XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du lundi 20 mars 2023

Sept cent onze. C’est le nombre de jours pendant lesquels notre compatriote, le journaliste Olivier Dubois, a été retenu en otage. (Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
Olivier Dubois a été kidnappé le 8 avril 2021 à Gao, dans le nord du Mali, par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, principal groupe djihadiste au Sahel, lié à Al-Qaïda. Il est aujourd’hui libre. Pour lui, pour ses confrères, pour notre pays et ses valeurs universelles, c’est une nouvelle qui nous réjouit tous. L’Assemblée nationale salue l’action de ceux qui ont contribué à sa libération et se félicite de son retour, dans les prochaines heures, sur le sol français.
(Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement applaudissent.) Je voudrais que nous lui disions ensemble notre soulagement et la joie que nous avons de le retrouver parmi nous. (Mme la présidente, Mmes et MM. les députés et Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
L’ordre du jour appelle la discussion commune et les votes sur les motions de censure déposées, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par M. Bertrand Pancher et quatre-vingt-dix membres de l’Assemblée d’une part, et par Mme Marine Le Pen et quatre-vingt-sept membres de l’Assemblée d’autre part, la Première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur l’adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l’amendement déposé par le Gouvernement.
La parole est à M. Charles de Courson.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR.) Le groupe LIOT a pris l’initiative de cette motion de censure parce que nous défendons plusieurs valeurs qui sont attaquées par ce texte sur les retraites. Nous défendons une nation française décentralisée, politiquement mais aussi socialement. Nous défendons une société solidaire qui aide chaque citoyen à trouver sa place, une république sociale telle qu’inscrite dans la Constitution. Nous défendons une société libre qui permet à chacun de choisir sa vie, y compris le moment de sa retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Au début de l’examen du projet de loi sur les retraites, nous avons parlé de déni de démocratie. Depuis, le Gouvernement a usé de toutes les manœuvres possibles pour contourner et contraindre le débat parlementaire, pour tordre les procédures.
Eh oui ! L’Assemblée nationale, seule représentante du peuple français, n’aura jamais voté sur ce projet de loi… À qui la faute ? …qui cristallise les tensions, les inquiétudes et la colère de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – M. Fabrice Brun applaudit également.)
Je veux insister sur la gravité de cet instant : notre décision de déposer une motion de censure n’a pas été prise à la légère.
(Murmures sur les bancs du groupe RE.) Notre groupe vous avait mis en garde contre la tentation du passage en force. Dès l’automne, nous avons appelé à de vraies négociations avec les partenaires sociaux. Nous avons appelé à une grande conférence sociale sur le travail et le financement du système de retraites. Nous avons toujours joué le jeu de l’écoute et du dialogue. D’ailleurs, notre groupe n’a pas voté les motions de censure précédentes.
Nous avons pris toute notre part pour éviter que notre pays se fracture encore plus. Mais ce texte a marqué la mort des engagements pris en juillet. Madame la Première ministre, relire votre discours de politique générale est cruel. Je vous cite : « Nous mènerons pour chaque sujet une concertation dense. Nous aborderons chaque texte dans un esprit de dialogue, de compromis et d’ouverture ».
C’est raté ! Vous avez échoué à rassembler, vous avez échoué à convaincre. Alors, vous avez cédé à la facilité et évité la sanction du vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LR.)
En réalité, rien ne vous obligeait à recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le courage, le respect des institutions comme de vos engagements auraient dû conduire au vote. Nous voulions voter – même les groupes de la majorité le souhaitaient. Ce vote, vous l’auriez très probablement perdu ; mais c’est la règle en démocratie !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Madame la Première ministre, vous avez décidé d’engager votre responsabilité. Nous avons décidé de prendre les nôtres, avec cette motion de censure. Pour la déposer, nous avons reçu le concours de nombreux députés d’autres groupes politiques. Je tiens à les en remercier.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Nous avons déposé cette motion de censure car vous avez clairement détourné l’esprit de la Constitution.
Tout à fait ! Vous avez fait le choix de recourir à cette fausse loi de financement rectificative de la sécurité sociale dès janvier, alors que la loi initiale était à peine votée. Une monstruosité ! La note du Conseil d’État ne nous a pas été transmise. Nous savons que certains des articles du texte sont des cavaliers sociaux : c’est le cas de l’index seniors, de dispositions relatives à la pénibilité ou à l’Agirc-Arrco. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Ce que je dis ici n’est ni anecdotique ni technique. Vous avez délibérément choisi cette procédure pour préparer un passage en force éventuel.
C’est vrai ! Cette procédure facilite le recours au 49.3 – le onzième en un an ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Le onzième, quelle honte ! Elle encadre et contraint les délais d’examen, rendant impossible tout débat serein et approfondi. Résultat : l’Assemblée nationale n’a examiné que deux articles. La faute à qui ? Et l’article 2, qu’elle a rejeté à une large majorité, a malgré tout été transmis au Sénat par le Gouvernement. Au Sénat, justement, vous avez choisi de recourir au 44.3, qui permet, par le vote bloqué, d’écourter les débats. Tout cela pour, in fine, nous priver d’un vote sur le texte issu de la commission mixte paritaire (CMP)…
Comment accepter un tel mépris du Parlement ? Comment accepter de telles conditions d’examen, sur un texte qui aura des incidences durables sur la vie de millions de nos compatriotes ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et LR.)
Si notre motion venait à être rejetée, nous userions de notre dernière arme : le recours au Conseil constitutionnel. Celui-ci tranchera en droit.
Oserais-je vous rappeler que ce projet de réforme des retraites n’a pas de légitimité démocratique ? Contrairement à ce que dit le Président de la République, les Français ne l’ont pas élu pour reporter à 64 ou à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite. Beaucoup d’entre nous ont voté pour lui au second tour par défaut.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Merci, monsieur de Courson ! Quant aux élections législatives, au premier tour, seuls 13 % des électeurs ont voté pour des candidats soutenus par le Président de la République. Et vous, vous avez fait combien ? Au second tour, vous n’avez obtenu que 250 sièges, pour former ici une minorité présidentielle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Alors qu’il fallait un vrai dialogue avec les forces politiques et les partenaires sociaux,…
Tout à fait ! …vous n’avez proposé qu’un semblant de concertation aux organisations syndicales, ajoutant au déni de démocratie politique un déni de démocratie sociale. (Mêmes mouvements.)
Le président Macron, après sa réélection, reconnaissait que « nombre de Français » l’avaient élu non pour son programme, mais « pour faire barrage à l’extrême droite. »
Et vous, vous lui faites un pont ! Il avait ajouté : « J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir ». Qu’est-il advenu de cette promesse, monsieur le Président ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Sur le fond, rappelons que le projet de loi a été vendu autour de deux arguments, la justice sociale et le financement durable de notre système de retraite.
Ils ont menti ! Le premier argument ne tient pas, vous le savez. Le report de l’âge légal de 62 à 64 ans cristallise en réalité toutes les injustices. Vous le proposiez il y a quelques années ! Parjure ! Les 17,7 milliards d’euros d’économies attendues seront essentiellement supportés par les plus modestes, ceux qui auront à travailler plus sans voir leurs pensions progresser, ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui exercent souvent des emplois pénibles, précaires, ceux qui ont des carrières hachées, principalement les femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) Tous ceux qui ont été peu reconnus durant la crise sanitaire et qui subissent maintenant de plein fouet l’inflation.
Cette réforme augmentera la précarité de nos compatriotes qui, dès 55 ans, sont souvent poussés vers la sortie, le chômage ou le RSA. Conscients d’aggraver ces inégalités, vous avez tenté d’atténuer l’injustice en introduisant des mesures cache-misère, mal calibrées, quitte à construire des usines à gaz. La promesse de pension minimum à 1 200 euros pour tous n’est qu’une illusion, voire un mensonge que l’obstination de nos collègues à demander la vérité a permis de révéler.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Après avoir dit qu’il n’avait aucun compte à nous rendre, le ministre a reconnu que la mesure ne toucherait pas 200 000 personnes, mais que 10 000 à 20 000 personnes en bénéficieraient chaque année.
(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Autre tour de passe-passe : vous avez fait croire que ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans ne cotiseraient jamais plus de quarante-trois ans. Tout ceci est faux.
Mensonge ! Parjure ! Les conditions pour bénéficier du dispositif « carrières longues » sont bien plus complexes. La réalité, c’est que dans deux tiers des cas, ces personnes devront cotiser plus de quarante-trois annuités. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES et SOC et sur quelques bancs du groupe RN.)
J’en viens à votre deuxième argument, le redressement des comptes de la branche retraite. Avant tout, je rappellerai les insuffisances de l’étude d’impact, qui ne permet pas de mesurer les incidences exactes de la réforme. Il convient ainsi de souligner l’insincérité budgétaire du texte.
Très bien ! Ainsi, les 17,7 milliards d’euros d’économies ne tiennent pas compte des effets dus à l’accroissement des dépenses sur l’assurance maladie, le RSA, les allocations chômage ou l’invalidité, que les spécialistes estiment entre le tiers et le quart des économies à réaliser. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, SOC et Écolo-NUPES.)
À l’issue de l’accord trouvé en commission mixte paritaire, les dépenses supplémentaires s’élèvent à un peu plus de 7 milliards. Tout cela mis bout à bout, il est permis de penser que votre réforme ne pourrait finalement aboutir qu’à 1 milliard d’économies par an, d’ici à 2030. Une France au bord du précipice pour 1 milliard ! La priorité serait plutôt, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, de s’attaquer au déficit de 155 milliards du budget de l’État.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Fabrice Brun applaudit également.) Ainsi, non seulement vous n’arrivez pas à atténuer l’injustice de cette réforme, mais, par ailleurs, vous n’assurez pas non plus l’équilibre du système de retraite. Au bout du compte, on s’interroge : « Tout ça pour ça ? »
Le Président de la République invente un dernier argument : il faudrait imposer la rigueur budgétaire pour ne pas perdre la crédibilité de la France sur les marchés financiers – mais c’est précisément le recours au 49.3 et la crise politique et sociale qu’il provoque qui peut affoler les marchés et faire exploser le coût de notre dette !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) Merci de conclure, mon cher collègue. Madame la Première ministre, nous vous avons proposé une porte de sortie : retirer votre projet et nous remettre au travail. Aujourd’hui, je veux vous dire notre inquiétude. Nous voyons un pays qui se déchire, des institutions bloquées et une démocratie en danger. Merci de conclure, mon cher collègue. Aujourd’hui, nous avons besoin de retrouver le chemin de l’écoute, du dialogue, du respect : respect de nos concitoyens… Merci, cher collègue. (Le micro de l’orateur, qui poursuit son discours, est coupé. – Plusieurs députés des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES s’exclament avant de se lever pour applaudir l’orateur. – M. Nicolas-Dupont-Aignan se lève et applaudit également. Les députés du groupe RN et quelques députés du groupe LR, restés assis, applaudissent.)
Je vous prie de bien vouloir quitter la tribune, mon cher collègue.
(L’orateur poursuit son discours.) Les règles de notre assemblée limitent le temps de parole de chaque orateur. Je vous demande de quitter la tribune. (Les députés des groupes LIOT, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES, restés debout, continuent à applaudir.)
La parole est à Mme Laure Lavalette.
Pourquoi sommes-nous là aujourd’hui, 20 mars 2023, prêts à censurer votre gouvernement pour empêcher une réforme des retraites dont personne ne veut ? Pourquoi ? La réponse est simple mais mérite d’être rappelée : parce que l’ego gouvernemental n’a d’égal que la contestation qu’il provoque contre lui. Cet ego, il a notamment conduit la Première ministre à utiliser onze fois le 49.3 depuis juin dernier, sans que la brutalité ne s’efface au profit de la lassitude. Madame la Première ministre, vous nous avez dit jeudi dernier, en annonçant votre onzième 49.3 sur cette réforme des retraites, que, je vous cite, « ce compromis n’est pas le projet du Gouvernement, mais le texte du Parlement ». Quel culot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. M. Nicolas-Dupont-Aignan applaudit également.)
L’utilisation que vous faites de la Constitution depuis le début de cette législature prouve que vous ne chercherez jamais à trouver le moindre compromis, ni avec les parlementaires que nous sommes, ni avec les représentations syndicales, ni, encore moins, avec les Français. Cela a commencé par l’utilisation fort contestable de l’article 47-1, qui a montré une fois de plus votre difficulté à convaincre : vous avez préféré sécuriser un texte que vous saviez rejeté par une très large majorité des Français. Cela a continué avec l’utilisation de l’article 44.3 lors des débats au Sénat, qui a permis un vote unique sur l’ensemble du texte et sur plusieurs amendements que vous avez daigné retenir. Mais les brillants constitutionnalistes que vous êtes ont oublié un article : celui qui donne la parole au seul souverain, le peuple.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je pense bien sûr à l’article 11. Le référendum aurait peut-être permis d’éviter de tomber dans cette nouvelle crise politique qui prouve que depuis les gilets jaunes, aucune leçon n’a été retenue par l’oligarchie. En démocratie, il n’est pas honteux de reculer face à la volonté du peuple. En recourant au 49.3, c’est précisément elle que vous tentez de forcer.
Mais il est trop tard, madame la Première ministre. Quelle que soit l’issue du vote de ce jour, vous aurez échoué : échoué à convaincre la représentation nationale, mais surtout, et c’est finalement cela qui compte, échoué à convaincre les Français. Si votre brutalité n’étonne plus personne, elle s’est accompagnée cette fois-ci d’une propension au mensonge et au contournement marquée et remarquée. Jusqu’au bout, et dans un cynisme absolu, vous avez tenté de dissimuler les manquements de votre projet. Cynisme quand le nombre réel de bénéficiaires de la promesse d’une retraite minimale à 1 200 euros est passé de 2 millions à 10 000. Cynisme lorsque M. Dussopt ose dire à la représentation nationale qu’il n’a aucun compte à lui rendre, foulant ainsi au pied notre Constitution.
Eh oui ! Cynisme encore, quand aucun ministre n’a daigné répondre aux questions qui se posent sur votre dispositif « carrières longues » alors qu’il tire à pile ou face la durée de cotisation de ceux qui ont commencé tôt : 43 ans ? 44 ans ? On ne comprend pas !
Bien loin du juste prix, c’est à la roue de l’infortune que vous jouez.
(Sourires.) Mais rien de moins étonnant : garder le silence et rester ambiguë était le seul moyen de tenter de vendre votre réforme, dont tout, jusqu’à la justification même de son existence, est bancal. Elle devait être inévitable,… Elle l’est ! …imposée par un prétendu déficit qui menacerait notre système de retraite par répartition et le conduirait à la faillite. Cet argument d’autorité aurait pu vous rendre la tâche bien facile ; mais tous, des économistes au Conseil d’orientation des retraites (COR), et parfois même quelques membres du Gouvernement – merci, monsieur Riester ! – l’ont désavoué. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Nous refusons que la vie des Français soit la variable d’ajustement de votre politique désastreuse. Nous ne sommes pas dupes sur les raisons qui vous poussent à chercher des économies sur leurs dos. Malgré les rodomontades de M. Le Maire, le bilan est là : plus de 600 milliards d’euros de dette à l’issue du premier quinquennat d’Emmanuel Macron ;…
Vous préférez les dettes en roubles ! …un déficit commercial de 164 milliards ; 2 millions d’emplois industriels perdus en trente ans ;… C’est faux, nous allons vers le plein emploi ! …une natalité au plus bas depuis la seconde guerre mondiale ; une fraude fiscale et sociale de 80 milliards… Dois-je continuer ?
Aux solutions fortes et courageuses, vous avez préféré le marasme et l’enlisement dans la précarisation et la diminution des droits de nos compatriotes. Vous défendez une réforme d’injustice sociale sans mesure, qui représente un pas en arrière par rapport à toutes les aspirations protectrices que notre pays a eu l’honneur de mettre en place. Que nos compatriotes le comprennent bien : le report de l’âge de départ ne les fera pas seulement travailler deux ans de plus, y compris ceux qui sont usés ; il aboutira à la régression suprême, la baisse des pensions par l’effondrement des surcotes et l’augmentation des décotes. Voilà la réalité de votre réforme !
À l’inverse, notre projet pour les retraites est clair et juste.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE .) Plus on a commencé tôt, plus on travaille dur et donc plus on part tôt. Avec Marine Le Pen, un jeune ayant commencé avant 20 ans ne cotisera pas plus de quarante annuités et pourra, s’il le souhaite, bénéficier d’une retraite bien méritée à partir de 60 ans. Eh oui ! Pour ceux ayant commencé après 20 ans, ce sera progressif, sans jamais dépasser quarante-deux annuités et 62 ans – pas une année de plus ! Comment financez-vous votre projet ? Notre projet s’accompagne de mesures de bon sens, qui auraient permis de ne jamais voir cette réforme maltraitante à l’ordre du jour. Je parle bien sûr de productivité et de natalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) Car oui, mes chers collègues, ce ne sont pas des gros mots, mais bien les fondations d’un système de retraite par répartition juste et efficace. Pour une société du plein emploi qualitatif et contre une société du plein emploi ubérisé, réindustrialisons le pays et produisons les richesses en France, donnons la priorité aux entreprises françaises dans les marchés publics,… La France aux Français : vous n’avez pas changé ! …supprimons la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui pénalise les entreprises locales et baissons les impôts de production qui nuisent à la relocalisation. Pour une société qui mesure la nécessité vitale d’une natalité forte, soutenons financièrement les Français qui souhaitent agrandir leur famille, facilitons l’accès à la propriété des jeunes couples et instituons une part fiscale pleine dès le deuxième enfant. Notre mission, votre mission, devrait être entièrement tournée vers la défense des intérêts de la France et des Français.
Cette mission ne peut s’envisager sans une approbation du peuple, je le répète, unique souverain de notre pays. La tâche du législateur n’est pas la plus aisée, mais elle est essentielle : rédiger les lois par lesquelles se manifeste la volonté souveraine. En refusant de retirer votre réforme et de passer par la voie référendaire, vous entachez tant votre honneur que notre mission de parlementaires. Je vous en conjure, madame la Première ministre, prenez un peu de hauteur !
Émile Durkheim explicitait ainsi la pensée de Rousseau : lorsque le souverain légifère sur les individus, « c’est sur lui qu’il légifère, et c’est en eux que réside cette puissance législative qui s’exerce par lui ». La loi n’est pas, et ne doit pas, être issue de la force de quelques-uns sur une masse d’individus. Il apparaît donc nécessaire qu’Emmanuel Macron, son gouvernement et vous, madame Borne, retrouviez la modestie nécessaire à la bonne application de notre Constitution, qui veut que la souveraineté nationale appartienne au peuple !
Le 21 mai 1850, lors de son discours en faveur du suffrage universel et contre un projet de loi visant à l’empêcher, Victor Hugo déclarait à la tribune de l’Assemblée :…
(Exclamations sur divers bancs.) Respectez Victor Hugo ! Ne citez pas Victor Hugo, il a combattu toutes les extrêmes ! Hugo était pour les États-Unis d’Europe, lui ! S’il vous plaît, chers collègues : écoutez l’oratrice. …« cette loi est invalide, cette loi est nulle, cette loi est morte même avant d’être née. Et savez-vous ce qui la tue ? C’est qu’elle ment ! C’est qu’elle est hypocrite dans le pays de la franchise, c’est qu’elle est déloyale dans le premier pays de l’honnêteté ! C’est qu’elle n’est pas juste, c’est qu’elle n’est pas vraie, c’est qu’elle cherche en vain à créer une fausse justice et une fausse vérité sociale ! » Je n’effacerais pas un seul de ces mots au sujet de votre funeste réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.)
Nous voici à quelques minutes d’un vote décisif. Je m’adresse à vous, chers collègues de tous bords. Votre intégrité de parlementaires n’est-elle pas heurtée par les marchandages en provenance de l’Élysée ? Comment tolérez-vous la menace d’une dissolution dès lors que le Président de la République cherche à vous convaincre ? Acceptez-vous de participer ainsi au délitement de notre démocratie ? Nous savons tous ici, sauf ceux qui sont de mauvaise foi, qu’une motion de censure n’est pas un programme commun, ni une volonté de gouverner ensemble.
Qui sait ? Elle est l’alliance de la carpe brune et du lapin rouge ! Elle est avant tout l’un des derniers moyens constitutionnels de rejeter cette réforme inutile et injuste dont l’immense majorité des Français ne veut pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) En unissant nos voix, nous exprimerons uniquement la volonté du peuple de France sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
Chers collègues, cette motion de censure est l’occasion de sortir de certaines postures idéologiques qui font tant de mal au vrai débat d’idées, quand l’intérêt supérieur de la France et des Français l’exige. Nous, députés du Rassemblement national, voterons toutes les motions de censure, car nous ne craindrons jamais les urnes et sommes prêts à y retourner !
(« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
Les Français peuvent compter sur l’ensemble des députés de notre groupe pour exercer avec détermination, sérénité et sérieux le mandat qui leur a été confié. Et c’est vers eux que je me tourne : mes chers collègues, je suis fière. Fière de siéger auprès de femmes et d’hommes que seuls la force de leurs convictions et l’amour de notre pays ont conduits ici, sans jamais dévier, sans jamais se compromettre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Fière de siéger auprès de femmes et d’hommes qui, depuis le début, ont fait honneur à leur mandat et mesurent quotidiennement l’ampleur des responsabilités qui leur ont été confiées. Fière de siéger auprès de femmes et d’hommes dont les choix et les actions ne dépendent que d’une seule chose : le souci de leur peuple et du bien commun. Votre exemplarité, mes chers collègues, ne vous demande aucun effort et prouve que rien, absolument rien, ne pourra vous détourner de ce feu ardent nourri de l’amour d’un pays et de son peuple. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) Sortez vos mouchoirs ! Fière enfin, et surtout, de siéger dans ce groupe conduit par une présidente, Marine Le Pen, qui n’a jamais eu d’autre boussole que l’intérêt des siens, des nôtres, qui a orchestré l’opposition à votre réforme délétère avec vigueur, responsabilité et dignité. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent vivement. M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également. – Plusieurs députés des groupes RE, LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES s’exclament et montrent l’horloge du doigt.) Mes chers collègues, le groupe du Rassemblement national dispose de quinze minutes de temps de parole. Je rappelle que les temps de parole sont attribués en fonction des effectifs de chaque groupe parlementaire. Alors chiche, monsieur Macron, allons à la dissolution ! Demain, nous reviendrons plus nombreux encore à l’Assemblée nationale pour donner un groupe plus puissant, voire majoritaire, à Marine Le Pen ! Plus que jamais, je suis convaincue que nous sommes la véritable alternance et qu’après vous, ce sera nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.)
La tâche est rendue particulièrement ardue par six ans de politique macroniste, mais nous sommes prêts. Prêts à rendre à la France sa fierté, celle d’avoir été une grande nation sociale éclairante dans le monde.
Ce n’est pas grâce à vous ! Prêts à donner à ce peuple fier et fort le courage de bâtir une France plus grande, une France apaisée et à l’unisson. Si nous avons désormais beaucoup à réparer, les fondations de la maison France, son peuple, demeurent intacts. Et contrairement à ce qu’ils subissent avec vous, les Français savent que nous ne ferons jamais rien sans eux et jamais rien contre eux ! Et jamais rien pour ! Bien loin des régressions sociales, économiques, culturelles et diplomatiques, nous rêvons d’une grandeur retrouvée, de prospérité et de justice. Nous rêvons que notre grand peuple fraternel et épris de liberté ne soit plus maltraité chez lui. Parce que nous sommes nous-mêmes libres de tout intérêt, financier ou étranger,… Même des emprunts russes ? …nous savons que la fatalité n’existe pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Plutôt que la bassesse de cette réforme, nous proposons aux Français de choisir la hauteur d’une vision globale et courageuse pour le pays. Vous avez changé dix fois d’avis sur les retraites ! Vivre dans une France où chacun peut trouver le bonheur partout et la justice tout le temps, voilà ce que nous voulons ! Vivre dans une France où aucune famille ne doit se priver des choses essentielles ; vivre dans une France où tous les étudiants mangent à leur faim ; vivre dans une France où les services publics sont performants ; vivre dans une France où les infirmières, les policiers, les agriculteurs ou les conducteurs de bus seraient rémunérés dignement ;… Populistes ! …vivre dans une France où tous les quartiers seraient sûrs ; vivre dans une France où l’école laisse sa chance à tous ; vivre dans une France qui n’a pas peur de créer, d’innover, et qui s’en donne les moyens. Enfin, vivre dans une France qui mesure ce qu’elle vaut, qui sait d’où elle vient et qui n’a pas peur de s’affirmer !
Nous le disons haut et fort à tous ceux qui nous font part de leur sentiment d’un acharnement inhumain de la part d’un gouvernement à la dérive : tenez bon ! Tenez bon, 2027 n’est plus si loin !
(Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) La parole est à Mme Aurore Bergé. J’ai écouté la présentation des deux motions de censure. Je n’ai pas pu m’empêcher de monter à cette tribune avec ce qui devrait tous nous réunir : notre Constitution. (« Ah ! » et rires sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Je ne pense pas que cela prête à rire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Notre Constitution est le bien commun qui devrait réunir les parlementaires ; elle permet que nos institutions soient solides – elles le sont heureusement, les deux motions de censure en sont la démonstration. Référendum ! Vous évoquez une motion de censure dite transpartisane… C’est pas mal aussi ! …compte tenu de ses signataires. Néanmoins, son caractère transpartisan… « Transpartisan » comme la République en marche ! …s’illustrera surtout au moment du vote. La question est donc de savoir à qui vous êtes prêts, ou non, à lier votre vote ou avec qui, de part et d’autre de cet hémicycle, vous êtes prêts à voter (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NUPES, LR, SOC, Écolo-NUPES, GDR-NUPES et LIOT.) C’est trop facile de laisser croire… S’il vous plaît ! Cet après-midi, on s’écoute ! Un peu de silence ! Contrairement à ce que vous avez déclaré, madame Lavalette, une motion de censure devient de facto un programme commun (« Non, c’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) ,… N’importe quoi ! …parce qu’une motion de censure, c’est la capacité à trouver une réponse alternative crédible (Applaudissements sur les bancs du groupe RE) , à dégager une autre majorité. (Mme Ségolène Amiot mime un joueur de pipeau.) En fonction de celles ou ceux qui voteront ensemble la motion de censure et s’applaudiront mutuellement (Huées sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NUPES. – M. Benjamin Saint-Huile proteste) , vous expliquerez aux Français quelle est, prétendument, la majorité alternative et quel est le gouvernement alternatif possible : avec Charles de Courson en Premier ministre, Marine Le Pen à Bercy, Mathilde Panot en ministre de l’intérieur et, à n’en pas douter, Aurélien Pradié comme ministre des relations avec le Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Tumulte sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe LR.) Ne prenez pas vos rêves pour des réalités ! Tel est le projet alternatif que vous soumettez aux Français ! (Le tumulte se poursuit.) Rien à voir ! Un peu de silence, chers collègues ! Dans toutes les autres démocraties, les grandes coalitions se forment autour d’un projet commun,… Parce que ce sont de vraies démocraties ! Vous êtes tout seuls ! Ce n’est pas glorieux… …dans le but de transformer le pays et de faire en sorte qu’il avance. Avec une motion de censure qui vise à mettre le pays à l’arrêt, à créer le blocage non seulement dans nos institutions, mais aussi dans la rue, vous proposez l’inverse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs des groupes RN et LFI-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) C’est la NUPES qui est à l’arrêt ! Retraçons ensemble les dernières semaines que nous avons vécues, parfois subies, dans cet hémicycle. Disons-le clairement, il y a d’abord ceux qui sont restés solides. Cette solidité, madame la Première ministre, c’est en premier lieu la vôtre, vous qui avez résisté avec courage et dignité, malgré les cris, malgré l’impossibilité parfois de parler ; vous vous êtes exprimée de manière claire et vous avez fait honneur à la vie politique et à la vie démocratique de notre pays ! (De nombreux députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Cette solidité, c’est aussi celle de ceux qui ont soutenu ce projet de loi essentiel pour nos compatriotes : le ministre du travail, Olivier Dussopt, que vous n’avez cessé d’invectiver, d’insulter et de piétiner au sens figuré – mais en vérité, vous aviez envie de le faire au sens propre –… C’est ce que vous faites avec les Français ! …et Gabriel Attal, qui ont défendu avec courage le projet de loi soumis à vos votes aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Oui, retraçons ces dernières semaines. D’abord, du côté gauche de cet hémicycle. Vous nous dites qu’il y a quatre groupes, mais en vérité, comment vous différencier ? Vous avez conclu un accord électoral qui a fait disparaître trois partis de gouvernement qui défendaient des valeurs communes.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Pire, lorsqu’André Chassaigne s’est levé pour dénoncer des agissements indignes, pour exprimer sa honte, pas un seul d’entre vous ne s’est levé pour l’applaudir ! Nous étions seuls, avec Les Républicains, à le faire pour condamner ce geste et applaudir votre président de groupe ! (Mêmes mouvements.) J’imagine que des petites notes et des tableaux Excel recensent les députés de la NUPES qui ne se comporteraient pas bien avec ceux de La France insoumise (Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit) – parce que votre angoisse ultime, c’est qu’une dissolution ait lieu et qu’un candidat de La France insoumise soit présenté face à vous ! Allons-y, à la dissolution ! Nous verrons bien qui seront les perdants ! Alors il ne faut surtout pas fâcher Jean-Luc Mélenchon, il faut l’applaudir lorsqu’il est à la tribune, considérer qu’il est encore député et président de parti, puisque de toute façon, c’est à lui que vous répondez en dernier ressort. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Venons-en maintenant à la motion de censure présentée par le groupe LIOT
(M. Jean-Louis Bricout applaudit) , dont la composition, particulièrement diverse, ne vous aura pas échappé. Permettez-moi de m’adresser à ceux qui, dans votre groupe, ont défendu la réforme des retraites et soutenu la candidature de François Fillon lorsqu’il prônait la retraite à 65 ans (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) : je pense en particulier à Charles de Courson, qui avait clairement assumé cette position lors de la campagne.
Il y a également le groupe Les Républicains. La vérité nous oblige à reconnaître que oui, nous avions bâti un compromis avec eux.
(« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NUPES.) Ce n’est pas un gros mot, dans la vie politique et démocratique, que de rechercher le consensus et d’établir des compromis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) C’est la force même de notre assemblée que de tout faire pour que des compromis existent. Ce compromis a été ardemment souhaité (M. Fabrice Brun proteste) et voté au Sénat, où la droite détient la majorité absolue. Le texte de la commission mixte paritaire a été voté par le président Olivier Marleix. À ceux qui affirment, de part et d’autre de cet hémicycle, que la CMP serait une vision dégradée de la démocratie, je réponds : quelle honte ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) D’après la Constitution, le texte issu de la CMP doit faire l’objet d’un vote ! Qu’en faites-vous ? Et vous, vous n’avez pas honte du 49.3 ? Nous, au moins, nous sortirons d’ici la tête haute ! Quelle honte ! La commission mixte paritaire traduit la capacité à faire travailler ensemble nos deux chambres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Est-il si difficile d’expliquer clairement aux Français que Sénat et Assemblée peuvent travailler ensemble pour faire émerger des compromis ? Qui ici, parmi ceux qui ont déjà participé à une CMP, oserait dire aux Français, en les regardant dans les yeux, qu’une CMP, c’est de la manigance ou de la manœuvre ? C’est très mauvais ! Cette intervention est un désastre ! C’est, au contraire, de la clarté et l’expression de notre capacité à dégager des compromis. Malheureusement, au sein de votre groupe, des trajectoires personnelles et des calculs individuels se sont fait jour, qui ne sont en rien motivés par l’intérêt général ou par l’intérêt des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Vous êtes spécialiste dans l’art de noyer le poisson ! Vous le savez, les demandes légitimes que vous avez formulées, notamment concernant les carrières longues, sont satisfaites dans ce texte. Non ! C’est faux ! C’est du pipeau ! Vous mentez ! Mais, pour vous, il fallait trouver un nouveau prétexte, prétexte après prétexte, pour ne pas voter la réforme. Je retiens donc ceux qui, au sein de votre parti, au sein du groupe Les Républicains, ont assumé leur vote au Sénat, puis en commission mixte paritaire, et affirment désormais dans les médias ou sur le terrain soutenir une réforme nécessaire pour le pays ;… Gouvernement de menteurs ! Minorité de menteurs ! …ceux qui expriment leur honte à l’égard de certains membres de leur famille politique prêts non seulement à voter une motion de censure transpartisane, mais à le faire aux côtés de l’extrême droite. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN. – M. Pierre Cordier proteste.) J’ai connu un parti politique où les digues vis-à-vis de l’extrême droite étaient claires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Je sais que ces voix sont très minoritaires et j’espère qu’elles le resteront, car nous avons besoin de partis républicains, qui soient clairs quant à leurs valeurs. (Mêmes mouvements.) Il faut redonner la parole au peuple ! Enfin, il y a l’extrême droite. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) Je sais que vous n’aimez pas ce terme, mais il vous caractérise au fond de vous et correspond aux valeurs que vous défendez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Que dire, en définitive, du Rassemblement national ? Tel le mime Marceau, vous gesticulez, mais vous ne parlez pas (Mêmes mouvements) , parce qu’on vous demande de vous taire ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Il ne faut surtout pas prendre le risque qu’un député du Rassemblement national s’exprime, parce que lorsque l’un de vous le fait, cela se termine par un dérapage et l’on comprend alors qui vous êtes ;… Regardez dans votre camp, madame, regardez vos ministres ! Et le bras d’honneur du ministre Dupond-Moretti ! …l’Assemblée nationale a condamné le député à l’origine d’un dérapage grave à l’encontre de l’un de nos collègues et l’a exclu de l’hémicycle durant quinze jours. (Vives protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est ce qui s’est passé pendant toute cette séquence. (Mêmes mouvements.) Et les dérapages des ministres ! Regardez vos ministres, madame ! Des bras d’honneur ont été faits à la représentation nationale ! S’il vous plaît, un peu de silence ! Écoutez Mme la présidente Bergé ! Si vous voulez parler, chers collègues, que ne l’avez-vous fait pendant les quinze jours de débats ? Pourquoi n’avez-vous pas déposé d’amendements ? C’est vrai ! Pourquoi ne vous êtes-vous pas rendus dans les médias pour assumer de porter une contradiction ? La vérité est claire : il y a une cheffe et elle seule a droit à la parole ! Les autres doivent se taire, appuyer sur le bouton et lever la main lorsqu’on le leur demande ! (Protestations et quelques huées sur les bancs du groupe RN.) Au moins, nous, nous avons une cheffe ! Voilà ce qu’est le Rassemblement national : c’est la triste vérité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Pour finir, face à moi se tiennent les trois groupes de la majorité : une majorité unie, soudée et responsable
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Huées sur les bancs du groupe RN. – M. Christophe Barthès et plusieurs députés du groupe LFI-NUPES, la main en visière, font mine de les chercher. – M. Jean-Louis Bricout tourne les pouces vers le bas) , qui a assumé et assume tous les jours, sur le terrain, ses valeurs et ses convictions. Nous le savons, défendre une réforme des retraites exige du courage,… S’il vous plaît, écoutez Mme Bergé ! …mais ce courage, la majorité l’a. Je veux rendre hommage, en particulier, à notre présidente de commission, Fadila Khattabi, ainsi qu’à notre rapporteure générale, Stéphanie Rist. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Faibles applaudissements… C’est un très mauvais discours ! J’assume, nous assumons, de défendre ce texte. Lors de la présentation des motions de censure, nous avons de nouveau entendu de fausses vérités sur l’état des comptes publics. Quel dommage venant de quelqu’un qui, comme Charles de Courson, a passé toute sa carrière et sa vie politique – sept mandats parlementaires ! – à parler de la restauration des comptes publics ! Sans cette réforme, nous aurions accumulé dans dix ans 150 milliards de déficit ! Telle est la vérité, et vous ne pouvez pas le contester ! C’est nul, tout ça ! La vérité, c’est que vous êtes une menteuse ! La justice, c’est de faire en sorte que la réforme soit adoptée, faute de quoi ce sont les Français les plus fragiles, qui ne disposent que de la solidarité intergénérationnelle pour espérer un jour bénéficier d’une retraite, qui trinqueront en premier. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Oui, cette réforme demande du courage, parce qu’il est toujours plus difficile de demander des efforts aux Français que de dire que demain on rase gratis, avec de l’argent qu’on n’a pas !
Le courage, c’était d’aller au vote ! L’argent, on l’a ! Ce sont ces efforts qui ont permis à la France d’arriver aux portes du plein emploi : le taux de chômage a été ramené à 7,2 %, alors qu’il était à près de 10 % en 2017. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) On compte 3 millions de demandeurs d’emploi ! C’est concret. C’est l’avenir des Français qui est en jeu, et la manière avec laquelle ils pourront l’appréhender plus sereinement. Plus vous parlez, plus ils seront nombreux à voter la motion ! L’avenir, c’est ce qui se dessinera à partir de ce soir : quel que soit le résultat souverain de notre assemblée, qui se prononcera en faveur de l’adoption ou du rejet de la réforme,… Non, ce n’est pas cela le sens du vote ! Si c’était oui ou non, vos collègues seraient là ! …pour ou contre la motion de censure, il y aura un après, qui relève de notre responsabilité. Pendant les débats dans cet hémicycle, combien de fois avons-nous été interpellés par des Français qui nous écrivaient ou nous disaient directement : « J’ai honte de regarder ces débats et de voir ce que l’Assemblée est devenue. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.) Ils vous interpellaient pour vous dire de partir ! « J’ai honte du bruit et du vacarme permanent. J’ai honte du tapis rouge que vous déroulez devant l’extrême droite ». Si l’extrême droite peut conclure son discours en rappelant que 2027 approche, c’est bien parce que vous êtes là et parce que vous ne formez pas un rempart, mais un marchepied ! (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Ce ne sont pas nos permanences qui sont attaquées ! Nous devons, collectivement, aller au-delà du ressentiment que la réforme provoque, au-delà de l’amertume qu’elle suscite du fait des efforts demandés. Il nous faudra ouvrir des chantiers vitaux pour l’avenir de notre pays, dans l’intérêt des Français. Je pense évidemment au travail, parce que la réforme des retraites pose fondamentalement la question du rapport au travail dans notre société, du sens de ce dernier et de la rémunération qui en découle. Vous vous moquez du monde ? Il fallait commencer par cela ! Il aurait fallu le dire avant ! C’est la question du partage de la valeur et du partage des profits que nous voulons aborder dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) C’est également la question de nos aînés et de l’autonomie : combien de familles sont-elles touchées par la dépendance et la perte d’autonomie ?
Nous avons créé la cinquième branche. La majorité dans son ensemble a déposé une proposition de loi concernant l’autonomie et le bien-vieillir : ça, c’est la vie quotidienne des Français !
À l’issue des votes de cet après-midi, dans cette assemblée que les Français ont élue, serons-nous capables de voter des textes structurants,…
Non, pas vous ! Commencez par retirer la réforme ! …avec la majorité et avec les personnes de bonne volonté, de droite comme de gauche ? De droite comme de droite ! Si vous étiez capables de quelque chose, on s’en serait aperçu ! Serons-nous capables de voter un texte inédit de soutien aux forces armées pour lutter contre le terrorisme ? Serons-nous capables de voter un texte majeur traitant de l’accès aux soins pour les plus précaires et de la défense de l’hôpital public ?
Serons-nous capables de voter notre texte sur l’autonomie ? Serons-nous capables de renforcer la trajectoire vers la planification écologique ?
Vous êtes en train d’énumérer tout ce que vous n’avez pas fait ! Serons-nous capables de décarboner l’industrie et de soutenir une industrie verte ? Serons-nous capables, ensemble,… Sans vous, oui ! …de refonder le pacte républicain et l’école ? Serons-nous capables d’assumer un discours clair au sujet de l’immigration, affirmant qu’on doit régulariser ceux qui s’intègrent par le travail, et qu’on doit expulser ceux qui enfreignent nos valeurs ? Pas l’un ou l’autre, l’un et l’autre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Face aux extrêmes, face aux alliances de circonstance que nous avons vu fleurir ces derniers jours, face aux opportunismes de tous bords, face au cynisme qui prévaut trop souvent, la réponse réside encore et toujours dans le dépassement et dans le rassemblement.
(M. François Ruffin s’exclame.) Vous avez rassemblé les Français contre vous ! Seize minutes de parole, seize minutes de cynisme ! Les Français nous ont élus et nous ont choisis ; ils sont prêts au dépassement et au rassemblement. Le rassemblement se fera contre vous ! La majorité y est prête. Que celles et ceux qui sont de bonne volonté s’engagent avec nous ! (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes Dem et HOR applaudissent également.) La parole est à Mme Mathilde Panot. Le peuple vous regarde. Jean-Luc Mélenchon vous regarde ! Il vous regarde, comme on regarde quelqu’un qui a trahi, dans un mélange de colère et de dégoût. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) La colère et le dégoût sont familiers : les Français les ont éprouvés au lendemain d’un dimanche de 2005. Depuis, ils ont déserté les urnes – ils y sont retournés parfois : ils étaient déçus en 2017, résignés en mars 2022. Ils vous ont sanctionnés en juin dernier, et vous les avez à nouveau trahis. (Mêmes mouvements.) Vous les avez trahis, en faisant comme si Emmanuel Macron avait été élu sur son programme. Vous les avez trahis, en gouvernant depuis neuf mois comme si vous étiez majoritaires. Vous les avez trahis, avec un misérable 49.3 pour faire passer une réforme dont personne ne veut. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Des traîtres, donc, mais d’un genre nouveau : de ceux qui déçoivent les espoirs qu’on n’avait jamais placés en eux – car, en avril dernier, personne ne comptait réellement sur Emmanuel Macron pour relever le pays. On prêtait une oreille distraite à celui qui parlait alors, souvenez-vous, d’une nouvelle méthode pour gouverner. Des milliers de mensonges plus tard, vous portez le coup de grâce : vous affirmez que vous n’envisagez pas l’hypothèse du 49.3… juste avant d’y recourir. Votre parole n’a plus aucune valeur.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.) Des haussements de sourcils, des rires narquois, des injures : voilà, au mieux, ce que vous récoltez dans le pays. Jamais un président n’avait voulu gouverner avec autant d’aplomb, par la colère et le dégoût.
À présent, deux Français sur trois veulent que la motion de censure aboutisse, pour faire chuter le Gouvernement avec sa réforme.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Jeudi était le premier jour de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. Vous n’avez aucune légitimité à mener cette réforme, et vous le savez. Votre défaite est d’autant plus grande que vous avez mobilisé tout un arsenal pour l’imposer de force : cinquante jours pour discuter du texte, un temps de parole limité, des petits accords de couloir, des ministres qui défilent pour parler d’une réforme juste et équilibrée, prétendument de gauche et qui ne fera pas de perdants, d’autres qui accusent les grévistes de provoquer une catastrophe écologique, agricole et sanitaire, à quoi s’ajoutent un vote bloqué au Sénat et un bras d’honneur à l’Assemblée… Pas un, deux ! Non, trois ! …pour finir par un 49.3 sous forme d’aveu de faiblesse. (Mêmes mouvements.) Quelle misère morale et politique ! Sans légitimité populaire ni légitimité parlementaire, vous avez précipité le pays dans une crise de régime. L’artisan de ce chaos est porté disparu : Emmanuel Macron se cache depuis des semaines derrière ses fusibles. Il communique uniquement par correspondance, un jour pour dire que la réforme est nécessaire, l’autre pour souhaiter que le texte « puisse aller au bout de son cheminement démocratique » – alors qu’il n’a emprunté qu’un sentier autoritaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Olivier Faure et Mme Sophie Taillé-Polian applaudissent également.) Dès le lendemain matin de son passage en force, il a fait de la France la risée du monde. Le journal conservateur Der Tagesspiegel titrait « Macron n’est pas un réformateur mais un démolisseur », et qualifiait le 49.3 de « catastrophe politique ». Pour le journal libéral The Economist : « On voit mal du positif émerger de cette pagaille. » Vous avez de belles lectures, madame Panot ! Le quotidien italien La Stampa évoque « un geste trop irréfléchi qui peut déborder L’Élysée », tandis qu’un journal danois dénonce « une bombe nucléaire déclenchée dans un chaos total ». Pour El Pais , ce 49.3 « empoisonnera la vie politique ». Vous vous convertissez donc à l’Europe ? Vous n’êtes plus anti-européens ? Enfin, le New York Times évoque « une méthode qui traduit une forme de mépris ». Oui, Emmanuel Macron fait honte à la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit aussi.)
Les Français avaient pourtant joué le jeu. Avec des syndicats unis, ils manifestaient pacifiquement depuis des semaines, faisaient grève et perdaient des jours de salaire au moment même où les prix explosent. Avec ce 49.3, Emmanuel Macron souffle à l’oreille du pays un raisonnement dangereux : en démocratie, pour être entendu, la démocratie ne suffit plus.
(M. Maxime Laisney applaudit.) Oh là là ! Que reste-t-il alors ? Le forcené de l’Élysée dégoupille une grenade et bouche toutes les issues. Il ne laisse au peuple aucune porte de sortie. Il porte l’entière responsabilité d’une explosion de colère. En démocratie, pourtant, le peuple est le seul souverain. Si Emmanuel Macron voulait réparer le pays, il pourrait annoncer un référendum ou une dissolution (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES), mais il a fait du peuple son ennemi : « un mort » – un conseiller du Président parle « d’un mort ». Qui a dit ça ? Donnez des noms ! Le roi demande un sacrifice contre le retrait de la réforme. La situation est grave et inédite dans notre histoire politique récente : jamais un président et ses ministres n’avaient autant et délibérément menacé la paix civile du pays qu’ils gouvernent. Madame la Première ministre, il faut donc vous censurer, pour l’intérêt de tous. On lit, ici et là, qu’Emmanuel Macron se rêve en Jésus-Christ. Il ressemble davantage à Caligula, cet empereur devenu ivre de son pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Vous vous enfoncez ! Camus fait dire à l’un de ses personnages : « Sans doute ce n’est pas la première fois que chez nous, un homme dispose d’un pouvoir sans limites, mais c’est la première fois qu’il s’en sert sans limites, jusqu’à nier l’homme et le monde. » Comme Caligula, le Président est saisi de démesure. Il n’écoute plus personne. Il a refusé de recevoir l’intersyndicale, ignoré des manifestations historiques depuis cinquante ans, commandé un passage en force, et se barricade désormais dans son palais. Comme lui, il désire l’impossible. Ni l’adhésion à son projet, ni l’adhésion à sa réforme ne sont de ce monde, mais il fera comme si – à croire qu’Emmanuel Macron se trompe de peuple : il croit possible de gouverner la France indépendamment des Français, indépendamment de la fureur qu’il fait naître en eux. Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Comme lui, il confond la postérité et le ridicule – comme si semer la colère et le dégoût dans le pays avait quelque chose d’original. Comme lui, il confond la force et la lâcheté – comme si pénaliser les femmes et les plus précaires, mais épargner les riches, avait quelque chose de courageux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau et M. Adrien Quatennens applaudissent également.) Avec le même cynisme que le Caligula de Camus, il dit : « Gouverner, c’est voler, tout le monde sait ça. Mais il y a la manière. Pour moi, je volerai franchement. » Quelle honte ! Oui, Emmanuel Macron volera franchement deux ans de vie à tous les Français. La colère et le dégoût comme seul programme politique : quel temps perdu, il y avait pourtant tant à faire ! Eh oui ! La sécheresse ravage le pays : 80 % des nappes phréatiques atteignent des niveaux catastrophiques. Une étude récente explique que la demande en eau douce excédera de 40 % les ressources disponibles dans les sept années à venir. Les grandes entreprises profitent de l’inflation pour gonfler leurs prix et dégager plus de marges. Pendant ce temps, les Français en sont réduits à voler dans les supermarchés. Les Français seraient des voleurs ? Excusez-vous ! Ce n’est pas au niveau, franchement ! Nous savons bien que les 12 milliards d’euros que vous cherchez pour les retraites se trouvent dans la poche des plus riches qui ne paient pas d’impôts, comme le révèle l’Institut des politiques publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
Quel temps perdu à répandre la colère et le dégoût ! Heureusement, il y a de quoi se réjouir – pas dans l’hémicycle, non, jamais, mais là-bas, au-dehors. Depuis des semaines, des millions de Français défilent dans les rues, pas pour le plaisir – car ils y perdent des plumes –, mais pour leur dignité. Ils ont ceci de différent de vous qu’ils prennent leur existence et celle des autres au sérieux.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Même si vous lui accordez bien peu de valeur, ils tiennent à la vie, à leur vie, car ils n’en ont pas d’autre. Ils tiennent à leur vie et n’ont personne, en haut, pour la défendre. Au fond, vous misiez sur un océan de dégoût pour faire passer votre réforme, mais même cela, vous n’y êtes pas parvenus. Le 49.3 a fait l’effet d’un détonateur : jeudi dernier, des centaines de milliers de gens, dans tout le pays, se sont réunis spontanément, sidérés par votre brutalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – M. Adrien Quatennens applaudit également.) Ils savent où réside la violence, la vraie : pas dans des autocollants placardés sur une permanence, mais dans le fait d’imposer deux ans ferme, de briser, d’user, d’épuiser encore davantage les corps et les nerfs.
Comme à chaque fois, vous vous servez de la police pour répandre le dégoût. En quelques jours, on a vu poindre le spectre des gilets jaunes dans le maintien du désordre. Jeudi soir, 97 % des personnes interpellées ont été relâchées sans poursuites ; 1 400 gardes à vue ont été prolongées inutilement, sans compter les jeunes manifestants humiliés, agenouillés le dos au mur et les mains sur la tête, les charges violentes et injustifiées, les nasses et les fouilles arbitraires.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
Vous tentez désespérément de relancer la machine à découragement. Vous n’y parviendrez pas, car la période a révélé aux yeux de tous une réalité insoutenable : vous ne servez à rien.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Oh ! Vous ne servez à rien, si ce n’est à nuire. Quand les éboueurs font grève dix jours, le paysage et les odeurs s’en trouvent changés. Si votre gouvernement tombait ce soir, les Français seraient simplement soulagés. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.) Madame la Première ministre, vous ne pourrez rien face à ceux qui font tout. Peu importe l’issue de la motion de censure, vous avez déjà perdu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC.) Oui ! Pour beaucoup, votre gouvernement est déjà mort. Au moment où vous passiez en force par arrogance, votre pouvoir s’est effondré. Les noms de Borne, Dussopt et autres n’inspirent aux Français qu’un haut-le-cœur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Tout dans la finesse, madame Panot ! Que proposez-vous ? L’intersyndicale donne rendez-vous jeudi pour la motion de censure populaire. Nous parlerons de votre réforme au passé, car ce n’est qu’une question de jours avant que vous ne reculiez enfin. Malgré vos efforts, personne ne se laissera envahir par le dégoût. Chacune de vos paroles est un antidote à l’impuissance et à la résignation. Le désir de battre Emmanuel Macron et sa réforme est devenu contagieux. Quelles sont vos propositions ? Même l’empereur Caligula a été vaincu – c’était après s’être regardé dans le miroir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qu’Emmanuel Macron contemple son reflet, il y verra bientôt sa chute ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent, rejoints par plusieurs députés du groupe SOC et par Mme Sandrine Rousseau. – Les députés du groupe GDR-NUPES et plusieurs députés du groupe Écolo-NUPES applaudissent également.) La parole est à M. Olivier Marleix. Oui, nous assumons qu’une réforme est nécessaire pour sauvegarder notre système de retraite et défendre le pouvoir d’achat des retraités. Le respect du travail, c’est aussi le droit à une retraite décente après une vie de travail. Oui, nous assumons avoir tempéré la réforme, avec un âge de départ à la retraite à 63 ans à la fin du quinquennat plutôt qu’à 65 ans. Vous êtes grand seigneur ! Oui, nous assumons d’en redistribuer tout de suite le bénéfice à 1,8 million de retraités ayant des carrières complètes mais percevant les pensions les plus modestes, pour leur permettre de recevoir 670 euros de plus en moyenne chaque année.
Non, nous ne nous associerons pas à ceux qui ont pour funeste slogan « tout cramer » ou « révolution ».
Vous n’êtes pas caricatural, tout dans la nuance… Nous ne voterons donc pas les motions de censure. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RE.) Nous ne nous laisserons pas entraîner par une extrême gauche qui assume de vouloir détruire les institutions de la Ve République. Nous ne serons pas les témoins de noces barbares entre ceux qui assument vouloir mettre le chaos et ceux qui, silencieux, n’ont aucune proposition pour sauver les retraites, mais espèrent tirer profit du chaos. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs du groupe RN.) Après Caligula , Les noces barbares ! Vous êtes insulté par la présidente du groupe Renaissance, et vous leur cirez les pompes ! Soyons clairs : le problème, aujourd’hui, ce n’est pas la réforme des retraites, c’est le Président de la République. Cette nécessaire réforme des retraites paye six années d’un exercice isolé – parfois narcissique, souvent arrogant – du pouvoir, comme insensible à la vie des Françaises et des Français. Ce pouvoir est soit reclus à l’Élysée, soit à des milliers de kilomètres. Vous serez balayés ! Le jour où j’ai reçu les syndicats d’EDF qui m’ont fait part de leur dépit face à l’absence d’ouverture au dialogue du Gouvernement, le président Macron était dans un bar de nuit à Kinshasa. Quel décalage ! Et pourtant vous allez le soutenir ! Nous regrettons cette méthode qui confond volonté politique et absence de dialogue réel et sincère avec les partenaires sociaux, et qui laisse place à tant de revirements et d’incohérence. Essayez de tenir vos troupes avant de donner des leçons ! Ne vous étonnez pas que les Français n’adhèrent pas à votre réforme, puisque le président Macron lui-même, il y a trois ans, la critiquait avec virulence. N’a-t-il rien retenu de la crise des gilets jaunes ? Vous n’en avez rien retenu non plus ! Sans respect des Français, des corps intermédiaires et des partenaires sociaux, rien n’est possible. Madame la Première ministre, le bras d’honneur n’est pas une méthode de gouvernement. (M. Julien Bayou applaudit.) Le chef de l’État semble ne toujours pas avoir appris ce que n’importe quel élu local sait du devoir d’écoute et de respect envers les Français. La crise que nous traversons est le produit de six années de fracturation du pays. C’est un réquisitoire ! On ne peut gouverner pendant six ans en poussant, par stratégie électorale, les électeurs de gauche dans les bras de l’extrême droite… Trois bras d’honneur ! …et les électeurs de droite dans ceux de Marine Le Pen… D’Aurélien Pradié !