XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du lundi 09 octobre 2023

Sommaire détaillé
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Première séance du lundi 09 octobre 2023

Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Soutien à Israël face au terrorisme

    Mme la présidente

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    Chers collègues, cette séance se tient deux jours après une attaque terroriste de grande ampleur perpétrée par le Hamas contre Israël. Plus de 700 civils ont été tués, parmi lesquels des enfants et des jeunes, et des personnes de tous âges ont été prises en otage. De nombreuses familles vivent aujourd’hui dans l’angoisse, car elles sont sans nouvelle de l’un des leurs. Ce déchaînement de violence et de barbarie est sans précédent.
    En ma qualité de présidente de séance, j’exprime avec la plus grande fermeté notre condamnation de ces attaques et je redis au peuple israélien la solidarité de la France. Mme la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’exprimera demain, lors de l’ouverture de la séance de questions au Gouvernement, et nous invitera à observer une minute de silence.

    Rappels au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour un rappel au règlement.

    Mme Delphine Batho

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    Sur le fondement des articles 49-1 à 60 relatifs à la bonne tenue des séances plénières et au nom du groupe Écologiste-NUPES, je vous remercie de vos propos, madame la présidente. Nous nous y associons d’autant plus qu’un grand nombre d’entre nous auraient souhaité participer à la marche organisée ce soir à Paris en solidarité avec la population israélienne et avec les victimes des attaques du Hamas, mais seront retenus ici par nos travaux. Je vous remercie donc d’avoir exprimé notre soutien à Israël et notre condamnation du terrorisme en ouverture de la séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Yoann Gillet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard, pour un rappel au règlement.

    M. Sylvain Maillard

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    Au nom du groupe Renaissance, je m’associe évidemment aux remerciements de notre collègue Delphine Batho. Nous exprimons notre horreur face aux attaques perpétrées contre les Israéliens et nous nous associerons évidemment aux paroles de Mme la présidente de l’Assemblée nationale demain en solidarité avec Israël, ainsi qu’à la minute de silence en hommage aux victimes des attaques terroristes.
    Nos collègues qui participeront aux travaux de l’Assemblée cet après-midi et qui ne pourront pas rejoindre la marche de soutien à Israël s’associeront en pensée à tous ceux qui condamnent le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Yoann Gillet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au règlement.

    M. Boris Vallaud

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    Sur le fondement des mêmes articles, je vous remercie, madame la présidente, d’avoir ouvert la séance par ces mots de condamnation totale et sans nuance des actes de terrorisme perpétrés contre Israël. Le groupe Socialistes et apparentés les reprend à son compte et pense à toutes les familles de victimes et aux otages.
    Je sais que certains d’entre vous ne pourront pas participer à la marche organisée en fin d’après-midi. Pour ma part, je me rendrai à ce qui sera, je l’espère, un moment de concorde et de fraternité en même temps qu’un moment de condamnation du terrorisme. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, pour un nouveau rappel au règlement.

    M. Erwan Balanant

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    Je vous remercie pour les mots forts que vous avez prononcés, madame la présidente, tout comme je remercie nos collègues qui viennent de s’exprimer. Le groupe MODEM partage leur peine et leur effroi face aux attaques de samedi, dans ce moment terrible où Israël est blessé. Parce que le travail législatif doit continuer, nous ne participerons pas tous à la marche de cet après-midi en soutien au peuple d’Israël, mais nous y serons avec le cœur. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement.

    M. Sébastien Jumel

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    En vertu des mêmes articles, madame la présidente, le groupe GDR s’associe à votre condamnation sans ambiguïté de l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas contre Israël. Nous partageons l’émotion et l’inquiétude suscitées par cette avalanche guerrière, dont les conséquences seront terribles pour les civils des territoires concernés, avec le risque d’un nouvel embrasement. Il était important que la séance s’ouvre sur cette unanimité de la représentation nationale. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Marcangeli.

    M. Laurent Marcangeli

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    Sur le fondement des mêmes articles et au nom du groupe Horizons et apparentés, j’affirme notre solidarité à l’égard du peuple israélien et je dis avec gravité notre stupeur devant les images d’horreur et d’infamie retransmises au cours du week-end. Nous nous associerons demain à la minute de silence observée en hommage des victimes israéliennes. Nous avons le devoir de nous mobiliser, notamment en participant à la marche en solidarité avec Israël.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    Je vous remercie pour vos paroles, madame la présidente. Le groupe Rassemblement national se joint bien évidemment aux propos qui viennent d’être tenus et condamne avec la plus grande fermeté l’attaque ignoble lancée ce week-end. Toutes nos pensées vont au peuple israélien.

    2. Lutte contre l’inflation concernant les produits de grande consommation

    Discussion d’un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre l’inflation concernant les produits de grande consommation (nos 1679, 1690).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme

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    Je veux à mon tour vous remercier pour les paroles que vous avez prononcées en solidarité avec Israël, madame la présidente. En ces heures sombres et tragiques, je remercie les parlementaires présents dans l’hémicycle et je m’associe en pensée à ceux qui ont choisi d’aller dire ce soir leur soutien à l’État d’Israël face au terrorisme.
    Je suis devant vous cet après-midi pour vous présenter un projet de loi dont l’ambition tient tout entière dans ces quelques mots qui résument son article unique : avancer les négociations commerciales entre les distributeurs et les fournisseurs afin d’anticiper les baisses de tarifs que doit entraîner l’évolution des coûts des matières premières, elle-même à la baisse. Protéger le pouvoir d’achat des Français : nous partageons tous cet objectif au-delà des divergences politiques. Certes, les propositions diffèrent au sein de l’hémicycle sur les moyens de l’atteindre – nous aurons l’occasion d’en débattre –, mais ce sur quoi il ne peut y avoir de divergence, c’est sur l’observation des faits, ces faits qui fondent la proposition du Gouvernement.
    Depuis plusieurs mois, les prix de certaines matières premières baissent, et substantiellement. Entre septembre 2022 et septembre 2023, le cours du blé tendre a baissé de 40 % et le prix des oléagineux de 17 %. Ces baisses, ainsi que celles d’autres cours encore, se retrouvent déjà dans l’évolution des prix agricoles à la production : selon l’Insee, en août, ces derniers étaient en baisse de 7,4 % depuis un an. Les matières premières agricoles ne sont pas les seules concernées : c’est aussi le cas du papier et du carton pour les emballages, dont les prix ont connu une baisse de près de 20 % en un an, ou encore des prix de l’énergie, qui après avoir été très élevés en 2022 reviennent aujourd’hui à des niveaux plus raisonnables.
    Ces baisses de coûts peuvent – doivent ! – se retrouver dans les prix payés par nos compatriotes à la caisse, et le plus vite possible. Mais, vous le savez, mesdames et messieurs les députés, dans notre pays, la négociation commerciale entre les industriels et les distributeurs, l’une des plus réglementées au monde, est annuelle et la loi fait obstacle à la répercussion immédiate des mouvements de prix. Tandis qu’en 2022, ce cadre a permis de lisser la répercussion de la hausse des coûts des industriels dans les prix de vente aux consommateurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette annualité empêche aujourd’hui l’inflation alimentaire de baisser plus rapidement et de desserrer l’étau sur les produits du quotidien achetés par les Français.
    Il y a pourtant urgence. Vous le constatez toutes les semaines dans vos circonscriptions, je le constate également à chaque déplacement, quelques produits voient leurs prix baisser dans les rayons, mais trop peu et pas assez pour que le passage à la caisse ne soit plus une épreuve pour les Français. Cette situation d’urgence appelle des solutions d’urgence, car chaque jour compte. Le pragmatisme doit nous guider. Tel est le sens du projet de loi que je vous présente aujourd’hui, qui contient une proposition d’adaptation temporaire de la négociation commerciale annuelle – rien de plus.
    Nous avons entendu, au cours des travaux de la commission – qui ont donné lieu à des débats intéressants –, l’appel de parlementaires et d’acteurs économiques à une modification pérenne de certaines règles encadrant les négociations commerciales. Je le redis, le Gouvernement n’est pas insensible à cet appel : dans le monde de volatilité des prix qui est désormais le nôtre, réinterroger un modèle économique conçu dans une période où la stabilité et la déflation étaient de mise est nécessaire.
    Mais « la connaissance est hostile à toute précipitation », affirme l’écrivain Alain Mabanckou : on ne décide pas dans la précipitation de modifier l’un des objets les plus structurants de notre vie économique et l’un des cadres de négociation commerciale les plus protecteurs pour nos producteurs agricoles. Une réflexion d’ampleur est indispensable. C’est la raison pour laquelle je vous annonce d’emblée, dans la continuité de ce que je vous ai dit en commission et pour ne pas vous faire perdre de temps, que nous allons lancer une mission gouvernementale transpartisane afin de réfléchir à une réforme du cadre global des négociations commerciales. (M. Grégoire de Fournas s’exclame.) Cette mission disposera des moyens de l’État – des moyens importants – et saura, j’en suis sûre, éclairer le Gouvernement et la représentation nationale sur cette question complexe, qui nécessite, avant toute prise de décision, des auditions, des consultations et des expertises.
    La disposition que je vous propose avec le projet de loi aura quant à elle un effet rapide, puisqu’elle avance de six semaines la date butoir des négociations commerciales entre les distributeurs et les industriels, qui se termineront le 15 janvier et non le 1er mars 2024. Les six semaines gagnées sont précieuses, d’autant qu’elles permettront aux baisses de prix d’intervenir juste après les fêtes de fin d’année, qui, nous le savons, affectent particulièrement le portefeuille des Français.
    Je vous invite donc à soutenir cet objectif. Étant donné l’importante baisse des cours des matières premières qui constituent des milliers de produits alimentaires du quotidien, pourquoi nos compatriotes devraient-ils attendre le mois de mars pour en bénéficier alors que l’on pourrait les soulager dès la mi-janvier ? Vous me direz, comme en commission, que certaines matières premières connaîtront des hausses de prix – j’en suis consciente. Mais l’arbre ne saurait cacher la forêt des baisses attendues.
    Vous me direz aussi que certains industriels annoncent des hausses de tarifs plutôt que des baisses pour 2024 – nous avons également abordé ce point en commission –, mais, je le répète, ce qui compte n’est pas la ligne de départ, mais la ligne d’arrivée. Comme chaque année, c’est vrai, les industriels vont proposer des tarifs à la hausse et les distributeurs s’en plaindront, mais ces nouveaux tarifs seront âprement négociés, durant des nuits entières. Voilà pourquoi chaque jour compte : l’important est que les prix baissent à l’issue des négociations, sur la ligne d’arrivée, même s’ils étaient en hausse au départ.
    C’est pourquoi nous vous proposons, mesdames et messieurs les députés, de nous donner tous les moyens légaux pour répercuter les baisses de prix le plus rapidement possible dans le maximum de rayons. Je dis « tous les moyens légaux », mais cette possibilité ne doit pas s’exercer à n’importe quelles conditions. En tant que ministre des PME, j’ai été sensible au débat que nous avons eu en commission à leur sujet, en particulier parce que j’ai écouté les fédérations professionnelles qui les représentent. Je sais que les PME de la filière agroalimentaire sont l’instrument de notre souveraineté alimentaire et industrielle et qu’à ce titre, elles doivent être protégées.
    Parce que l’enfer est parfois, on le sait, pavé de bonnes intentions, et surtout parce qu’on est toujours moins intelligent quand est seul, j’ai pris le temps d’écouter vos arguments, mais aussi les propositions des organisations professionnelles. J’ai entendu les demandes visant à mieux protéger les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) défendues par certains députés lors de l’examen du texte en commission. Comme je m’y étais alors engagée, j’ai consacré ces derniers jours à retravailler en ce sens avec les acteurs concernés, à commencer par la représentation nationale, que je remercie pour nos échanges. Un chemin s’est fait jour pour que cette disposition simple soit, si vous la votez, mise en œuvre de manière à protéger ces acteurs.
    Que nous ont dit les PME ? D’abord, qu’elles ne souhaitaient pas être les perdantes des négociations en passant après les gros industriels, au risque de se voir expulsées des linéaires des grands distributeurs ; nous avons entendu. Ensuite, que nombre d’entre elles ont déjà envoyé leurs conditions générales de vente (CGV) afin de négocier, dès à présent, leurs tarifs pour 2024 avec les distributeurs. Enfin, qu’il y a autant de PME en France que de situations particulières, raison pour laquelle nous devons conserver un cadre qui leur apporte de la flexibilité, et non les enfermer dans un carcan rigide dont notre pays a parfois le secret.
    Ces positions se traduisent dans certains de vos amendements que nous discuterons et sur lesquels je donnerai un avis favorable. Nous avons également travaillé avec les distributeurs à un pacte d’engagement pour que, cette année encore, les négociations avec les PME soient réalisées en priorité.
    Vous l’aurez compris : le contexte est favorable à une baisse de prix des produits alimentaires en rayon. Il n’y a pas de temps à perdre : plus de cinquante des soixante-quinze plus grands industriels ont entendu l’appel du Gouvernement à accélérer les renégociations et ont déjà envoyé leurs CGV aux distributeurs avant le 1er novembre, ou s’apprêtent à le faire.
    J’appelle solennellement tous les industriels, grands et petits, à leur emboîter le pas, sans attendre l’entrée en vigueur de cette loi. Chaque jour compte : ne perdons pas de temps pour redonner du pouvoir d’achat aux Français.
    Pour terminer, je crois qu’il n’y a pas lieu aujourd’hui de se retrancher derrière des postulats économiques et autres théories. Il s’agit simplement de répondre à une question : acceptez-vous d’avancer de six semaines les renégociations commerciales, afin de gagner six semaines sur la baisse des prix ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Sylvain Maillard

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    C’est très clair !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Izard, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Alexis Izard, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    Le texte dont nous allons débattre aujourd’hui est simple ; mais contrairement à ce que j’ai entendu en commission, il n’est pas simpliste. Il s’agit d’avancer, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 150 millions d’euros en France, la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier 2024, contre le 1er mars dans le cadre législatif actuel.
    Le mécanisme que nous anticipons est simple et opérationnel. On a observé 9 % d’augmentation pour la baguette, 22 % pour le beurre, 21 % pour les pâtes, pour ne citer que quelques-unes des hausses de prix que les Français ont subies de plein fouet. Ce phénomène est explicable : une crise sanitaire soudaine, puis une crise géopolitique majeure, et, en toile de fond, une crise écologique inédite. Cette succession d’événements a entraîné une hausse des prix des matières premières agricoles et industrielles qui, si elle n’avait pas été consentie, aurait pu signer l’arrêt de mort de notre industrie agroalimentaire et de l’ensemble de notre appareil productif. En dépit des difficultés auxquelles ils se sont trouvés confrontés, nos concitoyens n’ont eu d’autre choix que de les accepter, car beaucoup savaient que derrière les produits présents dans leur caddie se trouvaient des agriculteurs, mais aussi des PME industrielles françaises.
    Cela dit, la situation évolue et, de ce point de vue, les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre juillet 2022 et juillet 2023, – 28 % sur le prix des céréales et des oléagineux, – 13 % sur les œufs, – 23 % sur le café et – 4 % en moyenne sur les fruits et légumes. Les matières premières industrielles sont également concernées, avec une baisse de 35 % du prix du papier. Le baril de Brent a, quant à lui, baissé de 20 % entre août 2022 et août 2023. Enfin, le prix de l’électricité, après une très forte augmentation en 2022, est redescendu et se stabilise. Les négociations commerciales pourront donc être en baisse pour de nombreux produits du quotidien, alimentaires et non alimentaires.
    Certains ont exprimé des doutes sur ce point en commission, citant des prévisions de l’Insee ou de la Banque de France. Je me permets de souligner que les projections macroéconomiques de cette dernière, publiées en septembre 2023, précisent explicitement que la « prévision n’a à ce stade pas pris en compte un éventuel effet baissier spécifique des prochaines négociations ». À ceux qui nous affirment que les jeux sont faits et qu’il y aura de l’inflation alimentaire en 2024, je redis que les négociations peuvent avoir un effet réel sur les prix pour le consommateur. C’est tout l’objectif de ce texte : faire gagner six semaines de pouvoir d’achat aux Français, en accélérant la baisse des prix pour les consommateurs qui doit résulter de la baisse des prix en amont.
    La question de la vie chère et de l’inflation, les difficultés rencontrées par les familles, nous ne les sous-estimons pas : c’est peut-être le plus important des combats que nous menons aujourd’hui. Des mesures d’envergure ont été décidées, en particulier les boucliers tarifaires, l’aide exceptionnelle de rentrée, la revalorisation des bourses étudiantes, des aides personnelles au logement (APL), des minima sociaux et des retraites ou encore l’indemnité carburant destinée aux travailleurs. Le projet de loi dont nous allons débattre est un levier de plus à activer pour faire baisser les prix au plus vite. Ce n’est pas une réforme ambitieuse des relations commerciales, ce n’est pas une nouvelle loi Egalim – loi no 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous –,…

    M. Sébastien Jumel

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    Même si on n’est pas très intelligents, on l’avait compris !

    M. Erwan Balanant

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    Faute avouée à moitié pardonnée !

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    …c’est juste un texte d’urgence – ni plus, ni moins –, bref, opérationnel et pragmatique ; c’est une mesure dans un ensemble plus vaste – un texte simple, donc, mais pas simpliste.
    Cet article unique a suscité de nombreuses questions au sein de la commission des affaires économiques et de la part des acteurs que j’ai auditionnés. Entre la commission et la séance, nous avons pris le temps de la concertation avec les entreprises, les distributeurs et des députés issus de différents groupes politiques. Des précisions avaient déjà été apportées au texte en commission, notamment pour expliciter la durée des conventions 2024 et 2025 et exclure clairement les officines pharmaceutiques du champ d’application de l’article unique.
    D’autres questions, particulièrement importantes, avaient été renvoyées à la séance : c’est le cas du seuil de chiffre d’affaires à partir duquel une entreprise sera concernée par ces négociations anticipées. L’ambition initiale du Gouvernement était de limiter cette anticipation aux plus grosses entreprises, ce qui peut s’entendre. Ce choix posait cependant plusieurs difficultés, dont celle du traitement des PME et des ETI au chiffre d’affaires inférieur à 150 millions d’euros. Ma conviction est qu’il serait préférable de supprimer ce seuil, ce qui simplifierait le texte, éviterait toute rupture d’égalité entre fournisseurs de différentes tailles et offrirait au consommateur une meilleure visibilité sur l’évolution des prix, ce que des négociations en deux temps ne permettent pas. Cette conclusion semble partagée, puisque nous sommes plusieurs à avoir déposé un amendement allant en ce sens.
    Un autre point, plus opérationnel, concernait la durée des négociations. Le début des négociations est marqué par l’envoi des conditions générales de vente du fournisseur au distributeur. Le texte prévoit un délai de quarante-cinq jours avant la date du 15 janvier, contre quatre-vingt-dix jours habituellement. Il me semble raisonnable d’allonger ce délai, afin de permettre des négociations dans de bonnes conditions. Certains acteurs estimant trop long le délai habituel de trois mois, il me paraît préférable de le fixer à deux mois. Cela permettrait même d’avoir un retour d’expérience si une réforme plus ambitieuse des relations commerciales était envisagée. Là encore, nous sommes plusieurs députés de différents groupes à avoir déposé un amendement en ce sens, qui me paraît important pour garantir l’efficacité du texte.
    Certains ont proposé en commission d’exclure certaines filières du champ d’application du texte, arguant que l’ensemble des coûts des matières premières agricoles ne baissaient pas. Si ce dernier point est vrai, une telle mesure reviendrait à exclure certains grands groupes des négociations avancées, alors même que c’est sur leurs produits que nos concitoyens attendent des baisses de prix. Par ailleurs, comment expliquer aux Français que les prix baissent partout sauf sur les laitages ou encore sur la viande, dont certains, par ailleurs, se privent déjà ? Aussi, notre majorité refusera toute exception à la règle que nous fixons aujourd’hui.
    Enfin, certains d’entre vous ont soulevé la question des marges. Vous l’avez entendu comme moi, le Président de la République a pris l’engagement devant des millions de téléspectateurs de travailler sur ce sujet…

    M. Grégoire de Fournas

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    Nous sommes sauvés !

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    …qui nécessite de remettre autour de la table les acteurs de la grande distribution, les industriels, les agriculteurs et les pouvoirs publics. C’est bien peu dire que d’affirmer qu’entre ces acteurs les intérêts divergent ; c’est pourquoi ces discussions doivent prendre du temps et suivre leur cours afin de trouver un atterrissage favorable. Le texte d’urgence qui vous est soumis ne permet pas de traiter sérieusement cette question, qui mérite néanmoins d’être posée.
    Au-delà de ce projet de loi, comme l’a souligné Mme la ministre, il est nécessaire de s’interroger sur l’efficacité des dispositifs votés par le législateur pour encadrer les négociations commerciales. Pourquoi les clauses de révision automatique des prix et les clauses de renégociation, renforcées dans le cadre de la loi no 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (Egalim 2), ne fonctionnent-elles pas ? Comment les améliorer, contrôler leur rédaction et les rendre opérationnelles ? Comment fonctionnerait la construction du prix « en marche avant », voulue par Egalim 1, si la date butoir était supprimée ? Comment mieux lutter contre les contournements du droit français par les centrales d’achat internationales, ce que la loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi Descrozaille, a commencé à faire ?
    Bref, comment rebâtir en France, dans un pays où le niveau de défiance entre distributeurs et fournisseurs est inégalé, un édifice juridique qui offre davantage de fluidité et de souplesse, mais aussi plus de protection pour les maillons les plus faibles de la chaîne que sont le consommateur et l’agriculteur ?
    Enfin, l’examen de ce texte en commission l’a montré, nous ne devons jamais opposer le consommateur et l’agriculteur. L’inflation actuelle est une urgence sociale absolue ; elle est notre priorité. Elle ne doit pourtant pas remettre en cause les acquis d’Egalim 1 et 2. La baisse des prix se joue ailleurs que dans la cour de ferme : elle se joue entre l’industriel et le distributeur, dans le cadre de négociations commerciales qui doivent être transparentes, sincères et conformes aux évolutions des prix en amont que nous connaissons actuellement.
    Une fois de plus, nous sommes confrontés à un texte d’urgence. Résoudra-t-il le problème intrinsèque des négociations commerciales ?

    M. Sébastien Jumel

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    Non !

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    Non. Permettra-t-il de soulager avec un peu d’avance le portefeuille des Français mis à mal depuis près de deux ans ?

    M. Sébastien Jumel

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    Non !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques et Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme

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    Oui !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Bien sûr !

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    J’en suis convaincu.
    Alors, chers collègues, je vous invite à voter ce texte longtemps attendu et amplement nécessaire pour les Français et leur pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Madame la présidente, je vous remercie pour votre propos liminaire, ainsi que mes collègues pour leur présence cet après-midi ; je m’associe par la pensée à la marche de solidarité avec Israël et les Israéliens, à laquelle nombre d’entre nous auraient souhaité se rendre.

    M. Sébastien Delogu

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    Et l’Arménie ?

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Avec ce projet de loi, le Gouvernement souhaite avancer les dates et réduire les délais des négociations entre les distributeurs et les plus gros industriels pour l’année à venir. Pour quelle raison ? Depuis les dernières négociations annuelles du 1er mars dernier, des baisses ont été constatées sur plusieurs matières premières et coûts de production des fournisseurs. Le Gouvernement propose donc que le consommateur puisse en voir les effets sur le ticket de caisse, sans attendre les prochaines négociations du 1er mars 2024.
    Les principaux acteurs de la grande distribution, entendus en commission et auditionnés par notre rapporteur, indiquent qu’ils seront en mesure d’obtenir des baisses de prix pour les consommateurs ; tant mieux pour ces derniers s’ils peuvent en profiter six semaines avant l’heure.
    Ce texte, pourtant très ciblé, a suscité en commission des débats passionnés ; car, au-delà de cette intention louable de faire baisser les prix du caddie à court terme, ce projet de loi soulève des interrogations plus structurelles.
    Si nous sommes amenés à légiférer pour changer la date légale de négociation, c’est qu’il est peut-être temps de se poser la question de la pertinence de l’inscription d’une telle date dans la loi : nous n’allons pas chaque année légiférer pour l’avancer – s’il y a une chance de baisse des prix – ou la retarder – s’il y a un risque de hausse des prix.

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    La date butoir est, en France, un grand moment du rapport de force entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs. L’enjeu est de taille puisque si un acteur « gagne » sa négociation, il en bénéficiera pendant un an ; à l’inverse, s’il la « perd », il en souffrira pendant un an. C’est sans doute pour cela que cette date est devenue un amplificateur des tensions entre les acteurs ; elle est devenue pour certains un totem, et pour d’autres un tabou qu’il faudrait lever.
    Regardons les choses en face : la France a sans doute le droit des relations commerciales le plus contraignant d’Europe ; or ce cadre ne fonctionne pas bien, d’abord parce qu’il est insuffisamment souple pour faire face aux crises que nous traversons, ensuite parce qu’il ne permet pas le plein déploiement de certains mécanismes essentiels que sont, par exemple, les clauses de renégociation et les clauses de révision automatique des prix. Ces dispositifs, nous les avons votés, et, s’ils étaient correctement mis en œuvre, nous n’aurions pas eu besoin de ce projet de loi. La baisse des coûts en amont aurait entraîné automatiquement des révisions de prix, et des renégociations auraient été spontanément rouvertes entre fournisseurs et distributeurs.
    Il me semble donc indispensable de repenser le système de manière globale, en y consacrant du temps et des moyens – un travail qui n’entre pas dans le cadre du présent projet de loi.
    Je remercie Mme la ministre déléguée et le Gouvernement de nous avoir écoutés, puisqu’une mission gouvernementale visant à remettre à plat ces négociations vient d’être annoncée. J’espère que cette mission associera étroitement les parlementaires…

    M. Sylvain Maillard

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    Évidemment !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    …et qu’elle s’appuiera sur les nombreux travaux déjà menés par notre assemblée.

    M. Sébastien Jumel

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    Manière de dire qu’il ne veut pas de nouveaux travaux !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Je pense à ceux de la commission d’enquête de 2019 sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs, dont le rapporteur était Grégory Besson-Moreau et le président Thierry Benoit. Je pense également aux travaux préalables à Egalim 1, à Egalim 2 et à la loi dite Descrozaille, ainsi qu’aux réflexions conduites par de nombreux députés appartenant à divers groupes. Cette mission pourrait constituer une instance de dialogue avec l’ensemble des acteurs de la chaîne : aussi bien ceux de l’amont agricole que les distributeurs, les fournisseurs et les consommateurs.
    La modification de la date butoir – ou son éventuelle suppression, qu’il ne faut pas s’interdire d’envisager – ne constitue pas le seul enjeu. Menons cette réflexion sans opposer les intérêts du consommateur et ceux de l’industriel et de l’agriculteur, qui me paraissent, chacun à un bout de la chaîne, mériter d’être au cœur de nos préoccupations.
    S’il existe une majorité de parlementaires pour lutter contre l’inflation, il en existe une également pour défendre le fabriqué en France, l’industrie agroalimentaire française et la protection de la rémunération des agriculteurs français.

    M. Sébastien Jumel

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    C’est le président Lapalisse !

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Notre commission s’est donc exprimée en faveur de ce projet de loi, tout en appelant à une transformation plus profonde des négociations commerciales. Nous souhaitons que nos débats permettent au consommateur de bénéficier des baisses de prix six semaines plus tôt, mais aussi et surtout qu’ils permettent une prise de conscience collective qu’une réforme structurelle devient urgente. Madame la ministre déléguée, chers collègues, il est temps de s’y atteler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à Mme Aurélie Trouvé.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Il y avait « Bruno demande », il y a désormais « Bruno bricole ». Nous voilà devant un texte dont on ricanerait si la situation de nos concitoyens n’était pas si dramatique. C’est un bidouillage technique pour occuper l’espace, du brassage de vent qu’absolument personne ne vous a demandé, et dont pas un des acteurs de l’économie que nous rencontrons depuis des semaines ne veut.

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Ah bon ?

    Mme Aurélie Trouvé

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    C’est du grand n’importe quoi, en somme, destiné à nourrir l’impression que vous faites quelque chose. Vous vous agitez, vous gesticulez, mais vous êtes au bout du bout, après avoir épuisé toute la liste des inepties de votre idéologie.

    M. Bruno Millienne

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    Vous parlez surtout de vous !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Après le projet d’autoriser la revente à perte que vous avez bien été obligés de remiser, tellement il était absurde et stupide, vous nous proposez – attention, mesdames et messieurs ! – d’avancer de quarante-cinq jours la date de début des négociations commerciales. Waouh ! Vous avez vraiment sorti le grand jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Tout le monde le voit, vous êtes enfermés, bloqués, coincés dans votre extrême libéralisme. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Si nous étions si libéraux, les négociations ne seraient pas prises dans un tel carcan !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous laissez au marché le soin de tout régler, nous plongeant ainsi dans son chaos et dans la tyrannie des multinationales ! Vous êtes dangereux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)
    Vous êtes incapables de répondre à la catastrophe sociale qui se produit sous nos yeux. Vous plongez le pays dans la faim. (Mêmes mouvements.) Pour la première fois depuis des dizaines d’années, le volume de la consommation alimentaire a chuté de 10 %.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je croyais que vous étiez pour la décroissance ?

    Mme Aurélie Trouvé

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    Pour la première fois depuis des dizaines d’années, au moins 7 millions de Français – sans doute davantage – doivent faire appel à l’aide alimentaire.

    Mme Sophia Chikirou

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    Les Français ont faim !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Pour la première fois depuis des dizaines d’années, un Français sur trois doit sauter des repas, faute d’argent ; un Français sur huit déclare avoir faim, alors que nous sommes la septième puissance économique du monde.
    Pour la première fois, les Restos du cœur annoncent qu’ils devront refuser des bénéficiaires. Depuis plus d’un an, nous relayons dans cet hémicycle l’inquiétude et les demandes urgentes des associations d’aide alimentaire, qui sont effarées par l’explosion des besoins, par le nombre de familles, d’enfants qui viennent se joindre aux files d’attente devant leurs locaux. Vous le savez, ces associations font face à une explosion des charges. Pourtant, vous avez voté contre toutes nos propositions. Vous êtes dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Je vous retourne le compliment !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Dans le même temps, vous plongez une bonne partie du monde agricole dans le gouffre. Alors que l’on pourrait espérer que l’augmentation des prix alimentaires profite au moins aux agriculteurs, ce n’est pas le cas : beaucoup voient leurs revenus décliner.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Faux ! Les prix montent et leurs revenus augmentent !

    M. Bruno Millienne

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    La France insoumise n’est plus à un mensonge près…

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vraiment, vous croyez que leurs revenus augmentent ? Sachez que le prix de vente de leurs produits ne progresse pas autant que leurs coûts de production. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Les agriculteurs nous remercient pour les lois Egalim !

    Mme Valérie Rabault

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    Seule Mme Trouvé a la parole !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous vous drapez dans les lois Egalim, en prétendant que les problèmes sont réglés. Ce n’est pas du tout le cas et vous le savez ! Allez sur le terrain, dans les exploitations agricoles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Vous mentez et les exploitants le savent très bien. Il est faux de prétendre que leurs revenus augmentent. La situation la plus difficile est celle des producteurs bio,….

    M. Bruno Millienne

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    Oh là là !

    Mme la présidente

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    Seule Mme Trouvé a la parole !

    Mme Aurélie Trouvé

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    …et, plus largement, de ceux qui se sont engagés dans des productions de qualité. Vous leur avez demandé de transformer leur mode de production, en leur promettant en contrepartie de l’aide et des débouchés. Ils ont joué le jeu et vous les avez trahis. Savez-vous que le prix du lait bio est désormais à peu près équivalent à celui du lait standard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qu’un très grand nombre d’agriculteurs bio se déconvertissent ? Que la production bio s’effondre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)
    Après avoir supprimé il y a quelques années l’aide au maintien à l’agriculture biologique, vous refusez de faire appliquer la loi Egalim, qui prévoit 20 % de produits bio dans les cantines. Même les lois que vous avez adoptées, vous ne les respectez pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Erwan Balanant

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    Vous pouvez parler, vous n’avez pas voté Egalim !

    Mme Sophia Chikirou

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    Nous n’étions pas encore élus quand elle a été votée !

    M. Bruno Millienne

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    Pas vous, mais d’autres membres de votre groupe oui !

    Mme la présidente

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    Seule Mme Trouvé a la parole !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous êtes dangereux. Vous mettez en péril la souveraineté alimentaire du pays. (Mêmes mouvements.) Vous vous gargarisez. Pourtant, il suffit de consulter les chiffres de la balance agricole pour constater que nous sommes en chute libre. Nos concitoyens n’ont plus les moyens d’acheter des produits bio, de qualité, d’acheter local et français. (Mêmes mouvements.)
    Dans les cantines, les grandes surfaces, les collectivités locales, nos concitoyens achètent de plus en plus fréquemment des produits importés. Qui en profite ? Les importateurs. Qui en pâtit ? Nos agriculteurs. (M. Aurélien Saintoul applaudit.)
    Contre la faim dans laquelle vous avez plongé le pays, quelle riposte proposez-vous ? Avancer de quarante-cinq jours la date de début des négociations commerciales entre fournisseurs et distributeurs… Êtes-vous sérieux quand vous prétendez que cette mesure permettra de répondre en urgence à la flambée des prix alimentaires ?
    Vous répétez que la mesure fera miraculeusement baisser les prix des industriels, alors qu’aucun économiste, aucun décideur crédible ne peut prétendre que ce texte améliorera le quotidien des Français. Ce projet de loi sera même peut-être le premier de l’histoire de France à accélérer la hausse des prix alimentaires. C’est effarant et vous êtes dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Peut-être imaginez-vous que plus votre politique est effarante, mieux elle passera ?
    Vous prétendez nous faire croire que nous vivons dans un monde de Bisounours, où les prix de notre alimentation dépendraient directement des coûts de production des industriels. Mais, madame la ministre déléguée, vous savez pourtant très bien que ce n’est pas le cas et que la moitié de la hausse des prix alimentaires s’explique par la hausse des marges des multinationales agroalimentaires, qui elles-mêmes nourrissent la rémunération des actionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    L’institut La Boétie l’indique depuis plusieurs mois (Exclamations sur les bancs du groupe RE), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE) le reconnaissent, comme à peu près tout le monde – sauf vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Dans le monde de Bisounours auquel vous voulez nous faire croire, les coûts de production sont amenés à baisser. Sauf que ce ne sera pas le cas, et vous le savez très bien. Tous les organismes de prévision statistique prévoient que les prix de l’énergie continueront à grimper, comme le cours de nombreuses matières premières agricoles.
    Soyons sérieux et confrontons-nous à la réalité : les coûts de production sont amenés à augmenter, les marges de l’industrie agroalimentaire augmenteront également – puisque vous ne faites rien pour les réguler –, tout comme le prix de détail des aliments. Votre projet de loi ne fera qu’accélérer cette hausse des prix. Tout le monde s’en rend compte, tout le monde vous alerte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Les distributeurs qui ont été auditionnés nous l’ont dit, tout comme les transformateurs.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ils ont dit l’inverse !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Toutes les organisations de producteurs agricoles considèrent que ce projet de loi est un non-sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il suffit de lire le récent communiqué conjoint du syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Le Gouvernement est à présent seul.
    Vous êtes dangereux, sauf pour les grandes multinationales de l’agroalimentaire, dont les marges n’ont jamais été aussi élevées dans l’histoire des statistiques. Voilà au moins une réussite à mettre à votre crédit ! (Applaudissements et rires sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Alors que, par votre faute, nos concitoyens subissent les privations, les épreuves, la faim, vous attendez que l’orage s’éloigne, pariant que les problèmes finiront bien par passer.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Nous attendons vos propositions !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous préférez laisser des millions de personnes dans la détresse, dans la faim, avec des carences nutritionnelles et des problèmes de santé chroniques, que de contraindre les grands patrons et les multinationales en réécrivant quelques alinéas du code du commerce. Il serait pourtant tout à fait possible d’encadrer les marges des multinationales, au moins pendant quelque temps, mais non : vous persistez et vous signez. Vous êtes dangereux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La France insoumise, conformément au programme de la NUPES (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe RE), défend les deux seules mesures à la hauteur de la situation : le blocage à la baisse des marges des multinationales agroalimentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et l’indexation des salaires sur l’inflation. (Mêmes mouvements.)
    Ce matin, j’ai écouté à la radio l’interview de M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Louis Boyard

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    Vous êtes courageuse !

    Mme Aurélie Trouvé

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    En effet. M. Le Maire déclarait : « Je ne demande pas, j’obtiens et quand je n’obtiens pas, je décide. […] Nous avancerons les négociations commerciales au 15 janvier ».

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Eh oui, ce n’est plus « Bruno demande », mais « Bruno décide » !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Nous connaissions « Bruno demande » ; c’est désormais « Bruno exige sans attendre le débat et le vote de l’Assemblée nationale ». (Mêmes mouvements.)

    M. Sébastien Jumel

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    C’est « Bruno ignore » !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Puis-je rappeler à M. le ministre de l’économie que l’Assemblée nationale existe encore et que les députés ont été élus par le peuple, ne lui en déplaise ? Si ce soir notre assemblée juge que ce projet de loi est dangereux et inutile, comme je le pense,…

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Ce texte ne peut pas être à la fois dangereux et inutile ! Choisissez !

    Mme Aurélie Trouvé

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    …et qu’elle le rejette, le Gouvernement devra en tenir compte, parce que nous vivons encore dans une démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Vous, les extrêmes libéraux qui composez le Gouvernement, êtes dangereux.

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Arrêtez ! Un peu de décence !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Il est de notre responsabilité de vous stopper. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES)

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    J’aurai l’occasion de vous dire dans quelques instants tout le bien que je pense de ce texte, mais sachez d’ores et déjà que les membres du groupe GDR-NUPES souscrivent à la demande de rejet préalable de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Tout d’abord, sur le fond, vous ignorez les conclusions d’économistes dont les positions sont pourtant, a priori, proches des vôtres. Alors qu’une étude du FMI parue cet été indique que « la hausse des bénéfices des entreprises a été le principal moteur de l’inflation en Europe au cours des deux dernières années », vous refusez de vous saisir des questions posées par ces profits, ces superdividendes. Pourtant, l’inflation fait mal aux vies ; ses effets se lisent au quotidien sur le visage de nos concitoyens.
    De même, récemment, par la voix de son chef économiste, la BCE a souligné que l’inflation n’est pas liée à l’augmentation des salaires, mais aux marges des entreprises. Votre refus idéologique – comment le qualifier autrement ? – de vous attaquer à la répartition des marges est donc l’illustration d’un renoncement à lutter efficacement contre une inflation qui s’enkyste.
    Et que dire des dégâts collatéraux du texte ? Je vous le demande solennellement, sortez les produits laitiers de ces négociations anticipées : l’agriculture risque d’être fragilisée par ce projet de loi, et le lait profondément bousculé par les négociations, dont les bénéfices risquent d’être inversement proportionnels à l’effort des agriculteurs. Ainsi, chez moi, dans le pays de Bray, Danone achète le litre de lait 41 centimes aux agriculteurs. Je vous mets au défi de le trouver à ce prix-là dans n’importe quel magasin de Dieppe ou des alentours. Cela signifie que deux ou trois acteurs font leurs marges et se gavent au passage, au détriment de ceux qui assurent notre souveraineté alimentaire et des Français qui n’en peuvent plus de se serrer la ceinture.
    Tout milite donc pour que nous votions cette motion de rejet préalable. (M. Jean-Marc Tellier applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac (LIOT)

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    Ce projet de loi qui entend lutter contre l’inflation cumule les failles et les défauts. On nous l’a présenté dans la précipitation – nous avons débuté son examen la semaine dernière. Son adoption d’ici début novembre nous impose un débat accéléré et, une fois de plus, l’étude d’impact est lacunaire.
    Son impact, justement, est incertain. Il est vrai que le prix de certaines matières premières baisse. Mais combien d’autres continuent d’augmenter ? Qui peut garantir que la grande distribution remportera ce bras de fer face aux grands industriels – sans parler des effets de bord ? Les PME, les ETI et les agriculteurs redoutent d’être affaiblis dans leurs négociations face à la grande distribution. Baisser les prix, oui, mais pas au détriment des plus faibles maillons de la chaîne agroalimentaire !
    Le jeu en vaut-il la chandelle ? Vous espérez, en tout et pour tout, gagner six semaines sur l’inflation sans être en mesure de garantir que les prix baisseront effectivement. Les Français attendaient mieux. Pour ma part, j’aurais souhaité une forme de contrôle des marges tout au long de la chaîne de valeur.
    Néanmoins, nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable, car ce texte est la seule option pour débattre des mesures permettant de lutter contre l’inflation, et nous souhaitons défendre nos amendements pour l’améliorer.
    En conclusion, je veux dire que le groupe LIOT condamne sans réserve l’offensive terroriste à l’encontre des populations israéliennes. (Mme Delphine Batho applaudit.) Nous faisons part de notre solidarité et de notre soutien au peuple israélien et adressons nos condoléances aux familles touchées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve (RE)

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    Nous voici réunis une nouvelle fois pour repousser une motion de rejet préalable de La France insoumise, qui s’exerce à nouveau à son jeu préféré : celui de dire non à tout, sans raison, juste pour le plaisir de dire non. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    À force, c’est épuisant – même si, malheureusement, nous commençons à nous y habituer.

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est tout ce que vous avez comme arguments ?

    M. Pierre Cazeneuve

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    Le groupe Renaissance est, bien évidemment, favorable à ce texte et aux mesures proposées. Nous aborderons le débat avec beaucoup de modestie et d’humilité.

    M. Louis Boyard

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    Cela vous ressemble tellement, la modestie et l’humilité !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Effectivement, le projet de loi n’est pas une réponse globale à tous les problèmes liés à l’inflation que vivent les Français au quotidien. Mais répondre de manière simpliste à des problèmes compliqués, cela porte un nom : le populisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) C’est votre posture à longueur de journée et c’est cela qui est très dangereux !
    Cette motion de rejet n’est pas à la hauteur des problèmes.

    M. Arnaud Le Gall

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    Nous n’avons pas de leçons à recevoir !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Les Français ne peuvent plus tout mettre dans leur caddie ; vous l’avez rappelé, les statistiques sont claires. Nous partageons certains constats concernant l’urgence et les difficultés de nombreux Français. Mais ces difficultés nous imposent un débat serein et respectueux, afin de trouver les meilleures mesures pour protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens et améliorer leur quotidien.
    En outre, que faites-vous des débats constructifs qui ont eu lieu en commission ? Avec tous les groupes, et en lien avec la ministre déléguée, nous avons réussi à avancer de manière coordonnée sur deux mesures symboliques : la suppression du seuil et l’allongement de la durée de négociation.
    C’est pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet préalable. Nous avons à cœur de débattre de ce texte, favorable au pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Hadrien Clouet

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    Vous rejetez tout ! Vous êtes contre tout !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Meizonnet.

    M. Nicolas Meizonnet (RN)

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    Nous pourrions être tentés – très tentés, même – de voter pour cette motion de rejet si celle-ci n’émanait pas des députés de La France insoumise, dont le programme économique est désastreux et qui, face à l’inflation galopante, n’ont pour seule proposition que le blocage des prix, y compris sur des produits que l’on importe – notamment le gaz ou le gazole –, alors que cela aboutirait à des pénuries et à la ruine de nombreux travailleurs. Il n’est pas nécessaire d’être bac + 10 pour le comprendre !
    Il est vrai que mille et une raisons justifieraient que l’on rejette ce tout petit projet de loi, insignifiant face à la situation dramatique de nos concitoyens. Il est tellement insignifiant qu’on n’autorise pas les groupes d’opposition à faire leur travail. Ainsi, nos amendements essentiels sur l’encadrement des marges ont été rejetés, alors qu’ils auraient pourtant permis d’en finir avec les profiteurs de crise.
    Il est tellement insignifiant qu’il ne s’attaque pas aux raisons structurelles de l’inflation, ni ne tient compte de mesures que nous soutenons depuis des mois : la baisse de la TVA sur toutes les énergies ou la TVA à 0 % sur un panier de cent produits de première nécessité – mesure adoptée par d’autres pays comme l’Espagne. Ce serait pourtant très bénéfique pour le pouvoir d’achat des Français.
    Cela dit, puisque nous partageons l’objectif de voir les prix baisser dans les rayons des supermarchés, nous souhaitons que le débat ait lieu. Madame la ministre déléguée, notre position finale sur ce texte dépendra de votre capacité à accepter les améliorations que nous vous proposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Mes capacités sont limitées, je suis une femme. Je devrais être à la maison…

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet.

    Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES)

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    Notre pays fait face à une situation de grave urgence alimentaire. Ainsi, 16 % des Français ne mangent pas à leur faim et l’inflation dépasse les 10 % sur certains produits alimentaires.
    Pour faire face, depuis deux ans, vous avez multiplié les petites mesures. Ainsi, le trimestre anti-inflation n’était qu’un leurre, UFC-Que choisir le révélait en juin : si le prix de certains produits a diminué, d’autres ont vu leur prix stagner, voire augmenter. La situation est plus que critique et vous n’avez toujours pas mieux à nous proposer que ce projet de loi sans ambition, qui sonne creux. En effet, rien ne prouve que l’avancée des négociations entre les industriels et la grande distribution entraînera une baisse des prix dans les rayons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Selon les distributeurs, une telle anticipation aura plutôt tendance à augmenter les prix. Pourquoi ? Parce que les industriels vont demander des hausses pour anticiper une nouvelle vague d’inflation – les prix de l’énergie sont repartis à la hausse et une telle hausse sera répercutée sur les prix en rayon.
    Vous estimez que le prix de certaines matières premières agricoles a diminué et que cela entraînera une baisse des prix. Mais les syndicats agricoles, eux, craignent que les producteurs soient la variable d’ajustement des industriels pour faire baisser leurs prix ! (Mme Nathalie Oziol applaudit.)
    En outre, autre conséquence négative, les fournisseurs issus de PME et d’ETI devront négocier après les multinationales. Ils seront donc désavantagés, car obligés de s’aligner sur les prix de ces dernières. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Bruno Millienne

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    Justement, non !

    Mme Mathilde Hignet

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    C’est pour toutes ces raisons que le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale a déposé une motion de rejet préalable. Personne ne croit que l’anticipation des négociations commerciales permettra de faire baisser les prix des produits alimentaires. (Mêmes mouvements.) Pourquoi perdre notre temps avec ce texte ridicule ? Nous préférerions débattre de mesures favorables au pouvoir d’achat de nos concitoyens, comme le blocage des marges à la baisse ou l’indexation des salaires sur l’inflation. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury (LR)

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    Je comprends les doutes et le scepticisme de certains quant à l’efficacité des mesures prévues par ce texte. Le groupe Les Républicains est également réservé, voire très réservé. Si, à l’origine, nous avons craint qu’il s’agisse d’un effet de manche – ou de communication gouvernementale – visant à faire croire que tout est fait pour lutter contre l’inflation, votre bonne volonté en commission, madame la ministre déléguée, et nos échanges francs prouvent que, de bonne foi, vous voulez avancer, même modestement.
    Certes, le texte est très peu ambitieux, mais il a le mérite de donner lieu à un débat. Et le débat doit avoir lieu, même sur les sujets qui n’y figurent pas, comme les carburants, sur lesquels le Gouvernement est en panne sèche alors qu’ils sont essentiels pour nos campagnes. C’est pourquoi nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Louis Boyard

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    Vous n’êtes que trois !

    M. Julien Dive

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    Il vaut mieux être seul que mal accompagné !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Babault.

    Mme Anne-Laure Babault (Dem)

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    Même si les prix ne sont pas revenus au niveau de 2021, les baisses sont significatives sur les matières agricoles et nous espérons qu’elles seront répercutées sur les prix payés par les consommateurs. Après cette prochaine période de négociations commerciales, nous formons également le vœu que les distributeurs et les multinationales ciblés s’accorderont en ce sens plus tôt que prévu. Enfin, ce projet de loi est l’occasion d’aborder d’autres sujets cruciaux pour les négociations.
    Le groupe Démocrate souhaite débattre et faire des propositions, c’est pourquoi il votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit (HOR)

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    Le groupe Horizons et apparentés votera naturellement contre la motion de rejet préalable. Madame Hignet, avec La France insoumise, vous plaidez pour le blocage des marges – mais sans doute vouliez-vous dire blocage des prix ?

    Mme Aurélie Trouvé

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    Non, blocage des marges !

    M. Thierry Benoit

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    Au blocage des marges, le groupe Horizons oppose le partage de la valeur.

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est du pipeau !

    M. Thierry Benoit

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    Nous plaidons pour le partage de la valeur créée par les agriculteurs, par les transformateurs, au bénéfice des consommateurs.
    En outre, madame la députée, vous souhaitez l’indexation des salaires sur l’inflation. Le groupe Horizons et apparentés plaide quant à lui depuis un an pour une conférence sociale sur les salaires. Eh bien, elle aura lieu le 16 octobre !

    M. Sébastien Jumel

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    Pour les petits salaires seulement !

    M. Thierry Benoit

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    Avec mes collègues du groupe Horizons et apparentés, je souhaite que tous les syndicats de salariés et d’entrepreneurs se mettent autour de la table gouvernementale et fassent des propositions pour tirer les salaires – notamment les bas salaires – vers le haut. Sur ce point, je vous rejoins : en France, il y a un sujet sur le Smic et les bas salaires.
    Enfin, nous ne voterons pas votre motion de rejet préalable parce que ce serait faire fi du volontarisme de la ministre déléguée, Olivia Grégoire, en commission : on voit qu’elle recherche des solutions. Le rapporteur l’a rappelé, avancer les négociations commerciales de six semaines « peut » avoir un effet bénéfique pour les consommateurs français. C’est donc une possibilité, et non une certitude. Cela dit, cette anticipation de six semaines ne mange pas de pain, c’est pourquoi nous soutiendrons la proposition du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Louis Boyard

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    Ce sont les Français qui ne mangent plus de pain !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES)

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    Je profite de ce temps de parole pour interroger le Gouvernement et le rapporteur : où est la liste ? Le 31 août dernier, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, affirmait que « les industriels et les distributeurs s’engagent sur 5 000 références qui seront contrôlées par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il y aura des contrôles sur les engagements qui sont pris [par les industriels et les distributeurs] : 5 000 produits dont les prix ne doivent plus bouger, ou bouger à la baisse. ». Il ajoutait : « Nous aurons la liste de ces produits, nous vérifierons que ces produits baissent bien ou n’augmentent pas […] » et : « la baisse des prix, ce doit être tout de suite. »
    Pourtant, la liste de ces 5 000 produits n’est pas dans le rapport de la commission. Si elle existe, elle n’est pas non plus mise à la disposition des consommateurs. Comment faire travailler le Parlement sur l’inflation sans qu’il ait les moyens de s’assurer de la traduction concrète des annonces régulières du Gouvernement ?
    Les députés du groupe Écologiste-NUPES avaient eux aussi déposé une motion de rejet ; leurs amendements relatifs à la transparence des marges et à la shrinkflation ont été déclarés irrecevables. Dans ces conditions, ils voteront la motion de rejet. Par ailleurs, nous voulons une réponse : où est la liste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – M. Jean-Luc Fugit s’exclame.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        140
            Nombre de suffrages exprimés                128
            Majorité absolue                        65
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                90

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    M. Erwan Balanant

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    On a perdu une heure !

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis 2017, le monde, l’Europe et la France n’ont pas été épargnés par les crises – sans parler du cortège de mauvaises réformes promues par le Gouvernement. Paradoxalement, nous avons le sentiment que vous n’en avez rien appris – ou pas grand-chose. La crise des gilets jaunes, étouffée, incarnait pourtant de légitimes colères face aux injustices sociales, fiscales et territoriales que l’étincelle des prix des carburants était venue raviver.
    La crise du covid a révélé à quel point notre système de santé était malade et combien nos renoncements industriels avaient renforcé notre dépendance – pas seulement aux matières premières. La crise énergétique, accélérée par la guerre en Ukraine, s’est transformée au cours des derniers mois en une crise inflationniste qui touche tous les pans de la vie quotidienne – rien n’y échappe : énergie, carburant, alimentation, logement, etc. Cette inflation fait mal aux vies et se lit sur les visages des familles pour qui les débuts de mois ressemblent aux fins de mois.
    Toutes ces crises, qui fracturent chaque jour un peu plus notre pays et vont jusqu’à fragiliser les fondements de la République, auraient dû militer pour le retour à un État fort, à un État stratège, à un État qui protège et qui prend soin, afin que la République soit présente partout et pour tous. Force est de constater qu’il n’en est rien. Faute de régulations volontaristes, vous laissez le marché faire son œuvre ; mais le marché ne marche pas.
    Le texte qui nous est soumis, mais auquel vous ne croyez pas vous-mêmes – madame la ministre déléguée, je vous ai trouvée plus convaincante sur d’autres textes –, est l’illustration de la doctrine du laisser-faire des libéraux que vous êtes. Pire encore, en se contentant pour seule réponse d’avancer les négociations commerciales avec les grands groupes, il risque – vous le reconnaissez aujourd’hui – non seulement de fragiliser les PME et les PMI (petites et moyennes industries), déstabilisées par cette concurrence déloyale, mais surtout d’abîmer un peu plus notre souveraineté alimentaire. En faisant porter les baisses non pas sur les marges colossales de ceux qui n’ont pas connu les crises, mais sur les agriculteurs qui espéraient la concrétisation des lois Egalim 1 et 2, vous risquez de tirer vers le bas la rémunération de ceux qui nourrissent le pays.
    Les jeunes agriculteurs et leurs organisations syndicales ne s’y trompent pas : ils sont vent debout, vous exhortent au contraire à faire respecter les lois et leur esprit, ainsi qu’à renforcer les contrôles de la DGCCRF. Car si les coûts de quelques matières premières baissent à nouveau, ce n’est évidemment pas le cas des coûts de production auxquels les agriculteurs sont confrontés.
    Le groupe GDR soutiendra les amendements visant à sortir les produits laitiers de cette mauvaise mesure consistant à avancer les clauses des négociations commerciales. Je vous redis mon inquiétude de voir chaque jour, chez moi, en pays de Bray, des éleveurs laitiers mettre la clef sous la porte. Rien d’étonnant à cela quand on sait que Danone leur achète le litre de lait 41 centimes ; je mets qui que ce soit au défi de le trouver à ce prix dans les rayons des magasins de Dieppe ou d’ailleurs.
    Tout cela va nous conduire à tenter de corriger votre texte pour en diminuer les impacts, notamment ceux des effets de seuil, que personne ne semble avoir perçus avant le travail en commission. Tout cela va nous conduire à réitérer l’idée selon laquelle, pour stopper l’hémorragie de l’inflation qui constitue un impôt injuste pour les gens, notamment pour les plus pauvres, il faut changer de braquet.
    Dès le premier texte sur le pouvoir d’achat, nous avions fait des propositions sérieuses, concrètes et faciles à appliquer – je vois que cela fait bougonner notre collègue Balanant –…

    M. Erwan Balanant

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    Je n’ai rien dit ! Calmez-vous, monsieur Jumel ! Je n’écoute même pas vos inepties !

    M. Sébastien Jumel

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    Nous avions ainsi proposé d’indexer les salaires et les pensions sur le niveau des prix ; de mettre sur la table une TVA réduite ou une fiscalité différenciée pour les produits de première nécessité – sur les carburants, par exemple –, ainsi que de revenir aux tarifs réglementés pour l’électricité et le gaz ; d’accepter enfin, même si c’est pour vous contre nature, de toucher au grisbi en mettant à contribution les superprofits, en taxant les dividendes et en ouvrant le débat sur la répartition des marges, dont le FMI et la BCE eux-mêmes considèrent qu’elle est la première cause de la dérive inflationniste. Voilà ce que pourrait être un État fort, un État qui prend soin, un État stratège. En l’état actuel des choses, le groupe communiste s’oppose fortement à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Babault.

    Mme Anne-Laure Babault

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    Cet hémicycle est le théâtre de bien des négociations. Il en existe un tout autre : celui des box de négociation, dans lesquels fournisseurs et distributeurs s’épuisent, des heures durant et dans des conditions difficiles – souvent au-delà de minuit –, avant le 1er mars de chaque année. Par ce projet de loi, qui donne à réfléchir sur les relations commerciales entre distributeurs et industriels, le Gouvernement a souhaité avancer l’échéance des négociations commerciales entre les distributeurs et les multinationales au 15 janvier, tout en laissant les PME et les ETI négocier jusqu’au 1er mars, espérant ainsi faire plus rapidement baisser les prix pour les consommateurs.
    Le groupe Démocrate propose au contraire de valoriser les PME et les ETI. Connaissant bien le sujet, je sais combien il leur est difficile, face aux multinationales, de trouver leur place dans les rayons. L’objectif des négociations consiste à négocier un prix en échange de contreparties ; si ce texte demeure en l’état, les PME et les ETI ne pourront négocier leur place de manière équilibrée en passant après les grandes marques.
    C’est d’autant plus vrai cette année : le contexte de taux d’intérêt élevés va inciter les distributeurs à limiter leurs stocks, encore plus qu’à leur habitude ; ils choisiront des produits à forte rotation, réduiront l’offre et la concentreront sur les meilleures ventes des multinationales, restreignant drastiquement l’offre des petites marques. Or les consommateurs apprécient aussi la diversité qu’ils trouvent dans les rayons grâce aux produits locaux et aux produits de PME françaises. Le modèle économique actuel favorise particulièrement les distributeurs et les multinationales. En tant que parlementaires, il est de notre responsabilité de nous saisir de ce sujet afin de protéger les consommateurs.
    Par ailleurs, la politique des prix bas, défendue avec force par certains distributeurs, dessert la santé des Français. À cet égard, je tiens à signaler la dernière campagne publicitaire de l’enseigne Leclerc, qui invite ses clients à sacrifier une alimentation de qualité pour faire de petites économies pouvant ensuite être répercutées sur des loisirs, sans tenir compte du temps long et de l’impact de la malbouffe sur la santé.

    M. Erwan Balanant

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    Scandaleux !

    Mme Anne-Laure Babault

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    Cette campagne pose la question de la place de l’alimentation dans notre budget, ainsi que celle du partage de la valeur entre distributeurs, industriels et agriculteurs.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    Mme Anne-Laure Babault

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    Nous avons pour objectifs la souveraineté alimentaire et la transition écologique agricole, mais les premiers prix et les produits ultratransformés ne nous permettront pas de les atteindre. À cet égard, j’aimerais saluer les récents propos de Mme la ministre déléguée : il est temps de nous réapproprier notre cuisine.
    Le groupe Démocrate défend avec constance cette conviction ainsi que l’exigence d’une alimentation de qualité et d’une meilleure protection des agriculteurs, des PME et des ETI. C’est pourquoi nous avons déposé plusieurs amendements basés sur la différenciation entre les multinationales d’une part, les PME et les ETI d’autre part. Ce projet de loi est l’occasion d’inscrire, à titre temporaire, cette différenciation dans le code de commerce. Nous proposons donc que la date butoir pour les négociations des PME et des ETI soit fixée quinze jours plus tôt que celle des multinationales – le 31 décembre pour les premières et le 15 janvier pour les secondes.
    Si certaines chartes proposent déjà de signer un accord entre PME et distributeurs dès le 31 décembre, 25 % seulement des PME trouvent un accord avant cette date, quand les 75 % restants négocient jusqu’au 1er mars. Pour que cette mesure soit applicable, le groupe Démocrate proposera également d’avancer au 15 novembre l’envoi des CGV et des tarifs.
    Enfin, il nous semble important de sécuriser la filière laitière, déjà en souffrance ; l’un de nos amendements vise à l’exclure des négociations anticipées pour préserver ses revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Sandrine Rousseau et M. Sébastien Jumel applaudissent également.)
    Nous soutenons l’initiative du Gouvernement visant à influer sur la baisse des prix et espérons que la négociation entre les distributeurs et les industriels le permettra. Le groupe Démocrate soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sébastien Jumel

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    Là, par contre, je n’applaudis pas !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Le rapporteur l’a indiqué : ce projet de loi est simple, mais il n’est pas simpliste. (M. Sébastien Jumel sourit.) Il vise à avancer de quarante-cinq jours les négociations commerciales, afin de répercuter au plus tôt sur le pouvoir d’achat des Français la baisse des prix constatée sur nombre de matières premières et sur le marché de l’énergie. Rien n’est simpliste lorsqu’il est question du pouvoir d’achat et de ses multiples déterminants. C’est pourquoi le présent débat est important ; j’espère qu’il portera ses fruits.
    Le groupe Renaissance est bien sûr favorable à cette initiative ; comme je l’ai dit en commission, il aborde cette discussion avec humilité. Humilité tout d’abord parce que la situation économique et sociale de certains de nos concitoyens est difficile, comme l’a rappelé Mme Trouvé dans sa défense de la motion de rejet préalable et comme en témoigne le recours massif à l’aide alimentaire. Selon les derniers chiffres publiés par l’Insee, en 2023, plus de la moitié des Français ont modifié leurs habitudes de consommation alimentaire.
    Humilité ensuite parce que ces mesures présentent une part d’incertitude. Nous voulons avancer l’échéance des négociations parce que nous croyons en la capacité de la grande distribution à négocier à la baisse un nombre important de prix, étant donné que ceux d’un nombre important de matières premières et de l’énergie ont déjà commencé à baisser. Cependant, une certaine incertitude demeure et cette mesure constitue une partie seulement de la solution…

    M. Grégoire de Fournas

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    On ne sait pas trop !

    M. Pierre Cazeneuve

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    …visant à accompagner les nombreuses dispositions instaurées par le Gouvernement et la majorité pour protéger le pouvoir d’achat des Français : le bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie ; le chèque pour les gros rouleurs, qui sera reconduit dans le projet de loi de finances pour 2024 si celui-ci est adopté ; les revalorisations des minima sociaux, des bourses, des aides personnelles au logement. Ces mesures pragmatiques et ciblées visent à aider les Français et à protéger leur pouvoir d’achat. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Nous croyons à cela et nous pensons pouvoir aller plus loin ; c’est la raison de cette mesure, certes simple et modeste, mais loin d’être simpliste, dans un écosystème compliqué.
    Humilité enfin parce que nous abordons la question très sensible de la répartition des marges et de la valeur entre ceux qui nous nourrissent, ceux qui distribuent et ceux qui consomment. En commission, notre collègue Richard Ramos a eu une excellente formule : « La crise que nous traversons ne doit pas nous faire croire […] que le prix bas, c’est le bon prix. Ce qu’il faut chercher […], c’est le juste prix ». En commission, l’ensemble des groupes a exprimé la volonté de mettre à plat un ensemble de dispositions relatives à la transparence des marges.
    Je remercie la ministre déléguée, qui a annoncé la création d’une mission gouvernementale transpartisane, relative aux négociations commerciales au sens large. Je redis la volonté du Président de la République de mettre à plat, de nouveau, la question de l’encadrement et de la transparence des marges. Lors du quinquennat précédent, la majorité a beaucoup agi, en adoptant les lois Egalim 1, Egalim 2 et Descrozaille.
    Le chemin est encore long, nous devons poursuivre dans cette voie. En effet, derrière les Danette, les boîtes de cassoulet et les paquets de pâtes, il y a les agriculteurs qui travaillent et nourrissent les Français et les Françaises. Au nom du groupe Renaissance, je redis notre soutien à ce texte. Nous aborderons l’examen des amendements en faisant preuve d’un esprit d’ouverture. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Meizonnet.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Est-ce donc tout ce dont vous êtes capable ? Alors que la précarité alimentaire gagne chaque jour du terrain, dans un pays qui compte désormais 10 millions de pauvres, alors qu’un Français sur trois déclare ne pas manger à sa faim, qu’un Français sur deux se prive de viande ou de fruits et légumes frais, que les Restos du cœur sont désormais contraints de réduire leur nombre de bénéficiaires, je vous repose la question, madame la ministre déléguée : est-ce donc tout ce dont vous êtes capable ?
    Depuis trois ans, alors que les Français subissent l’inflation, vous tâtonnez en multipliant vainement les coups de communication tandis que des multinationales s’en mettent plein les poches ; nos concitoyens souffrent de votre inaction.
    Inlassablement, le ministre Bruno Le Maire nous a livré ses analyses économiques erronées, affirmant alternativement que « nous [étions] au pic de l’inflation » et que le pic était derrière nous. Inlassablement, il est allé demander aux géants de l’industrie et de la distribution d’avoir l’amabilité de bien vouloir fournir quelques efforts, au point de se voir affublé de ce surnom qui lui va si bien : « Bruno demande ». Eh oui, hélas, Bruno demande mais n’obtient rien !
    Face à cette absence totale de résultats, le gouvernement d’Élisabeth Borne a décidé d’agir. Sa première mesure relève du génie : la vente à perte du carburant. Mais le génie reste incompris et la mesure, balayée d’un revers de la main par les distributeurs, est renvoyée aux oubliettes des fausses bonnes idées de l’histoire.
    La deuxième mesure, presque aussi hasardeuse que la première, consiste à avancer de six semaines la date des négociations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, afin de voir si, sans la moindre injonction ni la moindre contrainte, ces derniers ne consentiraient pas, tout de même, à baisser un petit peu les prix. Du comique au tragique, il n’y a souvent qu’un pas. Le texte indigent et dérisoire que vous nous proposez revient à tirer à pile ou face l’espoir de voir le pouvoir d’achat des Français s’améliorer.
    Au fond, « la fin de l’abondance », annoncée par Emmanuel Macron, est peut-être un projet politique qui vise à accroître la pauvreté de nos compatriotes et à faire disparaître inexorablement les producteurs locaux. En effet, dans ma circonscription, en vingt ans, deux tiers des bateaux de pêche ont cessé leur activité ; des dizaines d’exploitations agricoles disparaissent chaque semaine ; un agriculteur se suicide tous les deux jours. Dès 2028, notre pays, dont la filière laitière était pourtant l’une des plus productives du monde, deviendra importateur net de lait.
    Je vous le dis haut et fort : il est hors de question de s’y résoudre ! Si, dans une économie ouverte, nous n’avons pas – ou peu – de prise sur certaines causes de l’augmentation des prix, certaines décisions politiques auraient pu être évitées quand d’autres auraient dû être prises.
    En refusant d’abandonner vos dogmes – soumission à l’Union européenne et libéralisme absolu –, vous avez laissé les agriculteurs et les producteurs désarmés face à une concurrence déloyale toujours plus féroce. Vous avez béatement accepté les règles du marché européen, dont les conséquences sont dévastatrices pour nos intérêts stratégiques et pour la compétitivité de nos entreprises. Vous avez refusé toute intervention de l’État dans les négociations entre les fournisseurs et les distributeurs, persuadés que le mécanisme de la main invisible ferait son travail – avec le résultat que l’on connaît.
    Votre naïveté est coupable. Les députés du groupe Rassemblement national soutiennent que l’urgence de la situation exige des mesures exceptionnelles. Lorsque le marché engendre des inégalités et des injustices, alors c’est à la puissance publique de reprendre la main. Les multinationales – industriels comme distributeurs – ne doivent plus faire ce qu’elles veulent. Leurs marges doivent être encadrées en instaurant, d’une part, un plancher afin de garantir des revenus décents aux producteurs et aux agriculteurs, d’autre part, un plafond par la création d’une taxe sur les superprofits. Il sera mis un terme tant aux marges abusives qu’aux profiteurs de crise, l’un et l’autre néfastes aux consommateurs.
    Pour cela, il faut en appeler à la responsabilité des acteurs économiques. La liberté s’accompagne toujours de la responsabilité. Il faut donner à la loi toute sa force, afin que ceux tentés d’avoir des comportements peu scrupuleux soient contraints d’y renoncer. Nous aurons l’occasion de vous soumettre des propositions en ce sens au cours du débat.
    Hélas, encore une fois, nous craignons que votre sectarisme ne l’emporte, au détriment des Français. Selon Voltaire, « le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d’hommes inutiles ». Madame la ministre déléguée, la manière dont vous accueillerez les propositions de bon sens que nous vous ferons à l’occasion de l’examen du texte permettra de déterminer à quelle catégorie vous appartenez. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Une chose est sûre, je ne suis pas un homme inutile, puisque je suis une femme !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet.

    Mme Mathilde Hignet

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    L’ambition de ce projet de loi était pourtant simple : faire face à l’augmentation des prix alimentaires. Alors que tous les acteurs du secteur vous alertent sur le fait qu’avancer les négociations commerciales n’entraînera pas une baisse des prix, mais pourra au contraire se traduire par leur augmentation, vous persistez dans cette idée.
    Les ménages français sont essorés par l’augmentation des prix alimentaires, de l’énergie, ou encore des loyers. Le panier de trente-sept produits du quotidien coûte 20 euros de plus au mois d’août 2023 qu’un an auparavant ; un Français sur six ne mange pas à sa faim ; les Restos du cœur s’attendent à servir 170 millions de repas cette année – soit 30 millions de plus qu’en 2022. Pour la première fois, environ 150 000 personnes ne pourront pas bénéficier d’un repas et les quantités de ceux qui seront servis seront réduites. Les files d’attente pour bénéficier d’une aide alimentaire grossissent, car les prix augmentent alors que les salaires ne suivent pas ; en 2023, les hausses de salaire devraient atteindre 4,5 % en moyenne alors que l’inflation s’élèvera à 5 %.
    Face à cette situation dramatique, votre gouvernement est en faillite politique.
    Soudain, vous avez une révélation et vous proposez d’avancer les dates des négociations commerciales. Waouh, quelle ambition ! Si vous voulez être pris au sérieux, faites des propositions sérieuses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous attendons des mesures d’urgence efficaces. On ne peut attendre des multinationales de l’agrobusiness – les mêmes qui se sont gavées toute l’année avec l’inflation – qu’elles renégocient avec la grande distribution pour faire baisser les prix.
    Thomas Grjebine, responsable du programme macroéconomie et finance internationales au Centre d’études prospectives et d’informations internationales, indique que trois secteurs d’activité ont bel et bien renforcé leurs marges entre la fin de l’année 2019 et le deuxième trimestre de l’année 2023. L’agroalimentaire, dont le taux de marge a atteint 49 %, soit 9 points de plus qu’avant la crise, se place sur la deuxième marche du podium. Je répète donc ma question : croyez-vous que ceux qui nourrissent l’inflation alimentaire depuis des mois vont s’arrêter maintenant ?
    Les négociations ne doivent pas être menées en vase clos entre l’agro-industrie et la grande distribution, en laissant de côté tous les autres acteurs du secteur alimentaire. D’abord, les agriculteurs risquent d’être une fois de plus considérés comme une variable d’ajustement par les industriels pour faire baisser leur prix. La loi dite Egalim 2 visait à prendre en compte les coûts de production agricole, mais il n’en est rien. Les agriculteurs vous le disent, et vous ne faites rien pour que cette mesure soit respectée. Les syndicats agricoles réfutent l’argument de la diminution des coûts de production. Les derniers chiffres de l’Insee révèlent que les charges des agriculteurs ont significativement augmenté. Au mois de juillet 2023, l’indice des prix d’achat des moyens de production agricole avait augmenté de 18 % par rapport à 2021.
    Ensuite, les petites et moyennes entreprises, ainsi que les entreprises de taille intermédiaire, ont totalement été oubliées dans ce texte. Avancer les négociations commerciales entre la grande distribution et les multinationales de l’agroalimentaire risque de les contraindre à négocier en dernier et de réduire leurs marges de manœuvre, alors même que nous devrions protéger ces entreprises à taille humaine, qui font vivre les territoires. En commission, M. le rapporteur nous a indiqué que, parmi ces entreprises, certaines ne pourraient pas renégocier dans un délai aussi court. Dans ce cas, n’avançons pas la date butoir des négociations commerciales.
    Enfin, les consommateurs sont laissés sur le bord du chemin. Or ils ont besoin de véritables mesures d’urgence ! Que faisons-nous pour aider les ménages à passer l’hiver, alors même que les factures d’énergie continuent à augmenter ?

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    On avance la date des négociations !

    Mme Mathilde Hignet

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    Que faisons-nous pour les familles qui ont eu du mal à faire face à l’augmentation de 11,4 % du prix des fournitures scolaires, qui doivent choisir entre payer le loyer ou faire le plein du frigo ? Ce sont toujours les mêmes qui payent, alors que certains s’enrichissent. Il faut sortir de l’illusion de la main invisible du marché qui parviendrait à réguler les prix.
    Alors que tout porte à croire que ce texte n’aura aucun effet, il est urgent que le Gouvernement propose un véritable plan d’urgence alimentaire, et non des mesurettes inefficaces. Les salaires doivent augmenter autant que l’inflation. Les marges des industriels et de la grande distribution doivent être bloquées à la baisse. Sans ces mesures, la situation ne s’améliorera pas. Vous l’avez dit, madame la ministre déléguée, chaque jour compte pour rendre du pouvoir d’achat aux Français. Alors, soyez à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury

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    Le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui vise à revoir, de manière exceptionnelle, les règles sur les négociations commerciales pour essayer de lutter contre l’inflation. Il est examiné après de riches échanges en commission, dont je salue la qualité. Nous souhaitons continuer dans cette voie en séance pour éviter que le débat ne devienne caricatural. En effet, l’inflation est très concrète pour les Français. Faire ses courses devient angoissant pour une grande partie de nos concitoyens, qui sont bien souvent à l’euro près.
    Madame la ministre déléguée, en commission, j’évoquais le fait que travailler ensemble, c’est se dire les choses. Reconnaissons-le, de sérieux doutes subsistent quant aux réels effets positifs sur le pouvoir d’achat des Français que le projet de loi aurait. Finalement, aucune disposition ne porte sur le prix des carburants alors que c’est un sujet majeur pour nombre de nos concitoyens.
    Il faut dire que la mesure énarco-technocratique, imaginée par un cerveau néoléniniste au sein d’un cabinet ministériel et consistant à vendre à perte l’essence et le gazole,…

    M. Sébastien Jumel

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    Je ne sais pas où sont les léninistes dans le cabinet de la ministre !

    M. Jérôme Nury

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    …s’est heurtée à la dure réalité de notre économie de marché : ce sont bien les entreprises qui décident encore à quel prix elles souhaitent vendre un produit. En effet, le litre de gazole à 2 euros est intenable pour toutes celles et tous ceux qui n’ont d’autre choix que de prendre leur voiture au quotidien. Avec des carburants trop chers, c’est le porte-monnaie des ruraux qui trinque et la vie dans les campagnes qui se trouve affectée. Il est donc urgent de prendre des dispositions plus importantes que des mesurettes, afin de lutter contre l’inflation du coût des déplacements. Ainsi, il convient de moduler la fiscalité pour faire sérieusement baisser les prix à la pompe pour tous.
    Quant à l’article restant, force est de constater qu’il ne fait pas l’unanimité. Manifestement, certains sont heurtés que la représentation nationale défende les entreprises françaises, notamment les PME. Oui, je le dis et le répète : le tissu industriel français est fragile. La hausse des coûts de l’énergie, les investissements massifs dans la transition environnementale ou l’appel à la hausse des salaires sont autant de coûts supplémentaires qu’il faut répercuter sur le prix du produit.
    Rien ne nous permet d’affirmer que faire passer les plus gros industriels avant nos PME dans ces négociations commerciales, comme cela est prévu dans le texte, entraînera une baisse massive des prix. En revanche, on peut légitimement penser que ces industriels en tireront des avantages considérables en matière de référencement, de placement en rayons ou de promotions, au détriment des PME, dont la présence est si importante dans nos territoires.
    Il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal.

    M. Grégoire de Fournas

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    Nous sommes d’accord !

    M. Jérôme Nury

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    Pour faire avancer la discussion, nous défendrons le renforcement des sanctions contre une partie de la grande distribution, qui préfère passer à l’étranger plutôt que de respecter la loi française, et une révision du calendrier des négociations ou du seuil des 150 millions, qui pourrait être aligné sur la norme européenne de 350 millions.
    Nous serons vigilants sur deux autres points. Premièrement, la filière lait, qu’il faut considérer dans son ensemble, doit être exclue du dispositif ; la différence de calendrier n’y serait pas comprise. Deuxièmement, nous pouvons discuter d’une modification de la date butoir, mais nous devons en conserver une dans le projet de loi. Cette notion joue en effet un rôle majeur dans le respect de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire.
    Vous l’aurez compris, le groupe LR s’inscrit dans une démarche constructive pour combattre l’inflation. À deux conditions, toutefois : les solutions proposées doivent être véritablement efficaces et ne fragiliser ni nos agriculteurs ni nos PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac

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    Cela fait deux ans que l’inflation s’est installée dans le quotidien des Français, qui observent avec inquiétude les prix flamber, et cela fait également deux ans que Bruno Le Maire nous promet des jours meilleurs sans que jamais cela ne se concrétise. Rappelez-vous : en novembre 2021, le ministre de l’économie qualifiait l’inflation de « temporaire » ; depuis, il a réitéré cette déclaration chaque année, y compris en 2023, annonçant le reflux des prix pour la fin de l’été. Nous y sommes, et nous ne voyons toujours rien venir !
    Or un tiers des Français n’ont désormais plus les moyens de faire trois repas par jour. La situation est tellement critique que les Restos du cœur s’apprêtent, pour la première fois de leur histoire, à refuser des bénéficiaires.
    Je reconnais bien volontiers qu’il n’y a pas de solution facile : Bercy n’a la main ni sur les cours de l’énergie ni sur ceux des matières premières agricoles. Mais je m’inquiète d’un manque de volonté politique : cette majorité ne nous propose qu’un ensemble de mesures peu contraignantes, aux effets limités.
    Sans doute invoquerez-vous, madame la ministre, la revalorisation du Smic et des minima sociaux, mais c’est oublier que l’on vit mal avec si peu. Et que dire des bas salaires, qui sont à la peine ?

    M. Sébastien Jumel

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    Eh oui !

    M. David Taupiac

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    Vous arguerez également des aides ciblées, en omettant de dire qu’elles sont moins importantes cette année que l’année dernière alors même que les prix n’ont cessé d’augmenter.
    Vous serez certainement moins prolixe s’agissant de la fausse bonne idée que fut la vente à perte du carburant.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Ça, c’est sûr !

    M. David Taupiac

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    Pas besoin de s’épancher non plus sur sa petite sœur, la vente à prix coûtant : les Français n’en perçoivent pas l’effet sur leur porte-monnaie. Quant au trimestre anti-inflation, cet outil de communication du Gouvernement et des distributeurs, il n’aura servi qu’à modérer quelques hausses de prix sans permettre un véritable contrôle des marges des distributeurs.
    Reste la dernière idée en date : avancer de six semaines les négociations commerciales entre la grande distribution et les plus gros industriels. Le raisonnement est simple : puisque le cours de certaines matières premières agricoles diminue, il faut répercuter au plus vite cette baisse dans les rayons.
    C’est un pari. D’abord, parce que les coûts de production des industriels continuent de croître. Vous n’êtes pas sans savoir que la baisse des prix des matières premières n’est pas généralisée : si le blé voit son cours diminuer, celui du sucre atteint des sommets. N’oubliez pas non plus que les factures énergétiques des entreprises restent exorbitantes et que l’on ne revient pas sur une hausse de salaire une fois qu’elle a été accordée. Dans ces conditions, miser sur une baisse des prix des industriels relève de la gageure.
    Ensuite, parce que la puissance publique n’intervient pas dans les box de négociation. Personne ne peut donc certifier que la grande distribution parviendra à imposer une baisse de prix aux entreprises.
    Par ailleurs, je ne perds pas de vue les inquiétudes légitimes des agriculteurs. Ceux qui produisent restent le maillon le plus fragile de la chaîne agroalimentaire ; ils pourraient être les premières victimes des pressions exercées par une grande distribution qui cherche à diminuer son coût d’achat, d’autant que les contrôles de la DGCCRF demeurent insuffisants pour garantir la non-négociabilité de la matière première.
    En outre, en bouleversant le calendrier des négociations commerciales, vous risquez d’affaiblir les ETI et les PME. Le projet de loi prévoit en effet que seuls les plus gros industriels seront concernés par l’avancée de la date butoir. Aussi avons-nous été nombreux à être alertés par les petites entreprises de nos territoires, qui redoutent de se retrouver exclues des rayons. Leurs inquiétudes sont légitimes : nous connaissons tous les capacités des multinationales à cannibaliser les budgets et les rayons de la grande distribution.
    Le rapporteur propose désormais d’asseoir tout le monde à la table des négociations au même moment. C’est mieux, mais les PME auront-elles seulement les moyens humains et matériels de faire face à des négociations commerciales précoces ?
    En résumé, rien ne dit que cette grand-messe aboutira à une spectaculaire baisse des prix. Les incertitudes sont trop nombreuses. Vous faites, par ce projet de loi, une promesse aux Français que vous n’êtes pas certains de tenir. Que leur direz-vous si ces négociations commerciales débouchent sur une hausse des prix anticipée ? Surtout, que ferez-vous ? (M. Alain David applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Johnny Hajjar.

    M. Johnny Hajjar

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    En 2022, dans la France hexagonale, l’inflation a connu un niveau jamais égalé depuis près de quarante ans. Les prix des produits alimentaires, en particulier, ont explosé, enregistrant une augmentation de plus de 21 % sur deux ans. Dans le même temps, les revenus de la majorité des Français de l’Hexagone stagnaient.
    Dans les territoires dits d’outre-mer, malgré la départementalisation, intervenue il y a près de quatre-vingts ans, la situation est structurellement pire, car la vie y est globalement plus chère de plus de 40 %. À cela s’ajoutent toutes les difficultés et les crises conjoncturelles : guerres, changement climatique… En effet, depuis la crise liée au covid-19, c’est la catastrophe, car les prix ont explosé dans tous les domaines, notamment ceux du transport de passagers et de marchandises, et de l’alimentaire, alors que, dans ces territoires, les revenus sont les plus bas de France. Cet état de fait provoque donc un accroissement important de la précarité, de la pauvreté et du chômage.
    Les inégalités, en particulier de niveau de vie, entre un Français vivant dans l’Hexagone et un Français vivant outre-mer se sont considérablement creusées. En 2022, un même panier de produits coûtait près de 50 % plus cher à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe. L’enquête de l’Insee réalisée la même année a révélé que les écarts de prix, notamment sur les produits alimentaires, n’ont jamais été aussi importants.
    Partout, les associations caritatives, les banques alimentaires, les ménages, les associations, les très petites entreprises (TPE) et les PME, et jusqu’aux collectivités locales, témoins majeurs de proximité, elles-mêmes en souffrance, tirent la sonnette d’alarme.
    Car, paradoxalement, malgré la grande souffrance de la très grande majorité des Français de l’Hexagone et de ceux des territoires dits ultramarins, malgré les crises multiples, les grands groupes, les grands fournisseurs et les grands distributeurs n’ont cessé d’engranger des bénéfices records. Les marges des industries agroalimentaires sont passées de 28 % à 48 % entre le premier trimestre de 2021 et le premier trimestre de 2023. Au cours de cette même période, les profits bruts de l’industrie agroalimentaire sont passés de 3,1 milliards d’euros à 7 milliards.

    M. Sébastien Jumel

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    Eh oui !

    M. Johnny Hajjar

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    La commission d’enquête parlementaire sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, dont j’étais le rapporteur, nous a permis d’identifier clairement les causes de cette vie chère insupportable. Mon rapport, adopté le 20 juillet dernier, met ainsi en lumière la présence active et dynamique de monopoles et d’oligopoles faiseurs de prix.
    Fournisseurs, grossistes et distributeurs se sont, à la faveur d’une concentration verticale et horizontale, considérablement consolidés depuis de nombreuses années. Cumulant marges avant et arrière et s’abstenant de déposer leurs comptes bien que la loi l’impose, ils prennent en otage l’ensemble des peuples et populations d’outre-mer.
    Mais il n’y a pas de fatalité : des solutions existent. Elles figurent dans mon rapport – de près de 400 pages – sur la vie chère, que je vous remets officiellement aujourd’hui, madame la ministre. Tout en prenant en compte les réalités, les singularités et les différences des territoires dits ultramarins, nous proposons près de soixante-dix solutions. Chaque territoire, chaque gouvernance pourrait choisir les mesures qu’il souhaite mettre en œuvre en fonction de sa situation propre, et ce, grâce à l’installation d’états généraux de la vie chère et du pouvoir d’achat dans chaque territoire.
    Oui, il faudra plusieurs textes de loi, dont une loi d’orientation spécifique aux outre-mer, pour régler le problème de la vie chère sur le fond, concrètement et réellement, à partir d’au moins quatre déterminants : le niveau des revenus, le niveau des prix, le sous-financement des collectivités locales ainsi que les défaillances historiques et le désengagement financier de l’État.
    L’urgence est grande. Il y va de la survie de dizaines de millions de Français, particulièrement ceux de l’outre-mer, qui ne peuvent plus se nourrir et se loger dignement et correctement.
    Dans ce contexte, ce projet de loi de modification du code de commerce fait apparaître que, bien que les prix des matières premières baissent, les consommateurs n’en bénéficient pas. Si l’avancée des dates des négociations commerciales est nécessaire, elle apparaît insuffisante et ne permet pas d’agir en profondeur sur le problème de la baisse généralisée du niveau de vie de la très grande majorité des Français, ceux de l’outre-mer compris.
    Plus particulièrement en outre-mer, la gravité du contexte socio-économique démontre qu’il faut carrément bloquer les prix des produits de première nécessité – j’insiste sur ce point ! Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, j’avais déposé une série d’amendements pour que l’avancement du calendrier des négociations commerciales soit une opportunité pour faire baisser fortement les prix, notamment en outre-mer. Malheureusement, ils ont été déclarés irrecevables.
    Nous pensons que c’est la lecture de cette loi par l’État qui est trop restrictive. Car, les près de 2 800 références de produits de première nécessité dont les prix seraient bloqués…

    Mme la présidente

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    Merci, mon cher collègue.

    M. Johnny Hajjar

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    …ne représentent qu’environ 7 % des 35 000 à 40 000 références vendues dans la grande distribution. Cette mesure d’urgence devrait au moins être appliquée dans les outre-mer, si nous considérons que la responsabilité…

    Mme la présidente

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    Merci.

    M. Johnny Hajjar

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    …et la solidarité doivent se traduire par un soutien humaniste et universel aux plus humbles, aux plus vulnérables et même aux classes moyennes, qui se sont considérablement appauvries.
    La régulation par l’État s’impose.

    Mme la présidente

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    Merci, mon cher collègue.

    M. Johnny Hajjar

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    Madame la ministre, écoutez et prenez au sérieux l’appel que je vous lance en faveur de nos territoires ultramarins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Nous voici, une nouvelle fois, rassemblés dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour évoquer les négociations commerciales – une nouvelle fois, car cette question revient régulièrement dans nos débats depuis de nombreuses années.
    En l’espèce, le Gouvernement part du postulat que si les dates de négociation étaient avancées de six semaines, la baisse du prix de certaines matières premières pourrait être mieux prise en compte et ainsi profiter aux consommateurs. Le groupe Horizons soutiendra le projet de loi, même s’il n’est pas la panacée.
    Cependant – je tiens à le souligner, car cela n’a pas été fait par les précédents orateurs –, j’ai apprécié, madame la ministre, que vous annonciez lors de la discussion générale que vous chargeriez une mission gouvernementale réunissant l’ensemble des groupes parlementaires de tenter une nouvelle fois de remettre de l’ordre dans les négociations commerciales qui, disons-le, sont dégradées depuis une quinzaine d’années, en particulier depuis l’adoption de la loi de modernisation de l’économie, qui a mis en avant le sacro-saint pouvoir d’achat et des prix alimentaires bas.
    La mesure ponctuelle que nous allons adopter, associée à la création de cette mission gouvernementale, devrait, je l’espère, être fructueuse.
    Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler plusieurs propositions du groupe Horizons et apparentés et d’autres, personnelles pour certaines tant je les présente depuis plusieurs années.
    Nous devons disperser l’oligopole formé de quelques centrales d’achat et de quelques multinationales chez les industriels, dans la mesure où il crée des difficultés en matière de transparence, de partage de la valeur produite par les agriculteurs et par les transformateurs.
    Je souhaite ensuite que le Gouvernement se penche sur la TVA qu’on appelait sociale il y a une quinzaine d’années, en en modulant le taux : il faudrait isoler les produits de première nécessité pour leur appliquer un taux très réduit, tandis qu’on augmenterait celui des produits qui ne sont pas indispensables.
    Je propose également de sanctionner plus fortement les mauvaises pratiques de certains distributeurs, notamment lorsque les négociations sont délocalisées à l’étranger, au sein de l’Union européenne, mais aussi en Suisse – tout simplement pour échapper au droit fiscal français, ce qui n’est pas normal.
    Une autre proposition consisterait à travailler au niveau européen afin que l’Autorité de la concurrence joue le rôle de gendarme contre ces mauvaises pratiques.
    Depuis de nombreuses années, le fer de lance de la grande distribution est le prix alimentaire le plus bas possible pour encourager le client à consommer plus. Comme d’autres ici – je pense à Richard Ramos –, j’estime que la priorité est plutôt de favoriser la consommation de produits plus sains et au juste prix.
    À cet égard, je m’étonne que depuis quinze ou vingt ans, le secteur de la distribution insiste sur les prix bas, ce qui fait du mal à l’agriculture. J’évoquais la loi de modernisation de l’économie qui a échauffé les esprits. Je m’étonne qu’on ne cherche pas plus à rendre du pouvoir d’achat par le biais du secteur des services : alors que personne n’est choqué de ce que les frais bancaires augmentent, que les taux d’intérêt augmentent, que les primes d’assurance et les frais téléphoniques augmentent, et que les abonnements télé atteignent des prix exorbitants – d’autant que la qualité des programmes laisse à désirer (Sourires sur les bancs du groupe Écolo-NUPES), les prix du secteur alimentaire sont une source constante de préoccupation.

    Mme Alma Dufour

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    Peut-être parce qu’on achète de la nourriture tous les jours ?

    M. Thierry Benoit

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    Je tiens à vous mettre en garde, madame la ministre déléguée : les dispositions de la loi Egalim visant à établir les prix à partir des indicateurs de coûts de production sont à sanctuariser afin de préserver le revenu des agriculteurs. Nous devrons en outre, au cours de nos débats, prêter attention à la filière du lait, de même qu’à la filière de la viande. (MM. Julien Dive et Richard Ramos applaudissent.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Et la filière des fruits et légumes ?

    M. Thierry Benoit

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    Il s’agit donc de protéger les agriculteurs et plus particulièrement les éleveurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. le président de la commission des affaires économiques et M. Julien Dive applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Il y a un mot créole pour nommer avec précision ce que subissent les Françaises et les Français : la profitation. La profitation, c’est le fait de profiter outrageusement, de façon inique. C’est à la fois la description de l’usurpation du profit et la dénonciation de son caractère injuste.
    La profitation, ce sont les marges de 50 % sur les fruits et légumes, de 70 % sur l’agriculture biologique, privant nos compatriotes de l’accès à une alimentation bonne pour la santé.
    La profitation, c’est la répercussion sur le prix final à 127 % des hausses des coûts de l’énergie, quand les baisses, elles, ne sont répercutées qu’à 58 % dans les rayons.
    La profitation, c’est ce qui va dans la poche des oligopoles de l’agroalimentaire, de la grande distribution et d’une poignée de centrales d’achat, loin de la concurrence prétendument libre et non faussée.
    La profitation, c’est la pratique qui aboutit à ce que 9 millions de personnes soient en situation de privation et à ce que, pour la première fois de leur histoire, les Restos du cœur soient obligés de refuser des bénéficiaires.
    La profitation est un fait incontestable que ce projet de loi ignore, alors qu’elle est la cause de 54 %, voire des deux tiers de l’inflation actuelle, phénomène face auquel vous ne proposez même pas un service minimum de lutte contre la vie chère.
    La profitation n’a pas commencé par la guerre en Ukraine. Il faut chercher ses causes profondes dans l’emballement de la machine consumériste au lendemain de la pandémie : là s’est allumée la mèche. Loin des promesses sur le monde de demain et le retour à l’essentiel, la course folle à la croissance économique a formé un cocktail toxique où se sont additionnés l’engorgement des chaînes lointaines d’approvisionnement, les spéculations, mais aussi la « climateflation », c’est-à-dire l’inflation sur les denrées alimentaires provoquées par les catastrophes liées au réchauffement climatique, et bien sûr la « fossilflation », c’est-à-dire l’inflation liée à l’explosion du prix des énergies fossiles – pas seulement pour des raisons géopolitiques, mais aussi en raison du déclin structurel de leurs réserves.
    Regarder la vérité en face, c’est reconnaître que nous sommes entrés dans un nouveau régime d’inflation qui a des racines non pas monétaires mais physiques, avec des conséquences quotidiennes liées au franchissement toujours plus poussif des limites planétaires. De ce point de vue, l’inflation risque d’être durable et de s’aggraver. Il y a désormais une urgence pour la stabilité du pays.
    La profitation est la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’une société française usée par l’augmentation du nombre de travailleuses et de travailleurs pauvres, par des décennies d’affaiblissement du rapport de force salarial sous la pression du chômage de masse et des délocalisations, usée par l’installation durable de la précarité énergétique et la dérégulation de l’énergie, la hausse de la facture d’électricité atteignant 400 euros en moyenne pour un ménage pour l’année en cours, et celle du prix du gaz 151 % depuis 2005, usée enfin par l’insécurité alimentaire avec le triplement du recours à l’aide alimentaire en dix ans.
    Chers collègues, il est indiscutable que la profitation a fait baisser les salaires réels, redescendus au niveau de 2015. Éviter le basculement du plus grand nombre dans un état de vulnérabilité sociale, alimentaire et écologique implique une hausse générale des salaires, c’est-à-dire une négociation sociale sous contrainte de l’État. Le moment est venu du partage, par le rattrapage immédiat des rémunérations.
    Sortir de la spirale de la profitation, c’est en revenir au concept d’une économie utile et non d’une économie de sacrifices pour la croissance. Il faut mettre fin à l’absurdité d’un modèle vide de sens résumant l’existence au triptyque « travaille, consomme, meurs », qui mène à la destruction de nos conditions de vie et à l’extinction du vivant.
    Un monde en état de surchauffe écologique, miné par les tensions et les affrontements géopolitiques, est porteur de déstabilisations qui risquent d’épuiser le peu de ressources qu’il reste à notre société. Nous ne sommes pas dans un monde en paix et nous ne sommes pas non plus victimes d’une crise, non : nous suivons une trajectoire d’effondrement – qui est un nouvel état du monde.
    Ce qui caractérise profondément ce texte, au-delà de la mauvaise analyse sur les causes de l’inflation, c’est un manque absolu d’actualisation et d’anticipation face aux conséquences de la situation vécue par nos concitoyens. Vous vous êtes trompés et, réflexe connu, au lieu de le reconnaître, vous persévérez dans l’erreur avec cette seizième loi en dix ans sur les relations commerciales. Tout change et vous parlez une langue morte, celle d’une vision obsolète, d’une obsession pour la croissance de l’inutile – demandant toujours plus de sacrifices –, un type de croissance qui dégrade la vie quotidienne et mène au chaos planétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Face à l’inflation et à la flambée des prix du carburant, la Première ministre a annoncé, le 16 septembre dernier, que les distributeurs allaient être autorisés à vendre le carburant à perte pendant six mois. Olivier Véran, porte-parole du Gouvernement, a même immédiatement précisé qu’une telle mesure représentait potentiellement presque un demi-euro en moins par litre. Et puis patatras, tout est tombé à l’eau ! Il faut dire que la grande distribution n’avait pas été consultée et que les principales enseignes ont finalement annoncé, quatre jours plus tard, qu’elles refusaient de vendre le carburant à perte.

    M. Alexis Izard, rapporteur

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    Aujourd’hui, les prix baissent !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Eh oui : la décision leur appartient encore. Elles ont ajouté qu’il s’agissait d’une pratique potentiellement dangereuse que seuls les grands groupes ont la capacité financière d’assumer, mettant de facto les plus petits acteurs face à une forme de concurrence déloyale – elles n’ont pas tort. Il a donc fallu trouver autre chose.
    D’où le présent projet de loi permettant d’avancer le cycle annuel des négociations commerciales afin de faire bénéficier les consommateurs au plus tôt – dès le 16 janvier prochain au lieu du mois de mars 2024 – de nouveaux prix de vente des produits de grande consommation. En effet, selon les prévisions de l’Insee, les prix de gros devraient baisser en 2024 pour un nombre important de produits de grande consommation, grâce aux baisses des prix des matières premières, constatées depuis plusieurs mois maintenant. Mécaniquement, les prix de vente au consommateur devraient également diminuer, d’où l’intérêt d’avancer ces négociations de quelques semaines. Pourquoi pas, si les chiffres n’étaient pas aussi alarmants ?
    L’année 2022 aura malheureusement été celle d’une profonde rupture en ce qui concerne la précarité alimentaire. Toujours selon l’Insee, la proportion de Français en situation de privation matérielle et sociale est passée de 11,3 % à 14 % en 2022, ce qui la situe 1,3 % au-dessus de la moyenne européenne. En voulant déroger exceptionnellement au code de commerce pour avancer d’un mois et demi la date à laquelle les grands groupes industriels et les distributeurs doivent s’accorder pour l’exercice 2024, vous ne nous proposez malheureusement qu’une nouvelle mesure conjoncturelle.
    Et il ne faudrait pas qu’à venir au secours des consommateurs on fragilise encore un peu plus nos agriculteurs, d’autant qu’on ne voit pas un seul endroit en France où des exploitations ne ferment – surtout les plus fragiles et souvent les plus vertueuses. Dans ma circonscription, le désarroi des viticulteurs ne cesse de croître. Parce que la grande distribution rogne ses marges sur les produits de première nécessité, elle les augmente significativement sur des produits considérés comme non essentiels, notamment les vins. Les viticulteurs se voient de fait contraints de vendre leur vin en vrac, en dessous de leur prix de revient. Sans parler de l’effondrement des volumes vendus, de l’ordre de 20 % cette année. Or la grande distribution française représente plus de deux tiers des ventes du vignoble languedocien. C’est vous dire la situation de la filière viticole de notre région.
    Je ne reviens pas sur la concurrence déloyale que représente l’importation des vins espagnols – toujours eux –, dont les négociants se servent pour faire pression, qui bénéficient de règles de production bien plus avantageuses que les nôtres car beaucoup moins contraignantes en matière de normes sociales et environnementales. Entre surtransposition et concurrence européenne, pour beaucoup la situation n’est plus tenable.
    Certaines mesures concrètes et très peu coûteuses comme le balisage des linéaires de la grande distribution pour mieux identifier les vins français ou le contrôle des marges pratiquées dans le domaine de la restauration sur les vins à la carte, se révéleraient des plus vertueuses pour les producteurs : il est donc grand temps de les appliquer.
    Pour conclure, si je regrette que les PME et les ETI, qui constituent la base de notre tissu économique local, ne soient pas prises en compte dans ces négociations qui ne s’adressent qu’aux poids lourds, je voterai bien évidemment ce texte, en espérant son amélioration. C’est une petite pierre bien insuffisante, je le répète, apportée à l’édifice de la protection du pouvoir d’achat des Français. Reste que tout ce qui aide les Français est bon à prendre.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

    Article unique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Grégoire de Fournas.

    M. Grégoire de Fournas

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    Lors de la présentation du texte, madame la ministre déléguée, vous avez dit que la seule question qui se pose à nous est de savoir si nous voulons avancer de quarante-cinq jours la date de fin des négociations, afin d’anticiper d’autant la baisse des prix. Or comme M. Benoit l’a dit, M. le rapporteur lui-même doute que le raccourcissement des négociations entraînera une baisse des prix – ce qui en dit long sur votre degré de conviction vis-à-vis du texte que vous défendez.
    En vérité, madame la ministre déléguée, vous restez fidèle à votre logiciel, qui a prévalu lors de l’élaboration des lois Egalim 1 et 2 et de la loi Descrozaille, et selon lequel il est inévitable d’accroître les prix payés par les consommateurs lorsque nous augmentons ceux payés aux producteurs, et inversement. Pourtant, comme l’indique le Rassemblement national depuis longtemps, entre les producteurs et les consommateurs se trouvent les industriels et les distributeurs, ainsi que les marges qu’ils réalisent.
    Le Président de la République s’interroge enfin sur la modération des marges de ces acteurs. Je rappelle à cet égard qu’en 2013 – en atteste un article du Figaro que j’ai retrouvé , Marine Le Pen demandait que l’État procède « à une vaste opération de contrôle des marges de la grande distribution ». De la même manière, en 2017, sur Twitter, elle déclarait que « nos agriculteurs [étaient] victimes d’une concurrence internationale déloyale et des marges de la grande distribution ». Et il y avait également des mesures concrètes dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022.

    M. Erwan Balanant

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    Oui, mais elle a perdu !

    M. Grégoire de Fournas

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    Il est donc bien dommage qu’Emmanuel Macron et l’ensemble de la majorité prennent autant de temps pour enfin s’atteler à des solutions concrètes.
    Vous avez renvoyé l’étude de nos propositions à plus tard, madame la ministre déléguée, sans en dire plus. En janvier dernier, déjà, lors de la discussion de la proposition de loi de Frédéric Descrozaille, j’avais déposé un amendement visant à imposer la transparence sur les marges de la grande distribution. Alors que cette proposition avait été refusée par le rapporteur, elle est désormais défendue par le Président de la République.
    Quant à vous, monsieur Cazeneuve, vous avez indiqué aborder ce texte avec beaucoup d’humilité. C’est une bonne chose compte tenu de l’indigence de la mesure que vous nous soumettez et du sectarisme dont vous avez fait preuve en déclarant irrecevables l’intégralité des propositions alternatives que nous avions élaborées.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ce n’est pas nous qui en décidons !

    M. Grégoire de Fournas

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    Outre vous montrer humbles, monsieur Cazeneuve, vous devriez aussi avoir honte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Quelle arrogance !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Je ne sais pas si chacun, dans l’hémicycle et en France, mesure le degré d’ineptie que le Gouvernement a atteint, l’improvisation totale à laquelle il se livre alors que des millions de gens ont faim dans notre pays !
    Vous vous dites sans doute que ça craint que des millions de gens aient faim dans ce pays et que, comme vous gouvernez, il faut tout de même faire quelque chose. Mais comme vous refusez de vous attaquer aux profits, à la profitation pour reprendre le terme employé par Delphine Batho, comme vous ne vous en prenez évidemment pas aux multinationales, car vous servez leurs intérêts depuis des années, vous sortez de votre chapeau le raccourcissement des négociations commerciales.
    Ma question est sérieuse : quel économiste, quel institut de recherche digne de ce nom vous a dit que cette mesure ferait baisser les prix ? D’où tirez-vous cette idée ? C’est vraiment un mystère qu’il vous faudra lever aujourd’hui car je ne vois vraiment pas.

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Si vous ne voyez pas, ce n’est pas la peine de parler !

    Mme Aurélie Trouvé

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    J’ai beau chercher, je ne vois pas. Les grands distributeurs que nous avons auditionnés ont dit que, pour l’heure, la seule information qu’ils ont reçue des transformateurs est une hausse des prix. Le patron d’E.Leclerc a parlé d’une augmentation de 15 %, celui d’Intermarché d’une progression de 5 à 10 %.

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Qu’est-ce que vous en savez, vous n’étiez pas là !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Nous avons également auditionné les grands transformateurs, les grandes marques alimentaires et l’Ilec – Institut de liaisons et d’études des industries de consommation – nous a dit il y a quelques jours qu’il n’y aura aucune baisse des prix. L’Insee a aussi indiqué que les prix ne diminueront pas. Voilà où nous en sommes. Où avez-vous trouvé les éléments pour étayer ce que vous proposez avec ce projet de loi ?
    Je le répète, l’improvisation est totale ! Vous nous dites : ça marchera, ou pas… mais vous êtes l’État !

    M. Erwan Balanant

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    L’État, c’est autre chose !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous êtes censés gouverner, or c’est impossible dans une telle improvisation. C’est catastrophique ! Rendez-vous compte du degré d’ineptie auquel vous êtes rendus à force de vous enfermer dans votre idéologie néolibérale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Erwan Balanant

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    C’est dommage de confondre l’État, le Gouvernement et la représentation nationale !

    Mme la présidente

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