Première séance du jeudi 29 février 2024
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement
- Présentation
- M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie
- M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Sébastien Jumel, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 2
- Article 3 bis
- M. Mathieu Lefèvre
- Mme Alma Dufour
- Amendements nos 20, 64, 73, 68, 72, 10, 9 et 13
- Titre
- Rappel au règlement
- Titre (suite)
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Présentation
- 2. Renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport
- 3. Responsabilité de l’État et indemnisation des victimes du chlordécone
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement
Troisième lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, de la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (nos 2115, 2201).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie
« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. » (Sourires.) Vous connaissez évidemment cette fable de La Fontaine, « Le lion et le rat », dans laquelle le lion, magnanime, sauve la vie d’un rat qui, quelques mois plus tard, le sauve à son tour en le délivrant des mailles d’un filet, grâce à ses dents acérées.
M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Qui est le lion et qui est le rat ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je ne vous ferai pas l’injure, monsieur le rapporteur, de le deviner à votre place. Cependant, nous pouvons reconnaître, après trois lectures, dont deux vécues ensemble ici, que la patience et la longueur de temps ont payé. En effet, nous avons trouvé un accord sur ce texte, moyennant quelques évolutions qui, je l’espère, seront adoptées par l’Assemblée. Elles permettront de parachever un travail engagé depuis près d’un an, et qui conduit aujourd’hui à un texte auquel le Gouvernement est favorable.
Il s’agit d’inscrire dans la durée la relation entre l’État actionnaire et EDF, par la conclusion d’un accord d’une durée de dix ans, actualisé tous les trois ans, de façon à inscrire dans la durée la planification de l’activité de notre électricien national. Il est également question d’étendre, à partir du 1er février 2025, le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) à toutes les très petites entreprises (TPE) et aux petites communes. Nous avons tous vécu la crise énergétique avec difficulté, et cette mesure permettra d’anticiper – s’il y a lieu – une nouvelle crise, en étendant l’éligibilité du TRVE à plus de 10 000 communes et à 1 million de TPE.
J’aime à dire que légiférer dans l’urgence n’est jamais une bonne idée. Maintenant que les prix de l’électricité ont retrouvé une certaine stabilité, c’est sans doute le bon moment pour adopter les deux dispositions importantes de ce texte – qui, à court terme du moins, ne coûtera rien.
Nous avons, grâce au bon travail effectué, trouvé un accord. Le Gouvernement défendra deux amendements destinés à corriger deux dispositions importantes, dont la rédaction adoptée par la commission ne nous convient pas.
Le premier de ces amendements tend à supprimer l’alinéa 10 de l’article 2, en vertu duquel Enedis est détenue à 100 % par EDF. Cela va sans dire, aussi nous semble-t-il opportun de supprimer cette disposition, ce qui convient à l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.
Le second amendement vise à rendre facultative l’ouverture du capital d’EDF à ses salariés. En effet, une réouverture du capital d’EDF n’est pas d’actualité alors que l’État vient de remonter à 100 % du capital. Nous devons cependant laisser ouverte la question du partage de la valeur au sein d’EDF, qui pourra être discutée en temps voulu.
Notre accord sur le maintien des dispositions du texte ainsi amendées, modifiées par les quelques amendements rédactionnels du rapporteur, permettra – je m’y engage – d’inscrire rapidement l’examen en troisième lecture de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat. La ministre chargée des relations avec le Parlement a écrit en ce sens au président du Sénat. Nous espérons ainsi que ce texte pourra être voté conforme au Sénat le 3 avril. Nous n’aurons donc probablement pas le plaisir de nous retrouver pour une quatrième lecture ! (Sourires.)
M. Philippe Brun, rapporteur
J’espère !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Pour le reste, le Gouvernement est satisfait.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Philippe Brun, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Nous y voilà. À quatre reprises, le Parlement s’est prononcé, de façon cohérente, en faveur de deux objectifs majeurs. D’abord, l’Assemblée et le Sénat ont affirmé leur vive opposition à tout projet de démantèlement du groupe EDF et au sinistre projet Hercule qui aurait mis fin à son unité et à son caractère intégré, auxquels nous sommes tous attachés.
M. Boris Vallaud
Absolument !
M. Philippe Brun, rapporteur
Le Parlement a également signifié à quatre reprises son attachement au maintien de tarifs réglementés de l’électricité, et à leur extension aux très petites entreprises. L’issue de cette navette parlementaire qui, pour reprendre le titre de Paul Éluard, a eu « le dur désir de durer », marque l’aboutissement du long travail mené en commun par l’Assemblée nationale et le Sénat.
À entendre le Gouvernement, je constate une évolution de sa position. Je me réjouis que le rétablissement des tarifs réglementés de l’électricité recueille désormais son assentiment. Alors qu’en première lecture, il y a un an, cette proposition de loi avait été jugée particulièrement coûteuse – un montant de 20 milliards d’euros avait été évoqué –, le ministre vient d’affirmer que le texte ne coûtera rien aux finances publiques. Dans le dialogue des chiffres, nous avons donc réussi à nous entendre.
Nous avons aujourd’hui le devoir, mes chers collègues, de trouver un accord sur ce texte afin que cette proposition de loi aboutisse. Nous pourrions, pour obtenir cette victoire, adopter la version du Sénat. Mais le texte modifié par le Sénat présente des fragilités, notamment sur la question de l’actionnariat salarié. Il instaure une opération permettant aux salariés et anciens salariés d’EDF d’accéder au minimum à 2 % – et possiblement jusqu’à 10 % – du capital de l’entreprise, pour un prix de souscription préférentiel de 12 euros. Nous avons été alertés au sujet des difficultés que pourrait poser cette disposition s’agissant de la préservation de nos concessions hydroélectriques. En effet, la discussion avec la Commission européenne a fait apparaître la nécessité de conserver des concessions détenues à 100 % par la puissance publique, afin d’éviter une mise en concurrence délétère et catastrophique pour l’avenir du groupe EDF.
Pour cette raison, nous acceptons que le texte soit modifié comme le souhaite le Gouvernement et que les alinéas de l’article 2 concernant l’actionnariat salarié soient non pas supprimés – car nous sommes attachés à l’actionnariat salarié –, mais remplacés par l’inscription d’une modulation dans le temps, laissant ouverte la possibilité d’un retour à l’actionnariat salarié une fois achevées les discussions avec la Commission européenne sur le régime des concessions hydroélectriques.
L’autre amendement déposé par le Gouvernement concerne Enedis. Nous souhaitions protéger cette entreprise importante du groupe EDF, qui gère l’ensemble du réseau de distribution électrique de notre pays. Le Sénat avait adopté une disposition imposant que 100 % du capital d’Enedis soit détenu par EDF. Cela constitue une ligne rouge pour le Gouvernement, qui souhaite ouvrir une partie du capital d’Enedis, sans pour autant l’extraire du groupe EDF, afin que ce dernier reste maître de l’entreprise.
Nous ne souhaitons faire aucune mention d’Enedis dans le texte, afin de ne pas donner le sentiment que l’Assemblée nationale consentirait à la réduction de la présence d’EDF au capital d’Enedis. Nous renvoyons cette discussion à la prochaine loi de souveraineté énergétique que vous défendrez devant nous, monsieur le ministre.
Les dispositions du texte permettent donc de garantir l’unité du groupe EDF et d’assurer aux boulangers, aux exploitants agricoles, aux artisans et commerçants…
M. Boris Vallaud
Et aux petites communes !
M. Philippe Brun, rapporteur
…et aux petites communes, la capacité de prévoir les prix de l’électricité et de réduire le montant de leurs factures. C’est donc une victoire de voir le Gouvernement plier le genou devant la représentation nationale. (M. Boris Vallaud applaudit.) C’est aussi une victoire de voir le Parlement trouver la voie de la discussion transpartisane, incluant l’ensemble des groupes politiques. Mes chers collègues, armés du souci de l’intérêt général qui fut le vôtre lors des précédentes lectures, je vous demande d’accepter les amendements du Gouvernement, afin de permettre une adoption définitive de ce texte, inédit dans l’histoire de la Ve République. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Sébastien Jumel, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et M. Nicolas Sansu applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Jumel, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Sébastien Jumel, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Marcel Paul le déclarait en 1945 : « Il faut gagner la bataille de l’électricité […] ! » Il faut la gagner, parce que l’électricité n’est pas un bien comme les autres, mais un bien commun qui fait exception. Nous allons, dans quelques instants, gagner une première bataille ; mais du chemin reste à faire pour gagner la guerre.
Ces dernières décennies, certains ont pu croire, à droite comme à gauche, que la bataille pour un service public de l’électricité relevait d’une vision passéiste, et que l’énergie pouvait se vendre en trading haute fréquence sans conséquences. Or, aujourd’hui, et c’est une première victoire, tous les bancs de l’Assemblée – du groupe LR, avec les conclusions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France présidée par Raphaël Schellenberger, aux députés communistes, en passant par les socialistes, les insoumis et les écologistes – s’accordent pour affirmer qu’un service public de l’électricité est une urgence du temps présent.
C’est une urgence du temps présent pour répondre au réchauffement climatique et à la planification des besoins qu’il exige – la guerre en Ukraine a accéléré notre prise de conscience en la matière. C’est une urgence du temps présent parce que le marché est incapable de relever de façon cohérente et systémique le défi de la décarbonation de la production énergétique. En dépit de l’accord conclu avec l’Union européenne, la construction du marché européen de l’électricité reposera toujours sur la logique du merit order et de la concurrence, qui sont incompatibles avec la nécessité d’une intervention publique dans ce secteur.
Enfin, il s’agit d’une urgence du temps présent pour assurer notre indépendance énergétique. Le dopage artificiel de la concurrence et des marchands alternatifs, profiteurs de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et mauvais commerçants de l’énergie, a révélé combien le marché était incapable de promouvoir une politique industrielle de long terme et de haut niveau.
Cette urgence est désormais une urgence nationale. Une urgence qui a le visage de ce que Marcel Paul et le général de Gaulle, les communistes et les gaullistes ont légué, celui d’EDF, devenu le symbole de cette bataille et le fruit de notre histoire, que nous devons chérir et préserver.
Pourtant, force est de constater que depuis de trop nombreuses années, aucune des lois adoptées n’a été capable de fixer une stratégie claire pour l’énergie dans notre pays. En témoigne encore l’absence, à ce jour, d’une loi de programmation énergie-climat, et l’attaque contre notre modèle de sûreté nucléaire. Depuis 2017, le Président de la République n’a cessé de s’en prendre à notre modèle énergétique et à notre patrimoine industriel commun. Pour Emmanuel Macron, EDF n’est pas l’avenir, ne représente aucun avenir défini. La fermeture de Fessenheim, les stop and go salariaux, la menace de privatisation des barrages, les pertes de savoir-faire, l’affaiblissement de la filière nucléaire, le risque du démantèlement de l’entreprise incarné à l’époque par Mme Borne et son projet Hercule en sont autant d’illustrations.
Ces attaques à répétition ont failli, l’hiver dernier, nous plonger dans un blackout électrique. Elles nous ralentissent à présent dans la construction d’un service public unifié de l’énergie capable d’assurer la transition énergétique. Cependant, après des décennies d’errements et les récentes velléités de s’en prendre à l’unité du groupe EDF, il semble que le Président de la République, le Gouvernement et le président d’EDF reconnaissent désormais l’impérieuse nécessité d’une entreprise intégrée. La petite nationalisation d’EDF a posé une première pierre, mais elle demeure insuffisante tant que le Parlement n’est pas assuré de sa souveraineté dans la définition de l’avenir de cette nationalisation.
Nous devons reconnaître que ce texte porte plus loin que sa vocation initiale. Il est aussi une réponse à l’incapacité de prévoir et à l’inaptitude à protéger.
Depuis 2019, en dépit d’un bouclier tarifaire qui n’aura finalement servi qu’à faire les poches d’EDF au service des superprofits de TotalEnergies et consorts, les Français ont absorbé un choc continu des prix. En deux ans, les 21 millions d’abonnés au TRVE ont connu une augmentation des prix supérieure à 39 %. L’enjeu nous oblige donc.
Philippe Brun et moi-même assumons de formuler les choses ainsi : la proposition présentée ce matin est celle du plus petit dénominateur commun. Elle n’en est pas moins utile, très utile même, pour les TPE, les petites communes et, alors que le Salon de l’agriculture a lieu en ce moment, les agriculteurs. J’ai d’ailleurs une pensée pour les éleveurs de vaches laitières de ma circonscription, qui ont été fortement bousculés par l’augmentation des prix de l’énergie. L’adoption de cette proposition de loi sera donc une bouffée d’air pour des milliers de petits artisans, commerçants, agriculteurs.
L’ampleur de la crise nous oblige à être plus ambitieux que les solutions d’épicier proposées par le Gouvernement. (M. le ministre délégué s’exclame.) Il s’agit d’un petit texte, humble. Il n’a pas l’étoffe d’une vraie loi pour le service public, mais il représente un premier pas que, je l’espère, nous franchirons ensemble dans les instants qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur ceux des commissions.)
M. Boris Vallaud
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Depuis plus de deux ans, particuliers et professionnels font face à une hausse démesurée du montant de leurs factures d’électricité. Certains secteurs qui ne peuvent bénéficier de protections suffisantes sont particulièrement exposés, comme les commerçants, les très petites entreprises, ou encore les bailleurs sociaux et donc leurs locataires. Cette explosion des prix est à l’origine d’une crise économique et sociale qui touche toute la population.
Cette situation prouve que le modèle énergétique qui s’est imposé depuis quelques années n’est pas en mesure de répondre aux crises que nous traversons. Pire, il les aggrave, dans la mesure où il réduit le pouvoir d’achat, crée un risque de faillite pour des milliers d’entreprises et fait obstacle à la bifurcation écologique, dont l’énergie constitue le deuxième pilier après les transports. Les politiques de dérégulation et d’ouverture à la concurrence, qui se sont généralisées s’agissant de droits et de besoins fondamentaux comme l’énergie et les transports, sont selon moi absolument néfastes. C’est à elles que nous avons affaire ce matin.
Ce texte propose des avancées à court terme, qui répondent à certaines urgences et remettent en cause une partie des dogmes néolibéraux du Gouvernement. Néanmoins, et cela n’a rien à voir avec le travail des deux rapporteurs, je ne puis cacher ma déception de voir que certains dispositifs, pourtant essentiels, ont été écartés de cette nouvelle version de la proposition de loi. Je rappelle qu’en deuxième lecture, l’Assemblée avait réduit les prix pour toutes les PME, toutes les collectivités territoriales de moins de 50 000 habitants, ainsi que pour les organismes de HLM.
L’élargissement de l’application des tarifs réglementés aux TPE qui n’en bénéficient pas actuellement n’en demeure pas moins salutaire : ce dispositif nous permettra de les protéger des lois du marché. Combien de boulangers auraient-ils été soutenus dès le début de la crise si les prix n’avaient pas été dérégulés, mais déterminés par la puissance publique ?
L’énergie – besoin universel de l’humanité et droit fondamental des citoyens – étant en péril, ce secteur doit être soustrait des mains des sociétés privées et de leurs intérêts. Tel était d’ailleurs l’objet de la création d’EDF, avant que l’entreprise ne soit transformée en une société anonyme observant les mêmes règles que tous les groupes du CAC40. Sous l’influence de l’idéologie néolibérale, EDF s’est progressivement pliée à la logique du profit et de la dérégulation. Les conséquences sont malheureusement visibles, avec des prix inacceptables.
La proposition de loi vient mettre un coup de frein à cette logique de grande braderie de nos biens communs, qui pousse à toujours plus privatiser les profits et socialiser les pertes. En protégeant EDF d’un démantèlement, le texte vise bien à éviter une situation dans laquelle les activités les plus lucratives, comme les énergies renouvelables, seraient sacrifiées pour l’enrichissement de quelques-uns, quand les plus coûteuses, comme la relance nucléaire, demeureraient dans le giron public, comme le prévoyait le projet Hercule.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
De lourds investissements seront nécessaires dans les prochaines années et il serait inacceptable que la population en assume le coût pour que les multinationales en récoltent ensuite les bénéfices. Les énergies vertes ne doivent pas être dissociées de l’activité de l’entreprise – cela devrait d’ailleurs être la règle pour toute entreprise énergétique. L’inscription dans la loi de la détention intégrale du capital d’EDF par l’État constitue donc la garantie qu’à aucun moment un démembrement ne pourra s’appliquer sans l’accord préalable de la représentation nationale. D’une certaine manière, nous faisons ainsi de l’Assemblée nationale un bouclier, même si cette détention à 100 % du capital par l’État ne constitue pas une nationalisation à proprement parler – nationalisation qui, je persiste à le penser, est nécessaire.
Les avancées permises par le texte ne suffiront donc pas. Le contrôle démocratique devra être prolongé jusqu’à la création d’un pôle public de l’énergie, qui serait bâti, je viens de le dire, sur une véritable renationalisation d’EDF et offrirait à tous les niveaux une garantie de contrôle citoyen. J’espère qu’il s’agira de la prochaine étape. À défaut de nous entendre aujourd’hui sur cette orientation, je salue et soutiens cette proposition de loi de Sébastien Jumel et Philippe Brun. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur ceux des commissions.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
M. Inaki Echaniz
Bravo ! Vive la montagne !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Pour la troisième fois en à peine plus d’un an, ce qui en dit long sur l’importance de cette proposition de loi de notre collègue Philippe Brun et du groupe Socialistes et apparentés, nous nous réunissons en vue de protéger notre service public de l’électricité et, à travers lui, le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de nos entreprises. La pugnacité paye !
Depuis le départ, nous avons deux priorités.
La première est de protéger le groupe EDF contre un démembrement, tel que l’envisageait en son temps le projet Hercule, en inscrivant dans le marbre de la loi la détention intégrale du capital de l’entreprise par l’État. De cette manière, toute évolution de la structure du groupe ou de ses activités devra obligatoirement passer par la loi. En effet, nous ne pouvons faire face au défi immense de la transition écologique ni assumer nos ambitions énergétiques sans un groupe EDF fort et unifié, au service de la puissance publique et d’un État stratège.
La seconde priorité est de protéger nos très petites entreprises contre les violents soubresauts des marchés de l’énergie, en étendant à leur profit les tarifs réglementés de vente de l’électricité, sans condition de puissance souscrite. Pour nos boulangers, par exemple, mais parfois aussi pour nos agriculteurs – ce qui n’est pas neutre dans le contexte actuel –, cette mesure constitue un véritable bouclier social ; c’est aussi l’assurance d’une compétitivité et d’une viabilité préservées. La récente crise de l’énergie a apporté la preuve de la nécessité de ce dispositif. Dans un contexte géopolitique tourmenté, la France n’est pas à l’abri d’un nouveau choc lié aux énergies fossiles. Il faut prémunir nos artisans, commerçants et agriculteurs contre ce risque.
Depuis le début de l’examen du texte, nous nous sommes frontalement opposés au Gouvernement et à la majorité. Cependant, vous semblez désormais adhérer à notre démarche, monsieur le ministre, et vous inscrire dans une nouvelle méthode de travail plus collective. Nous nous en réjouissons, car ce sont bien notre pays et les Français qui en sortiront gagnants.
Fruits de nos échanges, des modifications de compromis seront proposées par voie d’amendement par le Gouvernement et M. le rapporteur Brun. Nous les soutiendrons sans réserve et demanderons, en conséquence, le retrait des amendements de la majorité, devenus caducs. Ces modifications donneront toute sa force au texte. La suppression du caractère obligatoire de l’ouverture du capital à un actionnariat salarié permettra de laisser ouvertes toutes les options juridiques, s’agissant notamment du futur mode de gestion des concessions hydroélectriques. Vous connaissez mon engagement de longue date sur cette question, monsieur le ministre,…
M. Roland Lescure, ministre délégué
Oui !
Mme Marie-Noëlle Battistel
…ainsi que ma volonté d’avancer, car il y a désormais urgence.
En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés votera avec fierté cette proposition de loi dont il est l’auteur et appelle l’ensemble des groupes à faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Je tiens d’abord à remercier les rapporteurs pour leur travail au long cours sur cette proposition de loi. Reconnaissons qu’il faut s’accrocher pour ne pas se perdre, puisque du texte initialement déposé, il ne reste plus grand-chose. La modification de son titre en dit long : alors que le texte visait initialement à la « nationalisation » d’EDF, il tend désormais à « protéger le groupe » d’un « démembrement ». Par chance, le groupe Horizons et apparentés adhère à ces deux objectifs. Mieux, nous avons agi avec le Gouvernement pour permettre leur pleine réalisation.
Premièrement, rappelons qu’une offre publique d’achat simplifiée (OPAS) a été lancée en 2022 par l’État français. Elle a été une franche réussite, puisque l’État détient désormais 100 % du capital de l’entreprise. La nationalisation est donc effective. Ensuite, notons que le projet Hercule a été abandonné. Le Gouvernement s’y est engagé : il n’y aura pas de démembrement du groupe EDF. Il n’y aurait de toute façon pas beaucoup de sens à démanteler une entreprise dont le capital est intégralement détenu par l’État, actionnaire unique.
En conséquence, la proposition de loi ne contient plus que trois articles, dont deux restent en discussion. Les articles 1er et 3 ont été supprimés car, comme vous le savez, la nationalisation d’EDF était prévue avant même le dépôt du texte. Cœur du texte, ces deux articles étaient donc inopérants.
S’agissant des dispositions restant en discussion, à commencer par l’article 2 tel qu’il est actuellement rédigé, notre groupe émet de sérieuses réserves. En effet, cet article pose des difficultés pratiques importantes.
Si nous soutenons évidemment le principe de l’actionnariat salarié en général, et en particulier dans le cas d’EDF, les rigidités qu’introduit l’article mettraient en péril la bonne application du dispositif. En imposant par la loi le montant, la date et la nature exacte de l’opération d’ouverture du capital, nous risquons de complexifier le fonctionnement de l’entreprise et d’empiéter sur les attributions de sa gouvernance. C’est pourquoi le groupe Horizons et apparentés soutiendra l’amendement du Gouvernement visant à supprimer l’obligation pour EDF de réaliser une telle ouverture de son capital, pour la remplacer par une simple possibilité, dans des limites fixées par décret.
De la même manière, l’article 2, tel qu’il est rédigé, prévoit qu’Enedis doit demeurer une filiale d’EDF détenue à 100 %. Une telle disposition empêcherait toute cession, même partielle, du capital d’Enedis – y compris à une personne publique comme l’État. Une rigidité comme celle-ci n’a aucun intérêt et, une fois de plus, risque de perturber la gouvernance d’EDF. Il convient par conséquent soit de supprimer cette mesure, soit de retenir notre amendement visant à aligner le dispositif prévu pour Enedis sur celui relatif à RTE – Réseau de transport d’électricité –, lequel prévoit qu’un minimum de 50 % du capital de l’entreprise doit être détenu par l’État et le reste appartenir à d’autres entreprises ou organismes publics. Cette proposition nous semble de bon sens et nous espérons que les rapporteurs y donneront suite malgré l’avis défavorable qu’ils ont émis en commission des finances.
En ce qui concerne l’article 3 bis, qui donne accès aux tarifs réglementés de l’électricité aux très petites entreprises et aux petites communes, nous sommes en phase. Je ne reviendrai pas sur la méthode qui a présidé à l’introduction de cet article dans une proposition de loi dont l’objet initial était, en vérité, assez éloigné. Je ne reviendrai pas non plus sur le champ d’application initial de cet article, qui était exagérément large et dont le coût pour nos finances publiques aurait été parfaitement déraisonnable. J’ajoute qu’il faisait double usage avec les dispositifs d’aide introduits depuis le début de la crise énergétique et qu’il n’aurait eu qu’un impact très limité pour les consommateurs finaux. Heureusement, avec l’aide du Sénat, nous sommes revenus à un dispositif nettement plus ciblé et raisonnable, que nous soutiendrons donc sans ambiguïté.
Vous l’aurez compris, cette proposition de loi, qui n’a plus rien à voir avec le texte initialement déposé, ne nous convient pas en l’état, car son article 2 contient des rigidités inutiles au fonctionnement d’EDF. Cependant, si les amendements visant à revoir les dispositions relatives à l’actionnariat salarié et à la détention du capital d’Enedis venaient à être adoptés, le groupe Horizons en serait satisfait et serait alors prêt à soutenir le texte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
La proposition de loi qui nous est soumise concerne notre politique énergétique, et notamment le rôle de l’État actionnaire. Elle traduit un objectif tout à fait rassembleur consistant à assurer l’intégrité du groupe EDF, qu’il faut préserver tant son intérêt est stratégique pour notre avenir.
Cette troisième lecture intervient dans un contexte marqué par l’annonce d’une augmentation à hauteur de 9,8 % – ce qui est bien inférieur à 10 % – des prix de l’électricité. Cette hausse vient grever encore davantage le budget de nos concitoyens, déjà fortement touchés par l’inflation, alors même que les prix de gros de l’électricité sont revenus à leurs niveaux de l’été 2021. Il s’agit donc d’une décision purement politique du Gouvernement.
Il est urgent de protéger le groupe EDF. Rappelons en effet la volonté, que traduisait le projet Hercule, de procéder à une vente à la découpe, en cédant – comme d’habitude – les activités les plus rentables du groupe tout en gardant celles qui ne le sont pas dans le giron public. Il faut à tout prix éviter qu’un projet du même ordre puisse un jour aboutir ; protéger le groupe d’un démembrement est donc l’un des objectifs de cette proposition de loi.
La version actuelle du texte, issue des travaux des deux chambres, prévoit une contractualisation des activités du groupe EDF avec l’État, un actionnariat public à 100 % – la petite part d’actionnariat salarié étant suspendue – et un élargissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité.
La navette parlementaire a abouti à ce compromis qui, d’autres l’ont dit avant moi, affaiblit l’ambition initiale du texte mais permet néanmoins de soutenir les particuliers, les TPE et le secteur agricole, lesquels en ont vraiment besoin.
Nous regrettons que les collectivités locales les plus importantes, qui assurent l’essentiel de la prise en charge de nos concitoyens, avec les piscines, les écoles, les médiathèques, les Ehpad et les bâtiments publics, ne soient pas concernées.
Cette proposition de loi nous permet de vous interroger à nouveau, monsieur le ministre, sur la santé financière d’EDF. Les récentes annonces de bénéfices ne doivent pas nous faire oublier la dette abyssale liée à l’impasse économique que constitue le tout nucléaire – tant la prolongation de vie du parc nucléaire que la construction de nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR). Nous sommes face à un gouffre économique ! La dette et les investissements à prévoir se comptent en dizaines de milliards d’euros. Les dérapages dans les coûts et les délais mettent en lumière les maux du mix énergétique français. Désormais, vous allez peut-être vous attaquer au livret A pour trouver des ressources pour le nucléaire.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Nous attaquer…
Mme Christine Arrighi
L’EPR de Flamanville en est une parfaite illustration : en 2020, la Cour des comptes estimait son coût final à 19,1 milliards d’euros, bien loin des 9 milliards d’euros prévus à l’origine ; tout cela avec douze ans de retard par rapport au calendrier initialement validé. Malgré toutes ces dérives, le Président de la République a annoncé la construction de quatorze nouvelles centrales nucléaires – le projet a été adopté contre notre volonté dans cet hémicycle – alors que l’industrie de l’atome, grevée par les retards et les surcoûts, recule dans le monde entier.
La version allégée du texte ne nous enthousiasme pas, mais nous la soutiendrons par esprit de compromis. Notre soutien ne doit pas être assimilé à celui de la filière nucléaire et de l’électricité d’origine nucléaire, coûteuse et productrice de déchets radioactifs nuisibles pour l’environnement et la biodiversité (M. Jean-François Coulomme applaudit) ; il est irresponsable de faire reposer sur les générations futures le poids de son coût financier et écologique. Monsieur le ministre, pourquoi la gestion des déchets ne relève-t-elle plus du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires ? Nous vous interrogerons ultérieurement au sujet du décret paru pendant l’interruption des travaux parlementaires.
Il faut absolument opérer un rééquilibrage de notre mix énergétique, alors que nous attendons toujours la loi de programmation sur l’énergie et le climat annoncée depuis longtemps. (M. Philippe Brun, rapporteur, et Mme Elsa Faucillon applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Nous arrivons au terme des débats sur ce texte qui, à l’origine, visait principalement à nationaliser EDF afin de garantir la propriété publique, mais aussi l’unité, du service public de l’énergie. Certes, au cours de la navette parlementaire, le Sénat a réduit la portée de la proposition de loi. Il n’empêche que c’est une brique essentielle que nos deux éminents corapporteurs, que je remercie pour leur travail, vont permettre de poser.
Rappelons tout d’abord le contexte qui a présidé au dépôt de cette proposition de loi : la guerre en Ukraine a mis en évidence les dangers de la construction du marché européen de l’énergie. Alors que la production d’électricité en France provient aux trois quarts de nos centrales nucléaires, nous avons subi de plein fouet les conséquences de la volatilité des cours du gaz sur le marché européen de l’électricité. Nos concitoyens ont été pris à la gorge et le Gouvernement s’est trouvé contraint de mettre en place, à la hâte, des mesures d’accompagnement : extension du chèque énergie, bouclier énergétique, élargissement de l’Arenh, mesures ruineuses et inadaptées qui n’ont rien réglé sur le fond.
Le mécanisme d’indexation des prix de l’électricité sur ceux du gaz n’a d’ailleurs pas été remis en cause par l’accord européen dont le Gouvernement et le Président de la République se sont targués il y a peu. Si les plus fragiles devraient, comme cela semble avoir été négocié, bénéficier d’une meilleure régulation, des millions de nos concitoyens – notamment les classes moyennes –, des milliers d’entreprises – y compris des PME –, des milliers de collectivités locales seront encore soumis à une volatilité des prix de l’électricité insupportable et dangereuse.
Dans ce contexte, la maîtrise publique de tout le secteur de l’énergie, des énergies renouvelables au nucléaire, de l’hydroélectricité au gaz vert, est une condition préalable à la souveraineté de notre pays ; elle détermine sa capacité à affronter la bifurcation écologique de notre modèle de développement. C’est aussi la seule manière de protéger nos concitoyens dans un marché où les appétits des actionnaires ne font pas exception à la règle délétère. C’est enfin la condition pour réussir l’électrification de pans entiers de notre économie dans le cadre d’une décarbonation indispensable.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Nicolas Sansu
Certes, les députés de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES auraient souhaité que deux dispositions issues de nos travaux en première lecture soient conservées. D’abord, la revue des missions assumées par le groupe EDF comme opérateur national – en clair, un grand service public de l’électricité rassemblant production, transport, distribution pour tous les types d’énergie électrique ; ensuite, l’élargissement du champ des bénéficiaires des tarifs réglementés de vente d’électricité aux consommateurs non domestiques de petite taille, en supprimant le critère de puissance souscrite inférieure à 36 kilovoltampères.
Cependant, ce texte marque une première étape dans la reconquête de notre indépendance et de notre souveraineté énergétiques, et nous le saluons comme tel. Il offre un point d’appui pour la reconstruction d’un grand service public de l’énergie, celui que nos concitoyens et nos entreprises attendent.
Je le répète, la conclusion de contrats à long terme dans le cadre de la réforme du marché européen, que vous avez annoncée, ne règle rien. Elle est tellement efficace qu’au 1er février, les tarifs réglementés ont augmenté de 10 % !
Dès lors, deux conclusions s’imposent et ce sont les deux propositions du texte examiné ce matin. L’exigence, tout d’abord, de protéger EDF de tout risque de démantèlement et d’affirmer son rôle central et stratégique pour notre système énergétique national.
La nécessité, ensuite, de déployer les tarifs réglementés de vente pour garantir à plus de consommateurs – particuliers, entreprises et artisans, collectivités de petite taille – une énergie au juste coût et au juste prix.
La recapitalisation d’EDF aujourd’hui à l’œuvre ne constitue pas une garantie suffisante. Elle ne nous prémunit pas contre les stratégies de morcellement de l’opérateur. Derrière Jupiter, Hercule reste tapi dans l’ombre. Mais en cas de nouvelle modification du capital de l’entreprise, il faudra repasser devant le Parlement ; c’est une marque de respect, et nous en sommes très heureux.
Cette recapitalisation n’offre pas la garantie d’une stratégie financière et industrielle cohérente, mise à mal ces dernières décennies, comme l’a démontré la commission d’enquête présidée par notre collègue Schellenberger.
L’énergie, bien commun, bien fondamental, n’est pas un bien comme un autre. Elle doit être maîtrisée par la nation, par le Parlement, car elle est au cœur de notre capacité commune à imaginer un mode de développement renouvelé, où la transition écologique se conjugue avec l’égalité sociale, où la souveraineté s’affirme dans le cadre d’un grand service public unifié. Nous soutiendrons le texte, tel que les deux rapporteurs nous le proposent. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Benjamin Saint-Huile
Bravo, Michel, c’était formidable !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il n’a pas encore parlé !
M. Michel Castellani
Je vais faire au mieux ! Le groupe LIOT partage le constat simple à l’origine de cette proposition de loi : à l’heure de la crise climatique et de la nécessaire électrification de nos usages, nous devons reprendre en main notre politique énergétique et nous donner les moyens de produire plus et mieux.
Pour cela, la France dispose d’un atout majeur : EDF, l’une des plus grandes entreprises énergétiques d’Europe, et même du monde. La multiplicité des crises que la France et l’Europe ont traversées a mis en exergue des atouts et des faiblesses.
À l’heure où la vague est derrière nous, il nous appartient d’agir en responsabilité pour préparer au mieux l’avenir. C’est en Européens que nous parviendrons à surmonter les crises, bien sûr, mais ce n’est pas parce que nous croyons en l’Europe que nous sommes aveugles face à ses faiblesses – l’énergie en est une.
Malgré les 300 milliards investis dans le cadre du plan REPowerEU, plan pour une énergie abordable, sûre et durable pour l’Europe, malgré le plafonnement des prix du gaz sur les marchés, malgré les restrictions de consommation, les prix de l’énergie ont flambé ces dernières années. Les causes de cette flambée sont multiples, mais force est de constater que le marché européen de l’énergie nous a imposé un cadre et des contraintes qui ne nous ont pas permis de répondre efficacement à la crise.
Pourquoi ? Tout d’abord parce que ces contraintes ont contribué à affaiblir l’énergéticien national. L’Arenh, ce mécanisme qui impose à EDF de vendre à ses concurrents une partie de son électricité, a profondément dégradé les comptes de l’entreprise et sa capacité à investir. Les conséquences, jusque-là invisibles, se sont fait ressentir durant l’hiver 2022-2023, notamment avec l’indisponibilité du parc nucléaire pour cause de corrosion.
Les lois du 10 mars 2023 – relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – et du 22 juin 2023 – relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes – ne suffiront pas pour faire face aux défis énergétiques à venir.
Il faut surtout redonner à l’entreprise les moyens de répondre à ses ambitions – à nos ambitions. Le 8 juin dernier, symboliquement, le Gouvernement a repris 100 % du capital du groupe EDF. Cette reprise doit être synonyme d’une nouvelle marge de manœuvre financière pour le groupe alors que ce dernier est surendetté.
Pour autant, cela ne garantit pas l’avenir. L’Union européenne fait pression pour démanteler le groupe et séparer les activités nucléaires de la production d’énergies renouvelables. Un projet, Hercule, avait ainsi été présenté en 2019. Même s’il n’est plus d’actualité, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à redouter son retour.
Il est donc compréhensible qu’une majorité se soit dégagée pour protéger EDF. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui chemine depuis un moment entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Ses dispositions ont considérablement évolué, mais l’optique reste la même : redonner au Parlement les moyens de s’exprimer sur la politique énergétique. Le fait de graver dans la loi la détention à 100 % du capital d’EDF par l’État va dans ce sens, bien sûr. Cela impose au Gouvernement de repasser devant nos chambres avant tout projet de restructuration et représente donc une garantie contre le retour éventuel d’un projet comme Hercule.
Nous pensions être arrivés au bout du chemin législatif et aboutir enfin à un vote conforme. J’entends qu’il reste encore quelques détails à régler concernant l’actionnariat salarié et le capital d’Enedis. Il faut bien évidemment les traiter avant que la loi ne grave ces dispositions dans le marbre. Nous sommes prêts à cheminer avec le Gouvernement, à condition qu’il s’engage à inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat dans des délais brefs – si j’ai bien compris, c’est le cas. Je salue, avec un brin de malice qu’on me pardonnera, la majorité qui a rejoint tardivement notre cause commune.
Un mot, enfin, du bouclier tarifaire : nous rejoignons les auteurs de cette proposition sur l’objectif d’aider les TPE et les collectivités face à l’inflation des prix de l’énergie. Nous partageons l’ambition sénatoriale de faire sauter le verrou du seuil des 36 kilovoltampères afin que l’ensemble des TPE puissent bénéficier des tarifs réglementés.
Nous regrettons que le bouclier tarifaire ne puisse s’appliquer à toutes les collectivités territoriales, proposition que nous soutenons avec constance. Je finirai en réitérant notre soutien à cette proposition de loi et à une entreprise EDF unifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. les rapporteurs applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse
Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur Brun, le débat fera date, aussi bien en termes de procédure que sur le fond. Il s’agit d’une troisième lecture, mais il est heureux que les discussions aient été longues, car l’opération de rachat à 100 % d’EDF menée par le Gouvernement est un succès total. L’avenir financier d’EDF est consolidé, son environnement renouvelé et stabilisé. Il convient donc de saluer l’efficacité du Gouvernement sur ce sujet qui nous tient tous à cœur.
Rappelons-nous le contexte dans lequel nos discussions ont débuté. Il est remarquable qu’une proposition de loi, débattue à l’occasion d’une niche parlementaire, ait été aussi profondément modifiée au cours des navettes, voire entre le vote en commission des finances et la séance publique. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que le ministre délégué chargé de l’industrie, désormais chargé de l’industrie et de l’énergie, ont activement contribué à la réflexion.
EDF est la principale entreprise de production dans le portefeuille de l’État, mais aussi le premier groupe de production d’électricité au niveau international. En dessinant l’avenir d’EDF, nous dessinons l’avenir énergétique de notre pays, celui de la résilience dont ce groupe international est très largement la clé ; il est désormais la propriété de l’État à 100 %.
Lorsque cette proposition de loi a été examinée ici pour la première fois, il était question de généralisation des tarifs réglementés, de retour au monopole et de tout nucléaire, trilogie dirigiste censée pallier l’insuffisance d’entretien du parc au cours des dernières années. C’est à cela que nos agriculteurs, nos artisans, les salariés et les industries ont fait face.
Désormais, les prix de l’énergie sont en baisse ; les prix de gros sont redescendus à leur niveau d’avant-crise. C’est le résultat de l’action du Gouvernement et de celle de l’Europe, notamment grâce à la diversification des approvisionnements. Par ailleurs, la situation d’EDF a été consolidée et sa dette ne tétanise plus ses partenaires.
La réforme du mécanisme européen de marché nous permet d’envisager un avenir énergétique commun auquel tous les modes de production d’énergie contribuent. M. le ministre l’a dit hier lors du débat consacré aux suites de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France : les faibles coûts de production des énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, ont contribué à hauteur de 30 milliards d’euros en deux ans au financement de la baisse des prix pour les particuliers et les entreprises. C’est le mécanisme du bouclier énergétique, dont ont bénéficié de nombreuses grandes entreprises industrielles – et celui du guichet pour les boulangers. Pendant deux ans, ces procédés budgétaires ont protégé les Français et notre industrie, en complément des tarifs réglementés s’appliquant exclusivement aux très petites entreprises et aux particuliers.
Grâce à l’action du Gouvernement, qui a restauré la confiance, nous sommes capables de fournir une électricité bon marché sur la durée, notamment pour maintenir la compétitivité de notre économie. Nous sommes donc tout disposés à étendre aux PME et aux collectivités locales le périmètre des tarifs réglementés.
Lorsque cette proposition de loi a été examinée ici pour la première fois, il était question d’interférer dans une procédure judiciaire et de faire échouer la stabilisation d’EDF par l’État – même si ce n’était pas l’intention au fond.
La volonté du Président de la République s’étant concrétisée avec succès, nous pouvons maintenant, en troisième lecture, discuter de la future place des salariés au capital.
Lorsque cette proposition de loi a été examinée ici pour la première fois, il était question d’actifs et d’activités définis comme publics par nature – souvenez-vous des heures que nous avons passées sur ce sujet !
Nous proposons aujourd’hui de nous appuyer sur les travaux menés par le Gouvernement, les rapporteurs et la majorité en commission pour poursuivre, dans le cadre du groupe EDF, la réflexion sur l’entreprise la plus sollicitée par les collectivités locales, les agriculteurs et l’industrie – Enedis, le distributeur de courant faible. Agissant pour le compte et par délégation des communes, cet acteur est essentiel au raccordement des territoires de production qui, partout en France, se développent au gré des initiatives locales. Il y va de leur autonomie énergétique.
S’agissant des grandes orientations, de l’avenir d’EDF, de ses salariés et de nos entreprises, et maintenant que nous sommes davantage éclairés, nous sommes prêts – le débat s’y prête – à soutenir la vision la plus commune possible, comme le souhaitent tous ceux à qui il incombe de donner à ce domaine l’élan d’une énergie humaine.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Merci !
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou
Comme Napoléon qui, à son retour d’exil, vola de clocher en clocher de l’île d’Elbe à Notre-Dame de Paris, le Rassemblement national va de victoire idéologique en victoire idéologique, jusqu’à atteindre non pas Notre-Dame mais, je l’espère, l’Élysée en 2027.
C’est d’abord grâce à la Macronie, qui a défendu un projet de loi sur l’immigration plus dur que prévu, puis annoncé la fin du droit du sol à Mayotte et, dans le domaine de l’agriculture, la suspension des négociations avec le Marché commun du Sud (Mercosur).
Aujourd’hui, c’est à la gauche de nous donner raison en essayant de sauver EDF après avoir participé à son démembrement main dans la main avec les Verts.
Sauver ? Je devrais plutôt dire rafistoler, car ce texte ne rétablit pas le monopole d’EDF, ni le regroupement des activités de production, de transport, de distribution et de fourniture d’énergie au sein d’EDF. Le rétablissement de ce monopole permettrait pourtant le retour des tarifs réglementés et d’une énergie bon marché, assurant à la France un avantage compétitif sur ses concurrents à l’international. Il redonnerait surtout aux Français du pouvoir d’achat, alors que ce dernier a été mis à mal par l’inflation et la crise énergétique.
Nous, députés du Rassemblement national, voulons aller plus loin et procéder à une réforme aussi ambitieuse que le plan Messmer. Nous souhaitons remettre le nucléaire au cœur de notre stratégie énergétique : notre plan Marie Curie prévoit la construction de vingt nouveaux EPR (« Toujours plus ! » sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem) pour assurer l’indépendance énergétique de la France et permettre une vraie réindustrialisation du pays.
M. Emeric Salmon
Très bien !
M. Alexandre Sabatou
Malgré les annonces du Gouvernement, le compte n’y est pas : aucune politique énergétique d’ampleur ne suit les belles paroles sur la réindustrialisation. La désindustrialisation continue, et l’énergie perdue depuis la fermeture honteuse de la centrale de Fessenheim n’a toujours pas été récupérée.
M. Julien Odoul
Quelle honte !
M. Alexandre Sabatou
Ce texte demeure néanmoins important, car l’actionnariat salarié instauré par le Rassemblement national empêchera le Gouvernement de démembrer EDF en catimini comme il voulait le faire. Vous n’avez de cesse de répéter dans l’hémicycle que le projet Hercule est enterré, mais nous ne vous faisons pas confiance !
Un député du groupe RN
Ça, c’est sûr !
M. Alexandre Sabatou
Comment croire un gouvernement qui a bradé Alstom Énergie, Alcatel, Technip et aujourd’hui Atos ? Si demain la Commission européenne lève le petit doigt et vous demande de démanteler EDF, vous vous coucherez sans opposer la moindre résistance, comme à votre habitude, en bons exécutants que vous êtes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
C’est pourtant cet amendement primordial que vous avez, monsieur le rapporteur, décidé d’abandonner. Cette décision est d’autant plus incompréhensible que nous avions, nous, oppositions, réussi à faire adopter cette proposition non pas une, non pas deux, mais cinq fois contre l’avis du Gouvernement ! Vous étiez donc en position de force pour négocier ; malgré cela, vous ressortez avec le pire accord de l’histoire.
Qu’avez-vous gagné ? Une petite promesse de maintenir un article 3 bis temporaire, constamment menacé par le Conseil constitutionnel,…
Un député du groupe RN
Tout à fait !
M. Alexandre Sabatou
…quand une solution simple et efficace existe : sortir du marché européen de l’électricité.
M. Philippe Brun, rapporteur
Ce n’est pas dans la proposition, ça !
M. Alexandre Sabatou
À un article temporaire, préférons une politique de long terme. Sans sortie du marché européen de l’électricité, vous ne retrouverez ni notre compétitivité historique, ni le pouvoir d’achat des Français, sacrifié depuis des années au dogme eurobéat dicté par la Commission de Bruxelles.
Loin d’être farfelue, cette solution simple a été adoptée avec pragmatisme par l’Espagne et le Portugal, avec des résultats immédiats sur l’inflation et sur les prix de l’électricité pour les ménages et les entreprises. Nous aurions ainsi évité de nombreuses faillites et freiné l’accroissement de notre dette, mais Bruno Le Maire semble avoir pour objectif de battre tous les records dans ce domaine.
Avec cet accord, vous vous rendez complices de la spoliation des actionnaires salariés d’EDF. Incités par la direction d’EDF et le Gouvernement, ces citoyens avaient acquis leurs titres à 25, voire à 66 euros – ils leur ont été rachetés à 12 euros le 8 juin 2023.
Pourquoi ce rachat précipité en 2023 ? Tout simplement parce que ce fut la pire année de l’histoire du groupe. Quand il s’agit de prendre les Français pour des vaches à lait, Bruno Le Maire est toujours là pour en profiter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est en quelque sorte ses soldes à lui…
M. Julien Odoul
Bravo !
M. Alexandre Sabatou
Le pire dans cette histoire, messieurs les rapporteurs, c’est que comme ce fut le cas avec le projet de loi sur l’immigration, vous allez être cocus. Comment pouvez-vous croire que le Sénat renoncera à l’actionnariat salarié ? Vous serez contraints à une quatrième, voire à une cinquième lecture, mais d’ici là, le mal aura été fait : depuis 2017, Bruno Le Maire a démontré son incapacité à gérer les comptes publics ; il s’est fait le complice d’un gouvernement qui a systématiquement placé les intérêts du marché mondialisé au-dessus de ceux de la France et des Français.
M. Erwan Balanant
Oh là là !
M. Alexandre Sabatou
Comment pouvez-vous faire confiance à ceux qui échouent depuis si longtemps ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Ce sont les mêmes !
M. Alexandre Sabatou
Dans ma première intervention sur le sujet, monsieur le rapporteur, j’avais déclaré que vous n’étiez pas responsable des erreurs de votre parti, car vous n’étiez pas encore né lorsqu’il les a commises. Malheureusement, si vous persistez à ne pas retirer vos amendements, vous aurez vous aussi trahi.
Beaucoup, dans cet hémicycle, se réclament du général de Gaulle, mais quand il s’agit de défendre son héritage – les grands projets industriels, le nucléaire, la souveraineté ou l’actionnariat salarié –, seul le Rassemblement national est présent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Émilie Bonnivard
Le général de Gaulle et le RN ? Sérieusement ?
M. Erwan Balanant
Ils en parlent tout le temps, mais pour l’Ukraine, il n’y a plus personne !
M. Alexandre Sabatou
Contrairement à une grande partie de cet hémicycle, nous n’avons jamais transigé avec les intérêts de la nation.
Ce texte ne serait jamais allé aussi loin sans nos voix : il doit être voté en l’état. Il est peut-être insuffisant, mais il sera, je l’espère, un premier pas vers le retour de notre champion de l’énergie, la fin de l’Arenh et la sortie du marché européen de l’électricité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Après un an et demi, l’Assemblée nationale vote une troisième fois pour renationaliser définitivement EDF et étendre le tarif réglementé de vente d’électricité à l’ensemble des TPE – et donc aux boulangers, aux commerçants et aux agriculteurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Grâce à notre mobilisation sans faille, nous pourrons les protéger si une nouvelle crise survient.
Ce ne sera pas le cas d’autres acteurs, très nombreux, qui ont subi l’indifférence des sénateurs Les Républicains, lesquels ont en effet supprimé le TRVE pour les collectivités, les PME et les bailleurs sociaux. Disons-le clairement : si une nouvelle crise éclate, ces derniers plongeront de nouveau et le Gouvernement et la droite en seront responsables. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jean-François Coulomme applaudit.)
En une année, les Français auront vu leur facture d’électricité augmenter trois fois, la hausse cumulée s’établissant à 39 %. Alors que l’électricité française est produite à 80 % par EDF, entreprise détenue à 100 % par l’État, que le système électrique a été bâti avec l’argent de nos impôts et que la France est le premier exportateur net d’électricité d’Europe, les Français paient un prix quatre fois supérieur au coût de production.
Un député du groupe LFI-NUPES
Un hold-up !
Mme Alma Dufour
Le Gouvernement réalise le tour de force de faire augmenter plus vite le prix de l’électricité que celui de l’alimentation. Mais pour Emmanuel Macron, Marie-Antoinette 2.0, si les Français sont pauvres, c’est parce qu’ils se ruinent en abonnements Netflix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Erwan Balanant
C’est une fake news ! Moi qui vous croyais honnête, je suis déçu !
Mme Alma Dufour
Pas moins de 57 000 procédures de défaillance d’entreprise ont été enregistrées en 2023, chiffre en augmentation de 35 %, auxquelles il faut ajouter 160 000 TPE qui ont arrêté leur activité en dehors de toute procédure. Sous votre régime, qui défend les puissants contre les faibles, les TPE gagnent à peine de quoi survivre.
Parmi les boulangers présents dans les tribunes lors de la première lecture du texte se trouvait Jérémie. Vos manœuvres dilatoires et celles des sénateurs LR ont eu raison de sa boulangerie familiale : elle a définitivement fermé pendant que se déroulait la navette parlementaire.
Les TPE encore en vie sont bloquées par des pénalités de rupture de contrat astronomiques : un brasseur qui paye 900 euros le mégawattheure en heures pleines en hiver doit acquitter 17 000 euros de pénalité pour mettre fin à son contrat. (« Quelle honte ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Cependant, nous nous réjouissons que cette proposition de loi protège ceux qui peuvent encore l’être.
Les grands industriels, toujours prompts au chantage, fuient l’Europe pour les États-Unis, qui ont mis en place le plus grand plan de relance industrielle de l’histoire. Avec vous, c’est la relocalisation en marche arrière !
Alors que des parents font la grève de la faim pour que leurs enfants porteurs de handicap aient une place en institut médico-éducatif (IME), que des hôpitaux ouvrent des cagnottes Leetchi pour se payer des scanners médicaux, des départements comme la Seine-Maritime ont dû éponger des factures d’électricité de 40 millions d’euros. L’année dernière, la métropole de Rouen a payé l’équivalent d’un an de transport gratuit pour les habitants en surplus de factures d’électricité.
Un tel bilan, quand on a dépensé 40 milliards d’euros de bouclier tarifaire, c’est du génie !
Un député du groupe LFI-NUPES
Ce n’est pas brillant !
M. Sébastien Rome
C’est le signe d’une mauvaise gestion !
Mme Alma Dufour
Cet argent est bien parti dans les poches de quelqu’un ; mais ce n’est ni dans celles de l’État, ni dans celles des petites entreprises, pas plus que dans celles des Français ou même d’EDF.
Comme souvent avec le Gouvernement, quand on cherche l’argent, on le retrouve dans les mêmes poches.
M. Erwan Balanant
Quel discours caricatural et nul !
Mme Alma Dufour
L’argent du bouclier tarifaire a engraissé les grands énergéticiens comme Engie et Total, dont les bénéfices ont explosé, et les fournisseurs alternatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) On n’explose pas trois années de suite ses records de dividendes sans un petit coup de pouce de l’État !
C’est comme si la crise énergétique qui a mis à genoux toute l’Europe pendant deux ans n’avait jamais eu lieu. Emmanuel Macron, qui a promis en novembre que les Français paieraient l’électricité au coût de production, renonce à un mécanisme d’encadrement des prix en février : vous retournez tellement votre veste sur le sujet que vous êtes à deux doigts de réinventer le courant alternatif ! (Mêmes mouvements.)
On ne pensait pas que c’était possible, mais la réforme européenne aggrave encore une situation déjà catastrophique : elle ne touche pas à l’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz. La Commission est décidée à supprimer les tarifs encadrés et soutient l’Allemagne dans sa volonté de torpiller EDF, notre seul avantage compétitif industriel, alors que notre voisin s’enfonce dans une crise énergétique profonde due à sa dépendance au gaz russe.
M. Jean-François Coulomme
Exactement !
Mme Alma Dufour
Comme nous entrons en campagne pour les élections européennes, et que chacun a décidé de dire aux Français l’inverse de ce que son groupe défend au Parlement européen (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), permettez-moi de montrer qu’en matière d’électricité, tout le monde n’a pas la lumière à l’étage européen !
M. Jean-François Coulomme
Imposteurs !
Mme Alma Dufour
Les macronistes et les LR ont voté pour la réforme : c’était attendu.
Mais le groupe Identité et démocratie (ID) auquel appartient le RN, ne s’est pas contenté de voter pour la réforme : il en a proposé une version encore plus libérale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Comme pour les prix planchers ou les traités de libre-échange, le RN affirme à la télévision l’inverse de ce que son groupe vote au Parlement européen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Clémence Guetté
Tartuffes !
Mme Alma Dufour
Jordan Bardella n’y étant jamais, il ne s’est sans doute pas rendu compte de ce que votaient vos collègues !
Les autres groupes de la NUPES, avec qui nous sommes fiers d’avoir soutenu ce texte pendant un an et demi, ont décidé de faire cavalier seul aux européennes car nous aurions, à leur goût, trop de divergences au sujet de l’Europe.
M. Frédéric Cabrolier
On va voir ce que vous pesez seuls !
Mme Alma Dufour
C’est dommage, car sur ce sujet-là, nous sommes davantage d’accord entre nous, au sein de la NUPES, que vous ne l’êtes avec votre propre groupe au Parlement européen. L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D) a en effet conduit les négociations de cette calamiteuse réforme, soutenue par les Verts allemands.
Nous voterons cette proposition de loi, qui est une première victoire dans la longue bataille qu’il nous reste à mener pour reprendre le contrôle de l’électricité. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes SOC et Écolo-NUPES applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie Bonnivard
La souveraineté énergétique de la France est essentielle. À ce titre, notre production d’électricité et sa distribution partout sur le territoire sont stratégiques.
Notre collègue Sébastien Jumel l’a dit en commission, la production d’électricité est par essence un bien commun que nous nous devons de protéger : elle n’est pas stockable ; on ne peut pas s’en passer ; elle est indispensable à la satisfaction de besoins ; sa production et sa consommation relèvent d’enjeux de souveraineté ; elle est essentielle à une économie que l’on souhaite relocaliser et réindustrialiser.
Cet objectif impose une collaboration optimale entre l’État et EDF, qui devrait être le bras armé de notre souveraineté énergétique. Or ce qu’EDF a vécu depuis une quinzaine d’années, entre les conséquences des règles iniques de fixation des prix du marché européen de l’électricité et les décisions contradictoires des gouvernements qui se sont succédé depuis 2012 – ceux de François Hollande, puis d’Emmanuel Macron –, notamment à l’égard de la filière nucléaire, a considérablement fragilisé notre fleuron industriel.
Jadis leader mondial dans la production d’électricité à prix compétitif, la France voit ses prix s’envoler et redoute des coupures de courant lors des pics de consommation. En 2022, la production d’électricité d’EDF a été historiquement faible, la France devenant importatrice nette d’électricité, alors qu’elle fut le deuxième plus gros exportateur mondial. Des industriels ont même dû stopper leur production pour restituer de l’énergie au réseau et éviter l’explosion de leurs frais. Dans le même temps, de nombreux Français ne parviennent plus à payer leurs factures d’électricité. Tel est le bilan d’Emmanuel Macron en matière énergétique : il est catastrophique – je n’ai pas d’autre mot.
Les Français et les entreprises payent chèrement ces décisions et revirements coupables du Président de la République, responsable d’une gestion déplorable de la politique énergétique : abandon du projet Astrid, le réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle ; fermeture de la centrale de Fessenheim ; confirmation de la fermeture de douze réacteurs nucléaires, avant un revirement opportuniste à la veille de l’élection présidentielle de 2022 ; fixation d’un prix de rachat aberrant qui a affaibli EDF ; projet Hercule visant au démantèlement funeste d’EDF, très tôt dénoncé par notre président de groupe Olivier Marleix ; statu quo depuis sept ans quant à la possible privatisation de l’exploitation des barrages hydrauliques ; etc.
Malgré l’abandon du projet Hercule et l’engagement répété du Gouvernement de ne pas démanteler EDF, nous n’avons aucune confiance dans les choix de politique énergétique du chef de l’État et encore moins dans ses choix stratégiques concernant EDF. Les erreurs, revirements et changements de cap ont été trop nombreux depuis douze ans ; la facture est trop lourde pour les Français et pour les entreprises ; le risque est trop grand pour EDF, qui doit faire face aux enjeux de la transition écologique et de l’électrification de l’industrie. Le Parlement doit reprendre la main sur ce sujet.
La présente proposition de loi vise à se prémunir du risque de démantèlement d’EDF. En effet, si la détention programmée d’EDF à 100 % par l’État était souhaitable pour la préserver d’une éventuelle influence étrangère, mais aussi pour sortir de la logique du marché et ainsi sécuriser une production stratégique, elle n’empêchait pas un possible démantèlement.
Le second objectif du texte consiste à protéger les TPE, les agriculteurs et les petites communes de toute envolée des prix du marché. Son adoption permettra d’étendre le bénéfice des tarifs réglementés de vente d’électricité à l’ensemble des petites communes et des TPE, sans considération de puissance de leur compteur électrique – nous pensons notamment aux boulangers.
À elle seule, cette proposition de loi ne suffira pas à redonner un élan à EDF, mais elle doit permettre d’en finir avec des années de saccage de notre politique énergétique et de faire à nouveau d’EDF un acteur majeur au service de notre souveraineté. C’est la raison pour laquelle les parlementaires Les Républicains ont voté dès l’origine en faveur de cette proposition de loi, à l’Assemblée comme au Sénat, tout en déposant des amendements qui ont été acceptés par les rapporteurs Philippe Brun et Sébastien Jumel. Permettez-moi de remercier ces derniers de leur engagement et de leur détermination, que Les Républicains ont toujours soutenus.
La sagesse voudrait qu’un accord entre la gauche historique et la droite gaulliste, synonyme d’une avancée en faveur de l’intérêt général, soit soutenu. Il n’en est rien pour la majorité, qui a poursuivi jusqu’à ce matin sa petite guéguerre législative pour entraver le texte, sous prétexte qu’elle n’est pas à son origine. Non, collègues de la majorité, vous n’êtes pas les seuls à avoir raison. Quand un consensus se dégage sur des enjeux aussi essentiels, il serait bon que vous vous y ralliiez au nom de l’intérêt général. Vous l’avez enfin compris ce matin, après cinq refus – tant mieux.
En troisième lecture, les députés du groupe LR voteront cette proposition de loi, en défendant la rédaction équilibrée issue du Sénat et en espérant un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Cela vous étonnera peut-être, mais je commencerai par revenir sur les qualités de la proposition de loi de nos collègues Philippe Brun et Sébastien Jumel, changeante comme un caméléon – vous me connaissez, j’ai le goût de la discussion transpartisane.
Depuis un an – nous fêtons presque un anniversaire aujourd’hui –,…
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Le 29 février ne tombe que tous les quatre ans !
M. Pascal Lecamp
…elle nous permet de tenir d’importants débats sur le pouvoir d’achat et les prix de l’énergie, sur la souveraineté énergétique et sur la place que nous entendons donner au nucléaire.
Ce texte, que nous examinons pour la troisième fois, est issu d’un constat largement partagé : la crise énergétique et l’inflation des prix, causées par les difficultés de production des centrales nucléaires françaises – largement dues à la corrosion sous contrainte, initialement découverte à la centrale de Civaux, dans ma circonscription –, mais aussi par la guerre en Ukraine, appelaient des réponses fortes. Pour les fournir, il était nécessaire que l’État détienne à nouveau 100 % du capital d’EDF, afin de stabiliser sa situation financière et de lui permettre une plus grande flexibilité. Elle sera ainsi en mesure de réaliser les investissements majeurs nécessaires à la sécurisation à long terme de notre approvisionnement énergétique décarboné.
Dans cette perspective de reprise du contrôle total d’EDF par l’État, le Gouvernement a lancé une offre publique d’achat simplifiée le 24 novembre 2022, laquelle s’est achevée avec succès le 8 juin 2023. Nous avons pris la mesure du défi qui nous était lancé et avons promptement engagé une action, pour un budget de 9,7 milliards, voté en commission des finances dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.
Depuis les prémices de la proposition de loi, plusieurs sujets ont été abordés au Sénat et dans cette assemblée. Le texte a beaucoup varié : il prend notamment acte du succès de l’OPAS et s’est donc quelque peu détourné de son objectif initial. Si dans l’ensemble, nos collègues sénateurs ont fait preuve de sagesse – comme de coutume –, deux difficultés majeures subsistent, dont la correction nous paraît essentielle pour protéger l’avenir d’EDF.
Premièrement, le groupe Démocrate ne partage pas la vision, un peu hors du temps, du texte en ce qui concerne la situation actuelle d’EDF, ses besoins et son actionnariat salarié. Imposer dans la loi le prix de cession des parts aux salariés nous semble inopportun, la pertinence de celui-ci étant susceptible de varier. La rigidité et la gravité de la loi ne semblent pas adaptées à ce niveau de décision. L’entreprise EDF a besoin, à l’avenir, d’agilité dans un marché européen de l’énergie concurrentiel.
La disposition imposant un taux minimum de 2 % d’actionnariat salarié présente les mêmes difficultés, qui seront amplifiées par leur confrontation avec la réalité. Avant le rachat de 100 % des parts par l’État, l’actionnariat salarié ne représentait que 1,32 % du total. Un minimum de 2 % d’actionnariat salarié contraint donc EDF au-delà de ce que requiert l’intérêt de ses propres salariés. De surcroît, le délai maximum de quatre mois proposé dans le texte constitue un message incohérent, en imposant un rachat de parts à marche forcée un an à peine après la fin de l’OPAS – qui, elle, a duré six mois.
Deuxièmement, le groupe Démocrate souhaite vous alerter sur le problème technique posé par l’alinéa 10 de l’article 2, qui empêche toute cession des parts d’Enedis et prohibe même la vente de parts à un acteur public tel que la Caisse des dépôts (CDC), ce qui n’est évidemment pas l’objectif.
En l’état, le groupe Démocrate ne votera donc pas ce texte. Il espère toutefois que les débats de ce jour seront constructifs et permettront d’aboutir à un compromis satisfaisant qu’il pourrait s’engager à voter, dans l’esprit qui caractérise le mouvement Démocrate. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il semble que nous nous acheminions vers une large adoption de ce texte. Certaines interventions laissent toutefois à penser qu’il était très clivant et que la majorité ne s’est inclinée en faveur d’une proposition de loi pétrie de bon sens que sous les coups de boutoir des rapporteurs.
Mme Danielle Brulebois
N’importe quoi !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Depuis un an et demi, le texte a évolué, notamment grâce aux apports de la majorité, mais aussi en raison de la volonté de convergence des rapporteurs – je le reconnais bien volontiers. Malgré des débats qui ont parfois donné le sentiment que l’hémicycle était divisé sur ce beau sujet, je suis satisfait que nous ayons pu effectivement converger.
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour remercier sincèrement les députés de la majorité. Contrairement à ce qu’a dit Mme Alma Dufour – qui a réussi à taper sur tout le monde, y compris sur ses alliés,…
Mme Émilie Bonnivard
C’est clair !
M. Roland Lescure, ministre délégué
…à l’occasion de l’examen d’un texte pourtant consensuel –, grâce à la majorité, la France et les Français, les industriels, les ménages et les communes ont été, plus que nulle part ailleurs en Europe, protégés de la crise provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En réaction à l’explosion des prix de l’énergie résultant de cette invasion, la majorité a voté une protection d’un montant de 45 milliards d’euros, grâce à laquelle les prix de l’électricité demeurent moins élevés en France que partout en Europe – n’en déplaise à certains. La croissance de notre pays est ainsi mieux protégée que celle de nos principaux voisins, y compris l’Allemagne.
Mme Danielle Brulebois
Eh oui !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je ne sais pas si M. Alexandre Sabatou a participé hier au débat relatif au marché de l’électricité. À cette occasion, j’ai rappelé qu’au cours des quarante dernières années, à une exception près, EDF a exporté de l’électricité en Europe. En d’autres termes, pendant trente-neuf années, EDF a profité d’un marché européen de l’électricité porteur ; l’année où elle a été en difficulté, ce marché nous a permis d’avoir suffisamment d’électricité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Article 2
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Paris.
Mme Mathilde Paris
Dans sa première version, cet article précisait les activités d’EDF telles qu’elles existaient à l’origine, incluant ainsi les activités de transport et de distribution d’électricité qui ont été séparées de l’activité de production et confiées aux groupes RTE et Enedis. Pour rappel, cette scission des activités d’EDF résulte de la transposition de la directive européenne sur la libéralisation des marchés de l’électricité dans le droit français, datant des années 2000, qui a acté la fin du monopole d’EDF. Cette définition figeant dans le marbre les activités d’EDF était une proposition intéressante, soutenue par le groupe RN.
En troisième lecture, l’article 2 précise désormais que l’activité d’EDF s’exerce conformément au code de l’énergie et s’inscrit dans un corpus juridique complexe, issu à la fois du droit national et du droit européen, et indique que la société anonyme revêt un intérêt national. Par ailleurs, l’article 2 précise le seuil de détention par l’État des actions du groupe, désormais fixé à 100 %.
Un amendement du Rassemblement national, adopté en première lecture, permet aux salariés et aux anciens salariés d’EDF d’obtenir un minimum de 2 % du capital de l’entreprise pour un prix inférieur à 12 euros par action ; ce dispositif prévoit également un rabais pour les salariés qui ne céderaient pas leurs titres avant cinq ans.
Afin de mettre un terme à la navette parlementaire et d’adopter un texte de bon sens, protecteur et utile pour EDF, aucun amendement n’a été déposé en commission dans le cadre de cette troisième lecture, que ce soit par les rapporteurs ou par le groupe RN. Notre objectif est bel et bien d’aboutir à un texte permettant de sauvegarder le fleuron national qu’est EDF et de réaliser des avancées substantielles sur le principe de participation des salariés, qui nous est cher.
Nous regrettons que le rapporteur veuille amoindrir la portée de ce texte en sacrifiant la participation des salariés sur l’autel d’arrangements politiciens. Dans un élan transpartisan et pour que cette journée ne soit pas un rendez-vous manqué avec l’histoire, saisissons la possibilité que nous offre cette proposition de loi de protéger EDF de tout démembrement, en conservant l’accord trouvé entre les oppositions en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
L’amendement no 34 de M. Philippe Brun, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 34, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 44.
M. Mathieu Lefèvre
Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement no 44 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse, pour soutenir l’amendement no 71.
M. Emmanuel Lacresse
La contractualisation entre EDF et l’État est évoquée assez tardivement dans nos débats, ce qui révèle la plasticité – un aspect passé sous silence lors de la discussion générale – d’un texte qui ne traite pas seulement du périmètre et du financement de l’opérateur, mais aussi de la transparence avec laquelle seront présentés les éléments qui permettront de discuter de l’avenir d’EDF.
L’amendement vise à élargir très légèrement le champ du contrat décennal conclu avec EDF, qui ne prévoit actuellement que des objectifs financiers. Nous souhaitions qu’une plus grande place soit accordée à l’analyse. Ayant fourni cette explication aux députés qui n’ont pas suivi toutes les discussions en commission des finances ni les échanges des dernières heures entre les rapporteurs, le Gouvernement et la majorité, il nous semble préférable de le retirer, tout en soulignant l’aspect novateur de ses dispositions.
(L’amendement no 71 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir les amendements nos 11, 45, 15 et 8, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Mathieu Lefèvre
L’amendement no 11 visait à ajouter le développement de la production d’électricité d’origine renouvelable aux objectifs fixés par le contrat décennal conclu entre EDF et l’État, mais je le retire, ainsi que les trois suivants.
(Les amendements nos 11, 45, 15 et 8 sont retirés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 75, 2, 38 et 35, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2 et 38 sont identiques.
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 75.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je l’avais rapidement évoqué lors de la discussion générale : cet amendement vise d’abord à supprimer l’obligation pour EDF d’ouvrir son capital à ses salariés et anciens salariés. Pour assurer la réalisation des chantiers annoncés par le Président de la République dans son discours de Belfort il y a deux ans, presque jour pour jour, l’État vient en effet de remonter à 100 % sa participation au capital de l’entreprise.
Évidemment, la question du partage de la valeur au sein de l’entreprise reste essentielle. Nous pourrons en débattre en temps voulu, mais il n’est pas souhaitable qu’une telle opération soit rendue obligatoire par son inscription dans la loi.
L’amendement vise également à lever toute ambiguïté en confirmant le caractère facultatif d’une opération d’ouverture du capital aux salariés et en précisant que sa mise en œuvre ne pourrait concerner que les salariés et anciens salariés ayant conservé un lien avec l’entreprise au titre de son système collectif d’épargne. En d’autres termes, seuls les anciens salariés qui sont adhérents au plan d’épargne groupe à la date de l’opération pourraient y participer. Enfin, l’amendement renvoie à un décret la fixation du plafond de détention du capital d’EDF par ses salariés.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Sabatou, pour soutenir les sous-amendements nos 77 et 79 à l’amendement no 75, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Alexandre Sabatou
Alors que le Gouvernement déclare vouloir encourager l’actionnariat des salariés, il le refuse ici pour EDF – sans doute faut-il y voir la traduction du « en même temps » macroniste ! Vous soutenez qu’il est prématuré de discuter du retour des salariés d’EDF à son capital, mais la première lecture de la proposition de loi est bien antérieure au rachat d’actions qui justifie aujourd’hui votre position : vous auriez donc pu patienter avant d’agir.
Le sous-amendement no 77 vise à réserver au moins 2 % et, comme l’ont décidé les sénateurs, au plus 10 % du capital d’EDF à l’actionnariat salarié. De telles dispositions ne peuvent être prises par décret, puisque d’après l’article 34 de la Constitution, « la loi fixe […] les règles concernant les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé. » Aussi revient-il au législateur de décider de l’ampleur de l’ouverture du capital d’EDF à ses salariés ; le Gouvernement n’a pas à le faire par un simple décret. Votre proposition, monsieur le ministre, est tout simplement anticonstitutionnelle !
Le sous-amendement no 79 tend quant à lui à plafonner à 12 euros le prix de souscription. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, les actions d’EDF avaient généralement été achetées entre 25 et 66 euros : le Gouvernement a attendu que leur cours plonge à 12 euros, c’est-à-dire à son niveau le plus bas, pour les racheter et faire ainsi des actionnaires des vaches à lait. La fin de l’Arenh et l’éventuelle sortie du marché européen de l’électricité augurent de bons résultats et le cours de l’action d’EDF devrait sensiblement remonter : quand bien même un programme d’actionnariat salarié serait de nouveau mis en place, il sera très délicat d’expliquer à d’anciens porteurs de parts que l’État revend entre 20 et 25 euros des actions qu’il leur a rachetées à 12 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Erwan Balanant
On ne va pas rendre ces actions ! L’État possède maintenant 100 % du capital d’EDF : ce serait complètement con !
M. Sylvain Maillard
Il n’a rien compris !
Mme la présidente
L’amendement no 2 de M. Mathieu Lefèvre est défendu.
La parole est à M. Pascal Lecamp, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Pascal Lecamp
Il vise à défendre la liberté d’EDF d’ouvrir son capital à ses salariés – ouverture qui n’est pas d’actualité, mais que le groupe Démocrate soutiendra toujours. Dans un marché européen de l’électricité très concurrentiel, EDF doit conserver sa capacité et son agilité de gestion. Toutefois, je le retire au profit de celui du Gouvernement.
(L’amendement no 38 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Philippe Brun, rapporteur
Nous le retirons.
(L’amendement no 35 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Brun, rapporteur
Sébastien Jumel et moi-même avions défendu la possibilité, pour les salariés et anciens salariés d’EDF, d’entrer au capital de leur entreprise. Nous partageons, sur l’ensemble de ces bancs, la conviction que le partage de la valeur doit être une réalité dans les entreprises cotées et non cotées – tel est d’ailleurs l’esprit de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, qui fixe l’objectif d’une détention de 10 % du capital des sociétés cotées par l’actionnariat salarié.
Les salariés d’EDF ont très mal accueilli l’offre publique d’achat simplifiée lancée par l’État, puisque certains d’entre eux – parfois fortement incités par leur direction – avaient acheté leurs titres au prix unitaire de 25 euros, parfois même de 60 euros. De fait, l’OPAS leur a fait perdre l’épargne qu’ils avaient placée dans leur entreprise, puisqu’elle a été lancée au pire moment de l’histoire d’EDF, qui était alors confrontée à la fermeture de la moitié de son parc nucléaire, suite à la détection d’un phénomène de corrosion sous contrainte, et aux difficultés subies par le marché européen de l’énergie.
Dans ces conditions, nous souhaitions qu’une juste et préalable indemnité soit versée rétroactivement aux salariés, leur permettant d’entrer à nouveau au capital de leur entreprise – à un prix préférentiel de 12 euros – et de retrouver leurs économies. L’analyse qui nous a été fournie et nos échanges avec le Gouvernement nous ont toutefois convaincus que le maintien d’un actionnariat salarié pourrait se révéler dangereux, alors que le maintien des concessions hydroélectriques fait toujours l’objet de discussions avec la Commission européenne. Pour éviter que ces concessions quittent le groupe EDF, ce dernier doit demeurer intégralement public, conformément au droit des quasi-régies ; inversement, la mise en place d’un programme d’actionnariat salarié pourrait imposer la privatisation de ces concessions, de sorte que nous la jugeons prématurée.
Monsieur le ministre, j’aurais aimé entendre votre point de vue sur la nécessaire indemnisation des salariés d’EDF injustement spoliés par l’OPAS de l’État,…
M. Jean-René Cazeneuve
Non, mais franchement !
M. Emmanuel Lacresse
On a déjà tranché à ce sujet !
M. Philippe Brun, rapporteur
…dont le rapporteur et moi-même avons directement discuté avec Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Celui-ci s’est d’ailleurs engagé à organiser une réunion à Bercy sur le sujet.
Le partage de la valeur doit redevenir une réalité chez EDF et sans restauration d’un programme d’actionnariat salarié, il sera nécessaire d’ouvrir des discussions relatives à l’indemnisation des salariés lésés par une perte de leur épargne. L’avis de la commission est donc favorable sur l’amendement no 75 et défavorable sur les autres amendements, comme sur les sous-amendements nos 77 et 79.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Défavorable : je ne confierais pas mon capital à M. Sabatou !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse
Les députés de la majorité ont retiré leurs amendements, qui portaient sur les points qui sont au cœur de nos discussions. D’autres amendements à l’article 2 ne sont pas défendus ou sont retirés à mesure que les débats progressent. Nous soutenons l’amendement du Gouvernement, qui reprend une partie des formulations proposées par les députés du groupe Renaissance au cours des travaux de la commission.
Un certain nombre d’éléments avancés par le rapporteur Philippe Brun sont justes, mais d’autres le sont moins. Sur la sortie des salariés du capital, récemment achevée, la cour d’appel de Paris a dit le droit et nous avons, à plusieurs reprises, eu l’occasion de saluer à cette tribune le succès complet du Gouvernement dans le respect du droit et des règles. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
Il est par ailleurs clair que le groupe EDF traverse une phase de consolidation financière. Dans ce contexte, également caractérisé par la nécessité d’investissements très importants dans la filière nucléaire, il est plus que délicat de décider le retour immédiat de ses salariés à son capital. Aussi est-il préférable de reporter à une date ultérieure la réouverture d’un programme d’actionnariat salarié, tout en conservant cette perspective dans la proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je retire l’amendement no 2 et en profite pour rappeler au rapporteur que le partage de la valeur ne se résume pas à l’actionnariat salarié : les dispositifs d’intéressement et de participation y contribuent aussi. M. Brun a lui-même fait référence à la loi Pacte, très importante en la matière ; il aurait pu rappeler que l’intéressement et la participation trouvent tout leur intérêt dans le contexte actuel d’EDF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
(L’amendement no 2 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Sabatou.
M. Alexandre Sabatou
Voté avec les voix du Rassemblement National et des autres oppositions, l’article 2 était la cerise sur le gâteau de cette proposition de loi. En retirant l’actionnariat salarié de ses dispositions, vous ne protégez plus le groupe EDF d’un éventuel démembrement. Vous êtes donc contraint, monsieur le rapporteur, de renommer ce texte, qui a perdu son intérêt.
Vous êtes allé à Bercy, où vous avez réalisé que le projet Hercule n’avait jamais été abandonné. En définitive, vous avez trouvé un accord avec le Gouvernement et lui laissez les mains libres pour accomplir son dessein, mais dites-nous la vérité : pourquoi avez-vous concédé le report de l’actionnariat salarié ? C’est parce que la CGT y était opposée et que votre corapporteur, communiste, soutient cette centrale !
M. Sébastien Jumel, rapporteur
C’est plutôt juste.
M. Alexandre Sabatou
La CGT a toujours considéré l’actionnariat salarié comme un leurre capitaliste et, à la recherche du moindre arrangement, vous vous couchez devant elle. Et vous voudriez maintenant nous faire croire que le Gouvernement, qui a tant de mal à trouver de l’argent et qui ponctionne de plus en plus les Français en augmentant les impôts, trouvera l’argent nécessaire à l’indemnisation des salariés actionnaires d’EDF ? Monsieur le rapporteur Brun, je ne comprends pas que vous fassiez confiance à ces partenaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
À ce que j’entends, vous êtes donc contre la nationalisation à 100 % !
M. Arthur Delaporte
Imposteur !
(Les sous-amendements nos 77 et 79, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 75 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 16 à 58 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement no 76.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il vise à supprimer l’alinéa 10 de l’article 2, qui prévoit que la société Enedis reste une filiale d’EDF détenue à 100 %. Les arguments qui le soutiennent ont été clairement exposés lors de la discussion générale et le caractère intégré d’Enedis n’est évidemment pas menacé.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Je me réjouis que la bataille que nous avons menée pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, avec les organisations syndicales pour démontrer que le projet Hercule était de nature à affaiblir le fleuron industriel que représente EDF, ait porté ses fruits. En effet, le caractère intégré du groupe est indispensable pour mener la politique énergétique de la France, y compris dans le cadre d’un mix énergétique équilibré et intelligent. À cet égard, Enedis est une filiale de premier rang, indispensable pour appliquer les orientations stratégiques de la politique énergétique.
Il était donc important de ne pas nourrir d’inquiétudes sur une éventuelle réduction de la participation d’EDF au capital qui viendrait fragiliser Enedis, sachant que la question du financement de la relance de la filière nucléaire et des filières d’énergies renouvelables, et celle des investissements qui devront assurément être alloués au réseau, nous conduiront à réfléchir à l’instauration de financements publics croisés. Cette question reste entière. J’espère que nous aurons l’occasion de la trancher lors de l’examen du futur projet de loi sur la souveraineté énergétique. À ce jour, confirmer qu’Enedis est partie prenante du pôle public nécessaire à la conduite de la politique énergétique me semble pertinent. C’est la raison pour laquelle nous donnons un avis favorable à l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse.
M. Emmanuel Lacresse
Le groupe Renaissance est bien entendu favorable à cet amendement important. Je remercie le rapporteur Sébastien Jumel pour les propos qu’il a tenus dans la perspective d’une discussion relative aux participations croisées au sein du secteur public et de l’État, avec notamment la Caisse des dépôts, sur le modèle de RTE.
Nous rappelons à nos collègues que cette question a été abordée en commission des finances. Le modèle de la prise de participation de la Caisse des dépôts, dans le cadre d’une forme d’épargne nationale, existe déjà pour le réseau de distribution d’électricité à haute tension, qui distribue le courant fort. Enedis, pour le courant faible, raccordera demain tous les producteurs d’énergies renouvelables. Les investissements nécessaires seront colossaux, M. le rapporteur l’a rappelé. Nous pouvons envisager la façon dont, dans un avenir proche, l’État soutiendrait, notamment en utilisant l’épargne nationale, l’investissement d’Enedis. Plutôt que de débattre des contours d’EDF et de ses activités – nous en avons déjà discuté –, il est préférable que la proposition de loi ne concerne que cette question. Nous remercions le Gouvernement et les rapporteurs pour cet amendement.
(L’amendement no 76 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 5 à 61 tombent.)
Mme la présidente
L’amendement no 37 de M. Philippe Brun, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 37, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Article 3 bis
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je me réjouis du consensus qui s’apprête à être trouvé sur cet article. Nous devons toutes et tous mener le combat contre l’inflation et la vie chère que le Gouvernement et la majorité mènent avec acuité et célérité depuis le début de la crise énergétique. L’extension des tarifs réglementés que nous nous apprêtons à voter était un engagement pris de longue date par Bruno Le Maire et le Gouvernement.
Je me réjouis de constater que les rapporteurs sont favorables à une disposition qui rejoindra la longue liste des mesures prises par la majorité pour faire face à l’inflation, parmi lesquelles le bouclier tarifaire, l’amortisseur électricité, la mobilisation des services de l’État dans les départements, notamment les directions départementales des finances publiques, qui sont un point d’appui important à la fois pour les entreprises, les indépendants, les artisans et les collectivités.
Cet article est très important pour plus de 1 million d’entreprises, mais aussi pour 8 000 à 10 000 communes ; nous ne pouvons que nous réjouir de son adoption. J’en profite pour saluer la nouvelle qui est tombée ce matin : pour la première fois depuis deux ans, l’inflation au mois de février était inférieure à 3 %, grâce aux efforts fournis par la majorité. Ils sont donc crédibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Fabien Roussel
L’électricité baisse ?
M. Mathieu Lefèvre
En votant cet article, vous nous rejoignez. Nous pouvons faire preuve d’optimisme, en espérant un retour à la cible de 2 % d’inflation d’ici la fin de l’année. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Jean-René Cazeneuve
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à Mme Alma Dufour.
Mme Alma Dufour
Pardonnez-moi, monsieur Lefèvre, mais nous ne comprenons pas très bien votre propos. Vous vantez l’extension des TRVE aux TPE, qui serait une victoire et une sécurité. Pourquoi donc refusez-vous de les étendre aux entreprises dont le nombre de salariés est supérieur à dix, à savoir les PME ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – MM. Benjamin Lucas et Inaki Echaniz applaudissent également.) Pourquoi avez-vous toujours fait échec à l’extension des TRVE aux TPE ?
Vous avez évoqué les collectivités. Là encore, en quoi serait-il dommage qu’elles bénéficient des TRVE lorsqu’elles comptent plus de dix agents ? Pourquoi avez-vous fait obstacle à l’extension du dispositif à ces collectivités si vous y êtes si favorables ?
M. Jean-François Coulomme
Eh oui !
Mme Alma Dufour
Par ailleurs, l’inflation à 3 % se cumule avec celle des deux dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Benjamin Lucas applaudit également.) Ce n’est pas parce qu’elle ralentit que les prix baissent ! Les Français sont parfaitement au courant que les prix ne reviendront pas à leur niveau d’avant la crise. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 20 et 64, tendant à supprimer l’article 3 bis.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Jean-René Cazeneuve
Je vais le retirer, madame la présidente. Plusieurs de mes amendements étant tombés en raison de l’adoption de ceux du Gouvernement – dont je me réjouis –, je n’ai pas pu m’exprimer. Permettez-moi donc de revenir sur quelques points.
La nouvelle rédaction du texte démontre que nous avons eu raison de nous opposer fermement à sa version initiale, qui n’avait aucun sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Je rappelle qu’il visait à nationaliser EDF, alors même que nous avions proposé et engagé cette nationalisation.
Lorsque le Gouvernement a annoncé le prix de rachat des actions, monsieur le rapporteur Brun, de nombreux députés de votre groupe ont estimé qu’il était beaucoup trop cher et qu’on gaspillait l’argent de l’État. Aujourd’hui, vous venez nous dire que le prix est trop bas et qu’on a spolié les actionnaires ! Votre changement de pied me surprend.
Je suis content que nous ayons débattu de cette question en commission des finances et réussi à vous faire reculer s’agissant de l’actionnariat des salariés. Nous donnons tous les moyens à EDF et nous faisons en sorte que l’État ait 100 % du capital ; et la première chose que vous faites, c’est essayer de l’ouvrir, ce qui compliquerait à nouveau la gouvernance de l’entreprise. Il y a là une contradiction.
S’agissant des TRVE, je fais miens les propos de notre collègue Mathieu Lefèvre. En protégeant les Français et les petites entreprises de l’inflation, nous sommes parvenus à un équilibre. Cette version du texte est très éloignée de la version initiale et de l’abus que constituait l’extension des TRVE à l’ensemble des entreprises, laquelle se heurtait à deux obstacles majeurs. (Mme Alma Dufour s’exclame.) Je vous les rappelle une dernière fois : elle ne respectait ni l’article 40 de la Constitution, car elle créait une charge, ni l’article 45, cette version ne reprenant aucun mot du texte initial.
M. Pierre Dharréville
Quel esprit rassembleur !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse, pour soutenir l’amendement no 64.
M. Emmanuel Lacresse
Je le retire également. Je souhaite rappeler combien cet article est équilibré. Nous conservons le seuil fixé par la directive du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité – rappelons le principe de la hiérarchie des normes. Par ailleurs, le marché et les fournisseurs doivent jouer un rôle, notamment auprès des entreprises, qui sont capables de négocier avec les fournisseurs un engagement détaillé à long terme ou susceptible d’évoluer afin de se prémunir des fluctuations des prix de l’énergie.
Rappelons que le marché de l’électricité a été ouvert à la concurrence partielle il y a vingt ans. EDF joue elle-même un rôle actif à l’échelle internationale. Dans ce contexte, il n’est bien sûr pas question de revenir en arrière.
(Les amendements identiques nos 20 et 64 sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse, pour soutenir l’amendement no 73.
M. Emmanuel Lacresse
Il vise à ouvrir une discussion sur la manière dont les économies d’énergie pourraient être prises en considération à l’avenir lors de la fixation des tarifs. Je le retire.
(L’amendement no 73 est retiré.)
Mme la présidente
Monsieur Lacresse, l’amendement no 68 est-il maintenu ?
M. Emmanuel Lacresse
Non, il est retiré.
(L’amendement no 68 est retiré.)
Mme la présidente
Sur l’article 3 bis, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements, nos 72, 10 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Emmanuel Lacresse, pour soutenir l’amendement no 72.
M. Emmanuel Lacresse
Il vise à reporter la date d’entrée en vigueur de cet article, en écho aux débats que nous avons eus en commission. Sur le plan technique, instaurer un TRVE n’est pas une mince affaire. Certes, nous discutons de principes, de valeurs, de la manière dont nous percevons l’avenir de l’énergie ; mais il s’agit d’améliorer un texte qui affecte la vie des contrats. Nous l’avons déjà examiné sous cet angle, dans cet hémicycle, à plusieurs reprises.
Plusieurs amendements visant à modifier la date d’entrée en vigueur de cet article avaient été déposés en commission, car le Gouvernement ne s’était pas encore engagé à assurer une application efficace du texte. Le contexte a changé. C’est la raison pour laquelle un compromis est en train d’être trouvé. Des majorités se dégagent, nous débattons de ce texte, mais il est nécessaire de le rendre efficace, ce qui est impossible sans l’action du Gouvernement. Il l’a engagée, ce qui permet de franchir une étape institutionnelle sur laquelle nous reviendrons. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 72 est retiré.)
Mme la présidente
Retirez-vous également les amendements nos 10 et 9, monsieur Lefèvre ?
M. Mathieu Lefèvre
Oui, madame la présidente.
(Les amendements nos 10 et 9 sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Mathieu Lefèvre
Je le retire aussi.
(L’amendement no 13 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3 bis.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 212
Nombre de suffrages exprimés 212
Majorité absolue 107
Pour l’adoption 212
Contre 0
(L’article 3 bis est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)
Titre
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 12, 69 et 70, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Mathieu Lefèvre
Il est retiré.
(L’amendement no 12 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Lacresse, pour soutenir l’amendement no 69.
M. Emmanuel Lacresse
Comme M. le rapporteur général vient de le dire, cette version du texte est très éloignée du texte initial et de ses intentions, à savoir le retour à une forme de dirigisme et de planification aveugle qui n’a été appliquée dans aucune économie développée du monde dans la période récente.
Nous souhaitons offrir des perspectives d’investissement – ce dernier étant autant issu de ressources privées que de ressources publiques – à l’énergéticien national, qui joue un rôle clé à la fois en matière de production et de distribution. Or le champ d’application de la proposition de loi ne le concerne pas exclusivement.
Faire figurer le mot démembrement dans le titre et prétendre faire de cette proposition de loi un texte visant uniquement à définir les contours d’EDF n’était pas une bonne manière d’aborder l’avenir énergétique de notre pays. Le vote qui vient d’avoir lieu montre que le cœur de ce texte, ce sont les tarifs.
Nous proposons donc de modifier le titre en conséquence, afin de faire référence à l’extension des TRVE à certaines entreprises, collectivités locales ou associations, dans le respect du cadre européen, avec l’assentiment du Gouvernement. Vous pouvez considérer que j’ai défendu en même temps l’amendement no 70, madame la présidente.
Mme la présidente
L’amendement no 70 de M. Emmanuel Lacresse est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Brun, rapporteur
Après avoir écouté les prises de parole de différents membres de la majorité, notamment le rapporteur général, je reconnais prendre un plaisir gourmand à constater que vous avez déposé des amendements de suppression d’articles que vous finissez par voter, et à vous entendre soutenir que vous avez toujours été favorables au rétablissement des tarifs réglementés alors même que vous avez déposé des amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Erwan Balanant
Ça s’appelle un compromis !
M. Philippe Brun, rapporteur
Je constate en tout cas que nous avons gagné ici, si ce n’est une bataille culturelle, une bataille politique.
Notre accord montre que nous avons réussi à convaincre de l’intérêt de la régulation des tarifs de l’énergie et que cette dernière, comme l’eau ou l’air, est un bien public fondamental qui ne saurait faire l’objet de spéculation et de marchandages. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
En ce qui concerne le titre du texte, nous souhaitons maintenir la rédaction actuelle et sommes donc défavorables à l’amendement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Le texte porte encore son titre initial : proposition de loi visant à protéger le groupe EDF d’un démembrement. En aucun cas cependant, comme Bruno Le Maire et moi-même l’avons rappelé à plusieurs reprises, le démembrement n’était à l’ordre du jour.
Un député du groupe RN
On n’y croit pas !
M. Roland Lescure, ministre délégué
Il me semble donc opportun de modifier le titre, comme vous le proposez avec l’amendement no 43.
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Nous allons le retirer.
M. Roland Lescure, ministre délégué
L’amendement no 43 ne fait-il pas l’objet d’une discussion commune ?
Mme la présidente
Seuls les amendements nos 69 et 70 de M. Lacresse sont en discussion commune.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Je voulais donner un avis favorable à l’amendement du rapporteur, mais il n’a pas encore été défendu.
Mme la présidente
Vous pourrez le donner après, monsieur le ministre.
M. Roland Lescure, ministre délégué
Dans un esprit de bonne volonté et de construction, je propose à la majorité de retirer ses amendements, et j’attends avec impatience la défense de l’amendement no 43 par M. le rapporteur.
Mme la présidente
Maintenez-vous vos amendements, monsieur Lacresse ?
M. Emmanuel Lacresse
Puisque le débat aura lieu sur l’amendement no 43, je retire les amendements nos 69 et 70.
(Les amendements nos 69 et 70 sont retirés.)
M. Arthur Delaporte
Tout ça pour ça !
M. Hadrien Clouet
Faites ça plus souvent !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 43.
M. Philippe Brun, rapporteur
Nous le retirons, madame la présidente.
M. Sylvain Maillard
Je le reprends !
Un député du groupe LFI-NUPES
Dès qu’il y a un sale coup à faire…
Mme la présidente
L’amendement est donc repris. Je précise que dans ce cas, seuls la commission et le Gouvernement peuvent s’exprimer.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Je trouve assez révélateur que la majorité souhaite à tout prix retirer du titre de la loi la volonté de protéger EDF d’un démembrement.
M. Jean-René Cazeneuve
C’était l’objet de l’amendement que vous venez de retirer !
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Puisqu’il s’agit d’une volonté partagée sur l’ensemble des bancs, nous considérons qu’il est important d’affirmer que le groupe EDF, en tant que fleuron industriel français placé sous la protection de la nation, n’a en aucune façon vocation à être démembré.
Cet objectif politique, inscrit dans le titre, préside à la genèse de ce texte.
Mme Émilie Bonnivard
Exactement !
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Je rappelle que cette démarche transpartisane est née à Montreuil, lors du serment de Montreuil. Olivier Marleix était présent, tout comme Philippe Brun, François Ruffin et moi-même. À l’époque, le projet Hercule était dans toutes les têtes et nous étions décidés à empêcher toute tentative de saucissonner EDF pour le vendre par appartements. Je me réjouis que ce projet ne soit plus à l’ordre du jour et que Bruno Le Maire l’ait annoncé.
Mme Nadia Hai
Enlevez le mot « démembrement », dans ce cas !
M. Sébastien Jumel, rapporteur
Je me réjouis également que le président d’EDF, Luc Rémont, considère que le caractère intégré de l’entreprise est un gage de son efficacité. Cependant, comme dirait ma grand-mère, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. Inscrire « démembrement » dans le texte, c’est faire en sorte qu’un tel projet ne revienne dans aucune tête à quelque moment que ce soit. C’est la raison pour laquelle nous ne voulons plus modifier le titre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roland Lescure, ministre délégué
Loin de moi l’idée de parler au nom de la majorité, mais j’imagine que si elle reprend l’amendement de la commission, c’est qu’il fait tout de même un peu sens. Il faudra m’expliquer, messieurs les rapporteurs, comment vous parvenez à imaginer que l’extension des TRVE aux boulangers, aux artisans et aux petites communes (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Brouhaha)…
Mme la présidente
S’il vous plaît, seul M. le ministre a la parole. Sinon, on ne l’entend pas.
M. Roland Lescure, ministre délégué
…protège le groupe EDF d’un démembrement.
Mme Stéphanie Rist