XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du jeudi 25 mai 2023

La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.) Le ministre n’étant pas encore arrivé, je suspends la séance.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la principauté d’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles (nos 872, 1068).
Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais le mettre directement aux voix, en application de l’article 106 du règlement.
Préalablement, je vous informe que, sur ce texte, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Dans la mesure où nous devons respecter un délai de cinq minutes avant de procéder au scrutin, je vais suspendre la séance.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures deux, est reprise à neuf heures sept.) La séance est reprise.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l’adoption 44
Contre 0
Cette journée commence excellemment bien !
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (nos 1033, 1234 rectifié).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 99 au rapport annexé à l’article 2.
Je suis saisie de trois amendements, nos 99, 328 et 1347, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 99 de M. Michaël Taverne est défendu.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 328.
J’ai eu la chance, dans une vie antérieure, de m’occuper de la francophonie. Je sais à quel point la langue française est précieuse et aimée dans le monde entier : c’est pourquoi il faut la défendre. Je vous propose donc de remplacer l’expression « New Space » – elle est presque d’usage courant aujourd’hui, mais un peu floue – par les mots « les entreprises innovantes du domaine spatial (New Space) », afin que l’on comprenne bien la référence. Nous sommes à l’Assemblée nationale et la langue française est la langue officielle de notre pays. Aussi, je trouverais dommageable que nous votions des textes comportant des mots anglais. La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 1347. Cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés vise à favoriser les initiatives privées dans le New Space, cet écosystème émergent du domaine spatial, dont l’alinéa 19 du rapport annexé fait mention – et c’est une bonne chose. Utilisé intelligemment, il peut permettre à la France de grandes avancées dans le domaine de l’espace. Toutefois, le coût d’entrée étant très élevé, les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) ont besoin du soutien de l’État pour pouvoir rivaliser avec nos concurrents étrangers.
À titre d’exemple, en 2018, l’entreprise française Unseenlabs a ainsi obtenu un financement auprès de Definvest, le fonds géré par la Banque publique d’investissement (BPIFrance) pour le compte de la direction générale de l’armement (DGA), pour son projet de surveillance maritime au moyen de nanosatellites. Aujourd’hui, elle est une pièce maîtresse du secteur spatial français et européen. Sans cet investissement de l’État, des centaines d’initiatives privées dans ce domaine resteront lettre morte.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission. Pour nos entreprises innovantes du domaine spatial, il faut garder de la souplesse ; par ailleurs, nous devons toujours privilégier les entreprises françaises. J’émettrai un avis défavorable sur les amendements nos 99 et 1347 et un avis favorable sur l’amendement no 328. La parole est à M. le ministre des armées, pour donner l’avis du Gouvernement. Mêmes avis.
(L’amendement no 99 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 328 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1347 tombe. ) L’amendement no 102 de M. Michaël Taverne est défendu.
(L’amendement no 102, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l’amendement no 168. Il vise à supprimer la mention de « capacité d’action dans l’espace », car elle recouvre la notion de militarisation et d’arsenalisation de cette zone. La militarisation de l’espace désigne l’utilisation de l’espace à des fins militaires et le placement d’armes en orbite. Or ces deux pratiques sont contraires à l’esprit des conventions internationales portant sur l’usage de l’espace – selon certaines analyses, elles seraient même totalement contraires au droit. Si l’espace devient un lieu de conflictualité, n’aurait-on pas intérêt à lutter sur le terrain de la diplomatie pour empêcher son développement, plutôt que de nous jeter à corps perdu dans une course aux armements spatiaux ? Tel est l’objet de cet amendement. Je précise qu’il se base sur le rapport réalisé par Jean-Paul Lecoq et notre ancien collègue Pierre Cabaré, qui proposait d’œuvrer à un traité d’interdiction des missiles antisatellites et, plus largement, à une réflexion multilatérale autour de l’émergence de ces phénomènes. L’espace doit rester un lieu d’exploration, et non de militarisation. Quel est l’avis de la commission ? Nos capacités d’action dans l’espace sont strictement défensives. Pourtant, certains de nos compétiteurs ne manquent pas de se montrer offensifs : il est donc de l’intérêt de la France de développer cette capacité défensive. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Nous rentrons dans le cœur de plusieurs débats, qui se connectent entre eux. Premièrement, vous avez raison de rappeler les enjeux en matière de droit international et ce qui serait souhaitable pour l’humanité. Deuxièmement, la réalité des pratiques actuelles nous impose une réaction, une réflexion. Troisièmement, on parle de souveraineté ; beaucoup d’amendements sont présentés sur le sujet. Or, si nous ne développons pas nous-mêmes des capacités, d’autres le feront. Nous pouvons toujours parler des catapultes du porte-avions Charles de Gaulle nuitamment, comme nous l’avons fait hier, mais ne pas développer nos capacités d’action et notre savoir-faire dans l’espace nous conduirait à une situation encore plus sensible !
Le présent projet de loi de programmation militaire (LPM) prévoit de développer le programme Yoda – yeux en orbite pour un démonstrateur agile –, puis le programme Egide, qui doit lui succéder. Qu’on se le dise clairement : si nous ne le faisons pas, cela signifie que nous renonçons à être souverains en ce domaine. Soit la France ne s’en dotera jamais, soit nous serons contraints un jour d’« acheter sur étagère », soit nous aurons pris dix ans de retard, comme pour les drones.
Nous pouvons connecter ce débat à d’autres que j’ai eus précédemment avec vos collègues Saintoul et Lachaud : on ne peut pas, d’un côté, dire qu’il faudrait réfléchir à une dissuasion qui serait non nucléaire – je pense aux amendements sur la mise en place d’un commissariat ou à ceux qui préconisent d’autres types de dissuasion – et, de l’autre, ne pas développer le démonstrateur qui nous permettrait de réfléchir à d’autres capacités d’action dans l’espace. Cette affaire-là, ce n’est pas « On s’en va-t-en guerre dans l’espace ! » : si nous veillons un tant soit peu à la cohérence de tout ce qui s’est dit depuis le début des travaux en commission et en séance, il est évident que cette LPM doit, selon moi, aboutir au développement de nos capacités d’action dans l’espace.
Dernier point, et nous aurons bouclé la boucle : vous avez vous-même rappelé, avec beaucoup d’honnêteté et de rigueur intellectuelle, la manière dont, mine de rien, la France a encadré sa dissuasion nucléaire. Se doter d’une capacité ne veut pas dire qu’il ne faut pas se doter aussi d’une doctrine française d’action dans l’espace, d’une forme d’éthique – je fais toujours attention aux mots, parce qu’il s’agit tout de même potentiellement de guerre.
En tout cas, il ne faut pas exclure, sur le spatial, une réflexion analogue à celle qui a accompagné jadis le développement de la dissuasion nucléaire. Ajoutons qu’il existe à l’évidence des liens entre le spatial et cette dissuasion.
La parole est à M. Bastien Lachaud. Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse détaillée. Puisque nous développons des capacités spatiales – ce qui ne nous pose pas de problème –, allons au bout de la logique : créons le commissariat à la dissuasion de demain. Permettez-moi de vous renvoyer à votre premier point : nous devrions aussi mentionner dans la LPM le monde tel qu’il devrait être, en précisant que la France doit se battre pour qu’il advienne. Le traité de 1967 sur l’espace y interdit le stockage d’armes de destruction massive. Nous devons travailler à un nouveau traité, pour progresser en matière de démilitarisation de l’espace. La France devrait prendre des initiatives dans ce domaine, et nous pourrions l’écrire dans le rapport.
Même en matière de dissuasion, la France a toujours marché sur ses deux jambes : nous sommes dotés de l’arme nucléaire et développons la dissuasion ; dans le même temps, nous travaillons au désarmement nucléaire multilatéral. C’est pourquoi notre pays a signé et ratifié le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Sur les questions spatiales, nous devons agir de même : rester en tête et veiller à ne pas prendre de retard ; dans le même temps, œuvrer au désarmement de l’espace et à son inscription dans le droit comme bien commun. Traditionnellement, la France marche sur ses deux jambes ; nous devrions continuer à le faire.
(L’amendement no 168 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 101 et 329.
La parole est à M. Frank Giletti, pour soutenir l’amendement no 101.
Compte tenu du développement de capacités militaires spatiales par certains pays – je pense notamment à la Russie et à la Chine –, la défense de nos intérêts nous commande de développer des capacités d’action dans l’espace et vers celui-ci, afin de répondre aux menaces qui se développent dans ce nouveau champ de conflictualité. La maîtrise de telles capacités d’action est un enjeu majeur, qui doit être considéré avec sérieux. Il est tout à fait positif que la LPM s’y attache, mais il nous paraît essentiel d’y préciser, par cet amendement, que cette capacité d’action doit être « souveraine », afin d’assurer notre indépendance et la défense de nos intérêts dans l’espace. Nous ne devons pas prendre le risque de dépendre d’autres pays, même alliés, pour la conduite de ces potentielles opérations. La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 329. Défendu. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? Notre capacité d’action dans l’espace sera bel et bien souveraine. Je pense notamment au patrouilleur-guetteur et au démonstrateur laser. Les amendements étant satisfaits, j’en demande le retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Manifestement, le groupe Rassemblement national ne s’est pas interdit de déposer des amendements en double. Pour le second, nous avons dit « défendu » ! Sur le fond, vous souhaitez préciser que la capacité d’action dans l’espace doit être souveraine, mais j’observe que la souveraineté est un concept quelque peu élastique. Qu’entendez-vous par « capacité d’action souveraine » ? Souveraine mais privée ? Souveraine et étatique ? Vous avez recours à cette commodité parce que vous refusez la nationalisation des industries de défense. Je soulève ce point pour le plaisir de la discussion et le laisse à votre appréciation. En tout cas, cela vous met en porte-à-faux : on n’est pas pleinement souverain lorsque l’on est dans la main du marché. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
(Les amendements identiques nos 101 et 329 ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de trois amendements, nos 327, 326 et 941, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 326 et 941 sont identiques.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 327.
Nous devons veiller à notre souveraineté dans le domaine spatial. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux deux autres amendements en discussion commune : nous proposons de préciser que le développement d’une capacité d’action dans l’espace se fera « en coopération avec des établissements français ou européens tels que le Centre national d’études spatiales (Cnes) et l’Agence spatiale européenne (ESA). » La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 326. Défendu. La parole est à Mme Gisèle Lelouis, pour soutenir l’amendement no 941. Encore des amendements identiques ! Pour le premier, nous avons dit « défendu » ! L’espace est un nouveau lieu de conflictualité, où se mêlent des intérêts divers. Il faut que les ambitions spatiales françaises soient avant tout françaises. Le spatial militaire français ne peut se compromettre dans des contraintes de coopération avec des États étrangers, fussent-ils européens, non seulement pour des raisons évidentes de souveraineté et d’indépendance, mais aussi pour des raisons de sécurité politico-militaire face à l’espionnage et aux ingérences. Le spatial français ne peut s’appuyer que sur une production nationale, pour éviter dépendance et ingérence – même si elles trouvent probablement des défenseurs ici. Pour atteindre nos ambitions en toute indépendance, je propose, par cet amendement, de préciser que le développement d’une capacité d’action dans l’espace se fera uniquement « en coopération avec le Centre national d’études spatiales (Cnes) ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ? Nous avons déjà évoqué les capacités souveraines dont nous disposons. Cela ne doit pas empêcher des coopérations. Il faut garder de la souplesse. Mon avis est défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable.
(L’amendement no 327 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 326 et 941 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 1346. Dans la continuité de notre amendement no 1345 relatif à la protection des câbles sous-marins, adopté par l’Assemblée hier soir peu avant minuit, nous souhaitons assurer la souveraineté des données qui nous concernent. Si l’enjeu de la protection des câbles demeure prioritaire, anticipons les risques d’attaques potentielles en relocalisant nos données stratégiques sur le sol européen. Si les données bancaires de nos concitoyens, les données scientifiques de nos chercheurs et les données industrielles et commerciales de nos entreprises se trouvent sur le sol européen, elles seront, convenons-en, mieux préservées de forces malveillantes étrangères, telles qu’il en existe chez certains de nos compétiteurs. Quel est l’avis de la commission ? La phrase que vous proposez serait insérée à un mauvais endroit ; votre amendement rendrait l’alinéa 19 incohérent. J’en demande donc le retrait.
(L’amendement no 1346, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1395 rectifié et 1397 rectifié.
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 1395 rectifié.
Défendu. Bien ! La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l’amendement no 1397 rectifié. Il s’agit d’un amendement d’appel, que nous avons placé là où nous l’avons pu. Je suis prêt à accepter l’idée qu’il n’est peut-être pas nécessaire, dans le rapport annexé, de descendre à un tel niveau de détail.
Notre capacité en matière de mouillage de mines est vieillissante. Or le retour d’expérience (Retex) du conflit en Ukraine montre que cette capacité demeurera très importante, d’autant plus que nous en aurons besoin pour protéger nos outre-mer d’éventuelles agressions.
L’amendement vise à mettre la lumière sur ce sujet un peu négligé – il faut bien le dire – et à appeler l’attention du Gouvernement : nous voulons nous assurer qu’il n’y aura pas péril en la demeure et que nous resterons vigilants quant à nos capacités de protection dans le domaine maritime.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? Ils sont satisfaits par le projet de LPM. J’en demande donc le retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous l’avez dit vous-même, monsieur Saintoul, on descendrait dans un trop grand degré de détail. Il s’agit d’un amendement d’appel ; je considère que tel est également le cas des deux amendements suivants, relatifs au largage de drones sous-marins par aéronef.
Le mouillage de mines et le largage de drones sous-marins par aéronef figurent dans les documents pertinents, le cas échéant classifiés, et seront pris en considération dans le cadre de la LPM. Le mouillage de mines est au cœur de la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins. Les amendements sont donc satisfaits à bien des égards. J’en demande le retrait.
Néanmoins, il était utile d’évoquer ces sujets, sur lesquels vous disposez d’une expertise.
(Les amendements identiques nos 1395 rectifié et 1397 rectifié sont retirés.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 1396 rectifié et 1398 rectifié.
L’amendement no 1396 rectifié de M. Bastien Lachaud est défendu.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l’amendement no 1398 rectifié.
J’ai déjà évoqué hier la faculté de larguer un drone sous-marin depuis un aéronef. Cette capacité, dont d’autres États sont en train de se doter, ne figure pas explicitement dans les documents relatifs à la maîtrise des fonds marins. Or tout le monde comprend le degré de réactivité qu’elle donnerait à nos armées, dans différentes opérations. Nous pourrions nous fixer une ambition un peu plus forte en matière de maîtrise des fonds marins. Selon moi, nous devons aller vers la capacité à opérer une flotte de drones sous-marins, et nous pourrions l’affirmer dès à présent. C’est un des éléments que vous auriez pu retenir pour étoffer la LPM ou la stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ? Il n’y a aucun problème en la matière. Nos aéronefs sont en mesure de larguer des bateaux – j’ai moi-même pris place plus d’une fois à bord de bateaux ainsi largués. Je demande le retrait des amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? L’argumentation est la même que pour les amendements précédents : c’est intégré dans les documents pertinents. Je demande moi aussi le retrait des présents amendements. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir ainsi donné des assurances. À l’inverse, je trouve la réponse du rapporteur un peu courte, voire désinvolte, ce que je regrette. Moi, désinvolte ? Il s’agit de larguer non pas des canots pneumatiques, mais des objets particulièrement lourds, complexes et éventuellement fragiles, même s’ils peuvent résister à des pressions très élevées.
(Les amendements nos 1396 rectifié et 1398 rectifié sont retirés.) La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l’amendement no 135. Notre souveraineté spatiale est de plus en plus contestée et défiée par le développement de nouvelles solutions, qui peuvent représenter une menace pour nos infrastructures. Face à ces nouvelles menaces, la démocratisation sans précédent de l’accès aux technologies et l’innovation sont autant de défis que d’occasions à saisir pour les armées, directions et services.
Les crédits accordés par la LPM à l’innovation doivent consolider notre supériorité technologique et garantir la maîtrise du nouveau champ de conflictualité que constitue l’espace. L’accélération de l’innovation passera par la mise au point de démonstrateurs ambitieux et l’exploration de technologies de rupture. Pour étendre et développer notre capacité d’action dans l’espace, la LPM s’appuie fortement sur les acteurs du New Space. Il est indispensable de financer des projets de R&D (recherche et développement) très risqués, fondés sur des ruptures technologiques.
Toutefois, les entreprises du secteur spatial rencontrent des difficultés importantes dans l’accès aux financements bancaires : peu d’établissements prêteurs sont disposés à les aider, souvent par manque de connaissance du secteur, parfois aussi du fait de l’insuffisance d’actifs sécurisables ou de la difficulté à les identifier.
Un partenariat entre le secteur établi et les innovateurs paraît indispensable pour permettre le passage à une échelle génératrice d’économies dont le spatial a besoin pour rester compétitif. Ce partenariat doit être soutenu par la puissance publique : l’accompagnement doit comprendre non seulement une aide à la constitution de budgets d’investissement, mais aussi une commande publique qui permette aux acteurs de développer des solutions à l’échelle industrielle.
Quel est l’avis de la commission ? Vous revenez sur la question du financement, que nous avons longuement évoquée hier lorsque nous avons examiné un amendement de M. Thiériot. C’est effectivement une problématique que nous devons prendre en considération. La loi de programmation militaire contribue au financement de l’innovation : 10 milliards d’euros seront déployés à ce titre. Bien entendu, les marchés financiers doivent également y participer. Je pense aussi aux régions et aux agglomérations qui doivent, autant que possible, aider nos entreprises à s’implanter, ce qu’elles font souvent d’ailleurs, du fait de leur compétence économique. C’est un travail collectif.
Je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez eu raison de revenir sur ce point, qui est un enjeu important de la transformation des années à venir. Même avis que M. le rapporteur, sur la base du débat que nous avons eu nuitamment : l’amendement est satisfait ; à défaut, avis défavorable. La parole est à Mme Anne Genetet. Je voudrais profiter de cet amendement pour souligner que l’innovation dans certains domaines – comme le domaine spatial cité par ma collègue – représente un certain risque industriel et financier. L’innovation en matière de défense est un enjeu de souveraineté pour notre pays. Nous allons mettre 10 milliards d’euros sur la table.
Je veux ici lancer un appel aux financeurs, aux financiers, aux investisseurs français et aux établissements bancaires, à toutes ces personnes qui sont prêtes, mais qui ne connaissent pas parfaitement le sujet. Oui, ce sont des innovations très importantes qui nécessitent une prise de risque. Nous avons besoin de leur soutien aux côtés de nos PME. On sait que les grandes industries de la défense profiteront de cette loi de programmation militaire, mais il y a derrière elles tout un faisceau de petites et moyennes entreprises qui ont, elles aussi, besoin du soutien des établissements bancaires et des investisseurs français. S’il vous plaît, soyez à leurs côtés, soutenez-les dans des projets ambitieux qui permettront de renforcer la souveraineté de notre pays.
(M. Christophe Plassard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et M. Christophe Blanchet applaudissent.) La parole est à M. Bastien Lachaud. Je vois que M. Le Maire fait des adeptes : il faut demander, supplier… Bientôt, l’Assemblée nationale se mettra à genoux devant les financiers et les investisseurs pour les supplier d’augmenter les salaires et d’investir dans les industries de défense. Que diable ! Si vous pensez vraiment que nous serons une nation souveraine en mettant notre défense dans les mains des financiers, il faut revoir vos leçons d’histoire. C’est l’État qui a lancé tous les grands projets qui font que nous sommes aujourd’hui une grande nation spatiale ! Si nous avions attendu les investisseurs et les financiers pour avoir la dissuasion nucléaire, nous ne serions pas une puissance dotée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
(L’amendement no 135 est retiré.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 585 et 689, sur lesquels je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 585 de Mme Clémence Guetté est défendu.
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 689.
Le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, décidé par Nicolas Sarkozy, était présenté comme un moyen de développer l’influence de la France dans le monde. Quinze ans plus tard, il est quasiment impossible d’identifier en quoi la parole de la France serait mieux entendue ou comprise sur la scène internationale. Le retour au sein du commandement intégré de l’Otan a, certes, été accompagné de certaines compensations, parmi lesquelles la garantie que les officiers français exerceraient des responsabilités au sein de l’Alliance ; cependant, cet enrôlement a banalisé la position française et a relégué notre pays au rang d’allié exemplaire des États-Unis. Cette exemplarité revendiquée jusque dans la revue nationale stratégique (RNS) n’est guère l’apanage des peuples souverains. Il est temps d’en tirer les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Nous en avons beaucoup discuté en commission, où nous sommes arrivés à la conclusion – je m’exprime sous le regard de M. le président de la commission de la défense – qu’un rapport sur le sujet serait certainement utile, mais qu’il n’avait pas vraiment sa place à cet endroit. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je reprends votre dernière phrase : « Il serait temps d’en tirer des conclusions. » Il est certain que c’est au moment où la Russie mène une guerre d’agression contre l’Ukraine et que nous devons protéger l’essentiel des pays d’Europe centrale qu’il faut tirer ce genre de conclusions ! Vous voudriez faire un cadeau à Moscou que vous ne vous y prendriez pas mieux ! Il faut faire attention à ce que l’on dit : nous ne pouvons pas déconnecter cette conversation du contexte et faire pudiquement comme s’il n’y avait pas de guerre au centre de l’Europe. Eh oui ! Absolument ! Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy se soit inscrit dans un héritage distinct de celui du général de Gaulle, ni qu’il ait signé un chèque en blanc aux États-Unis d’Amérique lorsqu’il a acté le retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan. Je suis défavorable à ces deux amendements. Ils proposent d’écrire dans le rapport annexé des choses auxquelles je ne crois pas.
Par ailleurs, j’ai réfléchi à la demande consistant à dresser, plus de dix ans après, un bilan formel du retour de la France dans le commandement intégré, par exemple par le biais d’un rapport, une demande qui a été formulée sur les bancs situés aux deux extrêmes de l’hémicycle – extrêmes géographiques et sans doute aussi politiques. Nous n’avons rien à cacher et je suis partisan de jouer cartes sur table, pour plusieurs raisons.
La première, c’est que nos militaires, au bout de dix ans, ont des choses à dire. Que ce soit sur les opérations maritimes, sur les plans de défense ou sur ce que nous faisons comme nation-cadre en Roumanie, l’armée française est exemplaire ; vous parliez d’allié exemplaire, mais c’est bien notre armée qui l’est, et nous sommes capables de le démontrer. Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas. Même quand on n’aime pas l’Otan ni l’Union européenne, il n’en demeure pas moins que ces pays sont voisins du nôtre et que montrer ce que les armées de la République française sont capables de faire pour protéger nos alliés va dans le bon sens.
La deuxième, c’est que ce rapport permettra de montrer ce que le retour dans le commandement intégré a changé, à tous les égards. Il faut aller jusqu’au bout du raisonnement : en adoptant ces amendements, vous mettriez fin à notre statut de nation-cadre en Roumanie, qui est un corollaire du commandement intégré – contrairement à d’autres aspects, comme l’interopérabilité du matériel.
La troisième, c’est qu’il permettra d’éviter les caricatures. Quand le président Nicolas Sarkozy a décidé de rejoindre le commandement intégré de l’Otan, il l’a évidemment fait sous conditions. Qui plus est, nous n’avons pas rejoint le groupe des plans nucléaires. Parler de banalisation de la présence française au sein de l’Otan est donc une inexactitude absolue, puisque nous ne participons pas à la planification nucléaire, contre laquelle sont dirigées certaines objections dirimantes. Souvent, sur certains bancs, quand on veut politiser la question de l’appartenance de la France à l’Otan, on entretient ce flou en ne disant jamais que nous ne sommes pas dans le groupe des plans nucléaires, comme si c’était anecdotique ; c’est faux, c’est même une hérésie.
Enfin, puisque tout le monde est désormais gaulliste dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, ce qui est une bonne nouvelle
(Sourires sur les bancs du groupe LR) , je vous invite à refaire un peu d’histoire. La situation dans laquelle nous nous trouvions vis-à-vis du commandement intégré de l’Otan en 1966 n’est pas du tout celle de 2007-2008, quand le président Sarkozy a décidé de le réintégrer, ni celle d’aujourd’hui : il y avait des troupes américaines sur le sol français en 1966, il y avait une opposition américaine au fait que la France devienne une puissance dotée. Le général de Gaulle avait des raisons de prendre cette décision. Aujourd’hui, on passe à l’arrondi supérieur en disant : « On a abîmé l’héritage gaullien en réintégrant le commandement intégré », comme si rien n’avait changé.
Je pense que ces conversations sur l’Otan, si elles sont abordées techniquement, froidement, cliniquement, sont une bonne chose. Malheureusement, je constate la tentation de politiser cette affaire, parfois sur fond d’anti-américanisme primaire, il faut bien le reconnaître. En ces temps difficiles, au moment où l’Otan joue son rôle de protection, de défense et de dissuasion, attention à l’image que renvoie l’hémicycle de l’Assemblée nationale, notamment vis-à-vis de Moscou.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.) Très bien ! La parole est à M. Aurélien Saintoul. Monsieur le ministre, j’ai beaucoup loué vos qualités ces derniers jours. Sans en rajouter, vous êtes habile, et je vois votre dialectique. M. le professeur Saintoul distribue les bons points ! Vous nous expliquez, d’une certaine façon, que c’est l’Otan ou rien ; vous le dites en l’enrobant, bien sûr, mais c’est bien ce que vous dites.
Vous nous dites qu’il ne faut pas politiser la question, mais peut-on vraiment ne pas politiser la question des alliances comme celle de l’Otan ?
C’est une alliance, au sens noble du terme. Peut-on considérer l’Otan autrement que comme un véhicule de l’influence des États-Unis sur le continent européen ? Personnellement, je ne le pense pas. On ne peut pas se dire, naïvement, benoîtement, que l’Otan est un forum neutre où les États-Unis ne jouent pas un rôle prépondérant. Si telle est votre conviction, monsieur le ministre, vous faites preuve d’une naïveté à laquelle vous ne nous avez pas habitués.
Vous nous expliquez que, sans l’Otan, nous ne pourrions pas être une nation-cadre dans une opération comme celle que nous menons actuellement en Roumanie. Je ne le crois pas. L’interopérabilité est effectivement le cœur du problème ; toutefois, du point de vue technique, sommes-nous actuellement si allants, si présents et si efficaces, au point de peser en interne sur les standards et les normes émanant de l’Otan ? Cela fait-il de nous une meilleure nation-cadre, dont les intérêts sont mieux satisfaits, aussi bien techniquement que militairement ? Ce n’est pas certain. N’étions-nous pas capables de mener des actions quand nous n’étions pas membres du commandement intégré ? N’y avait-il aucune interopérabilité ? Évidemment, ce n’était pas le cas. Quand Dominique de Villepin a expliqué que nous n’irions pas en Irak, c’est précisément parce que nous étions capables d’opérer conjointement avec les États-Unis et que ceux-ci, d’une certaine façon, l’espéraient. Nous l’avions fait auparavant pendant la guerre du Golfe. Que nous soyons dans le commandement intégré de l’Otan ou non ne change rien. Ces questions d’interopérabilité sont instrumentalisées à des fins purement politiciennes.
Enfin, vous ne pouvez pas négliger le fait que rejoindre le commandement intégré de l’Otan a lancé au monde un signal, celui que Sarkozy l’Américain rentrait au bercail ; ce n’est pas moi qui ai inventé ce sobriquet de Sarkozy l’Américain, et il n’y a pas eu que des langues de vipère pour l’employer.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Anna Pic. Le groupe Socialistes et apparentés est attaché à cette alliance à laquelle nous appartenons depuis un certain temps. Néanmoins, un rapport sur notre place dans le commandement intégré de l’Otan et sur le rôle que nous y jouons nous semble extrêmement important. Je ne partage pas l’exposé des motifs de mes collègues de la France insoumise. Toutefois, le dernier rapport qui a tenté de porter un regard équilibré et sincère sur la réintégration du commandement intégré de l’Otan était celui d’Hubert Védrine, en 2012, il y a plus de dix ans. Il me semble nécessaire de faire à nouveau ce travail que vous avez vous-même appelé de vos vœux, en toute objectivité et sans a priori . Je mets aux voix les amendements identiques nos 585 et 689.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 64
Majorité absolue 33
Pour l’adoption 15
Contre 49
(Les amendements identiques nos 585 et 689 ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 881 et 882.
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l’amendement no 881.
Il vise à affirmer la vision géostratégique d’une France non alignée. La France doit cesser de se considérer comme une nation occidentale ; elle est une nation universaliste à vocation universelle, présente sur tous les continents, dans tous les océans. Dans cette posture universaliste, la France doit construire des coopérations internationales ayant pour but de répondre à des besoins et à des problèmes concrets en proposant des alternatives au néolibéralisme.
Elle le fait déjà dans plusieurs espaces stratégiques. En Europe, bien sûr, mais également dans les pays du petit bassin méditerranéen, qui sont des partenaires naturels de coopération, puisque nous partageons ensemble un écosystème fragile. La francophonie populaire offre également l’occasion de construire avec les peuples africains une relation qui serait enfin complètement libérée d’un colonialisme dont nous avons encore aperçu certains restes, l’autre jour, dans un amendement contenant le terme « métropole » dont nous avons, ensemble, corrigé la formulation.
Ces coopérations internationales doivent également concerner les États dits émergents du Sud, en Amérique latine, en Asie ou dans l’océan Indien, qui sont les voisins de la France d’outre-mer – nous l’avons dit, la France est présente sur l’ensemble du globe ; enfin, elles doivent se mettre en place avec l’ONU, qui selon nous est la seule instance légitime pour œuvrer à la sécurité collective. La France doit à nouveau y occuper un rôle de premier plan.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 882 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Lorsque vous présentez votre amendement, monsieur le député, vous lisez votre livret qui est d’ailleurs incomplet, dans lequel rien n’est budgétisé et sur lequel est apposé le logo « LFI-NUPES », comme si vous étiez tous d’accord sur ces sujets. (M. Emmanuel Fernandes proteste.) Ce que je constate, c’est que vous n’êtes pas du tout d’accord sur l’Otan, ni sur les partenariats divers et variés de la France. (Mme Anna Pic proteste.) Je considère votre amendement comme un extrait de propagande issu de votre livret, qui n’a pas sa place dans la loi de programmation militaire. Avis défavorable. (M. Didier Paris applaudit.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Je crois que le rapporteur s’égare. (Murmures sur divers bancs.) C’est ma nouvelle évaluation ! Je vais redoubler ! Oui, le rapporteur s’égare ! Je lui apprendrai que le groupe auquel nous appartenons s’appelle « LFI-NUPES » ; le trait d’union vient justement souligner l’union qui existe entre les différentes forces de la NUPES,… La désunion ! …mais nous ne formons évidemment pas un seul et unique groupe.
Ensuite, alors qu’il attendait manifestement de nous un contre-projet – d’une certaine façon, le ministre nous a sollicités en ce sens en commission –, voilà qu’il nous reproche de l’avoir rédigé.
Enfin, il prend prétexte du fait que notre amendement est une déclinaison de ce contre-projet pour considérer qu’il ne mérite pas, en soi, d’être adopté. Bref, il ne sait pas quoi inventer, et je suis désolé de le voir ramer ainsi !
Depuis quand a-t-on un conseiller d’éducation à l’Assemblée ? Ça fait partie des avantages en nature ! Vous trouvez comme seule raison de ne pas adopter un amendement le fait qu’il figure parmi nos propositions, mais ce n’est pas en soi un argument ! Nous avons constaté la faiblesse de votre dialectique depuis un moment, en commission comme en séance, et je trouve déplaisant de s’entendre tancer par un rapporteur qui a fait preuve d’aussi peu de capacités à argumenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La faiblesse de ma dialectique ? Franchement, madame la présidente, ça va trop loin ! Monsieur le rapporteur, vous avez la possibilité, en tant que rapporteur, de prendre la parole à n’importe quel moment. Si vous souhaitez faire des commentaires, vous me demandez la parole et je vous la donnerai ! Je la veux bien ! Allez-y, monsieur le rapporteur. Je me permettais de vous interpeller simplement parce que le collègue Saintoul ne cesse d’évaluer notre travail, que ce soit celui du ministre ou le mien. C’est le rôle du Parlement, non ? Je trouve que dans le cadre de nos débats, ce n’est pas très pertinent. Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas contraire au règlement de l’Assemblée nationale. J’en prends acte, mais j’estime pour ma part qu’il serait préférable de faire autrement, pour l’apaisement de nos débats. Les députés disent ce qu’ils veulent, pourvu qu’ils respectent l’article 70 du règlement de l’Assemblée nationale. Le rapporteur aussi dit ce qu’il veut ! Je comprends très bien, mais je ne cherche qu’à apaiser les débats. Monsieur Saintoul, arrêtez de faire le professeur, comme si nous étions dans la cour de récréation. Travaillez avec nous convenablement sur la LPM : au lieu de faire constamment notre évaluation – « c’est bien », « c’est pas bien », « vous n’êtes pas au niveau » –, intervenez sur le fond ! Dans le fond, ce que je constate, c’est que ce que vous dites n’est pas cohérent avec ce que vous prétendez par ailleurs. Vous prétendez que la position exprimée dans votre livret est commune à l’ensemble de la NUPES ;… On n’a jamais dit ça ! En aucun cas ! …or ce n’est pas le cas. Vous êtes divisés sur l’Otan, sur l’approche européenne et sur de nombreux éléments ; vous essayez de nous faire croire l’inverse et quand je le dis, vous me répondez que je ne parle pas assez et que je communique mal. Ça suffit ! Arrêtez de faire le professeur et commencez à travailler sérieusement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Voilà ! Très bien ! La parole est à M. le ministre. Je m’abstiens généralement de prendre part à ce genre d’échanges, mais je veux tout de même dire deux choses simples, que j’avais d’ailleurs déjà indiquées en commission. Premièrement, si nous devons avoir un débat politique, ce doit être des deux côtés : s’opposer, ce n’est pas adopter la posture du professeur qui distribue les bons et les mauvais points. Souffrez donc que nous constations le fait suivant : la NUPES, dans son accord électoral, n’est pas à l’unisson sur les grands sujets, et ça va mieux en le disant. (Mme Anna Pic s’exclame.) Eh oui ! Je ne vois donc pas pourquoi vous êtes mal à l’aise lorsque le rapporteur le rappelle.
Deuxièmement, en ce qui concerne la qualité des propos du rapporteur, je le répète : député élu comme vous, il a été cité en Afghanistan et porte la médaille militaire.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.) Oui ! Ancien combattant, il a servi dans les forces spéciales de notre nation : balayer d’un revers de main ses compétences ou sa capacité à parler des armes de la France, qu’il a servies sous l’uniforme, me semble vraiment très présomptueux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.) C’est petit !
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de l’article 70 de notre règlement, pour mise en cause personnelle ; et de l’article 9 de l’instruction générale du bureau. La mise en cause ne vous concernait pas ! Monsieur Balanant, s’il vous plaît. Je voudrais dire plusieurs choses. Jusqu’à présent, notre débat a été de haute tenue ;… Oui, à tous les moments où vous n’avez pas pris la parole ! …je propose que nous continuions ainsi. Il serait de bon ton que le rapporteur, aux termes de l’article 9 de l’instruction générale du bureau, ne brandisse pas des pancartes ou autres objets dans l’hémicycle (Rires et exclamations sur divers bancs) ;… Bravo ! Quel gag ! …sinon, il pourrait être sanctionné par la présidente ! Nous sommes hilares ! Pour ma part, je continuerai à brandir des pancartes ! De la même manière, pour ce qui est de la mise en cause personnelle,… Monsieur Lachaud… …M. le rapporteur a été un soldat cité ; c’est très bien. Mon collègue Saintoul, lui, a été professeur… Monsieur Lachaud, permettez-moi de vous interrompre, mais l’article 70 du règlement, en son alinéa 5, évoque un membre de l’Assemblée « qui s’est rendu coupable d’outrages ou de provocations ». Je me fonde sur l’alinéa 3 ! Je ne crois pas qu’il y ait ici de mise en cause personnelle, d’outrage ou de provocation. Mais si ! Non, pas du tout ! D’assez fortes divergences de point de vue se sont exprimées, mais elles ne relèvent pas de l’outrage ou de quoi que ce soit dans ce genre. Très bien ! Voilà ! Bravo, madame la présidente !
La parole est à M. Laurent Jacobelli. Apparemment, du côté de la NUPES, c’est : « Faites ce que je dis et pas ce que je fais ! » Pour en revenir aux questions sérieuses que sont les relations internationales et la place de la France, vous savez, bien sûr, que le Rassemblement national est pour que la France sorte du commandement intégré de l’Otan et soit une puissance équidistante ;… Équidistante par rapport à quoi ? …mais enfin, franchement, cet amendement et ces leçons données par des gens qui hier soutenaient l’URSS, aujourd’hui soutiennent le Venezuela, et font passer la France pour un pays néocolonialiste, honnêtement, ce n’est pas acceptable ! Vous, vous êtes financés par Poutine ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) On peut discuter de tout, mais vos tentatives incessantes pour salir la France deviennent pénibles ! (M. Frank Giletti applaudit.) Très bien ! Il a raison ! La parole est à M. Yannick Chenevard. Je voudrais d’abord me joindre totalement à l’intervention de M. le ministre concernant notre rapporteur ; en effet, nous savons ce qu’il a fait au service de la République. Je pense que nous avons intérêt à retrouver l’excellent niveau des journées précédentes, qui permettait d’aller sur le fond,… Exactement ! Pour une fois qu’on était avec la majorité ! …à ne pas nous interpeller les uns les autres… Nous sommes bien d’accord ! …et à ne nous intéresser qu’au fond du sujet. Ce n’est pas ce qui s’est passé à l’instant.
En ce qui concerne l’amendement, on ne peut pas être adepte d’un monde – dont nous rêvons tous – dans lequel l’humanité vivrait en harmonie, et en même temps tout faire pour que nous nous affaiblissions en permanence. Si vous voulez que nous puissions un jour affirmer la place de la France comme puissance, afin de faire en sorte que ce monde devienne plus paisible, il va falloir voter intégralement cette loi de programmation militaire.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de l’article 70, madame la présidente. Un des députés d’extrême gauche… Il n’y a pas d’extrême gauche dans cet hémicycle ! Vous n’êtes pas à droite, tout de même ! …vient de dire, pendant que je m’exprimais, que nous étions financés par Poutine. Oh, ça va ! C’est une mise en cause personnelle et j’aimerais que ces donneurs de leçons, ces petits conseillers principaux d’éducation d’hémicycle, aient un peu de courage une fois dans leur vie et osent proclamer les mêmes choses en dehors de l’Assemblée ; nous pourrions ainsi les attaquer pour diffamation. J’ai cru qu’il allait proposer un duel ! Depuis tout à l’heure, messieurs, vous vous présentez en parangons de vertu ; vous nous expliquez que vous avez raison sur tout et vous proférez des insultes en permanence. Vous êtes insupportables ! Laissez un peu de tenue à ce débat, qui mérite d’être de haute volée. On parle de la défense de la nation : vos petits intérêts politicards, exprimez-les dehors ou taisez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour un rappel au règlement. Sur le fondement de quel article ? L’article 70, alinéa 3, pour mise en cause personnelle. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RN.) Selon M. Jacobelli, nous devrions l’accuser en dehors de l’hémicycle, afin qu’il puisse nous poursuivre en diffamation. Calimero ! Tartuffe ! Mais vous savez, monsieur Jacobelli, hier, en commission d’enquête, Mme Le Pen a passé un mauvais quart d’heure quand je l’ai interrogée (Exclamations sur les bancs du groupe RN) ;… Monsieur Saintoul… …chacun le sait et chacun a compris qu’elle était en apnée quand je lui ai posé les questions auxquelles elle devait répondre. (Rires sur les bancs du groupe RN.) Vous avez été ridicule ! Vous êtes la risée de la France ! Monsieur Saintoul, ce qui s’est passé en commission d’enquête n’a pas de rapport avec ce qui se passe dans l’hémicycle. Vous n’êtes pas en situation de poursuivre qui que ce soit, monsieur Jacobelli. Un peu de courage, pour une fois ! Ayez du courage, révolutionnaire de salon ! Je vous invite, mes chers collègues, à respecter l’article 70 de notre règlement, qui proscrit toute mise en cause personnelle – et toute injure, évidemment – des uns à l’égard des autres,… Faites preuve d’un peu de courage, monsieur Saintoul ! Ça nous changera ! …et que nous reprenions le débat. Ce qui se passe en commission d’enquête est extérieur à l’hémicycle. Poursuivons. Puis-je terminer mon propos, madame la présidente ? Non, nous allons avancer. Il y a une présidente, on la respecte ! Nous avons bien entendu ce que vous aviez à dire sur l’article 70 et sur la nécessité, qui a été rappelée par plusieurs députés, de le respecter. Je vais mettre aux voix les amendements.
(Les amendements identiques nos 881 et 882 ne sont pas adoptés.) Sur l’amendement no 169, je suis saisie par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir l’amendement no 169.
C’est l’occasion pour moi d’intervenir sur ce sujet qui est effectivement essentiel et très politique. Dans un monde de plus en plus dangereux, marqué par de plus en plus de conflits, sur une planète éruptive où les ventes d’armes n’ont jamais été aussi importantes, il est crucial que la France soit en mesure de conserver son autonomie stratégique – dont vous parlez beaucoup, monsieur le ministre –, sur le plan tant militaire que politique, dans le cadre de la politique d’intervention qu’elle mène avec les alliés qu’elle se choisit. Par conséquent, nous préférons que la France puisse rester libre et agisse essentiellement sous l’égide de l’ONU, en tant que de besoin, plutôt que de devenir un autre gendarme du monde ou le supplétif d’un gendarme du monde comme les États-Unis, au service d’une politique de l’administration américaine qui pourrait nous projeter dans des conflits qui ne sont pas les nôtres.
C’est la raison pour laquelle le groupe GDR-NUPES, le parti communiste français et moi-même – je l’ai dit lors de la campagne présidentielle – souhaitons sortir du commandement intégré de l’Otan, ce qui ne veut pas dire sortir de l’Otan. D’ailleurs, les choix qui ont conduit le général de Gaulle à le faire, en 1966, étaient liés à la situation politique de l’époque ; en même temps, il disait alors qu’il était utile et important pour la France – et pour sa sécurité – qu’elle noue des alliances et qu’elle ait des alliés pour soutenir sa politique d’intervention. Nous nous référons toujours à ce principe, mais nous disons qu’aujourd’hui, dans le contexte politique international que nous connaissons – il ne s’agit pas que de l’Ukraine –, l’administration américaine fait le choix d’une politique de tension à l’international, notamment dans la zone indo-pacifique, où elle a décidé de faire de la Chine son ennemie et de susciter des tensions très fortes avec ce pays.
Ce n’est pas le choix que fait la France, d’ailleurs, et le Président de la République a lui-même dit qu’il n’était pas opportun d’aller dans cette direction. Nous proposons donc cet amendement, et j’aurai probablement l’occasion d’intervenir à nouveau après les avis du rapporteur et du ministre afin de poursuivre mon explication.
Quel est l’avis de la commission ? Le fait d’être intégré au commandement de l’Otan n’empêche pas la souveraineté de la France. En revanche, être au cœur du dispositif apporte certains avantages ; cela permet notamment de participer à l’évolution de l’interopérabilité entre les différents membres de l’Alliance. Regardez ce qui se passe, suite à l’agression russe, concernant la réassurance du flanc Est : finalement, on se rend compte que l’Otan est vraiment le bon outil, qui rend crédible la protection de cette région. Tout à fait ! Le fait d’être dans ce commandement intégré nous permet aussi de garantir notre place. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Merci au député Roussel d’ouvrir le débat sur les alliances, notamment en ce qui concerne les mandats des Nations unies. Votre amendement est clair : il vise à évoquer dans le texte notre aptitude à mener des opérations « au sein de coalitions intervenant sous l’égide des Nations unies », plutôt qu’« avec nos alliés ».
Votre amendement donne l’impression que seules les alliances nouées dans le cadre des Nations unies sont possibles. Puisque vous défendez notre souveraineté, vous pourrez convenir que nous sommes capables de créer des formats
ad hoc en cas de besoin, tout en respectant la souveraineté des États.
Nous avons parlé de Takuba en Afrique, et il existe de nombreux formats, notamment en matière maritime. À l’ère du réchauffement climatique, nous devrons en trouver pour le Pacifique Sud, autour de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie, comportant des volets plus ou moins militarisés de sécurité civile, en fonction des catastrophes. Il ne faut donc pas s’enfermer.
Vous avez raison sur un point : à force d’être parfois obnubilés par l’Otan, on finit par en oublier la puissance et le rôle des Nations unies dans certains domaines. Pour ma part, je veux rendre hommage à l’action de nos soldats qui interviennent depuis près de vingt ans sous le mandat de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul).
C’est d’ailleurs le dernier grand engagement de la France sous casque bleu. On parle trop peu de ces missions qui sont malheureusement en difficulté pour les raisons que l’on sait. Ainsi, on évoque souvent les difficultés de la France en opérations extérieures, notamment dans le cadre de l’opération Barkhane, mais la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca) ne me semblent pas non plus dans une bonne passe. Quels que soient les pays qui les composent, les missions des Nations unies sont plus difficiles en ce moment.
Il faut aussi rendre hommage aux États africains qui participent de plus en plus à des missions, notamment à la Finul au Liban. Si vous aviez écrit « notamment dans le cadre des missions onusiennes qui restent importantes », j’aurais approuvé. En revanche, je ne peux qu’être défavorable à un amendement dont la rédaction donne l’impression que rien n’est possible hors du cadre des Nations unies. Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir permis un nouvel échange sur les mandats onusiens, qui sont importants.
La parole est à M. Fabien Roussel. Merci pour votre réponse, monsieur le ministre, mais notre proposition ne contredit pas vos propos sur des alliances possibles avec d’autres pays et dans d’autres secteurs. D’ailleurs, dans la phrase qui suit cet alinéa, il est indiqué que « la France souhaite des coopérations mutuellement bénéfiques au soutien de notre diplomatie », même si le terme d’allié n’est pas spécifiquement mentionné. Nous nous inscrivons dans ce cadre auquel va notre préférence.
Revenons sur les choix qui ont conduit la France à sortir du commandement intégré de l’Otan en 1966, à l’initiative du général de Gaulle. À l’époque, ce dernier avait argué que la structure intégrée de l’Otan engageait la France contre son gré dans les guerres des États-Unis.
Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ! C’est la question que nous devons nous poser encore aujourd’hui, quand on voit les présidents des États-Unis qui se sont succédé dernièrement – je pense notamment à M. Trump,… Il n’a déclenché aucune guerre ! …qui était d’ailleurs soutenu par l’extrême droite française et par Marine Le Pen. Souvenez-vous de la politique qu’il a pu mener, et imaginez ce que pourrait être son retour ou l’arrivée d’un président de la même veine à la tête des États-Unis ! C’est toujours mieux que Staline, non ? Dans quoi la France serait-elle alors engagée ? C’est la question que je vous pose, monsieur le ministre. Alors que nous sommes dans le commandement intégré de l’Otan, si une nouvelle administration américaine, encore plus « faucon » que ne sont les faucons de l’actuel Sénat américain, décidait d’engager ses alliés dans une guerre dans la zone indo-pacifique, que ferions-nous ? Enverrions-nous un porte-avions dans un tel conflit, alors que le Président de la République a dit dernièrement, concernant Taïwan, qu’il n’était pas opportun de s’engager dans de telles tensions ? Quelles seraient les conséquences pour nous ?
Pour notre part, nous disons : restons libres au sein de l’Otan, avec des alliés mais hors du commandement intégré afin de conserver notre pleine et entière souveraineté.
Personne n’applaudit à la NUPES ! La parole est à M. le ministre. Concernant l’appartenance au commandement intégré, vous faites état de craintes qui ne correspondent pas à la fin de votre raisonnement.
L’appartenance au commandement intégré force-t-elle l’engagement des troupes françaises ? Non, pour deux raisons : le chef des armées est autonome ; le Parlement n’est obligé en rien. En réalité, cette appartenance ne nous oblige pas à grand-chose, car nous gardons un contrôle total.
En revanche, elle nous permet de saisir des opportunités d’intervention dans des endroits clés en matière d’influence française – je ne vois d’ailleurs aucun plan B se dessiner pour de tels cas dans les propos tenus dans ces débats. Et surtout, elle nous permet de participer militairement à des planifications communes avec des voisins.
Autre grande différence avec 1966 : aucune troupe française n’est en permanence sous le commandement de l’Otan. Même l’appartenance au commandement intégré n’oblige pas à cela.
Plus tard dans notre discussion, je vais donner un avis favorable à un amendement du groupe LFI-NUPES sur le rapport annexé, pensant à celles et ceux qui travailleront et accepteront de regarder cette affaire avec distance. Dans l’une de mes précédentes interventions, j’ai employé le terme « politisé », mais je voulais dire « politicien », en référence à ceux qui donnent dans l’antiaméricanisme ou qui essaient encore de nous faire croire que cette majorité braderait la souveraineté. Ce n’est pas le cas.
Il est utile de faire le bilan de l’appartenance au commandement intégré de l’Otan et de redire à la représentation nationale ce qu’implique cette appartenance en matière d’engagements. À l’occasion, nous pouvons constater que notre Constitution est bougrement bien faite, car elle ne pousse à rien – et c’est aussi pour cela que je la défends.
Avant son retour dans le commandement intégré, voulu par le président Sarkozy, la France avait utilisé son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle pourrait le refaire demain. L’Otan fonctionne sur la base de consensus, et la France est suffisamment forte pour exercer un blocage en cas de besoin. J’ai l’intime conviction que nous devons chercher à être plus forts dans ces organisations plutôt que de vouloir nous retirer du commandement intégré de l’Otan.
Nous aussi ! La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées. Pour compléter ces intéressants débats, j’aimerais rappeler que la commission a beaucoup travaillé sur le sujet : en novembre dernier, nous avons auditionné M. Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l’Otan ; plusieurs d’entre vous ont participé à un récent déplacement à la représentation permanente de l’Organisation à Bruxelles, durant lequel nous avons pu mener des réflexions très approfondies ; les membres de la commission, notamment les députés de la France insoumise, participent aux visites régulières qui sont organisées sur le terrain des opérations.
Nous sommes ainsi allés en Lituanie, en Estonie et en Lettonie, où nous avons assisté aux missions de réassurance et de police du ciel : les dispositifs eAP (
enhanced Air Policing ) et eFP ( enhanced Forward Presence ). Nous sommes allés plusieurs fois en Roumanie où la France est nation-cadre, Bastien Lachaud y étant retourné pour s’intéresser plus spécifiquement à la condition des soldats sur place.
Rappelons aussi le rôle de l’Assemblée parlementaire de l’Otan, qui est présidée par la sénatrice française Joëlle Garriaud-Maylam et dont la délégation française est dirigée par Anne Genetet. Cette instance tient deux sessions plénières par an, mais les députés et sénateurs travaillent aussi au sein de commissions – notre collègue Jean-Marie Fiévet était encore récemment mobilisé dans le cadre de ces commissions. La France est particulièrement bien représentée au sein de cette instance.
Nous pouvons pousser plus loin la réflexion sur le bilan du retour de la France dans le commandement intégré, sachant que le sujet a déjà fait l’objet de divers travaux, dont un rapport d’information, publié en 2016, sur « l’évolution du rôle de l’Otan ».
Pour ma part, je m’étonne que vous parliez souvent de l’Otan, mais très peu des Nations unies, notamment des opérations de maintien de la paix.
On peut le rajouter dans l’amendement ! Or la France y joue un rôle important : un Français, Jean-Pierre François Renaud Lacroix, occupe le poste de secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix ; la France participe à hauteur de quelque 300 ou 400 millions d’euros par an à ces opérations dont le montant total s’élève à 5 ou 6 milliards. En outre, il serait intéressant de s’interroger sur les voies d’amélioration des opérations conduites en République démocratique du Congo, au Mali ou en Centrafrique.
Quoi qu’il en soit, je suis tout à fait disposé à approfondir le travail sur ces questions et à faire en sorte que nos travaux s’articulent au mieux avec les débats dans l’hémicycle.
La parole est à M. François Cormier-Bouligeon. Pour corroborer les propos du ministre et du président de la commission, je dirais que l’appartenance de la France à l’Otan et à son commandement intégré ne se fait évidemment pas au détriment de nos armées, mais à leur bénéfice.
Nous pouvons en témoigner pour nous être rendus auprès de nos soldats déployés en Estonie dans l’opération Lynx. Avec notre collègue Bastien Lachaud, nous nous sommes également déplacés en Roumanie, où la France est nation-cadre, auprès de nos soldats déployés dans l’opération Aigle. Dans l’un et l’autre pays, nous avons constaté que ces opérations endurcissent nos soldats et améliorent l’interopérabilité de nos armées, ce qui les prépare aux futurs conflits. Nous sommes donc favorables au maintien de la France dans ce commandement intégré.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à M. Bastien Lachaud. Il faut regarder les choses calmement et sereinement. D’un côté, il y a le point de vue strictement militaire, opérationnel : l’interopérabilité. Lors de la guerre du Golfe, en 1990, la France a pu agir en coopération avec les États-Unis sans être membre du commandement intégré de l’Otan. On était à la ramasse, quand même ! L’interopérabilité est donc une question technique. Cela étant, être membre du commandement intégré de l’Otan est un sujet politique, au sens noble du terme, et non pas un sujet technique. Il ne s’agit donc pas de discuter de l’apport de cette appartenance à nos armées. Ce n’est pas le sujet. Mais si ! Il faut poser la question suivante : quel signal la France envoie-t-elle au monde en étant membre du commandement intégré de l’Otan ? Voilà ce que nous disons.
S’agissant de l’ONU, monsieur le président de la commission, vous serez donc ravi de voter pour nos amendements : dans l’un, nous proposons que la France renforce son engagement au sein de l’ONU en prônant la création de casques bleus climatiques ; dans l’autre, nous proposons qu’elle participe aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.
Il est faux de dire que nous ne parlons pas de l’ONU.
C’est l’une des premières fois qu’on en parle ! Hier, nous avons défendu des amendements visant à revivifier l’Organisation, et vous les avez rejetés. Soyons sérieux. C’est une question politique et non pas une question technique et militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je mets aux voix l’amendement no 169.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 13
Contre 65
(L’amendement no 169 n’est pas adopté.)