Première séance du mercredi 21 juin 2023
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Livre VII du code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l’outre-mer
- 2. Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces
- Discussion des articles (suite)
- Article 8 bis
- Article 9
- Article 10
- Après l’article 10
- Article 10 bis A
- Article 10 bis
- Article 11
- Rappel au règlement
- Article 11 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Article 11 bis
- M. Jordan Guitton
- Amendements nos 74, 202 et 225
- Article 11 ter
- Article 11 quater
- M. Timothée Houssin
- M. Antoine Léaument
- Amendements nos 14, 68, 204 et 229
- Rappel au règlement
- Article 11 quater (suite)
- Après l’article 11 quater
- Amendement no 372
- Article 12
- M. Jean-Pierre Vigier
- Amendements nos 362, 154, 297, 355, 263, 366, 396, 268, 153 rectifié et 383 rectifié
- Après l’article 12
- Article 13
- Après l’article 13
- Amendement no 344
- Article 14
- Mme Charlotte Leduc
- Mme Nadia Hai, rapporteure
- Amendements nos 403, 99, 160, 309 et 339
- Discussion des articles (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Livre VII du code monétaire et financier et diverses dispositions relatives à l’outre-mer
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat
(procédure de législation en commission)
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant les ordonnances relatives à la partie législative du livre VII du code monétaire et financier et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (nos 1226, 1351).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons tout d’abord les interventions du Gouvernement et du rapporteur de la commission, puis les explications de vote des groupes ; nous passerons ensuite directement au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications
Depuis la crise financière de 2008, de très nombreuses règles ont été adoptées, principalement au niveau européen, en matière de régulation financière. Ainsi, à l’instar des dispositions métropolitaines du code monétaire et financier, les dispositions relatives à l’outre-mer se sont multipliées, ce qui rendait nécessaires une réorganisation et une clarification.
M. Thibault Bazin
Oui, c’est important !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
Les services du ministère de l’économie et des finances ont envisagé un code spécifique à l’outre-mer ; dans un souci de simplification et d’intelligibilité des règles juridiques, nous avons finalement préféré opter pour une nouvelle présentation et une réécriture de la quasi-totalité des articles afin de rendre le livre VII du code monétaire et financier, relatif aux territoires d’outre-mer, plus accessible, tant du point de vue de l’État que pour répondre aux besoins des usagers – en particulier ultramarins – et faciliter l’activité des opérateurs financiers comme des entreprises.
Pour mémoire, le projet de loi s’appliquera de plein droit aux collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, qui sont régies par le principe d’identité législative : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte. Ce sera également le cas dans celles relevant de l’article 74 de la Constitution, donc du principe de spécialité législative, mais dont les statuts prévoient que les lois et règlements y sont applicables de plein droit : Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans les territoires du Pacifique – Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Nouvelle-Calédonie –, le texte sera applicable sur mention expresse, le domaine bancaire et financier faisant partie des matières qui relèvent statutairement de la compétence de l’État. Un point à noter : toujours dans le souci de rendre le droit plus directement lisible par les citoyens, par les entrepreneurs, l’emploi de tableaux dits compteurs Lifou, qui constituent des grilles de lecture, a été adoptée pour tous les articles applicables dans le Pacifique.
Ce texte, qui parachève plus de trois années de travaux de recodification, vise notamment à la ratification des ordonnances relatives à la partie législative du code monétaire et financier. Celle du 15 février 2022, prise sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution, prévoit ainsi une habilitation permanente à étendre outre-mer les dispositions législatives existantes qui ressortissent à la compétence de l’État – sous la condition d’une ratification effective, impliquant un vote du Parlement dans les dix-huit mois suivant sa publication. La future loi doit donc impérativement, sous peine de caducité, être adoptée avant le 26 août, d’où son examen selon la procédure accélérée. Un certain nombre de dispositions ont fait l’objet de consultations des collectivités concernées, notamment l’article 5, qui a trait au retrait de billets aux distributeurs automatiques, et les articles 7 et 8, relatifs à la modernisation des missions de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et de l’Institut d’émission d’outre-mer (Ieom).
M. Thibault Bazin
Ce serait bien de ratifier aussi les autres ordonnances, monsieur le ministre délégué. Il y en a qu’on ne ratifie jamais !
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Il faudrait arrêter de légiférer…
M. Thibault Bazin
De légiférer par ordonnances !
Mme Véronique Louwagie
Il a raison. Thibault a toujours raison !
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué
L’adoption de ce projet de loi permettra ainsi d’achever la refonte du livre VII, dont l’intitulé austère recouvre, je le répète, un objectif essentiel pour les territoires d’outre-mer : rendre plus lisible, plus intelligible, le droit bancaire et financier. (Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
En tant qu’élu de la circonscription où se situe le village d’Artolsheim, commune française la plus éloignée de la mer, peut-être étais-je le moins disposé d’entre vous à traiter des territoires ultramarins : la vie parlementaire est riche de telles surprises.
M. Nicolas Metzdorf
Mais en tant que député, vous représentez la nation !
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur
Absolument ! Il me revient donc de vous présenter ce projet de loi, au sujet duquel la conférence des présidents a décidé, lors de sa réunion du 6 juin, de recourir à la procédure de législation en commission – je remercie Éric Coquerel d’avoir bien voulu soutenir notre requête en ce sens. Cette procédure, pour laquelle le Sénat a également opté, est en effet particulièrement appropriée aux textes techniques, qui se prêtent bien au travail en commission. Dans toutes les collectivités ultramarines, Nouvelle-Calédonie incluse, le droit monétaire, bancaire et financier relève de la compétence de l’État : ce projet de loi constitue l’aboutissement de plusieurs années de travail de nos administrations en vue de le recodifier, le Parlement ayant habilité le Gouvernement à légiférer en la matière dès la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, puis renouvelé cette habilitation dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte. C’est donc un long cheminement qui touche aujourd’hui à sa fin.
Derrière la technicité des dispositions, il y a, de la part des pouvoirs publics et du législateur, un objectif simple : rendre le droit monétaire, bancaire et financier plus lisible pour les acteurs des territoires d’outre-mer. L’article 1er du texte vise ainsi à ratifier deux ordonnances – l’ampleur du travail était telle qu’une seule n’y a pas suffi – de recodification du livre VII du code monétaire et financier, la première prise dans le cadre de l’habilitation conférée au Gouvernement par la loi Pacte, la seconde en vertu de l’article 74-1 de la Constitution, lequel dispose : « Dans les collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, par ordonnances, dans les matières qui demeurent de la compétence de l’État, étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole ou adapter les dispositions de nature législative en vigueur à l’organisation particulière de la collectivité concernée ». Or les ordonnances relevant de cet article doivent faire l’objet d’une ratification expresse dans les dix-huit mois suivant leur publication, et ce délai expire le 26 août.
M. Thibault Bazin
Encore une fois, ce serait bien de ratifier aussi les autres ordonnances !
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur
En outre, cette deuxième ordonnance a également rendu applicable outre-mer une ordonnance du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif : d’accord avec le Sénat, nous l’avons conservée dans le texte. L’article 1er bis, inséré par les sénateurs, vise du reste à prolonger de deux ans l’expérimentation concernant le financement participatif, ce qui donnera aux collectivités une chance de se saisir de ce dispositif méconnu – au point de n’avoir encore jamais été utilisé, comme nous l’avons observé en commission. L’article 2 tend à rendre expressément applicables outre-mer les modifications de certains articles du code monétaire et financier par des textes postérieurs aux ordonnances précitées ; l’article 5 tend à corriger une disposition relative aux retraits d’espèces aux distributeurs en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; les articles 7 et 8 visent à moderniser les missions de l’Iedom et de l’Ieom, qui sont en quelque sorte les petites banques centrales des collectivités ultramarines.
La commission a créé le 14 juin, par voie d’amendement, deux articles supplémentaires. Le premier, l’article 3 bis, rendra applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna le règlement du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués ; le second, l’article 4 bis, vise à corriger des erreurs de rédaction commises, au cours de la recodification du livre VII, lors de la transposition des dispositions relatives à l’encaissement des chèques en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Surtout, la commission a rétabli l’article 9, que le Sénat avait supprimé et qui prévoit, dans un objectif de sécurité juridique, qu’un nouvel article du code monétaire et financier précise les fondements législatifs du fichier des comptes outre-mer (Ficom), qui centralise les données relatives aux comptes de toute nature émanant des deux instituts d’émission, par analogie avec les fondements du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba), lequel concerne l’Hexagone.
La question des personnes habilitées à accéder aux données du Ficom, renvoyée par le texte au domaine réglementaire – « un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’outre-mer » –, a suscité le débat en commission : je précise qu’il a été fait droit aux demandes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et que celle-ci sera de nouveau consultée par la suite. Quant à la question du parallèle avec le Ficoba, j’y répondrai en trois points. Premièrement, étant donné les dispositions du code général des impôts et l’obligation faite aux organismes teneurs de comptes, depuis la loi de finances pour 1981, de les déclarer à l’administration fiscale, on peut considérer que le Ficoba a des fondements légaux. Deuxièmement, l’accès n’en est pas déterminé seulement par la loi : l’arrêté du 14 juin 1982 énumère une vingtaine de catégories de personnels habilités. Troisièmement, le code de procédure pénale, et par conséquent l’habilitation des magistrats ainsi que celle des officiers de police judiciaire, s’applique outre-mer de plein droit. L’article 9 vise donc bien à établir un parallèle entre le Ficoba et le Ficom. Pour toutes ces raisons, je vous appelle, chers collègues, à vous prononcer en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Explications de vote
M. le président
La parole est à M. Luc Geismar.
M. Luc Geismar (Dem)
Le texte que nous sommes amenés à examiner clôt trois années de recodification visant à clarifier les dispositions applicables outre-mer du code monétaire et financier. Ce long et fastidieux travail s’est révélé plus que nécessaire, le contenu du livre VII étant devenu à la fois illisible – structure désordonnée, conditions d’application des dispositions souvent réparties entre plusieurs chapitres, voire plusieurs titres – et inadapté – depuis la crise financière de 2008, les évolutions normatives en matière de régulation financière ont été nombreuses, si bien que beaucoup d’articles avaient perdu en clarté et en cohérence. Face à cette situation, le Gouvernement, par voie d’ordonnances, a procédé à une totale refonte, à une rénovation en profondeur de ce livre : nous saluons la qualité de ce travail, et je tiens d’ailleurs à souligner que la commission supérieure de codification, dans son rapport annuel de 2021, « a tenu à saluer le travail considérable de l’administration et de son rapporteur particulier et s’est félicitée du progrès que constitue la réécriture proposée ».
Au-delà du caractère technique qu’il semble revêtir, ce texte contribuera à améliorer la loi en la rendant plus accessible, intelligible et protectrice, tant pour l’administration et la justice que pour les usagers.
C’est pour toutes ces raisons qu’il est nécessaire de ratifier les ordonnances qui le composent et de leur donner une valeur législative afin qu’elles ne deviennent pas caduques car, dans ce cas, nous perdrions le fruit d’un travail aussi fastidieux qu’essentiel.
Je salue également la modernisation de l’Ieom et de l’Iedom. L’article 7, en particulier, permettra à ce dernier d’échanger des données statistiques avec l’Insee, ce qui améliorera la qualité des analyses économiques et financières portant sur ces territoires.
L’article 8 mérite d’être noté : ses dispositions contribueront à prévenir les faillites en accordant à l’Ieom la possibilité de noter la situation financière des entreprises volontaires et de partager ces informations avec les acteurs impliqués dans la prévention et le traitement de leurs difficultés. Nous serons ainsi plus vigilants à l’égard des entreprises en difficulté, dont l’accompagnement sera renforcé.
En somme, ce projet de loi qui rendra plus lisible le droit bancaire et financier applicable outre-mer grâce à la ratification des ordonnances de recodification. De plus, la modernisation de l’Ieom et de l’Iedom renforcera leur rôle dans ces territoires, notamment en matière de prévention des faillites. C’est pourquoi le groupe Démocrate votera résolument pour ce texte.
M. le président
La parole est à M. Christian Baptiste.
M. Christian Baptiste (SOC)
La refonte du livre VII du code monétaire et financier, qui adapte aux territoires ultramarins des dispositions en matière d’émission de monnaie et d’activités bancaires et financières, était nécessaire.
Cependant, nous sommes toujours vigilants lorsqu’il s’agit de ratifier des ordonnances, lesquelles ont pour effet d’éloigner le Parlement de la prise de décision, au détriment de la transparence et de la publicité des débats. Nous préférerons toujours débattre des sujets qui intéressent nos territoires d’outre-mer, dont les spécificités imposent de travailler en lien avec ses représentants.
S’agissant de l’article 1er, beaucoup de marge est donnée au Gouvernement et peu d’informations à la représentation nationale. Ainsi, les ordonnances du 15 septembre 2021 et du 15 février 2022 ont réorganisé le livre VII du code monétaire et financier, mais elles en ont également réécrit certaines dispositions ; or l’étude d’impact est muette à propos de ces modifications.
Nous saluons l’extension bienvenue des missions de l’Iedom et de l’Ieom, de nature à renforcer l’information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins, tout en permettant à l’Inspection générale des finances de s’assurer que la mission de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est menée à bien. La question se pose toutefois de savoir pourquoi cette mission revient historiquement à l’IGF plutôt qu’à la Banque de France.
En revanche, permettez-moi de vous faire part d’un profond regret au sujet des frais bancaires. À l’article 5, vous êtes revenus sur la gratuité de tous les retraits d’espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Nous pensons que c’est une erreur et nous avons donc déposé deux amendements visant à rétablir cette disposition et même à l’étendre à l’ensemble des distributeurs des territoires d’outre-mer. D’après le dernier rapport annuel de l’observatoire des tarifs bancaires pour les départements et collectivités d’outre-mer de la zone euro de l’Iedom, les tarifs bancaires ont augmenté et les frais bancaires sont plus élevés aux Antilles que dans l’Hexagone. Dix pour cent : tel est le surcoût que les Français d’outre-mer doivent payer à leur banque par rapport à l’Hexagone ! C’est ce que dévoile une étude menée par l’association de consommateurs CLCV – consommation, logement, cadre de vie. Quelles raisons justifient de tels écarts ? Cette situation, qui ne date pas d’hier, entraîne toujours autant d’incompréhension de la part des ultramarins. Pour un compte courant, une carte bancaire et deux retraits déplacés par mois, il faut compter, à services exactement équivalents, une cotisation moyenne de 72 euros en outre-mer contre 66 euros dans l’Hexagone.
Les inégalités entre les tarifs des banques dans l’Hexagone et en outre-mer sont une réalité bien connue des pouvoirs publics. Il est important de faire participer les banques à l’effort collectif visant à redonner du pouvoir d’achat aux populations des territoires ultramarins sinistrés. Les mouvements contre la vie chère et les grèves qui ont traversé les outre-mer ces dernières années – en Guyane en 2017, à Mayotte en 2018 ou encore en Guadeloupe en 2021 – soulignent la persistance, voire l’aggravation des fragilités économiques et sociales dans les territoires ultramarins. Les différences que nous constatons dans nos territoires s’agissant du secteur bancaire ne font qu’aggraver les choses.
Nous voterons donc pour ce texte,…
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur
Très bien !
M. Christian Baptiste
…tout en invitant le Gouvernement et sa majorité relative à prendre en considération, dans les prochaines semaines et les prochains mois, nos propositions pour lutter contre la vie chère dans les territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier (HOR)
Je serai brève car l’ordre du jour est chargé et le rapporteur a déjà parfaitement résumé les enjeux de ce projet de loi.
Ce texte est d’abord nécessaire compte tenu des contraintes calendaires auxquelles nous sommes soumis pour ratifier les ordonnances en question. Il permet également de mettre à jour et de corriger le cadre juridique applicable à certaines de nos collectivités d’outre-mer. Enfin, nous nous réjouissons de la modernisation des missions de l’Iedom et de l’Ieom.
Vous l’aurez compris, ce projet de loi permet d’améliorer l’intelligibilité du droit bancaire et financier pour tous les acteurs établis dans les collectivités d’outre-mer. Je tiens à remercier et à féliciter sincèrement les services administratifs pour leurs travaux de recodification, aussi importants que précieux.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Horizons et apparentés voteront naturellement pour ce texte.
M. le président
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou (Écolo-NUPES)
D’apparence très technique, ce projet de loi pose la question majeure du principe d’égalité entre tous les citoyens. Comme l’a dit M. Baptiste, il est notamment mis fin à la règle de la gratuité totale des retraits d’espèces en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Dans ces territoires où les temps de trajet sont démultipliés, trouver un service de retrait agréé est parfois impossible, tout simplement. La précarité y est encore plus élevée que dans l’Hexagone ; il faut donc accorder une attention particulière aux dispositions qui enlèvent du pouvoir d’achat – ou du pouvoir de vivre –, si modestes soient-elles.
Disons les choses : ces territoires sont les grands oubliés de la République et les premiers affectés par le bouleversement climatique. Ils méritent donc qu’on aborde l’outre-mer dans cet hémicycle sous un angle autrement plus concret. Comment agrandir la seule maternité de Mayotte ? Comment financer massivement les services publics aux Antilles ? Comment éviter la surpopulation de la seule prison de Polynésie, celle de Faa’a Nuutania, alors que les décisions judiciaires y sont encore plus rudes qu’ailleurs ? Voilà les questions dont nous devrions nous saisir. Le code monétaire et financier est certes important mais nous voudrions pouvoir parler de santé, de perspectives d’emploi, de lutte contre le réchauffement climatique et de services publics dans ces territoires où une personne sur dix est au chômage et où la pauvreté est cinq fois plus répandue que dans l’Hexagone.
En outre, n’adoptons pas toutes les dispositions par ordonnance. C’est nécessaire sur certains sujets très techniques mais tout ne peut pas passer par cette voie : le Parlement doit se saisir des grands sujets.
Nous voterons pour ce texte tout en restant vigilants sur la question de l’égalité territoriale. Plus généralement, de grâce, parlons enfin des outre-mer pour que leurs habitants, selon le mot d’Aimé Césaire, soient des citoyens à part entière plutôt que des citoyens entièrement à part. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, à qui je souhaite la bienvenue dans l’hémicycle en notre nom à tous. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Mme Mereana Reid Arbelot (GDR-NUPES)
Ia ora na ! Bonjour ! Ma première prise de parole dans l’hémicycle concerne un texte qui touche directement les collectivités d’outre-mer, notamment la Polynésie française. Elle portera sur la forme, d’abord, pour contester la méthode utilisée par le Gouvernement, et sur le fond, pour soulever une disposition qui illustre sa méconnaissance de la réalité ultramarine.
Sur la forme, voici quelques constats formulés dans l’avis rendu par l’Assemblée de Polynésie le 10 février 2022 : « Il est utile de souligner une fois de plus que ces saisines à répétition, parfois dans l’urgence, et ces changements de méthodologie sont extrêmement chronophages pour les administrations polynésiennes qui doivent, à chaque fois, analyser des projets lourds, sur une matière très technique, dans des délais très contraints. […] [L]a méthodologie employée par l’État continue de nuire gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et [financière] car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées. »
Sur le fond, l’article 5 du projet de loi tend à corriger une prétendue erreur matérielle au 14o des articles L. 752-3 et L. 753-3 du code monétaire et financier. Le Gouvernement rate ici une occasion de soutenir le pouvoir d’achat des ménages de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Selon nous, la gratuité des retraits d’espèces aurait en effet dû être maintenue dans ces territoires. Cet article démontre la méconnaissance qu’a le gouvernement central de la réalité du terrain ultramarin.
Ainsi, sur les soixante-seize îles habitées de Polynésie, une douzaine seulement ont au moins un distributeur. Imposer des frais bancaires sur les retraits, comme le prévoit l’article 5, aurait non seulement des conséquences sur le coût de la vie, déjà très élevé dans ces territoires, mais imposerait aussi aux administrés le choix forcé d’un établissement bancaire. Deux solutions s’offriraient alors à eux : accepter de payer ces frais pour rester dans leur établissement bancaire ou en changer pour ne plus avoir à les supporter.
Notre avis sur les articles 7 et 8 relatifs à la modernisation des missions de l’Iedom et de l’Ieom et sur l’article 9 relatif au fichier des comptes outre-mer est favorable.
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur
Très bien !
Mme Mereana Reid Arbelot
Toutefois, pour les raisons que je viens d’exposer, le groupe GDR-NUPES votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
M. le président
Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand (LIOT)
Les dispositions relatives à l’outre-mer du code monétaire et financier devaient être adaptées. Les ordonnances que nous ratifions permettent, à droit constant, de réorganiser le code et le projet de loi adapte également certaines dispositions bancaires et financières aux territoires ultramarins.
Je dirai un mot, cependant, de la ratification de l’ordonnance du 15 février 2022. Elle a été prise en application de l’article 74-1 de la Constitution, qui offre au Gouvernement une sorte d’habilitation permanente à légiférer par ordonnance pour étendre des dispositions législatives de droit commun aux territoires ultramarins régis par l’article 74. Cette ordonnance doit impérativement être ratifiée avant le 26 août sous peine de caducité. Les délais de ratification sont donc très contraints ; nous tenions à le signaler.
S’agissant de l’article 2, nous ne nous opposons pas à la prolongation de l’expérimentation relative au financement participatif des services publics mais nous restons vigilants. Sur le plan théorique, le financement de certains services par les citoyens concernés laisse imaginer, dans le pire des scénarios, des services publics à la carte. En pratique, cependant, aucune collectivité n’a encore utilisé cette possibilité.
Nous nous félicitons de l’article 3 bis, qui adapte aux territoires ultramarins le contrôle légal opéré sur les cryptoactifs.
Bien que l’article 5 relatif au coût des retraits d’argent aux distributeurs rectifie une erreur rédactionnelle survenue durant la recodification, il est défavorable à nos concitoyens du Pacifique et nous le regrettons.
L’extension des missions de l’Iedom et de l’Ieom est par ailleurs la bienvenue ; elle renforce en effet l’information économique et le contrôle prudentiel dans les territoires ultramarins.
Je terminerai par deux regrets. Le premier concerne le contrôle des comptes de l’Iedom, qui sera désormais assuré par un commissaire aux comptes au lieu de deux actuellement. Il nous semble que ce changement devrait être mieux justifié et, surtout, évalué dans les prochaines années. Il serait regrettable que la qualité des comptes de l’Institut ne se détériore en raison d’économies de bouts de chandelle. Mon second regret concerne l’absence de réflexion globale sur les frais bancaires, qui ne font pas exception dans un contexte ultramarin marqué par un coût de la vie exorbitant.
Compte tenu de la nécessité de disposer d’un cadre, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra néanmoins ce texte.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Metzdorf.
M. Nicolas Metzdorf (RE)
Je voudrais tout d’abord saluer l’arrivée dans cet hémicycle de ma collègue de Polynésie française, à qui je souhaite la bienvenue. J’espère que nous pourrons défendre ensemble l’intérêt du Pacifique. Je voudrais aussi vous remercier pour votre travail, monsieur Sitzenstuhl ; vous êtes un député de la nation et, à ce titre, vous êtes aussi un député de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) De ce fait, soyez à l’aise dans vos fonctions de rapporteur !
Ce texte peut paraître technique, froid, voire rigide, mes chers collègues, mais il est à mes yeux essentiel. C’est en effet l’uniformité de nos codes et de notre droit qui nous permet de garder une République une et indivisible ; vous savez combien cela est important pour les collectivités d’outre-mer. Le projet de loi que nous nous apprêtons à voter revêt une grande importance pour les collectivités qui ont été confrontées, ces dernières années, à la multiplication des dispositions du code monétaire et financier. La ratification de ces ordonnances vise à rendre plus intelligible le droit bancaire et financier dont les dispositions, dans les territoires d’outre-mer, sont devenues souvent illisibles et parfois même obsolètes. La mise en application du texte tiendra compte de l’évolution des contextes locaux et des réglementations européennes.
Le projet de loi comporte notamment des avancées s’agissant de la modernisation des missions de l’Iedom et de l’Ieom, dont il renforce le rôle de véritable banque centrale pour les collectivités du Pacifique – ce qui dépasse l’objectif initial du code monétaire et financier.
Je voudrais saluer en particulier le travail réalisé pour moderniser l’Ieom et améliorer la gestion des données, dans le but de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale. C’est un enjeu important pour nos îles et nos territoires. À titre personnel, je considère qu’il faut aller plus loin dans l’uniformisation monétaire. Le franc CFP, qui a en cours en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française – le franc des colonies françaises du Pacifique, de son ancien nom –, est à mes yeux archaïque. Indexé sur l’euro, il n’a qu’un rôle identitaire et complique grandement les échanges. Il faudrait donc se pencher sur la question de l’adoption de l’euro dans les collectivités d’outre-mer.
M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur
Très bien.
M. Nicolas Metzdorf
Chers collègues, nous avons devant nous un texte de raison, d’uniformisation, de simplification et de modernisation. Pour ces raisons, le groupe Renaissance votera en sa faveur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny (RN)
Nous sommes invités à nous prononcer sur un dossier très technique. Sur le fond, il s’agit principalement de recodifier les dispositions du code monétaire et financier applicables en outre-mer, rendues illisibles par la multiplication des mesures de régulation financière adoptées après la crise de 2008. De ce point de vue, certains éléments du texte, fruit d’un effort de simplification et de clarification, vont dans le bon sens : ils se traduisent par une meilleure lisibilité du droit et ne soulèvent aucune difficulté d’ordre politique.
D’autres dispositions, en revanche, sont sources de confusion ou, pire, d’inégalités. L’article 1er bis, tout d’abord, prolonge l’expérimentation visant à permettre aux collectivités territoriales de recourir au financement participatif. Ajouté par le Sénat, il a tout du cavalier législatif : on ne comprend pas très bien ce que vient faire dans ce texte un sujet à part entière qui n’est pas spécifique aux outre-mer. D’autant que le financement participatif n’intéresse visiblement pas les collectivités : lors de l’examen du texte en commission, nous avons appris que pas une ne s’était portée candidate. À quoi bon prolonger un dispositif jugé inutile par ceux-là même qu’il concerne ? Le financement participatif des collectivités est d’ailleurs une mesure discutable, rendant possible un mélange des genres entre collectivités publiques et intérêts privés.
Deuxièmement, ce texte met fin à la gratuité de tous les retraits d’espèces dans les distributeurs automatiques de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Certes, cette gratuité résultait d’une erreur technique. Mais dès lors que nos concitoyens en ont bénéficié, la remettre en cause est un choix politique – d’autant plus que les frais bancaires restent plus élevés en outre-mer qu’en métropole. Avant de revenir éventuellement sur cette gratuité, il faudrait d’abord baisser le niveau des frais dans ces collectivités. Quitte à uniformiser les frais de retrait aux distributeurs automatiques – ce qui semble être votre volonté –, pourquoi ne pas les supprimer en métropole ?
Un troisième point critiquable est le recours à la procédure de législation en commission, qui nous empêche de proposer des amendements en séance. Or un certain nombre d’articles additionnels, très peu motivés, ont été ajoutés à l’initiative du rapporteur pendant l’examen du texte en commission, sans que nous en connaissions les tenants et les aboutissants. Certes, le texte est technique et les amendements adoptés le sont tout autant. Mais dans ces conditions, il est difficile pour nous, parlementaires, d’avoir une vision claire du texte sur lequel nous sommes invités à voter, à défaut d’étude d’impact portant sur les articles additionnels.
Le dernier point critiquable concerne la réintroduction de l’article 5, qui avait pourtant été supprimé par le Sénat pour de bonnes raisons. L’accès aux données bancaires est en effet un sujet sensible dans l’ensemble du territoire. Or, en la matière, le projet de loi prévoit d’appliquer un régime juridique différent en métropole et en outre-mer, sans que nous ne comprenions bien pourquoi. La Haute Assemblée avait jugé cette disposition inutile et contre-productive ; c’est également notre avis.
Pour toutes ces raisons, le groupe RN s’abstiendra sur le texte à ce stade. Nous attendrons les résultats de la commission mixte paritaire, dont nous espérons qu’ils tiendront compte de ces différentes critiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Perceval Gaillard.
M. Perceval Gaillard (LFI-NUPES)
Cela a été dit par ma collègue polynésienne : ce texte illustre parfaitement les difficultés des gouvernements successifs à prendre en considération les réalités des territoires dits d’outre-mer. Le toilettage des textes qui leur sont applicables est une nécessité. Le caractère illisible et inadapté aux réalités actuelles des dispositions qui nous occupent est tellement évident qu’elles ne pouvaient rester en l’état. Cependant, on nous demande une fois encore de ratifier des ordonnances déjà prises et, pire, on nous demande de réparer un oubli du Gouvernement, qui n’a pas pris les ordonnances dans les délais fixés.
Cette méthode a été dénoncée par l’Assemblée de la Polynésie française. Très critique à l’égard du Gouvernement sur ce dossier, celle-ci a regretté les saisines multiples et en urgence du Gouvernement, alors même que les travaux de recodification ont duré plus de trois ans. Cela prouve le peu de considération que les gouvernements successifs ont pour les outre-mer et leur faible connaissance du sujet, et explique l’avis défavorable rendu par l’Assemblée de la Polynésie sur le projet d’ordonnance de février 2022 du fait, je cite, de « la méthodologie employée par l’État, qui nuit gravement à l’intelligibilité du droit en matière monétaire et financière, car elle rend impossible, faute de temps et de concertation, d’évaluer les effets des modifications proposées. »
Enfin, le Gouvernement veut nous faire croire qu’il prend des dispositions correspondant spécifiquement aux réalités ultramarines. C’est le cas par exemple s’agissant de l’ordonnance de septembre 2022, qui vise à moderniser le cadre relatif au financement participatif. Or cette disposition n’est pas spécifique aux outre-mer et, cela a été dit, aucune collectivité ne s’est saisie de cette possibilité. La disposition prévue à l’article 1er bis, visant à porter de 3 à 5 ans la durée de l’expérimentation permettant aux collectivités le recours au financement participatif obligataire pour leurs projets non commerciaux, n’est pas davantage spécifique aux outre-mer.
Si la modification des missions de l’Ieom constitue en tout état de cause une vraie avancée, le groupe La France insoumise votera contre ce texte, en soutien à nos camarades polynésiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur (LR)
Bienvenue à l’Assemblée, chère collègue Reid Arbelot. Je vous souhaite plein succès et beaucoup de bonheur dans cette enceinte où vous représentez la France du bout du monde – merci.
Ce projet de loi d’apparence très technique vise à ratifier plusieurs ordonnances dans un délai maximal de dix-huit mois, comme l’a dit notre rapporteur, ce qui nous laisse jusqu’au 26 août. Déposé et examiné au Sénat selon la procédure accélérée, il arrive à l’Assemblée nationale sans bouleversement majeur. Le groupe LR le votera, mais s’interroge sur certains sujets relatifs plus spécifiquement au monde océanien – Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna.
J’insisterai en particulier sur l’article 9 sur lequel il convient, sinon de s’inquiéter, du moins de s’interroger. Il prévoit en effet de donner une base législative à l’existence du Ficom, qui repose aujourd’hui sur un fondement réglementaire. Le problème est qu’en légiférant de cette façon, on introduit une différence sensible entre le Ficom – qui concerne essentiellement le Pacifique – et son équivalent pour la métropole et les départements d’outre-mer des Antilles et de l’océan Indien, le Ficoba. On ne voit pas bien la pertinence de faire ainsi se conjuguer deux systèmes. Si l’on avait pu éviter cette difficulté, ce n’aurait pas été plus mal.
Des difficultés ont également été signalées par la Cnil. Vous nous avez indiqué, monsieur le rapporteur, qu’elles avaient été levées. Je ne demande qu’à vous croire, mais est-ce bien le cas ?
L’article 5 enfin, qui concerne plus particulièrement le grand public, restreint la garantie de la gratuité des retraits. La zone Pacifique a en effet une singularité : le nombre de guichets permettant de retirer de la monnaie fiduciaire est relativement restreint, du fait essentiellement de l’insularité. Cette difficulté était jusqu’à présent atténuée par la possibilité d’effectuer des retraits gratuitement dans les différents guichets bancaires, quelle que soit la carte dont on était porteur. Ce ne serait plus le cas demain, ce qui pose un problème : on renchérirait ainsi le prix de l’argent dans ces différents territoires, ce qui affecterait le pouvoir d’achat de nos compatriotes de la zone Pacifique dont la situation, on le sait, n’est déjà pas la plus favorable.
Telles sont les quelques réserves sur lesquelles le groupe LR souhaitait attirer l’attention. En tout état de cause, nous voterons le texte afin que les ordonnances puissent être ratifiées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 112
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 71
Contre 17
(Le projet de loi est adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
2. Donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces (nos 1301, 1352).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant l’article 8 bis.
Article 8 bis
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics, pour soutenir l’amendement no 409.
M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics
Il s’agit d’un amendement de coordination avec la rédaction proposée par M. Belhamiti dans son amendement no 368 portant article additionnel après l’article 12, qui vise à intégrer le délit douanier commis en bande organisée dans le régime renforcé du code de procédure pénale.
M. le président
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à laquelle la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a délégué l’examen des articles 1er à 5, 8, 8 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 11 quater, pour donner l’avis de la commission.
Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Avis favorable.
(L’amendement no 409 est adopté.)
(L’article 8 bis, amendé, est adopté.)
Article 9
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir les amendements nos 86 et 102, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Mickaël Bouloux
Ils concernent tous les deux le processus par lequel le procureur de la République est tenu informé du placement en retenue douanière d’une personne. L’amendement no 86 précise que celui-ci devra en être informé « préalablement », ce qui n’empêchera pas pour autant les douaniers de travailler ; l’amendement no 102, de repli, indique qu’il devra en être informé « sans délai » car la rédaction actuelle peut laisser place à une information tardive, alors que la retenue touche à sa fin ou même après qu’elle a eu lieu.
M. le président
La parole est à Mme Nadia Hai, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Mme Nadia Hai, rapporteure de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Monsieur Bouloux, je partage la philosophie générale de vos amendements, dont nous avons déjà débattu en commission. Toutefois, loin d’apporter de simples précisions, ils aboutissent ni plus ni moins à modifier la procédure même de la retenue douanière et soulèvent des difficultés opérationnelles.
L’article 9 instaure un dispositif permettant aux agents des douanes de prendre connaissance de certains documents ou objets et, le cas échéant, de les saisir dans le cadre d’une retenue douanière, laquelle ne peut être mise en œuvre qu’en cas de flagrant délit douanier. Ils ne peuvent pas toujours anticiper le moment où elle aura lieu et ne disposent que d’un temps contraint pour mener à bien leurs investigations puisqu’elle est limitée à vingt-quatre heures. Il ne me semble donc pas raisonnable de subordonner le début des opérations à l’information préalable du procureur qui sera de toute façon « informé par tout moyen », comme l’indique l’article 9, et dans les meilleurs délais. Par ailleurs, l’article 323-3 du code des douanes prévoit qu’il doit être informé « dès le début de la retenue douanière », sans pour autant que cela constitue une condition préalable.
Pour ces raisons, vous comprendrez que j’émettrai comme en commission un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis pour les mêmes raisons.
(Les amendements nos 86 et 102, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l’amendement no 55.
M. Alexandre Sabatou
Comme ceux que j’ai défendus à l’article 2, cet amendement vise à rendre la douane indépendante et autonome vis-à-vis du procureur de la République. Dans sa rédaction actuelle, l’article 9 prévoit en effet que ce dernier est immédiatement informé de la saisie, à laquelle il peut s’opposer en temps réel. Nous voulons, par cet amendement, supprimer cette possibilité d’opposition, en cohérence avec l’objectif poursuivi par la nouvelle procédure. Actuellement, l’exploitation et la saisie de téléphones portables, par exemple, ne sont pas possibles sur la seule base de la procédure douanière, puisqu’il revient au procureur de la République de saisir le service judiciaire pour qu’il procède aux investigations nécessaires. Or tout l’intérêt de la nouvelle procédure est que les agents des douanes puissent disposer d’une plus grande souplesse vis-à-vis du procureur. L’amendement proposé va dans ce sens, sans toutefois remettre en cause le rôle du procureur, qui reste informé par tout moyen et qui demeure, une fois les investigations matérielles menées, gardien de la procédure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Cet amendement a été rejeté en commission et j’y suis toujours défavorable. La procédure de saisie créée par l’article 9 doit être encadrée par le juge. La constitutionnalité du dispositif, comme celle de toutes les mesures permettant une intrusion dans la vie privée des personnes, est garantie par le haut degré de contrôle assuré par le juge.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous sommes évidemment opposés à cet amendement qui traduit une logique contraire à la nôtre. Nous voulons conforter les moyens attribués aux douaniers tout en faisant en sorte que les droits soient préservés. Vous, collègues du Rassemblement national, vous voulez toujours accorder les pleins pouvoirs à ceux qui dépendent de l’exécutif – en l’occurrence les douaniers – et aucun pouvoir à ceux qui relèvent de la justice. Vous estimez suffisant de prévenir le bras judiciaire, sans lui donner de possibilité d’action, mais pour garantir les droits des citoyens, la séparation des pouvoirs doit s’appliquer dans toutes ses dimensions.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou
Finalement, vous n’avez pas d’argument à nous opposer, madame la rapporteure, puisque vous vous cachez derrière le Conseil constitutionnel. La vérité, c’est qu’il ne s’agit pas d’une proposition anticonstitutionnelle. Dans un arrêt de la Cour de cassation de 2016, sur lequel vous vous fondez d’ailleurs pour créer cette nouvelle procédure, il est indiqué que la saisie matérielle des indices est possible pour les agents des douanes à certaines conditions ; mais il n’est pas question d’une quelconque opposition qui émanerait du procureur de la République.
Par ailleurs, la saisie des objets prévue à l’article 323 du code des douanes a été jugée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel en 2010. Or cette procédure ne prévoit pas, en l’état, une capacité explicite d’opposition du procureur de la République : elle prévoit simplement que ce dernier est informé, qu’il contrôle la procédure et assure la sauvegarde des droits. L’amendement proposé va donc dans le même sens.
(L’amendement no 55 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 84.
M. Mickaël Bouloux
Il vise à limiter les cas dans lesquels la saisie du support physique des données est possible, dans la mesure où un disque dur, un téléphone ou un ordinateur peuvent contenir des données sans lien avec la potentielle infraction, mais pouvant être importantes pour la personne qui, à ce stade, n’est encore que suspectée.
C’est pourquoi nous proposons de limiter la saisie aux cas suivants : premièrement, lorsque la copie n’est pas possible ; deuxièmement, si la saisie permet d’éviter la commission d’une infraction. L’objectif est de mieux encadrer la saisie douanière.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Il convient de laisser aux agents des douanes le choix dans la manière de procéder, qu’il s’agisse de saisir le support ou de le copier. Comme vous l’aurez remarqué, le dispositif est déjà bien encadré. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis pour les mêmes raisons.
(L’amendement no 84 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l’amendement no 56.
M. Alexandre Sabatou
La procédure proposée par le Gouvernement prévoit que les agents des douanes peuvent, à l’issue de la retenue douanière, dans un délai de trente jours à compter de la saisie du matériel informatique, effectuer une copie des données qu’il contient. Toutefois, la disposition ajoute une lourdeur procédurale inutile pour les douaniers, à savoir la nécessité d’obtenir une autorisation écrite et motivée du procureur de la République.
Je me réjouis d’ailleurs que M. Reda, vice-président du groupe d’études relatif à la simplification administrative, soulève le même problème dans son amendement no 161. Il faut libérer les douaniers de toutes les lourdeurs qui entravent leur action afin de les rendre plus réactifs. (M. Pierrick Berteloot applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Votre amendement me semble aller trop loin dans l’assouplissement du dispositif. Nous parlons d’une copie de données informatiques effectuée après la retenue douanière, alors que la personne a été remise en liberté. Une telle procédure est certes très utile pour poursuivre les investigations sur certains dossiers, mais elle est dérogatoire et doit, à ce titre, être encadrée.
Vous évoquez l’amendement que M. Robin Reda présentera dans un instant ; celui-ci connaîtra un tout autre sort que le vôtre, sur lequel j’émets un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Nous sommes tous favorables à la simplification. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Sabatou, au profit de celui de M. Reda qui supprime en effet l’exigence d’une autorisation écrite et motivée, simplifiant ainsi la procédure, alors que votre amendement substitue à l’autorisation une simple information, ce qui n’est pas conforme à nos intentions.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou
Je ne vois pas en quoi informer le procureur poserait problème, monsieur le ministre délégué. L’article 9 prévoit non seulement une autorisation expresse du procureur de la République mais aussi l’obligation de la motiver ; j’imagine que le défaut de motivation du procureur pourra donc constituer un vice de procédure. Nous risquons de créer une usine à gaz, qui dissuadera les agents des douanes comme les procureurs à recourir au dispositif.
(L’amendement no 56 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Robin Reda, pour soutenir l’amendement no 161.
M. Robin Reda
L’idée n’est pas de simplifier pour simplifier. Dans le cadre d’une retenue douanière, il est procédé à une saisie de matériels, dont le procureur de la République est déjà informé par tout moyen, comme l’indique très clairement l’article 9, et à laquelle il peut s’opposer.
Dès lors que la personne est placée sous main de justice, il ne s’agit pas d’ajouter un fait procédural supplémentaire mais de permettre que des données soient saisies dans le cadre de l’enquête.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Vous avez parfaitement raison, monsieur Reda. Solliciter une autorisation écrite et motivée pour chaque cas risquerait de donner lieu à un engorgement des tribunaux. L’autorisation simple me semble être suffisante, respectueuse des données de la vie privée qui pourraient être saisies. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Avis très favorable à cet amendement bienvenu, qui permet de revenir sur un formalisme excessif.
(L’amendement no 161 est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 342.
Mme Nadia Hai, rapporteure
Tirant les conséquences de la réponse du Conseil constitutionnel à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) no 2016-600 du 2 décembre 2016, laquelle concernait des données saisies au cours d’une perquisition administrative effectuée lors de l’état d’urgence, le présent amendement vise à préciser les modalités de conservation et de suppression de données copiées dans le cadre de la procédure ultérieure à la retenue douanière.
Aux termes de l’amendement, si l’analyse des données copiées permet de constater des infractions douanières, les données et leurs supports sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés. Les autres données sont détruites à l’expiration d’un délai maximal de trois mois.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Je veux saluer la célérité avec laquelle la rapporteure, de son œil avisé, a identifié une lacune du texte en ce qui concerne les modalités de destruction des données non retenues pour l’enquête. Avis favorable.
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux.
M. Mickaël Bouloux
Je ne peux qu’être favorable à cette proposition puisque j’ai déposé un amendement similaire, lequel devait venir en examen juste après mais tombera sans doute si celui-ci est adopté. Nous avions parlé de ces précisions en commission ; je constate donc que le texte s’améliore.
Mme Nadia Hai, rapporteure
C’est bien cela !
M. Mickaël Bouloux
Je voterai donc votre amendement, madame la rapporteure.
M. le président
Je précise simplement que l’adoption du présent amendement ne fera pas tomber le vôtre, monsieur Bouloux.
(L’amendement no 342 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 385.
M. Philippe Naillet
Puisqu’il n’est pas tombé, je vais le défendre. Il vise à prévoir les modalités de destruction des données copiées par les agents dans le cadre d’une retenue douanière. En effet, en l’état, l’article ne prévoit aucune modalité de suppression de ces données, qui pourraient donc potentiellement être conservées indéfiniment. L’amendement se calque sur les modalités de restitution des supports physiques saisis. Ces modalités pourront être précisées et aménagées lors de la navette parlementaire.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Vous comprendrez que je vous invite à le retirer.
M. Mickaël Bouloux
Non, nous ne sommes pas comme ça !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis pour les mêmes raisons.
M. le président
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
Dans votre amendement, madame la rapporteure, vous mentionnez que les données sont « détruites ». Détruire ne veut pas dire supprimer. Or l’amendement de notre collègue Bouloux, présenté par M. Naillet, fait bien référence à la « suppression » des données. Des traces peuvent subsister, liées à des traitements opérés par les douanes. Il faudra peut-être clarifier ce point au moment de la commission mixte paritaire. Détruire n’est pas supprimer, j’y insiste, en matière de traitement des données. D’ailleurs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ne place pas ces termes dans la même catégorie juridique.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Lorsque les données sont détruites, elles n’existent plus. Cela a un sens et les mots ont été choisis à dessein. Je comprends cette petite nuance sémantique, mais il s’agit bien d’une destruction des données.
(L’amendement no 385 n’est pas adopté.)
(L’article 9, amendé, est adopté.)
Article 10
M. le président
L’amendement no 345 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 345, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 292 et 244, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 292 de M. Jocelyn Dessigny est défendu.
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 244.
M. Mickaël Bouloux
Il vise à réduire à trois semaines, plutôt que quatre, le gel des données stockées sur un serveur informatique de type cloud. Ce délai nous semble suffisant pour effectuer toutes les opérations de recherche.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Les deux amendements vont dans des sens opposés : le premier vise à prolonger la durée du gel des données, le second à le réduire. J’estime quant à moi qu’il faut laisser aux services de la douane le temps nécessaire pour effectuer le travail de saisie et de copie. Pour cela, un délai de trente jours me semble raisonnable. Avis défavorable sur les deux amendements.
(Les amendements nos 292 et 244, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 357 et 207, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 357.
Mme Nadia Hai, rapporteure
Je le retire au profit de l’amendement no 207 de M. Reda.
(L’amendement no 357 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Robin Reda, pour soutenir l’amendement no 207.
M. Robin Reda
Comme Mme la rapporteure vient de l’indiquer, le délai de trente jours nous semble tout à fait raisonnable ; c’est un compromis utile pour permettre l’exploration des données. Cependant, dans certains cas, cette dernière nécessitera plus de temps. Le présent amendement vise donc à permettre, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, l’octroi d’un délai de trente jours supplémentaires aux agents des douanes pour explorer les données se rapportant à l’infraction, tout en réduisant de moitié le délai maximal à l’issue duquel ces agents devront détruire les données ne s’y rapportant pas – je reprends là une partie de la rédaction de l’amendement no 359 de Mme la rapporteure.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
J’ai retiré mon amendement au profit du vôtre, monsieur Reda, car il répond à deux exigences : réduire le délai de destruction des données sans lien avec l’infraction et proroger la durée d’exploration des données lorsque les sujets sont plus techniques. En d’autres termes, votre amendement est plus complet. Avis favorable.
Par ailleurs, je retire l’amendement no 359, également au profit de l’amendement no 207.
(L’amendement no 207, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l’amendement no 394.
Mme Sabrina Agresti-Roubache
Proposé par le groupe Renaissance, il vise à permettre des visites domiciliaires lorsque ces actes d’enquête s’inscrivent dans le cadre d’enquêtes douanières conjointes entre les administrations des États membres, en cohérence avec le dispositif d’assistance administrative mutuelle en vigueur au sein de l’Union européenne. Il a donc pour objet le renforcement de la coopération avec les autres services de douane européens.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Je suis favorable à cet amendement, qui autorisera les visites domiciliaires dans le cadre des enquêtes douanières conjointes. C’est une évolution très pertinente, qui permet également d’adapter nos outils juridiques à la nature internationale des trafics.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Cet amendement très important permettra de mener des enquêtes sur des réseaux paneuropéens de trafic – de tabac, notamment – beaucoup plus poussées qu’aujourd’hui. Les douaniers seront ainsi en mesure d’effectuer des perquisitions à la demande d’autres États membres de l’Union. Cette mesure permettra la réalisation de véritables enquêtes européennes, alors même que le caractère tentaculaire des réseaux auxquels nous faisons face, qui interviennent dans de nombreux États membres, implique une coopération renforcée entre leurs services douaniers.
(L’amendement no 394 est adopté.)
M. le président
L’amendement no 350 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
(L’amendement no 350, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 363.
Mme Nadia Hai, rapporteure
Il est de cohérence avec l’amendement no 207 de M. Reda, que nous avons adopté, puisque l’article 10 prévoit un dispositif décliné dans deux codes différents.
(L’amendement no 363, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 361.
Mme Nadia Hai, rapporteure
Il s’agit à nouveau d’un amendement de cohérence, puisque l’article 10 se rapporte à deux codes différents.
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement no 787.
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Il vise à rendre l’amendement no 361 compatible avec l’amendement no 207 de M. Robin Reda que vous avez adopté.
(Le sous-amendement no 787, accepté par la commission, est adopté.)
(L’amendement no 361, sous-amendé, est adopté.)
(L’article 10, amendé, est adopté.)
Après l’article 10
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l’amendement no 127 portant article additionnel après l’article 10.
Mme Sabrina Agresti-Roubache
Il tend à clarifier l’application du dispositif d’anonymisation des procédures prévu à l’article 55 bis du code des douanes. Il s’agit de permettre expressément l’anonymisation de l’ensemble des actes de procédures établis par les agents des douanes lors de la conduite des pouvoirs de recherche et de constatation, mais aussi lors de poursuites prévues par le code des douanes, y compris dans le cas du contrôle de l’argent liquide, ou encore dans le cadre de l’application du code des douanes de l’Union, ainsi que lorsqu’ils agissent sous couvert d’une réquisition judiciaire au titre du code de procédure pénale.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Cet amendement très important vise à préciser et à élargir l’usage du dispositif d’anonymisation permis par l’article 55 bis du code des douanes. Il permet également d’étendre le champ de ce dispositif aux réquisitions effectuées par les douaniers en application du code de procédure pénale ou de certaines dispositions du code monétaire et financier. Plusieurs auditions nous ont révélé que les douaniers menaient des missions excédant celles dont le code des douanes dresse la liste. Le code monétaire et financier, ainsi que le code général des impôts les concernent également au titre de certaines infractions, notamment celles qui ne sont pas sanctionnées d’une peine de prison. En élargissant l’anonymisation à de nouvelles missions exercées par les douaniers, cet amendement permet de sécuriser leur cadre d’exercice. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Les douaniers luttent contre des réseaux mafieux tentaculaires, armés et très organisés, qui ne reculent devant aucune méthode, aucune intimidation ni aucune menace. Dans ce contexte, il est extrêmement important de leur apporter toute la protection nécessaire. À ce titre, cet amendement, défendu par la députée Agresti-Roubache et par le groupe Renaissance, est bienvenu : il permettra d’anonymiser les douaniers dans l’intégralité des procédures qu’ils effectuent, notamment le contrôle d’argent liquide à la frontière, ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant. Avis très favorable.
(L’amendement no 127 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne, pour soutenir l’amendement no 287.
M. Michaël Taverne
Comme celui de Mme Agresti-Roubache, c’est une sorte d’amendement d’appel. L’anonymisation des procédures, réclamée par les douaniers, est devenue une nécessité absolue. L’article 55 bis du code des douanes prévoit que l’anonymat est autorisé par la hiérarchie, mais l’anonymisation doit désormais se faire à la demande de l’agent : c’est une question de sécurité. Les filières criminelles emploient des individus de plus en plus virulents ; dans ce contexte, la protection des agents doit être une priorité. (Mme Christine Engrand applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
C’est en effet une priorité : c’est pourquoi nous avons adopté l’amendement n° 127 de Mme Agresti-Roubache, plus précis et de portée plus large que le vôtre s’agissant de la protection des douaniers. Je demande donc le retrait de votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
C’était un amendement d’appel, madame la rapporteure. Nous devrions mener une réflexion sur l’anonymisation de l’ensemble des procédures impliquant des agents douaniers.
(L’amendement no 287 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 163, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache, pour soutenir l’amendement no 395.
Mme Sabrina Agresti-Roubache
Cet amendement du groupe Renaissance vise à remédier à l’absence, dans le code des douanes, du principe général d’assimilation des prérogatives du procureur européen délégué à celles exercées par le procureur de la République français – principe pourtant essentiel. Les procédures spéciales d’enquête du code des douanes ne sont guère accessibles au procureur européen délégué, puisqu’elles ne font référence qu’à l’autorité judiciaire nationale. Or le règlement sur le parquet européen pose un principe général d’assimilation des prérogatives des procureurs européens délégués à celles des procureurs nationaux.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Cet amendement approfondit et rend mieux applicable l’article 344-2 du code des douanes, qui permet déjà au parquet européen de mener des investigations conformément aux dispositions de ce code. Avis très favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Il s’agit à nouveau d’un amendement important et utile du groupe Renaissance, défendu par la députée Agresti-Roubache que je tiens à remercier. Le parquet européen est compétent pour intervenir sur un champ très large, y compris douanier. Il est donc important qu’il ait une place dans le code des douanes. Avis très favorable.
(L’amendement no 395 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 376.
M. Mathieu Lefèvre
En raison des risques qu’ils prennent dans le cadre des procédures de contrôle, de recouvrement et de contentieux prévues au livre des procédures fiscales, les agents des finances publiques peuvent bénéficier d’un dispositif d’anonymisation. C’est également le cas des douaniers, mais seulement lors de leurs missions traditionnelles, pas lorsqu’ils agissent en matière de contributions indirectes. L’amendement tend donc à étendre à ces procédures les possibilités d’anonymisation des douaniers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Il est en effet important de permettre l’anonymisation des douaniers lorsqu’ils effectuent des contrôles en matière de contributions indirectes. Leur donner cette possibilité lorsque la révélation de leur identité est susceptible de mettre en danger leur vie et leur intégrité physique, ou celle de leurs proches, est une démarche protectrice qui relève du bon sens. Avis très favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Les menaces auxquelles peuvent faire face les douaniers sont de nature diverse et sont liées à différents types d’intervention, y compris celles qui concernent les contributions indirectes. L’amendement no 127 de Mme Agresti-Roubache a permis de franchir une nouvelle étape en matière d’anonymisation ; le présent amendement, qui vise à étendre cette procédure, est évidemment bienvenu. J’y suis très favorable.
(L’amendement no 376 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir l’amendement no 163.
M. Alexandre Sabatou
Il s’inscrit dans la droite ligne des amendements précédents. Les députés du groupe Rassemblement national estiment important d’anonymiser les douaniers pour leur propre sécurité. La situation observée en Belgique ou en Hollande, où des narcotrafiquants en sont venus à menacer des ministres, voire à assassiner, en 2019, un avocat s’intéressant de trop près au trafic de drogue, montre que l’anonymat est essentiel à la sécurité des agents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Votre amendement est satisfait, pour moitié grâce à l’adoption des amendements nos 127 et 163 et pour moitié grâce aux dispositions du code de procédure pénale relatives à la police judiciaire. Il ne me paraît donc pas utile de modifier comme vous le proposez le code de procédure pénale, d’autant que l’article 15 renforcera l’objectif de centraliser dans le code des douanes les dispositions applicables aux douaniers. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou
C’est tout de même extraordinaire ! Amis de la majorité, enseignez-nous vos secrets de rédaction, car nous ne comprenons pas pourquoi vos amendements sont toujours acceptés et les nôtres toujours repoussés, alors que nous défendons à peu près la même chose et que nous l’écrivons à peu près dans les mêmes termes. Arrêtez donc ce cirque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Jocelyn Dessigny
C’est du sectarisme.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 163.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 94
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 35
Contre 57
(L’amendement no 163 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 322 et 367.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 322.
Mme Danielle Brulebois
Monsieur le ministre délégué, votre plan ambitieux de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques transformera le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en un nouvel organisme, l’Office national antifraude (Onaf), dont le domaine de compétence inclura toutes les escroqueries ayant trait aux finances publiques. Or les officiers de douane judiciaire (ODJ), contrairement à leurs collègues officiers de police judiciaire (OPJ) de la police nationale et de la gendarmerie nationale, ne sont pas habilités à effectuer des enquêtes d’office.
La douane française, par exemple celle du Jura, réalise des saisies exceptionnelles de stupéfiants, de contrefaçons et de trafic, ce qui témoigne des compétences et du courage des douaniers. Toutefois, les trafics sont de plus en plus structurés et organisés. Par conséquent, il convient d’adapter le mode opératoire de la douane pour la rendre plus réactive face à la criminalité. Aussi est-il nécessaire de permettre aux ODJ de procéder à des enquêtes d’office, ce qui faciliterait leur action quotidienne et aurait d’autant plus de sens que les besoins auxquels ils doivent répondre et les menaces auxquelles ils font face sont divers, inattendus et multiples, que ce soit lors des enquêtes ou lors des visites domiciliaires.
M. le président
L’amendement no 367 de M. Mounir Belhamiti est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Ces amendements tendent à permettre aux ODJ de procéder à des enquêtes d’office. Le pouvoir d’enquête judiciaire que détiennent les ODJ constitue une exception, résultant, pour ainsi dire, d’une délégation du pouvoir des OPJ pour certaines enquêtes entrant dans le champ douanier. Lors de la création de ce dispositif en 1999, Christian Sautter, alors secrétaire d’État chargé du budget, soulignait ici même deux avantages de cette réquisition par le pouvoir judiciaire : le maintien d’une séparation nette entre les procédures douanières et les procédures pénales et la garantie d’une surveillance étroite des magistrats. Je suis donc consciente de l’intérêt de votre proposition.
Cela dit, les agents du SEJF ne peuvent se saisir d’eux-mêmes d’un dossier sans passer par le juge. Cette procédure relève d’un travail interministériel entre la Chancellerie et le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Pour rendre opérationnel le dispositif que vous proposez, il faudrait une coordination beaucoup plus poussée. Pour cette raison, je vous propose de retirer vos amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué
J’ai annoncé il y a plusieurs semaines le lancement d’un plan visant à lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques – fraude fiscale, fraude sociale ou fraude douanière. Dans ce cadre, j’ai indiqué que le SEJF serait transformé en Onaf. Je tiens d’ailleurs à saluer les équipes du SEJF – dont le directeur est ici présent –, qui accomplissent un travail remarquable, qu’il s’agisse des officiers fiscaux ou encore des ODJ.
L’amendement no 398 du Gouvernement, que je m’apprête à présenter, tend à étendre le champ de compétence des officiers fiscaux et des ODJ. En outre, le plan ministériel de lutte contre la fraude permettra aux ODJ de se saisir d’office d’une affaire ; en somme, vos amendements visent à anticiper cette mesure en l’inscrivant dans le présent texte.
Madame Brulebois, je connais votre engagement en faveur de la douane. Je vous ai rendu visite récemment à Baume-les-Messieurs, dans votre circonscription du Jura, où nous avons discuté avec le directeur régional des douanes. Néanmoins, je ne retiendrai pas votre amendement à ce stade, car nous devons encore travailler avec les services du ministère de l’intérieur, notamment avec les services de police judiciaire, pour définir les modalités d’organisation de l’autosaisine. Il paraît donc prématuré d’inscrire dès maintenant dans la loi cette mesure que nous prévoyons d’inclure dans un texte ultérieur.
Par ailleurs, les modalités d’autosaisine que M. Belhamiti – lui-même très engagé en faveur des douanes – et vous-même proposez vont plus loin que celles que nous prévoyons à ce stade. En effet, vous proposez de donner aux ODJ la faculté de procéder à une enquête d’office dans toutes les matières fiscales et douanières, alors que nous envisageons de limiter cette procédure à un champ plus restreint incluant notamment le blanchiment d’argent et la fraude aux aides publiques. Je vous invite donc à retirer ces amendements, car nous aurons l’occasion de poursuivre ce débat dans le cadre d’un texte ultérieur.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Compte tenu des propos de M. le ministre délégué, je retire l’amendement.
(Les amendements nos 322 et 367 sont retirés.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 398.
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Comme je viens de l’expliquer, il vise à élargir le champ d’action des officiers fiscaux et des ODJ pour y inclure notamment la lutte contre la fraude aux aides publiques.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
L’amendement permettra aux ODJ de rechercher les escroqueries commises à l’encontre d’une personne publique, ce qui est parfaitement cohérent avec les missions de l’Onaf, qui sera chargé de lutter contre toute fraude aux finances publiques. J’émets donc à titre personnel un avis très favorable sur cet amendement qui n’a pas été examiné en commission.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Monsieur le ministre délégué, l’exposé des motifs de votre amendement mentionne que « le champ d’attribution de l’Onaf sera précisé par voie réglementaire de façon à assurer sa bonne articulation avec les autres services de police judiciaire ». Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là ? Par ailleurs, étant donné l’importance de cette décision, ne pensez-vous pas qu’elle relève davantage du domaine législatif que du décret ?
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Effectivement, la transformation du SEJF en Onaf sera actée au moyen d’un décret. Celui-ci précisera que l’Onaf interviendra pour lutter contre les fraudes les plus graves et les plus complexes, sans empiéter, bien sûr, sur l’action des offices centraux existants, qui conserveront leur domaine de compétence.
M. le président
La parole est à Mme Charlotte Leduc.
Mme Charlotte Leduc
La transformation du SEJF en Onaf semble constituer un premier pas vers la coordination de différentes agences. Je regrette d’ailleurs que le Gouvernement n’aille pas plus loin : dans le rapport relatif à l’évasion fiscale que j’ai rédigé en tant que rapporteure spéciale de la commission des finances dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, j’ai recommandé la création d’une véritable direction interministérielle destinée à combattre ce type de fraude.
Néanmoins, certaines de vos annonces m’inquiètent. Ainsi, vous avez déclaré vouloir doubler les effectifs du SEJF dans le cadre du plan ministériel de lutte contre la fraude, mais, avant même d’avoir procédé à ces recrutements, vous élargissez considérablement les missions de l’organisme. Vous courez ainsi le risque de submerger d’emblée ces nouveaux services.
En outre, les compétences que vous vous proposez de donner aux officiers de douane concernent les infractions « commises au préjudice d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public pour l’obtention d’une allocation, d’une prestation, d’un paiement ou d’un avantage indu ». Il s’agit donc de fraude sociale. Or il convient de rappeler que la fraude sociale coûte dix fois moins à l’État que l’évasion fiscale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Je regrette donc que le SEJF, avant même sa transformation en Onaf et le renforcement promis de ses effectifs, soit déjà détourné de sa mission prioritaire de lutte contre l’évasion fiscale.
M. Antoine Léaument
Bien parlé !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Je vous remercie d’avoir rappelé le doublement des effectifs d’officiers du SEJF que j’avais annoncé dans le cadre du plan de lutte contre la fraude. Je sais que de nombreux députés soutiennent cette mesure importante.
Pour répondre à votre inquiétude, je vous indique que nous soutiendrons également l’amendement no 262 de M. Jolivet à l’article 11 ter, qui vise à créer le statut d’agent de police judiciaire des finances. Ces agents soutiendront les officiers fiscaux et les officiers de douane judiciaire en les déchargeant de certaines missions administratives, ce qui leur permettra de se concentrer sur leurs missions d’enquête. Il me semble que cette mesure est de nature à vous rassurer.
(L’amendement no 398 est adopté.)
Article 10 bis A
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 85.
M. Mickaël Bouloux
Par cet amendement de clarification, nous proposons de remplacer le mot « agents » par le mot « services » à l’alinéa 2. Cela permettra de clarifier que le transfert de données a lieu entre les services, et non entre les agents, indépendamment de tout encadrement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Ce n’est pas un amendement de clarification, puisqu’il tend à donner aux services un rôle qui revient aux agents. La modification que vous proposez ne reflète aucunement la réalité du texte : les transferts d’information auront bien lieu entre agents, non entre services. Avis défavorable.
(L’amendement no 85, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 217 et 260, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Charlotte Leduc, pour soutenir l’amendement no 217.
Mme Charlotte Leduc
Nous souhaitons apporter des précisions à cet article soutenant la Convention du 13 janvier 1993 sur l’interdiction des armes chimiques. En effet, s’il est essentiel de garantir la transmission d’informations dans le cadre de ces enquêtes, il est tout aussi vital qu’elle soit documentée, afin de prévenir tout risque de fuite indue d’informations et d’assurer la traçabilité du travail d’enquête effectué par les douanes. Les agents pourront ainsi accomplir leur travail avec fluidité, grâce à la transmission d’informations, mais également avec responsabilité, en permettant le suivi de l’enquête. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 260.
M. Mickaël Bouloux
Il vise à ce que la transmission d’informations entre les agents des différents services soit consignée dans un registre à des fins de traçabilité. Cela sécurisera toutes les personnes concernées et évitera les demandes abusives.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 217 et 260 ?
Mme Nadia Hai, rapporteure
Si on en venait à les adopter, on créerait un flou quant aux modalités de communication des informations.
Je vous demande donc de les retirer, sans quoi j’émettrai un avis défavorable pour préserver l’équilibre prévu par l’article.
(Les amendements nos 217 et 260, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 10 bis A est adopté.)
Article 10 bis
(L’article 10 bis est adopté.)
Article 11
M. le président
La parole est à Mme Sabrina Agresti-Roubache.
Mme Sabrina Agresti-Roubache
L’article 11 propose d’expérimenter, pendant une période de trois ans, une durée de conservation plus longue, à savoir quatre mois au maximum, des données de la lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi).
Ces dernières heures de débats ont montré qu’au-delà des clivages, nous étions nombreux à vouloir donner plus de moyens à nos douaniers. Si la création d’un tel système interministériel de lecture automatisée des plaques d’immatriculation a constitué une première réponse des pouvoirs publics face aux risques associés à l’usage des véhicules routiers par les organisations criminelles, l’évolution du contexte criminel impose en effet un élargissement du dispositif.
Cette mesure répond à deux urgences opérationnelles : rendre le dispositif Lapi plus efficace pour identifier les convois d’acheminement des marchandises illicites, en particulier des stupéfiants, et améliorer la capacité de la douane à entraver le développement de ces transports illégaux.
Plusieurs amendements déposés ont révélé les craintes de certains, que je comprends, quant à l’installation d’un tel dispositif. Celui-ci est cependant assorti de plusieurs garanties. Son utilisation est réservée à des agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). La photographie des occupants des véhicules ne peut être exploitée. Il ne sera possible ni de procéder à une mise en relation automatisée avec des traitements de données à caractère personnel, ni de recourir à la sous-traitance, sauf dans le cadre de la conception des outils de traitement de ces données. Dès lors que nous partageons tous l’objectif de donner plus de moyens à nos douaniers, adoptons cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme Danielle Brulebois
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
L’article 11 autorise les douanes à exploiter des données collectées par la lecture automatisée des plaques d’immatriculation, ce qui nous semble une bonne initiative, à titre expérimental. Les amendements du groupe Rassemblement national visent à donner davantage de prérogatives aux douaniers pour cette expérience en allongeant le délai de conservation des données en fonction des besoins de la procédure. Si nous sommes conscients de l’utilité que présente l’exploitation de telles données, qui a démontré son efficacité pour les services de police, nous invitons cependant à la prudence quant à leur manipulation. Nous émettons des réserves sur le recours par l’État à un tiers pour le traitement et la conservation des données provenant de lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation. En effet, l’ajout d’un tiers intervenant dans la collecte est une porte supplémentaire ouverte au piratage des données. Rappelons que 5,6 millions de données personnelles sont piratées ou perdues chaque année, ce qui représente 232 644 vols par heure ou 65 par seconde. Nos amendements tendent donc à conditionner l’intervention de ce tiers acteur aux critères utilisés par le référentiel SecNumCloud développé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Nous examinons à présent le dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation. Nous avons deux réserves sur l’article 11, qui sont celles que nous a communiquées la Cnil, car nous suivons ses recommandations. Pour une fois, il y aura peut-être un accord entre M. Latombe et notre groupe – je l’espère, en tout cas.
Premièrement, vous limitez actuellement à quatre mois la durée de conservation des données, et nous sommes d’accord avec le choix d’un dispositif d’expérimentation ; néanmoins la Cnil recommande de fixer d’abord cette durée à deux mois. Nous vous proposerons donc de nous conformer à cette recommandation en commençant à deux mois, et d’allonger éventuellement cette durée par la suite si vous considérez qu’elle est insuffisante. Connaissant votre tendance à transformer les expérimentations en règles absolues, nous préférons commencer par la règle qui protège le mieux les droits.
Deuxièmement, nous avons eu des débats intéressants en commission des lois sur la vie privée, et nous en aurons encore – je l’ai promis à Mme Agresti-Roubache. Nous avons notamment évoqué la possibilité que ces dispositifs Lapi discernent les visages. On nous dit qu’ils ne photographient que les plaques d’immatriculation et qu’il est donc impossible que les visages apparaissent. Cependant nous souhaitons suivre toutes les recommandations de la Cnil et flouter les visages ; si des photographies les laissaient apparaître, elles devraient être supprimées de manière à protéger la vie privée. J’y reviendrai plus tard, car je pense que mes explications vous intéresseront davantage que ce que je pourrais dire dans les dix secondes qui me restent. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Je ferai moi aussi une intervention liminaire, ce qui me permettra d’être plus bref sur les différents amendements.
D’abord, je tiens à souligner que l’article 11 est important. En effet, les dispositifs Lapi sont très utilisés par les douaniers. Nous voulons les développer : j’ai moi-même décidé d’une commande importante dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (COM) avec la douane.
Cette expérimentation est importante car elle permettra une nouvelle utilisation des données collectées grâce aux dispositifs Lapi. Concrètement, les douaniers collectent actuellement les numéros d’immatriculation des véhicules qui traversent la frontière et les comparent à des fichiers existants, par exemple à celui des véhicules volés, pour établir si les véhicules qui traversent notre frontière ont bien le droit de circuler. Cette expérimentation permettra de travailler sur les données issues des dispositifs Lapi pour établir, par exemple, si deux plaques d’immatriculation se succèdent régulièrement.
Mme Sabrina Agresti-Roubache
Oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué