’accepter ?
Mme Elsa Faucillon
Je vous rappelle que, lorsque les communistes dénonçaient le système d’apartheid en Afrique du Sud et soutenaient Nelson Mandela, ils étaient bien seuls car la classe politique les traitait de terroristes. Vous nous traitiez de terroristes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Alors franchement, faites profil bas.
M. Sylvain Maillard
Ça n’a rien à voir !
M. Laurent Croizier
Arrêtez de penser que vous êtes les seuls sauveurs du monde !
Mme Elsa Faucillon
Ces procès en antisémitisme pèsent surtout sur la situation des Palestiniens car ils témoignent d’un refus d’avancer vers une solution de paix. Ces insinuations et ces accusations diffamatoires autorisent le silence et l’impunité d’Israël. (Mêmes mouvements.)
M. André Chassaigne
Oui, cessez vos insultes !
Mme Elsa Faucillon
Elles nous éloignent du chemin qui mène vers la paix. C’est avec fierté et gravité que nous vous soumettons aujourd’hui cette proposition de résolution. Je demande aux collègues de résister à la pression insupportable qui vise à réduire au silence tous ceux qui cherchent une solution de paix et souhaitent en finir avec les humiliations et les crimes commis tous les jours à l’encontre des Palestiniens.
M. Meyer Habib
C’est un mensonge ! Israël n’a commis aucun crime !
Mme Elsa Faucillon
La solidarité internationale et la qualification des responsabilités : voilà ce qui permettra d’aboutir à une solution de paix. Ayez le courage d’adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Andrée Taurinya se lève.)
Mme la présidente
Chers collègues, le débat s’est déroulé jusqu’à présent dans un climat relativement apaisé. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Mais, après notamment le brouhaha qui a accompagné l’intervention de Mme la secrétaire d’État, je vous demande d’écouter avec attention les différents orateurs.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre (RE)
Résolution rime avec obsession. Il n’aura fallu attendre que quelques semaines, après le début de cette législature, pour que vous déposiez un texte assimilant le peuple juif à un « groupe racial ». C’est la seule nouveauté que présente cette dernière version de votre proposition de résolution : peut-être vous êtes-vous rendu compte qu’en renvoyant à la race juive, une notion du XIXe siècle, vous étiez allés trop loin et aviez commis une erreur scandaleuse. Nous disons non pas que vous êtes antisémites mais que ce texte laisse libre cours, de toutes les manières possibles, à l’antisémitisme démocratique, soit le pire des antisémitismes, celui qui se pare de l’antiracisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Votre texte s’inscrit en outre dans un contexte regrettable puisque je rappelle que vos parlementaires ont reçu M. Corbyn, que Mme Panot a fait un tweet à propos du Vel d’Hiv sans même daigner évoquer les victimes juives (Applaudissements sur les bancs du groupe RE), que vous avez accueilli à l’Assemblée nationale un membre d’une organisation terroriste, condamné, à la suite d’aveux enregistrés, pour tentative d’assassinat d’un ancien grand rabbin d’Israël. (Mêmes mouvements.). Tel est l’agenda dans lequel vous avez déposé cette proposition.
L’apartheid ne se définit pas d’un point de vue juridique.
Mme Julie Laernoes
Si ! C’est du droit international !
M. Mathieu Lefèvre
Ici nous faisons de la politique, ce qui revient en l’occurrence à rappeler que le régime de l’apartheid a été en vigueur en Afrique du Sud et qu’il reposait sur des lois fondées sur le racialisme biologique. C’est à cela que vous faites référence, autrement dit à ce qu’il y a de pire dans l’histoire, aux faussaires de l’histoire. Vous êtes des faussaires de l’histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous ne connaissez pas le droit international !
M. Mathieu Lefèvre
En agissant ainsi, non seulement vous criminalisez l’État d’Israël mais vous le présentez aussi sous un prisme racialiste – comme l’a dit, avec beaucoup de courage, Jérôme Guedj. Or cela ne fait pas progresser la paix d’un millimètre. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) De même, ni la mise au ban d’un État-nation ni l’importation d’un conflit sur notre sol ne font progresser la paix d’un millimètre. Bien au contraire. (Mêmes mouvements) Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Renaissance s’opposera évidemment avec force à cette proposition de résolution. Nous ne cesserons de combattre votre obsession qui vous conduit à tenir des propos qui – je veux l’espérer – dépassent votre pensée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente