Première séance du mercredi 14 juin 2023
- Présidence de Mme Caroline Fiat
- 1. Coulée de boue en vallée d’Aspe
- 2. Régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- Mme Julie Laernoes
- M. Clément Beaune, ministre délégué
- Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
- Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES)
- M. Yannick Monnet (GDR-NUPES)
- M. Antoine Armand (RE)
- M. Alexis Jolly (RN)
- M. René Pilato (LFI-NUPES)
- Mme Virginie Duby-Muller (LR)
- M. Romain Daubié (Dem)
- M. Thierry Benoit (HOR)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article unique
- Mme Émilie Bonnivard
- Amendements nos 1 et 2
- Titre
- Amendement no 3
- Article unique
- Vote sur l’ensemble
- 3. Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels
- Discussion des articles (suite)
- Après l’article 2
- Amendements nos 1, 2, 3, 98, 269, 562, 834 et 983
- Sous-amendement no 1178
- Amendements nos 1083, 167, 75 et 968, 967
- M. Frédéric Valletoux, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- Amendements nos 794, 71, 72, 970 et 973
- Sous-amendement no 1161
- Amendements nos 971, 972, 235, 234, 797 et 969
- Article 2 bis
- Après l’article 2 bis
- Amendements nos 298, 793, 979, 1006 et 980, 981, 1091
- Article 2 ter
- Amendement no 617
- Article 2 quater
- M. Serge Muller
- Amendements nos 771, 1077 et 1162
- Sous-amendement no 1167
- Article 2 quinquies
- Après l’article 2
- Discussion des articles (suite)
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Coulée de boue en vallée d’Aspe
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Merci, madame la présidente, de me donner la parole en ce début de séance. Depuis quelques jours, de violents orages frappent le Béarn de façon répétée et de fortes inondations ont touché plusieurs villages : Oloron-Sainte-Marie, Agnos, Bidos ou Eysus. Hier, un torrent de boue a déferlé sur celui de Lourdios-Ichère, bien connu en vallée d’Aspe, dévastant l’école et la mairie.
Je tiens à rendre solennellement hommage à M. Millerou, l’instituteur de la commune : grâce à son sang-froid et sa réactivité, il a permis d’éviter un drame. À l’arrivée du torrent de boue, haut de 1,5 mètre, il était en classe avec ses élèves, qu’il a réussi à évacuer in extremis. Au nom de la représentation nationale, je voudrais lui dire toute notre reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
Je veux aussi adresser mes vœux de prompt rétablissement à Marthe Clot, maire de Lourdios-Ichère, blessée par l’effondrement des cloisons de la mairie. Elle a été prise en charge par les secours, mais ses nouvelles sont rassurantes ; elle espère être de retour dans le village aussi vite que possible.
Je remercie l’ensemble des agents communaux, intercommunaux et départementaux, mais aussi les services de secours, les pompiers et les élus locaux, mobilisés sans relâche depuis plusieurs jours dans les différentes communes, notamment à Lourdios-Ichère. Enfin, j’apporte mon soutien à l’ensemble des sinistrés de ma circonscription.
Un élan de solidarité s’est manifesté pour que chacun puisse reprendre une vie normale aussi rapidement que possible. Je me rendrai demain matin sur place, avec les services de la préfecture. (Murmures sur les bancs du groupe LR.) Je ne doute pas, monsieur le ministre délégué chargé des transports, que les services des ministères concernés accompagneront les élus du territoire afin qu’y soit reconnu l’état de catastrophe naturelle, qu’un soutien psychologique soit proposé aux enfants et que soient menés les travaux d’envergure nécessaires à la rénovation des routes et à la réparation des nombreux dégâts recensés dans différentes communes. (Les députés des groupes SOC et LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)
2. Régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais
Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à régulariser le PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais (nos 811, 1326).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports
Puisque nous allons parler d’un sujet qui concerne la Haute-Savoie, permettez-moi d’avoir à nouveau, au nom du Gouvernement, un mot pour les victimes de l’attaque d’Annecy et pour les forces de l’ordre et de sécurité, les soignants et les agents des services publics (Applaudissements sur tous les bancs), les héros ordinaires qui se sont mobilisés pour, face à ce drame, montrer le meilleur visage de notre pays et de ses valeurs.
Le texte qui nous rassemble vise à lever un obstacle administratif à la réalisation d’une liaison routière entre les communes de Machilly et de Thonon-les-Bains. Pour en avoir longuement parlé avec de nombreux élus du territoire, qui m’avaient saisi de ce sujet, au premier rang desquels Mme la rapporteure Anne-Cécile Violland et son collègue sénateur Cyril Pellevat, je sais que cette liaison est attendue de longue date – plusieurs décennies – par les habitants du Bas-Chablais et de la Haute-Savoie. Vous avez été étroitement associée, madame la rapporteure, à cette initiative parlementaire venue du Sénat.
Bien que cette liaison ait été reconnue d’utilité publique en 2019, le calendrier de sa réalisation est compromis car les dispositions du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de la communauté de communes du Bas-Chablais, adoptées en février 2020, sont incompatibles avec le projet. Cette incompatibilité ne semble pas résulter d’une décision délibérée des collectivités, mais plutôt d’une erreur de traduction, dans le document d’urbanisme, d’un projet pourtant anticipé, attendu et relayé par la plupart des élus du territoire – pour ne pas dire la totalité.
Du point de vue technique, il serait possible de faire évoluer le PLUI du Bas-Chablais par les procédures traditionnelles, voire d’attendre l’élaboration d’un nouveau PLUI par la collectivité. Toutefois, cela impliquerait, en raison des différentes étapes à franchir, des délais très longs, qui ne permettraient pas à la procédure d’attribution du contrat de concession de se poursuivre dans les conditions envisagées. Dès lors, les rapports des commissions des affaires économiques des deux assemblées ont explicitement montré qu’il n’existait pas d’autre option, satisfaisante techniquement, que le recours, extraordinaire – au sens propre du terme –, à la loi. Ce choix relevant d’une décision parlementaire, démocratique par essence, j’en laisse juge l’Assemblée nationale comme j’en ai laissé juge le Sénat.
Les situations telles que celle du Bas-Chablais sont heureusement rares. Il me semble néanmoins salutaire que le Parlement, au nom de l’intérêt général, dans le respect de la Constitution et des procédures, et si ses membres le souhaitent, puisse corriger ces situations problématiques, non anticipées par les textes de loi actuellement en vigueur. La proposition de loi qui vous est soumise est parfaitement compatible avec la Constitution. Je tiens à préciser, car ce fut un sujet de discussion au Sénat, qu’elle ne relève pas de la catégorie juridique spécifique des lois de validation. Le texte n’a pas pour objet de réviser le plan local d’urbanisme, mais de corriger une situation particulière, le fait que ce plan ait omis de prendre en considération un projet déclaré d’utilité publique quelques mois avant sa dernière révision.
Sur le fond, le projet de liaison routière a l’obligation d’être exemplaire sur le plan environnemental. Les sujets relatifs à l’environnement devront être traités de manière irréprochable par le maître d’ouvrage, ce qui lui permettra d’obtenir l’autorisation indispensable au démarrage des travaux ; je sais à quel point les élus, comme le Gouvernement, y tiennent. Cette préoccupation environnementale sera traduite grâce aux procédures prévues à cet effet. Le Conseil d’État, saisi à plusieurs reprises, a d’ailleurs écarté, par sa décision du 30 décembre dernier, tous les contentieux restants relatifs à la déclaration d’utilité publique (DUP).
Je partage votre volonté de réduire, chaque fois que cela est possible, l’impact environnemental de nos mobilités et de nos infrastructures. C’est tout le sens de la démarche que j’ai engagée pour passer en revue les grands projets autoroutiers. C’est aussi le sens de la démarche globale engagée par le Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, à la suite du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), auquel ont participé plusieurs parlementaires, issus de divers groupes politiques de l’Assemblée comme du Sénat. Cette démarche vise à investir davantage dans les mobilités décarbonées. Hier, en répondant à plusieurs questions dans cet hémicycle, j’ai eu l’occasion de montrer que le plan d’investissement pour l’avenir des transports commençait à se déployer concrètement, notamment avec l’engagement de négociations pour les contrats de plan État-région (CPER). Je sais que vous souscrivez à la nécessité de cet investissement décarboné, à la nécessité de ce réinvestissement, notamment de l’État, dans les mobilités propres, et à la nécessité d’avoir, pour les infrastructures, en particulier routières, de plus grandes exigences sur le plan environnemental.
Nous ne devons pas pour autant oublier que les territoires ont besoin de mobilités, y compris routières : 87 % des mobilités quotidiennes, tous territoires confondus, se font en voiture. La décarbonation globale passe aussi par la décarbonation de la route elle-même ; cela ne signifie pas zéro routes, mais plus d’exigence et de sélectivité. C’est pourquoi nous assumons d’avoir diminué l’enveloppe consacrée aux routes dans les CPER. Toutefois, réduire à néant l’ensemble des projets serait une erreur. Nous devons également assumer que les projets routiers eux-mêmes doivent être soumis à des exigences environnementales de plus en plus strictes, pour encourager le déploiement progressif des véhicules électriques partout en France.
Nous étudierons chaque projet, notamment les grandes infrastructures routières – beaucoup sont déjà engagées –, en fonction de plusieurs critères environnementaux dont la limitation de l’artificialisation et la réduction de l’empreinte carbone, tout en tenant compte de la nécessité de désenclaver certains territoires. Cela relève du pragmatisme et il y va de la cohérence et de l’efficacité de la transition écologique. Dans cet esprit, nous passerons en revue les projets autoroutiers dans les toutes prochaines semaines, sous l’autorité de la Première ministre. La liaison Machilly – Thonon-les-Bains sera pleinement intégrée dans cet examen. Il est essentiel que les procédures ne soient pas un obstacle à la réalisation de cette liaison, attendue de longue date. Même si cela a vocation à rester exceptionnel, il faut donc que le législateur puisse se prononcer pour corriger une erreur procédurale rare.
Le Gouvernement donne un avis de sagesse sur cette proposition de loi, comme il l’a fait au Sénat, qui l’a adoptée. Je le répète, le projet d’infrastructure satisfait nos exigences environnementales. Quant à la démarche législative qui vous est proposée, elle est exceptionnelle et doit le rester. Son résultat est aujourd’hui entre les mains de votre assemblée, comme il était entre celles du Sénat il y a quelques semaines. C’est ce qui en garantit, par essence, le caractère démocratique. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure de la commission des affaires économiques
Nous discutons d’une proposition de loi transmise par le Sénat. Je voudrais donc commencer par remercier Mme Martine Berthet, rapporteure de ce texte au Sénat (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR, RE et Dem – Mme Émilie Bonnivard applaudit également),…
M. Fabien Di Filippo
Visiblement, elle a trois amis ici !
Mme Émilie Bonnivard
Solidarité savoyarde !
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
…les sénateurs de Haute-Savoie, Mme Sylviane Noël et M. Cyril Pellevat, auteurs de la proposition, et M. Loïc Hervé, qui l’a soutenue. L’engagement transpartisan des parlementaires pour l’avenir du Chablais a permis l’adoption de ce texte par 234 voix contre 12.
De même, je remercie très sincèrement les différents groupes qui ont accepté son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale cette semaine. Je remercie vivement M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques, M. Daniel Montin, administrateur de la commission, ainsi que mes collaboratrices ; tous ont œuvré de concert en faveur de cette proposition de loi. Enfin, je remercie toutes les personnes qui ont accepté d’être auditionnées et de nous donner ainsi une connaissance plus fine de la situation.
Ce texte est inhabituel, je le concède, mais il ne crée pas de précédent. Il revêt une importance primordiale pour la Haute-Savoie et tout particulièrement pour le Chablais. Son adoption permettrait en effet la réalisation d’une infrastructure indispensable et urgente : la liaison autoroutière de 16,5 kilomètres entre Machilly et Thonon-les-Bains, longtemps attendue par les habitants du territoire, et qui constitue le dernier chaînon manquant d’une stratégie de mobilité multimodale.
D’une manière générale – et nous pouvons en être fiers –, le département de la Haute-Savoie bénéficie d’une attractivité certaine : sa population augmente de plus de 12 000 habitants par an. Mais les problèmes de mobilité constituent un frein à son développement économique.
Pour ceux qui sont venus dans le Chablais, l’avis est unanime : c’est beau, mais c’est loin. Il faut au minimum une heure et demie pour accéder à l’autoroute, pourtant située à quelques kilomètres.
Vous le savez, le territoire du Chablais souffre depuis longtemps d’un enclavement géographique, puisqu’il est cerné, au nord et à l’ouest, par le lac Léman et, au sud, par les montagnes. Les seuls moyens d’y accéder depuis la France sont deux routes départementales partant d’Anemasse, lesquelles n’ont connu aucun changement depuis plus d’un demi-siècle. Or, durant cette période, la population locale a plus que doublé et l’économie a suivi la même trajectoire.
Dès lors, il est inévitable que les infrastructures soient saturées – une situation qui dessert tout le monde. Les problèmes de mobilité sont unanimement partagés, les habitants mettant de plus en plus de temps à rejoindre les centres urbains.
M. Fabien Di Filippo
Il y a tellement de circulation !
M. Romain Daubié
Je confirme !
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
L’accès aux services de soins est de plus en plus difficile, ce qui pose un vrai problème de santé publique. Il faut parfois plus d’une heure et demie pour rejoindre les urgences ! Le sous-équipement structurel du Chablais conduit à engorger les villes traversées par les deux axes existants : Bons-en-Chablais, Brenthonne, Lully, Perrignier ou encore Sciez et Douvaine connaissent des embouteillages du matin jusqu’au soir. Ces bouchons dégradent fortement la qualité de l’air, ce qui nuit à la santé des Chablaisiens. Les cours d’école sont situées à proximité des routes, exposant les enfants à ces dangers.
S’y ajoutent de véritables problèmes de santé environnementale liés aux émissions de gaz à effet de serre, infiniment plus importantes lorsque les véhicules sont immobilisés dans un bouchon qu’en cas de circulation fluide. La consommation d’essence double également. Autre dommage collatéral, pour échapper à ces bouchons, les automobilistes à la recherche d’une solution alternative s’engagent sur de petites routes parallèles, ce qui engorge des accès critiques.
En outre, l’inadaptation des voies, très étroites, sur lesquelles circulent jusqu’à 20 000 véhicules par jour, cause un nombre croissant d’accidents graves. En traversant les villages, il arrive que les poids lourds ferment en passant les volets de certaines maisons ! Les collectivités ont dû multiplier les aménagements pour garantir la sécurité des routiers comme celle des usagers. Les élus locaux ont fourni un travail remarquable, mais ils sont désormais confrontés à un vrai casse-tête et n’ont plus les moyens d’y faire face.
Pour répondre à cette situation critique, le territoire a appliqué une politique volontariste de développement multimodal, ce dont témoigne le schéma de cohérence territoriale – Scot – qui prévoit la réalisation de l’autoroute dont il est question aujourd’hui. Ainsi, l’ouverture du RER Léman Express en 2019 a permis d’améliorer la desserte des voyageurs entre Annemasse et Thonon. La ligne est toutefois déjà saturée – 70 000 personnes l’empruntent au lieu des 40 000 estimés – et sa création n’a résolu en rien le problème du fret, puisque les camions transportant quotidiennement 6 millions de bouteilles d’eau d’Évian doivent emprunter les routes départementales. Par ailleurs, les élus et les habitants travaillent de concert à réhabiliter le RER Sud Léman, dit le Tonquin, qui prolongera le Léman Express. Sur ce sujet, vous savez, monsieur le ministre délégué, combien notre territoire compte sur votre soutien et l’engagement de l’État. Le transport lacustre a également fait l’objet d’investissements pour améliorer le trafic transfrontalier. Enfin les collectivités investissent dans l’aménagement de pistes cyclables, notamment la ViaRhôna.
Mais ce projet multimodal est resté au milieu du gué. En effet, il manque un réseau de bus à haut niveau de service (BHNS) qui ne pourra être déployé avant la réalisation de l’axe autoroutier, à moins de voir les bus immobilisés dans les bouchons qui engorgent les routes existantes. Le report modal qui résultera de la réalisation de cette infrastructure est donc essentiel à la fois pour la santé des habitants, pour leur sécurité ainsi que pour l’économie du territoire.
Pourquoi ce projet si attendu et si bénéfique, qui contribuera à parachever la stratégie de mobilité durable, est-il actuellement à l’arrêt ?
C’est un exemple classique d’une situation juridique complexe résultant de l’enchevêtrement inextricable des normes applicables en matière d’urbanisme. La présente proposition de loi vise à y remédier.
M. Fabien Di Filippo
Et l’on parle encore de décentralisation…
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
À la suite d’une concertation publique, menée en 2016 sous l’égide de la CNDP – Commission nationale du débat public –, et d’une évaluation environnementale exhaustive, comprenant une enquête publique et l’avis des collectivités territoriales concernées, le projet de réalisation d’une liaison à deux fois deux voies a été déclaré d’utilité publique par décret en Conseil d’État le 24 décembre 2019. Cette déclaration d’utilité publique permet à la fois d’engager la procédure d’expropriation et de désigner le concessionnaire. L’article 6 du décret prévoit la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU) des dix communes situées sur le trajet du projet de liaison.
Toutefois, quelques mois plus tard, à la fin du mois de février 2020, juste avant les élections municipales et la crise sanitaire, le plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais est adopté en urgence par Thonon Agglomération, la communauté d’agglomération née d’une fusion de plusieurs intercommunalités intervenue deux ans après le début de l’élaboration du plan. En devenant exécutoire, le nouveau PLUI remplace les plans locaux d’urbanisme respectifs des dix communes.
Le nouveau document, tout comme le nouveau Scot approuvé en 2009, évoque largement le projet autoroutier, puisque celui-ci est mentionné à de nombreuses reprises dans le rapport de présentation et dans le Padd, le projet d’aménagement et de développement durables. En revanche, le tracé du projet ne figure pas dans son règlement graphique, ni, d’ailleurs, dans la déclaration d’utilité publique qui lui est antérieure. On ne peut donc pas considérer qu’il y a mise en compatibilité du PLUI. Ainsi, bien qu’il ait été déclaré d’utilité publique, le projet ne peut avancer.
Je vous l’accorde, le recours au levier législatif n’est pas anodin en de telles circonstances. Comme l’ont soulevé les membres de la commission des affaires économiques, le législateur ne peut être mis en situation de devoir systématiquement valider des actes réglementaires des collectivités. Mais trois raisons doivent vous inciter à voter ce texte : l’infrastructure est essentielle ; parmi les solutions envisagées, c’est la seule qui soit viable ; il s’agit d’un acte législatif qui ne remet nullement en cause les procédures de participation du public et de protection de l’environnement – contrairement à ce que disent certains.
Mme la présidente
Veuillez conclure.
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
Certains voudraient refuser d’aider les élus locaux concernés et les obliger à attendre de nouveau quatre ans pour faire avancer un projet qui fait pourtant l’objet d’un large soutien. Ces élus sont présents dans les tribunes, ce dont je les remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)
M. Maxime Minot et M. Thierry Benoit
Bravo !
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Cyrielle Chatelain et des membres du groupe Écologiste-NUPES une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
M. Charles Sitzenstuhl
Oh non !
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
M. Charles Sitzenstuhl
Au nom des décroissants !
Mme Julie Laernoes
Nous sommes saisis d’une proposition de loi qui n’a pas à être débattue ici.
Mme Émilie Bonnivard
Sympa, non ?
Mme Julie Laernoes
Nous sommes, me semble-t-il, à l’Assemblée nationale. Que vient faire dans notre ordre du jour une proposition de loi visant à modifier un PLUI ? Notre rôle, mes chers collègues, est bien de légiférer et de débattre des orientations nationales,…
M. Fabrice Brun
Et d’adapter des dispositions législatives !
Mme Julie Laernoes
…et non de se substituer aux élus locaux pour en accomplir les droits et les devoirs, ni de contourner par le haut les procédures d’urbanisme ordinaires – j’insiste sur ce mot. Car oui, pour élaborer un plan local d’urbanisme intercommunal, il faut franchir certaines étapes, consistant à vérifier le bien-fondé du projet et à en évaluer ses effets.
L’objet de cette régularisation contrevient à tous les objectifs que l’État s’est fixés : zéro artificialisation nette (ZAN), priorité donnée au rail plutôt qu’à la route, préservation de la biodiversité ou encore moyens engagés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. J’y reviendrai.
M. Fabien Di Filippo
Dites que vous ne voulez pas d’autoroute, ça ira plus vite ! Si l’on plantait des arbres, vous seriez d’accord !
Mme Julie Laernoes
Absolument rien ne va dans la proposition de loi visant à régulariser le PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais. D’abord, sur la forme, le titre est mensonger. Vous ne régularisez rien, vous contournez plutôt les procédures, qui ne sont pas aussi complexes que vous le prétendez. Il aurait suffi que le PLUI, en cours de révision, prévoie le projet autoroutier, à condition que les collectivités territoriales le soutiennent autant que vous le prétendez, ce dont je doute.
Il est vrai qu’il est plus facile, lorsqu’on rencontre une quelconque opposition à un projet autoroutier, de passer en force par une loi d’exception pour faire taire les opposants. L’A31 bis de Thionville, l’A154 de Saint-Rémy-sur-Avre, le projet de contournement du Havre : tant de projets autoroutiers à laquelle la France est accro, mais contre lesquels, partout, les oppositions grondent.
M. Charles Sitzenstuhl
Elles s’expriment, les oppositions !
Mme Julie Laernoes
Comptez-vous présenter une proposition ou un projet de loi pour chacun de ces projets ?
M. Charles Sitzenstuhl
Oui !
Mme Julie Laernoes
Dans le Bas-Chablais, si le projet d’autoroute reste en germe depuis tant d’années, vous devez vous douter que c’est parce qu’il n’a aucun sens et qu’il ne résout aucun problème. En outre, les cafouillages ne cessent de s’enchaîner. Ainsi, on découvre que Thonon Agglomération a malencontreusement « oublié » d’inclure la réalisation de cette autoroute tant voulue lors de l’élaboration du PLUI du Bas-Chablais.
Dès 2019, la mission régionale d’autorité environnementale a donné l’alerte : la consommation d’espace ne serait absolument pas la même si cette autoroute était incluse dans le paysage. Mais Thonon Agglomération a fait la sourde oreille, voulant croire qu’il lui serait possible d’ignorer les avis de la MRAE. Des études environnementales complémentaires ont bien été demandées, mais, comme d’habitude, les considérations environnementales sont passées au second plan.
Parce que le choix a été fait de simplement ignorer la nécessité de mettre en comptabilité le PLUI, nous en sommes aujourd’hui réduits à débattre de ces sujets locaux dans notre hémicycle. C’est, tout simplement, n’importe quoi.
Mme Virginie Duby-Muller
Nous n’avons pas de leçons à recevoir !
Mme Julie Laernoes
C’est pourquoi le groupe Écologiste vous propose de rejeter résolument cette proposition de loi.
Pis encore, madame la rapporteure, vous êtes en train de créer un précédent très dangereux – nos collègues ont soulevé ce point en commission.
M. Charles Sitzenstuhl
Mais non, la rapporteure a été claire sur ce point !
M. Karim Ben Cheikh
Non, l’oratrice a raison !
Mme Julie Laernoes
Vous ouvrez la voie à toutes les collectivités locales désireuses de construire un nouvel échangeur routier, une extension d’aéroport ou un nouveau centre commercial en zone protégée.
M. Charles Sitzenstuhl
Elle a dit l’inverse !
Mme Julie Laernoes
Ainsi, Antoine Vermorel-Marques, membre du groupe Les Républicains,…
M. Charles Sitzenstuhl
Excellent député !
Mme Julie Laernoes
…a déposé cette semaine une proposition de résolution pour réaliser la déviation de la nationale 7.
M. Maxime Minot
Et alors ? Désolé s’il bosse plus que vous !
Mme Émilie Bonnivard
Rejoignez-nous !
Mme Julie Laernoes
Vous ouvrez donc la voie à un interventionnisme systématique de l’État : ce dernier pourra se substituer aux collectivités locales à chaque fois que l’on souhaitera éviter d’écouter les gens – habitants, agriculteurs, associations de protection de l’environnement –, ou, tout simplement, lorsque le maire de la commune voisine ne sera pas d’accord avec vous. Le rôle du Parlement n’est pas de piétiner les compétences des collectivités ni de résoudre à la hâte des problèmes de mise en compatibilité de documents.
M. Karim Ben Cheikh
Exactement !
Mme Julie Laernoes
Voilà pourquoi, sur la forme, nous rejetons ce texte en bloc, et nous vous demandons d’en faire de même.
M. Fabien Di Filippo
Il n’y a pas d’autre solution qu’un vote du Parlement !
Mme Julie Laernoes
Sur le fond du projet, à l’heure où la loi de programmation sur l’énergie et le climat est en cours d’élaboration, toute personne ici présente, sérieusement engagée pour le climat et pour l’environnement, ne peut en conscience voter la présente proposition de loi.
Mme Émilie Bonnivard
Arrêtez de dire n’importe quoi, vous êtes contre le Lyon-Turin ! Êtes-vous pour que les camions traversent les villages ?
Mme Julie Laernoes
Nous sommes le 14 juin 2023, il fait 29 degrés à Paris. Nous avons déjà subi plusieurs canicules l’été dernier. Le dérèglement climatique nous touche de plein fouet. Des arrêtés sécheresse sont pris partout en France. Notre collègue Inaki Echaniz vient d’évoquer les inondations provoquées par de violents orages dans les Pyrénées-Atlantiques.
M. Romain Daubié
Où est-il, d’ailleurs ?
Mme Julie Laernoes
Dès lors, est-il raisonnable de proposer de passer en force pour construire une autoroute inutile et nocive ? Il ne s’agit pas de dire, la main sur le cœur, que nous devons nous adapter au climat et tout faire pour réduire les effets de nos actions sur les ressources ; il s’agit de passer des paroles aux actes.
Avec ce texte honteux, comme à travers tous vos textes présentés depuis le début de la législature, vous continuez à faire de l’environnement et de la biodiversité des simples variables d’ajustement. Vous soutenez en conscience un projet d’autoroute qui détruira irrémédiablement des écosystèmes participant de manière indispensable à la qualité de l’air et au stockage de l’eau, sans lesquels la santé humaine risque d’être sérieusement mise en danger.
Oui, l’artificialisation des sols affecte réellement notre santé. Vous le savez, mais vous choisissez de l’ignorer. Vous choisissez de bétonner toujours plus, ce qui n’est pas cohérent avec les objectifs de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs zéro artificialisation nette au cœur des territoires, dont nous débattions pourtant en commission ce matin. Dois-je vous rappeler que couler toujours plus de bitume empêche les sols de stocker du carbone, renforce les risques d’inondations, menace nos terres agricoles et met en danger notre capacité à nous nourrir ?
M. Charles Sitzenstuhl
Et que font vos amis écologistes à Strasbourg ?
Mme Julie Laernoes
Dois-je vous rappeler que les projets routiers sont le deuxième facteur d’artificialisation des sols et qu’ils ont un impact colossal, en entraînant la destruction de terres agricoles, de zones humides et de forêts qui régulent le climat ?
Le Bas-Chablais n’est pas, comme vous le prétendez, une zone enclavée qui doit se développer. C’est, à la périphérie de Genève, un territoire dont l’artificialisation a progressé de 2,85 % en cinq ans, soit à un rythme dix fois plus élevé que le rythme national moyen.
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
Il faut venir voir. On ne peut pas parler sans savoir !
Mme Julie Laernoes
Ne nous faites donc pas croire qu’il doit être davantage encore artificialisé. Il a un besoin vital de conserver ses puits de carbone et sa biodiversité plutôt que d’accueillir une autoroute qui va ravager des espaces protégés, dévaster des zones humides et menacer des espèces protégées, comme le sonneur à ventre jaune – protégé au niveau français et européen !
Nous nous désolons par ailleurs de votre désintérêt pour le maintien des professions agricoles. Près de 10 % des exploitations du Bas-Chablais seront directement affectées par la construction de cette autoroute. En défendant ce projet, vous mettez à mal une agriculture de qualité, extensive, qui rémunère mieux qu’ailleurs et maintient notre bocage, une agriculture qui permet à des élevages bovins en pâture de produire des fromages sous signe de qualité qui, comme le Reblochon, font la fierté des terroirs français. Le monde agricole souffre, les paysans quittent les champs.
Ce projet est donc en contradiction majeure avec notre politique agricole et avec la nécessité de préserver notre foncier. Et tout cela pour quoi ? Pour une autoroute inutile, puisque des solutions ferrées existent déjà ! (Mme Émilie Bonnivard s’exclame vivement.)
Monsieur le ministre délégué, vous avez défini vos priorités en matière de transport, et nous les saluons. Oui, les transports sont responsables d’un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre, dont plus de la moitié sont imputables au transport routier. Aussi faut-il, vous l’avez dit, passer de la route au rail et développer les lignes ferroviaires régionales existantes pour offrir une alternative décarbonée à la mobilité du quotidien.
C’est le sens de la proposition de loi dont nous débattrons vendredi dans cet hémicycle. Elle vise en effet à renforcer les services express régionaux métropolitains et les transports du quotidien. Dès lors, comment, aujourd’hui, mercredi, pourrions-nous voter une loi dont l’objet est de permettre la construction d’une autoroute qui sera en concurrence directe avec le ferroviaire ?
Le Léman Express est le parfait exemple d’un service de train qui fonctionne ; il transporte plus de 58 000 passagers par jour. Il me semble, monsieur le ministre, que, si vous voulez être en cohérence avec vos orientations politiques, les 200 millions d’euros nécessaires à la construction de la nouvelle autoroute doivent être réorientés vers les aménagements nécessaires pour rabattre les usagers vers le train. Car cela manque, du côté français. Des études sont par ailleurs déjà engagées pour augmenter le nombre de passagers par wagon.
Comment pouvez-vous soutenir une proposition en totale contradiction avec la politique que vous menez ?
Surtout, vous le savez, ce n’est pas en construisant une autoroute privée, payante, que nous favoriserons l’accès à la mobilité. Il faudra débourser au bas mot 6 euros pour faire 17 kilomètres aller-retour, soit bien plus que pour faire le même trajet en train, si l’on compte le carburant et le prix du stationnement à Genève.
Comment, du reste, prétendre favoriser la mobilité pour toutes et tous par la route ? Ignorez-vous qu’en milieu rural, 20 % des femmes n’ont pas le permis ? Et lorsque le prix du carburant atteint 2 euros le litre, peut-on réellement continuer à affirmer qu’une autoroute payante favorisera la mobilité ?
Enfin, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, monsieur le ministre délégué : ce n’est pas en construisant une autoroute qu’on résout le problème des embouteillages, au contraire. Les études de l’Agence de la transition écologique (Ademe) le démontrent : plus on crée de routes, plus il y a de trafic ! (Mme Émilie Bonnivard s’exclame.) Même vous, madame la rapporteure, l’avez admis : vous ne soutiendriez pas les projets autoroutiers actuels. Votre collègue M. Lamirault a également convenu que les projets de ce type étaient d’un autre temps.
Celui-ci, vu son âge, l’est assurément. L’ancienneté d’un projet ne témoigne pas de sa nécessité, seulement de son ancienneté. Celui-ci a été imaginé à une époque, les années 1980, où les impératifs écologiques n’étaient pas aussi connus qu’aujourd’hui. Nous sommes en 2023 : il est temps de changer de braquet. Il y a urgence !
Du reste, nous ne devrions pas être en train d’examiner cette proposition de loi, car elle est inconstitutionnelle. Pour qu’elle ne le soit pas, il faudrait pouvoir justifier que le projet d’autoroute est d’intérêt général ; or il contrevient clairement à tous nos impératifs climatiques et sociaux. À l’heure des sécheresses, de la hausse des températures, nous devons agir résolument. Au lieu de s’amuser à afficher des orientations et à prononcer de belles phrases, il faut œuvrer concrètement. C’est d’action que nous avons besoin !
Je vous enjoins donc de ne pas contourner les droits et les devoirs des élus locaux, d’écouter la société civile mobilisée : une pétition a recueilli 12 000 signataires dans le territoire du Bas-Chablais…
M. Antoine Armand
Non !
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
Mensonge !
Mme Julie Laernoes
Vous pouvez la retrouver, madame la rapporteure. L’ignorer témoigne de votre manque d’écoute de la population ; vous en faites une nouvelle fois la preuve.
Écoutez la société civile mobilisée, disais-je, et les organisations environnementales, France nature environnement (FNE) ou la Confédération paysanne.
Mme Virginie Duby-Muller
Occupez-vous donc de votre département !
Mme Julie Laernoes
Répondez favorablement aux recommandations de l’autorité environnementale compétente et faites en sorte que le débat ait lieu de manière éclairée là où il doit être mené, c’est-à-dire – j’en conviens – dans l’enceinte du conseil intercommunal du Bas-Chablais.
Chers collègues, si vous dites agir résolument en faveur du climat et de la réduction de notre empreinte écologique, je vous invite à voter fermement notre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Clément Beaune, ministre délégué
Madame la députée, le Gouvernement n’est pas favorable à la motion de rejet préalable que vous avez défendue. Au reste, je vois une contradiction entre l’éloge de la démocratie que vous avez fait au début de votre intervention et votre volonté d’empêcher que la proposition de loi fasse l’objet d’un débat dans l’enceinte de l’Assemblée.
Mme Marie-Charlotte Garin
Cela n’a rien à voir avec l’Assemblée !
M. Clément Beaune, ministre délégué
Que les orateurs inscrits dans la discussion générale puissent s’exprimer pour ou contre le texte : c’est cela, le débat démocratique. Même si, chacun le reconnaît, la procédure retenue doit rester extraordinaire et exceptionnelle, je ne vois pas grand-chose de plus démocratique que le fait de laisser s’exprimer les députés au sein de l’Assemblée. Il est tout de même paradoxal de vouloir couper court au débat au nom de la démocratie et du respect des compétences des collectivités locales.
Par ailleurs, je relève – mais la rapporteure pourra le dire plus précisément que moi – que l’immense majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, des élus réclame la régularisation qui fait l’objet du texte.
Le Parlement se prononcera donc. Quant au Gouvernement, il a d’ores et déjà émis un avis de sagesse sur le fond. Je partage, même si je ne les formulerais pas tout à fait de la même façon, certaines des idées que vous avez défendues, notamment celle de réduire l’impact du trafic routier et de donner la priorité au ferroviaire. Nous en débattrons lors de l’examen, vendredi, de la proposition de loi de Jean-Marc Zulesi.
Encore une fois, oui, la procédure est extraordinaire, exceptionnelle, mais elle est examinée par l’Assemblée nationale comme elle l’a été il y a quelques semaines par le Sénat, pour des raisons qui ont été précisément exposées, à ciel ouvert, devant nos concitoyens. Je ne connais pas de procédé plus démocratique que celui qui consiste à soumettre une initiative parlementaire à un débat réunissant l’ensemble des sensibilités politiques. Débattons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
Ce n’est pas parce que l’on a des idéaux que l’on peut être de mauvaise foi. Une pétition a recueilli 11 000 signatures, avez-vous dit, madame Laernoes. Il s’agit en fait d’un mail envoyé par vos amis, les lobbyistes écologistes (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES), à tous les députés…
Mme Émilie Bonnivard et Mme Virginie Duby-Muller
Eh oui !
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
…pour les enjoindre de ne pas voter la proposition de loi, mail qui a ensuite été relayé par 11 000 militants écologistes.
Mme Sarah Legrain
Vous prétendez que ces citoyens n’existent pas ?
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
La dernière pétition organisée pour protester contre le projet d’autoroute a recueilli 600 signatures sur 140 000 habitants. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, LR et HOR.)
Mme la présidente
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES)
Il est important que la motion de rejet préalable soit adoptée car, je l’ai expliqué, d’autres députés travaillent déjà à la préparation de propositions de loi relatives à des projets autoroutiers.
Par cohérence avec la politique que vous menez, monsieur le ministre délégué, il importe de se prononcer clairement sur ce projet concret. Construire une autoroute alors qu’il est possible de faire le même trajet en train, ce n’est pas faciliter l’accès à la mobilité et c’est nocif pour l’environnement.
Madame la rapporteure, la manifestation organisée il y a une semaine pour soutenir votre proposition de loi n’a réuni qu’une centaine de personnes ; elle a eu si peu de succès que vous avez refusé de vous exprimer dans les médias régionaux. En revanche, la pétition opposée au projet a bien été signée par 12 000 personnes, ne vous en déplaise.
Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure
Non !
Mme Julie Laernoes
C’est un fait : elle est consultable en ligne. Vous ne pouvez pas mentir et minimiser l’opposition à ce projet qui est d’un autre temps. On a le droit de se tromper. Aujourd’hui, il est criminel de construire une autoroute, de favoriser l’émission de gaz à effet de serre et de faire disparaître des zones humides dont le rôle est vital et essentiel.
De quoi les habitants du Bas-Chablais auront-ils besoin, demain ? De respirer et de profiter de points de rafraîchissement ou d’un bitume inutilisé – car cette autoroute trop chère ne sera pas empruntée par la population locale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet (GDR-NUPES)
Il est vrai que la procédure suscite des interrogations. On a dit que cette proposition de loi ne créerait pas un précédent. J’y serai très attentif, car le groupe GDR est très respectueux de la démocratie locale. Nous estimons que ce n’est pas à nous, députés, de juger, de Paris, de ce type de projet. J’ai moi-même été concerné, dans mon département, par la construction d’une autoroute, l’A79 : vue de Paris, elle pouvait apparaître comme une infrastructure de plus, mais, au niveau local, elle sauve des vies et améliore considérablement la vie des gens.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui ! C’est cela, la réalité !
M. Romain Daubié
C’est la même chose ici !
M. Yannick Monnet (GDR-NUPES)
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur le vote de la motion de rejet préalable. J’aurai l’occasion d’y revenir dans la discussion générale, mais j’espère vraiment que cette procédure ne créera pas un précédent, car on peut légitimement s’interroger sur le fait que l’Assemblée nationale soit amenée à jouer un rôle décisif dans des projets structurants au niveau local.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Armand.
M. Antoine Armand (RE)
Je souhaite saluer la constance du groupe Écologiste-NUPES, qui a déposé la motion de rejet préalable, constance qui se manifeste de deux manières.
Tout d’abord, par son attachement à mépriser les travaux de nos collègues sénateurs – lesquels ont pris le temps, en commission puis en séance publique, d’examiner ce texte et de l’adopter – et ceux que nous avons nous-mêmes menés en commission des affaires économiques, qui ont abouti à l’adoption à la quasi-unanimité de la proposition de loi.
Mme Sarah Legrain
Vous vous y connaissez, en mépris ! Mépris du parlementarisme, en particulier !
M. Antoine Armand
Ensuite, par son mépris absolument incroyable pour les habitants du Bas-Chablais. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Ceux des élus concernés qui suivent nos travaux doivent halluciner en entendant ce que vous racontez du territoire où ils vivent. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Figurez-vous qu’il y a, nos collègues savoyards et haut-savoyards le savent, un schéma de mobilité et que celui-ci prévoit le développement des transports en commun, qui se poursuivra grâce à l’action du Gouvernement, ainsi que la création de pistes cyclables – car nous ne vous avons pas attendus pour en construire, chers collègues Écologistes !
Mme Danièle Obono
Ça fait cinq ans que vous faites n’importe quoi en la matière !
M. Antoine Armand
Enfin, j’ajouterai, en tant que coprésident du groupe d’études sur le pastoralisme, qu’en Haute-Savoie, ma chère collègue, les bovins ne pâturent pas dans un bocage. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme la rapporteure et Mme Émilie Bonnivard applaudissent également.) On mesure là la profondeur de la connaissance que vous avez de notre territoire et de l’hommage que vous rendez à ses habitants, qui rencontrent quotidiennement des problèmes d’embouteillage, de sécurité routière et d’environnement…
Pour votre constance et le respect permanent que vous témoignez à nos concitoyens, je vous salue. Bien entendu, le groupe Renaissance repoussera, avec vigueur et succès, cette motion de rejet préalable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.)
Mme Ségolène Amiot
Le mépris, ça suffit !
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Jolly.
M. Alexis Jolly (RN)
S’il n’est pas le premier du genre, ce texte est particulier. Il nous conduit à nous interroger sur la protection des compétences des collectivités contre une éventuelle prise de contrôle du Parlement sur l’ensemble du processus de création de la norme dans notre pays. Mais cette proposition de loi a vocation à demeurer une exception, due à des circonstances locales uniques. A priori, le procédé qui va permettre au Parlement de réaffirmer la prévalence de la déclaration d’utilité publique, en écrasant en quelque sorte le PLUI, ne se généralisera pas.
M. Jean-François Coulomme
Vous êtes confiant !
M. Alexis Jolly
C’est donc contre le fond du projet que porte la motion de rejet préalable déposée par la NUPES. Ainsi, une nouvelle fois, la gauche, qui se réclame du progrès, s’oppose par principe à un projet de développement essentiel pour tout un territoire et ses habitants. Car, parlons simplement, elle veut priver à tout prix les habitants de voiture !
Alors, oui, les projets de mobilité alternative sont importants pour diversifier l’offre de transport ; oui, la protection de l’environnement doit être l’une des conditions de réalisation de ce projet…
Mme Danièle Obono
Bla bla bla !
M. Alexis Jolly
…– mais les préoccupations environnementales ont déjà été prises en compte ici. Et ce que les députés de la gauche ne veulent tout simplement pas, comme à chaque fois, c’est qu’une infrastructure nouvelle puisse apporter un gain de mobilité et des retombées économiques positives pour les Français.
Mme Julie Laernoes
Elles sont négatives, au contraire !
Mme Danièle Obono
Et qu’en est-il des retombées écologiques ?
M. Alexis Jolly
Nous croyons pour notre part que le désenclavement des territoires et l’irrigation des campagnes par des infrastructures routières performantes sont un dû pour les populations, et c’est pourquoi les députés du groupe Rassemblement national voteront contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato (LFI-NUPES)
C’est avec stupéfaction que nous avons vu arriver cette proposition de loi en commission. Les 577 députés de cette assemblée reçoivent-ils une indemnité pour faire de l’urbanisme local ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Ce gouvernement, qui obéit au doigt et à l’œil au Président de la République, et sa majorité relative nous empêchent de voter l’abrogation de la réforme des retraites (Mêmes mouvements) mais nous font perdre notre temps avec, par exemple, la discussion d’un texte visant à rendre obligatoire le pavoisement du drapeau européen sur le fronton des mairies. Nous faire travailler sur ce type de proposition de loi tout en nous privant de vote sur des textes importants est une marque supplémentaire de mépris envers les élus nationaux. (Mêmes mouvements.)
Et en lisant l’introduction du rapport, les bras m’en sont tombés : les élus auraient omis d’intégrer au PLUI le projet en question – qui est dans les cartons depuis trente ans ! Qui peut le croire ? Personne. Plus personne ne vous croit.
M. Cyrille Isaac-Sibille
N’êtes-vous pas pour le droit à la paresse ?
M. René Pilato
Dorénavant, pourquoi ne pas voter dans l’hémicycle pour autoriser la construction d’échangeurs autoroutiers, de logements collectifs oubliés par les collectivités territoriales,…
M. Julien Bayou
Mais pas sur les retraites !
M. René Pilato
…ou pour délivrer un permis de construire une maison individuelle à des amis ou des membres de sa famille ? C’est absurde.
Quid des conséquences sur l’objectif ZAN dans ces territoires ? Les élus auraient omis d’intégrer le projet au PLUI, disais-je : soit ils souffrent de troubles de la mémoire, ce que je ne pense pas, soit ils veulent se passer d’une étude d’impact environnementale, ce qui serait très grave. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Ou bien il est question de clientélisme, ce qui n’est pas mieux. Y aurait-il bientôt des élections sénatoriales ? Allez savoir ! (Mêmes mouvements.)
Le fonctionnement de l’Assemblée, que vous faites marcher sur la tête, attise la colère d’un peuple tout entier. Améliorer immédiatement le quotidien de millions de gens devrait être notre premier devoir – assumons-le ! Cessez d’utiliser le Parlement pour contourner la loi à des fins privées…
Mme la présidente
Merci, cher collègue.
M. René Pilato
…et mettez-vous au service de l’intégralité de la population française. Vous l’aurez compris, le groupe LFI-NUPES… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est épuisé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur de nombreux bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller (LR)
Je reprendrai le terme employé par M. Pilato pour dire ma stupéfaction devant cette motion de rejet préalable qui dénote, au fond, une vision assez dogmatique de la route et, surtout, une vision hors-sol, les propos tenus montrant une profonde méconnaissance du projet. (M. Jean-François Coulomme et Mme Danièle Obono s’exclament.)
Mme Émilie Bonnivard
Monsieur Coulomme, taisez-vous donc ! Occupez-vous de votre circonscription !
Mme Virginie Duby-Muller
Il s’agit d’un projet d’intérêt général attendu depuis plus de quarante ans…
M. Jean-François Coulomme
Il est obsolète, donc !
Mme Virginie Duby-Muller
…et qui a le soutien de la population locale. Vous n’avez évidemment pas à remettre en cause l’ordre du jour fixé par l’Assemblée elle-même.
Mme Cyrielle Chatelain
Nous sommes les élus de la nation !
Mme Sandra Regol
Il faut relire le règlement, madame Duby-Muller !
Mme Virginie Duby-Muller
Ce projet est attendu notamment pour des raisons de sécurité. Nous n’avons du reste pas de leçons à recevoir des écolos.
Mme Julie Laernoes
Des écologistes !
Mme Virginie Duby-Muller
Je rappelle qu’ils ont voté à Lyon une subvention pour une association « écolo-sexuelle » qui a proposé une « performance » avec des artistes nus devant des enfants. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LR, RN, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Emeric Salmon
Mais quelle honte !
Plusieurs députés du groupe Écolo-NUPES
Vous avez aussi voté la subvention !
Mme Virginie Duby-Muller
Alors, de grâce, ne venez pas vous occuper du Haut-Chablais et du Bas-Chablais.
Mme Danièle Obono
C’est un peu dogmatique, chère collègue !
Mme Virginie Duby-Muller
Par ailleurs, je tiens aussi à exprimer ma surprise de voir M. Coulomme déposer un amendement de suppression de l’article unique : ce dernier est en effet opposé au projet de liaison entre Lyon et Turin, une infrastructure ferroviaire ! Il sera d’ailleurs présent lors de la manifestation en Haute-Maurienne aux côtés des mouvements Extension rébellion et Les soulèvements de la terre, les mêmes qui ont saccagé les expérimentations de maraîchers nantais dans votre département, madame Laernoes. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR.) Comment pouvez-vous cautionner de telles méthodes ?
Nous aurons l’occasion de revenir sur le bien-fondé de ce texte. J’aurai l’occasion d’exposer les motifs pour lesquels les députés du groupe LR le voteront. En attendant, bien sûr, ils voteront contre une motion de rejet préalable décidément incongrue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Daubié.
M. Romain Daubié (Dem)
À travers cette motion de rejet préalable, on nous propose de repousser sans examen, sans débat, le fruit d’un travail sérieux réalisé par nos collègues sénateurs. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Ce n’est pas ma conception de la démocratie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Sur le fond, je dénonce la caricaturale opposition qui est faite entre les utilisateurs de voitures et les usagers des transports en commun. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Expliquez-moi comment emprunter ces derniers pour gagner Machilly depuis le hameau de Sciez ! Il y en a assez de ces leçons de morale que des élus de grandes métropoles – lesquelles sont pourvues, elles, de transports en commun, comme Nantes qui dispose de trois lignes de tramway, des deux lignes du Busway et de quarante-neuf lignes de bus – assènent à des gens qui n’ont, pour se déplacer, que leur voiture. Arrêtez de caricaturer cette France rurale et cette France péri-urbaine. (Mme Danièle Obono s’exclame vivement.)
Expliquez-moi également pourquoi quarante minutes d’embouteillage seraient plus vertueuses que le fait de doubler le trajet. Je refuse d’avoir un territoire à deux vitesses…
Mme Danièle Obono
C’est vous qui le réduisez à deux vitesses !
M. Romain Daubié
…avec des zones dynamiques d’un côté et des zones enclavées de l’autre. Il s’agit aujourd’hui de désenclaver le Bas-Chablais.
À ceux qui s’étonnent qu’une telle proposition de loi ait été mise à l’ordre du jour, je rappellerai que nous avons examiné des textes bien spécifiques comme ceux relatifs à la Clairette de Die, à la réalisation d’une voie rapide entre Balbigny et La-Tour-De-Salvagny, au littoral, aux Jeux olympiques ou au Grand Paris. Or le présent texte n’en relève pas moins de l’intérêt général, il ne fait pas obstacle à des démarches administratives et il n’existe pas d’option alternative fiable à ce qu’il propose.
Mme Julie Laernoes
Les solutions existent, pourtant !
M. Romain Daubié
Aussi les députés du groupe MODEM, souhaitant le succès de la proposition de loi, voteront-ils contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit (HOR)
J’annonce d’emblée que les députés du groupe Horizons et apparentés voteront la régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais et qu’ils repousseront donc la motion de rejet préalable.
Il faut que certains élus de l’Assemblée nationale comprennent que ce texte nous vient du Sénat, lequel représente les collectivités territoriales. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR et RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Je précise également, après Anne-Cécile Violland à l’instant, qu’au Sénat, la présente proposition de loi a fait la quasi-unanimité.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES
Il faut dissoudre l’Assemblée nationale !
M. Thierry Benoit
Ensuite, soyons conscients que tous les territoires n’ont pas remédié à leur désenclavement. Lorsqu’on est élu d’une métropole…
Mme Julie Laernoes
Il n’y a pas de métropole dans ma circonscription !
M. Thierry Benoit
…et qu’on bénéficie de toutes les infrastructures routières, ferroviaires, aéroportuaires, sanitaires, de tous les services publics et de la 5G, il est facile d’abandonner d’autres parties du territoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, LR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.) Or, souvent, ces territoires ont attendu leur tour. Le Gouvernement est à la veille d’une négociation de contrat de plan État-région et il donne la priorité au transport ferroviaire et aux mobilités de notre temps. Cependant, reconnaissons que l’État doit, aux côtés des élus territoriaux, achever le développement de certains territoires.
Il est d’ailleurs assez symptomatique que la députée qui a défendu la motion de rejet préalable soit l’élue d’une métropole. (« Eh oui ! » sur de nombreux bancs HOR et RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Julie Laernoes proteste.)
Mme Sandra Regol
Elle représente la nation !
M. Thierry Benoit
Le pays de Thonon-les-Bains souffre toujours d’enclavement. Il ne faut pas opposer, d’une part, les territoires métropolitains et, de l’autre, les territoires ruraux et les villes moyennes. C’est pourquoi nous devons soutenir la régularisation du PLUI de la communauté de communes du Bas-Chablais. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE, LR et Dem et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
Je mets aux voix la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 52
Contre 126
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et RN. – Brouhaha.)
M. Sylvain Maillard
On est chez nous !
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour un rappel au règlement.
Mme Julie Laernoes
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3, madame la présidente.
À plusieurs reprises, j’ai fait l’objet d’une mise en cause personnelle liée à ma circonscription d’élection. Or qui connaît Pont-Saint-Martin, Bouaye ou Brains sait que je ne viens pas, contrairement à ce qui a été affirmé, d’une circonscription urbaine. Nous discutons d’ailleurs avec M. le ministre délégué du lancement d’un nouveau train express du quotidien, train que nous attendons avec impatience et qui résoudrait nos problèmes de mobilité autrement que par la route.
Je tiens également à rappeler à mes chers collègues que nous sommes des élus nationaux et que nous devons défendre l’intérêt général.
Mme Émilie Bonnivard
Oui, mais nous sommes aussi élus d’une circonscription ! Le scrutin n’est pas proportionnel !
Mme Julie Laernoes
En l’occurrence, j’ai l’impression que vous êtes davantage mus par la défense d’intérêts clientélistes et que vous manquez donc à votre devoir, pour lequel vous avez été élus. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
Merci, madame Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Dès lors qu’une proposition de loi est discutée par l’Assemblée nationale, elle concerne l’ensemble des députés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Karim Ben Cheikh applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Louis Thiériot
Il se fonde à la fois sur l’article 62, qui dispose que le vote est personnel, et sur l’article 80-1.
Je tiens en effet à dire que j’ai été choqué par les propos de l’orateur qui a défendu la motion de rejet préalable,…
Mme Cyrielle Chatelain
Oratrice !
M. Jean-Louis Thiériot
…cette personne nous ayant enjoints de ne pas voter ce texte. Je rappelle que le verbe enjoindre signifie ordonner expressément quelque chose à quelqu’un. Nous sommes libres, aussi n’avez-vous pas à nous enjoindre de quoi que ce soit.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui !
M. Jean-François Coulomme
Un petit joint devrait vous détendre !
M. Jean-Louis Thiériot
J’insiste, si vous pouvez nous conjurer, vous ne pouvez pas nous enjoindre, car ce serait contraire aux règles de notre Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RE, Dem et HOR.) Tordre le cou à la ruralité ne justifie pas de tordre le cou à la grammaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et des commissions, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme Julie Laernoes
Merci pour la leçon !
M. Jean-François Coulomme
Regardez l’étymologie du verbe enjoindre et vous serez moins choqué !
Discussion générale
Mme la présidente
Dans le calme, nous en venons à la discussion générale et allons écouter la première oratrice, Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Cette proposition de loi est, semble-t-il, une exception ; une exception probablement due à des copinages, ou aux élections sénatoriales approchantes. Franchement, nous méritons mieux que cela ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR.)
M. Thibault Bazin
Oh là là ! Il faut arrêter !
M. Jean-François Coulomme
Assumez, ce n’est pas grave !
M. Emeric Salmon
Il n’y a pas de sénatoriales en Haute-Savoie en 2023 !
Mme la présidente
Seule Mme la présidente Chatelain a la parole.
Mme Cyrielle Chatelain
Cette proposition de loi contourne en effet les procédures législatives relatives aux règlements d’urbanisme votés par cette même assemblée, et s’immisce directement dans les choix des collectivités locales.
Je le constate, vous n’avez, en fin de compte, que très peu d’arguments. Car quand on en vient à invoquer la circonscription d’élection de ma collègue Julie Laernoes pour dénigrer son raisonnement, c’est qu’on n’a rien à dire pour défendre le texte, et vous le savez. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
Mme Émilie Bonnivard
N’importe quoi ! C’est tout ce que vous avez à dire ?
Mme Cyrielle Chatelain
La vérité est que cette proposition de loi n’aurait jamais dû atterrir sur le bureau de l’Assemblée nationale, ni être discutée dans cet hémicycle ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)
Il revient aux collectivités, et plus précisément aux communes, de faire leur choix, tout en respectant la loi – loi que nous votons ici même dans cet hémicycle et qui prévoit des règlements d’urbanisme ainsi que des enquêtes environnementales afin de protéger notre planète.
Mme Émilie Bonnivard
Elle ne va quand même pas nous dire ce qu’on a à faire !
M. Romain Daubié
Le respect de la loi, on connaît !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous amenez néanmoins ce débat à l’Assemblée nationale, et il est vrai que les habitants du Bas-Chablais nous regardent. Parmi eux, il y a les fermiers des dix-sept exploitations qui ne pourront continuer leur activité à cause de cette autoroute. Oui, ils nous regardent et espèrent que l’Assemblée jouera son rôle en repoussant cette proposition de loi.
Mme Émilie Bonnivard
Vous pouvez vous occuper de votre circonscription ?
Mme Cyrielle Chatelain
Surtout, dans la mesure où vous avez décidé de saisir l’Assemblée de ce texte, ce sont les Françaises et les Français dans leur ensemble qui nous regardent. Or ils savent que nous n’avons que jusqu’en 2030 pour réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et qu’il faut arrêter avec les exceptions qui les accroissent, car nous allons dans le mur ! Quand allez-vous le comprendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) Nous ne pouvons affirmer d’un côté que, bien sûr, nous planifions, et de l’autre indiquer qu’il ne faut pas s’inquiéter, car il y aura des exceptions. Voilà la réalité !
Mme Émilie Bonnivard
Comme celles que vous faites pour les associations qui saccagent ?
Mme Cyrielle Chatelain
La seule préoccupation que vous devriez avoir est de savoir si nous pourrons continuer de vivre correctement en France. Avec des projets climaticides comme celui du Bas-Chablais, la réponse est que nous ne le pourrons pas. Pour vous, il faut aller toujours plus vite, artificialiser toujours davantage, construire toujours plus de nouvelles installations et d’autoroutes, afin de continuer à alimenter un système dont nous savons qu’il met en péril la santé des personnes, le climat et la biodiversité. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)
Mme la présidente
Veuillez laisser Mme Chatelain s’exprimer.
Mme Cyrielle Chatelain
Vous ne prenez jamais une seconde pour remettre en question la capacité de nos écosystèmes à absorber l’activité humaine, ni pour prendre conscience des limites planétaires. Alors que le dérèglement climatique s’emballe, que les épisodes de sécheresse se multiplient, que les sols ne cessent d’être artificialisés, que la biodiversité disparaît, que direz-vous aux éleveurs et aux habitants quand nous manquerons d’eau cet été ?
Mme Anne Le Hénanff
On va les accompagner !
Mme Cyrielle Chatelain
Que vous continuez de soutenir des projets autoroutiers ? Que vous êtes incapables de penser la mobilité de demain ? Est-ce cela que vous direz aux habitants de vos circonscriptions ?
Que répondrez-vous aux nouvelles générations, à vos enfants, à mes enfants, quand, demain, ils se demanderont comment ils pourront vivre ? Vous leur répondrez de ne pas s’inquiéter, car vous avez voté en faveur d’une autoroute ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Émilie Bonnivard
Pour qui vous prenez-vous ? Vous êtes de grands malades !
M. Thibault Bazin
Vous n’avez pas le monopole du cœur ! Cessez vos leçons de morale !
Mme la présidente
S’il vous plaît.
Mme Cyrielle Chatelain
Je me prends pour une représentante de la nation et j’affirme que ce texte n’a pas sa place à l’Assemblée nationale. Laissons les collectivités décider ! Mais puisque vous amenez ce débat, regardez la réalité en face. Le projet autoroutier dont il est question appartient au passé ; il n’a plus lieu d’être. Vous dites qu’il se trouve dans les cartons depuis quarante ans, mais qu’il y reste ! Il existe des solutions, comme le Léman Express. Ayez donc le courage d’investir dans le ferroviaire. Cette ligne fonctionne : vous pourriez soutenir des mobilités qui ne mettent pas en péril…
Mme Émilie Bonnivard et M. Alexandre Vincendet
Et le Lyon-Turin ?
Mme Cyrielle Chatelain
Bien sûr ! Il existe déjà des voies ferrées pour faire le Lyon-Turin, tout comme il existe le Léman Express pour se rendre à Genève.
Mme Émilie Bonnivard
On mettra l’équivalent de 3 millions de camions sur la ligne historique ? N’importe quoi !
Mme Cyrielle Chatelain
Qui, aujourd’hui, croit encore que la voiture est synonyme de liberté absolue ? Avez-vous vu le prix de l’essence ? Savez-vous que l’aller-retour sur l’autoroute que vous voulez construire coûtera 6 euros ? Qui pourra payer cette somme tous les jours pour aller travailler ? Les plus riches ! Voilà la réalité.
Mme Virginie Duby-Muller
C’est indigne !
Mme Cyrielle Chatelain
Que dites-vous aux gens qui ne font que des demi-pleins parce qu’ils ne peuvent pas dépenser plus ? Que vous ne développez pas les solutions alternatives, mais qu’il ne faut pas s’inquiéter pour autant ? Pour notre part, nous leur répondons que nous veillons sur eux, que nous voulons développer le train, et en l’occurrence le train accessible. Nous voulons que nos concitoyens puissent se déplacer collectivement, notamment en train, et que le coût de cette mobilité entraîne une diminution du montant global des dépenses contraintes.
M. Alexandre Vincendet
Dites-le à vos amis de Lyon, qui sont contre le métro !
Mme Cyrielle Chatelain
Il faut changer de modèle. Or non seulement vous faites un pied de nez institutionnel mais, plus grave, vous refusez d’entendre la nécessité de repenser les mobilités. Je vous le dis : continuer à autoriser la construction de projets autoroutiers nous emprisonne dans une trajectoire dont il devient de plus en plus difficile de dévier.
M. Jean-Luc Bourgeaux
Changez de logiciel !
Mme Cyrielle Chatelain
Les projets d’autoroutes et d’échangeurs et même les autoroutes existantes seront obsolètes dans quelques années. Dès lors, pourquoi s’entêter dans la construction d’infrastructures qui détruisent le vivant,…
Mme Émilie Bonnivard
Qui sauvent des vies !
Mme Cyrielle Chatelain
…qui vont à rebours de ce qu’il faut faire pour le climat et qui nous empêchent d’avancer dans l’élaboration d’un nouveau modèle désirable ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
Le temps qui vous est imparti est écoulé, madame la présidente Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Ce sont bien des élus de métropoles, mais aussi de Dordogne ou de la Drôme qui vous le disent, tout comme l’ensemble des Français : il faut renoncer à ce projet ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Le texte que nous examinons vise à régulariser le plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais en Haute-Savoie. Plus exactement, il nous est proposé de faire prévaloir une déclaration d’utilité publique datant de 2019 sur le PLUI de 2020 du Bas-Chablais, afin de garantir la création d’une autoroute de deux fois deux voies et longue de 16 kilomètres entre Machilly et Thonon-les-Bains.
Recourir à la voie législative pour régler une situation strictement locale, en passant outre les prérogatives des collectivités quant à leurs documents d’urbanisme peut paraître surprenant.
Pour justifier cette démarche qui fait fi des prérogatives des collectivités et du respect des procédures de modification des documents d’urbanisme, les promoteurs de cette proposition de loi font valoir que l’incompatibilité du PLUI avec le projet autoroutier ne résulte pas d’une décision délibérée des collectivités, mais d’une « erreur matérielle » de procédure. En effet, lors de la transformation des PLU en PLUI, une carte comprenant l’emplacement réservé du projet d’autoroute n’a pas été transmise.
Les partisans du texte soulignent également que la mesure proposée ne vise pas à faire obstacle à l’exercice du droit de recours à l’encontre du projet, étant donné que la DUP prise en 2019 est justement purgée de tout recours.
Ils insistent enfin sur le fait qu’il n’existe pas de solution alternative satisfaisante et que faire évoluer le PLUI par les procédures ordinaires, ou attendre l’adoption du futur plan prendrait trop de temps.
Nous pourrions objecter que contourner les procédures au seul motif d’accélérer la réalisation d’un projet est pour le moins contestable, le Conseil constitutionnel considérant d’ailleurs que le retard pris dans la conduite d’un projet ne constitue pas un motif pour se réclamer de l’intérêt général. À cet égard, il y aurait lieu de s’interroger sur la constitutionnalité de la procédure dérogatoire que ce texte tend à faire prévaloir.
En tant que législateurs, les élus du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES se refusent à se prononcer au fond sur l’opportunité de ce projet autoroutier, tout comme ils se refusent à prendre toute position dogmatique sur la question des infrastructures. De la même manière, nous refusons aussi bien la méthode retenue consistant à demander à la loi de régulariser une situation strictement locale, que de contrarier l’attente des habitants des dix communes concernées et le choix démocratique fait par leurs élus locaux. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Rarement un texte aussi modeste aura suscité autant d’éclats de voix dans l’hémicycle : sa discussion est l’occasion de voir des positions apparemment inconciliables s’exprimer sur le développement des territoires. Toutefois, n’oublions que nous devons changer de modèle alors que nous peinons à imaginer à quoi ressemblera l’avenir.
J’ai découvert cette proposition de loi avec un certain étonnement. Nous sommes tous attentifs à la défense des prérogatives de notre institution – et donc au respect de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire – tout en étant très attachés au principe de la libre administration des collectivités territoriales consacré par l’article 72 de la Constitution.
Je suis donc un peu surpris et – pour dire la vérité – gêné par cette immixtion du législateur dans le pouvoir réglementaire des élus locaux, car elle contrarie ma vision de l’exercice de ce pouvoir. Je considère qu’il ne nous appartient pas de porter un regard sur un projet local et je trouverais curieux que le Parlement vienne donner son avis sur un projet des élus locaux de ma circonscription respectant les lois en vigueur.
Par ailleurs, les administrations remplissent d’habitude leurs missions en temps et en heure, mais cela n’a pas été le cas ici. S’agissait-il d’éviter une enquête environnementale ou d’autres procédures imposées par la loi ? On peut se poser la question. Quelle qu’en soit la raison, le résultat est que la loi a, d’une certaine manière, été contournée et que le Parlement doit aujourd’hui donner un blanc-seing qui permet d’éviter les recours devant le juge et de se retrouver ainsi blanc comme neige. C’est embêtant et nous sommes gênés par ce procédé.
Notre groupe, après s’être réuni, a laissé à chacun de ses membres la liberté de son vote. Je note que le projet fait l’objet d’un consensus chez les élus locaux – même s’il n’y a pas d’unanimité, car le maire de la commune de Bons-en-Chablais s’y oppose. C’est important, car j’estime que nous devons faire la loi à partir des demandes du terrain, donc dans une logique plus ascendante – donc décentralisatrice, voire d’autonomie locale ou fédérale – que descendante.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Armand.
M. Antoine Armand
La question du désenclavement du Bas-Chablais par la réalisation d’une liaison routière adéquate, que nous évoquons à travers l’examen de cette proposition de loi, est une question essentielle pour le territoire haut-savoyard. Elle l’est également, de manière symbolique, pour les autres territoires enclavés.
Permettez-moi d’abord de saluer le travail de notre rapporteure qui s’inscrit à la fois dans une logique de coconstruction avec nos collègues du Sénat et dans une logique de cohésion territoriale, dont nous parlons souvent mais que nous respectons trop peu.
Ce projet de liaison routière bénéficie plus que d’un soutien quasi unanime sur le territoire haut-savoyard car il est le fruit de l’initiative des élus locaux eux-mêmes, qui l’attendent depuis des décennies.
Il tient compte d’enjeux de sécurité et de desserte pour les services de secours et pour l’ensemble des habitants du Bas-Chablais – actifs travaillant en France ou en Suisse, retraités, étudiants ou demandeurs d’emploi sur le marché du travail. Ces enjeux sont vitaux pour un territoire densément peuplé dont les services de mobilité se développent progressivement – sans doute trop tardivement – avec l’ensemble des élus locaux, du département comme de la région, et avec le soutien fort de l’État.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Antoine Armand
Un tel projet répond aux fortes attentes des Français vivant hors des métropoles dans des territoires qu’ils font vivre, qu’ils respectent, qu’ils aiment et sur lesquels ils sont installés depuis très longtemps. La question que nous devons nous poser aujourd’hui est la suivante : voulons-nous aider ces territoires à se développer dans le sens de la transition écologique et économique tout en maintenant leur identité propre ?
Voilà les raisons pour lesquelles nous devons contribuer à réaliser ce projet autoroutier, qui est attendu depuis des décennies par le Bas-Chablais et par toute la Haute-Savoie. Je rappelle qu’il a été reconnu d’utilité publique en 2019, mais que sa construction est actuellement suspendue en raison de l’incompatibilité du plan local d’urbanisme intercommunal adopté en février 2020.
Chers collègues, je comprends les interrogations que ce texte peut susciter parmi nous en tant que parlementaires. Toutefois, Mme la rapporteure l’a souligné, ce texte est singulier et personne ici n’envisage d’en faire un précédent.
Mme Julie Laernoes et M. Jean-François Coulomme
Rien ne le garantit !
M. Antoine Armand
Les députés d’une partie de cet hémicycle ont coutume de nous faire des procès d’intention, mais ceux-ci n’ont aucune force face aux besoins des territoires.
Mme Julie Laernoes
Les besoins d’un territoire se limitent pour vous à des autoroutes !
M. Antoine Armand
Je comprends que certains aient ici du mal à accepter le fait que ce projet soit soutenu par la quasi-totalité des élus locaux, qui nous envoient depuis des années un signal clair pour qu’il se réalise le plus rapidement possible. Loin des caricatures, je voudrais par ailleurs rappeler – nous le répéterons autant de fois que nécessaire – qu’il s’inscrit dans un schéma de mobilité globale. L’avenir de la mobilité dans la région ne passe donc pas uniquement par des autoroutes, mais il est nécessaire d’améliorer les trajets qui passent aujourd’hui par des zones limitées à 30 kilomètres à l’heure équipées de ralentisseurs ou par le centre de petites villes – pardonnez-moi d’être aussi concret, mais je vous demande de visualiser des poids lourds y passant à une vitesse importante. Nous proposons que la liaison autoroutière vienne, non pas remplacer, mais compléter les infrastructures ferroviaires récemment mises en service ainsi que les voies cyclables qui seront accessibles dès l’année prochaine et qui se développeront au cours des prochaines années grâce au soutien de l’État et du Gouvernement.
Plutôt que d’opposer les modes de transport, faisons preuve de pragmatisme, en rappelant par exemple les résultats de l’enquête environnementale. Contrairement à ce que les auteurs des amendements visant à supprimer l’article unique de ce texte soutiennent, celui-ci s’inscrit bien dans une vision globale de la mobilité favorisant une transition écologique progressive et soutenue par les territoires. Que vouloir de plus ? Le groupe Renaissance votera donc en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Jolly.
M. Alexis Jolly
Le dossier de l’autoroute entre Annemasse et Thonon est le serpent de mer de la vie politique locale depuis 40 ans. C’est un fait, le Chablais subi un enclavement important : il n’y existe aucun axe routier d’une taille adaptée au nombre d’habitants et au nombre de gens y circulant. La création de cette liaison autoroutière recèle donc un enjeu économique et de mobilité très fort.
Les automobilistes circulent sur les routes départementales engorgées, car la fluidité du trafic est très amoindrie par des limitations de vitesse parfois très basses, des feux ou des dos-d’âne. Le projet d’autoroute a pour objectif principal d’y reporter les déplacements des routes départementales adjacentes afin de centraliser la circulation sur un seul axe plutôt que d’accroître le volume de passage sur le territoire. Il prend également en compte les problématiques environnementales, puisqu’il a été conçu pour éviter les zones les plus fragiles et vise à limiter les incidences négatives sur le milieu naturel.
M. Jean-François Coulomme
Et c’est un spécialiste de l’écologie qui parle !
M. Alexis Jolly
Par ailleurs, les projets alternatifs, comme celui du Léman Express, ne pourront absorber à eux seuls la densité du trafic.
Ce texte original a pour objectif de permettre au Parlement de remettre de l’ordre en rétablissant les effets de la déclaration d’utilité publique et mettre ainsi fin à une situation juridique inextricable, caractérisée par une difficulté procédurale et urbanistique peu commune. Ce genre d’initiatives doit cependant rester une exception, car elles portent atteinte à l’organisation territoriale et administrative de notre pays et ne respectent ni les principes ni l’esprit des normes qui la régissent. Le Parlement n’a pas vocation à s’ingérer dans les affaires des collectivités territoriales ni à passer outre leurs prérogatives et leurs compétences, ce qui serait une forme de recentralisation.
M. Jean-François Coulomme
Mais il va le faire quand même !
M. Alexis Jolly
Comme toujours dans les dossiers relatifs au développement des territoires, une minorité d’agités et d’excités, souvent très à gauche, viennent bloquer les projets en exerçant des recours et en occupant le terrain.
Mme Julie Laernoes
Dans ce débat, les excités sont à droite !
M. Alexis Jolly
Ils retardent le développement économique en s’opposant à tout, aux autoroutes, aux logements et même aux vaches. Dès qu’il s’agit de désenclaver des territoires, d’accroître la fluidité des déplacements, de créer de l’emploi et de nouvelles perspectives pour les populations,…
M. William Martinet