XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du jeudi 18 janvier 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du jeudi 18 janvier 2024

Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Commission d’évaluation de l’aide publique au développement

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi (procédure de législation en commission)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Louis Bourlanges et plusieurs de ses collègues relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi no 2021-1031 du 4 août 2021 (nos 1202, 2017).
    La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons tout d’abord les interventions de la rapporteure de la commission, du Gouvernement et du président de la commission, puis les explications de vote des groupes, avant de passer au vote sur l’ensemble du texte.

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Gatel, rapporteure de la commission des affaires étrangères.

    Mme Maud Gatel, rapporteure de la commission des affaires étrangères

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    La présente proposition de loi vise à mettre fin à plus qu’une anomalie : il s’agit en effet de remédier à l’absence d’application de la volonté du législateur.

    M. Michel Herbillon

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    Ce qui n’est pas un petit sujet !

    Mme Maud Gatel, rapporteure

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    La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, promulguée en août 2021, a suscité un large consensus au sein du Parlement. Ce texte, qui consacre l’augmentation majeure des crédits de l’aide publique au développement (APD) entamée en 2017, a été salué par l’ensemble des acteurs du développement. Parmi ses grandes innovations, on s’est réjoui de la création d’une commission d’évaluation, comme il en existe chez les principaux bailleurs internationaux de l’aide publique au développement. Compte tenu de l’ampleur considérable des sommes dédiées à la solidarité internationale, il est en effet indispensable de disposer d’un organe indépendant d’évaluation. La commission, composée de quatre parlementaires et de dix personnalités qualifiées, serait chargée d’évaluer les stratégies et les projets d’aide publique au développement à tous les stades de leur réalisation, depuis leur conception jusqu’à leur mise en œuvre.
    Quels sont les effets de ces projets ? Atteignent-ils leurs objectifs ? Le taux de mortalité infantile recule-t-il ? La part de la population vaccinée s’accroît-elle ? Les taux de scolarisation et d’alphabétisation augmentent-ils ? La surface des zones naturelles protégées s’étend-elle ? Autant de sujets sur lesquels les experts de la commission seraient appelés à mesurer les conséquences des engagements financiers de la France et de la mobilisation de son expertise. Cette idée, qui reprend une préconisation formulée en 2018 par celui qui allait devenir le rapporteur du projet de loi, Hervé Berville, a recueilli l’assentiment de tous les bancs. Aujourd’hui encore, quelles que soient nos opinions sur l’aide publique au développement, on ne voit pas qui pourrait s’opposer au principe d’en évaluer l’efficacité et les résultats concrets.
    Or, plus de deux ans et demi après le vote du projet de loi, la commission d’évaluation de l’aide publique au développement n’a pas vu le jour. La publication par le Gouvernement, au mois de mai 2022, de mesures d’application en décalage avec l’intention du législateur a créé une situation de confusion, voire de blocage, dont il importe de sortir. C’est l’objet de ce texte proposé et défendu par le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges.
    Le législateur, rappelons-le, avait rattaché la commission à la Cour des comptes, mais n’avait pas souhaité qu’elle y soit intégrée. Il avait au contraire insisté sur son indépendance, notamment dans l’organisation de son programme de travail. Son président devait être élu à la majorité par ses membres. Le rôle de la Cour des comptes devait se limiter à en assurer le secrétariat.

    M. Michel Herbillon

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    Absolument !

    Mme Maud Gatel, rapporteure

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    Or le décret d’application du 6 mai 2022 s’écarte sensiblement de ce schéma. Il prévoit la présence, au sein du collège des personnalités qualifiées, de deux magistrats de la Cour des comptes, dont son premier président, mais aussi l’élection du président de la commission à l’unanimité, ce qui revient, en pratique, à confier cette présidence au premier président de la Cour des comptes. L’idée du décret, au fond, est d’assimiler la commission d’évaluation aux organismes associés à la Cour des comptes, tels que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ou le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), présidés par le premier président de la Cour. L’orientation ainsi donnée tend à conférer à la commission une tonalité essentiellement de contrôle de la régularité de l’emploi de l’argent public – un contrôle évidemment indispensable – alors que le Parlement avait voulu l’investir d’une mission beaucoup plus large d’évaluation de l’impact des projets et des stratégies d’aide publique au développement.
    La Cour des comptes ne souhaitant pas se voir adosser une commission dont elle n’aurait pas, à l’inverse des organismes cités plus haut, la supervision, il est apparu nécessaire de lui trouver un rattachement plus approprié. La présente proposition de loi a pour objet de prévoir ce nouveau rattachement et de permettre à la commission de commencer enfin ses travaux.
    Pour ce rattachement, la solution du ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’est imposée naturellement. Celui-ci est officiellement le chef de file de la politique française en faveur du développement. C’est par ailleurs au ministère de l’Europe et des affaires étrangères qu’est rattaché le secrétariat d’État chargé du développement et c’est bien le ministre de l’Europe et des affaires étrangères qui défend les projets de loi en matière d’aide publique au développement au Parlement, comme l’a fait Jean-Yves Le Drian en 2021. La direction générale de la mondialisation, chargée du développement au sein de ce ministère, a confirmé qu’elle était prête à assumer cette mission.
    Le présent texte place donc la commission d’évaluation auprès du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et prévoit, s’agissant de ses modalités de fonctionnement, que son secrétariat soit assuré par la direction générale chargée du développement international. Les déclarations d’intérêts des experts devront être remises au secrétariat général du ministère. La proposition de loi précise par ailleurs de manière plus explicite les missions de la commission et souligne notamment que les évaluations porteront aussi bien sur les projets ex ante que ex post, c’est-à-dire de leur élaboration à leur mise en œuvre.
    Composé d’un article unique, le texte n’a pas d’autre objet que ceux que je viens d’énumérer. La commission des affaires étrangères l’a adopté sans modification. Je n’ignore pas les débats, parfaitement légitimes, au sujet de l’APD, mais l’objet de ce texte n’est pas de les trancher : son seul but est de respecter la volonté du législateur exprimée en 2021. Je rappelle, en outre, que cette proposition de loi déposée par Jean-Louis Bourlanges a été cosignée par des représentants de l’ensemble des groupes politiques, ce qui est assez rare pour être souligné.
    Au regard de la gravité des défis que doivent désormais relever les pays dits du Sud dans les domaines de la santé, de l’eau, de l’assainissement, de la sécurité alimentaire, de la stabilité, de l’éducation, du climat et de l’égalité, l’instauration d’une instance d’évaluation de l’aide publique au développement est plus qu’urgente. Cette commission permettra d’informer plus largement sur notre politique publique en matière de solidarité internationale, mal connue, et de contribuer à l’indispensable travail d’évaluation de la représentation nationale. Cet organe constituera en outre un puissant aiguillon pour les acteurs du développement, au premier rang desquels l’Agence française de développement (AFD). Le fait, pour ces acteurs, de savoir que leur travail sera évalué de manière indépendante ne pourra que les inciter à faire preuve de davantage d’exigence.
    Dès lors, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte qui permettra l’installation – qui n’a que trop tardé – de cette commission et à faire respecter ainsi la volonté du législateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, LR, SOC et HOR.)

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Le niveau inédit de nos efforts en matière de solidarité internationale – l’APD a représenté 15,2 milliards d’euros en 2022, ce qui fait de la France le quatrième bailleur à l’échelle mondiale – nous oblige plus que jamais à rendre compte de notre action et à l’évaluer. Le débat sur la redevabilité et la traçabilité de notre aide publique au développement, qui s’est tenu à l’Assemblée nationale il y a deux jours, l’a démontré.
    Comme vous le savez, après plusieurs années de baisse de l’APD, la France a engagé en 2017 un processus de refondation de sa politique de développement afin de renforcer la crédibilité de son action diplomatique, de répondre aux grands enjeux mondiaux et d’amplifier l’impact de ses actions dans les pays partenaires en mobilisant des canaux bilatéraux, européens et multilatéraux. En s’appuyant sur des coalitions, notre pays peut apporter des réponses efficaces aux défis globaux déclinés par l’agenda 2030 et par les dix-sept objectifs de développement durable (ODD). La France souhaite qu’aucun État n’ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la lutte contre les changements climatiques. Dans le cadre du vaste chantier de rénovation de notre politique de développement, la promulgation de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, adoptée à l’unanimité au Parlement et promulguée le 4 août 2021, a marqué une étape importante.
    Le Conseil présidentiel du développement (CPD), réuni par le Président de la République le 5 mai 2023, a fixé dix objectifs prioritaires afin d’orienter notre action. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de juillet a permis ensuite de préciser les modalités de mise en œuvre de ces dix objectifs. Ces deux étapes majeures ont entériné un changement de paradigme : la politique d’aide publique au développement est désormais une stratégie d’investissement solidaire.
    Ce choc de méthode permettra de rendre notre action plus flexible et de mieux répondre aux défis contemporains. Vous le savez, ces trois dernières années ont été marquées par une succession de coups d’État au Sahel, qui ont eu des conséquences sur le déploiement de notre aide dans les pays concernés. Nous n’abandonnons pas les populations civiles, mais nous ne pouvons pas continuer de travailler avec des juntes militaires, dont certaines sont complices du groupe Wagner.
    Afin de mieux prendre en compte nos priorités politiques, nous avons également décidé, à la fin de l’année 2023, de permettre à l’Agence française de développement d’intervenir en Ukraine. L’application de cette stratégie passe par un pilotage renforcé de nos actions. Les ministres chargés des affaires étrangères et de l’économie assureront ainsi l’évaluation de l’exécution de nos priorités politiques à l’occasion d’une réunion annuelle.
    Enfin, nos investissements solidaires auront vocation à promouvoir notre influence, nos valeurs et nos intérêts, en construisant de nouveaux partenariats ambitieux et en permettant de répondre aux nombreuses campagnes de désinformation orchestrées par des États hostiles à nos intérêts et à notre modèle démocratique.
    Cela étant, l’efficacité de notre politique dépendra également de l’évaluation des effets de nos actions. Sur ce point, la loi prévoit la création d’une commission indépendante d’évaluation de l’aide publique au développement. À cet égard, je sais que certains élus ont fait part de leur lassitude et de leur regret de devoir passer par la loi pour en faire respecter une déjà promulguée il y a plus de deux ans.
    Mesdames et messieurs les députés, n’ayez aucun doute sur la volonté du Gouvernement de voir cette commission apparaître et commencer à travailler rapidement.

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    Très bien !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Je tiens également à rappeler que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a rempli ses obligations et assumé son rôle de chef de file de l’action extérieure de l’État sur ce dossier. Nous souhaitons que la présente proposition de loi transpartisane débloque l’application de cette mesure emblématique de la loi du 4 août 2021.
    Comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises, nous sommes disposés à ce que cette commission d’évaluation soit hébergée au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et, comme nous l’avons confirmé à Mme la rapporteure, à ce que son secrétariat administratif soit rattaché à la direction générale de la mondialisation.
    Si un tel repositionnement devait être entériné, je précise que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères se porterait garant de la préservation de l’indépendance de la commission. En aucun cas, et le président de la commission des affaires étrangères l’a également rappelé, le ministère ne serait une autorité de tutelle.
    Dans cette hypothèse, des moyens humains et financiers supplémentaires devraient toutefois être identifiés. La tâche est d’ampleur – vous en avez bien conscience –, compte tenu de l’effort inédit que nous fournissons, de la richesse de nos coopérations et de la densité de nos échanges.
    En effet, si la commission définira ses méthodes et son programme de travail en toute indépendance, elle devra, par exemple, être en mesure d’évaluer l’impact de notre aide dans un domaine donné, ou encore se pencher sur la cohérence de notre action dans un pays en particulier, en format « équipe de France ».

    Mme Michèle Peyron

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    Très bien !

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée

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    Notons enfin qu’on n’évalue pas pour le plaisir d’évaluer. J’ai parlé d’impact et des dix objectifs définis par le CPD : c’est bien de cela qu’il s’agit, c’est-à-dire de maximiser les bénéfices de notre action.
    Je pense d’abord aux bénéfices pour les pays partenaires, qui font face à la pauvreté, au dérèglement climatique et, pour certains, à de profonds conflits.
    Je pense ensuite aux bénéfices pour nos concitoyens, qui doivent comprendre en quoi notre action en faveur du climat ou de la santé partout dans le monde a également une incidence positive sur leur avenir et sur celui de leurs enfants.
    Je pense aux bénéfices pour notre influence et notre politique étrangère, car les projets de développement participent souvent des relations bilatérales que nous bâtissons avec nos partenaires.
    Et je pense aux bénéfices politiques de notre action, afin de nous mettre en position de consolider les coalitions que le Président de la République appelle de ses vœux – coalitions qui visent à répondre aux grands défis mondiaux qui s’imposent à nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC et HOR. – Mme Nadège Abomangoli applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères.

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    Mme la rapporteure et Mme la ministre déléguée ont tout dit : il m’appartient donc de dire le reste. (Sourires.) Et le reste, ce sont d’abord des remerciements.
    Je dois remercier le groupe MODEM, que je connais bien et dont je salue le président. Le groupe a accepté qu’une partie de sa niche parlementaire soit occupée par le petit chiot élevé dans le chenil de la commission des affaires étrangères. (Sourires.) Cette générosité nous permet de gagner du temps.
    Je dois également remercier l’ensemble des groupes de cette assemblée, lesquels ont apporté leur soutien à cette proposition de loi que nous allons voter : je ne crois pas qu’il y ait de mystère sur ce point. Ce soutien est d’ailleurs le signe très intéressant d’une volonté collective de voir les prérogatives du Parlement pleinement prises en compte par le Gouvernement – que je remercierai aussi dans un instant – et par l’ensemble des pouvoirs publics.
    J’en viens donc au Gouvernement, à commencer par celui dirigé par Mme Borne, à qui il faut rendre hommage, car c’est sous son autorité à Matignon qu’il a été accepté, et alors que ce n’est pas agréable, de remettre en cause un décret malavisé. Il s’agit du décret n° 2022-787 du 6 mai 2022, lequel méconnaissait assez largement – Mme la rapporteure l’a rappelé avec tact mais précision – la volonté du législateur et les dispositions de la loi du 4 août 2021.
    À cet égard, s’il est assez fréquent, reconnaissons-le, que des décrets méconnaissent ou surinterprètent la volonté du législateur, voire ignorent les dispositions de la loi, il est plus rare qu’un gouvernement l’admette, ce qui a donc été le cas.
    Je n’insisterai pas sur le conflit d’interprétation de la loi que nous avons eu avec la Cour des comptes : celui-ci s’est très bien réglé. Nous lui avons proposé soit d’accepter les dispositions de la loi telles qu’elles avaient été fixées le 4 août 2021 à la suite d’une commission mixte paritaire conclusive grâce au soutien du rapporteur du texte, M. Berville, soit d’indiquer que le statut qui lui était donné n’était pas conforme à l’idée qu’elle se faisait de son rôle. Dans le premier cas, nous devions modifier le décret, dans le second, nous devions modifier la loi. Le Gouvernement et la commission des affaires étrangères se sont prêtés à cet exercice et la Cour des comptes a préféré que nous modifiions la loi, ce qui est très bien. C’est ce que nous faisons et ainsi aurons-nous bientôt, comme l’a indiqué Mme la ministre déléguée, un décret d’application tout à fait conforme à ce que nous avons voté en 2021.
    C’est pourquoi, après avoir remercié et félicité le gouvernement précédent d’être convenu de la nécessité d’améliorer le système et d’avoir accepté de légèrement modifier la loi, j’adresse maintenant mes félicitations au nouveau gouvernement de M. Attal, dont l’interprétation de la loi de 2021 vient d’être donnée par Mme la ministre déléguée, laquelle interprétation est de nouveau parfaitement conforme à la nôtre et à ce qu’implique la présente proposition de loi.
    Nous sommes très heureux que la commission d’évaluation puisse avoir un président élu dans ses rangs, par elle-même, librement. C’était l’objet fondamental du litige, et les gouvernements successifs nous ont donc donné raison.
    Nous sommes également très heureux de savoir que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a pris la main sur ce dossier. Nous rappelons en effet qu’il ne s’agit pas d’exercer une tutelle sur la commission d’évaluation, mais simplement de l’accueillir, de vérifier que ses membres ne sont pas en situation de conflit d’intérêts et de lui offrir un secrétariat. La commission est libre.
    Enfin, et je conclurai ainsi, le débat sur « les fonds d’aides au développement internationaux », que nous avons eu ici même avant-hier, a montré combien nous avons un intense besoin de contrôle et d’évaluation. Le Parlement est présent au sein de conseils d’administration, comme celui de l’AFD, et il le sera, par l’entremise de sénateurs et de députés, au sein de la commission d’évaluation de l’aide au développement. J’y insiste, il s’agit d’un besoin absolu. Mme la ministre déléguée a rappelé qu’il s’agissait aussi d’une urgence aux yeux du Gouvernement : nous nous en félicitons et nous l’en remercions.
    Aussi, chers collègues, votez bien et vous aurez fait progresser la démocratie ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. Romain Daubié

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    Brillant !

    M. Olivier Falorni

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    Excellent !

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    Dans les explications de vote, la parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky (Dem)

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    Une fois n’est pas coutume, je monte à la tribune pour prononcer une explication de vote – je crois que cela ne m’est jamais arrivé –, mais un peu de solennité s’impose quand il s’agit de redonner au Parlement les prérogatives qui sont tout simplement les siennes.

    M. Michel Herbillon

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    Vous avez tout à fait raison !

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Si le président Bourlanges a indiqué que tout avait été dit avant lui, il est certain qu’après sa propre intervention, il ne reste plus grand-chose à ajouter. Il peut néanmoins être utile de répéter certaines choses, afin de bien faire prendre conscience à tous nos collègues, au-delà de la commission des affaires étrangères, que le présent texte n’est pas que symbolique. Sur le fond, sa raison d’être est essentielle, en l’occurrence évaluer la pertinence des programmes d’aide au développement. Sur la forme, à l’issue de nombreux échanges auxquels a fait allusion le président Bourlanges, il vise à s’assurer que l’intention du Parlement lors de l’adoption de la loi du 4 août 2021 sera respectée.
    À cet égard, notons la pertinence du rapport de notre collègue Maud Gatel. Sur le fondement de la proposition de loi rédigée par le président Bourlanges, les enjeux y sont clairement définis. Un débat tout à fait complet a ainsi pu avoir lieu en commission, laquelle a adopté le texte à l’unanimité, ce qui doit être souligné.
    Cela a été dit, la présente proposition de loi a pour objet de modifier un article de la loi du 4 août 2021, lequel article avait placé la commission d’évaluation auprès de la Cour des comptes. Cette commission, qui avait été expressément souhaitée en 2021, n’est toujours pas en fonction deux ans et demi plus tard, mais nous en comprenons les raisons, qui ont été évoquées. Le décret d’application pris en 2022 fixait non seulement les modalités de fonctionnement de la commission, mais aussi sa composition. C’est ce qui ne convient pas car cela revient à accorder une prééminence à la Cour des comptes et réduit en conséquence son rôle à une évaluation financière, ce qui n’était absolument pas l’objectif du législateur.
    D’ailleurs, Hervé Berville, qui était au banc en tant que rapporteur lors de la séance du 19 février 2021, avait bien précisé que le but de la commission d’évaluation était de déterminer si les actions entreprises en matière d’aide au développement permettent réellement d’améliorer les choses dans les pays concernés. Comme le disait Maud Gatel, il s’agit de savoir si le taux de vaccination a augmenté, si la mortalité infantile a baissé, ou encore si la place des femmes dans le monde du travail s’est améliorée.
    Le présent texte que, je l’espère, nous allons voter, permet de dépasser le blocage relatif à cette commission et de lui donner le rôle qui lui revient normalement en la rattachant au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. J’y reviens, le décret d’application de 2022 prévoit qu’elle doit être présidée par le premier président de la Cour des comptes, mais ce n’est pas ce que souhaite le Parlement.
    Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants), comme tous les autres ici présents, est soucieux du respect de la volonté du législateur. Mes chers collègues, c’est le moment de l’exprimer. Mon groupe votera cette proposition de loi et je ne doute pas que vous en ferez autant. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier (SOC)

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    Je ne pouvais pas être moins solennel que Mme Vichnievsky ; une fois n’est donc pas coutume, je me tiens à la tribune pour une explication de vote.
    Je remercie le groupe Démocrate d’avoir inscrit cette proposition de loi dans sa niche, et salue la persévérance, tout sauf anecdotique, de Jean-Louis Bourlanges.
    Le groupe Socialistes et apparentés estime qu’il s’agit d’une respiration – d’une bulle d’oxygène, restons modestes – bienvenue en cette période où le Parlement et la démocratie sont si malmenés, ici et ailleurs.
    Cette exigence démocratique et cette précision honorent votre groupe et elles sont bien dans sa tradition. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le président de la commission des affaires étrangères et Mme la rapporteure applaudissent également.) Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je suis heureux d’y apporter mon soutien.
    Madame Gatel, la loi du 4 août 2021 ne se résume pas à une augmentation des crédits. La ministre déléguée l’a rappelé, c’est aussi une loi de refondation et de réorientation. Grâce à Jean-Yves Le Drian, sa discussion a ouvert un espace démocratique. Le groupe socialiste a en effet vécu une expérience trop rare pour un groupe d’opposition : les débats ont été de très grande qualité et une douzaine d’amendements défendus par notre groupe, significatifs et non décoratifs, ont été adoptés. Il faut saluer cette capacité à débattre et à amender, tous ensemble – j’inclus les autres groupes de gauche.
    Notre apport a contribué à modifier l’orientation politique du texte : ainsi, l’ODD 8.7 sur le travail des enfants, une des priorités de la France, figure désormais dans la loi ; nous avons également plaidé pour inclure toutes les dynamiques autour de l’initiative One Health, initialement absente de la loi.

    Mme Michèle Peyron

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    Très bien !

    M. Dominique Potier

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    Afin de répondre à la question majeure posée par Mireille Delmas-Marty – que peut le droit ? –, il s’agissait également pour nous de mettre en avant de nouveaux champs, angles morts de l’aide publique au développement, qui nécessitent moins de crédits qu’une coopération juridique. C’est le cas par exemple du foncier et de la lutte contre l’accaparement des terres.

    M. Frédéric Petit

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    Très bien !

    M. Dominique Potier

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    Le savoir français en agronomie et en droit rural peut être très précieux pour des pays d’Europe orientale issus du bloc soviétique ou pour des pays en voie de développement sous l’emprise des mafias ou des systèmes traditionnels,…

    M. Frédéric Petit

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    Très juste !

    M. Dominique Potier

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    …qui empêchent la paysannerie de contribuer à la sécurité alimentaire globale. C’est également le cas de l’état civil : en droit civil, de la reconnaissance officielle d’une personne découlent tous les autres droits.
    Il s’agit donc, je le répète, d’une grande loi, d’une loi de consensus, coconstruite. J’espère que vous comprendrez mon message : en tant que groupe d’opposition responsable, nous sommes nostalgiques de ce type d’expérience.
    Le sujet qui nous occupe ici s’apparente, non juridiquement mais philosophiquement, à un excès de pouvoir réglementaire, voire à un excès de pouvoir du Gouvernement. Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure, vous y avez répondu par votre persévérance.
    La commission d’évaluation contribuera à clarifier un système d’APD rendu opaque par la fongibilité des dons et des prêts, ainsi que les systèmes de cofinancement. Une telle opacité peut conduire à d’éventuelles manipulations d’une APD échappant ainsi au législateur.
    Le groupe Socialistes et apparentés aurait souhaité amender le texte afin de préciser que l’évaluation doit intégrer les objectifs de développement durable, ceux de l’agenda 2030, ainsi que ceux de l’instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale. Il faudra qu’elle tienne compte des savoirs académiques, des retours des ONG et des groupes de réflexion ou think tanks.
    L’article unique de la proposition de loi dispose que la commission examine les résultats des projets et programmes d’APD pour en apprécier l’efficacité, « tant sur le plan financier que vis-à-vis des priorités de la politique extérieure et de coopération ». Nous aurions préféré que cet examen porte sur le plan financier « au vu » des priorités, afin de ne pas mélanger la fin et les moyens.
    Mais, au diable les tergiversations rédactionnelles, nous partageons l’esprit de cette proposition de loi et c’est avec enthousiasme que nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    Sur le vote de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Xavier Batut.

    M. Xavier Batut (HOR)

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    Il est essentiel que le Parlement et les spécialistes de la politique de développement jouent pleinement leur rôle dans l’évaluation de l’efficacité, de la cohérence, de l’impact et de la durabilité des politiques françaises de développement.
    Dans la logique de la loi du 4 août 2021, si la commission d’évaluation veut aller au-delà du simple contrôle financier et réglementaire de l’APD et se saisir pleinement de son rôle d’évaluation des politiques publiques, elle ne peut dépendre de la Cour des comptes, comme le prévoyait le décret précisant ses modalités de fonctionnement.
    Il convient donc de décliner ses missions dans la loi et de placer son secrétariat auprès du ministère des affaires étrangères. Le groupe Horizons et apparentés soutient cette proposition. En conséquence, il votera la proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR. M. le président de la commission des affaires étrangères et Mme Nadège Abomangoli applaudissent également.)

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    Applaudissons avant ; ainsi, nous n’aurons pas à le faire à la fin !

    M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES)

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    Vous avez raison, monsieur le président, on ne sait jamais ! (Sourires.)
    L’objectif de la présente proposition de loi n’est plus à démontrer ; il a été largement décortiqué par nos collègues et par le président de la commission des affaires étrangères.
    Mais quel était l’objectif de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ? Selon le consensus parlementaire, il s’agissait de poser les jalons d’une organisation clarifiée des rôles des différentes organisations liées à l’aide publique au développement. La commission d’évaluation a donc toute sa place dans ce processus puisqu’elle vise à évaluer l’impact concret – et non purement financier – de l’APD.
    Pourtant, le chemin de croix de cette nouvelle commission a débuté avec un décret signé le 6 mai 2022, qui bafoue l’esprit de la loi telle qu’issue de nos fructueux débats. C’est le premier problème : l’exécutif a fait ce qu’il a voulu sans s’inquiéter de ce que le Parlement avait voté. Les députés du groupe Gauche démocrate et républicaine voteront donc le présent texte qui vise à rétablir l’esprit de la loi que nous avons adoptée en 2021.
    Mais, deuxième problème, ne nous y trompons pas : l’aide publique au développement semble avoir intégré le domaine réservé du Président de la République puisque, à l’occasion de son CPD, il s’est permis de modifier en profondeur toutes les orientations de la loi de 2021.
    Après cette réunion, lors d’une grand-messe tenue en juillet dernier, le Cicid a entériné toutes les orientations élyséennes sans que personne ne s’inquiète de ce que le Parlement pourrait trouver à redire : objectif d’allouer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement repoussé, liste des États prioritaires modifiée, tout comme les objectifs, pourtant énumérés dans la loi, et j’en passe.
    Cette commission doit rapidement voir le jour – c’est d’ailleurs ce qui est proposé. Il va aussi falloir qu’elle obtienne les moyens de ses ambitions afin d’évaluer l’efficacité de l’aide publique au développement et afin que le Parlement et la société civile reprennent la main sur cette APD.
    Si, sous l’ère Macron, le Parlement n’est plus qu’un paillasson, cette proposition de loi, bien que modeste, démontre que, parfois, même la majorité peut décider de se rebeller – au moins un peu – contre les orientations de l’exécutif. Ouf ! (« Oh ! » sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Nadège Abomangoli sourit.)

    Un député du groupe RE

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    C’est caricatural !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Prenons la mesure de cette proposition de loi et faisons en sorte qu’elle appelle d’autres mouvements de rébellion. Peut-être qu’alors, notre Parlement retrouvera sa force et sa capacité de s’opposer aux décisions de l’exécutif.
    Je ne serai pas plus long afin que le groupe Démocrate poursuive l’examen de ses propositions de loi. Je le remercie d’avoir ouvert sa niche à ce texte, preuve de considération du travail de la commission des affaires étrangères – je remercie également son président.
    Votons ce texte afin que l’aide publique au développement française devienne une belle politique publique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, SOC et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Guillemard.

    M. Philippe Guillemard (RE)

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    La proposition de loi que nous examinons permet, enfin, de doter notre politique d’aide au développement d’un outil d’évaluation performant. Initialement prévue par la loi du 4 août 2021, l’instauration de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement a souffert d’un retard.
    En effet, le décret du 6 mai 2022 a dévié du dessein initial des législateurs : plutôt que d’adosser le secrétariat de la commission à la Cour des comptes, il a circonscrit ses prérogatives à une fonction d’évaluation de la régularité de l’emploi de l’argent public en plaçant ce secrétariat sous l’égide du premier président de la Cour.
    Même si une telle décision est cohérente avec le fonctionnement d’autres instances rattachées à la Cour, elle omet l’ambition initiale des législateurs – sauvegarder l’autonomie de la commission –, cette entité indépendante devant évaluer l’efficacité et l’impact des décisions en matière d’APD, et son président devant être désigné par une majorité de ses membres.
    Malgré cette situation, notre politique de coopération internationale et de développement a continué de se renforcer, dotée d’une trajectoire budgétaire particulièrement ambitieuse. Le budget de l’APD augmente depuis plusieurs années et a atteint 15,3 milliards d’euros en 2022, contribuant à des investissements décisifs dans des secteurs clés comme la transition écologique des pays en développement, tout en participant au rayonnement de notre pays.
    Cette tendance se poursuivra puisque le Cicid a prévu que l’aide publique au développement représentera 0,7 % du revenu national brut français d’ici à 2030, atteignant ainsi un niveau inédit.
    C’est pourquoi il est essentiel d’intégrer rapidement un outil efficace d’évaluation, afin de s’assurer que l’APD serve au mieux les besoins des populations bénéficiaires, qu’elle renforce le rayonnement de la France et qu’elle sauvegarde nos biens communs.
    Partageant cet impératif, le président de la commission des affaires étrangères a pris l’initiative de conduire des démarches de médiation afin d’atteindre un compromis qui assure le respect de la vision originelle du législateur : faire de la commission un organe d’appréciation de l’adéquation de notre politique d’aide au développement, plutôt qu’une instance de contrôle de la régularité de l’emploi des fonds publics.
    L’objectif de cette proposition de loi n’est donc pas de donner la prééminence à une entité sur une autre, mais d’optimiser l’efficacité de l’aide publique au développement grâce à des évaluations adaptées et à un suivi attentif des initiatives.
    En rattachant la commission d’évaluation au ministère chargé de la politique d’aide publique au développement, dont elle demeure indépendante, et en définissant précisément ses fonctions, centrées sur l’analyse de la pertinence et de la conformité tant sur le plan financier qu’au regard des objectifs fixés par la loi de 2021, cette proposition de loi ouvre la voie à une mise en œuvre concrète et à un lancement rapide des activités de ladite commission et constitue un progrès significatif et crucial pour notre politique d’aide publique au développement. C’est pourquoi le groupe Renaissance la soutiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault.

    Mme Laurence Robert-Dehault (RN)

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    Mardi soir, pendant plus de deux heures, l’audiovisuel public a été kidnappé par Emmanuel Macron qui s’est lancé dans une énième représentation théâtrale jupitérienne. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Nous avons appris à quel point il avait agi au bénéfice des Français, même si tous les indicateurs sont dans le rouge – pouvoir d’achat, services publics, dette record, insécurité et immigration croissantes.
    Ce matin, nous sommes réunis pour débattre d’un texte visant à pallier l’inaction gouvernementale. En 2021, l’Assemblée nationale a adopté une loi de programmation instituant une commission d’évaluation de notre politique d’aide au développement. Trois ans plus tard, cette commission n’a pas encore été créée. La politique française d’aide au développement, qui coûte chaque année plusieurs milliards d’euros aux contribuables au bénéfice des pays en développement, ne mérite sans doute pas l’attention de notre Président. Peut-être considère-t-il également que le pilotage et le contrôle actuels de cette politique sont satisfaisants.
    Pourtant, les milliards d’euros versés par la France au continent africain n’ont permis d’éviter l’apparition de mouvements haineux envers la France ni au Niger, ni au Burkina Faso, ni au Mali, ni en Centrafrique. Les causes de cette défaillance sont connues – manque de contrôle, de pilotage politique et d’ambition stratégique au service des intérêts de la France.
    Aujourd’hui, la dimension stratégique de l’aide française est du ressort des ministères. La baisse des effectifs et des moyens du ministère des affaires étrangères a toutefois rendu ce dernier dépendant de la puissance de l’Agence française de développement, que ce soit sur le plan budgétaire ou sur celui de l’expertise, avec les résultats que l’on sait et que j’ai rappelés précédemment.
    Symbole de cette volonté présidentielle d’enterrer toute ambition en matière de politique diplomatique, la France est depuis 2022 le seul grand pays occidental qui s’oriente vers la suppression des diplomates de carrière. Le fait du prince a ainsi mis fin à une histoire vieille de plusieurs siècles.
    À l’inverse, nous soutenons qu’il faut bien davantage associer les ambassadeurs à la gestion et à l’attribution de l’aide française. S’appuyer sur un corps diplomatique de carrière au contact direct des pays bénéficiaires permettrait de mieux appréhender les aspects culturels de la question, et donc de ménager la susceptibilité de nos partenaires qui nous soupçonnent de vouloir exporter nos valeurs et notre modèle politique.
    En outre, plusieurs milliards d’euros français sont dilués dans une politique européenne de développement sur laquelle nous n’avons aucune prise.
    Cette proposition de loi entend donc modifier la loi du 4 août 2021 qui a créé la commission d’évaluation de l’aide publique au développement pour en préciser les objectifs et la rattacher au ministère des affaires étrangères plutôt qu’à la Cour des comptes.
    Nous partageons cette vision, mais elle nous paraît encore insuffisante. L’effort demandé aux finances publiques doit s’accompagner de garanties pour minimiser le gâchis de fonds publics et s’assurer que l’aide aille dans le sens des priorités stratégiques de la France. Nous plaidons pour que l’aide française au développement devienne un levier politique au service des intérêts de la France, sur son sol et à l’étranger : la politique d’aide au développement doit être évaluée à l’aune de l’intérêt français. Il s’agit avant tout de l’argent des Français, et nous devons être garants de son usage.
    Nous pensons par exemple que l’aide française devrait être conditionnée à l’existence d’un niveau de coopération suffisant des pays bénéficiaires, notamment en matière migratoire.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas autorisé ! Ou alors il faut sortir de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du cadre des règles internationales !

    Mme Laurence Robert-Dehault

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    Il est insupportable que nous donnions des centaines de millions d’euros à des États qui refusent de nous délivrer des laissez-passer consulaires nécessaires à l’expulsion de leurs ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Entre 2019 et 2021, nous avons ainsi octroyé 355 millions d’euros d’aides au Mali, qui délivre seulement 10 % des laissez-passer consulaires demandés par la France et qui a récemment rejeté la présence française sur son sol.
    Nous devons repolitiser notre politique d’aide au développement, qui doit être mise sous la tutelle du ministère des affaires étrangères.
    Nous pensons également que l’aide française doit associer aussi souvent que possible les entreprises françaises présentes sur le territoire du pays bénéficiaire : les fonds français alloués aux pays en développement sont trop souvent destinés à des entreprises étrangères, par exemple chinoises, même si des améliorations sont à noter, comme notre collègue Le Fur l’indique dans son rapport.
    Le dispositif proposé, plutôt que d’induire un réel changement et de mettre notre politique d’aide au service de notre intérêt, risque de conférer une légitimité à cette politique défaillante.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national s’abstiendra. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – « Oh ! » sur quelques bancs de la majorité.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES)

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    Les discussions du jour ont déjà eu lieu il y a trois ans : en juillet 2021, notre assemblée s’est exprimée sur le projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Nul n’avait voté contre ce texte. Cette loi comprenait de nombreuses lacunes – raison pour laquelle le groupe La France insoumise s’était abstenu –, mais elle avait le mérite de fixer un cadre de travail et d’analyse pour la politique française d’aide publique au développement.
    Parmi les avancées de 2021 figurait la création de cette commission d’évaluation qui, trois ans plus tard, n’a toujours pas commencé ses travaux – c’est le sujet principal du présent débat. Cette instance, indispensable, permettra de dresser chaque année un bilan clair de l’APD française, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il s’agira donc d’un contrôle politique et non comptable, comme l’avait confirmé le rapporteur Berville en 2021. La proposition de loi du président Bourlanges réaffirme ainsi l’esprit de la loi.
    Dans un monde post-pandémique aux économies ébranlées, traversées par des crises, des conflits armés et des phénomènes climatiques toujours plus extrêmes, dans un monde où les inégalités explosent, la solidarité entre les États et entre les peuples reste une nécessité.
    De notre côté, nous soulignons d’ores et déjà les impasses de l’APD, comme l’utilisation exacerbée des emprunts au détriment des dons, ce qui nous paraît problématique. La France est championne d’Europe en la matière. Or cette politique peut contribuer à l’endettement de pays déjà fragilisés – c’est un comble pour l’aide publique au développement. Nous déplorons aussi la faible inclusion d’acteurs économiques des pays bénéficiaires, alors que l’APD est susceptible de renforcer les logiques de domination qui caractérisent notamment les relations de la France et des États du continent africain.
    Voilà certaines de nos critiques à l’égard de l’APD française ; elles n’ont rien à voir avec celles formulées par les autres groupes, dont on a eu quelques exemples dans les interventions des orateurs qui se sont exprimés avant moi.
    Nous avons pourtant cosigné cette proposition de loi avec eux, parce que son seul objectif est de faire respecter le Parlement. Les atermoiements qui ont permis de reporter indéfiniment – ou du moins jusqu’à aujourd’hui – la création de la commission d’évaluation illustrent une nouvelle fois le mépris affiché par le Gouvernement à l’égard de la représentation nationale. Nous avons déjà subi vingt-trois fois le recours à l’article 49.3 sur des textes majeurs pour la vie de nos concitoyens – rien de moins que la réforme des retraites, qui brisera la vie de millions de personnes, ou encore le budget de la nation et le budget de la sécurité sociale.
    On nous a empêchés de voter ; voici maintenant que, par des manœuvres dilatoires, un texte pourtant voté à la quasi-unanimité risque de ne pas être appliqué dans son intégralité ! Il est heureux de constater qu’aujourd’hui, au-delà des rangs Insoumis, les soutiens du Gouvernement se lèvent pour défendre le Parlement. Dès lors, nous leur donnons rendez-vous lorsqu’il s’agira de s’opposer une nouvelle fois à l’article 49.3.
    Avant même que l’installation de la commission d’évaluation soit effective, nos attentes à son endroit sont élevées. Elle doit tout d’abord tirer le bilan de l’APD à l’aune des engagements internationaux de la France et des principes de solidarité édictés par la loi de 2021.
    Par ailleurs, le succès de ses travaux nécessite la présence d’ONG au sein du collège d’experts. Ce sont des acteurs de terrain incontournables, au fait des réalités locales et des besoins primordiaux des peuples soutenus.
    Enfin, il nous paraît central que la commission exige le respect de l’objectif de financement de l’APD à hauteur de 0,7 % du RNB d’ici à 2025. Cet engagement, adopté par l’assemblée générale de l’ONU il y a cinquante ans, devait à l’origine être honoré par la France en 1980. Malgré l’adoption de cet objectif, le Gouvernement l’a modifié en catimini cet été : le Cicid, qui fixe les grandes orientations de l’APD, a repoussé cette cible de 0,7 % à 2030. C’est un décalage incompréhensible et inacceptable.
    Au regard de ces urgences, nous ne pouvons plus attendre : nous ne laisserons pas passer une interprétation de la loi qui mettrait les parlementaires à l’écart de tels débats. Nous sommes de bords politiques distincts et nos conceptions de l’aide publique au développement divergent fortement. Malgré cela, nous souhaitons montrer notre attachement à notre rôle de législateur – ce dépassement nous honore et nous voterons ce texte avec vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – MM. Jean-Paul Lecoq et Dominique Potier applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Herbillon.

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    On l’applaudit maintenant, on verra ce qu’il dira après !

    M. Michel Herbillon (LR)

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    Vous l’avez rappelé, le 4 août 2021 le Président de la République a promulgué la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Par cette loi, adoptée à l’unanimité par notre assemblée, nous avons souhaité renouveler profondément le cadre et les principes de la politique de l’aide au développement.
    Alors que notre aide au développement dépasse désormais les 15 milliards d’euros, nous avons ardemment défendu, notre collègue Bérengère Poletti et moi-même, au nom du groupe Les Républicains, la création d’une commission d’évaluation indépendante, essentielle pour évaluer l’action de la France en ce domaine.
    Après de nombreuses discussions, nous avons accepté que cette commission soit rattachée administrativement à la Cour des comptes. Nous avons donc voté l’article 12 de la loi, qui précise le champ d’action de la commission d’évaluation ainsi que ses modalités d’organisation.
    Pourtant, à notre grande déception, près de deux ans et demi après la promulgation de cette loi, la commission n’a toujours pas vu le jour, en raison de la contradiction entre les termes de la loi votée par le Parlement et ceux du décret d’application n° 2022-787 du 6 mai 2022, pris par le Gouvernement.
    En effet, en plaçant les magistrats de la Cour des comptes au centre de la commission d’évaluation de l’APD, le Gouvernement modifie fondamentalement l’intention du législateur et notre ambition pour la commission – ce n’est pas anecdotique ! Cette ambition avait été explicitée en séance publique par le rapporteur Hervé Berville et avait inspiré l’article 12 de la loi.
    Si le texte indiquait bien que les modalités de fonctionnement de la commission seraient précisées par décret, il est tout à fait regrettable que le décret du 6 mai 2022 se soit permis d’en modifier radicalement la composition mais aussi le rôle, le réduisant à un contrôle essentiellement financier des projets et des programmes menés dans le cadre de l’aide publique au développement.
    Il est tout aussi regrettable que le Gouvernement, malgré les nombreuses sollicitations du président de la commission des affaires étrangères, à qui je rends hommage, ait refusé de modifier ce décret, ce qui aurait permis de lever les blocages qui empêchent cette commission de commencer ses travaux.
    Dans ce contexte, je souhaite à nouveau remercier le président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges, d’avoir été à l’origine de cette proposition de loi que j’ai souhaité cosigner avec nos collègues membres de la commission des affaires étrangères, Michèle Tabarot et Nicolas Forissier, afin de surmonter ces blocages. Cette proposition de loi prévoit que la commission d’évaluation soit rattachée au ministère des affaires étrangères, et précise que ses missions ne se limitent pas aux aspects strictement financiers.
    Que de temps perdu, mais surtout quel mépris du Gouvernement pour les prérogatives du Parlement !
    Il serait d’ailleurs souhaitable que les deux ministres présentes daignent lever les yeux de leurs portables quand je parle des relations entre le Gouvernement et le Parlement.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est une question qui ne les préoccupe même pas !

    M. Michel Herbillon

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    Il est ubuesque que nous soyons réunis ce matin, en séance publique, pour voter une proposition de loi qui modifie une loi votée à l’unanimité par notre assemblée il y a deux ans et demi. Quel mépris du Gouvernement pour le Parlement d’avoir osé publier un décret en tous points contradictoire à l’esprit initial exprimé par le législateur en 2021 et à l’ambition du Parlement ! Cette situation, singulière, est vraiment regrettable. Puisque nous sommes en janvier et que c’est le temps des bonnes résolutions, je forme le vœu, madame la ministre et madame la ministre déléguée, que cette attitude ne fera pas jurisprudence et que le Gouvernement ne s’aventurera plus en de telles contrées.
    La situation internationale actuelle exige de la France qu’elle soit encore plus vigilante, réaliste et ambitieuse quant à l’usage de son aide publique au développement. Sur le continent africain, plusieurs pays bénéficiaires sont désormais ouvertement hostiles au nôtre. Cette commission d’évaluation, que nous attendons avec impatience, aurait permis de commencer à analyser et à renouveler la stratégie de la France, afin de la faire correspondre à nos intérêts à l’étranger.
    Pour l’ensemble de ces raisons, et parce que nous avons déjà perdu trop de temps dans l’installation de cette commission d’évaluation, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit également.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        104
            Nombre de suffrages exprimés                93
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                93
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

    M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères

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    Chers collègues, je tiens à vous remercier de votre confiance. Cette proposition de loi, présentée par la commission des affaires étrangères de façon presque unanime – la plupart des groupes l’ont votée –, a reçu un accueil positif et chaleureux. C’était attendu puisqu’elle défend les prérogatives de l’Assemblée nationale.
    Nous faisons désormais confiance au Sénat, avec lequel nous avons travaillé main dans la main tout au long de la procédure législative et avec lequel nous entretenons des relations de coopération, pour voter le texte dans les mêmes termes.
    La commission d’évaluation de l’aide publique au développement pourra ainsi voir le jour, grâce au Gouvernement que je remercie à nouveau. Des fautes ont été commises : elles sont désormais effacées. Les engagements de la ministre déléguée ont été clairement entendus par cette assemblée et je l’en remercie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE et HOR.)

    2. Généralisation du contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues visant à la généralisation du contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité (nos 1972, 2015).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Vouloir réduire le chômage est un objectif largement partagé sur ces bancs. Nous pouvons être fiers d’être passés d’un taux de chômage de 9,5 % à 7 % en cinq ans, mais nous ne pouvons ni ne devons nous satisfaire d’en rester là. Or plus le chômage diminue, plus il devient difficile de le réduire. Non pas parce que les emplois sont pourvus – il reste encore des centaines de milliers de postes, au moins, qui ne trouvent pas de candidats –, mais parce que les personnes encore en recherche d’emploi en sont particulièrement éloignées.
    Aux freins auxquels les personnes en recherche d’emploi peuvent faire face – comme le transport ou la garde d’enfant –, s’ajoutent parfois la réticence d’un employeur à faire confiance à quelqu’un éloigné de l’emploi. Trop souvent, l’insertion ou la réinsertion professionnelle prennent la forme de contrats précaires et faiblement rémunérés. Ce constat reflète la réalité du marché de l’emploi.
    Le contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité (CDIE), qui est l’objet de cette proposition de loi, vise à dépasser ces difficultés. Il est né d’une initiative de terrain lancée il y a un peu plus de dix ans. Conçu pour favoriser l’accès à un emploi stable pour un public confronté à la précarité professionnelle, il a été appliqué, en vertu de l’article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite LCAP, dans le cadre d’une expérimentation qui a pris fin le 31 décembre dernier. Par conséquent, la question de l’avenir du dispositif, soulevée par Mme Fadila Khattabi, alors députée du groupe La République en marche, se pose de façon pressante.
    Le CDIE s’appuie sur des dispositifs de travail à temps partagé de droit commun : il repose sur une relation de travail triangulaire entre un salarié, une entreprise de travail à temps partagé (ETTP) à laquelle le salarié est lié, et une entreprise utilisatrice, auprès de laquelle il est mis à disposition pour l’exécution d’une mission. En revanche, contrairement au travail à temps partagé tel qu’il existe depuis la loi du 2 août 2005, pensé pour encourager la mutualisation d’un personnel qualifié entre plusieurs clients, le CDIE s’adresse à des femmes et des hommes qui rencontrent des « difficultés particulières d’insertion professionnelle ». Plus précisément, il s’adresse : aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi – devenu l’opérateur France Travail – depuis six mois au moins ; aux bénéficiaires de minima sociaux ; aux personnes handicapées ; aux personnes âgées de plus de 50 ans ; aux personnes qui ont une formation de niveau égal ou inférieur au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet d’études professionnelles (BEP).
    À tous, le dispositif offre diverses garanties. Premièrement, disposer d’un CDI, ce qui emporte des conséquences positives en matière d’accès au logement ou à un prêt bancaire. Ce point mérite d’être souligné car ce dispositif s’adresse à un public qui se trouve pour partie éloigné de l’emploi pérenne. Deuxièmement, être rémunéré à hauteur du dernier salaire horaire de base pendant les périodes sans exécution de mission. Troisièmement, être formé durant le temps de travail, l’employeur étant tenu de prendre en charge les actions de formation et d’abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à temps complet à hauteur de 500 euros supplémentaires par an.
    Le travail à temps partagé aux fins d’employabilité, comme, plus généralement, le travail à temps partagé, obéit à des règles juridiques peu contraignantes. On peut y recourir en l’absence de motif particulier, ce qui limite le risque de requalification du contrat. La durée des missions accomplies pour le compte de l’entreprise utilisatrice n’est pas limitée par la loi, pas plus que le nombre de leur renouvellement. Ainsi le travail à temps partagé se distingue-t-il du travail intérimaire, autre mécanisme de prêt de main-d’œuvre à but lucratif, auquel il ne peut être fait appel que dans un ensemble de situations énumérées par les textes – le remplacement d’un salarié ou l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, par exemple – et pour un temps donné, même si tel n’est plus le cas pour la mission effectuée par un salarié titulaire d’un CDI intérimaire.
    En résumé, le dispositif présente des avantages tant pour le titulaire du contrat, compte tenu des garanties qui lui sont accordées, que pour l’entreprise utilisatrice, compte tenu de la durée relativement longue de la mise à disposition du salarié à son profit et du faible niveau d’insécurité juridique qu’implique l’exécution du contrat. Ce constat corrobore celui que faisaient l’été dernier les rapporteurs de la mission flash chargée d’évaluer cette expérimentation, Fanta Berete et Stéphane Viry.
    Le cadre juridique rappelé, il convient maintenant de dire quelques mots des résultats produits par le dispositif. Hélas, les données relatives à son déploiement sont parcellaires, l’autorité administrative n’ayant été destinataire ni du nombre de contrats signés par les ETTP ni d’aucun autre élément concernant le parcours des personnes recrutées, en dépit de ce que prévoyait la loi. Cette situation tient notamment à l’impossibilité technique pour les employeurs de transmettre ces informations par l’intermédiaire de la déclaration sociale nominative (DSN) ; c’est évidemment regrettable. Toujours est-il que l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) estime que 5 000 CDIE environ auraient été conclus depuis 2018 et que 1 500 environ seraient en cours d’exécution à la fin du premier trimestre de l’année 2023.
    Près de 80 % des titulaires d’un contrat de ce type seraient demandeurs d’emploi depuis six mois au moins ou auraient, au moment de l’embauche, une formation de niveau égal ou inférieur au CAP ou au BEP. Très peu d’entre eux seraient bénéficiaires de minima sociaux ou seraient des personnes en situation de handicap. La très grande majorité appartiendrait à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers et un sur dix à celle des employés. Ils exerceraient surtout dans le secteur de l’industrie – métallurgie, plastique, chimie – et, de plus en plus, dans celui des services – tri et distribution du courrier principalement. Près de 45 % des titulaires d’un CDIE seraient embauchés en CDI à l’issue de leur mission, dans l’entreprise utilisatrice pour la quasi-totalité d’entre eux, ce qui est très encourageant. Toutefois, le manque de recul rend malaisée toute analyse portant sur l’incidence de l’exécution d’un CDIE sur l’insertion professionnelle durable des individus intéressés.
    L’expérimentation étant arrivée à échéance le 31 décembre dernier, la question de la suite que le législateur entend lui réserver se pose inévitablement. Au vu des auditions, il ne serait pas judicieux d’y mettre un terme définitif. Néanmoins, il serait prématuré de s’engager dans la voie de la pérennisation du dispositif compte tenu de l’insuffisance des données disponibles sur son application et de l’impossibilité d’en faire une évaluation en bonne et due forme. C’est pourquoi la commission des affaires sociales, avec mon assentiment, a préféré à la pérennisation proposée la solution consistant à relancer l’expérimentation pour une durée de quatre ans – suffisamment longue pour que son déploiement se poursuive dans de bonnes conditions. À cet effet, elle a entièrement réécrit l’article 1er et, par cohérence, supprimé l’article 2.
    Comme je l’ai dit à l’occasion de l’examen du texte en commission, je considère que la prorogation de l’expérimentation doit être mise à profit pour apporter quelques corrections au dispositif.
    En premier lieu, il est ressorti des travaux que j’ai conduits que les critères d’éligibilité à la conclusion d’un CDIE sont définis de façon trop large ; cela a pour effet d’en ouvrir l’accès à des personnes qui ne rencontrent pas nécessairement des difficultés particulières d’insertion professionnelle. Or cela ne correspond pas à l’esprit de la loi. Pour remédier à ce problème, les commissaires aux affaires sociales ont souhaité que la durée minimale de l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi autorisant la conclusion d’un contrat de ce type soit portée de six à douze mois. Cette modification va dans le bon sens et j’y étais favorable, mais il faut aller plus loin dans la voie du resserrement des critères. C’est le sens d’un amendement que le groupe Démocrate et moi-même avons déposé.
    En deuxième lieu, il me paraît opportun que des garanties supplémentaires soient accordées aux titulaires d’un CDIE dans la perspective d’une plus grande sécurisation de leur parcours professionnel. C’est le sens des amendements identiques que Mme Berete et M. Viry ont déposés et que je soutiens pleinement.
    En troisième et dernier lieu, il est impératif de trouver une solution pour que les données relatives à l’application du dispositif parviennent effectivement à l’autorité administrative, conformément à ce qu’impose la loi depuis l’origine, sans quoi les interrogations et les incertitudes existantes perdureront. Pas plus qu’à l’heure actuelle il ne serait alors possible de l’évaluer entièrement et de se prononcer sur la pertinence de sa pérennisation.
    Aussi, j’invite le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que cet objectif puisse être enfin atteint. À mon sens, la solution la plus efficace réside probablement dans un aménagement des modalités déclaratives en DSN, de telle sorte que le CDIE soit intégré à la liste des contrats susceptibles de figurer dans le dispositif.
    Voilà ce que je voulais vous dire, en quelques minutes, sur cette proposition de loi. Je forme maintenant le vœu que le Parlement légifère dans les meilleurs délais afin que soit garantie, aux salariés et aux entreprises qui appliquent ce dispositif sur le terrain, la visibilité qu’ils sont en droit d’attendre et que nous puissions proposer des CDI et des formations à des personnes à qui le monde du travail n’en propose que trop rarement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Alors que l’Assemblée examine la présente proposition de loi, je tiens tout d’abord à rappeler que le fil conducteur de ma politique en matière de travail s’inscrira bien évidemment dans la ligne des annonces formulées il y a deux jours par le Président de la République : le plein emploi, le plein emploi, le plein emploi.
    L’emploi, c’est l’émancipation et le pouvoir de vivre ; c’est la priorité absolue de la feuille de route que m’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre. Je tiens à remercier les défenseurs de cette proposition de loi d’avoir mis à l’ordre du jour l’enjeu crucial de l’accès à l’emploi pour toutes et tous. C’est un enjeu particulièrement saillant pour les jeunes et les seniors, dans le contexte actuel de tensions sur le marché du travail.
    Nous sommes ouverts à toutes les propositions – particulièrement celles de la représentation nationale – qui permettront d’avancer vers l’objectif du plein emploi. Plus encore, nous voulons favoriser l’accès à l’emploi stable et durable, que le contrat à durée indéterminée continue d’incarner dans notre modèle social. Ces préoccupations sont partagées par les partenaires sociaux, ainsi que par Mme Nicole Notat, dont je veux saluer l’engagement infatigable pour la cause du travail.
    C’est dans cette perspective et dans cet état d’esprit que nous examinons le CDIE. Son ambition, notamment de faciliter les embauches des personnes éloignées de l’emploi, est tout à fait pertinente au regard des objectifs que je viens d’évoquer. La démarche de l’expérimentation, visant à prouver son efficacité avant de généraliser le dispositif, est tout aussi pertinente. En tant qu’élue locale, je crois aux solutions concrètes éprouvées aux réalités du terrain et répondant aux besoins de nos concitoyens.
    Cependant, ces dernières années, le contexte a complexifié la conduite et l’évaluation de l’expérimentation lancée en 2018. À nos yeux, il est donc indispensable de prolonger cette expérimentation, afin d’avoir plus de recul pour décider ou non d’une généralisation. L’écueil auquel nous faisons face est justement celui du manque de données. Permettez-moi à cet égard de saluer les travaux de la commission, notamment ceux du rapporteur Nicolas Turquois, que je remercie à nouveau, ainsi que ceux des députés Fanta Berete et Stéphane Viry ; dans le cadre de leur mission flash, ils ont mené de nombreuses auditions et dressé un premier bilan du CDIE.
    Ces travaux et ces échanges permettent d’aboutir à une solution raisonnable visant à prolonger le dispositif pour quatre années – une durée à laquelle je sais que vous tenez particulièrement, monsieur le rapporteur.
    Je m’y engage : ensemble, mesdames et messieurs les députés, nous créerons les conditions d’un suivi efficace. À cette fin, je réponds à la question que vous venez de poser en annonçant la publication du rapport de l’Igas, l’un des moyens dont nous disposons pour suivre cette expérimentation.
    Le CDIE me semble d’autant plus intéressant qu’en matière de formation, il ouvre des droits à ceux qui en ont le plus besoin, qui se trouvent également être ceux qui en bénéficient le moins.
    En ce qui concerne les amendements, je soutiens pleinement les propositions qui visent à faire évoluer le périmètre des bénéficiaires du CDIE. D’accès plus restreint et plus ciblé, ce sont les personnes les plus vulnérables, car les plus éloignées de l’emploi, c’est-à-dire celles que nous devons aider, qui en bénéficieront. Je suis bien sûr favorable à l’introduction de nouvelles garanties pour les titulaires d’un CDIE embauchés par une entreprise utilisatrice : le maintien de l’ancienneté ou la suppression du préavis de démission sont deux parfaits exemples de mesures simples et concrètes, au profit de toutes les parties.
    Je veux enfin avoir un mot pour les représentants du secteur de l’intérim, dont je connais, comme vous, les réserves à l’égard du CDIE. Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre travail : vous avez pris en considération les positions et arguments des uns et des autres, sans trahir votre conviction et l’esprit initial du texte, sans renoncer à l’attention toute particulière que vous souhaitez porter aux jeunes les moins qualifiés et aux seniors.
    Je ne souhaite donc aucune concurrence entre acteurs, mais seulement une action résolue et collective en faveur de l’emploi. C’est pourquoi je me félicite – j’y insiste – que nous nous donnions les moyens de prolonger l’expérimentation du CDIE dans les meilleures conditions. Mesdames et messieurs les députés, soyez certains de mon engagement pour le plein emploi, pour l’accès de chacun à un emploi stable et de qualité. Je sais pouvoir compter sur votre engagement et serai ravie de travailler plus amplement à vos côtés.

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Voilà quelques mois, j’ai eu le plaisir de défendre, avec le rapporteur, pour le groupe Démocrate un texte auquel nous sommes profondément attachés. Alors que les Français expriment de nouvelles attentes dans leur rapport au travail, ce texte visait à adapter Pôle Emploi et à le transformer en France Travail, pour inclure ceux qui en sont le plus éloignés. Ceux-là mêmes qui sont relégués au second plan par des politiques d’embauche inadaptées ou qui sont contraints au chômage de longue durée, faute d’une formation idoine, d’une possibilité de reconversion ou, tout simplement, d’accompagnement. Or personne n’est inemployable et chacun a droit à une nouvelle chance – grâce à la formation, à l’accompagnement, à la facilitation des mobilités professionnelles ou encore à la promotion de logiques de parcours, dispositifs devant particulièrement favoriser la levée des freins à l’emploi, comme la difficulté de faire garder ses enfants. Le texte que j’évoque, c’est celui sur le plein emploi.
    Aujourd’hui, nous sommes fiers de pouvoir enrichir ce dernier par la proposition de loi de notre collègue Nicolas Turquois. Son objectif, comme celui du dispositif que nous souhaitons pérenniser, est bien de résorber les inégalités d’accès à l’emploi, d’agir contre les discriminations à l’embauche et de favoriser l’accès des publics confrontés à la précarité professionnelle à un emploi stable et durable.
    Pour rappel, le CDIE s’adresse prioritairement aux personnes inscrites à France Travail, aux bénéficiaires des minima sociaux, aux personnes handicapées, ainsi qu’aux actifs de plus de 50 ans ou dont le niveau de formation est inférieur au baccalauréat. Par ailleurs, les entreprises peuvent avoir recours sans motif particulier à des salariés titulaires d’un CDIE, possibilité que ne laissent pas les conditions strictes qui encadrent le recours à l’intérim. Quant à elle, l’entreprise de travail à temps partagé prend en charge des actions de formation et abonde le compte personnel de formation des salariés à hauteur de 500 euros par an. Le CDIE constitue une nouvelle forme de mise à disposition temporaire de salariés, entre deux entreprises.
    Malgré un déploiement entravé par la crise sanitaire et des données d’évaluation malheureusement trop parcellaires, nous pouvons constater que le dispositif a rempli une bonne part de ses objectifs. Près de 80 % des titulaires d’un CDIE étaient inscrits à France Travail depuis au moins six mois ou présentaient, au moment de leur embauche, un niveau de formation égal ou inférieur au CAP ou au BEP. De plus, près de 45 % de ces salariés ont été embauchés en CDI à l’issue de leur mission dans l’entreprise utilisatrice.
    Ainsi, des personnes qui ne se seraient jamais vues proposer un CDI en temps normal ont bénéficié d’un contrat, d’une formation et, en définitive, d’un emploi durable. La plupart des acteurs auditionnés ont mis en avant la souplesse qu’offre le CDIE, mais également le fait qu’il permet d’intégrer des profils et de développer des compétences rares au sein d’un bassin d’emploi. Les représentants des deux entreprises qui ont eu le plus recours au CDIE ont souligné que le pourcentage de salariés âgés de plus de 50 ans était le plus important de la cohorte des titulaires de ce contrat, prouvant ainsi que le CDIE touche ses publics cible.
    Le CDIE donne la possibilité d’intégrer des personnes très éloignées de l’emploi et d’investir dans leur formation. D’autres contrats offrent évidemment cette possibilité, notamment le contrat de travail intermittent (CDII), que les entreprises jugent toutefois moins souple.
    Au-delà des auditions, l’intérêt que présente le CDIE pour ses parties prenantes – salariés ou entreprises – a été mis en lumière par le rapport de nos collègues Berete et Viry, chargés d’une mission flash d’évaluation pour le compte de la commission des affaires sociales. Ce rapport plaide pour le maintien du CDIE, à plus forte raison dans le contexte d’une hausse – même faible – du taux de chômage.
    De nombreux amendements des différents groupes ont utilement complété le texte initial et d’autres le feront dans la suite des débats. Toujours dans une logique d’inclusion et d’efficacité du dispositif, nous proposerons notamment un aménagement des critères d’éligibilité au CDIE, comme l’a rappelé le rapporteur, afin que les personnes qui rencontrent d’importantes difficultés d’insertion professionnelle puissent en bénéficier prioritairement. Nous devrons également améliorer la remontée et l’analyse des données relatives au CDIE.
    En raison de l’absence de véhicule législatif permettant de pérenniser ou de prolonger le dispositif, le CDIE était amené à disparaître. Je me réjouis donc de ce texte. Animé de la conviction que nul ne doit être laissé au bord du chemin de l’insertion professionnelle, le groupe Démocrate espère qu’il trouvera un écho favorable sur l’ensemble des bancs de notre Assemblée. (M. Éric Martineau applaudit)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Reconnaissons-le : l’intérêt de cette proposition de loi est de prolonger une expérimentation, afin d’obtenir les résultats tangibles qui manquent encore. En effet, il est toujours préférable de disposer de tels résultats quand une réforme du marché du travail et l’accès de toutes et tous à un emploi de qualité sont en jeu ; et, pour cette raison, le groupe Socialistes et apparentés votera pour cette proposition de loi.
    Cela étant dit, permettez-moi de m’étonner, monsieur le rapporteur, madame la ministre, de la prolongation d’une expérimentation qui va à l’encontre de votre vision de l’emploi et du plein emploi, vision partagée par le Président de la République et par votre prédécesseur, Olivier Dussopt, que je salue et dont je regrette l’absence, lui qui en était l’ardent promoteur. Cette vision du plein emploi a du reste été celle de tous les gouvernements d’Emmanuel Macron.
    La vision qu’a le Gouvernement du marché du travail ne se résume pas au mantra du plein emploi : selon cette vision libérale, il importe de viser le fonctionnement optimal du marché du travail, mais sans en corriger les déséquilibres qui y sont inhérents. Vous avez mené une série de réformes et vous, madame la ministre, en êtes la comptable. Une première réforme a stigmatisé les allocataires de l’assurance chômage, en tant que responsables de leur situation et des déséquilibres du marché du travail, en les incitant, selon une logique libérale, à trouver un emploi en leur tapant sur la tête. Vous avez agi de la même manière récemment avec la réforme du RSA qui, du fait de la transformation de France Travail, du renforcement des sanctions et du fait d’autres mesures, place les allocataires du RSA sous contrainte, au motif que, présumés paresseux, ils seraient responsables de leur situation.

    M. Laurent Croizier

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    Ça, c’est vous qui le dites ! Ce n’est pas bien de dire ça !

    M. Arthur Delaporte

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    Telle est la philosophie de votre gouvernement, pour qui le sous-emploi ne résulte que du manque de volonté des individus et de la faiblesse de leurs motivations à s’insérer correctement. C’est pourquoi, madame la ministre, vous comprendrez que même si nous votons cette prolongation d’expérimentation, nos deux philosophies s’opposent. Elles sont diamétralement opposées, puisqu’alors que vos discours promettent la lutte contre les freins périphériques à l’emploi, vos actes, en réalité, mettent toujours un peu plus la tête des personnes en situation de précarité sous l’eau. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
    Nous en avons des exemples et ils sont nombreux. Il suffit d’ailleurs de se rendre à différentes cérémonies de vœux et d’écouter les personnes qui viennent à notre rencontre : ceux-ci nous disent tout simplement qu’ils ne peuvent pas vivre de leur travail, qu’ils subissent leur emploi à temps partiel ou encore qu’en tant que parents isolés, la garde de leurs enfants est leur priorité. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur : parmi les différents freins à l’emploi se trouve celui de la santé. Contrairement à ce qu’affirme le Président de la République, il y a encore des déserts médicaux en France. En tant que ministre de la santé, vous devrez vous y intéresser et peut-être, contrairement à ce que propose le Président de la République, envisager une régulation plus forte de l’accès aux soins (M. Inaki Echaniz applaudit) et la lutte contre les déserts médicaux, pour permettre aux Français de se soigner et, partant, de reprendre le travail.

    M. Laurent Croizier

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    Combien de temps allez-vous répéter ces mensonges ?

    M. Arthur Delaporte

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    En attendant, plutôt que de lutter contre les déserts médicaux, vous préférez taper sur ceux qui ne retrouvent pas d’emploi.

    M. Inaki Echaniz

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    Très juste !

    M. Arthur Delaporte

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    Oui, nos visions sont différentes et nous ne considérons pas, comme le soutenait la ministre de l’éducation nationale, qu’un travail est mal payé quand il est rémunéré à hauteur de 35 000 euros net mensuels, mais que le travail est mal payé quand il est rémunéré à hauteur du Smic. En effet, vous ne revalorisez pas suffisamment le niveau du Smic : vous devriez l’indexer sur l’inflation, revaloriser l’ensemble de l’échelle des salaires et convoquer la conférence sociale qui avait pourtant été annoncée.

    M. Marc Ferracci

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    Le Smic est déjà indexé sur l’inflation ! Vous demandez certainement l’indexation des salaires.

    M. Arthur Delaporte

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    Vous avez raison, M. Ferracci, le Smic est déjà indexé sur le niveau de l’inflation, mais les plus bas salaires sont ceux qui subissent le plus l’inflation. Alors que le Président de la République l’a annoncée il y a six mois, nous attendons toujours la conférence sociale qui doit permettre de revaloriser toute l’échelle des salaires car la modeste évolution du Smic ne rattrape pas l’évolution des prix.
    Merci pour votre travail, monsieur le rapporteur, mais pour un travail digne, il reste beaucoup à faire.

    M. Inaki Echaniz

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    Bravo !

    Mme Sandra Marsaud

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    Il faut aussi travailler sur la pénibilité.

    M. Laurent Croizier

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    Concrètement, on ne fait rien, on laisse la situation en l’état : voilà bien la politique du Parti socialiste !

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas ce que j’ai dit. Au contraire, j’ai proposé de nombreuses solutions !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Nous examinons la proposition de loi relative au travail à temps partagé, aux fins d’employabilité, défendue par notre collègue Nicolas Turquois et le groupe Démocrate à l’occasion de leur journée d’initiative parlementaire. Lors de son examen en commission des affaires sociales, cette proposition de loi a été renommée. En effet, la commission a adopté des amendements de la majorité comme de l’opposition, visant à modifier le titre et l’article 1er qui avait pour objectif initial la généralisation du dispositif. Ces amendements permettent également de préciser que ce dispositif est bien soumis au cadre juridique du travail à temps partagé de droit commun, bien que ce soit déjà le cas en pratique.
    Pour rappel, ce dispositif a vu le jour grâce à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée en 2018. Cependant, son déploiement avait été grandement entravé par la crise de la covid-19 entraînant, au mois de décembre 2020, le vote à une large majorité de sa prolongation pour trois ans, inscrite dans la loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée.
    L’expérimentation est arrivée à échéance à la toute fin de l’année 2023. Dès lors, la question de l’avenir de ce dispositif s’est imposée naturellement dans nos échanges. Il a notamment fait l’objet de débats dès le début des discussions sur le projet de loi pour le plein emploi, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur avec Christine Le Nabour. J’avais ainsi eu l’occasion, monsieur le rapporteur, d’apporter tout mon soutien à votre réflexion. Des amendements avaient même été déposés en ce sens par les trois groupes de la majorité et par certains députés du groupe Les Républicains. Ils visaient à prolonger le dispositif, afin d’en avoir une évaluation plus complète, tout en restreignant ses critères d’éligibilité. Ils n’ont cependant pu être examinés, ayant été considérés comme des cavaliers législatifs. Je me réjouis ainsi que le groupe Démocrate et vous-même, monsieur le rapporteur, nous donnent l’occasion de travailler de nouveau à l’avenir de ce dispositif.
    Les données parcellaires dont nous disposons ne nous permettent pas d’envisager sereinement la généralisation du dispositif pour l’instant – cette analyse fait je crois l’unanimité dans l’hémicycle. Nous devons entendre les interrogations de certains, en particulier dans le secteur de l’intérim – vous l’avez rappelé, madame la ministre – et comprendre que nous avons tous besoin de davantage de temps et de données afin de nous décider de manière éclairée sur les suites à lui donner.
    Comme j’ai eu l’occasion de le répéter pendant l’examen du projet de loi, la recherche du plein emploi est une priorité nationale. Malgré un marché du travail très favorable, caractérisé par un taux de chômage historiquement bas à 7,4 %, une partie de nos concitoyens reste durablement éloignée de l’emploi, enfermée dans une situation de très grande précarité.
    Pour atteindre le plein emploi, nous devons donc aider nos concitoyens les plus éloignés de l’emploi et les chefs d’entreprise à se rencontrer. Ainsi, nous nous devons de rechercher et d’expérimenter des dispositifs comme celui-ci, lequel pourrait être un outil de plus à la main des employés, qui pourraient avoir accès à un emploi durable, comme des employeurs, en vue d’établir entre eux une relation de confiance.
    Dans le cadre de la mission flash créée par la commission des affaires sociales sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d’employabilité, nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry ont étudié le profil des bénéficiaires du dispositif grâce aux données relatives aux 10 000 CDIE recensés depuis l’entrée en vigueur de ce dernier. Dans leurs conclusions, ils appelaient de leurs vœux une traduction législative de la prolongation de cette expérimentation recentrée. En phase avec ces recommandations et pour répondre notamment aux craintes de certains acteurs économiques, le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Nous examinons un texte proposé par le groupe Démocrate qui vise à prolonger un dispositif expérimenté depuis 2018, le contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité. Son objectif affiché est de favoriser l’accès d’un public précaire à un emploi stable. L’expérimentation de ce dispositif devait prendre fin il y a quelques jours, d’où la nécessité d’un nouveau texte.
    Je vous propose de nous attarder quelques instants sur les raisons conduisant à proposer ce type d’expérimentation. Comment en arrive-t-on à prendre ce type de mesures, à savoir la fameuse flexibilité défendue par Emmanuel Macron depuis 2017 et pratiquée par les libéraux depuis déjà une quinzaine d’années ? Après avoir facilité les licenciements, plafonné les indemnités prud’homales, encouragé les contrats courts, créé les contrats de chantier afin d’embaucher des personnes qui réaliseraient une seule mission, après avoir multiplié le recours aux apprentis, c’est-à-dire à une main-d’œuvre quasi gratuite, ce qui devrait nous faire honte, après avoir réduit l’inspection du travail à peau de chagrin – rappelons qu’en dix ans, nous sommes passés de 2 200 à moins de 1 700 inspecteurs pour près de 2,2 millions d’entreprises et 20 millions de salariés du secteur privé –, on nous propose aujourd’hui d’atténuer les effets de ces mesures. Votre irresponsabilité a provoqué la situation absurde que connaissent notamment les travailleurs.

    M. Arthur Delaporte

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    C’est vrai !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Mais revenons-en au texte. En l’absence d’évaluation de cette expérimentation et après avoir entendu les réserves des syndicats lors des auditions, nous nous sommes opposés en commission à l’idée d’inscrire définitivement ce dispositif dans la loi. Le rapporteur nous a suivis, les amendements ont été adoptés et, in fine, la proposition de loi vise à prolonger l’expérimentation.
    Nous l’acceptons d’autant plus que le déploiement du dispositif n’a pas été immédiat. Il a été rapidement entravé par la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid-19. En conséquence, le groupe Écologiste-NUPES votera ce texte. Nous attendons toutefois avec impatience les résultats de l’enquête de l’Igas. Nous demandons au Gouvernement de tout faire pour qu’elle puisse nous être présentée dans les meilleurs délais,…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je m’y suis engagée.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    …afin que le Parlement puisse ensuite se prononcer sur cette expérimentation et décide ou non de la pérenniser dans la loi. (M. Arthur Delaporte applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Le contrat de travail à temps partagé aux fins d’employabilité, censé favoriser l’insertion et la stabilité professionnelles pour les personnes très éloignées de l’emploi, a été introduit en 2018, à titre expérimental, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2021, cette expérimentation a déjà été reconduite jusqu’au 31 décembre 2023.
    À l’origine, le groupe Démocrate souhaitait inscrire ce dispositif dans le droit commun. Devant l’opposition ferme et unanime des organisations syndicales auditionnées par le rapporteur Nicolas Turquois, vous revenez devant nous avec une proposition de loi qui se limiterait à prolonger à nouveau l’expérimentation pour une durée de quatre ans. Cette expérimentation durerait donc huit années.
    Par ailleurs, vous avez supprimé de la proposition de loi initiale les quelques dispositions qui encadraient mieux ce dispositif et qui visaient à sanctionner financièrement les employeurs qui ne respecteraient pas les termes du contrat aux fins d’employabilité. Votre ambition est de favoriser le plein emploi. Nous pensons aussi que le chômage est une calamité qui abîme de nombreuses vies. Mais l’emploi dégradé, sous-payé, sous-qualifié, sous pression est aussi une calamité qui abîme les travailleurs.
    Ainsi, avant de décider de proroger pour quatre longues années l’expérimentation de ce contrat, il convient, à tout le moins, de savoir s’il atteint bien ses objectifs d’insertion professionnelle et de stabilité sociale. Or, vous le savez, nous ne disposons d’aucune évaluation précise. Bien que la loi de 2018 ait prévu une obligation de communication pour l’employeur des informations afférentes aux contrats signés, les remontées ont été très rares.
    C’est pourquoi le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion a confié à l’Igas une mission d’évaluation de l’expérimentation. Toutefois, de manière étrange, ce rapport ne sera rendu public qu’après le vote de cette proposition de loi. À l’heure actuelle, nous ignorons donc précisément combien de personnes bénéficient de ce contrat, qui elles sont, le niveau de qualification auquel elles sont recrutées, le niveau et le type de qualification qu’elles acquièrent dans le cadre du dispositif, la durée moyenne des contrats, la rémunération moyenne qu’ils stipulent. Nous n’avons même pas l’assurance que le salaire de base sera maintenu pendant les périodes d’intermission ni que l’accompagnement en matière de formation sera à la hauteur. Nous ignorons l’essentiel et le peu que nous savons n’est guère rassurant. Comme on dit en Auvergne : vous nous vendez un âne dans un sac.
    Le contrat de travail à temps partagé à des fins d’employabilité est certes un CDI, mais il n’ouvre aux salariés que des droits restrictifs. Les entreprises à temps partagé n’appartiennent à aucune branche. Ainsi, les avantages et les protections liés aux branches n’existent pas pour ces salariés. Ce contrat est globalement régi par des règles très peu contraignantes pour les employeurs. Du reste, les rapporteurs de la mission flash sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d’employabilité l’ont exprimé avec un certain cynisme. C’est un dispositif très flexible, mais qui, néanmoins, au vu des retours qui nous ont été faits, protège quand même les travailleurs. Nous sommes en France, nous avons un droit du travail. Quel que soit le contrat, tous les jours, les gens peuvent saisir le conseil des prud’hommes.
    Quel que soit le travailleur concerné mais, à plus forte raison encore, quand il s’agit de personnes éloignées de l’emploi, il n’est ni correct ni sérieux de justifier les méfaits de la flexibilité pour les salariés en les orientant vers les recours contentieux. Pour toutes ces raisons, nous ne souscrivons pas à une expérimentation qui sera prolongée de quatre ans. Une année – j’y insiste – nous paraîtrait largement suffisante afin de disposer du rapport de l’Igas et d’examiner avec les organisations syndicales la pertinence d’un tel contrat. Mme la ministre nous a dit que ce rapport serait rendu d’ici peu. Je ne vais pas reprendre Lénine (Mme la ministre sourit), mais je dirais : ne faites pas preuve d’une impatience petite-bourgeoise. (M. Hadrien Clouet et Mme Marie-Charlotte Garin applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Le groupe LIOT, que je représente, défend l’idée que la question du retour à l’emploi ne doit pas uniquement être pensée de manière quantitative mais surtout de manière qualitative. Nous sommes convaincus qu’une bonne politique de l’emploi, grâce à des outils d’insertion et d’accompagnement adaptés, permet d’atteindre les personnes éloignées du marché du travail. C’est une tâche de longue haleine, qui devient plus ardue encore si l’on veut concilier cette ambition avec celle de l’accès à un travail de qualité. Nous partageons l’esprit du dispositif du CDI employabilité, qui s’inscrit dans une logique de lutte contre les temps partiels subis. Il offre d’indéniables atouts non seulement, bien sûr, pour les entreprises, mais aussi pour les salariés qui peuvent bénéficier d’un CDI et par là même de la protection sociale, de l’accès au logement, du maintien du salaire entre les missions. Le volet formation du CDIE constitue un atout supplémentaire, ce que nous n’avons pas manqué de rappeler lors de l’examen du texte en commission.
    Néanmoins, notre groupe a exprimé de fortes réserves sur la pérennisation des CDIE. À tout le moins, nous proposions de suivre les recommandations de la mission flash quant à la prorogation de l’expérimentation jusqu’en 2025. Nous sommes donc satisfaits que la commission soit allée dans ce sens. En effet, les premiers bilans indiquent que si le nombre de CDI signés a été en progression, il demeure peu élevé, alors que les conditions d’accès sont très souples et attractives. La crise sanitaire a certes joué un rôle indéniable mais on doit s’interroger sur les raisons de ce faible recours.
    Malheureusement, le premier obstacle à la généralisation du dispositif demeure l’absence d’évaluation solide. Il est anormal que les entreprises n’aient pas rempli leur obligation de fournir des informations deux fois par an sur le recours au CDIE.
    Nous regrettons également ne pas avoir reçu à ce jour le rapport de l’Igas. Comment dès lors connaître le nombre exact de CDIE, le profil des salariés, la durée et le type de missions, les formations effectuées, le nombre d’embauches et d’insertions durables ? À défaut du rapport de l’Igas, le rapport de la mission flash de nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry nous éclaire mais reste lacunaire, faute, précisément, de pouvoir accéder aux données. Il soulève en outre des questions auxquelles votre proposition de loi ne répond pas. La flexibilité apportée aux entreprises ne doit pas être synonyme de précarité pour les salariés – or l’absence de cadre juridique et de sanctions en cas d’abus fait courir ce risque.
    Nous devons aussi nous interroger sur le fait que les retours parcellaires de l’expérimentation montrent que c’est principalement les grands groupes qui ont recours à ce type de contrat – les groupes La Poste ou Renault, par exemple. Pourquoi les PME y recourent-elles moins ? Faute d’évaluation complète, nous ne pouvons répondre à la question de la coexistence des deux dispositifs que sont les CDI employabilité et les CDI intérimaires, voire de la concurrence entre ceux-ci.
    Au regard de tous ces éléments, nous nous retrouvons dans les recommandations de la mission flash. Premièrement, il faut prolonger l’expérimentation jusqu’en 2025. Deuxièmement, nous devons tirer les premiers enseignements en encadrant davantage le dispositif. Nous nous interrogeons également sur l’opportunité, d’une part, de restreindre le champ des publics concernés, afin que ce dispositif bénéficie en premier lieu aux personnes les plus éloignées de l’emploi – les bénéficiaires de minima sociaux, les personnes en situation de handicap, les seniors –, d’autre part, de prévoir une durée minimale pour les missions.
    En définitive, vous l’aurez compris, nous nous interrogeons avant tout sur la méthode. Nous sommes attachés au respect d’un processus précis : expérimentation, évaluation, correction et, enfin, éventuellement, généralisation. C’est pourquoi nous proposons des amendements afin, d’une part, de prolonger de deux ans l’expérimentation et, d’autre part, de tirer les conséquences des premiers retours pour mieux sanctionner les abus et les détournements du dispositif. (Mme Michèle Peyron applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc Ferracci.

    M. Marc Ferracci

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    La question du travail est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. La majorité n’a cessé d’agir, lançant des réformes ambitieuses telles que celles des lycées professionnels, de l’assurance chômage ou de France Travail, qui n’ont qu’un seul objectif : le plein emploi, mais aussi le bon emploi qui suppose, en particulier, de lutter contre la précarité engendrée par les contrats courts.
    Le Président de la République l’a rappelé ces derniers jours, cet objectif reste prioritaire. De nouveaux chantiers seront prochainement entamés afin de connaître encore plus de résultats que ceux, incontestables, obtenus depuis six ans – notamment la baisse de près de deux points du taux de chômage.
    Pour y parvenir, nous devons nous attaquer aux formes de chômage les plus complexes, en aidant notamment celles et ceux qui demeurent particulièrement éloignés de l’emploi. Nous devons aussi favoriser l’emploi stable en CDI, dont la part dans les embauches est en constante augmentation depuis 2017. Ainsi, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 a introduit à titre expérimental le CDIE, destiné aux personnes qui rencontrent des difficultés particulières d’insertion professionnelle, en situation de chômage de longue durée, bénéficiant de minima sociaux ou d’un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat.
    Le CDIE accorde souplesse et sécurité à la fois au salarié et à l’entreprise de travail à temps partagé. Grâce à lui, l’employeur bénéficie d’un cadre peu contraignant – en comparaison du CDI intérimaire –, soumis à un faible formalisme, sans limite de durée et moins cher qu’un CDI classique, tandis que les salariés disposent quant à eux des droits inhérents au contrat à durée indéterminée, dont nous savons qu’il permet de s’insérer plus aisément dans la vie sociale. Le CDIE leur permet également de bénéficier, durant leur temps de travail, d’actions de formation, sanctionnées par la délivrance d’une certification professionnelle ou l’acquisition d’un bloc de compétences, ainsi que d’un abondement de 500 euros de leur CPF par année de présence.
    Ces différents éléments sont susceptibles de rendre le CDIE utile pour accompagner les publics les plus fortement confrontés aux difficultés d’insertion professionnelle. Toutefois, les données compilées par la mission flash menée pour la commission des affaires sociales par nos collègues Fanta Berete et Stéphane Viry – dont je salue le travail –, montrent qu’il n’a pas encore pleinement trouvé son public. Seuls 7 000 CDIE environ auraient été conclus depuis l’entrée en vigueur du dispositif, un chiffre assez éloigné de l’ambition initiale.
    Par ailleurs, puisque les données manquent, mesurer finement ses effets concrets demeure assez complexe. La mission flash a ainsi constaté que l’obligation imposée aux employeurs ayant recours aux CDIE de faire remonter à l’autorité administrative, deux fois par an, un certain nombre d’informations – le nombre de contrats signés, les caractéristiques des employés ou encore les formations suivies –, n’a pas été respectée. Il est donc difficile, à ce stade, de déterminer précisément le ciblage des publics concernés ainsi que les effets concrets du dispositif, notamment sur les trajectoires professionnelles et l’insertion durable dans l’emploi. Pour y remédier, il a été confié à l’Igas une mission d’évaluation de l’expérimentation, laquelle n’a pas encore rendu ses conclusions – nous les attendons avec impatience, madame la ministre.
    L’expérimentation ayant pris fin le 31 décembre 2023, s’est donc posée, en fonction des éléments disponibles, et en l’absence du rapport de l’Igas, la question de l’avenir du dispositif. La présente proposition de loi visait initialement à le généraliser, mais les éléments que je viens d’évoquer – et l’incertitude qu’ils font naître sur ses effets réels – ont conduit la commission des affaires sociales à transformer, sur proposition, notamment, du groupe Renaissance, la généralisation en une prolongation de l’expérimentation pour quatre années supplémentaires – qui devront permettre de juger pleinement de l’efficacité du CDIE avant de se prononcer, de manière éclairée, sur sa généralisation.
    Cette évolution était préconisée par la mission flash, qui jugeait prématuré de mettre un terme à l’expérimentation et recommandait, au vu de ses résultats, jugés encourageants, sa prolongation. Le groupe Renaissance votera donc cette proposition de loi et soutiendra par ailleurs les amendements visant à resserrer davantage le dispositif sur les publics les plus éloignés de l’emploi et à renforcer les droits de ses bénéficiaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions. – M. Richard Ramos applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Victor Catteau.

    M. Victor Catteau

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    Dans son autobiographie poétique Une saison en enfer, Arthur Rimbaud parle du travail ainsi : « La vie fleurit par le travail. » Je souhaite que nos débats soient éclairés par ces mots, qui nous invitent tout d’abord à nous questionner sur la valeur et le sens que nous souhaitons donner au travail.
    À titre personnel, je perçois le travail non seulement comme un moteur de réussite, mais aussi comme un vecteur d’épanouissement personnel et social. C’est pourquoi je suis persuadé, tout comme l’ensemble de mes collègues du groupe Rassemblement national, que chaque Français doit pouvoir trouver un emploi et travailler. Si le Gouvernement ne parvient pas à réaliser ce souhait, il y va alors de la responsabilité du législateur, la nôtre, de trouver des solutions pour y parvenir.
    Cela est d’autant plus vrai s’agissant des individus aujourd’hui éloignés de l’emploi. Je pense que nous sommes tous d’accord ici pour dire qu’il est impératif que des mesures soient prises pour leur permettre de trouver le plus rapidement et le plus simplement possible un emploi stable et durable.
    Le CDIE que nous examinons était censé aller dans ce sens. Il a été conçu comme un outil devant permettre de rapprocher de l’emploi ceux qui en étaient le plus éloignés, en ciblant plus particulièrement les demandeurs d’emploi, les seniors, les personnes souffrant de handicap ou encore ceux disposant d’un niveau de formation inférieur au baccalauréat. Il devait permettre à ce public de bénéficier de la protection sociale offerte par un CDI. En contrepartie, les employeurs bénéficiaient d’un contrat moins coûteux et d’un cadre juridique plus souple que celui du contrat à durée indéterminée intérimaire.
    Comme notre groupe l’a souligné lors de la présentation des conclusions de la mission flash en juillet dernier, puis lors des débats en commission des affaires sociales en décembre, il ne faut toutefois pas ignorer les mauvais penchants de ce nouveau contrat. Les professionnels du monde intérimaire et les organisations syndicales ont clairement expliqué qu’il pouvait conduire du fait de son moindre coût et de sa simplicité, à une situation de concurrence à la fois déloyale et inutile avec le CDI intérimaire. Cependant, n’oublions pas que si ce dernier est plus complexe et plus onéreux pour les employeurs, c’est parce qu’il résulte de plusieurs années de concertations et de négociations entre les différents partenaires sociaux, lesquels nous ont également alertés sur l’effet d’aubaine engendré par ce contrat, dont le coût pour les employeurs est, je le rappelle, inférieur de 12 % à celui du CDI intérimaire – différence s’expliquant notamment par le fait que les employés ne bénéficient ni de prime de fin de contrat, ni de régime de prévoyance, ni de mutuelle, ni des avantages liés au comité social et économique (CSE), ni des mécanismes de partage de la valeur.
    Ce contrat aide mais reste donc précarisant, ce que nous aurions pu tolérer s’il remplissait pleinement son objectif initial auprès des personnes éloignées de l’emploi. Or il ressort des témoignages et des premiers retours que ce n’est pas réellement le cas et qu’un certain nombre de signataires de CDIE ne rentrent pas dans la liste des personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle. Cela a poussé le groupe Rassemblement national à s’opposer en commission à la généralisation de ce dispositif et à demander plutôt une simple prolongation, dans l’attente d’informations supplémentaires à son sujet. Nous avons été heureux de constater que cette demande de bon sens avait été acceptée.
    Nous nous interrogeons à présent sur la volonté du rapporteur de prolonger l’expérimentation du CDIE jusqu’en 2028, alors que l’Igas devait rendre son rapport en août dernier. Nul doute qu’il sera publié avant 2028 – madame la ministre l’a affirmé. Pourquoi, dans ces conditions, devrions-nous voter une prolongation aussi lointaine alors que nous recevrons bientôt des informations détaillées sur les effets du dispositif ? Nous sommes invités à approuver son extension prolongée, voire très prolongée ; puis il nous sera demandé, après avoir reçu les conclusions de l’Igas qui nous éclaireront sur la nécessité de le supprimer ou de le modifier, de voter à nouveau. Cette manière de procéder semble dépourvue de logique. Il serait plus judicieux de réexaminer le CDIE dès réception de ce rapport pour décider de ses éventuelles modifications, ou même de son abandon si les résultats ne correspondent pas à nos attentes.
    Le groupe Rassemblement national ne s’oppose donc pas à une prolongation du CDIE, à condition qu’elle soit réfléchie et ajustée. Nous soutenons une approche plus prudente, permettant une réévaluation périodique du dispositif à la lumière des données et nous assurant de progresser de manière responsable, en phase avec les objectifs initiaux du CDIE et les besoins réels du marché du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Nous sommes le 18 janvier. Vous aurez donc tenu à peu près quinze jours avant d’essayer de nous vendre un nouveau contrat précaire – je dis bien « nouveau », puisqu’on parle aujourd’hui du CDI d’employabilité, contrat précaire qui devait disparaître le 31 décembre dernier et au sujet duquel on devait disposer d’un rapport qui fait défaut. Sur la base d’informations manquantes, vous jugez bon de le prolonger. Pourquoi « précaire » ? Parce que ce CDI dit d’employabilité est un contrat, signé avec une entreprise, qui vous met à disposition d’autres entreprises. C’est là l’intérêt, et le piège, car le salarié signataire n’a pas accès aux avantages du CSE : le repas du personnel, les bons d’achat, les places de cinéma – tout ça saute ! Il n’est pas non plus protégé par les conventions collectives de l’entreprise utilisatrice.
    On a bien compris, avec notre collègue Margueritte, que la majorité comptait retirer aux salariés la protection des conventions collectives, et peut-être vous avancez-vous en la matière. Le CDIE ne permet pas non plus au salarié de bénéficier de l’intéressement et de la participation. Pourtant, vous disiez il y a quelques mois être opposés – vous en souvenez-vous ? – à la hausse des salaires et lui préférer la participation et l’intéressement. En fait, vous vouliez empêcher la hausse des salaires et, à présent, vous souhaitez retirer à une partie du salariat l’intéressement et la participation. (M. Maxime Laisney applaudit.)
    Bilan : des salaires très rabougris, avec un revenu moyen de 1 800 euros brut. Comme souvent en Macronie, pour saisir de quoi l’on parle, il suffit d’inverser les termes : vous dites CDI d’employabilité ; il s’agit en fait d’intérim de sous-emploi. Et ce, pour combien de temps ? Trois ans en moyenne. Eh bien, laissez-moi vous le dire : exercer une activité professionnelle et s’investir dans des projets durant trois ans doit déboucher sur un CDI, un point c’est tout !
    À quoi bon inventer en permanence, à chaque problème, de nouveaux contrats précaires ? C’est vraiment une obsession du Gouvernement – celui-ci s’inscrivant dans les pas du précédent : pour faire face aux problèmes d’insertion, nous n’avons qu’à créer un contrat pour chaque catégorie de la population en insertion. Puis un contrat pour les années bissextiles, pour les années trop chaudes, trop froides, et un contrat quand il pleut… Ça suffit ! On ne va pas inventer un contrat précaire à chaque fois que vous découvrez un problème sur le marché du travail. D’autant que vous ne répondez pas à ce problème puisque si le CDIE, au début, visait bien à insérer les gens, on constate que les signataires de ce contrat sont avant tout d’anciens ouvriers, souvent victimes de plans de licenciement, qui se retrouvent empêchés par ce biais de retrouver un CDI. Vous pratiquez donc bien l’insertion… dans le cadre d’une double peine.
    Vous ne l’ignorez pas complètement d’ailleurs puisque vous vouliez d’abord pérenniser le CDIE – nous en avons discuté en commission avec M. le rapporteur. Finalement, vous avez eu des scrupules. Vous souhaitez désormais expérimenter quatre années supplémentaires. Collègues, on n’est pas au Parlement des Shadoks ! Si ça ne marche pas pendant cinq ans, ce n’est pas en essayant quatre ans de plus que ça fonctionnera mieux ! (MM. Jean-François Coulomme et Maxime Laisney applaudissent.) Le problème ne réside pas dans le calendrier mais dans le contrat lui-même et les droits qu’il retire aux salariés qui le signent.
    Lisons les résultats de l’expérimentation – ils sont rares, c’est vrai, mais cela ne vous a pas empêché de légiférer sur France Travail. Alors que la loi l’impose, les entreprises utilisatrices ne transmettent aucune des informations permettant d’évaluer le contrat, notamment le nombre de personnes concernées, le détail des missions ou des formations suivies. Collègues, pensez un peu aux entreprises : si elles ont des choses à cacher, arrêtons de les obliger à donner ces informations et supprimons le CDIE.
    Notre collègue, M. Viry, a même montré dans son récent rapport que les services ministériels se fondent uniquement sur ce que veulent bien déclarer les entreprises utilisatrices, soit celles qui ont un intérêt à pérenniser ce contrat. Pour prendre un exemple d’actualité, c’est comme si vous demandiez au lycée Stanislas d’écrire lui-même le rapport sur les délits qui ont lieu en son sein. (Mêmes mouvements.) Du point de vue du législateur, c’est évidemment tout à fait absurde et déplacé.
    Alors que faire ? Rejeter le texte, bien sûr. Mais nous formulons également une contre-proposition d’expérimentation : remplacer les contrats précaires par des CDI comportant une clause de durée initiale précisée à la signature. À l’échéance, l’employeur justifierait, ou non, le licenciement. Le salarié pourrait ainsi occuper un poste nécessitant une rotation, un remplacement ou un renouvellement, et jouir d’une plus grande sécurité, tandis que l’employeur devrait se plier aux normes internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT) disposant qu’une fin de contrat doit absolument être motivée.
    Cette proposition n’émane pas des Insoumis, mais de la Proposition de code du travail publiée en 2017 à l’occasion de la loi dite El Khomri, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui avait fait office – on s’en souvient – de société d’intérim, en permettant à des députés qui avaient signé un contrat à gauche de gouverner à droite. (M. Maxime Laisney applaudit.) En bref, notre amendement permettrait d’aboutir à un bon texte, répondant à la fois aux questions de souplesse que vous évoquez tout en sécurisant intégralement le parcours des salariés. Vous pourriez le voter au lieu de pourrir la vie des gens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Madame la ministre, cette proposition de loi est une manière de saluer votre entrée au Gouvernement dans les fonctions de ministre du travail. Car, pour atteindre le plein emploi – que nous souhaitons tous, faut-il le rappeler, quelle que soit notre sensibilité politique –, nous avons impérativement besoin de développer des parcours d’insertion, des actions, qui permettent à ceux qui ont perdu leur place dans la société de la retrouver par le travail.
    À cette fin, certains outils sont indispensables car, à lui seul, le marché du travail ne résout rien. Or, le contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité, dont il nous est proposé de prolonger l’expérimentation, est un outil pertinent, à cet égard : il permet de renforcer l’égalité des chances d’obtenir un emploi et d’accéder au travail. Si l’on juge la valeur travail essentielle, si l’on considère qu’elle sous-tend la société, c’est un objectif essentiel.
    Fruit d’une très belle innovation parlementaire, le contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité a été créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Instauré à titre d’expérimentation pour une période initiale de trois ans, le dispositif a été prolongé deux années, jusqu’au 31 décembre 2023, notamment en raison de la crise sanitaire. Il s’agit tout simplement de relever le défi des contrats précaires, qui touchent actuellement plus de 3 millions de nos compatriotes, plongés dans l’insécurité professionnelle et l’incertitude.
    Le CDIE s’adresse, d’une part, aux employeurs engagés dans le travail à temps partagé et, d’autre part, aux salariés qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle et ont des carrières fragmentées. Il s’impose comme une solution bénéfique pour les uns et pour les autres.
    Pour les entreprises, il offre une alternative à l’intérim tout en permettant de disposer de compétences sur une durée plus étendue. En optant pour ce contrat, les entreprises peuvent mutualiser des ressources humaines et optimiser ainsi la gestion de leur main-d’?uvre de manière flexible et efficace.
    Pour les salariés, souvent confrontés à des réalités professionnelles précaires, le CDIE représente la stabilité tant attendue. En leur offrant des droits comparables à ceux des salariés en insertion durable, il met fin à l’insécurité financière et leur permet d’accéder à des avantages – ou tout simplement à des droits – tels que la mutuelle, les congés payés, l’accès au crédit et au logement.
    Au-delà des avantages substantiels qu’il procure, le CDIE apparaît comme une solution pragmatique au problème de l’éloignement du monde du travail, tout en promouvant activement l’insertion professionnelle.
    Je le dis à l’intention de notre collègue de La France insoumise, le CDIE n’est pas une faveur accordée aux entreprises qui l’utilisent (Mme Marina Ferrari applaudit) ; c’est une chance et une solution pour les personnes durablement éloignées de l’emploi. Je suis, à titre personnel, convaincu de son utilité et de sa pertinence.
    Il y a quelques mois, ma collègue Fanta Berete et moi-même avons conduit, à la demande de la commission des affaires sociales, une mission flash dont l’objet était de réfléchir à l’opportunité de maintenir le CDIE dans notre palette d’outils pour l’emploi. Nous avons appréhendé la question avec une parfaite ouverture d’esprit.
    Parce que les données dont nous disposons sont insuffisantes, nous avons proposé, non pas la généralisation et la pérennisation du dispositif, mais la prolongation de son expérimentation. Je regrette, au demeurant, qu’au second semestre 2023, le Gouvernement n’ait pas saisi la balle au bond pour éviter que, le 31 décembre, il ne se passe rien. Sans doute l’Igas – dont nous allons enfin découvrir le rapport ! – est-elle à l’origine de cette inertie coupable.
    En tout état de cause, nous avons conclu, à l’issue de notre mission, à la nécessité d’opter pour la solution législative qui nous est peu ou prou proposée ce matin. Je remercie donc M. le rapporteur de nous permettre de vaincre l’inertie du Gouvernement et d’offrir, de nouveau grâce à une initiative parlementaire, une solution aux chômeurs durablement éloignés, hélas, du marché du travail.
    Prolonger l’expérimentation du CDIE, c’est investir dans un avenir où le travail concourt à la stabilité, à l’épanouissement et à la justice sociale. Aussi le groupe Les Républicains votera-t-il tout naturellement en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Le contrat à durée indéterminée à des fins d’employabilité est un dispositif totalement innovant dans le paysage social français, mais il est finalement peu connu et assez peu utilisé. Créé à titre expérimental par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, il est applicable aux contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2023.
    Ce dispositif fait partie de la panoplie des contrats de travail destinés à faciliter le retour en entreprise. Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée de droit commun, complété par un capital de formation professionnelle et proposé à des publics en difficulté d’insertion professionnelle.
    Ce nouveau dispositif de prêt de main-d’œuvre est conclu, au même titre que l’intérim ou le groupement d’employeurs, par un tiers employeur et comporte davantage de garanties et de stabilité pour les populations socialement fragilisées et éloignées de l’emploi. Son éligibilité est soumise à certains critères : sont concernées les personnes dont le niveau de qualification est inférieur au bac, celles qui sont âgées de plus de 50 ans, les personnes inscrites à Pôle emploi depuis au moins six mois, les bénéficiaires de minima sociaux, notamment du RSA, ou les salariés avec reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
    Quel est l’intérêt du dispositif ? Tout d’abord, contrairement à l’intérim ou au CDD, ce type de CDI permet des durées de mission plus longues : un salarié peut rester jusqu’à cinq ans au sein de la même structure. Entre deux missions, il continue à percevoir son salaire et, durant son temps de travail, il est formé en vue d’améliorer sa qualification. En revanche, il ne profite ni des avantages liés au CSE de l’entreprise où il travaille, ni de sa convention collective, ni de l’intéressement ou de la participation aux bénéfices.

    M. André Chassaigne

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    Exactement !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    De ce fait, les entreprises qui ont un besoin structurel de personnels récurrents sur le long terme sont sécurisées d’un point de vue juridique et contentieux. Elles auront la garantie d’avoir le même salarié tout au long de la mission, formé à leur environnement. Enfin, ce dispositif permet à celles qui n’ont pas les moyens d’embaucher directement du personnel de recourir tout de même à du personnel extérieur fidèle et de pallier ainsi la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
    Évidemment, ce dispositif n’a pas fait plaisir aux grandes entreprises d’intérim, en partie à cause de l’absence de durée maximale des missions ou de garanties liées au statut d’intérimaire. On peut les comprendre mais, dans l’intérêt des salariés en difficulté d’insertion, le dispositif gagnerait vraiment à être prolongé.
    Deux questions, cependant – ou plutôt une question et un regret.
    D’abord, pourquoi ne le prolonger que de deux ans ? Certes, l’expérimentation n’a pas encore pu être évaluée. Mais lorsqu’on les interroge, les entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), nous disent toutes qu’elles crèvent du manque de lisibilité : elles ont besoin de pouvoir se projeter, elles ont besoin de réglementation, de normes, mais sur le temps long.
    Deux ans, c’est trop court ! L’expérimentation est en cours depuis cinq années, me direz-vous. Mais le dispositif demeure finalement assez peu connu et il est resté assez modeste : il a surtout été déployé dans l’industrie. Il gagnerait donc à faire l’objet d’une plus grande publicité afin que les entreprises puissent davantage y recourir.
    Un regret, à présent : le CDIE ne s’applique pas à la fonction publique territoriale, dont le statut ne permet de recruter que des fonctionnaires – le concours reste la voie privilégiée – ou des agents contractuels, uniquement sous la forme de CDD, pour une durée maximale de six ans, ou d’intérimaires.
    Or les collectivités ont également besoin de recruter du personnel pour des missions ponctuelles et récurrentes au cours de l’année. Elles ont ainsi recours à de courts CDD plusieurs fois dans l’année alors que la possibilité de recourir aux CDIE serait avantageuse et pour la collectivité et pour le salarié.
    Prenons un exemple concret. Une commune embauche chaque année des vacataires pour travailler dans les cantines scolaires. Lorsque certains d’entre eux sont malades, il faut les remplacer ; la collectivité fait donc appel à des vacataires remplaçants, mais ceux-ci ne sont pas toujours disponibles au moment nécessaire. Si la commune pouvait recourir au CDIE, elle serait certaine de pouvoir faire appel au même agent. Non seulement elle bénéficierait ainsi d’un gain de temps évident – les agents seraient déjà formés dès leur arrivée et immédiatement opérationnels – mais la sécurité de l’emploi serait assurée au salarié, sur des postes habituellement très précaires.
    Le chef de l’État a invoqué, dans sa conférence de presse, le pragmatisme et le bon sens : voilà une occasion de les mettre en pratique !

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Je veux tout d’abord remercier les orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. La plupart ont porté sur la proposition de loi une appréciation plutôt positive, même s’ils ont formulé certaines remarques. Je vais m’efforcer de leur répondre, ainsi qu’aux intervenants dont les positions m’ont davantage étonné.
    Beaucoup ont évoqué la durée de l’expérimentation. J’avais, dans un premier temps, proposé, en commission, la pérennisation du dispositif, mais je n’avais pas mesuré à quel point les données manquent – je vais y revenir. Créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le CDIE pâtit cependant, comme l’a indiqué Mme Ménard, d’un manque de notoriété. Or, pour que les responsables des ressources humaines ou les directeurs de PME adoptent un nouveau dispositif, ils doivent le connaître : un temps de médiatisation est nécessaire. On a donc constaté un certain retard à l’allumage.
    Par ailleurs, la crise de la covid-19 a conduit à reporter de deux ans, à la fin 2023, le terme de l’expérimentation.
    Enfin, certains ont déploré – et on peut être d’accord avec eux sur ce point – que les données n’aient pas été remontées, comme elles devaient l’être, par les entreprises utilisatrices. La transmission de ce type d’informations se fait habituellement par la déclaration sociale nominative. Or il se trouve qu’en l’état actuel des choses cette déclaration ne permet pas de prendre en compte les spécificités du CDIE. C’est pourquoi j’ai invité Mme la ministre à intervenir auprès de son administration pour que ce soit désormais le cas.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons, de manière responsable, une prolongation de l’expérimentation plutôt qu’une pérennisation du dispositif.
    À ce propos, madame Ménard, j’apporte une correction : la prolongation proposée n’est pas de deux ans mais de quatre ans.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Ah, pardon !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    En effet, les services nous ont indiqué, lors des travaux préparatoires, qu’un délai de deux ans était nécessaire pour intégrer un nouveau module dans la DSN. Il convenait donc, pour ne pas rencontrer à nouveau des problèmes de transmission de données, de prévoir une prolongation plus longue.
    On a évoqué par ailleurs – la question fut également abordée durant les auditions – une forme de concurrence avec les sociétés d’intérim. Cette crainte a été entendue. De fait, le public et la mission ne sont pas les mêmes. Nous proposons donc de resserrer davantage encore – après l’avoir fait en commission – les critères d’éligibilité, de manière à éviter toute confusion avec l’intérim. Seront ainsi concernées les personnes les plus éloignées de l’emploi, que ce soit en raison de leur formation, de la durée de leur période de chômage ou, éventuellement, de leur âge.
    Voilà les réponses que je souhaitais apporter aux interrogations rationnelles qui se sont exprimées.
    J’en viens à présent aux critiques acerbes formulées par M. Chassaigne et M. Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Acerbes, non !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    On peut s’en tenir aux principes, mais on peut aussi regarder le réel. Le fait est que l’employeur qui reçoit le curriculum vitae d’une personne très éloignée de l’emploi hésitera à la recruter en CDI ; au mieux, il lui proposera un CDD, voire un CDD à temps partiel, rémunéré au Smic. Or cette personne peut avoir des frais de carburant si elle doit se rendre sur son lieu de travail en voiture ou avoir besoin d’une solution de garde pour ses enfants.
    Le CDIE, malgré ses limites, propose un CDI à des personnes à qui on n’en propose jamais. Il offre un temps de formation à des personnes qui n’y ont jamais accès, parce qu’elles sont généralement en CDD. Manquer ce point, c’est passer à côté du sujet.

    M. André Chassaigne

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    Il n’y a pas de bilan !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    S’agissant du bilan, aucune donnée n’est remontée par la DSN, et c’est pour cette raison que nous proposons de prolonger l’expérimentation de ce dispositif, non de le pérenniser. Pour agir de façon responsable, il faut disposer de données consolidées. Nous prolongeons donc l’expérimentation, en invitant à ce que les données soient communiquées dans la DSN.
    Il s’agit d’une chance, pour ces publics fragiles, de se voir proposer un CDI. Et, quand on a un CDI, on peut chercher plus facilement un logement, parce que c’est une garantie pour le bailleur ; on peut chercher un prêt auprès de sa banque, parce que c’est une forme d’assurance. Il faut mesurer cela, plutôt que de se cacher derrière des principes qui sont peut-être intéressants, mais qui n’apportent pas de solution à nos concitoyens les plus défavorisés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour vos propos, sur lesquels je voudrais revenir. D’abord, nous partageons, madame Bergantz, l’objectif de lutte contre la précarité. Ce texte y apporte clairement un élément.
    Monsieur Delaporte, je voudrais rappeler que l’objectif du RSA est, à nos yeux, d’accompagner ses bénéficiaires vers l’emploi. C’est tout le sens de l’action de France Travail. Il s’agit de les aider à sortir d’une double difficulté, celle du chômage et celle de la pauvreté. Je souhaite que nous puissions nous accorder sur les termes, parce que vous avez évoqué celui de « paresseux ». Personne, dans cet hémicycle, ne peut dire que les bénéficiaires du RSA sont des paresseux. C’est un mot que je n’emploierai jamais et auquel je n’adhère absolument pas.
    Madame Garin, je l’ai dit à plusieurs reprises et le répète volontiers, je m’engage à ce que le rapport soit publié. C’est une demande partagée et qui me semble importante.
    À MM. Christophe et Colombani, je voudrais dire que je défends également le mécanisme protecteur du Smic, qui permet, par son indexation sur l’inflation, de protéger le pouvoir d’achat. Il est important de rappeler que, depuis 2021, le Smic a augmenté de 13,7 %. Ceci posé, ce qui nous motive tous, c’est que le travail paie mieux. C’est le sens de la transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise dans la loi du 29 novembre 2023. C’est également l’enjeu du suivi des négociations de branche.
    Monsieur Chassaigne, il est en effet important que je réaffirme mon engagement à mieux suivre et contrôler ce dispositif. Cela est vrai pour de nombreux dispositifs dans notre pays : leur force – et la confiance que nous avons en eux – est d’autant plus importante que l’on mesure leurs effets, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Je remercie pour cela les députés Berete et Viry, ainsi que le rapporteur. Le travail qu’ils ont effectué et les auditions qu’ils ont menées ont permis une première étape dans ce contrôle.
    Je partage, monsieur Ferracci, la notion de « bon emploi » que vous avez évoquée : un emploi stable et de qualité, garant d’une qualité de vie au travail, qui est un point très important. Le CDIE procède de cette exigence, en combinant la souplesse permettant le retour vers l’emploi et des garanties. Ces dernières ne sont pas complètes, je l’accorde volontiers, mais elles restent incontestables : la personne en recherche d’emploi disposera de cet élément majeur qu’est le droit à la formation, permettant d’augmenter son employabilité, garantissant par là son retour vers l’emploi.
    Monsieur Catteau, je veux vous redire que le rapporteur a reçu l’ensemble des professionnels. Ce texte contient des propositions à la fois équilibrées et acceptables. Il n’y a donc pas de concurrence introduite entre les acteurs de l’emploi. Il s’agit d’offrir des perspectives à des publics vulnérables, dont notre principal objectif est de les amener vers l’emploi.
    Monsieur Clouet, à votre question je répondrai par une autre question simple : le salarié signant un CDIE aurait-il pu signer directement un CDI ?

    M. Jean-François Coulomme

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    Il y a des chances, oui !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Il s’agit de répondre au besoin impératif de retour vers l’emploi, en s’attachant à l’insertion et à l’augmentation de l’employabilité. Deux éléments le permettent : la formation que le signataire d’un CDIE peut suivre, et l’expérience qu’il pourra acquérir – si bien que, comme le soulignait le rapporteur, là où son CV serait jusque-là resté sans réponse, il aura plus de chance d’en recevoir une grâce à ce dispositif.
    Monsieur Viry, je vous remercie de nouveau pour la mission flash que vous avez conduite avec Fanta Berete sur les contrats de travail à temps partagé aux fins d’employabilité. Je partage votre constat sur la méthode, et je note vos regrets à cet égard : il y a des points sur lesquels nous pouvons progresser. S’agissant des difficultés rencontrées par les entreprises, du fait de la tension sur le marché du travail, je veux dire, en tant qu’élue locale, que je les constate également sur le terrain. Je sais combien les entreprises ont besoin de trouver des personnels pour leurs missions, et nous avons là un outil pouvant y répondre.
    Madame Ménard, le rapporteur vous l’a signalé, il s’agit d’une prolongation de quatre ans, offrant des droits et des garanties. Nous devons nous mobiliser pour mieux faire connaître ce dispositif. L’enquête de l’Igas nous permettra d’en discuter. Mieux faire connaître ce dispositif, c’est permettre à davantage de personnes éloignées de l’emploi d’y entrer. C’est, je crois, un objectif très largement partagé sur les bancs de cet hémicycle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fanta Berete.

    Mme Fanta Berete

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    Comme la ministre vient de le rappeler, j’ai mené une mission flash sur le sujet, avec mon collègue Stéphane Viry. Il a été difficile de faire cette évaluation. En commission, nous avons voté un amendement permettant de prolonger l’expérimentation du dispositif, plutôt que de pérenniser d’emblée ce système, sans connaître ses résultats.
    Nous souhaitons laisser une chance à cet outil de se développer, tout en le concentrant sur les personnes les plus éloignées de l’emploi. Notre objectif commun est celui du plein emploi, qui doit mobiliser tous les instruments à notre disposition. Avec Stéphane Viry et le rapporteur, nous sommes persuadés que ce contrat particulier peut trouver sa place, notamment dans certains secteurs et certains territoires où la dynamique d’emploi est moins importante que dans les grands bassins.
    Il est important de comprendre que le CDIE est l’occasion pour certains de signer un CDI, et de sortir d’une vie où ils sont empêchés, où il est tout simplement impossible de se rendre dans une banque pour contracter un prêt. C’est l’occasion pour eux d’accéder à un appartement offrant de meilleures conditions de vie, et peut-être même de se projeter avec leur famille dans des vacances.
    Le dispositif est sans doute imparfait mais, dans la période que nous vivons, il demeure essentiel. Nous souhaitons prolonger cette période d’expérimentation, afin de faire les comptes plus tard pour, peut-être, pérenniser ce contrat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maquet.

    M. Emmanuel Maquet

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    Depuis le 1er janvier et jusqu’à l’entrée en vigueur de cette proposition de loi, que l’on espère rapide, il n’y a aucune base juridique permettant la conclusion de tels contrats. C’est un hiatus regrettable et involontaire. S’il arrivait que, pour répondre à des besoins particuliers, des contrats soient tout de même conclus dans cet intervalle, cela pourrait donner lieu à des situations litigieuses.
    C’est un problème tant pour les employés que pour les employeurs. Il est nécessaire que le Gouvernement y apporte une solution. Madame la ministre, allez-vous prendre un amendement de sécurisation rétroactive des contrats signés sans base légale à cause de ce retard ?
    Pour rappel, un tel dispositif a existé, à travers l’article 116 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui instaurait pour les CDI intérimaires, durant la période non couverte par un accord de branche, une présomption de conformité à la loi Rebsamen du 17 août 2015.

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie de deux amendements, nos 4 et 6, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 6.

    M. Hadrien Clouet

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    Plusieurs questions trouvent, à mon avis, une solution dans cet amendement, qui a pour ambition de créer un autre type de contrat de travail, non précaire : un contrat de travail avec une clause initiale de durée. Les salariés pourraient ainsi signer un CDI contenant une clause de durée et, à l’expiration de cette dernière, le licenciement devrait être justifié.
    Par exemple, si le contrat visait au remplacement de quelqu’un, il est justifié qu’il prenne fin. En revanche, s’il n’y avait pas de motif légitime à ce que ce soit un contrat court, le contrat est allongé et passe en CDI. Je vous renvoie à la Proposition de code du travail publiée en 2017 par les juristes progressistes du Groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-Pact).
    Quant aux deux éléments de réponse très intéressants de la ministre et du rapporteur, vous nous dites d’abord, monsieur le rapporteur, qu’il ne s’agit pas d’un cadeau à l’entreprise. Pourtant, embaucher quelqu’un qui ne touche ni intéressement, ni participation, c’est bel et bien un cadeau à l’entreprise, puisque cela diminue sa contribution aux revenus de la personne qui travaille pour elle.

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui !

    M. Hadrien Clouet

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    Deuxièmement, vous soulignez à raison, madame la ministre, que le CDI est un point d’appui, dans l’existence, pour l’obtention de crédits. Mais dès lors qu’on fait ce constat, il y a deux solutions. Soit le problème est du côté des banques, qui n’acceptent pas d’octroyer des prêts, et du côté du système français du crédit qui ne permet pas aux gens avec des contrats courts d’accéder à un droit à l’existence ordinaire, comme celles et ceux qui sont en CDI. Soit le problème tient à la nature de leurs contrats, et dans ce cas on crée les CDI d’employabilité que vous évoquez, en disant que grâce à ce CDI, ils auront accès à un crédit et à un prêt. Cependant, la durée moyenne d’un CDI en France est de onze ans ; celle du CDIE est de trois ans. Vous ne placez donc pas les gens dans un parcours sécurisé pour leur permettre d’avoir accès au droit commun. Ainsi, l’argument que vous avancez ne me paraît ni efficace ni justifié pour accréditer le passage à ce type de contrat et sa pérennisation.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Emmanuel Maquet

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    Cet amendement vise à rétablir la proposition de loi dans sa version initiale, en pérennisant le CDIE sans date limite. En effet, le texte de la commission des affaires sociales revient à une simple prolongation de l’expérimentation pour quatre ans, au motif que son déploiement n’était pas encore suffisant pour en évaluer les effets.
    On s’apprête à acter une troisième date potentielle d’extinction du dispositif, après le 31 décembre 2021 et le 31 décembre 2023, cette dernière ayant d’ailleurs été dépassée, jetant dans le flou juridique – que j’évoquais – tous ceux qui avaient investi dans cet outil. Cela n’est pas propice à son plein développement.
    Puisqu’il s’agit de rendre de l’oxygène aux employeurs comme aux salariés en proposant un nouvel outil plus simple, envoyons un signal de confiance et de fiabilité, plutôt qu’une nouvelle expérimentation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    C’est une des particularités des discussions communes : nous avons deux amendements très différents sur le fond de leur argumentation.

    M. Léo Walter

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    C’est le moins que l’on puisse dire !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Je me permets de répondre d’abord au député Maquet, qui souhaite revenir à l’article 1er dans sa version initiale. Comme je l’ai expliqué dans ma présentation, en toute honnêteté intellectuelle, nous ne pouvons pas pérenniser un dispositif sur lequel nous avons aussi peu de données consolidées. Même si j’entends l’intérêt de pérenniser sans attendre, il nous faut davantage de données pour agir de façon responsable en la matière.
    D’autre part, la version initiale contenait des critères d’éligibilité au CDIE trop larges – comme l’ont souligné toutes les auditions –, en particulier le critère de formation. Si vous sortez de l’école avec un diplôme du niveau d’un brevet d’études professionnelles (BEP) ou d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), il s’agit effectivement d’une formation très faible ; mais des détenteurs de ces diplômes, qui ont aujourd’hui 40 ans, sont des salariés extrêmement formés. Selon la version initiale du texte, ils auraient été éligibles au CDIE, alors qu’ils ne sont pas éloignés de l’emploi. Il fallait donc restreindre ce critère pour éviter le phénomène de concurrence redouté par les sociétés d’intérim. Je serai donc défavorable à votre amendement, monsieur Maquet, même si j’en partage la philosophie et le souci.
    Quant à l’amendement de notre collègue Clouet, s’il était adopté, madame la ministre, il conduirait à remettre à plat l’ensemble de la législation relative aux contrats de travail.

    M. Hadrien Clouet

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    Allons-y !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    J’avoue avec humilité que je ne me sens pas prêt à mener ce genre de réforme tout de suite, dès le mois de janvier. (Sourires.)

    M. Hadrien Clouet

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    Je croyais en vous, pourtant !

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Plus sérieusement, vous proposez dans votre amendement d’interdire le CDD et tout contrat de travail limité dans le temps. Ce statut répond pourtant à des besoins, notamment dans les secteurs rythmés par l’activité saisonnière tels que l’agriculture – je suis agriculteur, vous le savez – ou encore le tourisme. De plus, le CDD représente parfois un premier pas vers l’emploi. Je suis donc défavorable à sa suppression.
    Dans votre exposé des motifs, vous affirmez aussi que, pour une durée d’emploi de trois ans, rien ne justifie de préférer le CDIE à un CDI. C’est méconnaître la nature du CDIE, qui se compose de plusieurs missions effectuées dans différentes entreprises, permettant aux personnes éloignées de l’emploi de se former et d’acquérir des compétences, pour être ensuite embauchées en CDI. Je rappelle que 45 % des personnes en CDIE sont embauchées, à l’issue de leur contrat, dans une entreprise où elles ont auparavant effectué une mission.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je partage l’avis défavorable du rapporteur sur les deux amendements.
    M. Maquet m’a interpellée au sujet de la base légale des CDIE conclus depuis le 1er janvier 2024. Les contrats signés jusqu’au 31 décembre 2023 ont évidemment une base légale ; quant aux contrats signés après cette date, cette proposition de loi, si elle est votée, leur donnera une base légale.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Monsieur le rapporteur, je croyais en vous pour réécrire intégralement le code du travail. Puisque la Macronie s’y emploie depuis 2017, il n’y a pas de raison de s’arrêter, et nous pourrions, cette fois, le faire dans le bon sens !
    Vous faites valoir que l’amendement empêcherait de conclure des contrats courts. Pourtant, il promeut le CDI avec une clause de durée initiale ; or dans « clause de durée initiale », il y a « durée initiale » ! Nous proposons un contrat sécurisé, car il ne comporte pas de terme mais implique l’obligation de justifier un licenciement. Cette mesure est d’ailleurs conforme au droit international : la convention C153 de l’OIT nous impose de justifier le licenciement à chaque fin de contrat, ce que le droit français ne fait pas.
    Nous vous proposons donc de réformer le droit de manière plus progressiste, d’établir un contrat qui sécurise la force de travail tout au long de l’existence et qui, de plus, soit conforme au droit international. Il me semble que cela fait beaucoup de bonnes raisons de revenir sur votre avis. (M. Manuel Bompard s’exclame.)

    (Les amendements nos 6 et 4, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements, nos 9, 2, 8, 13 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 2, 8 et 13 sont identiques.
    La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l’amendement no 9.

    M. Tematai Le Gayic

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    Cet amendement rédigé par mon collègue Dharréville a été très bien défendu par notre président de groupe, André Chassaigne, au cours de la discussion générale. Il vise à réduire à un an la durée de l’expérimentation.
    De nombreux députés de droite souhaitent pérenniser le dispositif, mais, comme l’a rappelé M. le rapporteur, cela n’est pas raisonnable compte tenu du manque de données. Cela dit, sachant que la phase expérimentale est en cours depuis 2018, qui nous dit que quatre ans de plus suffiront à ce que l’Igas et les diverses missions sur le sujet nous remettent toutes les informations nécessaires ? Fixer la durée à un an permettrait de leur forcer la main et d’obtenir toutes les données plus rapidement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Paul-André Colombani

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    Il vise à limiter à deux ans la prolongation de l’expérimentation, comme le prévoyait la mission flash. L’expérimentation est en cours depuis plusieurs années ; il ne nous manque plus que les données d’évaluation et les informations relatives notamment à la formation et à l’inclusion. Nous pourrons alors éventuellement procéder à la généralisation du CDIE.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l’amendement no 8.

    M. Tematai Le Gayic

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    Il s’agit d’un amendement de repli, au cas où l’amendement no 9 ne serait pas adopté. Il tend à prolonger l’expérimentation de deux ans, comme le préconisait la mission flash.
    Vous connaissez le dicton : il ne faut pas remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui. De même, il ne faut pas remettre à dans quatre ans ce qu’on peut faire en un ou deux ans. Alphonse Allais, lui, disait avec humour : « Ne remets pas à demain ce que tu peux faire après-demain. » Cela semble être la philosophie du texte, qui cherche à remettre à 2028 – après l’avoir déjà remis à 2018, à 2021, puis à 2023 – ce qu’on peut faire en 2024 ou en 2025.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir les amendements nos 13 et 14, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Victor Catteau

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    L’amendement no 13 vise à réduire à deux ans la prolongation de l’expérimentation, et l’amendement no 14 à la réduire à trois ans. Comme nous l’avons souligné en commission, la prolonger jusqu’en 2028 la ferait durer quasiment dix ans, ce qui paraît excessif pour juger de l’utilité d’un dispositif, d’autant que Mme la ministre a promis d’insister pour que le rapport de l’Igas soit remis très prochainement. S’il l’est, pourquoi prolonger de quatre ans l’expérimentation ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Cette série d’amendements tend à réduire à un, deux ou trois ans la durée de prolongation de l’expérimentation. J’aurais volontiers accepté un amendement visant à la porter à quarante-huit mois, mais, cela n’ayant malheureusement pas été proposé, je me contenterai de répondre sur le fond.
    Pourquoi quatre ans ? Comme Mme Ménard l’a indiqué, il s’agit d’abord d’une question de notoriété. Le CDIE est peu connu, y compris par les parlementaires – j’ai pu m’en rendre compte – et par les employeurs, qu’il s’agisse de grandes ou de petites entreprises.
    Par ailleurs, nous sommes tenus d’agir et de légiférer sur des bases objectives. Or nous ne disposons pas de données consolidées ; l’Igas en fait état. Si j’ai proposé une prolongation de quatre ans, c’est en me fondant sur l’affirmation des services selon laquelle il faudrait deux ans pour intégrer les données dans la DSN, et en considérant que deux ans supplémentaires seraient nécessaires pour collecter suffisamment de données.
    Je comprends la logique de vos amendements, mais j’y suis défavorable. Je pense qu’il faut mener l’expérimentation à bien et prendre le temps d’obtenir des données consolidées, après quoi nous déciderons de pérenniser le dispositif ou de l’abandonner.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    J’ai souligné le travail accompli par M. le rapporteur. Celui-ci vient d’expliquer la raison pour laquelle il avait fait le choix de proposer une prolongation de quatre ans, et j’y souscris. J’insiste sur la nécessité de se donner le temps de faire connaître le CDIE car, pour produire tous ses effets, encore faut-il qu’il soit connu. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est, comme le rapporteur, défavorable à ces amendements.

    (L’amendement no 9 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 2, 8 et 13 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 14 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 rectifié et 18 rectifié.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 17 rectifié.

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Lors des auditions, il est apparu d’une part que l’esprit initial du CDIE consistait à favoriser l’insertion dans l’emploi de personnes qui en sont durablement éloignées, d’autre part que les acteurs de l’intérim s’inquiétaient du risque de confusion et de concurrence entre le CDIE et le CDI intérimaire. Ces remarques ont mené la commission à la conclusion que les critères d’éligibilité au CDIE étaient trop larges.
    Nous vous proposons donc de limiter l’accès au CDIE à des personnes au chômage depuis plus de douze mois, là où l’expérimentation initiale prévoyait six mois. En effet, étant donné le dynamisme actuel du marché du travail, un chômage de six mois ne signifie pas l’éloignement de l’emploi.
    Cette modification connaît deux exceptions, pour lesquelles la durée de chômage requise restera de six mois : les personnes de moins de 26 ans disposant d’une formation de niveau inférieur au baccalauréat et les personnes de plus de 55 ans – et non plus 50 ans, car les personnes de cet âge restent pleinement employables.
    Enfin, les critères relatifs aux bénéficiaires des minima sociaux et aux personnes handicapées resteront inchangés.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Bergantz, pour soutenir l’amendement no 18 rectifié.

    Mme Anne Bergantz

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    L’objectif de la proposition de loi n’est pas seulement de prolonger l’expérimentation du CDIE, mais aussi d’œuvrer à son amélioration, notamment en ciblant les demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi. Par cet amendement, nous proposons donc d’aménager les critères d’éligibilité au dispositif, comme M. le rapporteur l’a très bien expliqué.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Favorable à ces amendements, qui permettront de mieux cibler les publics éligibles.

    (Les amendements identiques nos 17 rectifié et 18 rectifié sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de deux amendements, nos 1 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Paul-André Colombani

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    Il vise à rétablir l’article 2, supprimé en commission, qui prévoyait des sanctions dans le cas où un CDIE serait conclu sans respecter les critères prévus. Nous considérons certes que le CDIE doit être souple, dans la mesure où il s’adresse à des personnes fragiles, mais aussi que les règles doivent en être respectées. Sans cela, nous nous tirerons une balle dans le pied et risquerons d’accroître la précarité chez des personnes déjà vulnérables.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l’amendement no 10.

    M. Tematai Le Gayic

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    Comme l’amendement de M. Colombani, il tend à rétablir les sanctions initialement prévues dans l’article 2, soit une amende de 3 750 euros en cas de non-respect des règles de l’expérimentation.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Je comprends votre volonté de sanctionner les personnes qui ne respecteraient pas la loi. Le texte initial visait la pérennisation du dispositif, ce qui justifiait la présence de sanctions ; une telle mesure me semble sensée dans le cas d’un dispositif pérenne, mais plus problématique dans le cas d’une expérimentation. Rétablir l’article 2 sous sa forme initiale reviendrait à sanctionner davantage des entreprises concluant des CDIE que d’autres entreprises concluant des contrats de travail à temps partagé, alors que ces dispositifs reposent sur les mêmes principes et devraient donc être traités sur un pied d’égalité. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic.

    M. Tematai Le Gayic

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    Monsieur le rapporteur, vous avez souligné que le texte initial concernait la pérennisation du dispositif et non la prolongation de son expérimentation. La nouvelle version du texte assigne aux travailleurs éloignés de l’emploi de nombreuses obligations, afin de les aider à prendre conscience de ce que nécessite le retour à l’emploi. Si nous n’instaurons pas de régime de sanctions dès la phase expérimentale, je crains que certains employeurs ne se rendent compte, au moment de la pérennisation, que les pratiques qui ne leur avaient jusqu’alors valu aucune sanction en sont désormais passibles. Il vaut mieux leur expliquer d’emblée à quelles pratiques nous donnons le feu vert, plutôt que de les surprendre plus tard en faisant soudainement passer le feu vert à l’orange.

    (Les amendements nos 1 et 10, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Il s’agit d’un amendement de coordination entre l’expérimentation précédente, achevée le 31 décembre, et la nouvelle, afin que les contrats conclus auparavant soient toujours valables.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Comme j’ai eu l’occasion de le dire, il s’agit d’un amendement de coordination auquel le Gouvernement est évidemment favorable.

    (L’amendement no 12 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Victor Catteau, pour soutenir l’amendement no 16.

    M. Victor Catteau

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    Madame la ministre, vous avez déclaré soutenir pleinement les amendements qui visent à faire évoluer le périmètre du dispositif, lequel bénéficiera en priorité aux personnes les plus vulnérables.
    Nous avions proposé les dispositions prévues par cet amendement sous une autre forme en commission, mais l’amendement correspondant avait été jugé irrecevable. Nous proposons d’intégrer dans ce dispositif les personnes victimes de violences conjugales, qui sont souvent des femmes. En effet, les victimes de violences conjugales s’éloignent de la société et, par conséquent, de l’emploi.
    Un rapport sur ce sujet serait donc utile, car ces femmes ont été oubliées parmi les personnes éloignées de l’emploi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Nous sommes tous, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons, sensibles au fléau des violences intrafamiliales, en particulier conjugales.
    Les personnes victimes de violences conjugales sont tout à fait éligibles au CDIE, selon les mêmes critères que les autres. Pourquoi créer une catégorie spécifique ? Les personnes victimes d’autres violences pourraient alors réclamer une disposition comparable.
    Je comprends ce que vous défendez à travers cet amendement, mais je crains qu’il ne soit pas pertinent d’intégrer une telle disposition spécifique dans cette proposition de loi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Je partage l’analyse de M. le rapporteur. La voie est très étroite. En effet, le sujet des violences conjugales concerne tout le monde et nécessite évidemment une attention particulière. Différents dispositifs existent.
    Cependant, nous devons être très attentifs à préserver un équilibre afin d’accompagner sans stigmatiser. En effet, certaines personnes voudront aller vers le travail sans pour autant faire connaître les difficultés qu’elles traversent. Nous touchons à l’intime, à la vie personnelle. Il faut donc les aider mais dans la discrétion, afin de leur permettre de retrouver la vie la plus normale possible.
    Je partage la volonté qui est la vôtre, cependant cet amendement ne me paraît pas approprié. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.

    (L’amendement no 16 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        116
            Nombre de suffrages exprimés                102
            Majorité absolue                        52
                    Pour l’adoption                89
                    Contre                13

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Après l’article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 11, portant article additionnel après l’article 1er.

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Il s’agit d’un amendement orthographique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Le Gouvernement est favorable à cet amendement rédactionnel.

    (L’amendement no 11 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 20.
    La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 19.

    M. Stéphane Viry

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    Le CDIE est un outil d’insertion professionnelle durable ; tel est en tout cas l’objectif. Nous voulons sécuriser les droits du salarié en CDIE, lorsqu’il intègre définitivement l’entreprise utilisatrice. Nous proposons un dispositif pour préserver l’ancienneté et pour dispenser le salarié de l’exécution du préavis. Cela facilite la passerelle et donne encore plus de sécurité à l’employeur et au salarié.
    Il s’agit d’un amendement de bon sens qui complète bien le dispositif prévu. Je laisse Mme Fanta Berete exposer le dispositif avec plus de détail, si elle le souhaite.
    Je vous invite à voter cet amendement qui est dans l’esprit des politiques d’insertion.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Fanta Berete, pour soutenir l’amendement no 20.

    Mme Fanta Berete

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    Vous l’avez compris, notre conviction est que le CDIE peut être une occasion pour que les personnes les plus éloignées du marché du travail y retrouvent pleinement leur place.
    L’objectif est que le salarié renoue avec l’emploi grâce à ce contrat et obtienne ensuite un contrat de travail classique. Nous le voyons donc comme une transition, qui doit se faire de façon sécurisée, comme vient de l’expliquer Stéphane Viry.
    Cet amendement vise donc à renforcer les droits et garanties du salarié en la matière, grâce à deux dispositifs. D’abord, l’ancienneté du salarié au titre des missions effectuées dans l’entreprise utilisatrice sera reprise sur les mêmes bases que le régime juridique appliqué pour l’intérim, ce qui permettra au salarié d’obtenir des droits conséquents après son passage du CDIE au CDI classique. Ensuite, lorsque le salarié en CDIE le quitte pour être embauché en CDI, il est dispensé d’exécuter le préavis. En effet, vous le savez, notre objectif est que la personne obtienne un emploi stable. À l’heure où le taux de chômage remonte légèrement, tous les leviers doivent être mobilisés pour atteindre le plein emploi.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Turquois, rapporteur

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    Je remercie Mme Berete et M. Viry d’avoir proposé ces amendements, qui visent à conforter l’esprit du CDIE, en favorisant l’insertion dans l’emploi et en renforçant les droits, plutôt que de maintenir des droits différents. Ces amendements tendent en effet à reprendre le préavis en cas de conclusion d’un CDI de droit commun avec l’entreprise utilisatrice et à prendre en compte l’ancienneté de la personne qui était préalablement en CDIE. Cela va tout à fait dans le bon sens.
    L’avis de la commission est donc très favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Comme M. le rapporteur, je soutiens pleinement ces amendements qui permettent de sécuriser les droits et les garanties des salariés en CDIE. Je partage tout à fait ce que vient de dire Mme Berete.
    Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Sur l’ancienneté comme sur le préavis, il vaut mieux ça que rien ; nous n’y ferons donc évidemment pas obstacle, car ces dispositions améliorent et sécurisent le parcours des salariés.
    Néanmoins, je voudrais souligner la contradiction très forte qu’affichent ces deux amendements. Vous extrayez de l’accord de branche les salariés en CDIE. Or, c’est souvent au niveau de la branche que se joue l’ancienneté. Cependant, alors que vous les avez exclus du droit à l’ancienneté lié à la branche, vous leur rétablissez par la loi un droit à l’ancienneté qui n’est pas lié à la branche. La contradiction me semble très vive.
    Ces amendements constituent un tout petit pas – c’est toujours ça de pris. Toutefois, le grand pas serait de reconnaître le droit d’être couvert par le comité social et économique, par l’accord de branche, et de bénéficier de l’intéressement et de la participation. Voilà ce qui mettrait réellement les salariés en CDIE à égalité avec leurs collègues à des postes similaires, afin d’assurer à travail égal, un salaire égal.

    (Les amendements identiques nos 19 et 20 sont adoptés.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir l’amendement no 5, visant à rétablir l’article 2, supprimé par la commission.

    M. Emmanuel Maquet

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    Il vise à rétablir l’article 2 de la proposition de loi initiale.

    Mme la présidente

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