Première séance du jeudi 07 mars 2024
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Transformation des bureaux en logements
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 1er
- Amendement no 69
- Article 2
- Article 3
- Amendement no 2
- Après l’article 3
- Article 3 bis
- Amendement no 67
- Article 4
- Article 5
- Après l’article 5
- Article 5 bis
- Amendement no 29
- Article 6
- Amendement no 14
- Article 7
- Après l’article 7
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Transformation des bureaux en logements
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Romain Daubié et plusieurs de ses collègues visant à faciliter la transformation des bureaux en logements (nos 2003, 2111).
Présentation
M. le président
La parole est à M. Romain Daubié, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Romain Daubié, rapporteur de la commission des affaires économiques
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du logement, mes chers collègues, nous allons étudier ma proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements. C’est pour moi une fierté de vous présenter ce texte mais aussi une lourde responsabilité, tant le secteur du logement est actuellement à la peine.
Je souhaiterais tout d’abord remercier pour leur contribution l’ensemble des collègues avec qui j’ai travaillé, dont le président Jean-Paul Mattei, ainsi que les acteurs que nous avons auditionnés et les collègues de tous bords qui se sont reconnus dans ce texte. Il est transpartisan et le restera.
Je n’ai pas la prétention de penser que cette proposition de loi répondra à elle seule à la crise du logement que nous traversons mais j’ai la conviction qu’une crise plurielle appelle des solutions plurielles. Notre assemblée examine depuis plusieurs semaines des textes proposant des réponses à cette crise, souvent dans un esprit de consensus : après l’encadrement des locations saisonnières ou la lutte contre les copropriétés dégradées, nous traitons de la transformation des bureaux en logements, qu’il convient de faciliter.
Nous sommes partis d’un constat simple : les logements manquent alors qu’il n’y a jamais eu autant de bureaux vides, notamment en raison du développement du télétravail. Pour la seule Île-de-France, les surfaces disponibles s’élèvent à 4,5 millions de mètres carrés.
Transformer les bureaux vacants en logements correspond aussi à une nécessité écologique : le secteur résidentiel représente 17 % des émissions de gaz à effet de serre. Reconvertir des bureaux en logements sans passer par des opérations de démolition-reconstruction, fortement émettrices de gaz à effet de serre et génératrices de quantités importantes de déchets, relève du simple bon sens. Cette reconversion contribue, en outre, à la lutte contre l’étalement urbain : grâce à elle, nous consommerons moins de terrains agricoles ou naturels.
M. le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a également affirmé sa volonté de favoriser la transformation de bureaux en logements, objectif que nous partageons. Des mesures ont déjà été prises pour faciliter cette reconversion, notamment dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan : il y a eu l’instauration d’un bonus de constructibilité de 30 %, l’autorisation d’occupation temporaire de locaux de bureaux vides à des fins d’habitation ou encore la création de la notion d’immeuble de moyenne hauteur.
Nous devons aller encore plus loin et c’est tout l’objet de cette proposition de loi, qui repose sur quelques principes simples. Le premier est la liberté locale : la transformation de bureaux en logements ne peut pas se faire sans les élus locaux car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs territoires.
Le deuxième est la prise en compte de l’ensemble des territoires, au-delà des seules métropoles. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la vacance des bureaux ne touche pas que l’Île-de-France et les mesures facilitant la transformation des bureaux en logements doivent pouvoir s’appliquer partout, sans qu’aucun territoire ne soit laissé de côté.
Le troisième principe – et le plus important – est le caractère transpartisan de ce texte : sa rédaction initiale était déjà le fruit d’un travail commun et il a été cosigné par des députés appartenant à des groupes différents. En commission, il a été enrichi par différentes dispositions venues de groupes de la majorité comme de l’opposition. Plusieurs amendements déposés en séance, issus de nos discussions, viendront apporter des précisions. Je remercie mes collègues pour leur contribution et pour le débat de qualité qui a nourri notre réflexion. Je remercie également tous les députés qui ont soutenu le texte jusqu’à aujourd’hui. Nous arrivons en séance avec un mandat fort, puisque cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en commission.
J’en viens au détail des articles. L’article 1er donne davantage de souplesse aux élus locaux. Les règlements des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) comportent, parfois des zonages empêchant la transformation de bureaux en logements. Ces restrictions sont souvent justifiées : une zone entièrement commerciale, située en périphérie et mal desservie par les transports, ne conviendrait pas à l’accueil de nouveaux habitants. Toutefois, il arrive que les zonages ne soient plus adaptés aux évolutions de l’environnement urbain et qu’ils bloquent des projets engagés par le maire pour transformer certains quartiers. Le discours de politique générale du Premier ministre m’a permis de constater que nous partageons l’objectif de lever les contraintes sur les zonages et j’en suis heureux.
Dans l’attente de futures mesures, l’article 1er de ma proposition de loi vise à permettre à l’autorité compétente en matière de permis de construire de déroger au PLU en tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation.
En commission, nous avons déjà étendu cette possibilité à l’ensemble des communes couvertes par un PLU ainsi qu’à la transformation des locaux affectés aux administrations publiques. Plusieurs collègues nous ont toutefois alertés à propos d’un risque de contournement du dispositif par les communes ayant délégué leurs compétences en matière de délivrance de permis de construire et de plans locaux d’urbanisme. Les amendements déposés sur ce sujet par nos collègues Thibault Bazin et Inaki Echaniz, s’ils étaient adoptés, consolideraient utilement l’article 1er.
J’en viens à la taxe d’aménagement. Je le sais, les dispositions des articles 2 et 3 soulèvent certaines interrogations. Je tiens d’abord à rappeler qu’elles ne soumettent pas automatiquement à la taxe d’aménagement les opérations de transformation de bureaux en logements. Elles offrent seulement la possibilité aux collectivités territoriales d’appliquer cette taxe, ce qui constitue une différence fondamentale. Qui, ici, refuserait de faire confiance aux élus locaux ? Personne, je le pense.
Le risque d’une double taxation a été aussi évoqué. Il faut bien voir, chers collègues, que la transformation de bureaux en logements nécessite des travaux en profondeur qui modifient la structure du bâti : l’opérateur qui les réalise, distinct de celui qui a construit le bâtiment, crée une nouvelle valeur économique et une nouvelle valeur d’usage. Il ne saurait être question de double taxation du même actif puisqu’une transformation totale est intervenue. Référons-nous aux opérations de démolition-reconstruction pour lesquelles la taxe d’aménagement s’applique alors qu’elle a déjà été perçue au moment de la construction. Pourquoi ne parle-t-on pas, dans ce cas, de double taxation ? Pour la transformation des bureaux en logements, adopter le raisonnement de la double taxation amènerait finalement à donner une prime à la démolition-reconstruction, ce que j’aurais beaucoup de mal à défendre eu égard aux objectifs de transition écologique que nous avons la responsabilité d’atteindre. Je veux être clair : les dispositions de cette proposition de loi n’augmentent en aucun cas les impôts pour nos concitoyens.
On entend encore qu’il faudrait réserver les dispositions fiscales aux lois de finances. Cette règle peut paraître justifiée mais l’adoption récente de la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue nous a montré que, lorsque la nécessité d’agir est impérative, cette dernière doit l’emporter sur les usages. Monsieur le ministre, il faut savoir faire des exceptions !
M. Thibault Bazin
On peut se tromper plusieurs fois !
M. Romain Daubié, rapporteur
On me dit enfin qu’il est contre-productif de taxer une opération qu’on veut encourager et qu’une telle taxe menacerait l’équilibre économique des opérations de transformation de bureaux en logements, dont le coût est déjà élevé. Cet argument purement théorique se heurte à la réalité des faits.
Si de nombreux maires bloquent des projets de transformation de bureaux en logements, c’est que, du point de vue comptable, il est plus intéressant de favoriser des opérations de démolition-reconstruction afin de percevoir la taxe d’aménagement, voire de laisser des bureaux vacants pour encaisser une taxe foncière plus élevée que pour les logements. Chers collègues, cette réalité, c’est celle qui est vécue concrètement par les maires que j’ai rencontrés et par ceux que nous avons auditionnés. Ajoutons que le coût de la taxe d’aménagement à laquelle sont assujetties les opérations de transformation de bureaux en logements est marginal par rapport aux coûts d’achat et aux frais annexes – je pense aux droits d’enregistrement ou aux frais d’intermédiation.
Nous serons tous d’accord sur un point : accueillir de nouveaux habitants nécessite de faire de nouvelles dépenses d’investissement pour adapter les nouveaux équipements publics. Le fait même que nous ayons adopté en commission un article pour prendre en compte la transformation des bureaux en logements dans le calcul des contributions des acteurs privés prévues par les projets urbains partenariaux (PUP) le prouve. Lorsqu’on transformerait, de manière isolée et sans avoir à passer par un PUP, un immeuble de bureaux en logements, pourquoi la commune ne pourrait-elle pas aussi bénéficier de recettes supplémentaires ?
Nous avons longuement interrogé sur ce point les promoteurs immobiliers que nous avons rencontrés. Certes, personne n’aime payer mais ils sont bien conscients du fait que le manque de recettes pour les communes constitue le premier point de blocage. Avant de s’inquiéter du coût d’une opération, encore faut-il qu’elle puisse se faire !
L’autre solution de facilité, sans doute plus incitative du point de vue économique, consiste pour les collectivités à compter sur une dotation quelconque de l’État pour soutenir leurs efforts d’investissement lorsqu’elles transforment des immeubles en bureaux en vue d’accueillir de nouveaux habitants. Je rappellerai seulement que mon texte a un objectif responsable : ne pas coûter un seul euro au contribuable et à l’État.
L’article 4, quant à lui, crée un véritable permis de construire réversible. Encore une fois, il s’agit d’un outil laissé à la main des élus locaux qui pourront choisir de l’utiliser ou non.
Les articles 5 et 5 bis visent à soutenir les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) dans leurs projets de rénovation et de construction de résidences étudiantes. Ils leur permettront de bénéficier de deux avantages actuellement réservés aux bailleurs sociaux : le recours aux marchés de conception-réalisation et l’application de bonus de constructibilité prévus par les documents d’urbanisme. Nous leur ferons ainsi gagner des délais précieux alors que, comme nous le savons, dans le secteur de la construction, le temps, c’est de l’argent.
Enfin, les articles 6 et 7 facilitent la transformation des locaux professionnels et des bureaux en logements au sein des copropriétés. Aujourd’hui, un seul copropriétaire peut bloquer une telle transformation lorsque le changement d’usage d’une partie privative contrevient à la destination de l’immeuble. Nous avons souhaité conserver un équilibre entre droit de propriété et intérêt général en prévoyant que les décisions prises en assemblée générale concernant de tels sujets soient désormais soumises à la règle de la majorité simple, dite majorité de l’article 24.
Mes chers collègues, je me réjouis de l’esprit de coconstruction qui a prévalu pendant l’examen de ce texte et espère qu’il perdurera.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement
Bien sûr !
M. Romain Daubié, rapporteur
Grâce à ses mesures de simplification alliant efficacité économique et préservation de l’environnement, ce texte peut nous aider à lutter afin de redynamiser nos centres-villes et nos centres-bourgs, en transformant des espaces vacants en logements abordables. Nous nous devons de tout mettre en œuvre pour créer ce choc d’offre du logement, qui sera un premier pas vers la fin de cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement
Je suis très heureux d’être parmi vous pour l’examen de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, qui est aussi le premier texte de loi sur lequel j’interviens à l’Assemblée nationale en tant que ministre.
Après le vote en première lecture au Sénat, la semaine dernière, du projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement – texte qui, je le rappelle, avait été largement adopté par l’Assemblée nationale –, nous avons aujourd’hui l’occasion d’ajouter une nouvelle pierre à l’édifice que nous voulons bâtir ensemble pour répondre à la crise du logement. En effet, cette proposition de loi défendue avec force, avec conviction et avec pugnacité par le rapporteur Romain Daubié, dont je souhaite saluer l’engagement et le travail, répond à un réel besoin identifié dans certains territoires. Elle fait œuvre utile en accroissant l’offre alors que le marché est bloqué et vise, de manière pragmatique et ciblée, à lever des freins bien identifiés pour accélérer, financer et simplifier la transformation de bureaux en logements.
Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République de prendre des mesures d’exception pour produire plus rapidement des logements et à celle du Premier ministre d’accélérer et de simplifier toutes les procédures en la matière, cette proposition de loi vise à créer un choc d’offre à son niveau. En cela, elle s’inscrit pleinement dans la feuille de route présentée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : de l’offre, de l’offre et encore de l’offre.
Elle s’inscrit également dans la continuité de l’action des gouvernements et de notre majorité depuis 2017, puisque Julien Denormandie, alors secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires avait, dès 2018, signé avec les principaux opérateurs une charte visant à transformer en logements 500 000 mètres carrés de bureaux, ce qui nous a permis de produire 470 000 mètres carrés de logements entre 2018 et 2020. Il nous faut désormais industrialiser et accélérer ces opérations, pour qu’elles contribuent pleinement au choc d’offre que nous appelons de nos vœux.
Je mesure ma responsabilité et celle du Gouvernement car il s’agit d’apporter des réponses concrètes et opérationnelles à la crise du logement. Car, oui, nous partageons le même constat : nous vivons une crise du logement profonde et multifactorielle. Les consultations que je mène avec l’ensemble des acteurs du logement depuis ma nomination, les remontées du terrain et celles des parlementaires de tout bord vont dans le même sens. Il est urgent d’agir. Il est urgent de passer de la réflexion à l’action pour déverrouiller ensemble le marché. Or cette proposition de loi contribuera à renforcer l’arsenal dont nous disposons pour répondre à la crise du logement.
Alors que nos concitoyens rencontrent toujours plus de difficultés à se loger à proximité de leur lieu de travail, en particulier dans les zones tendues et dans les grandes métropoles, les changements d’habitudes de travail nous offrent de nouvelles occasions d’aménager le territoire et de repenser les villes.
Le développement du télétravail et le recours croissant à de nouvelles pratiques telles que l’organisation dite en bureau flexible ont modifié en profondeur le fonctionnement des entreprises et notre rapport à l’espace et au temps. Le télétravail est désormais une pratique courante et plébiscitée : selon la Banque de France, 15 % des salariés y ont désormais recours régulièrement, alors qu’ils n’étaient que 3 % en 2019. Conséquence directe de ces nouvelles pratiques, le taux d’occupation des bureaux a diminué de 5,4 % en deux ans, augmentant le taux de vacance dans des zones souvent très densifiées et tendues.
À l’heure où des files d’attente se forment à Paris pour visiter un appartement mis en location et où les usages changent, comment pouvons-nous laisser vacants 4,5 millions de mètres carrés de bureaux en Île-de-France ? À l’heure où des salariés peinent à se loger à proximité de leur lieu de travail, comment pouvons-nous laisser des bâtiments entiers vides et inoccupés ?
À l’heure où les chiffres de la construction de logements atteignent un niveau historiquement catastrophique, comment pouvons-nous accepter qu’il faille cinq ans, sept ans, voire dix ans voir aboutir un projet, alors que la France fait face à un besoin immédiat et qu’elle dispose de tous les talents nécessaires pour construire rapidement ? Enfin, à l’heure où nous faisons de la transition écologique une priorité politique, comment pouvons-nous accepter qu’il soit plus facile et plus rentable de détruire des bureaux vides pour reconstruire des logements à leur place que de transformer le bâtiment ?
Loin d’être une fatalité, cette situation nous offre l’occasion de remettre rapidement des logements sur le marché pour répondre à la crise, tout en respectant nos objectifs en matière de transition énergétique et de mixité sociale. Pour ce faire, la proposition de loi promeut des actions fortes et opérationnelles.
Premièrement, elle simplifie les normes et lève plusieurs freins bien identifiés. Grâce à l’article 1er, nous gagnerons jusqu’à douze mois sur la durée des projets en évitant de les soumettre à une procédure pour déroger au PLU. Les articles 6 et 7 faciliteront la transformation en logements des bureaux en copropriété en abaissant les majorités de vote nécessaires. Enfin, l’article 5, en aidant le Crous à produire davantage de logements étudiants, aura pour effet d’accélérer et d’encourager la transformation de bureaux en logements étudiants. Ce dernier sujet nécessite une vision globale qu’incarne notamment le plan pour le logement des étudiants présenté par le Gouvernement le 1er décembre 2023 et dont j’assure désormais le suivi. Il vise à produire 30 000 logements abordables de plus en trois ans, à destination des jeunes, grâce à la mobilisation de tous les territoires, des universitaires, des élus, des préfets, des recteurs et des présidents d’université. Ce plan concrétise aussi notre soutien à tous ceux qui produisent, en simplifiant leurs démarches pour leur permettre d’aller plus vite.
Deuxièmement, la proposition de loi est essentielle en ce qu’elle sécurise les investisseurs. Je pense en particulier à l’article 4, qui crée un permis multidestination, poussant encore plus loin un modèle retenu pour les Jeux olympiques (JO). Ce permis constitue une innovation majeure, car il permettra au porteur de projet de modifier la destination du bâtiment sans qu’il lui ait été nécessaire d’en prévenir la commune au moment du dépôt du permis de construire, et ce autant de fois qu’il le souhaitera. Sachant que le logement est l’un des actifs immobiliers qui résiste le mieux à la crise, je crois que ce dispositif peut rassurer tous ceux qui souhaitent continuer à investir et à augmenter durablement l’offre de logements dans certains territoires.
Troisièmement, la proposition de loi pose la question de l’accompagnement des élus bâtisseurs. En commission, le projet urbain partenarial a été proposé. Cet outil partenarial est particulièrement adapté pour les collectivités dotées d’ingénierie, capables de négocier avec le porteur de projet. En parallèle, le rapporteur a souhaité réfléchir à l’opportunité de mettre un levier fiscal, la taxe d’aménagement, à la disposition des élus. Il a accompli pour cela un travail technique considérable que nous souhaitons poursuivre avec lui dans les mois à venir, dans l’espoir d’aboutir à une solution peut-être plus ambitieuse encore, qui permettrait non seulement d’encourager les maires à transformer les bureaux de leur commune en logements, mais aussi d’équilibrer financièrement ces opérations encore trop onéreuses. C’est pourquoi j’émettrai une réserve et un avis de sagesse sur les deux articles fiscaux qui, bien que nécessaires et utiles, ne me semblent pas, à ce stade, tenir entièrement compte des multiples enjeux de financement auxquels sont confrontés les élus et les opérateurs ; bien sûr, nous aurons l’occasion d’en débattre tout à l’heure.
Vous l’avez compris, le Gouvernement soutient clairement cette proposition de loi, car elle s’inscrit pleinement dans le cadre d’une réponse globale à la crise du logement que subissent nos concitoyens. Elle constitue un levier de transformation pour un secteur en crise, un levier de régénération des espaces urbains et un levier de production de logements pour tous les Français qui en ont besoin. Je dirais même qu’elle constitue une brique supplémentaire, nécessaire à la construction d’une véritable politique du logement.
Pour conclure, je forme le vœu que nous puissions avoir un débat éclairé et serein sur ce texte, et le vœu que nous puissions dépasser les clivages politiques pour répondre à la crise du logement, texte par texte, et bâtir l’avenir de notre pays. Je peux vous assurer que, s’agissant de ce texte comme des suivants, je souhaite avancer de manière pragmatique, opérationnelle et transpartisane pour apporter des réponses concrètes à nos concitoyens qui n’arrivent plus à se loger correctement. J’y mettrai toute mon énergie et toute ma détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
La crise du logement est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. La commission des affaires économiques, que j’ai maintenant l’honneur de présider, n’a pas ménagé ses efforts pour tenter d’y apporter quelques réponses. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour adresser un salut amical à mon prédécesseur Guillaume Kasbarian, assis aujourd’hui sur le banc des ministres. Nous savons tous avec quel volontarisme il s’implique et s’engage dans ses nouvelles fonctions.
Outre les nombreuses propositions de loi examinées lors des niches parlementaires, qui ont utilement nourri le débat, même lorsqu’elles n’ont pas prospéré, nous avons adopté ici, en moins de trois mois, trois textes significatifs : la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement et – du moins en commission – la proposition de loi visant à faciliter la transformation de bureaux en logements, que nous examinons aujourd’hui en séance.
Ce texte de nature transpartisane repose sur plusieurs axes de simplification qui relèvent du bon sens. Ainsi, il vise à alléger les règles d’urbanisme applicables à la transformation de bureaux en logements, à assurer de nouvelles ressources aux collectivités territoriales qui, ayant transformé des bureaux en logements, devront accueillir de nouveaux habitants, à assouplir les règles de décision au sein des copropriétés pour faciliter ces transformations, ou encore à donner aux Crous, qui transforment de nombreux bâtiments administratifs ou universitaires en résidences pour étudiants, la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation. Il vise enfin à créer, dans la continuité des expérimentations menées en particulier dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), un permis de construire réversible autorisant plusieurs usages et destinations pour un même bâtiment pour toute la durée de son existence, sans que ces changements ne nécessitent le dépôt d’une nouvelle demande de permis.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens, car elles permettront de produire des logements plus rapidement tout en limitant l’émission de gaz à effet de serre et l’artificialisation des sols naturels, sachant que les bureaux vacants n’ont jamais été aussi nombreux. Je crois que nous souscrivons tous à cet objectif. Le travail en commission a d’ailleurs été nourri ; il a permis d’enrichir le texte grâce à des propositions de parlementaires de tous les bancs.
Je noterai plusieurs évolutions majeures entre le texte déposé initialement et celui qu’a adopté la commission. Premièrement, les dérogations prévues aux règles d’urbanisme ont été étendues à l’ensemble des communes dotées d’un PLU, plutôt qu’aux seules communes situées en zone tendue. Ces dérogations s’appliqueront également à la transformation en logements de locaux affectés originellement aux administrations publiques.
Deuxièmement, les PUP, qui sont mis en œuvre en cas de transformation d’ampleur d’un quartier et permettent un financement des équipements publics alternatif à la taxe d’aménagement, ont été étendus aux opérations de transformation de bureaux en logements. Le texte reconnaît ainsi la nécessité de trouver de nouveaux financements pour les collectivités locales qui se chargent d’accueillir de nouveaux habitants ; je sais l’importance que ce sujet revêt pour M. le rapporteur.
Troisièmement, le permis de construire réversible a été simplifié encore davantage.
Quatrièmement, la majoration du volume constructible – que peuvent prévoir les documents d’urbanisme, notamment pour les logements sociaux construits par les bailleurs – a été étendue au bénéfice des Crous.
Enfin, la possibilité de déroger au règlement de copropriété en cas de transformation de bureaux en logements a été encadrée pour éviter des conflits d’usage qui, sans cela, auraient été préjudiciables.
La proposition de loi visant à faciliter la transformation de bureaux en logements témoigne de l’intérêt de mener des travaux transpartisans dans un esprit de dialogue, avec l’ensemble des groupes parlementaires. Je tiens à remercier Romain Daubié, auteur et rapporteur du texte, qui a effectué un considérable travail d’audition des acteurs et de coconstruction avec plusieurs députés de la majorité comme de l’opposition, en vue de l’examen en séance. Je me réjouis également de l’accueil positif que le Gouvernement a réservé à cette initiative saluée par le Premier ministre et le ministre délégué chargé du logement lors de leur déplacement à Villejuif, le 14 février.
Je crois que nous ne devons nous épargner aucun effort pour répondre aux besoins des Français en matière de logement. Ces besoins sont importants et primordiaux. Avant le dépôt tant attendu d’un projet de loi d’ampleur sur ce sujet, nous avons aujourd’hui l’occasion d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice de la politique du logement. Les membres de la commission des affaires économiques y prendront bien sûr toute leur part. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Très bien !
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
On dénombre en France 600 000 habitats indignes et 4 millions de mal-logés ; 5 000 demandes d’hébergement par jour en moyenne sont refusées par le Samu social.
Chaque jour, des milliers de familles à la rue souffrent du froid ; chaque jour, des milliers d’enfants tombent malades à cause de l’humidité de leur logement ; chaque jour, plus de 2 millions de Français sont en attente d’un logement social.
Derrière ces chiffres, il y a des vies, des chemins brisés par la crise du logement, qui prive nos concitoyens de perspectives d’avenir. Le nombre de Français fragilisés par la crise du logement se compte en millions : ils sont 14,6 millions.
Le texte que nous examinons, loin d’être parfait, a le mérite de poser enfin dans le débat une des solutions concrètes permettant de résorber, en partie, la crise du logement.
Je suis élue dans les Hauts-de-Seine. En Île-de-France, les délais pour obtenir un logement social tutoient la décennie. Dix ans d’attente, et 4,5 millions de mètres carrés de bureaux vides.
Face à cela, nous avons vu quelle était la priorité de celui qui est désormais ministre du logement : son indigne loi antisquat. Le cap était donc déjà connu. Nous n’avons donc pas été surpris par l’annonce du détricotage de loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) par Gabriel Attal lors de son discours de politique générale. Alors même que nous ne nous attendions à rien, nous avons quand même été déçus.
Nous sommes évidemment favorables à la transformation des bureaux vides en logement : dire oui, pour nous, relève du bon sens à l’heure de la pénurie de logements, de l’humanité dont nous devons faire preuve envers les millions de personnes précaires. Cependant, nous disons : oui, mais.
Oui, mais avec des engagements concrets pour les communes. Le texte propose d’assujettir les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d’aménagement versée aux communes. Cette taxe est légitime car elle permettra aux collectivités de faire face à l’afflux de nouveaux habitants en construisant des services et des équipements publics. Le Gouvernement renoncera-t-il à supprimer ce dispositif qui viendrait soulager les communes, exsangues du fait de la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de la suppression de la taxe d’habitation ?
Oui, mais avec des engagements concrets pour l’urbanisme. Si les normes environnementales sont différentes entre les locaux selon que leur usage est professionnel ou privé, comment veillera-t-on à ne pas créer des copropriétés dégradées à la chaîne, ce qui se produira si les normes ne sont pas respectées ?
Oui, mais avec des engagements concrets pour la mixité sociale. Serait-il logique de transformer des bureaux en logements privés dans les communes récalcitrantes à la loi SRU ? En ce sens, plusieurs de nos collègues ont déposé des amendements visant à imposer des logements abordables particulièrement dans les communes en carence de logements sociaux.
Oui, mais sans déresponsabiliser l’État. Moins de 290 000 logements ont été mis en chantier en 2023, alors qu’existe un besoin annuel de plus de 500 000 logements. Un simple texte de loi ne suffira donc pas à résorber cette crise devenue structurelle.
Nous voterons ce texte si le Gouvernement consent, au moins, à retirer l’amendement de suppression de l’article 2 instaurant la taxe d’aménagement pour les opérations transformant les bureaux en logement. J’ajouterai, enfin, qu’il est assez cynique de prévoir d’étudier cette taxe dans le projet de loi de finances pour 2025 alors même que le ministre des comptes publics a annoncé hier 20 milliards d’euros d’économies sur ce même budget. Vous nous excuserez de douter de votre bonne foi, alors que les 10 milliards d’économies que vous avez décidées le mois dernier se traduisent par l’annulation de 737 millions d’euros de crédits sur la mission Cohésion des territoires.
Le mot d’un célèbre écrivain espagnol pourrait résumer votre politique du logement : « Il y a des gens qui n’ont que la façade […]. L’entrée sent le palais, et le logement la cabane. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Je ne reviendrai pas longuement sur la crise du logement que traverse notre pays, car j’en ai déjà parlé à plusieurs reprises et le rapporteur aussi. La situation est absolument catastrophique. Elle ne résulte pas de la conjoncture mais des choix politiques de cette majorité depuis 2017.
M. Lionel Royer-Perreaut
C’est une crise européenne, pas française !
M. Stéphane Peu
Elle a voulu plaquer sur la France une espèce de modèle anglo-saxon. Au moment même où tous les pays qui avaient opté pour une vision ultralibérale de la politique du logement, comme l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Espagne, pour prendre des exemples parmi nos voisins immédiats, l’abandonnaient pour relancer l’intervention publique afin de soutenir le secteur, la France a pris le chemin inverse. Cette politique du logement est un contresens historique que nous payons très cher aujourd’hui puisqu’elle se traduit par une baisse, elle aussi historique, de la production de logements. En effet, depuis le début des années 1990, jamais notre pays n’avait aussi peu produit de logements. Cette politique est un échec ; il est temps de la corriger.
Le rapporteur l’a dit lui-même, la proposition de loi qui nous est présentée ne vise pas à répondre à l’ensemble de la crise du logement. Je salue sa modestie, tout en soulignant qu’il fait œuvre utile.
Pour avoir été chargé de ces sujets au sein de collectivités locales, je me souviens que, pendant très longtemps, on entendait beaucoup que construire des bureaux rapporterait des recettes fiscales supérieures, sans que leurs occupants causent des ennuis, tandis que construire des logements produirait moins de rentrées fiscales, mais apporterait – pardonnez-moi l’expression – tous les emmerdements, car les habitants demanderaient des écoles, des services publics, et, en plus, de temps en temps, ils voteraient lors des élections, sans qu’on sache qui ils éliraient. Le choix était donc assez simple : on construisait des bureaux plutôt que des logements.
L’absence de régulation, dans la jungle du marché, a fait qu’on a surproduit des bureaux par rapport aux logements, alors que la construction de bureaux ne répondait pas toujours à un besoin économique, mais parfois à d’autres motivations.
Il est donc bon d’offrir, avec cette proposition de loi, la possibilité de convertir des bureaux en logement. Ce n’est pas si simple à réaliser qu’il n’y paraît – je n’entrerai pas ici dans le détail de cette question –, mais c’est une bonne mesure que nous approuvons.
Cependant, il ne faut pas que les raisons pour lesquelles certains ont choisi de surproduire des bureaux par rapport aux logements soient utilisées pour empêcher la transformation de bureaux en logements. Nous vous suivons donc, monsieur le rapporteur, pour assujettir ces opérations à la taxe d’aménagement.
Nous avions deux lignes rouges en abordant cette proposition de loi. Premièrement, nous voulons que les maires gardent la main sur les décisions.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
C’est le cas !
M. Stéphane Peu
Effectivement, c’est le cas, et cela constituait pour nous un enjeu majeur.
Deuxièmement, nous voulons que les communes aient intérêt à ces transformations, grâce à la taxe d’aménagement. En effet, je l’ai dit, il n’y a aucun rapport entre le coût pour une collectivité d’un bureau et celui d’un logement habité par une famille, ou même par un étudiant ou par des retraités. La taxe d’aménagement, si ce n’est pas le seul outil pour encourager les communes à procéder à ces transformations, constitue néanmoins un instrument très important.
Nous reviendrons au cours du débat sur les critiques que nous formulons. Je connais bien le cas du village olympique : M. le ministre délégué et moi-même avons participé, la semaine dernière, à son inauguration par le Président de la République. Je constate que la réversibilité a été intégrée dès la conception : au moment de délivrer le permis de construire, nous connaissions la destination des bâtiments pendant les Jeux olympiques mais aussi par la suite. La réversibilité n’était pas hasardeuse. On savait où on allait. Il faut donc que les maires gardent aussi la main sur la réversibilité des permis. Je ne suis pas certain que le zonage déjà établi soit suffisant pour définir les zones dans lesquelles les maires concernés pourront accorder des permis réversibles ; nous en débattrons.
Enfin, dans les communes carencées au regard de la loi SRU, le changement d’usage des bureaux en logements aurait dû être accompagné, de notre point de vue, de l’obligation de respecter les dispositions de cette loi. Le texte ne le prévoit pas ; nous le regrettons et nous essaierons donc de l’améliorer dans le cadre du débat.
En tout cas, nous accueillons favorablement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Très bien !
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
La pandémie de covid-19 et l’essor du télétravail ont bouleversé nos modes d’organisation du travail en faisant subir de profonds changements à l’immobilier de bureaux. Devant la vacance de milliers de mètres carrés ainsi que devant l’étroitesse du marché dans les zones tendues, il n’était pas illogique d’aspirer à faciliter la transformation de bureaux en logements, comme le fait la proposition de loi que nous examinons. Le texte présente des évolutions législatives dont certaines sont intéressantes, telle que la possibilité de soumettre les transformations en logements à la taxe d’aménagement : cela pourrait inciter les élus à se lancer dans ces projets, avec le risque cependant que cette nouvelle taxe constitue un frein à la rentabilité des opérations de transformation.
La possibilité de déroger au PLU offre une flexibilité bienvenue, de même que la création de permis de construire à destinations successives. Nous nous inquiétons cependant du risque que ces nouvelles possibilités contreviennent aux objectifs de mixité sociale.
De même, les dispositions qui visent à faciliter par différents moyens le changement d’usage dans les immeubles en copropriété vont dans le bon sens.
Néanmoins, les modifications apportées en commission n’ont pas levé nos réticences quant aux défauts du texte.
D’abord, il concernera principalement les grandes agglomérations et n’apportera que peu de réponses aux petites villes ou aux zones rurales dans lesquelles seul un nombre restreint de bâtiments serait concerné par cette transformation en logements.
Ensuite, l’impact sur les freins techniques et économiques ne sera que résiduel. Or le défi du recyclage des bureaux en logements est également économique. Selon les promoteurs, le coût des travaux est plus difficile à anticiper lorsqu’on part d’un immeuble existant. Le recyclage plutôt que la reconstruction présenterait aussi un surcoût allant jusqu’à 20 %.
Si la proposition de loi place quelques instruments supplémentaires entre les mains des élus pour créer des logements, elle est loin d’être à la hauteur des difficultés vécues par nos concitoyens. Sept ans après l’arrivée de votre majorité au pouvoir, tous les signaux du secteur immobilier sont au rouge. Il y a urgence.
Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a vu s’effondrer les chiffres de la construction et le second voit cette tendance s’aggraver. Selon la FFB, la Fédération française du bâtiment, le marché du logement neuf en 2023 est retombé autour de ses plus bas niveaux historiques, atteints en 1992 et 1993 : la production de logements neufs a diminué de 22 % et la délivrance de permis de construire de 24 %, alors que 3 000 enfants dorment à la rue et que 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement social, soit une augmentation de 8 % en un an.
La production s’est effondrée dès l’été 2017 avec la réduction du loyer de solidarité et la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) : alors que 125 000 logements étaient produits en 2016, ce chiffre est tombé à 82 000 en 2023.
Désormais, 12 à 17 % des étudiants renoncent à leur projet de formation faute de pouvoir trouver un logement adapté. La mobilité professionnelle est également touchée, ce qui a une incidence forte sur l’emploi. Même le Medef s’émeut de l’absence d’une politique publique de soutien résolu au logement – c’est dire !
Nous sommes tous alertés dans nos circonscriptions par la filière du bâtiment et travaux publics (BTP) au bord de l’asphyxie. Dans le Gers, par exemple, vingt-trois liquidations judiciaires ont été prononcées en 2023 et on en compte une dizaine depuis janvier, du fait d’une chute de 15 % des constructions neuves – soit un déficit de 700 logements. La région Occitanie prend sa part en débloquant 150 millions d’euros pour un contrat de filière dans le cadre de son plan « habitat durable » pour la construction et la rénovation de logements, mais l’État doit désormais prendre la mesure de la crise, en y mettant des moyens massifs.
Les 30 000 logements annoncés par le nouveau gouvernement seront insuffisants pour enrayer sept ans d’immobilisme. De même, intégrer le logement intermédiaire dans les 25 % de la loi SRU, en se servant des personnes les plus précaires et du logement social comme variable d’ajustement pour une politique publique défaillante, est une erreur morale. En outre, diminuer le financement du dispositif MaPrimeRénov’ est totalement à contre-courant des besoins.
Comme nous le demande le secteur, il faut agir sur plusieurs plans en relançant la commande publique et privée. Par exemple, pourquoi ne pas rétablir le prêt à taux zéro (PTZ), y compris pour la maison individuelle ? Ce serait un vrai dispositif de soutien à l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes et intermédiaires.
En conclusion, le groupe LIOT votera la proposition de loi. Toutefois, nous considérons que, loin du choc de l’offre pourtant promis depuis 2017 par votre majorité, nous continuons à traiter de problèmes périphériques sans répondre suffisamment aux besoins de nos concitoyens en matière de logement.
M. le président
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut.
M. Lionel Royer-Perreaut
Je tiens d’abord à dire combien il est important de débattre dans cet hémicycle des enjeux du logement. En un peu plus d’un mois, nous avons débattu de trois textes importants, dont chacun contribue à permettre à nos concitoyens de se loger.
Nous avons ainsi adopté en première lecture le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, qui permettra de mieux lutter contre l’habitat indigne.
Ensuite, nous avons adopté en première lecture la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue afin de réguler les locations saisonnières touristiques. L’enjeu est là aussi important : ce sont autant de logements qui seront remis à la disposition de nos concitoyens.
Enfin, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements présentée par M. Romain Daubié dans le cadre d’un travail transpartisan.
Je crois que nous avons, les uns et les autres, une responsabilité dans ce domaine. Nous, élus, sommes en effet interpellés dans nos territoires par nos concitoyens. La crise du logement est une réalité : de nombreuses personnes rencontrent des difficultés pour se loger, dans le logement diffus, dans le secteur libre ou dans le logement social.
Ainsi, nous devons encourager les initiatives qui visent à permettre aux Français de se loger, en mobilisant tous les moyens possibles pour remettre des espaces habitables sur le marché du logement, et les transformer. Le groupe Renaissance remercie une nouvelle fois le travail effectué par le rapporteur, M. Romain Daubié.
M. Romain Daubié, rapporteur
Merci !
M. Lionel Royer-Perreaut
Ce travail s’inscrit dans le choc d’offre proposé et défendu par le Premier ministre à cette tribune, il y a quelques semaines. Le choc d’offre est une solution qui nous permettra de retrouver une situation correspondant aux besoins de notre pays : les démarches seront facilitées et des normes plus agiles seront proposées, afin de pouvoir travailler sur les enjeux de réversibilité – cela a été dit par les différents orateurs. (M. Thibault Bazin s’exclame.)
Comme j’ai pu l’entendre, la crise du logement n’est pas qu’une crise française. Je ne voudrais pas que nous réduisions ce débat à la crise que nous connaissons ; il y a bien des enjeux de logement en France, mais cette crise est européenne. Nous devons donc adopter une approche plus globale.
Le coût élevé du foncier est l’une des causes de la crise du logement ; je ne crois pas que le Gouvernement en soit responsable, contrairement à ce qui a pu être dit.
M. René Pilato
Mais si !
M. Lionel Royer-Perreaut
Le coût de la construction a augmenté ; ce n’est pas non plus la faute du Gouvernement. On ne peut pas ignorer les effets de la crise en Ukraine, ni les difficultés d’accès au crédit. Encore une fois, le Gouvernement n’en est pas responsable : la crise en Ukraine a fortement modifié les règles du marché.
M. Frédéric Falcon
Ben voyons !
M. Lionel Royer-Perreaut
Enfin, il faut bien reconnaître qu’il arrive parfois que, dans certains territoires, les maires soient réticents à produire du logement. (M. Frédéric Falcon s’exclame.) En effet, dès qu’il s’agit de bâtir, ils rencontrent des oppositions.
M. René Pilato
En résumé, c’est toujours de la faute des autres !
M. Lionel Royer-Perreaut
Dès qu’un projet de construction est connu, il est inévitablement suivi de pétitions qui s’y opposent. Les gens veulent bien construire des logements, mais, si possible, chez le voisin.
M. Romain Daubié, rapporteur
Exactement !
M. Lionel Royer-Perreaut
Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés. Nous avons donc besoin de mobiliser tous les outils pour produire du logement. La proposition de loi de Romain Daubié s’inscrit parfaitement dans cette dynamique : elle vise à transformer les espaces disponibles, sans modifier le PLU, et surtout, en remettant le maire au centre de la politique de production de logements.
C’est important, et cela rejoint le message que le Premier ministre a voulu faire passer dans son discours de politique générale, au sujet, notamment de la loi SRU. L’idée n’est pas de contourner cette loi, mais de donner une certaine souplesse aux maires, ce qui leur permettra de se réapproprier les politiques de peuplement. Bref, il s’agit de recréer un lien de confiance avec les maires ; nous ne produirons pas du logement si nous ne savons pas rétablir ce lien.
C’est la raison pour laquelle le groupe Renaissance soutiendra cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Alors que les Français sont exposés à une crise inédite, la majorité présidentielle commence enfin à explorer des mesures d’urbanisme dérogatoires et d’assouplissement des règles dans l’objectif de produire du logement. La proposition de loi qui nous est présentée va dans le bon sens.
La création d’un permis de construire à destinations successives, demandée de longue date par les professionnels de l’immobilier – notamment de la promotion immobilière – nous semble pertinente. L’usage des surfaces pouvant évoluer dans le temps, il fallait en effet faire sauter ce verrou qui fige durablement la typologie du bâti au détriment de l’habitat. Nous nous en félicitons.
De même, la transformation des surfaces de bureaux en logements, qui va à l’encontre des règles définies par le plan local d’urbanisme, constitue une avancée positive : elle donne un peu de respiration aux communes des zones tendues.
Ces dernières décennies, les métropoles ont été confrontées à une réelle concurrence entre le logement et les activités tertiaires – en particulier le bureau, qui tend aujourd’hui à décliner compte tenu de l’évolution des usages. La réflexion qui gagne les quartiers d’affaires illustre les défis qui nous attendent, et invite le législateur, les communes et les aménageurs à aller plus loin dans la conversion de bureaux en logements. Je pense par exemple à la réflexion amorcée dans le quartier de La Défense.
Si nous sommes globalement favorables aux dispositions de cette proposition de loi, nous souhaiterions qu’elles s’inscrivent dans une réflexion plus globale d’aménagement du territoire, et nous refusons de relever le défi de la crise du logement avec une approche purement parcellaire. Nous regrettons la disparition du ministère de l’aménagement du territoire depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron – sa mission est désormais intégrée à celles du nébuleux ministère de la transition écologique.
Nous souhaitons que le préfet retrouve une place centrale dans la politique du logement, qui devrait faire l’objet d’un projet fort. Relais du Gouvernement, le préfet est le garant de l’équilibre de son territoire ; il s’affranchit des intérêts particuliers et veille à l’application de la loi.
Face à l’urgence, nous pensons qu’il faudra renouer avec de grands projets d’intérêt national, qui doivent être imposés sans tergiverser, et préservés de tout recours abusif. Ces projets doivent transcender les chapelles, le millefeuille administratif qui paralyse toute initiative et les administrations déterritorialisées zélées qui ont pris le pouvoir en s’affranchissant de la tutelle politique.
Vous l’aurez compris, nous souhaitons que la politique reprenne le pouvoir sur une administration toute-puissante, parfois sous l’emprise d’une idéologie écologiste décroissante, qui freine notre développement. Dans cette perspective, nous avons déposé un amendement exigeant un agrément du préfet avant tout changement de destination.
Cette proposition de loi ne doit pas occulter la faiblesse de la politique gouvernementale en matière de logement. Sous la décennie Hollande-Macron, aucune vision de long terme n’a été adoptée pour relever ces défis. Ces trois quinquennats auront fait perdre quinze années à la France.
D’abord, la métropolisation – principal vecteur de la crise du logement et des crises sociales passées ou à venir – aura été largement encouragée. Monsieur le ministre, cher collègue, avez-vous au moins un avis sur ce sujet fondamental, qui est à l’origine de nombre des maux de la société française ?
La métropolisation est devenue un sérieux frein à la croissance. Les normes et les contraintes environnementales absurdes, comme l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), ont fait culminer la pénurie de foncier et restreint le développement des territoires ruraux.
À titre d’exemple, dans ma circonscription de l’Aude, qui figure parmi les départements les plus pauvres de France selon le classement du PIB par habitant, l’extension du port de La Nouvelle est sérieusement entravée par l’impossibilité de loger les nouveaux salariés.
Les dispositifs d’investissement et d’accès au logement ont été rabotés de façon historique.
La construction est à l’arrêt, sans que le Gouvernement ne se décide à réagir. Depuis le dernier remaniement, le Gouvernement prend des mesures d’affichage. M. le Premier ministre se targue de vouloir construire 30 000 logements en trois ans, alors qu’il faudrait en construire au moins 1 200 000 d’ici à la fin du quinquennat, soit 400 000 par an, pour sortir – enfin, espérer sortir – de la crise.
Mme Michèle Martinez
Bravo !
M. Frédéric Falcon
Enfin, les grands chantiers d’aménagement et d’infrastructures ayant vocation à rééquilibrer ou à désenclaver nos territoires sont restés au point mort, à l’image, dans le Languedoc, du laborieux projet de ligne à grande vitesse (LGV) Montpellier-Perpignan, aujourd’hui en suspens.
Si nous voterons cette proposition de loi, le Gouvernement ne doit, en aucun cas, se prévaloir d’agir durablement pour sortir les Français de cette crise. Le temps reste encore long avant l’alternance de 2027 et l’avènement de notre projet, grâce auquel nous relèverons tous ces défis. Notre vision ne s’arrête pas à un mandat, mais elle s’inscrit dans la tradition gaullienne, sur plusieurs décennies. (Mme Nathalie Oziol s’exclame.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Un peu de modestie !
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Quel culot !
M. Frédéric Falcon
Vous avez fait le choix de laisser au marché le soin de réguler cette crise ; nous planifierons le rééquilibrage des territoires.
Chers collègues de la majorité, alors que le Gouvernement reste sourd à nos appels, et à ceux des professionnels et des territoires qui tirent la sonnette d’alarme depuis de longs mois, quand allez-vous enfin faire entendre raison, dans l’intérêt général, au président Macron ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Oziol.
Mme Nathalie Oziol
« Gouverner, c’est d’abord loger son peuple » disait l’abbé Pierre. Gloire à sa mémoire. À Montpellier, où je suis élue, cette phrase est peinte sur la façade d’un bâtiment. Pourtant, il y a près de 2 000 sans-abri à Montpellier, et au moins 330 000 en France. Les associations de distribution alimentaire et d’habits, les maraudeurs et les hébergements d’urgence sont dépassés, saturés.
M. Thibault Bazin
En Meurthe-et-Moselle aussi !
Mme Nathalie Oziol
Nous savons que les immeubles inhabités – que cette proposition de loi vise à transformer en logements – squattent 4,8 millions de mètres carrés rien qu’en région parisienne – et je ne parle que des bureaux vides. Alors, combien y a-t-il de bureaux vacants en France ? Où se trouvent-ils ? À qui appartiennent-ils ? Aux sociétés financières, qui sont, précisément, celles qui spéculent sur l’immobilier ?
Cela fait longtemps que pour ces sociétés, un logement ou un plateau de bureau sont des investissements servant de placement financier. Étant donné que le prix du foncier n’est pas encadré en Macronie, elles pourront toujours compter sur la spéculation pour revendre plus cher.
La situation de crise du logement en France est telle que l’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’a jamais été aussi grand. Dans son rapport de 2023 intitulé « Logement : inégalités à tous les étages », Oxfam indique que 25 % des plus modestes consacrent deux fois plus de leurs revenus aux dépenses de logement que les 25 % les plus riches. De même, 10 % des Français les plus riches concentrent 44 % de tout le patrimoine immobilier français.
Par ailleurs, entre 2001 et 2020, les prix de l’immobilier ont augmenté de 125 %, alors que dans le même temps, les revenus, eux, n’ont progressé que de 29 %. Ainsi, en vingt ans, les prix de l’immobilier ont augmenté quatre fois plus que les revenus. Une belle manne financière pour ceux qui détiennent un patrimoine immobilier ; une très mauvaise nouvelle pour tous les autres.
À Montpellier, il faut en moyenne vingt et un mois pour se voir attribuer un logement social. En France, 2,4 millions de personnes sont en attente.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Plutôt 1,6 million de personnes.
Mme Nathalie Oziol
Or, depuis la première élection d’Emmanuel Macron, on ne compte plus les mesures antipauvres et antilocataires : baisse des APL ; effondrement de la production de logement social ; augmentation de l’indice de réglementation des loyers qui constitue, de fait, une augmentation des loyers ; expulsions d’étudiants de leur logement au Crous et destructions de foyers de travailleurs pour les Jeux olympiques – sans compter la nomination au ministère du logement de Guillaume Kasbarian,…
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
L’excellent Guillaume Kasbarian !
Mme Nathalie Oziol
…auteur de l’infâme loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, qui permet d’expulser les locataires.
M. Thibault Bazin
Et les squatteurs !
Mme Nathalie Oziol
Quel cynisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Elle est longue, la liste de l’ensemble des mesures qui constitueraient un plan d’urgence salutaire, tout en changeant durablement le rapport de force, afin que chaque personne ait un toit au-dessus de sa tête.
Je vous ai parlé de la fresque de l’abbé Pierre à Montpellier. Elle va bientôt disparaître derrière un bâtiment modestement appelé « Folie montpelliéraine » – on ignore quel type de logement sera proposé et quelle sera la proportion de logements sociaux. Ce projet est à l’image de la politique gouvernementale : de grands projets et de grandes folies, qui ne règlent jamais les problèmes sociaux, économiques, écologiques, les problèmes de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Alors, je réitère ce que j’ai dit en commission : cette proposition de loi vient comme une rustine sur un pneu éventré. Il est indécent de laisser vacants des bâtiments quand nos concitoyens et concitoyennes peinent à trouver des abris. Et c’est le Gouvernement qui est responsable, le Gouvernement et son inaction. Alors, permettre la transformation des bureaux vides en logements est une idée.
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Une bonne idée !
Mme Nathalie Oziol
Cela permet de créer du logement sans artificialiser de nouvelles terres.
Cette proposition de loi présente principalement des mesures techniques, comme les assouplissements administratifs. Cependant, il est à noter que le passage d’un usage à l’autre – du bureau vers le logement – nécessite des réhabilitations précises et la prise en compte de problèmes très concrets : hauteur des plafonds ; volume des pièces plus important pour les bureaux ; protection acoustique ; desserte par les transports en commun ; présence de commodités et de services divers.
À La France insoumise, nous ne pensons pas que chacun doive se débrouiller pour trouver un toit – et advienne que pourra pour celles et ceux à qui cela est rendu impossible. Au contraire, nous pensons que le droit au logement fait partie de la solidarité nationale, et que la crise traversée par notre pays nécessite des mesures ambitieuses : réquisition des bâtiments vacants pour les transformer en logements, ou, au minimum, en centres d’hébergement ; investissement massif dans l’hébergement d’urgence et dans la production de logements sociaux ; encadrement à la baisse des loyers ; mise en place de la garantie universelle des loyers ; interdiction des expulsions sans relogement ; et enfin, révision de la fiscalité sur les meublés touristiques pour favoriser les locations de longue durée.
Voilà quelques propositions de mesures ambitieuses afin de changer la politique de logement dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Gérard Leseul applaudit également.)
M. Romain Daubié, rapporteur
Je suis un grand démocrate, c’est pour cela que j’applaudis !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur le nouveau ministre délégué chargé du logement, les défis ne manquent pas pour remédier à la crise actuelle du secteur :…
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
C’est vrai !
M. Thibault Bazin
…nous ne pouvons que vous souhaiter pleine réussite dans vos missions.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Merci !
M. Thibault Bazin
Une telle proposition de loi n’est pas sans mérite : vous souhaitez, monsieur le rapporteur, faciliter la transformation des bureaux en logements. C’est une bonne mesure, mais gardons à l’esprit que cela ne suffira pas à résoudre la crise actuelle – et, au reste, la loi le permet déjà quand cela a du sens et répond à un besoin.
Connaissant votre capacité à analyser avec lucidité les défis à relever, je vous le dis avec gravité, monsieur le ministre : il est vraiment urgent de prendre des mesures fortes afin de remédier à la crise actuelle du logement. Celles déjà annoncées ne nous semblent pas encore suffisantes.
Vous le savez, puisque vous étiez encore président de la commission des affaires économiques lorsque celle-ci a examiné ce texte, j’ai déposé il y a quelques mois une proposition de loi portant mesures d’urgence pour remédier à la crise du logement – la douzaine de dispositions qu’elle contient avait été travaillée en lien avec les acteurs du secteur. En effet, les difficultés que connaît notre pays en matière de logement trouvent principalement leur origine dans cinq crises : une crise de l’offre, une crise de la demande, une crise de l’accession, une crise de l’investissement immobilier et une crise du financement. La proposition de loi que nous examinons, visant à faciliter la transformation de bureaux en logements, n’y apportera qu’une réponse très partielle.
Cela étant dit, revenons-en aux questions qu’elle soulève.
De nombreux paramètres sont à prendre en compte : tout d’abord, il convient de s’assurer que le dispositif proposé ne créera pas de conflits d’usage – par exemple, lorsque les bureaux ayant vocation à être transformés en logements jouxtent un établissement recevant du public, présentant, par exemple, un risque de nuisances sonores au quotidien. Ensuite, il faut vérifier que les besoins du futur logement seront bien pris en compte – en matière de stationnement, par exemple. Enfin, il faut s’assurer que la conception du bâtiment assure une qualité d’usage, car la transformation de bureaux en logements peut donner naissance à des pièces en second jour, voire sans aucun éclairage naturel, donc à de mauvaises conditions d’habitat.
Estimant que l’article 1er pourrait être amélioré afin de mieux prendre en considération ces paramètres et dans un souci de transparence, nous vous proposerons des amendements visant, d’une part, à garantir que les maires pourront se prononcer sur les conséquences d’un changement de destination en matière de nuisances et de risques pour sa commune – y compris dans le cas où la compétence pour délivrer le permis de construire a été déléguée au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) –, et, d’autre part, à s’assurer que les élus qui s’apprêtent à délibérer sur une transformation de bureaux en logements disposent de toutes les informations relatives à l’obsolescence du bien et au nombre d’entreprises et emplois pouvant être affectés. Nous espérons que vous nous suivrez sur ces propositions de bon sens, comme nos échanges avec le rapporteur et l’administrateur de la commission qui l’accompagne le laissent penser.
Les articles 2 et 3 de la proposition de loi, qui visent respectivement à assujettir les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d’aménagement et à définir l’assiette de cette dernière pour les opérations de transformation de bureaux en logements, soulèvent eux aussi des difficultés.
Comme nous l’avons souligné lors de l’examen en commission, une telle taxation est largement critiquable, puisque ces locaux ont déjà été taxés au moment de leur construction, parfois très récente. M. le rapporteur nous a expliqué que les recettes ainsi obtenues permettraient de garantir aux nouveaux habitants des services publics de qualité, mais cet argument me semble assez bancal, puisque la taxe d’aménagement ne vise à couvrir que des frais d’investissement, et non de fonctionnement, et que les équipements nécessaires sont parfois pris en charge par des collectivités qui ne la perçoivent pas. En outre, cette taxation sanctionnant chaque changement d’usage semble en contradiction avec la promesse de la majorité présidentielle et du Gouvernement de ne pas alourdir la charge fiscale pesant sur les Français. Par cohérence, nous vous proposerons donc des amendements de suppression des articles 2 et 3. Je note que le Gouvernement, lors de l’intervention liminaire de M. le ministre, a lui-même appelé à une telle cohérence. J’espère donc que nous trouverons un terrain d’entente sur ce point.
Enfin, je voudrais souligner que si l’on veut vraiment faciliter le changement de destination des bâtiments, il semble nécessaire de supprimer l’alinéa 5 de l’article 4, afin de maintenir la possibilité, pour l’organe délibérant compétent, de modifier ultérieurement la destination de la construction. C’est le sens de l’amendement n° 6 que nous vous proposerons.
Pour conclure, si nous pensons que la transformation de bureaux en logements sera pertinente dans de nombreux cas, il nous semble nécessaire d’apporter des ajustements au texte, pour prévoir les cas où cela ne le serait pas. Après ceux en commission, nous espérons que nos débats en séance permettront d’amender positivement ce texte afin de le rendre acceptable pour tous, dans l’ensemble du territoire – ce qui implique de prendre en compte tout à la fois l’échelle de l’immeuble, de la rue et du quartier. Je ne doute pas qu’avec de la bonne volonté, nous y arriverons. Place au travail parlementaire ! (Mme Farida Amrani s’exclame.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Il y a soixante-dix ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait son appel à la nation et revendiquait le droit au logement pour tous. Quarante ans plus tard, la possibilité de disposer d’un logement décent devenait un objectif à valeur constitutionnelle.
Depuis soixante-dix ans, nombre de gouvernements se sont succédé et pourtant, vous en conviendrez, le problème persiste. Pour avoir travaillé pendant vingt-cinq ans au ministère du logement – qui a changé d’intitulé de nombreuses fois –, où j’ai commencé comme technicien dans le logement social, je sais que les objectifs annuels ne sont jamais atteints – et c’est bien pour cela que, vingt-cinq ans plus tard, nous connaissons un déficit de logements. La conjoncture sanitaire et géopolitique, qui alimente l’inflation des prix mais également des taux bancaires, ne facilite pas non plus la production de logements. Vous en conviendrez, chacun, donc, porte une part de responsabilité dans la situation actuelle – et pas seulement celui qui arrive en dernier et récupère la patate chaude.
Aujourd’hui, la proposition de loi présentée par Romain Daubié et défendue par l’ensemble des collègues du MODEM, mais aussi plusieurs membres d’autres groupes, apporte une nouvelle pierre à la politique du logement. En tendant à faciliter la transformation des bureaux en logements, elle propose une réponse concrète, bien que partielle, à l’exigence constitutionnelle que constitue le droit de chacun de disposer d’un logement décent.
Pour retrouver une France apaisée, qui avancera sereinement en relevant les défis environnementaux et sociétaux qui se présentent à elle, le logement ne doit plus être un obstacle, mais bien un objectif essentiel à atteindre. Accélérer la transformation des bureaux vacants en logements contribue à atteindre les objectifs de sobriété foncière et de réduction de l’empreinte carbone définis dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience. Toute action ou mesure qui facilitera la mise sur le marché de logements pour diminuer la longue liste d’attente de demandeurs de logements locatifs aidés et de sans-abri qui travaillent mais ne trouvent plus de logement et de futurs propriétaires qui n’accèdent plus à l’emprunt, mais aussi de logements vacants dans des copropriétés dégradées, recevra l’aval du groupe MODEM, qui a fait de la question du logement une cause nationale – plusieurs membres du groupe ont d’ailleurs rassemblé leur effort pour y répondre –, car s’il y a bien une cause qui rassemble et sur laquelle les Français nous attendent, c’est celle du logement. Posons ensemble les fondations et les éléments essentiels pour bâtir un logement pour toutes les bourses, à tous les âges.
Des moyens financiers, fiscaux et réglementaires doivent être mobilisés pour relancer la production de logements sociaux – que ce soit dans le parc public ou dans le parc privé –, créer des logements intermédiaires, faciliter l’accès à la propriété et garantir le parcours résidentiel. Il faudra également créer des outils de simplification en matière d’urbanisme, car pour résoudre ce problème national, rien ne doit être écarté : toute solution sera bonne à prendre.
La crise sanitaire a bouleversé le monde professionnel, notamment par le recours à la pratique de télétravail : cette proposition de loi visant à faciliter la transformation de bureaux en logements tient compte de cette évolution. On ne peut pas, en 2024, se satisfaire d’un marché du logement saturé alors que le nombre de bureaux vacants augmente. Si ce texte que nous défendons est une des solutions à ce problème, il n’est, je l’ai déjà dit, évidemment pas la seule.
Le développement durable, apparu dans le vocabulaire institutionnel à la fin du XXe siècle, proposait de partager une vision différente et nous invitait à concevoir les bâtiments en pensant dès le départ à leur seconde vie. Vingt-cinq ans plus tard, cette proposition de loi y répond administrativement en prévoyant d’autoriser les maires à déroger au PLU pour transformer des bureaux en logements et de leur donner la possibilité d’assujettir cette transformation à la taxe d’aménagement.
Elle tend aussi à créer un permis de construire réversible permettant au bâtiment de changer d’usage sans nouvelle autorisation d’urbanisme, et à permettre aux Crous de recourir, sans condition, à la conception-réalisation pour faciliter la transformation de bureaux en logements étudiants. Elle vise enfin à assouplir les règles de copropriété pour accompagner les transformations de bureaux. Ce sont autant de mesures de bon sens qui traduisent en actes la volonté de produire des logements sans nécessairement artificialiser des zones naturelles ou agricoles.
Des débats vont avoir lieu, ils sont nécessaires ; mais aujourd’hui, face à la crise du logement, permettons à cette proposition de loi d’aboutir au plus vite, pour que nos maires puissent l’appliquer dès que possible dans leur bassin de vie, et ainsi répondre aux attentes – disposer d’un logement, que l’on soit étudiant ou jeune actif, que l’on aspire à être propriétaire, que la composition de sa famille évolue, ou que, senior, on aspire à un logement en adéquation avec ses besoins, proche des commodités. Pour répondre pragmatiquement à cette attente, nous devons adopter des textes efficaces, dont chacun pourra s’emparer. Cette proposition de loi, qui facilitera la production de logements, recevra bien évidemment le soutien total du groupe Démocrate. Débattons, votons, mais surtout, actons et bâtissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Je remplace mon excellent collègue Inaki Echaniz,…
M. Romain Daubié, rapporteur
Nous avons bien travaillé ensemble !
M. Philippe Brun
…qui a travaillé sur ce texte dont l’examen était initialement prévu à une autre date, et qui est aujourd’hui en déplacement à Marseille, justement sur le sujet du logement.
Vous connaissez sa mobilisation et celle du groupe Socialistes et apparentés sur ces questions, en particulier dans leur dimension opérationnelle, comme en témoignent notre importante contribution sur le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé, et notre proposition de loi, défendue avec Annaïg Le Meur, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, adoptée fin janvier par l’Assemblée nationale.
En commission, vous avez écouté nos propositions d’amélioration, monsieur le rapporteur, et nous avons donc soutenu votre texte qui s’inscrit dans le même esprit. Vous souhaitez prolonger les mesures visant à faciliter la transformation de bureaux en logements adoptées en 2018 dans le cadre de la loi Elan. À l’époque, mon groupe n’avait pas soutenu ces mesures, les considérant comme une sorte de gadget, puisque vous adoptiez au même moment la réduction de loyer de solidarité (RLS), le rehaussement de la TVA sur le logement social ou la réorganisation des bailleurs.
Cependant, la conjoncture nous amène aujourd’hui à revoir notre position. Premièrement, la crise historique du logement que votre politique a en partie entraîné, notamment à la suite des mesures que je viens de citer, nous commande de nous saisir de toutes les opportunités pour produire du logement là où il est nécessaire. Deuxièmement, la crise de l’immobilier de bureau qui a émergé après le covid-19 en raison du développement du télétravail et du flex office pose la question du devenir de ces locaux. Troisièmement, l’objectif ZAN et la nécessaire transition écologique du secteur nous conduisent à favoriser autant que possible le recyclage immobilier et foncier plutôt que des constructions neuves nécessitant une artificialisation ou des démolitions-reconstructions. Bien que votre proposition de loi soit encore perfectible, ces raisons nous ont conduits à soutenir le texte en commission.
Deux points sont, à nos yeux, fondamentaux.
En premier lieu, il est essentiel qu’on ne puisse imposer aux communes des dérogations au PLU pour la production de logements par transformation de bureaux. En effet, dans les zones urbaines où la majorité de ces opérations seront réalisées, les communes supportent seules la charge de services publics liée à l’arrivée de nouveaux habitants. Or, dans des quartiers qui ne sont pas habituellement dévolus au logement, elle générera des besoins importants de places en crèche, dans les écoles, ou pour d’autres politiques de proximité, ce qui impliquera des investissements significatifs. Les communes doivent donc garder la main. En commission, nous avons commencé à prendre ce problème en considération, mais ce n’est qu’un premier pas, et vous vous êtes dit prêt, monsieur le rapporteur, à aller plus loin.
En second lieu – et c’est la suite logique –, les communes doivent pouvoir disposer des moyens de financer cet accroissement de population. Vous l’avez anticipé, monsieur le rapporteur, en prévoyant de soumettre ces projets de transformation à la taxe d’aménagement. C’est une très bonne chose, et je me félicite que le Gouvernement, qui avait déposé des amendements de suppression des articles 2 et 3, ait annoncé leur retrait. Une telle suppression aurait été d’autant plus incompréhensible qu’en novembre dernier, Emmanuel Macron a promis aux maires une décentralisation « réelle et audacieuse » et s’est dit prêt à rouvrir le débat sur la fiscalité locale. Pourquoi, alors, chercher à les priver des moyens d’offrir des services publics à leurs nouveaux habitants ?
La suppression de ces articles aurait également pour effet de priver d’effectivité les mesures du texte relatives aux PUP, dont la signature exonère le porteur de projet du paiement de la taxe d’aménagement, lui permettant de payer moins de taxes et d’en assurer, au moins pour partie, le fléchage vers des aménagements servant directement le projet, en matière de voirie notamment. Si la recette de la collectivité peut être moindre, elle sera en revanche perçue plus rapidement, puisque le produit de la taxe d’aménagement n’est désormais versé qu’à la livraison du projet. Cependant, si la taxe d’aménagement n’est plus une menace, aucun porteur de projet n’a intérêt à conclure une telle convention : il faut donc conserver l’équilibre qui a été trouvé.
Sous cette réserve, et sous réserve de l’engagement pris en commission par le rapporteur s’agissant de certains de nos amendements, nous soutiendrons à nouveau cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Luc Lamirault.
M. Luc Lamirault
Cette proposition de loi s’inscrit dans la volonté du Gouvernement de lutter contre la crise du logement. En effet, compte tenu de la dynamique démographique du pays, de la faible production de logements et de la baisse des prêts immobiliers accordés par les banques, nos concitoyens éprouvent des difficultés à se loger.
En parallèle, les logements sociaux sont de plus en plus inaccessibles car l’offre peine à suivre la demande qui ne cesse d’augmenter. L’offre de logements sociaux étudiants, quant à elle, reste trop faible alors même que le prix d’un logement étudiant dans le parc privé a augmenté en 2023.
Au-delà des impacts strictement sociaux, les difficultés de logement ont aussi de lourdes conséquences sur l’emploi. En effet, des candidats peuvent être contraints de refuser un emploi faute de logement. C’était le cas de 14 % des moins de 35 ans l’an dernier. Il est donc nécessaire de travailler ensemble pour offrir à nos compatriotes des solutions leur permettant de se loger dignement à un coût abordable.
La présente proposition de loi s’inscrit en complément des annonces et des mesures financières et réglementaires de ces derniers mois. Elle vise à faciliter les opérations de transformation de bureaux en logements, ce qui aurait de nombreux avantages, notamment en matière de lutte contre la vacance des locaux et de création de logements répondant aux objectifs de transition énergétique et de mixité sociale inscrits dans le code de l’urbanisme.
Depuis la crise sanitaire, le monde du travail s’est adapté et transformé, ce qui se traduit par la baisse du taux d’occupation des bureaux de 5,4 %, le développement des bureaux flexibles et l’augmentation du télétravail. De plus en plus de bureaux sont donc vacants, alors que nos concitoyens éprouvent des difficultés à trouver un logement décent à un prix abordable. Il est nécessaire de remédier à ce déséquilibre en favorisant l’évolution du bâti pour répondre aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens.
L’adoption de cette proposition de loi autorisera les élus locaux à recourir à des permis de construire à destinations réversibles qui permettront l’évolution dans le temps des destinations des bâtiments. Il sera possible de modifier plus facilement les plans locaux d’urbanisme pour permettre les changements de destination des immeubles de bureaux en immeubles d’habitation et d’assujettir les transformations de bureaux en logements à la taxe d’aménagement ou de réaliser des projets urbains partenariaux.
Le texte propose également de supprimer le vote à l’unanimité en assemblée générale de copropriété pour permettre un changement d’usage des parties privatives de bureaux ou de locaux ; d’accélérer les procédures pour que les Crous puissent réaliser plus rapidement des opérations de conversion de bureaux en logements étudiants et de faire évoluer les locaux des administrations publiques vers de l’habitation – cette dernière mesure a été introduite en commission.
Il s’agit donc d’un levier nécessaire de notre politique du logement qui vient compléter l’action conduite par le Gouvernement et notre majorité. Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera la proposition de loi. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Je veux d’abord saluer la bonne entente due au travail de conciliation réalisé par M. le rapporteur, puisque de nombreux groupes ont d’ores et déjà indiqué qu’ils étaient a priori favorables à sa proposition de loi. C’est une bonne chose : cela prouve qu’un véritable travail de concertation a été mené et qu’une majorité probablement assez large peut se dégager sur le beau sujet que vous défendez, à savoir l’accélération de la conversion de bureaux en logements. Je souhaite maintenant aborder quelques points soulevés par les orateurs.
La taxe d’aménagement fait débat. Monsieur le rapporteur, ce sujet vous tient à cœur et vous le défendez avec conviction, mais les différents groupes viennent d’exprimer des positions assez différentes. M. Cosson, Mme Sebaihi et M. Brun ont dit leur soutien. À l’inverse, M. Bazin nous a alertés, en expliquant que le dispositif devait être revu car il ne lui paraissait pas tout à fait adapté. Son argumentation repose sur le modèle économique de la coûteuse conversion de bureaux en logements, et sur la possibilité d’inventer d’autres mécanismes. Cette question relève en principe de la discussion du projet de loi de finances.
Pour répondre à Mme Sebaihi, le Gouvernement, constatant l’existence d’un débat à ce sujet, a décidé de retirer les amendements de suppression initialement déposés, de laisser se dérouler le débat entre les différents groupes politiques et de s’en remettre à la sagesse des députés.
M. Peu a nié le caractère conjoncturel de la crise du logement. Je pense, comme M. Royer-Perreaut et M. Cosson qui ont répondu, que cette position est exagérée. Ces dix-huit derniers mois, les taux d’intérêt ont augmenté de 450 points de base, soit une multiplication par six. Les Français le constatent quand ils essaient d’acheter un appartement ou une maison et qu’ils vont voir le banquier : les échéances mensuelles proposées aujourd’hui ne sont pas exactement les mêmes qu’il y a dix-huit mois !
M. Stéphane Peu
L’évolution remonte à 2017 !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Si l’on peut tomber d’accord sur le caractère structurel du déficit d’offre locative et de construction depuis plusieurs années, ainsi que sur l’enjeu de l’augmentation de l’offre, reconnaissons quand même que l’évolution significative du taux d’intérêt, variable essentielle de la demande immobilière, a eu un fort impact. La hausse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne résultait d’ailleurs de sa volonté de refroidir la machine et de ralentir le crédit, dans un contexte de forte inflation. Accordons-nous donc pour reconnaître l’existence de facteurs structurels de la crise mais aussi d’éléments conjoncturels qui expliquent le coup de frein considérable sur la demande contre lequel nous tentons de mobiliser d’autres moyens.
Je tiens à rassurer M. Taupiac au sujet de MaPrimeRénov’, dont les crédits prévus pour 2024 étaient en forte augmentation, de plus de 1,6 milliard d’euros. Le nécessaire plan d’économies nous conduit à renoncer à 1 milliard de l’augmentation initiale. Le budget de MaPrimeRénov’ demeure donc en augmentation par rapport à l’année dernière, et il n’a jamais été aussi élevé. L’enjeu est plutôt celui de la simplification,…
M. Thibault Bazin
De l’accessibilité !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
…de l’accessibilité – M. Bazin a raison : les remontées du terrain soulignent la complexité liée à l’accompagnateur, à la labellisation et aux monogestes. Il convient donc d’encourager les citoyens et les artisans à se saisir de MaPrimeRénov’ afin d’en consommer les crédits. J’encourage tous les habitants de vos circonscriptions à aller sur les sites de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et de MaPrimeRénov’ pour effectuer leurs démarches. Avec Christophe Béchu, en lien avec la FFB et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), que nous recevrons demain au ministère, nous proposerons des mesures de simplification.
M. Falcon a déploré l’objectif, trop faible à ses yeux, de 30 000 logements à construire dans les territoires engagés pour le logement. Mais, monsieur le député, nous n’avons jamais prétendu que ce dispositif avait l’exclusivité en matière de construction. Nous avons simplement décidé de sélectionner vingt-deux territoires parmi soixante-trois candidats, en leur donnant les conditions administratives et financières optimales pour accélérer la construction. Le budget alloué leur permet d’équilibrer des opérations qui seraient bloquées et ne sortiraient pas de terre sans intervention publique.
Notre ambition, dans ces vingt-deux territoires répartis en France et qui voient l’implantation d’usines et de centrales nucléaires, est d’accélérer la construction de logements. L’objectif est en effet de 30 000 logements d’ici à deux ans et demi, et tout est fait pour l’atteindre. J’étais récemment à Ferney-Voltaire pour débloquer la question des permis de construire et pour accélérer la construction.
En tout cas, monsieur Falcon, tout cela n’est évidemment pas exclusif, je le répète. Je rêverais qu’on puisse construire des logements partout et en plus grand nombre : au-delà de cette opération ciblée, nous engageons toute une série d’actions partout en France pour créer un choc d’offre.
Enfin, Mme Oziol, sans grande surprise, m’a interpellé à propos de la loi Kasbarian, qui revient régulièrement dans le débat, surtout depuis que j’ai été nommé au Gouvernement.
M. Romain Daubié, rapporteur
Excellente loi !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Je vous le dis sans détour : cette loi, je l’assume et je la revendique bien évidemment, à l’instar des parlementaires, dont une écrasante majorité l’a adoptée à l’Assemblée nationale et au Sénat.
M. René Pilato
Elle fait de la casse, monsieur le ministre !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
La loi est entrée en vigueur et, en tant que ministre, je dois veiller à sa bonne application, en particulier à celle efficace et ferme de ses dispositions relatives aux peines encourues par les squatteurs et à leur expulsion. Nous appliquerons de façon extrêmement rigoureuse la loi que les parlementaires ont votée à une très large majorité. Je tenais à vous rassurer, non seulement sur le fait que j’assume cette loi, mais aussi que je m’assurerai qu’elle soit très bien appliquée sur le terrain.
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 30 et 45, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Nathalie Oziol
Nous proposons d’ajouter une mention garantissant le respect « de l’objectif de mixité sociale ». La loi Elan visait à rendre plus attractive la transformation de bureaux en logements, en octroyant un bonus de constructibilité et en permettant une dérogation aux servitudes de mixité sociale. Les logements créés doivent bénéficier au public prioritaire des 2,4 millions de Françaises et de Français qui sont en attente de logement social. La loi doit veiller à ce que le marché de la transformation des bureaux en logements ne soit pas accaparé par de gros promoteurs principalement intéressés par des transactions lucratives.
La rédaction actuelle de l’article mentionne une prise en compte des risques, nuisances, besoins ou objectifs induits par la transformation de bureaux en logements. Or, nous avons encore aujourd’hui peu de recul et d’éléments d’évaluation quant aux pratiques de transformation. À quels publics ces transformations bénéficient-elles ? Quelle est l’accessibilité de ces nouveaux logements aux personnes à faible niveau de ressources ? Des précisions seraient les bienvenues.
M. le président
L’amendement no 45 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Vos amendements visent à insérer l’objectif de mixité sociale à l’alinéa 2 de l’article 1er. Or, l’alinéa 3 du même article intègre la prise en compte « des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle ». Votre demande est donc satisfaite. D’autres amendements reviendront sur les actions menées dans le cadre de la loi SRU, je pense notamment à celles du groupe Action logement. Les opérations de transformation de bureaux en logements intègrent des logements conventionnés. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Même avis, pour les mêmes raisons.
(Les amendements nos 30 et 45, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Frédéric Falcon
Il vise à transférer le pouvoir de décision en matière d’autorisation de changement de destination aux mairies d’arrondissement, pour les communes de Paris, Lyon et Marseille. Dans ces trois grandes métropoles françaises dont la population dépasse parfois les 2 millions d’habitants, le pouvoir décisionnaire devrait revenir aux conseils municipaux d’arrondissement, qui disposent de l’approche territoriale la plus fine et doivent être souverains dans la détermination de toute politique de changement de destination. La vision des mairies d’arrondissement diverge souvent de la vision de la mairie centrale, comme à Paris où les arrondissements de l’ouest contestent parfois les délires idéologiques de Mme Hidalgo et sa politique de saccage.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Votre amendement contrevient à l’un des principes issus de la loi relative à l’organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, loi dite PLM, du 31 décembre 1982. Ce principe trouve aujourd’hui sa traduction à l’article L. 2511-15 du code général des collectivités territoriales. Il est question de savoir si les maires d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille délivrent un avis consultatif, comme aujourd’hui, ou un avis conforme sur les modifications du plan local d’urbanisme.
D’autres amendements aborderont cette question. Or la proposition de loi vise à transformer les bureaux en logements, avec des dispositions plus spécifiques relatives aux permis réversibles et à l’ouverture du recours au marché de conception-réalisation pour les Crous. Elle ne vise pas à réécrire le code de l’urbanisme, ni la loi SRU – notamment son article 55 –, ni la loi PLM. Il se trouve que le calendrier législatif devrait nous permettre d’avoir prochainement le débat mais, en attendant, et compte tenu de l’objet de la proposition de la loi, l’avis de la commission est défavorable.
(L’amendement no 21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 70 de la commission des affaires économiques.
M. Romain Daubié, rapporteur
Il s’agit d’un amendement rédactionnel, faisant suite aux travaux de la commission des affaires économiques. Il vise à préciser que l’autorité compétente en matière de permis de construire transmet une demande de dérogation au PLU à l’autorité compétente en matière de document d’urbanisme.
(L’amendement no 70, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
L’amendement no 58 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 58, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 59.
M. Romain Daubié, rapporteur
Il apporte une précision rédactionnelle : ce n’est pas l’autorisation, mais la demande d’autorisation qui est transmise à l’autorité compétente en matière de PLU.
(L’amendement no 59, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public : sur l’amendement no 20, par le groupe Rassemblement national ; sur les amendements nos 32 et 31, par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Frédéric Falcon
Cet amendement rédactionnel vise à apporter une précision sur la décision de l’autorité délibérative. L’alinéa 3 de l’article 1er prévoit que l’autorisation de changement d’usage est accordée en l’absence, dans un délai de trois mois, d’une délibération motivée du conseil municipal ou de l’organe délibérant saisi : nous craignons que cela n’ouvre la voie à de nombreuses dérives et à des contentieux, notamment lorsque les conseils municipaux ne sont pas en mesure de délibérer. Nous estimons que le silence ne peut valoir autorisation, et qu’il ne peut y avoir de présomption d’accord.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Cet amendement n’a pas une simple portée rédactionnelle, puisqu’il aurait pour effet de modifier des dispositions essentielles du droit administratif en matière de refus tacite et d’acceptation tacite. Il introduirait des étapes et des délais supplémentaires : ce serait contraire à l’objectif de la proposition de loi, qui est d’accélérer les transformations de bureaux en logements.
La mesure que vous préconisez pourrait en outre être interprétée comme une prime à l’inaction. Il est utile pour le débat local, au sein des conseils municipaux et des conseils communautaires, et sous le regard vigilant de la presse locale, que le sujet soit abordé au sein d’une assemblée délibérative, afin d’expliquer en toute transparence les choix des différents acteurs. Cependant, pour avoir été maire d’une commune de 7 000 habitants, je sais que l’obligation de délibérer contribue à alourdir les ordres du jour. Pour ces raisons, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Avis défavorable.
M. le président
Bien que les cinq minutes réglementaires ne se soient pas écoulées depuis l’annonce du scrutin public, je propose de mettre aux voix l’amendement no 20, s’il n’y a pas d’opposition.
M. Antoine Léaument
Il y a une opposition dans cet hémicycle, nous sommes là ! Mais que cela ne nous empêche pas de voter ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Ce sont cinq minutes Chenu ! Nous voyons là l’influence de Mme Fiat !
M. le président
Je ne subis pas l’influence de Mme Fiat, en tout cas pas dans ce domaine ! (Sourires.)
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 33
Majorité absolue 17
Pour l’adoption 10
Contre 23
(L’amendement no 20 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 71 de la commission des affaires économiques est rédactionnel.
(L’amendement no 71, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Paul Vannier
Je souhaite vous parler, monsieur le ministre, d’une Argenteuillaise, une habitante d’Argenteuil, dans ma circonscription. Elle m’a écrit il y a quelques semaines pour me raconter sa situation. Son logement social ayant été détruit par un incendie au début du mois de janvier, elle a été relogée pendant une petite semaine. Cela fait maintenant deux mois qu’elle vit dans sa voiture avec trois de ses enfants, âgés de 2 à 5 ans, et son mari. Ce dernier sort de l’hôpital, où il a été traité pour un cancer, et doit encore recevoir des soins lourds.
Cette habitante d’Argenteuil est éligible au dispositif du droit au logement opposable (Dalo). Pourtant, elle n’a pas été relogée. J’ai saisi le préfet du Val-d’Oise il y a quelques semaines, car ce département – comme de nombreux autres – manque de logements sociaux. Il ne s’en construit pas suffisamment, et la loi SRU n’est pas appliquée dans toutes les communes, en particulier dans le Val-d’Oise. De fait, 4 millions de nos compatriotes attendent encore un logement social.
Nous souhaitons que les bureaux qui seront transformés en logements soient attribués en priorité aux personnes éligibles au Dalo. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Le droit au logement est un droit fondamental, à valeur constitutionnelle. La loi du 5 mars 2007 institue un droit au logement opposable ; elle implique qu’une solution soit apportée à toutes les personnes qui en ont besoin. Tel n’est pourtant pas le cas. La mesure prévue par cet amendement permettrait de progresser ; je vous invite donc à la soutenir.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Défavorable, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la politique du logement doit être appréhendée de façon globale, aux échelles pertinentes que sont l’État, les départements, les EPCI et les communes. Nous ne saurions imposer des contraintes opération par opération : cela ne correspondrait pas à la réalité du marché.
Ensuite, les bureaux à transformer seront de natures diverses, et ne seront pas nécessairement adaptés à l’aménagement de logements sociaux.
Enfin, étant profondément décentralisateur, je préfère laisser le choix aux autorités compétentes : selon les besoins locaux, elles pourront opter pour des résidences seniors, pour des résidences étudiantes ou autres.
Il est dommage que vous n’ayez pas assisté aux auditions, notamment à celle d’Action logement : vous auriez eu la confirmation que les transformations de bureaux donnent bel et bien lieu à la création de logements conventionnés. Parmi les habitations que cet organisme a remises sur le marché après de telles opérations, plus de 60 % sont des logements sociaux. En outre, la plupart des plans départementaux de l’habitat (PDH) prévoient que 40 % au moins des logements conventionnés à réaliser relèvent du prêt locatif aidé d’intégration (PLAI).
Je le répète, je défends une politique de logement globale, et non opération par opération. Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Vous proposez d’attribuer prioritairement aux personnes mal logées ou éligibles au Dalo les logements issus de la transformation de bureaux. Je crains qu’une mesure aussi systématique n’empêche ou ne ralentisse les projets de reconversion de bureaux.
Au-delà de la situation particulière que vous avez relatée, des centaines de milliers de Français rencontrent des difficultés pour se loger, voire se retrouvent à la rue.
M. Paul Vannier
Exactement !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Nous constatons tous, sur le terrain, que les publics précaires peinent à trouver un logement. Je salue le travail réalisé par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), qui s’occupe de ces personnes. Chaque jour, les équipes du ministère, en lien avec les associations, parviennent à héberger 200 000 personnes dans l’urgence. Le budget de l’hébergement d’urgence a été maintenu, après l’augmentation de 120 millions d’euros décidée par mon prédécesseur ; les économies décidées par ailleurs ne le concernent donc pas.
M. Paul Vannier
C’est un autre sujet !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
J’ajoute que chaque jour, les services de la Dihal sortent 250 personnes de l’urgence et leur trouvent un logement pérenne – et pas dans d’anciens bureaux. Ils explorent toutes les solutions possibles : logement social, pensions de famille ou encore intermédiation locative – levier que nous souhaitons développer, dans la lignée du plan « logement d’abord ».
Je comprends la détresse humaine que vous relatez, monsieur le député, et nos services sont pleinement mobilisés pour y répondre. (Mme Catherine Couturier s’exclame.) La solution ne réside pas spécifiquement dans les reconversions de bureaux, mais dans l’ensemble des dispositifs que je viens de mentionner. Je le répète, nos services sortent 250 personnes de la précarité et de l’urgence tous les jours, en leur trouvant une solution de logement plus durable. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Romain Daubié, rapporteur
C’est très clair !
M. le président
La parole est à M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous biaisez !
M. Antoine Léaument
Eh oui !
M. Paul Vannier
Je vous interroge sur le droit opposable au logement, et vous me parlez de solutions d’hébergement d’urgence. Je vous interpelle sur un droit fondamental, à valeur constitutionnelle, et vous me parlez de décentralisation. Ce faisant, vous évitez de répondre à mon amendement, qui vise à rendre effectif un droit reconnu par la loi.
Ce que vous dites est parfaitement faux, monsieur le rapporteur. L’État a les moyens d’agir en matière de logement social. Le préfet dispose ainsi d’un droit de réservation de 30 % du total des logements de chaque programme HLM – vous le savez aussi bien que moi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La maîtrise de l’État sur le contingent de logements est l’un des premiers leviers à actionner pour faire advenir le droit opposable au logement. Vous pouvez être en désaccord avec ma proposition, mais répondez-y sur le fond plutôt que de nous entraîner vers un autre débat et d’invoquer la décentralisation : cela n’a rien à voir.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que des centaines de milliers – je dirais plutôt des millions – de Français rencontrent les mêmes difficultés que l’habitante de ma circonscription qui vit dans sa voiture avec trois de ses enfants de 2 à 5 ans. Je pourrais multiplier les exemples – je pense notamment à des familles ayant des enfants en situation de handicap. Dans notre pays, des milliers de personnes n’ont pas de logement. Répondez à cette situation ! Puisque la proposition de loi permettra de créer des logements supplémentaires, notamment sociaux, utilisez-la pour répondre aux situations les plus urgentes, pour aider les personnes en détresse qui vivent dans leur voiture et dans le froid. Vous en avez les moyens : saisissez l’occasion ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Antoine Léaument
Très bien !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 32.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 25
Contre 36
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Portes, pour soutenir l’amendement no 31.
M. Thomas Portes
Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous souhaitons qu’une partie des bureaux transformés en logements soient attribués en priorité aux étudiants, population en souffrance. En 2017, le candidat Emmanuel Macron avait promis 60 000 nouveaux logements étudiants. Aux dernières nouvelles, seuls 36 000 de ces logements ont été mis en service en 2021. Soit deux fois moins.
Une enquête de l’Union étudiante publiée il y a quelques semaines a révélé que nous avions besoin de 600 000 logements étudiants : un étudiant sur deux est mal logé, et plus de 70 000 n’ont pas de logement au moment où ils commencent leurs études. Les plus fragiles – boursiers, étrangers… – souffrent du mal-logement ; leurs conditions de vie précaires ne leur permettent pas d’étudier dans de bonnes conditions. Nous demandons qu’ils bénéficient d’une partie des logements issus des transformations de bureaux. Ils en ont grandement besoin. Ce doit être une priorité des politiques publiques du logement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Une fois encore, le logement relève d’une politique globale. Les deux amendements qui viennent d’être présentés en témoignent car, en désignant chacun une priorité – le droit au logement opposable pour l’un, les logements étudiants pour l’autre –, ils se contredisent.
Mme Catherine Couturier
Ce doit être les deux !
M. Frédéric Petit
Si tout est prioritaire, rien n’est prioritaire !
M. Romain Daubié, rapporteur
Nous devons adopter une vision globale. Pourquoi ne déposeriez-vous pas des amendements demandant que la priorité soit donnée aux mères isolées, aux femmes battues, aux personnes en réinsertion, aux apprentis, aux saisonniers, ou à tout autre public qui mérite d’être aidé ? Nous avons besoin d’une politique globale qui tienne compte des spécificités territoriales : par exemple, certaines zones manquent de logements étudiants, mais d’autres, moins.
Si vous aviez participé aux auditions de la commission des affaires économiques avec la même vigueur que vous venez de défendre l’amendement no 31 de M. François Piquemal, vous sauriez que la Foncière de transformation immobilière d’Action logement est active dans ce domaine, avec des résultats concrets sur le logement conventionné et l’aide aux publics spécifiques. N’alourdissons pas le dispositif ; n’entravons pas, par des mesures rigides qui ne seront pas adaptées à tous les cas spécifiques, une initiative simple et de bon sens, qui permettra de libérer rapidement de la surface de plancher et des logements. Avis défavorable.
Mme Delphine Lingemann
Bien dit !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Monsieur Portes, vous souhaitez voir attribuer en priorité aux étudiants les logements issus de la transformation de bureaux : c’est d’ores et déjà faisable. À Suresnes, par exemple, un immeuble de bureaux a été converti l’année dernière en 129 logements, tous attribués à des étudiants, en lien avec Action logement. Il est donc, je le répète, tout à fait possible que de concert avec le promoteur, les élus locaux, les acteurs de terrain, les logements issus de telles opérations soient destinés de façon prioritaire, voire exclusive, à ce public. En revanche, votre proposition de généraliser cette mesure se heurte à la diversité des situations. M. le rapporteur a cité des cas où la priorisation est inscrite dans le droit.
Mme Farida Amrani
Le droit n’est pas respecté !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Il y a la question du logement des fonctionnaires, celles du Dalo, des étudiants, des publics précaires, des personnes qui font l’objet d’un hébergement d’urgence et à qui nous tentons d’offrir une solution pérenne ; j’aurai certainement l’occasion de rappeler tout à l’heure qu’une part des bureaux convertis peuvent fort bien l’être en logements sociaux, d’où leur attribution à certains publics en priorité. Plutôt que de reprendre point par point une liste déjà existante, contentons-nous du droit en vigueur, c’est-à-dire de possibilités dont Suresnes, encore une fois, offre un bon exemple – une opération de transformation réussie dont les étudiants auront intégralement bénéficié. L’amendement étant satisfait, je demande son retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Romain Daubié, rapporteur
Brillant ! Très clair !
M. le président
La parole est à Mme Catherine Couturier.
Mme Catherine Couturier
Excusez-moi, mais les réalisations d’Action logement concernent essentiellement des salariés.
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Des étudiants aussi !
Mme Catherine Couturier
Nous venons, monsieur le ministre, de présenter deux amendements ayant trait au Dalo. Celui-ci ne date pas d’aujourd’hui, mais nous ne parvenons toujours pas à satisfaire toutes les demandes ; qu’il s’agisse de son application ou seulement de jeunes, les personnes concernées finissent souvent à la rue, dans leur voiture, ou dans un logement surpeuplé, pas même déclaré. Au pire, elles deviennent ce que vous appelez des squatteurs. Vous avez précisé être fier de votre loi du 27 juillet 2023,…
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Je l’assume !
Mme Catherine Couturier
…attentif à son application, alors que même le Dalo n’a jamais été réellement respecté, et une fois de plus, vous refusez que soient intégrées à la législation des dispositions qui éviteraient à bien des gens de se retrouver sans domicile. Désolée, mais il importe quelquefois d’être cohérent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Je le suis !
M. le président
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Ce texte vise tout simplement à nous donner de l’air en matière d’offre de logements ; vouloir s’en servir pour rendre prioritaire chacun des publics cités, c’est manquer de pragmatisme, compte tenu de ce qui se passe sur le terrain. En effet, le logement social a un problème de fluidité, car de plus en plus de bénéficiaires y restent, faute de trouver un autre bien répondant à leurs besoins ; certains pourraient profiter des transformations de bureaux en logements et laisser alors leur logement social à une personne sur liste d’attente.
Il s’agit également de faire confiance aux élus locaux. Vous pouvez rire, madame Couturier, mais ils ont parfois plus d’esprit d’innovation que l’on n’en constate sur certains bancs de l’hémicycle, et leur premier souci consiste à répondre aux besoins de leurs administrés. Au lieu d’installer des étudiants loin de toute université, des publics précaires loin de tout lieu de travail, fiez-vous aux territoires ! La loi SRU, qui date de l’an 2000, a trait à la quantité de logements ; le jour où l’on parlera de leur qualité, c’est-à-dire de la possibilité pour un étudiant, un actif, un senior – car le facteur démographique joue un rôle important dans certains secteurs –, d’être logé au plus près des endroits où il a besoin de se rendre, il y aura moins de tensions. Ce n’est pas en fixant des règles nationales que nous résoudrons le problème du logement mais, je le répète, en donnant du pouvoir aux élus locaux, qui connaissent les spécificités de la population.
M. Romain Daubié, rapporteur
Nous sommes d’accord !
M. Mickaël Cosson
En Bretagne, nous accueillons de nombreux seniors, alors que dans d’autres régions, ce sont en majorité des étudiants qui cherchent un logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 31.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 13
Contre 48
(L’amendement no 31 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 64.
M. Thibault Bazin
La conversion en logements concernait jusqu’à présent des actifs immobiliers d’entreprises et des locaux commerciaux obsolètes, parfois vacants, requérant d’importants travaux d’adaptation. Certains plans locaux d’urbanisme témoignent désormais d’une nouvelle tendance : des projets portant sur des actifs non obsolètes, bien entretenus, situés dans des quartiers économiquement attractifs, occupés par des entreprises et des salariés. Or la substitution de logements à des sièges, à des bureaux, ne saurait constituer en soi une politique de mixité fonctionnelle : s’il doit y avoir choix des élus au sujet de la transformation du parc immobilier de leur commune – d’autant que celle-ci est parfois elle-même propriétaire de bureaux –, ils doivent pouvoir se rendre compte des suppressions d’emplois induites par tel ou tel projet.
Aussi cet amendement de précision vise-t-il à insérer l’alinéa suivant : « Afin d’assurer la bonne information des autorités délibérantes, la délibération précise le caractère physiquement et réglementairement obsolescent du bien devant faire l’objet d’une transformation. Elle précise également le nombre d’entreprises, ainsi que le nombre d’emplois, qui occupent à la date de la demande les locaux concernés avant la réalisation de la transformation. » On pense toujours à des bureaux vacants, mais le texte n’oblige pas à ce qu’ils le soient ! S’il est adopté, il pourrait concerner un jour des bâtiments dont des emplois dépendent ; c’est pourquoi il importe d’éclairer le conseil municipal.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Ma première remarque, monsieur Bazin, concernera la forme : nos collègues auraient certainement apprécié que vous précisiez que cet amendement a été rédigé par le Medef. Autant savoir ce qui est téléguidé ! Je n’ai absolument rien contre le Medef, ni contre le fait de travailler avec les partenaires sociaux, mais la transparence n’en doit pas moins rester de mise dans notre hémicycle.
J’en viens au fond. La proposition de loi vise à trouver des logements tout en respectant les prérogatives des élus. Dans ma circonscription de l’Ain, quand je visite des entreprises, que je rencontre la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Medef, les acteurs de la filière BTP, on me dit surtout avoir du mal à loger les salariés, en particulier près de leur lieu de travail – on sait ce qu’il en est des frais liés à l’usage de la voiture et au transport –, et à trouver des logements dont le prix soit attractif compte tenu des rémunérations proposées. Je pense en particulier au parc industriel de la Plaine de l’Ain, développé par l’un de mes prédécesseurs.
Il ne faut pas laisser croire que, dès la promulgation de ce texte, des baux commerciaux – protégés par une législation très ferme, notamment en ce qui concerne l’indemnité d’éviction – seront rompus et que des employés seront mis à la porte. Cela relève du fantasme, surtout lorsque l’on sait que non pas des centaines de milliers, mais des millions de mètres carrés sont disponibles, et que les observateurs – je pense notamment à l’Observatoire des bureaux en France – nous annoncent que le nombre de ces vacances aura triplé dans trois ans !
L’amendement est satisfait, puisque le conseil municipal peut motiver sa délibération comme il le souhaite, et encore une fois, il n’y a aucune crainte à avoir. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Monsieur Bazin, votre amendement vise à compléter la délibération motivée du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI au sujet d’une éventuelle opposition à une autorisation de transformation de bureaux en logements par des précisions ayant trait à l’obsolescence du bien et, s’il n’est pas obsolète, au nombre d’entreprises et d’emplois en cause.
Je conçois votre préoccupation, mais l’article 1er prévoit que « les motivations de la délibération tiennent compte […] des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle », ce qui inclut les conséquences en matière d’emploi. Votre proposition n’aboutirait donc qu’à complexifier la manière dont la collectivité devra justifier sa position, ce qui ne serait guère pertinent, la situation pouvant varier considérablement d’un territoire à l’autre.
Par ailleurs, il importe de pouvoir transformer en logements des bureaux vacants qui, d’un point de vue technique, ne sont pas obsolètes, mais ne trouvent pas preneur sur le marché. Pour toutes ces raisons, je vous demanderai également de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
J’ai apprécié votre argumentaire, monsieur le ministre ; bien évidemment, je ne souhaite pas rendre les choses plus complexes. En outre, vous me dites – et cela sera consigné au compte rendu de la séance – que d’une certaine manière, l’amendement est satisfait, puisque l’éclairage dont bénéficiera la délibération inclura les notions d’obsolescence et d’emploi, donc les enjeux pour d’éventuels occupants du local en cause. Enfin, je n’entends pas non plus empêcher la transformation d’un bien vacant non obsolète. Fort de votre réponse, je retire donc mon amendement.
M. Romain Daubié, rapporteur
Merci, monsieur Bazin !
(L’amendement no 64 est retiré.)
M. le président
Sur l’amendement no 23, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, nos 15, 8 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 8 et 18 sont identiques et font l’objet d’un sous-amendement, no 73.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Thibault Bazin
J’ai évoqué en commission l’existence de cas très particuliers dans lesquels le maire n’est pas appelé à se prononcer, la compétence en matière de délivrance des permis de construire ayant été déléguée en début de mandat au président de l’EPCI. C’est pourquoi il conviendrait de préciser que dans cette configuration, la demande d’autorisation de changement de destination est transmise au maire de la commune où sont situées les constructions en cause, afin qu’il évalue l’impact de l’opération en matière de nuisances et de risques, et qu’elle ne pourra être accordée en cas de délibération contraire motivée du conseil municipal, prise dans un délai d’un mois à compter de la date de transmission de cette demande.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Concernant l’esprit, le fond, nous sommes d’accord, monsieur Bazin ; je vous remercie d’apporter à la coconstruction, y compris en commission, votre expérience de maire. Telle est du reste la raison d’être de l’examen en commission : enrichir les débats, préciser le texte, identifier les lacunes qui, en dépit du travail préalable, peuvent y subsister.
Le délai d’un mois est un peu court eu égard aux délais administratifs, notamment de convocation et d’information. Je demande le retrait au profit de l’amendement no 8 sous-amendé par le sous-amendement no 73 ou de votre amendement no 18, qui prévoit un délai de deux mois. En effet, l’amendement me convient sur le fond et la formulation, mais je préférerais un délai de deux mois. À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Même argumentation que le rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement no 15 au profit de l’amendement no 8 sous-amendé et de l’amendement no 18.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Gérard Leseul
Il vise à compléter l’article 1er afin de tenir compte des cas de délégation de permis de construire, aux EPCI notamment. Ainsi, les communes qui n’exerceraient plus directement de compétence d’urbanisme, ni en matière de PLU, ni en matière de permis de construire, ne pourraient plus se voir imposer la dérogation prévue à l’article 1er, alors même qu’elles supporteraient l’essentiel des charges induites par la création de nouveaux logements pour assurer les services publics tels que les écoles, les crèches, la voirie. Le conseil municipal pourrait donc s’opposer à une telle dérogation sur son territoire.
Nous proposons, comme M. le rapporteur l’a rappelé, un délai de deux mois pour délibérer sur l’opposition à cette dérogation. À défaut d’une telle délibération, l’EPCI pourrait librement accorder ou non cette dérogation. Outre la question du délai, la philosophie générale de cet amendement est identique à celle de l’amendement no 15.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 18.
M. Thibault Bazin
J’en profite, monsieur le président, pour accélérer les débats. Je retire l’amendement no 15 au profit de l’amendement no 18 qui s’en distingue pour le délai : ce dernier prévoit un délai de deux mois contre un mois pour l’amendement no 15. Je me range au délai prévu par l’amendement no 18 sous-amendé par le sous-amendement no 73 du rapporteur, que nous soutiendrons également.
(L’amendement no 15 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 73 et donner l’avis de la commission sur les amendements.
M. Romain Daubié, rapporteur
Je suis très favorable à ce nouveau délai de deux mois – c’est un garde-fou nécessaire issu des travaux en commission. Avis favorable aux deux amendements identiques, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de coordination no 73.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Même avis, favorable aux amendements identiques sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
J’ai souligné dans mon intervention liminaire à quel point il est important à nos yeux de ne pas toucher au pouvoir des maires sur ces sujets. Je suis aussi attaché aux intercommunalités mais, je le rappelle, seul le maire et le conseil municipal sont élus au suffrage universel direct ; ils rendent donc des comptes à la population et ce sont le plus souvent les communes qui assument les conséquences de la production de logements – en matière d’équipements publics, notamment les écoles. Quels que soient les transferts de compétences, l’accord des maires et des communes, dans des délais qui le permettent – deux mois me paraît un minimum – me semble tout à fait décisif. C’est pourquoi nous soutiendrons ces amendements et leur sous-amendement.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
La délégation au profit des intercommunalités et la perte du pouvoir de contrôle nous interpellent – en particulier ceux d’entre nous qui ont été maires. Nous soutiendrons évidemment cet amendement et ce sous-amendement. Toutefois, à mon sens, le débat relatif à la délégation et aux opérations qui ont des incidences pour les communes, dans le cadre du règlement qui organise la délégation, est beaucoup plus large. Il conviendrait d’élargir le spectre de cette mesure. L’appliquer uniquement sur ce volet est réducteur. C’est néanmoins l’occasion de réfléchir au rôle du maire et à sa faculté de donner son avis sur son territoire lorsque la compétence a été déléguée, dans le cadre d’un PLUI notamment. Cela va dans le bon sens, mais, à mon avis, nous devrions voir plus large.
(Le sous-amendement no 73 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 8 et 18, sous-amendés, sont adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Frédéric Falcon
Notre approche est complètement différente de celle de la majorité : nous souhaitons rendre au préfet sa position d’arbitre dans la politique du logement et d’aménagement du territoire. Selon nous, cette politique doit être impulsée avant tout par l’État plutôt que d’être transférée aux collectivités locales. La tentation de décentraliser la politique d’aménagement du territoire n’a-t-elle pas pour objectif inavoué de dédouaner le Gouvernement de sa responsabilité criante dans la crise du logement ?
S’en remettre aux seules communes n’est pas satisfaisant. C’est la porte ouverte à d’éventuelles dérives, voire à des abus dans certaines municipalités qui adoptent des approches idéologiques. Les villes gérées par la NUPES, notamment, sont devenues de véritables laboratoires d’expérimentation idéologique à ciel ouvert – Paris, Nantes, Lyon ou Grenoble deviennent absolument répulsives. Face à ces possibles dérives, le préfet doit retrouver son rôle d’arbitre de la politique du logement et contrôler toute forme d’excès afin de défendre l’intérêt général. Nous proposons ainsi qu’il puisse donner son accord ou signifier son opposition à la décision de changement de destination dans un délai d’un mois après la délibération de l’autorité compétente. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
En 1982, lors de l’adoption des grandes lois de décentralisation, j’étais né mais je savais à peine marcher. Néanmoins, je ne pense pas que l’on puisse par un amendement, sans étude d’impact et sans autre argument, revenir à un quasi-contrôle a priori des préfets sur les collectivités locales, en particulier en matière d’urbanisme. J’ai la conviction qu’il faut faire confiance aux élus locaux – je suis un décentralisateur. Alors que cette proposition de loi vise à simplifier les procédures de transformation de bureaux en logement et à accélérer les choses, vous ajoutez une étape, le contrôle par le préfet.
En tout état de cause, les actes administratifs sont soumis au contrôle de légalité par le préfet, ils passent donc a posteriori sur son bureau. Vous évoquez des cas, réels ou supposés, d’inégalités criantes. Les recours de tiers et les tribunaux administratifs permettent de répondre à de telles situations. Au nom de la simplification et de la décentralisation, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement. Il n’est pas envisageable de revenir par un amendement sur toutes les avancées qui sont intervenues depuis 1982 en matière de décentralisation.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
En ajoutant une étape à la procédure – vous demandez au préfet de valider chacune des opérations –, non seulement vous ajoutez de la complexité administrative – ce qui est surprenant –, mais vous remettez en cause le principe même de décentralisation de la politique du logement. Je pars du principe que les élus locaux, en particulier les maires, sont responsables de l’aménagement de leur territoire et qu’il faut décentraliser les compétences – au reste, elles le sont déjà largement. L’octroi des permis de construire a été décentralisé : ce n’est pas le préfet mais les élus locaux qui les délivrent.
En proposant que l’État reprenne le contrôle et que nous ajoutions des étapes administratives, vous remettez en cause tout le chemin parcouru en matière de décentralisation du logement. En l’occurrence, nous avons un vrai désaccord idéologique, monsieur le député. Vous êtes recentralisateur et étatiste en matière de logement, alors que nous tentons de décentraliser cette politique. Prenons acte de cette différence.
Vous pourriez commencer par présenter un amendement d’expérimentation, par exemple à Perpignan, afin d’observer les effets de la reprise du contrôle de la politique de logement par l’État. Nous verrons si les élus locaux sont ravis de la solution que vous proposez. En attendant, avis défavorable.
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Frédéric Falcon
Toujours dans l’optique de prévenir les excès d’une politique du logement partiellement transférée aux collectivités territoriales, nous souhaitons protéger les bâtiments situés dans des périmètres délimités des abords (PDA) – dans un rayon de 500 mètres autour d’un monument historique –, en conditionnant la conformité de l’avis de l’autorité délibérative à l’avis favorable de l’architecte des bâtiments de France (ABF). Les ABF auront un délai de trois mois pour rendre un avis avec effet contraignant. Passé ce délai, leur avis sera réputé favorable.
La transformation d’immeubles de bureaux en logements nécessite souvent des aménagements ou des travaux d’adaptation susceptibles d’altérer la nature architecturale de certains immeubles, comme les immeubles haussmanniens ou ceux construits à une date antérieure. Des transformations massives d’immeubles de bureaux en logements pourraient dénaturer le patrimoine architectural de nos villes.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
Une fois encore – nous l’avons déjà évoqué mais c’est toujours aussi simple en le réexpliquant –, nous examinons une proposition de loi : nous ne sommes pas là pour réécrire le code de l’urbanisme dans son ensemble. Vous faites référence aux cas – dont je vois mal comment ils pourraient se présenter en pratique – où l’on transformerait un bureau en logement dans le périmètre ABF sans changer la moindre porte, la moindre fenêtre, sans installer le moindre velux, sans créer le moindre balcon ou le moindre extérieur – situations dans lesquelles une autorisation d’urbanisme ne serait pas nécessaire et où l’ABF n’aurait pas à se prononcer. À partir du moment où la moindre modification de l’aspect extérieur d’un immeuble protégé au titre des abords intervient, l’avis de l’ABF est nécessaire. Votre amendement est donc satisfait par les dispositions du code de l’urbanisme. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
En ce qui concerne l’amendement précédent, no 19, je tiens à rassurer M. Falcon : en 2015, l’instruction des permis de construire a été confiée aux EPCI. Aujourd’hui, les services de l’État sont totalement nus. J’ai exercé cette responsabilité pour soixante-deux communes et je peux vous dire que le préfet serait ennuyé si cet amendement était adopté.
En ce qui concerne l’amendement no 22, en cas de modifications, par exemple un changement de fenêtres, une déclaration préalable est nécessaire, et en cas d’extension, il faut un permis de construire – tout cela passe par le bureau de l’ABF.
Dans le département des Côtes-d’Armor, cinq ABF ont la charge de l’instruction des dossiers. Pour les bureaux, y compris dans un site classé, en cas de modifications importantes sur le bâtiment, l’ABF serait forcément consulté et son avis conforme serait requis – c’est certain. Le demandeur le rencontrerait avant même de déposer une demande de permis de construire pour être sûr d’obtenir une autorisation valable. Nous sommes là pour gagner du temps, pas pour en perdre. Revenir en arrière ne sert absolument pas l’objectif de la proposition de loi, à savoir accélérer la production de logements.
(L’amendement no 22 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric Falcon, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Frédéric Falcon
Il vise à protéger les futurs occupants d’un local transformé en logement. Si la mise sur le marché de logements vise à répondre à la forte demande, les changements de destination ne peuvent se faire au détriment de la sécurité des occupants. Notre préoccupation concerne plus particulièrement les bureaux construits avant 1997, qui présentent une forte probabilité de présence d’amiante. Afin de prémunir les occupants contre ce risque sanitaire, un bureau de contrôle, qui engagera sa responsabilité, devra s’assurer, avant tout changement d’usage, de l’absence d’exposition à l’amiante des futurs occupants. Cet amendement de bon sens devrait faire l’unanimité dans cette assemblée.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Romain Daubié, rapporteur
À la fin de tout chantier, au moment de la déclaration d’achèvement des travaux, l’autorité compétente peut réaliser une visite de conformité. Pour ma part, je ne souhaite pas privatiser un service susceptible d’être assuré par les agents des collectivités publiques. Il revient aux collectivités de décider d’assurer cette mission en interne ou de l’externaliser – elles sont libres de leur organisation. Je ne souhaite pas privatiser cette prérogative des collectivités territoriales. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué
En réalité, les promoteurs qui se lancent dans de tels projets ont déjà l’obligation de faire appel à un bureau d’étude et à un bureau de contrôle. Souhaitez-vous rajouter de l’administratif pour rajouter de l’administratif ou créer des bureaux sur les bureaux ? Je ne comprends pas quel est votre objectif : complexifier encore plus les opérations ? Qu’est-ce qui se cache derrière ? Ces dispositions existent déjà. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin