XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du mercredi 10 mai 2023

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 10 mai 2023

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Débat d’orientation et de programmation des finances publiques

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat d’orientation et de programmation des finances publiques.
    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Je suis très heureux de vous retrouver à l’occasion de ce débat, dont je voudrais profiter pour faire un état des lieux des finances publiques – exposer d’où nous venons et surtout quelle stratégie le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, et moi-même vous proposons pour les quatre années à venir.
    En 2018, notre majorité a rétabli les comptes publics : nous avons diminué le niveau d’endettement du pays et, comme ce devrait être le cas dans toute l’Union européenne, ramené à moins de 3 % son déficit public, ce qui nous a permis de sortir de la procédure concernant les déficits excessifs. Nous avons ensuite connu trois crises successives : celle des gilets jaunes, où beaucoup de citoyens ont demandé à juste titre que leur travail soit mieux rémunéré ; celle du covid-19, dont nous oublions déjà qu’elle fut la crise économique la plus violente depuis celle de 1929, entraînant l’effondrement de notre produit intérieur brut ; enfin la crise inflationniste, marquée par le choc énergétique le plus brutal qui soit survenu depuis le choc pétrolier de 1973.
    Le Président de la République et la majorité ont choisi de protéger nos compatriotes, nos entreprises. Nous avons évité une vague de faillites qui aurait mis le pays à genoux, une explosion du chômage qui aurait empêché l’économie de redémarrer, faute de personnel qualifié et compétent, faute de savoir-faire. Conséquence de ce choix, entre 2019 et 2021, la dette est passée de 97 % à 113 % du PIB. Cette progression se situe du reste dans la moyenne des nations européennes : durant la même période, l’Allemagne a accru sa dette de 10 points de PIB, l’Italie de 16 points, exactement comme nous, et l’Espagne de 20 points.
    Maintenant que la pandémie est derrière nous, que l’inflation devrait commencer à refluer cet été, que nous sortons de cette succession de crises, nous connaissons un moment de vérité – le moment d’assumer nos choix. Devons-nous continuer à dépenser plus, ou rétablir nos finances publiques ? Notre choix, celui de la majorité, celui du Président de la République, est clair : nous voulons qu’elles soient, d’ici à 2027, fermement rétablies. L’autre branche de l’alternative consisterait à retrouver la très ancienne et très regrettable inclination française à toujours plus de dépenses publiques. Celle-ci plonge fort loin dans notre histoire ; elle repose sur l’illusion que la dépense serait la solution à tout, que tous nos problèmes, toutes nos difficultés s’évanouiraient à force d’argent public. Je ne crois pas que ce soit le cas. La dépense publique est bien sûr indispensable dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, la sécurité, les grands services publics ; dans d’autres, elle se révèle inutile, voire dangereuse, car contribuant à la spirale de la dette.
    Je voudrais que chacun se rappelle ici qu’au cours de l’histoire, les périodes d’instabilité politique ont toujours été précédées de grandes difficultés financières. Par le passé, les gouvernements n’ont pas toujours échappé à cet engrenage infernal, implacable : l’augmentation de la dépense entraîne celle de la dette, d’où celle des impôts, suscitant la révolte fiscale, qui nourrit à son tour la révolte politique. C’est précisément là ce que nous voulons éviter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Avec le Président de la République, avec la majorité, nous refusons cet engrenage pour la France ; nous faisons au contraire le choix volontariste, déterminé, du rétablissement des finances publiques dans les années qui viennent.
    Pour cela, il faut une stratégie : la nôtre a le mérite de la lisibilité. On peut ne pas y souscrire ; elle n’en reste pas moins claire et surtout destinée à être appliquée méthodiquement. Le premier pilier sur lequel elle repose est la croissance. En cela réside la singularité du choix opéré par la majorité : nous ne souhaitons pas faire preuve d’austérité, réduire la part de la dépense publique de manière absolue, mais la diminuer par rapport à la richesse nationale en accroissant davantage la production, c’est-à-dire par la croissance. La meilleure façon de réduire le pourcentage de dette par rapport au PIB consiste également à augmenter le volume de ce que crée la France. Cela suppose évidemment une hausse du volume de travail, d’où la réforme de l’assurance chômage et celle des retraites, dont je rappelle qu’en 2027, à elle seule, elle représentera 0,7 point de PIB supplémentaire : autant de richesse à investir,…

    M. Jean-François Rousset

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    Eh oui !

    M. Jérôme Guedj

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    C’était donc à cela que visait la réforme ? Je croyais qu’il s’agissait d’équilibrer les régimes !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …de richesse disponible pour nos compatriotes. Je profite d’ailleurs de cette intervention pour m’adresser à tous ceux qui soutiendront le 8 juin une proposition de loi visant à ramener à 62 ans, voire à 60 ans, l’âge légal de départ à la retraite. J’aurais une seule question à leur poser : quelles sont vos solutions pour sauver le système ? Comment le financeriez-vous ? Comment éviteriez-vous sa ruine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, applaudit également.)

    M. Jérôme Guedj

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    Nous avons fait vingt-cinq propositions !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Les masques tombent, monsieur le député : il vous faudrait assumer soit l’augmentation du déficit, soit l’appauvrissement des Français. Nous n’assumerons ni l’une ni l’autre, mais la prospérité, le redressement des comptes publics et l’équilibre financier, en 2030, du régime de retraite par répartition !

    M. Jérôme Guedj

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    Partageons mieux les richesses !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    J’ai étudié vos propositions : certaines prévoient de diminuer la pension des retraités, jugés trop riches.

    M. Jérôme Guedj

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    Personne n’a proposé une telle mesure !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Mais c’est à cela que reviendraient vos propositions !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Nous, compte tenu de l’inflation, nous n’estimons pas que les retraités français disposent de moyens excessifs, et nous refusons catégoriquement de restreindre les pensions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Nous continuerons de suivre cette ligne ! D’autres nous disent qu’il n’y aurait qu’à supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires. Quelle injustice ! Comment peut-on invoquer la justice sociale et envisager, en revenant sur cette mesure, de priver un ouvrier du fruit de son travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est pourquoi nous maintiendrons cette défiscalisation !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Assumez vos propositions, mesdames et messieurs les députés de la NUPES ! Vous souhaitez la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires : allez le dire aux ouvriers, aux salariés modestes qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois, à tous ceux qui bénéficient de ce dispositif, vous verrez comment vous serez reçus ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jérôme Guedj

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    C’est fébrile, tout ça !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    D’autres encore avancent que les cotisations, au fond, sont trop faibles, qu’il conviendrait d’en augmenter le montant. Parlez plus clairement : dites que vous voulez baisser les salaires !

    Mme Nadia Hai

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    C’est bien ça !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    En période d’inflation, il existe de meilleures manières de protéger le pouvoir d’achat des Français : nous refusons de diminuer leur salaire.

    M. Jérôme Guedj

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    Vous préférez les faire travailler deux ans de plus !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Une fois écartées ces mesures qui appauvriraient soit les salariés, soit les ouvriers, soit les retraités, il reste une dernière solution miracle : taxer les superprofits, taxer toujours plus les riches. C’est chose faite – c’est justice faite, serais-je tenté de dire – pour les superprofits des énergéticiens, ce qui nous rapporte plusieurs milliards d’euros par an,…

    M. Jean-François Rousset

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    Eh oui !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …nous permettant de financer le gel des prix du gaz et le plafonnement de ceux de l’électricité, autrement dit la protection de nos compatriotes face à l’augmentation de ces tarifs et plus généralement à l’inflation.

    M. Jérôme Guedj

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    Tout va bien, alors !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    S’agissant de la fiscalité des riches, Gabriel Attal a fort bien rappelé, il y a quelques jours, que le niveau des prélèvements obligatoires est plus élevé dans notre pays que partout ailleurs au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De plus, en France, 10 % des contribuables paient 70 % de l’impôt sur le revenu ; la surtaxe instaurée sur les salaires à titre provisoire, exceptionnel, est devenue permanente, entrée dans l’ordre des choses, et il n’y aura désormais pas grand monde pour y toucher. Par conséquent, cette voie ne serait pas praticable en vue de financer le régime de retraite par répartition.
    On m’objectera que nous n’aurions qu’à le faire seulement un an ou deux : comment ces recettes suffiraient-elles ensuite à compenser, des décennies durant, le déficit des régimes de retraite ? C’est pourquoi je souhaite, le 8 juin, voir écarter la proposition de loi visant à revenir à un âge légal de la retraite de 62 ans,…

    M. Jérôme Guedj

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    Ça, ça vous inquiète ! Le Gouvernement est fébrile !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous voulez seulement nourrir les divisions du pays !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …et que le courage, la lucidité l’emportent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Didier Martin

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    C’est cela, la responsabilité !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Soyons sérieux : ayons le courage d’affronter la réalité plutôt que de vendre des illusions à nos compatriotes ! Nous voulons simplement que les classes moyennes soient récompensées de leurs efforts et nous refusons de les taxer davantage : peut-être est-ce là ce qui sépare la majorité d’autres groupes au sein de cette assemblée.
    Le deuxième pilier de notre stratégie consiste à mettre un terme au bouclier énergétique et à la politique de chèques exceptionnels. Les prix du gaz ont désormais retrouvé leur niveau antérieur à la crise, de l’ordre de 50 euros le mégawattheure, ce qui légitime la fin du bouclier les concernant ; d’ici à fin 2024, nous supprimerons également le bouclier plafonnant les prix de l’électricité. Je le répète, le retour à la normale doit se traduire par la disparition des dispositifs d’exception, boucliers ou chèques : c’est une condition du rétablissement des finances publiques, car elle permettra d’économiser 30 milliards d’euros en 2025.
    Le troisième pilier, présenté avec force par le ministre délégué chargé des comptes publics, réside dans la lutte contre la fraude fiscale – et demain, contre la fraude sociale. Nos compatriotes ne comprendraient pas que les efforts qui leur sont demandés en vue de réduire les dépenses, y compris par un meilleur ciblage des aides ou par la suppression des dispositifs de protection exceptionnels, ne soient pas accompagnés d’une intensification de notre action contre la fraude, afin d’augmenter les recettes. Tel est le sens du plan exposé par Gabriel Attal.
    Le quatrième pilier n’est pas le plus simple à mettre en œuvre : il s’agit du refroidissement de la dépense publique, qui augmentera moins vite que l’inflation.

    M. Jérôme Guedj

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    Ce ne sera pas un refroidissement, mais un appauvrissement !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Pour l’État, le ralentissement atteindra en moyenne 0,8 % par an, en volume. Comme l’a rappelé il y a peu le rapporteur général du budget, cet effort sera plus important que nous ne l’avions prévu à l’origine et supérieur à celui que nous demandons aux collectivités locales, dont la dépense devra être réduite en moyenne, en volume, de 0,5 % par an.
    C’est donc un effort partagé, un effort collectif auquel l’État prend toute sa part – davantage même que ne le feront les collectivités locales. Cet effort passera par deux instruments.

    M. Jérôme Guedj

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    Cela s’appelle l’austérité. (Protestations sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    L’austérité, mesdames et messieurs les députés de la NUPES, c’est ce à quoi nous arriverons tout droit si nous suivons votre politique de dépenses publiques inconsidérées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Emmanuel Lacresse

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    Bravo !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    C’est ce à quoi nous arriverons tout droit si nous laissons la dette publique exploser. La réalité financière se rappellera à vous et elle sera cruelle. Je comprends parfaitement que vous fassiez le pari du désordre politique et de la révolte parce que les conditions financières seront dégradées…

    M. Sébastien Delogu

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    Pas du tout, ce n’est pas vrai !

    M. Jérôme Guedj

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    C’est vous qui mettez le désordre !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …mais nous, nous continuerons à faire le choix de l’ordre, de la responsabilité et du rétablissement de nos finances publiques. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) C’est ce qui différencie la majorité de la NUPES et des oppositions.
    Premièrement, la lettre de cadrage signée par la Première ministre, qui a été adressée à tous les ministres, sans exception, leur demande d’identifier 5 % de marge de manœuvre sur leur budget pour financer la transition écologique et les priorités du Président de la République,…

    M. Sébastien Delogu

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    Les marchés pour McKinsey et le fonds Marianne !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …et pour faire des économies.

    M. Thibault Bazin

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    Ça va être dur !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Personne ne doit échapper à cet effort pour garantir des financements en faveur de la transition écologique, notamment. Cela permettra de dégager 7 milliards d’euros de marge de manœuvre pour ces investissements ou la réduction de nos dépenses.
    Deuxièmement, la revue des dépenses publiques portera quant à elle sur une dizaine d’objets. Elle aura lieu chaque année jusqu’en 2027 et servira à réduire une à une les dépenses inefficaces et à économiser plusieurs milliards d’euros dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
    Au total, 30 milliards d’euros à l’horizon 2025 sur le bouclier énergie, 7 milliards d’euros grâce aux 5 % de marge de manœuvre demandés aux ministères par la Première ministre, plusieurs milliards d’euros d’économies dans le PLF pour 2024 grâce à la revue des dépenses publiques : voilà ce qui nous permet d’engager avec résolution le rétablissement des finances publiques françaises.
    Nous voulons tout simplement montrer qu’il est possible de tirer de meilleurs résultats des politiques publiques avec moins de dépenses publiques – comme nous l’avons déjà fait. Je veux m’adresser ici aux députés de la majorité, qui ont eu le courage de voter le prélèvement à la source, garantissant au contribuable un meilleur service rendu avec moins de dépense publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Mathieu Lefèvre

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    Eh oui !

    Mme Nadia Hai

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    La gauche nous avait dit que c’était impossible ! (M. Jérôme Guedj s’exclame.)

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Je veux saluer votre courage, mesdames et messieurs les députés de la majorité : vous avez mis fin aux emplois aidés – qui étaient souvent des voies de garage – et avec les aides correspondantes, vous avez préféré investir dans l’apprentissage,…

    M. Sébastien Delogu

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    Dans Uber, surtout !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …dans les lycées professionnels et dans de meilleures qualifications pour les jeunes. Le résultat, c’est que vous avez réussi à abaisser le taux de chômage des jeunes à son niveau le plus faible depuis vingt ans ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Marina Ferrari applaudit également. – M. Sébastien Delogu s’exclame.) Ce sont vos décisions en faveur d’une réduction des dépenses publiques qui ont garanti ce résultat ! La preuve est faite que la dépense publique n’est pas la réponse à toutes les difficultés de la France, et que l’on peut avoir le courage de rétablir les finances publiques tout en obtenant de meilleurs résultats sur le front de l’emploi, de la croissance et de la prospérité nationale !
    En conclusion, notre stratégie donne des résultats et devra continuer d’être appliquée avec résolution et détermination. À quoi la France doit-elle aspirer, au fond, elle qui accomplit l’exploit, avec 67 millions d’habitants, de rester parmi les dix plus grandes nations économiques de la planète ? Elle qui parvient à demeurer la nation la plus attractive pour les investissements étrangers depuis maintenant plusieurs années, elle qui innove, qui invente, qui ouvre des usines et des entreprises, qui continue à s’enrichir et à créer de la prospérité, tout en accélérant sa transition climatique, qu’est-ce qui lui permettra de rester l’une des grandes nations économiques ? Elle doit pour cela suivre un cap simple et clair, qui tient en trois mots : produire mieux, investir plus, dépenser moins.
    Produire mieux parce que c’est en ayant des produits de meilleure qualité et en investissant dans la décarbonation que nous arriverons à redresser notre balance commerciale, à produire plus d’électricité décarbonée et à rester une grande nation de production. Investir plus, parce que face aux défis de l’intelligence artificielle, du calcul quantique, de l’énergie décarbonée et de l’hydrogène vert, il est indispensable que nous préservions des marges de manœuvre pour investir dans l’innovation, comme nous le faisons avec les 54 milliards d’euros de France 2030. Dépenser moins, enfin, parce que nous refusons d’accumuler des déficits et de dépenser pour la charge de la dette, en jetant ainsi par les fenêtres de l’argent dont sont privés ensuite nos services publics, nos entreprises ou nos capacités productives. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sébastien Delogu

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    Mais bien sûr ! Et le fonds Marianne ? Et McKinsey ?

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    Voilà les propositions que nous vous faisons. Je laisse aux oppositions qui préfèrent dépenser toujours plus le triste souvenir de 1981,…

    M. Thierry Benoit

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    Ah, nous sommes le 10 mai !

    M. Bruno Le Maire, ministre

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    …avec ses nationalisations, ses dépenses toujours plus importantes et la retraite à 60 ans, qui s’était conclu par le tournant de la rigueur qu’il avait fallu prendre en 1983 parce que le Parti socialiste et le pouvoir en place n’avaient pas été responsables ! Nous refusons cette voie et choisissons la voie de la responsabilité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Jérôme Guedj

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    Ça, ce n’est pas du « en même temps » ! C’est le bon vieux RPR qui parle !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur Guedj, je vous remercie de bien vouloir faire silence.
    La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Serait-il possible que nous écoutions les ministres qui s’expriment, madame la présidente ?

    Mme la présidente

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    Je viens de le suggérer à M. Guedj, monsieur Cazeneuve. Ne tombons pas dans l’excès de zèle.

    M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

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    Vous l’avez compris, le message que nous sommes venus vous adresser avec Bruno Le Maire, dans le cadre de la présentation de ce programme de stabilité, est clair : le rétablissement de nos finances publiques ne peut être une option, il est la solution. Nous sommes en effet à un moment de bascule, celui de la fin de l’argent gratuit, qui se double d’un impératif absolu de désendettement de la France. Il nous faut désendetter notre pays pour qu’il garde le contrôle de son destin. Voilà l’objectif du programme de stabilité que nous vous présentons aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’un programme d’austérité mais d’une trajectoire de responsabilité pour les prochaines années. En la matière, ce Gouvernement et cette majorité savent de quoi ils parlent. Je rappelle qu’il y a cinq ans, mon prédécesseur Gérald Darmanin présentait avec Bruno Le Maire une amélioration très sensible de nos finances publiques. Grâce aux réformes enclenchées dès 2017…

    M. Thibault Bazin

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    Grâce à la croissance, surtout.

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …la France revenait sous les 3 % de déficit et sortait de la procédure de déficit excessif. Nous le devons aux efforts et aux réformes portés par cette majorité dès 2017 et, déjà à l’époque, par Bruno Le Maire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Nadia Hai

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    Exactement !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Puis est arrivée la crise du covid…

    M. Thibault Bazin

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    Elle a bon dos, la crise !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …et nous avons fait un choix que nous ne regrettons pas une seconde : celui de protéger les Français, notre économie, nos entreprises et nos emplois.

    Mme Ségolène Amiot

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    Mais pas nos malades !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Les études réalisées aujourd’hui le montrent de façon très claire : si nous n’avions pas mis en place le « quoi qu’il en coûte », nous aurions dépensé deux à trois fois plus en assurance chômage pour ceux qui auraient perdu leur emploi et en accompagnement pour les entreprises qui auraient fait faillite. Le « quoi qu’il en coûte » a été une décision juste du point de vue économique et du point de vue budgétaire, parce qu’il vaut toujours mieux prévenir que guérir : mieux valait investir pour permettre à notre tissu économique de tenir plutôt que devoir, ensuite, réparer les dégâts à coups de milliards.
    Alors que nous sortions de la crise du covid, nous sommes entrés dans celle de l’inflation. Nous avons alors réaffirmé notre ambition de protéger les Français, notamment au moyen du bouclier tarifaire. Aujourd’hui, nous sommes à un moment de bascule, notamment parce que les taux ont augmenté. En juin 2022, la France empruntait encore autour de 1 %, alors qu’elle emprunte aujourd’hui à plus de 3 %. Il s’agit, vous le savez, d’une tendance européenne et même mondiale. Emprunter nous coûte de plus en plus cher ; notre dette nous coûte de plus en plus cher. Face à cette envolée des taux, nous le disons clairement : nous devons reprendre le contrôle de notre dette pour rester indépendants et garder le contrôle de nos choix. Or ceux-ci sont clairs : soutenir la France qui travaille, mettre le paquet sur nos services publics et accélérer la transition verte de notre pays.
    Notre dette n’est pas gratuite. Elle doit être remboursée. Du fait de la seule remontée des taux, la charge d’intérêt de notre dette devrait s’alourdir de 10 milliards d’euros à l’horizon 2027. Ce sont 10 milliards d’euros en moins pour notre école, pour la transition écologique, pour la police, pour la justice, pour nos hôpitaux !

    M. Jean-René Cazeneuve, Rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et M. Mathieu Lefèvre

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    Eh oui !

    M. Thibault Bazin

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    Nous vous avions prévenus !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Le désendettement de la France nous permettra aussi de conserver des marges de manœuvre pour continuer à investir dans les grandes transitions que notre pays, comme l’Europe et le reste du monde, doit affronter dans les années à venir. Si nous laissions filer la dette sans rien faire dans un contexte d’augmentation des taux, la conséquence en serait l’alourdissement de la charge de remboursement. Bientôt, elle deviendra le premier budget de l’État.
    Malgré ce constat sans appel, certains responsables politiques font croire qu’il existe un chemin qui consisterait à ne jamais rien rembourser. Mais je le dis clairement : la tentation de l’ardoise magique, c’est la certitude de la faillite. Arrêtons de nous tromper d’adversaire : notre adversaire, c’est la dette, pas le sérieux budgétaire ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Nadia Hai

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    Punchline !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Je rappelle que le rétablissement des finances publiques a été engagé dès le début du précédent quinquennat, puis dès le « quoi qu’il en coûte » : le déficit était de 9 % en 2020, nous l’avons abaissé à 6,5 % en 2021, il est inférieur à 5 % en 2022 et nous le ramènerons sous la barre des 3 % à horizon 2027.

    M. Thibault Bazin

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    Vous réécrivez l’histoire.

    M. Jean-François Coulomme

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    Oh là là, quelle purge !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Bruno Le Maire l’a dit : pour poursuivre ce rétablissement, nous disposons de plusieurs leviers, notamment celui de la croissance économique. Nous assumons de tout faire pour soutenir nos entrepreneurs, nos artisans, nos commerçants, nos entreprises et tous les Français qui se lèvent le matin pour aller travailler, parce qu’ils créent de la richesse et que celle-ci nous permet aussi de bénéficier de recettes supplémentaires pour équilibrer nos comptes. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.)
    Ce qui a l’air de vous chagriner, c’est que nous ayons fait la démonstration que la politique que nous avons mise en œuvre ces dernières années, qui s’accompagnait d’une baisse d’impôts pour les entreprises, nous permet de bénéficier aujourd’hui de davantage de recettes !

    Mme Nadia Hai

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    Bien sûr !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Et qu’en ayant abaissé le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %, nous collections plus de recettes que lorsqu’il était à 33 % ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Nadia Hai

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    Excellent !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Nous faisons la démonstration que la politique consistant à surtaxer en permanence et en toute occasion se traduit par un appauvrissement budgétaire de la France, parce qu’elle crée des handicaps et des freins pour l’activité économique dans notre pays ! En la libérant, nous assurons aussi des perspectives de recettes supplémentaires.
    Le deuxième levier, ce sont les économies. Le programme de stabilité que nous vous présentons avec Bruno Le Maire cette année est différent du programme de stabilité que nous avons présenté l’année dernière. Je vais l’expliquer dans le détail aux groupes politiques qui affirment régulièrement ici vouloir nous soutenir – ou, en tout cas, vouloir agir pour le désendettement de la France et la responsabilité budgétaire.

    M. Thierry Benoit

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    Le groupe LR, disons les choses clairement !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    L’an dernier, nous avons présenté un programme de stabilité qui prévoyait un déficit de 2,9 % en 2027 ; celui que nous vous présentons aujourd’hui table sur un déficit ramené à 2,7 % en 2027. Le programme de stabilité de l’an dernier prévoyait un ratio de dette sur PIB de 112,5 % en 2027 ; celui que nous vous présentons aujourd’hui un ratio de 108,3 % en 2027 : c’est 4 points de moins que dans le précédent programme de stabilité.

    M. Thibault Bazin

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    C’est encore beaucoup.

    Mme Nadia Hai

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    Vous voterez contre la proposition de loi du 8 juin, alors !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Comment y parvenons-nous ? En maîtrisant la croissance de la dépense publique dans notre pays. Bruno Le Maire a édicté à ce sujet une règle de bon sens : nous voulons que la progression de nos dépenses corresponde à la progression de nos recettes. C’est du bon sens, du pragmatisme, et je pense que tous les Français peuvent l’entendre. Il faut réduire le poids de la dépense publique dans notre richesse nationale.
    Dans ce programme de stabilité, nous faisons passer le poids de la dépense publique de 57,5 % du PIB en 2022 à 53,5 % en 2027. Cela demande des efforts : de la maîtrise dans la progression des dépenses de même que la recherche d’économies. Mais nous avons aussi revu la répartition de l’effort par rapport à l’an dernier. Je me souviens des débats que nous avons eus l’an dernier à ce sujet ainsi que sur la loi de programmation des finances publiques.

    Mme Nadia Hai

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    Ah oui !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    S’était exprimée une critique sur certains bancs de l’hémicycle : le programme de stabilité demandait aux collectivités territoriales un effort plus grand qu’à l’État. Effectivement, dans le précédent programme de stabilité, nous prévoyions une baisse de la dépense en volume de 0,4 % pour l’État et de 0,5 % pour les collectivités locales. Nous avons entendu cette critique et, dans le programme de stabilité que nous vous présentons avec Bruno Le Maire aujourd’hui, la charge de l’effort est rééquilibrée. La baisse de la dépense en volume sera de 0,8 % pour l’État et restera inchangée, à 0,5 %, pour les collectivités territoriales. Dans ce programme de stabilité, nous demandons donc plus d’efforts à l’État qu’aux collectivités territoriales. Il faut souligner cette évolution.
    Autre choix constant : la progression des dépenses de santé – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales y sera sensible. La seule sphère de la dépense publique qui continuera de progresser – y compris en volume – dans les cinq prochaines années est celle des dépenses de santé : la hausse sera de 0,6 %, car nous faisons le choix d’investir, notamment dans l’hôpital public, dont le budget dépassera les 100 milliards. Ce n’était jamais arrivé dans l’histoire de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
    Pour parvenir à réaliser ces économies sur les dépenses de l’État, nous avons adopté une méthode, celle de la revue des dépenses publiques avec l’appui des inspections générales, qui nous permettra de tracer des pistes d’économie. La Première ministre – Bruno Le Maire l’a rappelé – a adressé un courrier à chacun des ministres leur demandant de définir une marge de manœuvre équivalant à 5 % du budget de leur ministère. Cela permettra d’éclairer les choix que nous aurons à présenter lors des assises des finances publiques et lors de l’examen des textes budgétaires, en particulier le projet de loi de finances pour 2024.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Très bien !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Dernier point, qu’a rappelé Bruno Le Maire et dont nous avons abondamment parlé ces derniers jours : la lutte contre la fraude, qu’elle soit fiscale, sociale ou douanière, est un autre levier de rétablissement des comptes publics,…

    Mme Nadia Hai

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    Eh oui !

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    …mais aussi un facteur de cohésion nationale. L’écrasante majorité des Français respecte les règles et ils attendent que tout le monde fasse de même. C’est l’objet des plans que nous présentons.
    En somme, maîtriser nos comptes pour ne pas renoncer à nos priorités, dire aux Français à quoi sert leur argent tout en leur proposant de nous aider à l’employer mieux, lutter sans relâche contre celles et ceux qui fraudent et qui sapent la confiance dans le pacte républicain, voilà notre feuille de route, et voilà quels sont les combats à mener pour servir au mieux l’intérêt des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    Mme Nadia Hai

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    Et de la dette !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Revoilà l’épouvantail de la dette, précisément !

    Mme Nadia Hai

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    Ah ! J’avais donc vu juste !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Ce programme de stabilité est placé sous le signe d’un objectif prioritaire : la réduction des déficits et de la dette. Je commencerai donc par l’objet du délit : la dette. J’entends sur différents bancs qu’il serait admis de juger nécessaires les emprunts, de juger nécessaire la dette, par exemple pour affronter la crise du covid, ou pour aider les banques à faire face à la crise des crédits hypothécaires, les subprimes – même si, en l’espèce, je pense qu’il aurait fallu les nationaliser – ou encore pour consentir des investissements sur plusieurs années.
    On nous dit alors que le problème ne tient pas à la dette mais à la charge de la dette. Étrange question, que le ministre vient de réitérer : en toute franchise, comment imaginer une dette sans charge de la dette ? L’une ne va évidemment pas sans l’autre. À ceux qui disent que cette charge nous coûte 70 milliards d’euros qu’il vaudrait mieux affecter ailleurs, aux écoles et aux hôpitaux par exemple, je demande s’ils sont prêts à se passer des 2 950 milliards que cette charge nous a permis d’emprunter ? Si oui, il faudrait bien trouver quelque part cet argent pour investir. Je suppose donc que leur réponse sera non.

    M. Daniel Labaronne

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    Il faut plus d’efficacité !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    On entend aussi dire que si la dette redevient un problème, c’est parce que les taux d’intérêt ne sont plus négatifs. J’observe que les mêmes estimaient, pendant les années où les taux d’intérêt étaient négatifs, que c’était déjà insupportable ; c’est décidément contradictoire.
    Les taux d’intérêt réels, qui tiennent compte de l’inflation, restent négatifs – entre moins 2,5 et moins 3 % pour les obligations à dix ans – et, en fin de période, ils se stabiliseront à un niveau égal à l’inflation. Évoquer les valeurs absolues de la charge de la dette pour nous effrayer davantage, en indiquant qu’elle passera de 35 milliards en 2021 à 70 milliards en 2027, c’est oublier qu’en pourcentage du PIB – qui devrait être la seule valeur de comparaison –, la charge de la dette passera de 1,9 % en 2022 à 2 % en 2027.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Et alors ?

    M. Thibault Bazin

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    Elle reste très élevée !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je ne dis pas que ce n’est pas important mais à l’évidence, si l’on tient compte de l’inflation et de l’augmentation de la richesse nationale, il y a de quoi relativiser.
    Deuxième problème : à l’épouvantail de la dette, on ajoute une baisse assumée des impôts. Or, comme le fait remarquer le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), on ne saurait baisser les impôts sans compensation, sous peine d’augmenter les déficits.

    Mme Nadia Hai

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    Ce n’est pas ce que dit le Haut Conseil !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    On aurait pu faire des choix : rendre l’impôt plus juste, revenir sur les cadeaux fiscaux offerts depuis des années aux plus riches – au point que les trente-sept personnes les plus riches de France sont soumises à une pression fiscale de 0,26 % ; je vous renvoie à l’étude que l’Institut des politiques publiques publiera en lien avec Bercy, mais je pourrais en citer d’autres. Or ce n’est pas le choix qui a été fait ; vous avez préféré baisser la dépense publique.
    Disons les choses clairement : on débat pour savoir s’il s’agit ou non d’austérité…

    M. Mathieu Lefèvre

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    Non, ce n’est pas le débat.

    Mme Nadia Hai

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    Ou peut-être n’est-ce que le vôtre… Nous, nous n’avons jamais parlé d’austérité.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    On entend dire, par exemple, qu’il ne s’agit que d’un ralentissement de la hausse des dépenses. En réalité, vous le savez, le seul chiffre qui vaille est celui de la croissance tendancielle de la dépense. Pour qu’elle permette de répondre aux besoins liés à la croissance de la population, elle devrait s’établir à 1,2 %, selon la valeur la plus faible retenue par le Gouvernement. Si vous admettez une augmentation de 0,8 % qui, de surcroît, ne vaudra même pas pour tous les postes de dépense puisque, selon Pierre Moscovici, la loi de programmation militaire, qui mobilise 413 milliards d’euros, entraînera une baisse de 1,4 % des crédits consacrés aux autres services publics, alors on aboutit à une disparition, d’ici à 2027, de 135 milliards de dépenses publiques. Comment, dans ces conditions, règlerons-nous le problème des hôpitaux, celui du logement – un problème colossal qui mérite largement un « quoi qu’il en coûte » – mais aussi celui de la santé et celui, évidemment, de la bifurcation écologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je continue en effet d’affirmer que la dette écologique est bien plus grave pour les générations à venir que la dette financière, car on ne pourra jamais ni l’étaler, ni la reporter ni l’annuler.
    Bref, la question est la suivante : comment fait-on ? Nous pensons qu’il faut une grande réforme fiscale qui rendra des recettes à l’État.

    Mme Anne Brugnera

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    Taxons, taxons, taxons !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Depuis 2017, les recettes fiscales baissent de 50 milliards chaque année, et cette baisse va s’accélérer si le Gouvernement fait ce qu’il entend faire.
    Nous pensons aussi qu’il faut revenir sur les 200 milliards d’euros d’aides accordées aux entreprises. Nous ne contestons pas les entreprises en tant que telles mais le fait qu’elles perçoivent des aides sans condition, pour un montant cumulé de 200 milliards – c’est une dépense inutile, qui ne génère aucun revenu fiscal.
    Voilà donc ce que nous proposons. En commission de la défense, le ministre Lecornu nous disait récemment qu’en matière de défense, les objectifs concrets doivent primer les contraintes budgétaires. C’est aussi vrai dans bien d’autres domaines. Nous devrions nous fonder sur les besoins écologiques et sociaux, sur ceux des services publics, pour déterminer le budget nécessaire afin d’y répondre.

    Mme Véronique Louwagie

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    Qu’on financerait comment ? Par la dette ?

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je n’ai plus le temps de répondre aux ministres sur la question des retraites. Je me contenterai de rappeler ceci : l’Insee et l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – nous expliquent que la réforme, en l’état, fera 280 000 demandeurs d’emploi supplémentaires d’ici à 2027, entraînera une baisse des salaires de 3 % et augmentera de 110 000 le nombre de bénéficiaires des minima sociaux. Je ne suis pas sûr que ce soit parfait pour le pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    Mme Nadia Hai

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    Enfin un peu de sérieux !

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Depuis 2017, notre majorité a accompli des changements structurels – je ne citerai que la baisse des impôts des entreprises et des particuliers, le soutien aux revenus du travail ou encore l’aide à la formation – qui, en six ans, ont produit deux résultats majeurs. Le premier : notre économie est devenue plus résiliente, la France est plus attractive pour les investisseurs étrangers et nous avons réamorcé son industrialisation.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Eh oui !

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    Le second : nous avons fait concrètement reculer le chômage, dont le taux s’établit à 7,2 % de la population active à la fin du premier trimestre de cette année.
    Dans le contexte des crises sanitaire et énergétique que vous connaissez, nous avons également pris des mesures conjoncturelles très fortes en faveur des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales, comme la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, le relèvement de la valeur du point d’indice de la fonction publique, la revalorisation anticipée en 2022 des prestations sociales ou encore les boucliers tarifaires et amortisseurs modérant fortement la hausse des prix du gaz et de l’électricité pour les ménages, les collectivités et les entreprises.
    Du point de vue des finances publiques, nous nous trouvons à un moment décisif et l’avenir de notre pays – je pèse mes mots – est en jeu. En effet, les politiques publiques massives qui ont été mises en place depuis 2020 pour protéger les Français et les entreprises, et que personne ici ne conteste vraiment, ont accru notre endettement de près de 15 points de PIB, comme le rappelait le ministre Bruno Le Maire. Et même si la force de notre économie facilite la réalisation de nos objectifs de redressement, avec des rentrées fiscales et sociales plus importantes que prévu – les résultats obtenus en 2022 le prouvent –, cela ne suffit pas.
    La politique monétaire se resserre pour juguler l’inflation, les taux grimpent et la charge de la dette s’est fortement accrue en 2022. Nous n’avons pas d’autre choix que de définir une trajectoire de maîtrise de nos finances publiques et de désendettement, pour protéger notre souveraineté et conserver des marges de manœuvre afin d’investir dans le réarmement régalien, l’éducation ou encore la transition écologique.
    Le programme de stabilité proposé par le Gouvernement dessine une trajectoire plus ambitieuse que celle qui figurait en septembre dernier dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, et je m’en réjouis : le déficit public serait proche de 3 % dès 2026 et s’établirait à 2,7 % – au lieu de 2,9 % – en 2027, et le niveau de dette publique refluerait chaque année de la programmation pour revenir à 108 % du PIB en 2027, soit plus de 6 points de moins que le pic atteint en 2020.
    Notre trajectoire est-elle crédible ? Oui. Hors crise exceptionnelle, notre majorité a toujours tenu ses prévisions. Nos hypothèses sont-elles réalistes ? Oui. Chaque mois apporte une confirmation de la résilience de notre économie. La maîtrise de nos dépenses est-elle ambitieuse ? Oui. Certes, elles augmenteront plus que l’inflation mais en volume, nous ferons mieux qu’au cours des décennies passées.
    La part de nos dépenses publiques dans le PIB sera ramenée en 2027 au niveau constaté en 2019. Nous devons procéder à une revue systématique de leur utilité et de leur efficience. Je salue les initiatives prises par les parlementaires et le Gouvernement, notamment la demande que la Première ministre a faite à chaque membre du Gouvernement de définir une marge de manœuvre correspondant à 5 % des crédits de leur ministère afin de documenter des économies et des redéploiements.
    Néanmoins, j’en appelle à la responsabilité de chacun car notre objectif reste très ambitieux. Il n’est plus possible d’appeler au sérieux budgétaire matin, midi et soir tout en proposant de nouvelles dépenses fiscales ou l’accroissement des dépenses existantes. Il serait paradoxal, quand on prétend définir un chemin soutenable et ambitieux pour nos finances publiques, de remettre en cause l’indispensable réforme des retraites ; c’est une question de cohérence.
    J’en appelle à la responsabilité de chacun et au travail collectif pour atteindre le plein emploi. C’est l’autre bonne manière de contribuer à la maîtrise de nos finances publiques : par le développement des assiettes fiscales et sociales de nos prélèvements obligatoires, par l’accroissement de l’activité économique et de l’emploi. Rénovation du service public de l’emploi et création de France Travail, réforme du RSA et amélioration de l’insertion des publics éloignés de l’emploi, poursuite du déploiement du contrat d’apprentissage et du contrat d’engagement jeune, adaptation de l’assurance chômage, amplification de la dynamique d’apprentissage, réforme du lycée professionnel : tous les chantiers sont lancés pour parvenir au plein emploi.
    Enfin, j’en appelle à la responsabilité de chacun au sein de l’arc républicain. Entre les extrêmes qui nient la nécessité de conduire nos finances publiques sur un chemin maîtrisé et ceux qui feignent de croire que leurs programmes et propositions ne coûtent rien, construisons ensemble l’avenir de notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales

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    Je suis très heureuse d’intervenir en tant que rapporteure générale de la commission des affaires sociales pour débattre avec vous de l’avenir de nos finances publiques. S’agissant des scénarios macroéconomiques sur lesquels se fonde ce programme de stabilité, je me réjouis que notre pays s’appuie toujours sur une croissance solide, comme en témoigne l’année 2022, meilleure que prévu. Naturellement, le scénario pour 2023 est encore empreint d’incertitudes mais il se distingue déjà par le maintien de la croissance et la poursuite des créations d’emploi, à un niveau déjà largement supérieur à celui qui précédait la crise sanitaire.
    L’effort ambitieux que nous nous fixons pour réduire notre endettement s’inscrit pleinement dans ce cadre. Pour continuer à nous financer à moindre coût, dans un contexte où les taux d’intérêt ont sensiblement augmenté, nous n’avons pas d’autre choix que de réduire notre dépendance à l’emprunt. La possibilité de nous projeter face aux défis des décennies à venir en dépend.
    La sécurité sociale n’y fait pas exception. Ce programme de stabilité confirme d’abord un fait politique et économique central : le retour en 2022 à l’excédent budgétaire des administrations de sécurité sociale, pour la première fois depuis 2019. Cet excédent devrait même s’accroître jusqu’en 2027 pour atteindre 0,9 % du PIB.
    Cela signifie d’abord que nous tournons la page de la crise covid, qui avait mis fortement à contribution notre assurance maladie. En effet, nous pouvons désormais concentrer les dépenses sur des investissements d’avenir, comme ceux liés au Ségur de la santé qui atteignent près de 13 milliards d’euros en 2022, dont plus de 10 milliards pour les seules rémunérations. Il faut y ajouter la revalorisation du point d’indice pour 2,3 milliards et un investissement de 1 milliard au titre de la compensation du travail de nuit dans les établissements de santé.
    Même si nous devons maintenir notre vigilance, l’amélioration de la situation sanitaire contribue également à la maîtrise des dépenses sociales. Cela ne nous empêche naturellement pas de soutenir nos familles et nos aînés, puisque les prestations familiales et de vieillesse ont respectivement augmenté d’environ 5 % l’an dernier. Leur indexation sur l’inflation continuera à protéger les plus vulnérables cette année et l’année prochaine.
    J’ai commencé mon propos en évoquant les réformes structurelles que nous avons menées, je pense en particulier à celles du marché du travail : elles nous permettent de dégager des marges de manœuvre importantes. Les créations d’emploi ont continué d’augmenter tandis que les dépenses d’assurance chômage ont diminué de plus de 16 % en 2022.
    La forte activité dans notre pays assure à nos administrations de sécurité sociale des recettes très dynamiques. L’an dernier, la progression de la masse salariale, de près de 9 %, s’est accompagnée d’une hausse des cotisations sociales collectées, évolution qui devrait se prolonger en 2023. Voilà autant d’illustrations concrètes des résultats de l’action que nous menons depuis six ans au service du plein emploi et de l’activité !

    M. Daniel Labaronne

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    Absolument !

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale

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    Mes chers collègues, nous devons mesurer le chemin parcouru par la sécurité sociale ces dernières années. Elle nous a protégés durant la crise sanitaire grâce à des investissements rapides d’une ampleur inédite. Notre responsabilité consiste à présent à maîtriser nos comptes sociaux. La dernière réforme des retraites s’inscrit pleinement dans cet esprit de responsabilité :…

    M. Pierre Dharréville

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    Ah, ça c’est sûr !

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale

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    …en dégageant des marges de manœuvre budgétaires, elle nous conduit à assurer un équilibre financier mais aussi à investir !
    Nous débattrons bientôt dans cet hémicycle des conclusions du Printemps social de l’évaluation, rendez-vous désormais sanctuarisé dans notre assemblée, afin de dresser un bilan des importantes mesures que nous avons adoptées. Les sujets à aborder sont nombreux : entretiens postnataux, fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, fiscalité comportementale, rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Nous devons collectivement, en tant que parlementaires, nous saisir de ce moment pour nourrir de nos idées et de nos combats les futurs budgets de la sécurité sociale. C’est également le sens de ce débat d’orientation des finances publiques, qui s’inscrit pour la première fois en amont du dépôt de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, nouvellement créée.
    Pour ma part, je m’attacherai à dessiner les grandes lignes de ce que devrait être une réforme du financement de notre système hospitalier destinée à en assurer la pleine efficacité au service des patients et de nos soignants. Monsieur le ministre délégué, j’ai bien entendu que l’hôpital sera au cœur de l’investissement public, toutefois, en tant que rapporteure générale de la commission des affaires sociales, je veillerai toujours à ce que notre protection sociale conserve toute sa crédibilité budgétaire. Les éléments dont nous débattons sont de nature très encourageante mais nous ne saurions nous en contenter. Les plans présentés par le Gouvernement pour lutter contre les fraudes fiscales et sociales doivent rappeler à chacun ses responsabilités en la matière et la nécessité de contribuer équitablement.
    Je serai également très attentive à ce que nous, parlementaires, puissions coconstruire de nouvelles solutions, au plus proche du terrain, dans un esprit animé par l’ambition et la responsabilité face aux enjeux qui sont devant nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes.

    Mme Laurence Maillart-Méhaignerie

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    Excellent Pieyre-Alexandre Anglade !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    En tant que président de la commission des affaires européennes de cette assemblée, je souhaiterais inscrire ce débat dans un contexte européen. À cet égard, je me réjouis que nous soyons réunis afin de débattre du programme de stabilité que le Gouvernement a adressé à la Commission européenne. Celui-ci ne traduit rien d’autre que l’engagement de chacun des États membres de l’Union à jouer le jeu de l’Europe,…

    M. Pierre Dharréville

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    Et de l’austérité !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    …autrement dit, à être solidaire. Or, s’il y a bien une qualité dont a fait preuve l’Union européenne ces dernières années, c’est la solidarité.
    Solidarité en son sein, d’abord : c’est le sens de l’achat commun de vaccins pour lutter contre l’épidémie de covid-19 ou encore de l’endettement commun contracté par l’Union européenne, inédit dans son histoire, qui a permis et permet encore de soutenir tous les États membres face aux conséquences économiques de cette douloureuse crise sanitaire.
    C’est ensuite la solidarité qu’elle a manifestée à l’égard des autres pays du monde. Nous pensons bien sûr à l’Ukraine : en 2023, 18 milliards d’euros d’aide financière seront mis à disposition de ce pays victime de l’agression russe. Alors que le conflit dure depuis plus d’un an et que l’Ukraine s’apprête peut-être à engager une contre-offensive dans les prochaines semaines, nous manifestons ainsi notre soutien à l’égard de son peuple. Cette solidarité se décline aussi dans d’autres actions engagées par l’Union, par exemple, pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale.
    Replacer ce débat dans un contexte européen permet aussi de battre en brèche toutes les critiques déjà entendues et que nous ne manquerons pas d’entendre sur la piètre performance française que traduirait ce programme de stabilité.
    Prenons l’inflation, sujet qui préoccupe tant de nos concitoyens. En 2022 – et ce n’est pas moi qui le dis mais les dernières prévisions économiques de la Commission européenne dont nous disposons qui l’établissent –, la France a été l’État membre dans lequel l’inflation a été la plus basse puisqu’elle s’est située plus de 3 points en dessous de la moyenne européenne.
    Et en matière d’emploi, comment ne pas considérer avec intérêt les résultats obtenus par notre pays qui connaît son plus faible taux de chômage depuis quinze ans ? Là encore, ce programme de stabilité montre que nous comptons poursuivre nos efforts puisque le Gouvernement se fixe comme objectif de passer sous la barre des 7 % avant la fin du quinquennat !
    Si nous nous tournons vers la dynamique de notre économie, que constate-t-on ? Notre pays tient bon !

    M. Pierre Dharréville

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    L’inflation aussi !

    M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes

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    La croissance, de 2,6 % en 2022, devrait se maintenir tout au long des années que couvre le programme de stabilité, en moyenne à un rythme plus élevé que celui de la croissance potentielle. Vous citez l’inflation, monsieur Dharréville, mais répétons qu’elle reste largement en dessous de celle des autres États membres. Ce n’est peut-être pas entièrement satisfaisant pour nos concitoyens, mais le fait est que l’engagement du Gouvernement permet de protéger nombre d’entre eux de ses effets.
    Voilà donc le programme de stabilité du Gouvernement, un programme dans lequel notre économie croît et le chômage diminue, gage d’espoir pour l’avenir qui nous engage collectivement à poursuivre dans cette voie.
    C’est aussi, et je tiens à conclure en évoquant cette dimension, un programme dans lequel nous faisons preuve de sérieux budgétaire. Prêter attention à notre trajectoire de finances publiques est le meilleur moyen de parer les critiques susceptibles d’être émises lors de ce débat. À ceux qui nous reprochent de dépenser sans compter, je dis : le déficit se résorbe ! Il devrait être ramené sous la barre des 3 % en 2027 quand la dette ne cesserait, elle, de diminuer tout au long de la période couverte par ce programme. À ceux qui, à l’inverse, nous accusent de faire preuve d’austérité, je réponds que nous restons, de loin, l’un des pays au monde dans lequel la dépense publique rapportée au PIB est la plus élevée. Nous n’avons pas à en rougir : ces dépenses permettent de financer notre système de santé, de soutenir nos entreprises face à la crise de l’énergie ou encore d’investir dans l’éducation, comme le Président de la République l’a montré en annonçant une revalorisation des salaires de nos enseignants. Ces dépenses ne nous feront pas dévier de notre trajectoire de redressement des comptes publics et de notre objectif de renouer avec les moins de 3 % de déficit.
    Ce sérieux est aussi un gage de respectabilité pour la France en Europe. C’est un aspect d’autant plus important que la révision des règles budgétaires européennes est en cours. Si nous voulons avoir notre mot à dire dans ce processus, nous devons démontrer que la France fait preuve de sérieux dans la manière dont elle envisage la trajectoire de ses finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme la rapporteure générale applaudit également.)

    M. Gabriel Attal, ministre délégué

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux orateurs des groupes. La parole est à M. Jean-Marc Tellier.

    M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)

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    La présentation du programme de stabilité est souvent un moment de vérité pour le Gouvernement. Forcé de donner des gages à la Commission européenne, il doit se dévoiler. C’est ainsi que nous avons pu prendre connaissance de ce que visait réellement la réforme des retraites : atteindre un objectif de croissance des dépenses publiques en volume de 0,6 %, ce qui vient d’être confirmé par M. Le Maire, monsieur le ministre délégué.
    Cette année, les différentes trajectoires de finances publiques exposées démontrent la volonté du Gouvernement d’accélérer la cure. L’objectif est simple : se conformer de nouveau aux critères désuets de Maastricht. Probablement ébranlés par la dégradation de la note française, vous entendez y aller encore plus fort. C’est ainsi que pour le déficit, vous visez désormais 2,7 % en 2027 contre 2,9 % dans le projet de loi de programmation des finances publiques, rejeté en première lecture. Pour la dette, la cible sera 108,3 %, soit 4 points de moins que ce qui était prévu il y a un an.
    Dans ce cadre, l’objectif que vous visez pour les dépenses publiques s’annonce des plus violents. Les effets le seront d’autant plus que, de manière dogmatique, vous n’actionnerez que ce seul levier. Après avoir, depuis 2017, diminué les impôts de près de 60 milliards chaque année, aucune mesure nouvelle n’est prévue sur le plan des prélèvements obligatoires alors même que s’accumulent les profits indécents et que les grandes fortunes ne font que s’enrichir. On se demande d’ailleurs où se trouve la fameuse taxe promise par le Président sur les rachats d’actions. On oscille entre deux hypothèses : promesse sans suite ou mesure au rendement insignifiant ?
    La trajectoire de prélèvements obligatoires ne mentionne pas non plus la baisse des impôts sur les successions, pourtant largement annoncée.

    Mme Véronique Louwagie

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    Si la NUPES est favorable à la baisse des impôts de succession, le monde a changé !

    M. Jean-Marc Tellier

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    Comme d’habitude, la baisse du déficit passera par des coupes dans les dépenses publiques. Là encore, vous accélérez. La loi de programmation des finances publiques prévoyait que le ratio de dépenses publiques diminue jusqu’à 53,8 %, en 2027 ; vous visez désormais 53,5 %.

    Mme Véronique Louwagie

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    Cette loi est déjà inopérante !

    M. Jean-Marc Tellier

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    Cet effort de l’État, mais aussi des collectivités locales et de la sécurité sociale, le Gouvernement le présente comme un principe de justice, un effort demandé aux administrations après les efforts demandés aux Français, notamment avec la réforme des retraites. Monsieur le ministre délégué, de qui vous moquez-vous ?
    Qui peut croire que les dépenses de l’État sont un gaspillage ? En réalité, la baisse des dépenses publiques, c’est la poursuite de la dégradation des services publics, la réduction des droits sociaux et des investissements publics, politique qui pèse sur les Français, a fortiori sur les plus modestes.
    Si l’on excepte les mesures de soutien et de relance, la croissance des dépenses publiques en volume visée pour 2023 et 2024 est de 0,3 %, puis de 0,8 % en moyenne sur la période 2025-2027, soit une moyenne annuelle 0,6 % pour les années 2023 à 2027. Jamais une hausse aussi faible n’avait été envisagée.
    À l’heure où les lois de programmation se multiplient, dans l’armée, dans la police, à l’heure où le poids de certaines dépenses non pilotables s’accroît, à l’heure où les besoins d’investissements publics augmentent, un tel objectif ne pourra être atteint qu’au prix de coupes franches opérées dans la protection sociale et les services publics. Pour la cohésion sociale, un tel programme est dangereux. Il met en jeu la crédibilité de la France, dont vous semblez tant vous soucier.
    La réforme des retraites vous a montré de manière implacable la détermination des Français à protéger leur modèle social. Leur seuil d’acceptabilité est désormais atteint et vous ne pourrez pas tirer sur la corde comme bon vous semble. Or en conditionnant vous-même la soutenabilité financière de la France à la réussite de vos réformes structurelles, vous montrez toute votre fébrilité aux marchés financiers.

    M. Daniel Labaronne

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    Mais non !

    M. Jean-Marc Tellier

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    Accélérer le désendettement de la France dans la période actuelle est un non-sens. Transformer notre pays dans une perspective écologique, sociale et solidaire impose de ne pas reproduire les erreurs du passé et de nous détourner des potions amères que préconise le dogme de l’austérité. C’est tout le contraire que vous faites avec ce programme de stabilité.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson (LIOT)

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    J’aimerais revenir sur trois points. Premièrement, vos hypothèses macroéconomiques sont clairement trop optimistes. Vous pariez sur une croissance potentielle annuelle de 1,35 %, alors que l’Union européenne table plutôt sur 1,1 %. De plus, vous prévoyez son accélération progressive, avec une progression qui s’établirait à 1,8 % en 2027. Pour y parvenir, vous estimez que le redressement de la balance commerciale augmentera le taux de croissance de 0,1 point par an, grâce à une réduction de 20 milliards d’euros du déficit commercial au cours des quatre prochaines années. Vous envisagez par ailleurs une réduction de l’écart de production – l’output gap –, qui est actuellement de l’ordre de 1,6 %, de 0,4 point par an et entendez le résorber intégralement d’ici à 2027. J’aimerais donc connaître, monsieur le ministre délégué, l’origine de cette amélioration de la compétitivité de l’économie française, qui justifierait une hypothèse aussi favorable de redressement de la balance commerciale ?

    M. Daniel Labaronne

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    De la baisse des impôts de production !

    M. Charles de Courson

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    D’autre part, prévoir que l’inflation se maintiendra sous la barre des 1,8 % en 2027 est clairement hasardeux ; le Fonds monétaire international (FMI) prévoit pour sa part 2,4 % d’inflation en France à la fin du quinquennat – cette donnée est, en réalité, difficile à mesurer.
    Deuxième observation, vous souhaitez encadrer la croissance des dépenses de l’État. Sage orientation ! Nous savons désormais dans quels postes se situeront les dépenses nouvelles : dans les programmations thématiques comme la défense, l’aide publique au développement (APD), la justice ou l’intérieur. Mais ce chiffre augmente sans cesse. Nous savons également que ces nouvelles dépenses seront affectées par la hausse de la charge de la dette. À ce sujet, vous pariez qu’en 2027 les taux d’intérêt d’emprunt de la France seront d’environ 3,4 %, alors que les autres prévisionnistes prévoient au moins 4 %. La prochaine émission de l’Agence France Trésor (AFT) est prévue à la fin du mois à 3 %, soit une augmentation de 1 point du taux d’intérêt d’ici cinq ans. Or une telle variation reviendrait à augmenter la charge de la dette de 2,4 milliards l’année suivante, et ainsi de suite. Une variation de 1 point des indices de prix à la consommation hors tabac en zone euro induit une augmentation de la charge d’intérêt d’à peu près 2,6 milliards. À titre de comparaison, le taux d’intérêt sur les obligations américaines, actuellement à dix ans, est déjà de 3,5 %. Le programme de stabilité prévoit une augmentation de 0,5 point de PIB de la charge de la dette d’ici à 2027, soit une charge des intérêts de la dette d’environ 68 milliards à la fin du quinquennat, contre 45 milliards actuellement, ce qui signifie une hausse de 23 milliards en quatre ans.
    Nous connaissons donc les postes d’augmentation des dépenses. Venons-en aux économies. Vous estimez que la réforme des retraites permettra une baisse des dépenses nettes de 8 milliards sur la période.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Réforme que vous combattez, monsieur de Courson !

    M. Charles de Courson

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    La réforme de l’assurance chômage devrait permettre, quant à elle, de réaliser 4 milliards d’économies par an, soit 12 milliards d’ici à la fin du quinquennat ; des économies bien loin du compte, qui plus est concentrées sur les dépenses sociales.
    Que vous commenciez par réduire les dépenses de la protection sociale et que vous vous acharniez, depuis le début de la législature, à rétablir les contrats de Cahors afin de limiter la hausse des dépenses des collectivités territoriales est d’ailleurs intéressant ! De cette manière, l’État continue de faire reposer le redressement des finances publiques sur l’ensemble des administrations plutôt que de se concentrer sur ses propres dérives budgétaires. Or, parmi toutes les administrations publiques, seul l’État est déficitaire, à raison de 150 milliards actuellement, alors que les collectivités territoriales et les opérateurs de la sécurité sociale ont réalisé des excédents – grâce notamment aux régimes complémentaires de retraite –, pour près de 20 milliards. C’est donc l’État, et non les collectivités locales, qui creuse le déficit des finances publiques.
    L’effort escompté paraît d’ailleurs irréalisable : en effet, une telle limitation de la croissance des dépenses n’a jamais été obtenue depuis vingt ans. Vous entendez d’ailleurs accroître l’effort en matière de dépenses alors que 2024 sera le « ventre mou » de la reprise économique, avec une croissance du PIB faible et un ralentissement de l’emploi. Enfin, je vous rappelle que la dépense publique a augmenté de 1 point entre 2017 et 2022. On ne peut donc pas dire que le passé plaide dans votre sens.
    Troisièmement, vous évoquez de nouveau une baisse des prélèvements obligatoires d’ici à la fin du quinquennat. Bien que votre discours se vante de les avoir réduits de 50 milliards entre 2017 et 2022, le taux des prélèvements obligatoires dans le PIB est resté inchangé sur la même période, à plus de 45 %. Vous n’avez donc pas réduit la pression fiscale, mais simplement utilisé des surplus pour offrir des cadeaux largement concentrés sur les grandes entreprises et les couches sociales les plus aisées.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Allez le dire aux Français qui payaient la taxe d’habitation !

    M. Charles de Courson

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    Par ailleurs, vous savez que cette politique de réduction des recettes accentue l’effort à faire sur les dépenses : réduire les recettes sans réduire auparavant les dépenses, c’est financer les baisses d’impôt par la dette ! C’est d’ailleurs ce que vous avez fait.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie de conclure, monsieur de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Avec une dette publique de 111,6 % du PIB et un déficit structurel de 4 % en 2022, vous comprendrez que nous restions très sceptiques quant à la future loi de programmation des finances publiques que vous nous proposerez prochainement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mathieu Lefèvre.

    M. Pierre Cordier

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    Le rapporteur des drapeaux !

    M. Mathieu Lefèvre (RE)

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    Entendre Charles de Courson critiquer l’augmentation de la dette et de la dépense publique et, dans le même temps, savoir qu’il rejette la réforme des retraites ne manque pas de sel !
    Le programme de stabilité démontre combien cette majorité est à la fois du côté de la protection des Français, de la liberté d’entreprendre, mais aussi du sérieux budgétaire qu’incarne notre rapporteur général, à rebours de la double impasse de l’austérité et du laxisme.

    M. Pierre Cordier

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    Les drapeaux, ça coûte cher !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Oui, cet engagement budgétaire souligne à quel point notre pays a été protecteur ces trois dernières années, en nous permettant d’éviter les faillites, le chômage et l’érosion du pouvoir d’achat des Français. Aucun autre pays n’a fait autant en faveur de ses concitoyens et de son tissu économique.

    Mme Sophia Chikirou

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    Il faut le dire aux Américains !

    M. Mathieu Lefèvre

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    À crise majeure, réponse majeure. Évidemment, cette politique a eu des conséquences sur l’endettement de la France et son niveau de dépenses publiques, mais ceux qui en critiquent l’augmentation sont les premiers à proposer des solutions bien plus onéreuses et bien moins efficaces pour les Français, à l’instar de la baisse de la TVA ou du blocage des prix ; les mêmes sont encore les premiers sinon à se féliciter, du moins à se satisfaire des conditions dans lesquelles notre économie a pu être sauvée face à la plus grave crise qu’elle ait connue depuis 1945.

    Mme Sophia Chikirou

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    Grâce aux casses sociales !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Nous reprocher l’endettement de crise, comme le fait le Rassemblement national, c’est considérer qu’il eût mieux valu mettre notre économie à genoux pendant la crise sanitaire et les Français à terre pendant la crise inflationniste. Telle n’est pas notre conception de l’économie.

    Mme Caroline Parmentier

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    D’où sortez-vous cela ?

    M. Mathieu Lefèvre

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    Surtout, cette politique interventionniste quand il le fallait a été compatible avec la poursuite de notre dynamisme économique, car elle s’est appuyée sur des fondamentaux solides depuis 2017 : une politique de l’offre qui valorise le travail par la baisse des impôts. Au passage, elle a été pour une partie substantielle financée par la contribution sur les rentes inframarginales que cette majorité a instaurée, avec David Amiel aux avant-postes.

    M. Pierre Cordier

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    Quelle majorité ?

    M. Mathieu Lefèvre

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    À l’issue de cette période exceptionnelle, il était grand temps de retrouver le chemin de l’équilibre de nos comptes. Cette majorité, qui est sortie de la procédure pour déficit excessif en 2018,…

    Mme Sophia Chikirou

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    Une majorité tellement majoritaire qu’elle doit recourir au 49.3 !

    M. Mathieu Lefèvre

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    …a réussi à ramener en 2022 le déficit à 4,7 % et la dette à 111 %.

    M. Kévin Pfeffer

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    Cent cinquante milliards de déficit !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Nous avons donc engagé, dès l’an dernier, le redressement de nos finances publiques, en dépit des injonctions de ceux qui considèrent que dépenser plus équivaut à dépenser mieux.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    Eh oui !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Nous refusons la fatalité de ce « toujours plus ». Ce redressement doit être poursuivi, non pas pour répondre aux diktats des fonds de pension mais, au contraire, dans le but de ne pas leur verser un euro de plus au titre du service des intérêts de la dette,…

    M. Jocelyn Dessigny

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    Ben voyons !

    M. Mathieu Lefèvre

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    …de reconstituer nos marges de manœuvre en cas de crise systémique, d’investir dans la transition écologique et de refuser la fatalité de l’impôt roi à laquelle tant de majorités se sont abandonnées avant nous.

    Mme Nadia Hai

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    Très bien !

    M. Mathieu Lefèvre

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    C’est pourquoi le groupe Renaissance salue l’accélération du désendettement que traduit le programme de stabilité. C’est pourquoi nous nous réjouissons également de soutenir une politique sérieuse, qui refuse les mirages d’une dépense facile à diminuer en général mais si difficile à réduire en particulier. Pour y parvenir, nous soutiendrons les mesures qui réduisent les dépenses défavorables à l’environnement, comme l’a proposé la Première ministre, qu’elles soient budgétaires ou fiscales. Nous assumons de passer d’une politique de soutien massive et généralisée, indispensable en temps de crise, à des mesures de soutien ciblées d’après-crise.
    Autour de Gabriel Attal, la majorité continuera à faire de ces Français qui travaillent dur les grands gagnants de la méritocratie laborieuse,…

    Mme Nadia Hai

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    Très bien !

    M. Mathieu Lefèvre

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    …en refusant de matraquer les classes moyennes pour financer une politique dispendieuse.

    Mme Nadia Hai

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    Eh oui !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Comme nous l’avons toujours fait, nous dénoncerons la double imposture…

    M. Jocelyn Dessigny

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    La vôtre !

    M. Mathieu Lefèvre

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    …de ceux qui prétendent prendre aux riches, tout en rêvant d’un monde sans milliardaires et qui, en réalité, s’attaquent aux Français qui ne demandent qu’à vivre de leur travail.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Il faudrait les prévenir, ils ne sont pas au courant !

    M. Mathieu Lefèvre

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    Comme nous l’avons toujours fait, nous dénoncerons la double imposture de ceux qui prétendent défendre les classes moyennes avec des propositions qui, chez leurs amis hongrois, ont contribué à des hausses de prix de 30 %, tout en refusant de voter ici les mesures qui ont eu un impact concret sur la vie des Français. Un plan Marshall pour les classes moyennes, d’un côté, et la lutte implacable contre toutes les fraudes, de l’autre. Nous considérons, contrairement à vous, qu’un euro gagné est un euro durement gagné et que solidarité rime avec exemplarité. Nous considérons aussi que les Français doivent en avoir pour leur impôt, comme l’a annoncé le ministre délégué Gabriel Attal.
    Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe Renaissance se réjouit du coup d’envoi de la saison budgétaire, refusant la fatalité d’un endettement qui n’a de limite que l’imagination taxatrice et la démagogie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme Nadia Hai

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    Excellent !

    M. Thibault Bazin

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    Ce sont des mots, ce n’est pas un plan documenté !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Lottiaux.

    M. Philippe Lottiaux (RN)

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    Dépensons mieux, dépensons moins, tout ira bien. Sans doute est-ce lié au syndrome littéraire qui s’empare de Bercy, mais le discours que vous avez tenu n’est pas sans me faire penser au Candide de Voltaire et à ce brave Pangloss répétant à qui veut l’entendre que « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». C’est, en tout cas, ce que vous tentez de vendre aux Français, mais force est de constater que cette réalité est bien loin de ce que vivent une large partie d’entre eux.
    Qu’on en juge plutôt. La dette française frôle, fin 2022, les 3 000 milliards d’euros, en progression de 732 milliards depuis fin 2017 – et ce n’est pas fini. La charge de la dette a évolué en 2022 de 33 %, pour dépasser 50 milliards ; ce sera pire encore en 2023, en raison de l’effet de la hausse des taux d’intérêt, effet renforcé par la souscription d’emprunts indexés que nous dénonçons d’ailleurs.
    Le solde des administrations publiques se situe pour 2022 à – 4,7 points de PIB, soit – 124,9 milliards. La dépense publique s’établit à 57,5 % du PIB et les prélèvements obligatoires à 45,3 %, battant tous les records, alors même que nos services publics s’écroulent. Où va l’argent ? s’interrogent, à juste titre, les Français, face à un hôpital malade, une éducation à la dérive, des services de proximité qui continuent de disparaître et une insécurité qui devient endémique.
    Le plein emploi ? Parlons-en. Vous avez trouvé une solution simple pour baisser le chômage : il suffit de faire disparaître les chômeurs, en changeant les conditions de catégorisation et d’indemnisation.

    M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général

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    C’est faux !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Si, c’est une réalité !

    M. Philippe Lottiaux

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    L’inflation, notamment sur les produits alimentaires, pèse sur le pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles comme des classes moyennes. Quant à la balance commerciale, elle connaît en 2022 son pire déficit de l’histoire, qui s’établit à – 163,6 milliards d’euros,…

    Mme Nadia Hai

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    La seule question, c’est : Et le programme de Marine Le Pen ?

    M. Philippe Lottiaux

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    …soit le double par rapport à 2021. Certes, cela s’explique en partie par la hausse de l’énergie mais sans les dépenses énergétiques et celles de matériels militaires, le déficit atteint tout de même près de 75 milliards d’euros. Sans anticiper sur le débat de ce soir, il n’y a pas de quoi pavoiser !
    Vous nous parlez de responsabilités, de prospérité, de production, de confiance en l’avenir. Nous ne sommes déjà plus dans le monde de Voltaire, mais dans celui de Walt Disney, lorsque le serpent Kaa, dans Le Livre de la jungle, chantait : « Aie confiance, crois en moi ».

    M. Thibault Bazin

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    C’est qui, Baloo ?

    Mme Nadia Hai

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    Vous avez de sacrées références !

    M. Jocelyn Dessigny

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    On se place à votre niveau !

    M. Philippe Lottiaux

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    Le problème est que les Français n’ont plus confiance : ni dans vos incantations au dialogue qui se terminent toujours par un 49.3, ni dans vos prévisions, ni dans votre parole. Or on ne construit pas la France de demain contre les Français, on ne bâtit pas des orientations avec une France désorientée. L’agence Fitch en a d’ailleurs tiré des conclusions et a abaissé la note de la France à AA –.
    Il faut redonner espoir aux Français, par des actes forts. Vous dressez, à travers le programme de stabilité, une trajectoire qui se veut garante du redressement des finances publiques. Pourtant, cette trajectoire n’est pas forcément réaliste. Le Haut Conseil des finances publiques, qui n’est pourtant pas votre plus farouche opposant, indique lui-même que vos prévisions sont, je cite, « optimistes » pour 2023 et 2024 et que le scénario pour 2025 à 2027 est nettement plus favorable que celui de la Commission européenne. Il ajoute que vos hypothèses reposent sur un « effort de maîtrise de la dépense inédit » mais très « partiellement documenté[s] » et sur une hausse de la consommation des ménages nettement supérieure à celle enregistrée avant la crise sanitaire.
    Comment tabler sur une hausse de la consommation sans confiance, alors que les Français sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à boucler leurs fins de mois et à s’inquiéter pour leur avenir ? Comment tabler sur une maîtrise inédite de la dépense, face aux besoins que vous avez rappelés, monsieur le ministre délégué, en faveur des hôpitaux, de l’éducation, du patrimoine, et face à des lois de programmation qui comportent, à juste titre, des hausses sensibles de dépenses ? Bien sûr, il faut redresser nos finances. Mais pour ce faire, il faut des remises à plat profondes, à même de créer de nouvelles recettes et de réduire les dépenses inutiles.

    Mme Nadia Hai

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    Lesquelles ?

    M. Philippe Lottiaux

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    Les pistes existent.

    Mme Nadia Hai

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    Nous vous écoutons !

    M. Philippe Lottiaux

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    D’abord, la lutte contre les fraudes – vous avez évoqué des mesures qui restent encore bien floues. Nous avons présenté ce matin un programme complet et ambitieux, afin de lutter contre les fraudes sociales et fiscales, qui représentent plusieurs milliards d’euros.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Ce ne sont que des mots !

    M. Philippe Lottiaux

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    Ensuite, le coût lié à l’immigration : le coût direct pour la prise en charge des mineurs non accompagnés qui se monte à 50 000 euros par an et par jeune…

    M. Kévin Pfeffer

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    Eh oui !

    M. Philippe Lottiaux

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    …alors qu’ils sont souvent aussi mineurs que vous et moi, de l’aide médicale d’État (AME) ou encore du travail illégal, et les coûts induits en matière de sécurité ou de justice notamment.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Que des mots !

    M. Philippe Lottiaux

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    Non, ce sont des réalités ! Pas moins de 24,9 milliards ont été engagés en 2022 et 31,6 milliards en 2023 pour financer les boucliers tarifaires sur l’électricité et le gaz, afin de payer les erreurs commises en matière énergétique par le passé et votre refus de sortir du marché européen, pour ne pas déplaire à vos amis Allemands.

    Mme Nadia Hai

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    Oh là là !

    M. Philippe Lottiaux

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    Sans ce dispositif et sans la réduction de la TVA sur l’énergie que nous vous réclamons, les Français continueront d’être étranglés.
    Il y a donc aussi l’inflation normative et les doublons administratifs, qui coûtent des milliards au budget de l’État, aux entreprises et aux collectivités – ces collectivités que vous souhaitez à nouveau contraindre et mettre à contribution, alors que, contrairement à vous, elles doivent équilibrer leur budget. À cela s’ajoutent les mesures que vous avez prises, qui dissuadent les maires de construire, et celles que vous refusez de prendre, qui nous mèneront à court terme à une grave crise de l’immobilier et du secteur du bâtiment.

    Mme Nadia Hai

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    Pour dire n’importe quoi, on peut aller chercher n’importe qui !

    M. Philippe Lottiaux

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    Sénèque disait : « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va ». Vous vous accrochez à des mots, mais vous ne savez pas où vous allez. Sortez du déni, et n’endormez pas les Français : ils ne sont plus dupes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Nadia Hai

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    Quel gloubi-boulga !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud (LFI-NUPES)

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    Il est toujours amusant de voir des capitalistes nous donner des leçons de bonne gestion des finances publiques.

    Mme Nadia Hai

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    Des capitalistes ! (Sourires.)

    M. David Guiraud

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    On se croirait dans un livre mal écrit – pas celui de M. Le Maire, dont je parlerai tout à l’heure : on connaît déjà la fin en lisant les premières pages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Si je gagnais 1 euro chaque fois qu’un libéral me parle de la dette pour justifier la privatisation totale de notre économie, je serais déjà millionnaire !

    Mme Nadia Hai

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    Comme M. Mélenchon ?

    M. David Guiraud

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    Aujourd’hui encore, vous nous servez le même refrain. J’aimerais m’éloigner quelques instants de ce débat qui a certes son importance, celui de l’utilité de la dette pour un État qui veut investir, protéger, éduquer ou soigner sa population, mais sur lequel M. le président Coquerel s’est déjà exprimé. La charge de la dette augmente, dites-vous. C’est terrible !

    Mme Nadia Hai

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    C’est factuel !

    M. David Guiraud

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    Voyons alors pourquoi elle augmente. C’est assez simple : premièrement, parce que vous êtes capitalistes, deuxièmement parce que vous êtes des mauvais capitalistes.

    Mme Véronique Louwagie

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    Il y a donc des bons et des mauvais capitalistes ?

    M. David Guiraud

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    Vous avez eu l’idée aussi grotesque que stupide d’emprunter massivement sur les marchés financiers à des taux indexés sur l’inflation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Douze pour cent de notre dette totale sont calibrés sur l’inflation. Cela signifie qu’à chaque augmentation des prix, la charge de la dette, passée à 43 milliards d’euros de 2017 à 2022, s’accroît. Si l’inflation augmente de 1 point en France et dans la zone euro sur un an, l’État doit débourser 2,5 milliards de plus. Savez-vous combien nous coûte cette indexation ? Quinze milliards en 2022, et autant en 2023. Au fait, à combien estimiez-vous le déficit du système de retraite pour 2030 ? (« Ah ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Ségolène Amiot

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    Bonne question !

    M. David Guiraud

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    Il serait inférieur : 13 milliards. En définitive, derrière nos débats politiques, une partie de nos malheurs communs réside dans le fait que vous êtes des incompétents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Nadia Hai

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    Je préférais Éric Coquerel !

    M. David Guiraud

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    Comment peut-on être fou au point de continuer à emprunter avec des obligations indexées sur l’inflation ? Que vous passe-t-il par la tête pour continuer à émettre 2 milliards d’euros d’emprunts indexés sur l’inflation en janvier 2022, 1,5 milliard en février 2022, 5 milliards en mai – avec une inflation de 5 % – et 1 milliard en septembre, avec une inflation de 5,6 % ? Au total, plus de 16 milliards d’euros d’emprunts ont été indexés sur l’inflation en 2022. Cela ne va pas !
    En 2023, 7 milliards sont déjà indexés de la sorte. Pire, M. Le Maire ne cesse de se vanter que la France a l’inflation la plus faible d’Europe ; mais au lieu d’indexer les emprunts sur l’inflation française, il l’a fait sur l’inflation européenne, qui est encore plus soutenue. En résumé, M. Le Maire est sûrement un fin écrivain, mais c’est un ministre médiocre. Il faut croire qu’il accorde plus d’importance aux courbes des fesses des dames qu’aux courbes des prix. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Nadia Hai

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